La lisière Elfique est en place à la frontière du 27 octobre au 27 novembre . L'entrée ou la sortie du Royaume Elfique sont donc compliquées entre ces deux dates.
Nous jouons actuellement en Octobre-Novembre-Décembre de l'an 7 de l'ère d'Obsidienne (équivalent de l'an 1760 d'Argent).
« Les frontières du moi doivent être durcies avant d'être assouplies. Une identité doit être établie avant d'être transcendée. » Scott Peck
Race :Vampire
Nom :Actaaë
Prénom :Althaïa
Surnom(s) :Jadis, les humains la surnommèrent « la Romantique », qui par extension devint le surnom de la ville qu'elle fonda. Les vampires eux, la surnoment « la dame en armure », et « le serpent de fer », en référence à la façon dont elle se débarrassa du seul rival qui se risqua à l'affronter en combat singulier.
Titre : /
Date de naissance :an 953 de l'âge d'argent
Age réel :800 ans
Age vampirique :761 ans
Lieu de naissance :Née au château de Serrenoire, Empire du Nord-Est, transformée non loin de la ville d'Althaïa
Lieu de vie :Profondeurs du Royaume vampirique
Rang social :noble
Poste/emploi : Mage, membre du conseil, forgeronne vampirique
Guilde :Aucune
Compétences
Spoiler:
« La confiance en soi ne remplace pas la compétence. » Olivier Lockert
Alignement :très maléfique
Arme principale :Les tranchants répartis sur la totalité de son armure, une paire de Demi-lunes en alliage de vif argent et de sélène. Lames incassables et inoxydables, possédant un puissant enchantement offensif (magie de glace) .
Autres objets :Une amulette circulaire en argent, représentant un dragon se mordant la queue, possédant un unique sort de guérison mineur, objet de grande valeur sentimentale. Un livre verrouillé qu'elle porte à la ceinture, « Demonis Arcesso ».
Caractéristiques : :
Physique :
Force physique bon
Agilité moyen
Furtivité : faible
Réflexes Maître
Endurance faible
Résistance moyen
Beauté faible
Mental :
Force mentale : Grand maître
Patience/self contrôle : bon
Perception : très bon
Intelligence : Grand Maître
Arrogance : faible
Gentillesse : faible
Prestance/charisme : Grand Maître
Mémoire : moyen
Combat :
Epée : faible
Dague doubles ou simple : faible
Poignard : faible
Lance : très faible
Armes contondantes : faible
Hache : très faible
Faux : aucun niveau
Fouet : moyen
Art du lancé (poignard, petite hache...) : faible
Art de la parade (bouclier ou arme) : faible
Arc : faible
Arbalète : faible
Mains nues/pugilat : bon
Equitation : Très bon
Totem :mante religieuse
Style de magie principal :Vampirique
Puissance magique innée :très bon
Niveau magique :Maître Mage
Physique et caractère
Spoiler:
« Il n’est description pareille en difficulté à la description de soi-même. » Montaigne
Physique :Du temps où Althaïa était humaine, bien avant d'être baptistrelle, les gens la décrivaient comme une beauté sauvage et singulière. En effet, la nature l'ayant doté d'une grande taille et d'une forte carrure, elle n'avait pas la grâce et l'élégance que l'on imagine pour une jeune noble. N'ayant rien de frêle, même dans ses plus jeunes années, la jeune fille eu l'occasion de s'essayer à divers arts réservés normalement aux hommes. Cependant, ses traits fins, ses long cheveux pâles et ses yeux de chats aux couleurs cristallines lui donnait un air aérien et rêveur. Ce qui la rendait désirable pour bien des hommes. Depuis sa transformation et le terrible accident qui s'en suivi, peu de gens eurent l'occasion de savoir à quoi cette femme ressemble réellement. En effet, les rares fois où Althaïa hôte le masque de fer qui recouvre habituellement son visage, il est bien trop tard pour le mortel qui lui fait face. De même, au sein de la communauté vampirique, une seule personne pourrait véritablement en parler : il s'agit de la petite Dinsheni, une fillette muette et pauvre, transformée par Althaïa pour lui servir de domestique. Les vampires ne connaissent d'elle que ses talents hors norme pour la forge magique, au travers de ses incroyables créations, dont elle se réserve les meilleures pièces. Les seules parties de son corps visibles aux yeux de tous sont ses yeux et ses mains, lorsqu'elle en retire les protections. Deux mains fines et blêmes dont les ongles, taillés en pointe ressemblent à des griffes. Les conseillers eux, ont eu au cours des siècles passés, un aperçu de la prestance de la dame en armure, surnom qui lui fut donné en référence aux armures qu'elle porte constamment, y compris lors des conseils.
Caractère :La Baptistrelle Althaïa était appréciée pour son immense sagesse et son humilité. Malgré un fort caractère qui en a surpris plus d'un, elle était la plupart du temps seule et renfermée, elle ne parlait pas beaucoup et préférait la méditation et la contemplation du ciel étoilé aux longs discours. Elle intervenait rarement dans les affaires de l'empire et ne se mêlait pas de politique comme l'exige son ordre, mais veillait à se faire respecter par tous, et gouvernait avec équité et probité la ville qui porte aujourd'hui son nom. L'art du chant qu'elle développa à cette époque et son harmonie mentale avec la nature lui permet aujourd'hui, malgré la transformation qui annihila tout pouvoir, de ressentir les choses qui l'entoure d'une manière très subtile. Comme un sixième sens, elle anticipe les événements. Elle sait ne faire qu'un avec ce qui l'entoure, autant en matière de camouflage comme le font les vampires, qu'en esprit, ce qui lui permet de ressentir des variations infimes dans son environnement immédiat. Elle n'entend plus les chants, ni ne ressent les vibrations de la nature, mais le peu de mémoire qui subsiste en elle lui donne une compréhension du monde différente de celle des autres vampires. C'est peut-être là l'origine de son dédain envers la majorité des siens, qu'elle juge avec mépris la plupart du temps, pour leur esprit borné et leur incapacité à contrôler leurs actes et émotions. Le venin vampirique a des effets très divers sur les individus qu'il touche. Certains avancent que ces effets sont pour beaucoup liés aux états d'âme de la victime lorsque celle-ci est mordue. Pour Althaïa, la peine et la douleur qui l'ont assailli ont transformé sa personne en une véritable statue de glace. Son intelligence exceptionnelle qui la faisait autrefois tant admirer, n'est aujourd'hui qu'une toile noire d'amoralité, fonctionnant avec l'efficacité d'une machine et la régularité d'un métronome, mue par un fort instinct de conservation. Seul l'objectif à atteindre compte. Le reste n'est rien. Les siens ont appris à leurs dépends que son autorité n'était en rien volée, et qu'il n'y avait rien à attendre d'elle, ni pitié, ni considération, ni même solidarité. Elle ne tolère aucune marque de condescendance et sait s'imposer aux créatures les plus retordes. Car, en tant qu'ancienne baptistrelle, elle ne souffre ni le mensonge, ni la fourberie : c'est un mur au travers duquel on ne peut espérer passer ou tenter de contourner. La loi et la loyauté sont érigés par elle comme les piliers d'une nation qu'elle souhaite inébranlable. Althaïa était une âme solitaire, elle est désormais la solitude incarnée. La romantique n'a plus rien de doux, et s'il lui arrive de jouer la carte de la séduction, ce n'est que pour mieux dévorer sa victime masculine une fois son but atteint. Elle ne supporte que très difficilement la présence de la gente masculine, pour une raison que tous ignorent. La violence et la morgue dont elle peut faire preuve à leur égard contraste fortement avec son détachement habituel. À de très rares exceptions près, elle n'est pas haineuse. Simplement d'une glaciale indifférence.
Mes liens
Spoiler:
«L’amitié, c’est gérer les affinités. L’amour, c’est concilier les différences. » Anonyme
Les membres du conseil : Ils sont ses pairs, elle les surveille, elle veille au grain. Un pas de travers, et elle intervient. Lorenz Wintel : Prince vampire, son chef. Elle lui est loyale, frôlant parfois le fanatisme. Un des rares homme qu'elle supporte. Merithyn Shadowsong : une âme rencontrée à travers le temps, qui se voit confier un secret pour le bien d'Armanda.
Dinsheni : fillette mendiante et muette, transformée par Althaïa pour être sa seule compagne et domestique.
Derrière l'écran
«
Spoiler:
Il y a des visages plus beaux que le masque qui les couvre. » Jean-Jacques Rousseau
Petite présentation :Je ne détaille pas mon identité IRL, comme partout ailleurs sur le web. Je suis étudiante, 21 ans, j'aime énormément lire, écrire, dessiner et peindre, bricoler et pratiquer mes diverses passions, dont l'équitation (la plus ancienne ^^). Je suis passionnée par les sciences, particulièrement la physique et l'astronomie. Ma créature favorite est bien sûr le dragon, ce depuis mon plus jeune âge. Les mondes parallèles, la science fiction et la fantasy ont été mes principaux centres d'intérêts durant mon enfance/adolescence, et j'ai gardé un goût prononcé pour la création, le mystère et la rêverie.
Rythme rp :Très variable : je peux me connecter quotidiennement durant certaines périodes, mais il peut m'arriver d'avoir des problèmes de connexion ou de m'absenter/être indisponible à cause de mes études. En règle générale, je le signale à l'avance. Pour ce qui est de la vitesse des réponses, ça se joue principalement sur mon inspiration du moment, donc assez aléatoire... à voir sur le long terme.
Particularités rp : Je l'avoue sans honte : je suis ici également pour m'améliorer ! J'écris depuis longtemps, mais j'ai rarement eu l'occasion de partager mes écrits. J'espère donc pouvoir m'entraîner parmi des gens qui eux aussi ont l'amour des mots !
Comment avez vous découvert le forum :Par hasard, en cherchant un forum de rp sympa parlant de dragons.
Le code du règlement :ok by Lorenz
Un château sur la montagne:
Aux premiers temps de l'empire Armandéen, alors que les hommes en étaient encore à coloniser leurs nouvelles terres et à se battre pour les garder, une famille de nobles érudits s'établit dans un petit village au nord-est de l'Empire, dans un petit vallon surplombé par un python rocheux. Le patriarche, un certain Tamberlior Actaaë, avait pour projet de faire construire un château au sommet du python. Pour cela, il avait emmené avec lui toutes les richesses de sa vieille famille, et il n'hésita pas à faire valoir ses droits à la terre auprès de l'empereur de l'époque. Ce qui lui fut accordé, à une condition néanmoins : l'extrême est de l'empire était encore peu sûr. Tamberlior se vit donc confier le rôle de seigneur sentinelle : son château devrait être une forteresse capable d'accueillir des soldats pour veiller sur les terres alentours et les villages. Le vieil homme accepta l'offre. Ainsi, une dizaine d'années plus tard, naquit la forteresse de Serrenoire, en référence à la couleur et la forme du python au-dessus des plaines. Un robuste donjon carré sortait de la roche, dominant le village et la vallée de ses 110 mètres. Ses murailles épaisses firent merveilles et la garnison impériale qui s'y trouvait également. La famille de Tamberlior Actaaë s'installa définitivement au château en l'an 824 de l'âge d'argent. Deux générations plus tard, la petite Althaïa venait au monde de l'union de Montwyn Actaaë et Yonna Usdenis. Elle serait malheureusement sa seule descendance. Sa mère, Ydonna Actaaë Usdenis, mage de renom, s'occupa d'elle jusqu'à l'âge de 7 ans, lui transmettant son goût pour le savoir et la magie. Althaïa gardera un souvenir tendre et éblouis de sa mère, et lui devra également ses prédispositions à la magie de haute volée. Ydonna fut appelée en ce temps à la cours de l'empereur en temps que mage de guerre, l'Empire exigeant que ses plus puissants magiciens prêtent main forte à l'armée contre les vampires. La magicienne ne reviendra jamais au château.
Son mari, inconsolable, sombra lentement dans la folie. Il perdit l'appétit, ne trouvait plus le sommeil et ne supportait plus de voir les effets de sa femme disparue dans le château. Il tomba malade. L'un de ses amis, un noble de Gloria, alla mander aux elfes de le soigner. Montwyn Actaaë fut donc emmené loin de sa famille, dans la forêt elfique. La garde d'Althaïa fut confiée à la mère de Montwyn, alors très âgée, et à ses précepteurs : un maître d'arme de la petite bourgeoisie du nom d'Ingord Lakmilain, Esëidel Talenos,un jeune elfe nomade versé dans la magie élémentaire et la botanique, Miranda Gondrial, une érudite originaire de Gloria, et Mathis Ygnorael, étrange personnage se disant maître en équitation et combat à cheval. Ces personnes venus des quatre coins d'Armanda allait forgé tout au long de son adolescence, le caractère singulier d'Althaïa, et lui offrir une vie dont beaucoup aurait rêvé en ces temps troublés. Innocente, insouciante, la petite fille se prit vite d'amitié pour ces grandes personnes amusantes qui lui apprenaient tant et tant de choses. Althaïa adorait apprendre, et si elle se montrait têtue et parfois capricieuse, elle était une enfant sage et réfléchie, très appréciée de son entourage.
L'enfance dorée d'une orpheline:
Ingord avait été choisi par Montwyn lui-même avant qu'il ne sombre dans la folie. Le seigneur du château de Serrenoire mettait un point d'honneur à ce que tous ses descendants, filles comme garçons, connaissent et maîtrisent le maniement des armes, comme il était coutume dans la famille Actaaë depuis les origines. C'est pourquoi le dénommé Ingord avait été choisi parmi cinq maîtres d'armes de l'empire pour enseigner son art à la jeune Althaïa. Il était plutôt petit et trapu, ses membres courts et puissants étaient impressionnants. Il avait en premier lieu accepté le poste uniquement pour le salaire qui allait de pair. Car il n'attendait rien d'une petite fille de 10 ans à peine. Mais après quelques séances mouvementées, il fut obligé d'admettre que son travail lui plaisait bien. Bien sûr, Althaïa n'avait rien d'un farouche guerrier. Très maladroite, même avec des armes de taille réduite, elle peinait à soulever haches et épées, et ses coups étaient d'une lenteur effrayante. Pour autant, sa patience et sa persévérance avait impressionné le vieux baroudeur. Si la petiote était risible avec sa force de petite souris, sa force mentale était sidérante. Elle ne pliait jamais, même lorsque la montagne de muscle la coinçait dans un angle de mur avec une masse d'arme tournoyant au-dessus de la tête. Ingord ne se souvenait pas d'avoir vu un enfant aussi inconscient du danger... ou aussi calculateur. Plus d'une fois, alors qu'il croyait la tenir sans effort, la chipie avait repérer la seule faille dans sa défense et lui avait piqué le menton, le pied, mordu le doigt ou tiré les cheveux juste au bon moment. Ils en riaient beaucoup. Et au final, Ingord ne fut presque pas déçu de voir qu'Althaïa était aussi mauvaise à l'épée qu'à l'arc, car il se rendait bien compte que sa vraie voie était ailleurs. Et ne se doutait pas que quelques années plus tard, elle reviendrait vers lui pour lui demander de lui enseigner un art qu'il avait laissé de côté depuis longtemps.
Esëidel Talenos avait reçu une invitation au château par le biais d'un elfe présent à la cour impériale, connu de la mère d'Althaïa par l'intermédiaire des divers séminaires sur la Magie. Relativement pauvre, bien que les elfes n'en souffrent pas autant que les hommes, il accepta d'éduquer la fillette contre le gîte et le couvert. Mais aussi et surtout en mémoire de la magicienne respectée. Et Esëidel ne fut pas déçu. La jeune Althaïa avait retenue nombre de choses que lui avait conté sa mère sur la Magie et ses applications, elle se révélait brillante en la matière, mais surtout passionnée par le sujet. À tel point qu'elle en venait parfois à abandonner d'autres matières pour venir supplier l'elfe de lui donner des cours supplémentaire, ce qui ne manquait pas de lui attirer les foudres de sa grand mère et de sa gouvernante. Il décida donc de lui transmettre son savoir en botanique, une matière où beaucoup d'elfes excellaient de façon innée. Là encore, Althaïa se montra fascinée par ce que lui enseignait son maître, à la plus grande joie de celui-ci.
Les choses furent différentes auprès de Miranda Gondrial. En tant que femme de la bourgeoisie Glorienne, Miranda avait de l'expérience en tant que préceptrices dans les familles nobles. Elle se montra d'entrée sèche et autoritaire envers l'enfant, à laquelle elle était chargée d'enseigner l'écriture et étude des langues, l'histoire du peuple Armandéen et d'Armanda, ainsi que l'art de la rhétorique, l'économie et les mathématiques élémentaires. Des matières qui ne rendirent guère enthousiaste une Althaïa qui avait horreur d'être rabaissée constamment. Pourtant, malgré les nombreuses altercations houleuses avec son professeur revêche, elle s'acharna à étudier, repensant en son fort aux paroles de sa grand-mère : « Un être intelligent est un être qui n'ignore rien de ce qui peut lui être utile, qui voit au delà de la première apparence des choses, et qui en tire toujours le meilleur parti. » Des années durant, elle aligna des lignes et des lignes de connaissances jusqu'à plus soif. Elle n'en retiendrait pas la moitié, mais sa maîtrise du langage écrit et oral s'en trouvait décuplée, de même que sa patience et sa maîtrise mentale. Miranda ne se plaignait pas du travail d'Althaïa, uniquement de son comportement. Elle jugeait la fillette trop indisciplinée, voire insolente. Ce qui la mettait constamment en désaccord avec les autres précepteurs, qui affirmaient qu'au contraire, Althaïa était exemplaire. C'est ainsi que la jeune noble apprit l'histoire de son peuple, mais aussi l'existence du royaume elfique, ce qui lui fit bombarder de questions Esëidel, puis de celui des vampires, créatures effroyables qu'il ne fallait croiser pour rien au monde, et dont il fallait se méfier comme la peste. Cette perspective traumatisa un temps Althaïa, qui en fit des cauchemars.
Son dernier précepteur, fut certainement celui qui la marqua le plus. Il prétendait s'appeler Mathis Ygnorael et être écuyer dans les écuries impériales. Prétendait. Très vite, un instinct étrange poussa Althaïa à découvrir qu'il mentait. Cela ne la dérangea pas outre mesure, cela piqua surtout sa curiosité sans borne au vif. Elle ignorait pourquoi. Néanmoins, elle voulait savoir. Mathis rit lorsqu'elle le lui demanda et nia tout en bloc. Elle aimait ce jeune homme bizarre aux yeux dorés et au regard malicieux. Il montait très bien à cheval, pourtant quelque chose dans sa façon d'enfourcher sa monture indiqua à la petite fille que cette habitude n'en était peut-être pas une. Mathis savait aussi très bien raconter toutes sortes d'histoires dont raffole l'imagination débordante des enfants. Des histoires de légendes, de combats épiques, de secrets oubliés, d'un autre temps, de créatures fantastiques... Mathis parlait des Dragons. Il en parlait si bien, que l'on aurait pu croire qu'ils les avait vraiment vu. Althaïa aussi, aurait aimé en voir un, mais son maître lui apprit qu'ils étaient en train de disparaître, et qu'eux aussi, bientôt, ne serait plus qu'une légende. Cela acheva de rendre Althaïa profondément malheureuse.
Quand passe l'été:
Les années passèrent et Althaïa devint une adolescence morose, malgré la vie trépidante qu'elle menait. Elle connaissait les bonnes manières et savait tenir son rang, toujours avec ce charmant sourire et l'éclat limpide de ses yeux, mais lorsqu'elle se retrouvait seule, à contempler les étoiles dans la nuit froide, son sourire s'envolait, la joie s'évaporait comme dans un rêve touchant à sa fin. Et l'histoire d'Armanda et des dragons, pourtant conté sur un ton désinvolte, lui apparaissait comme une vérité atroce impossible à accepter. La magie ne pouvait pas disparaître, Althaïa en était persuadée, elle était le fondement même des choses. Alors pourquoi ? Elle venait se recueillir devant le ciel au sommet du donjon de Serrenoire, et plus que jamais se demandait si vraiment, sa place était ici. Elle, se sentait comme une pièce rapportée, mal dans sa peau. Longtemps, elle s'interrogea : voulait-elle réellement devenir l'héritière des Actaaë et régner sur ce petit bout de monde, en regardant le reste dépérir autour ? Au fond, son instinct lui soufflait que non, mais sa raison, si puissante, lui imposait la réponse : « Je n'ai pas le choix. » Althaïa en souffrait. Elle n'aimait pas porter de toilettes sophistiquées ni de bijoux, trop encombrants. Elle voulait être libre. Elle ne voulait pas partir pour Gloria et la cour, elle n'en avait que faire. Elle ne voulait pas non plus être contrainte de fréquenter cette foule d'hommes et de femmes de tout le pays qui se pressaient au château pour obtenir Dracos sait quoi.
Althaïa Actaaë garda ses réflexions et toute sa souffrance pour elle jusqu'au jour de ses 15 ans. Elle était alors devenue une grande fille élancée aux épaules larges et aux hanches étroites. Plutôt nerveuse, elle possédait une musculature déliée qui lui permettait d'endurer les entraînements de plus en plus exigeants de maître Ingord. Celui-ci avait abandonné définitivement l'idée de lui faire manier une claymore ou une hallebarde. Il avait choisi de la spécialiser dans le corps à corps, où ses réflexes surprenants faisaient merveilles. Elle ne lui arrivait toujours pas à la cheville, mais il aimait la façon dont elle décrivait ses cercles autour de lui, l'agilité avec laquelle elle dégainait une dague. Ingord ne pouvait s'empêcher d'avoir l'image d'un gigantesque serpent faisait des nœuds pour l'étouffer. Elle, riait toujours autant des combats aussi déséquilibrés. Elle ne craignait pas la douleur, même si certains coups de pieds bien placés lui coupait le souffle en l'envoyant au sol. Ce qui lui attira les compliments des soldats venus assister aux entraînements. Ingord n'arrêtait pas de lui répéter qu'elle devait se déplacer plus vite, être plus mouvante et moins statique dans ses frappes, Althaïa avait l'intime impression qu'il lui demandait la lune. « Tu dois être en accord avec l'arme que tu utilises. » Ce qui n'était absolument pas le cas. Plusieurs fois, elle avait été tentée de mettre un terme au combat d'un seul sort. Mais sa droiture le lui interdisait. Cette sensation d'être face à un mur qu'elle ne pourrait franchir brisa son masque de gaieté. Elle ne pourrait jamais sauver sa peau devant qui que ce soit. Son père aurait honte d'elle. Ingord remarqua son trouble et le jour suivant, il tenta de lui parler. Très réservée, Althaïa fut très évasive. C'est alors qu'elle remarqua, devant la maison du précepteur, un marteau posé sur une grosse enclume. Le maître d'arme lui avoua qu'avant de devenir ce qu'il était aujourd'hui, il avait étudié l'art de la forge et travaillé dans l'armée impériale au poste de forgeron-maréchal ferrant. Althaïa se montra particulièrement intéressée, elle avait appris nombre de choses sur les métaux avec l'aide d'Esëidel. La jeune héritière, après une vague hésitation, lui demanda s'il accepterait de lui apprendre à fabriquer une arme. Surpris par sa demande, Ingord la dévisagea, manquant de rétorquer qu'une telle activité nécessitait une bonne musculature et beaucoup d'endurance. Sous-entendu, ce qu'elle n'avait pas. Néanmoins, après huit ans d'enseignement au château, le vieux forgeron savait à quel point rien ne pouvait détourner la gamine du chemin qu'elle se donnait. Il accepta. Althaïa mit longtemps à maîtriser son marteau. Mais à la différence d'une épée ou d'une hache, le geste était régulier et identique. Après avoir souffert le martyr des mois durant à cause du poids de l'outil, ses muscles se durcirent et s'affermirent. Sa détermination était sans faille : comme pour les arts magiques, il y avait dans cette activité un écho fait à son âme, quelque chose de profondément apaisant. Elle se laissait bercer par le bruit des coups en rythme, fredonnant quelques airs connus de sa région. Elle forgea d'abord uniquement de petites pièces très simples, des clous ou des crochets, puis vinrent les fers, qui nécessitèrent bien plus d'application. Enfin, vint le jour ou Ingord lui demanda de forger une épée courte à une main. Tout un symbole, car comme il s'attacha à le lui expliquer, dans les guildes de forgerons, forger sa première arme était le signe de l'acceptation de l'apprenti en tant que membre à part entière. L'arme qui sortit de ses coups n'aurait pas taillé un sac de chanvre, mais Althaïa rayonnait de fierté à sa vue.
Où l'on voit un dragon:
Parallèlement à sa découverte de la forge, Althaïa avait harcelé son précepteur elfe pour qu'il lui enseigne l'astronomie, un domaine qui l'avait toujours fait rêver, mais que l'elfe avait jugé trop difficile et trop abstrait pour son jeune âge. Elle lui donna comme argument que, d'ici peu, elle serait sommée de partir pour Gloria pour être introduite à la cours - ce dont elle n'avait nulle envie – et qu'elle devrait sûrement abandonner ses études après cela. La tristesse perçant à travers sa voix avait touché l'elfe plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Il demanda à s'absenter du château pour une semaine, et revint la semaine suivante au château, accompagné d'un vieil elfe aux longs cheveux blancs. Esëidel fit les présentations sous le regard intrigué des gardes qui veillaient sur la famille Actaaë. L'elfe ne sembla pas remarquer la façon dont les humains le dévisageait. Il souriait de façon calme et polie, là où la plupart de ceux de son espèce se seraient montrés hautains et passablement irrités. Althaïa, elle, ne comprenait pas d'où l'elfe pouvait être « vieux ». Il paraissait à peine plus âgé qu'elle... Le Cawr Tuëryn Daenae était une vieille connaissance des parents d'Esëidel et avait accepté la demande que ce dernier lui avait faite : instruire Althaïa dans les domaines de l'astronomie et de la magie éthérée. La grand-mère d'Althaïa, désormais si faible que ses jambes ne la portaient plus, posa à l'elfe une unique question : « Pourquoi ? ». Tuëryn s'inclina légèrement devant la vieille dame, et déclara d'une voix parfaitement claire : « Pour la simple raison que je sais de source sûre que ma place, en cet instant précis, est ici et nulle part ailleurs en ce monde. » Cette réponse confirma la première impression d'Althaïa, à savoir que ce singulier personnage avait une étrange idée derrière la tête. Elle n'avait connu que très peu d'elfes, hormis Esëidel, qui lui-même avait vécu longtemps parmi les hommes et non dans la forêt elfique. L'impression qui se dégageait du « Cawr », comme son précepteur l'appelait, était tout à la fois merveilleuse et effrayante. Althaïa se dit alors qu'il devait en être ainsi de tous les 'vrais' elfes... Elle aimait son regard doux et rassurant, même si sa raison lui indiquait qu'il fallait toujours se méfier des gens trop souriant. Esëidel semblait euphorique pour quelque obscure raison. Althaïa ne l'avait jamais vu aussi joyeux. Elle prit le jeune elfe à part, lui confiant un sentiment qu'elle avait prudemment gardé pour elle : si Tuëryn Daenae prenait la fin de sa « formation » en charge... cela signifiait-il que lui allait partir et l'abandonner ?
La question déstabilisa Esëidel, qui ne sut quoi répondre. Althaïa était inquiète. Esëidel réalisa alors qu'il ne lui avait jamais parlé des Baptistrels et de la magie Baptistrale. Miranda Gondral avait rapidement abordé le sujet lors des cours sur l'histoire du continent armandéen, mais s'était bien gardée d'approfondir un sujet qu'elle ne maîtrisait pas. L'elfe dévoila à Althaïa la véritable nature du personnage qui lui avait été présenté et ce que cela signifiait réellement. Il lui expliqua aussi le titre de Cawr. Il tenta de lui faire comprendre que la décision de Tuëryn Daenae le dépassait de beaucoup, qu'à l'origine, il était allé trouver le Baptistrel uniquement parce qu'il le savait bien plus compétent que lui pour réaliser le vœu de la jeune fille. Les elfes sont des être fiers qui n'aiment pas être pris en défaut. Esëidel lui avoua qu'il n'aurait pas supporté de se trouver dans l'incapacité de lui apprendre ce qu'elle désirait, car depuis qu'il était entré au château, l'elfe avait toujours rempli sa mission sans défaillir. Ce qui désormais ne pourrait plus être le cas. Althaïa lui indiqua qu'il s'éloignait du sujet, à savoir, s'il comptait partir de Serrenoire, pour repartir en Armanda. Esëidel se tut, avant de lui confier qu'il n'avait jamais eu l'intention de rester éternellement. En revanche, il promit de revenir aussi souvent que possible, et qu'il serait un ami fidèle aussi longtemps qu'il vivrait. La jeune fille sourit malgré sa peine, car elle savait pertinemment qu'il lui survivrait de plusieurs siècles. Autant dire une éternité.
Althaïa savait déjà ce qu'était un Baptistrel. Non pas grâce au cours d'histoire, très succin, mais grâce aux récits de Mathis. Et ce fut dans ses bras qu'elle courut se réfugier lorsqu'Esëidel quitta Serrenoire la mort dans l'âme. Le destin l'appelait ailleurs.
Ce qu'Althaïa ne sut jamais, c'est qu'au moment même ou Esëidel Talenos s'éclipsait de sa ligne de vie, un messager quittait la forêt elfique porteur d'une tragique nouvelle, qui ne parviendrait jamais à destination.
Mathis ne sut que faire devant tant de peine : d'abord parce qu'aussi loin qu'il se souvienne, il n'avait jamais vu Althaïa pleurer, ensuite, parce que lui même avait vu ses larmes se tarir des années auparavant. Il se savait maladroit, pour autant, il fit de son mieux pour la consoler, essayant de lui faire reprendre le contrôle de ses émotions. Lorsqu'elle se détacha de son épaule qu'elle avait copieusement inondé, l'homme remarqua qu'elle ne portait ni bijou, ni effet personnel. Il tira une longue chaîne argentée de dessous sa chemise, avec à son extrémité un médaillon circulaire. Il le regarda longtemps, mélancolique, avant de retirer la chaîne d'un geste vif et précis. Althaïa le dévisagea, perplexe, lorsqu'il la lui tendit. « Je sais que tu n'es plus une enfant et que tu ne crois plus à mes histoires depuis longtemps. Mais j'aimerais qu'une dernière fois, tu regardes cette chose avec ta naïveté d'autrefois. Tu vois le motif gravé dans ce cercle ? C'est un très vieux symbole. C'est un dragon ? En effet. Un dragon qui se mord la queue. Amusant, non ? Un peu comme un esprit qui tourne en rond. Ce bijou, je l'ai hérité de ma mère. Et quand elle me l'a donné, elle m'a raconté une petite histoire. À mon tour, je vais te la raconter, et toi, tu pourras faire de même lorsque tu auras des enfants, et ainsi de suite. Mais, je ne suis pas ta fille ! Non. Mais pour moi, c'est tout comme. » Althaïa tressaillit. Elle revit son père, blême et amaigri, disparaître derrière les rideaux du carrosse elfique qui l'emmenait à l'autre bout du monde. Il n'était jamais revenu la voir, et elle, n'avait jamais quitté Serrenoire. L'homme qu'elle avait en face d'elle l'avait vu grandir, avait bâti son imaginaire et lui avait appris à monter à cheval. Son vrai père l'aurait-il fait ? Montwyn avait horreur des chevaux et n'allait jamais à la chasse... Aurait-il changé, le jour où il reviendrait ? Elle l'espérait. Sa main se referma sur le médaillon avec force. Mathis lui sourit, lui fit signe de s'installer sur l'herbe. La mère de Mathis aurait fort bien pu être n'importe qui, car son histoire semblait se répéter depuis la nuit des temps : « Il y a dans les cieux, une paire d'ailes pour faire souffler le vent. Il y a dans l'océan, une queue pour brasser l'eau qui tangue sur les plages. Il y a sous nos pieds, des griffes pour faire trembler le sol lorsque bouge la terre. Il y a dans l'éclair, les flammes rugissantes qui détruisent la vie pour la laisser de nouveau éclore. Mais quand tombera la nuit, se replieront les ailes, s'enroulera la queue, s'apaiseront les griffes, s'éteindront les flammes, dans votre sommeil, enfants, ne subsisteront que les yeux, brillants comme autant d'étoiles, veillant sur votre monde endormi. »
« Ce symbole, mon peuple, les ancêtres des humains qui vivent ici aujourd'hui, l'appelaient l'Ouroboros, la vie infinie, ou le cycle éternel. Ils croyaient réellement que les dragons étaient les dieux créateurs de notre monde, et que leur vue était source intarissable de bonheur. Ce que ma mère m'a dit à propos de cette petite comptine, c'est qu'il s'agissait en réalité d'une sorte de prophétie. Elle prétendait ne pas y croire, vu le nombre incalculable de mythes que les humains inventent. Mais moi, j'y ai cru. Peut-être parce que j'étais très jeune. Et aussi parce que j'ai eu la chance de croiser ces créatures extraordinaires. Par contre, je n'ai jamais compris la façon dont on était censé interpréter la prophétie. Est-ce que le monde s'arrêtera lorsque les dragons s'endormiront ? Est-ce que ce sont les humains qui s'endormiront ? Où est-ce que je me fourvoie complètement ? En fait, je m'en moque. La seule chose qui est sûre, c'est que cette médaille est très ancienne, et porteuse de valeurs positives. Les dragons veillent sur nous, j'en suis convaincu. Je l'ai portée toute ma vie comme un vrai porte-bonheur et comme souvenir de ma famille. J'aimerais qu'il en soit de même pour toi. Pour que lorsque tu poses les yeux sur ce dragon, tu emportes avec toi tout le bonheur du monde, même lorsque ton esprit sera triste. » Althaïa le remercia, une étincelle dans le regard. Il était la seule personne capable de lui faire avaler les pires salades sans risquer de la mettre en colère. Elle lui était infiniment reconnaissante de l'énergie qu'il déployait pour la rendre heureuse. En glissant le médaillon dans une poche de sa veste de velours, elle le regarda, faisant secrètement le serment de découvrir la vérité concernant la prophétie de ses ancêtres, pour pouvoir un jour lui faire le bonheur de lui affirmer, haut et fort, qu'il avait toujours raison d'y croire. Lorsque le regard d'Althaïa avait glissé sur Mathis à l'improviste, elle avait cru apercevoir une drôle de blessure au creux de sa main droite. Le jour déclinait, la jeune fille se raisonna en pensant à une ombre mal interprétée. Son imagination lui jouait des tours, c'était complètement absurde. Son précepteur n'avait jamais rien eu à la main droite. Comme elle put le constater à loisir les jours suivants.
Dernière édition par Lorenz Wintel le Ven 25 Oct 2013 - 19:00, édité 1 fois
Lorenz Wintel
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Sujet: Re: Althaïa ACTAAË Ven 26 Juil 2013 - 15:03
La vie d'une étoile:
Elle était remontée. Ce fut au sommet que Tuëryn la trouva. Bien mal en point, mais radieuse. « J'ai compris une chose aujourd'hui. » L'elfe leva un sourcil. « Vraiment ? Alors, je ne suis pas si inutile que ça, en fin de compte. » Althaïa manqua de rougir en pensant que la personne en face d'elle ne pouvait proférer que des vérités. Complètes ou non, mais des mots infalsifiables. Qu'espérait-il donc lui faire apprendre ? Elle n'était pas apprentie baptistrelle, et seule la demande d'Esëidel faisait qu'il se trouvait à Serrenoire plutôt qu'ailleurs. L'elfe lui indiqua que le cours était terminé. De retour au château, il ne restait guère qu'une petite heure avant la nuit, mais malgré ses blessures, Althaïa ne voulait pas en gaspiller la moindre seconde. Elle trouva Mathis aux écuries, en train de panser l'un de ses chevaux d'un air rêveur. Quand il s'aperçut de sa présence et de son état lamentable, il s'en inquiéta. Althaïa le rassura d'un seul regard, et avant qu'il n'ait pu ouvrir la bouche, elle avait saisi la bride accrochée à côté de la porte et la lui balança entre les mains. « J'ai besoin d'une leçon, maître écuyer. Maintenant ? Mais il va faire nuit ! Justement. Je veux voir quelque chose. » Un léger clin d'œil désarçonna le meilleur cavalier du château, qui pourtant en avait vue d'autres. Qui était-il pour refuser quoi que se soit à l'héritière ? Althaïa sella le cheval et tous deux se dirigèrent vers l'esplanade herbeuse au pied de la muraille où se déroulaient habituellement les cours de longe. Mathis s'avança à savoir ce que voulait étudier Althaïa à une heure aussi tardive. Elle regarda le soleil en train de décliner. « J'aurais d'abord besoin d'un peu d'aide pour monter, mes mains me font souffrir. » Sans se douter du piège, pourtant énorme pour qui aurais su lire le regard d'Althaïa, l'écuyer s'approcha pour lui faire la courte échelle... tendant ses deux paumes ouvertes vers elle. Et Althaïa sut qu'elle n'avait eu aucune hallucination ce soir là, au soleil couchant. Une trace ambrée courrait sur toute la largeur de sa paume droite, présentant des endroits plus sombres. Elle se figea et recula, les bras croisés et le regard brillant. Mathis, perplexe, haussa les épaules. « Main droite. » Le ton de sa voix était méconnaissable. Mathis cligna des yeux, se redressa lentement, peu sûr du comportement à adopter. « Quoi ? Votre main droite. Regardez-la. » Le vouvoiement le blessa autant qu'un coup de fouet au visage. Althaïa le sentit se décomposer à vue d'œil. Tant pis, elle devait en être sûre. « Elle n'est pas visible le jour, cette cicatrice. Pourquoi ? » Mathis ouvrit la bouche pour la refermer aussitôt. Il semblait sincèrement surpris. Estomaqué était le mot exact. Il regarda l'intérieur de sa main avec anxiété. Puis reporta lentement son regard sur elle, les yeux ronds. « Tu... peux... la voir ? » Althaïa haussa les épaules. « Il faut une aptitude spéciale ? Je l'ignore, déglutit Mathis, tu es la seule personne, humain et elfe confondus, qui n'ai jamais réussi à la voir. » Cette fois, ce fut Althaïa qui accusa le coup. « Vraiment ? Je ne sais si je dois m'en sentir flattée. Qu'est-ce que c'est ? Tu es dragonnier ? C'est cela? » La surprise fit exploser les nerfs de Mathis qui partit d'un énorme fou rire. Il fut incapable d'aligner une phrase sensée. « Je sais que tout être étant touché par un jeune dragon destiné à être lié porte une cicatrice ineffaçable à l'endroit où le contact a eu lieu. La forme de ta cicatrice le laissait penser. Tu es la personne que je connaisse qui en sache le plus sur les dragons. Et ce n'est pas rien. » Lorsque Mathis parvint à se calmer, la première chose qu'il fit fut un drôle de geste de la main gauche. « La cicatrice d'un dragonnier reste à jamais visible, même si elle s'atténue avec le temps, répondit-il, la mienne est d'une toute autre nature. » Visiblement, il ne tenait pas à en dire plus. Althaïa ne lui en laisserait pas le loisir. « Et donc ? De quoi s'agit-il ? D'un sortilège mal calculé ? D'une malédiction ? Ou d'une bénédiction peut-être ? » Mathis leva les yeux au ciel. « Eh, étonnant de la part de la jeune fille la plus cultivée de toute la frontière Est de cet empire ! Les malédictions et les bénédictions ne laissent pas de cicatrices. Et je ne me risquerais pas à la magie vu mon niveau dans cet art. Même un ours serait plus habile que moi. Détrompes-toi, c'est tout à fait possible, du moment que le lanceur est suffisamment maladroit. » L'homme semblait mal à l'aise, cherchait certainement une bonne excuse pour ne pas parler, ou peut-être une histoire suffisamment crédible pour cacher la vérité. Althaïa aurait payé cher pour qu'il soit baptistrel en cet instant. Ainsi, elle n'aurait eu aucun doute sur sa parole. « Je sais ce que tu penses, dit-il après un long silence, que je te cache quelque chose, ce qui est absolument intolérable à tes yeux, surtout après tant de temps. Pour autant, tu l'as soupçonné dès notre première rencontre et tu as vécu avec tout ce temps. Mon contrat en tant que précepteur incluait-il que je devais tirer un trait sur ma vie privée ? Avoir en permanence ton œil au-dessus de ma tête et n'avoir plus aucun secret ? Je n'en ai pas le souvenir. Autant que je sache, je n'ai jamais cherché à élucider tous tes mystères, et ils sont plus nombreux que tu ne l'imagines. Je n'ai pas non plus tenter d'utiliser la force ou la ruse pour connaître ton passé ou celui de ta famille. Alors, dame Actaaë, n'essayez pas d'aller là où vos pieds n'ont pas à se trouver. Il y a parfois où renoncer apporte beaucoup plus que de s'obstiner. Or, sans vouloir vous offenser – elle nota que l'accentuation du « vous » donnait à penser le contraire – vous avez une fâcheuse tendance à vous buter devant le moindre obstacle. Ce qui m'a toujours étonné de la part d'une jeune fille aussi intelligente. Et votre acharnement à vouloir tout savoir sur tout pourrait bien vous desservir un jour. » Le compliment ne suffit pas à lui faire avaler la couleuvre. Mathis le savait. Althaïa avait toujours eu beaucoup d'amitié et d'admiration pour lui. Le seul fait qu'il lui dise certaines vérités en face, après tant d'année à les lui cacher, la blessa profondément. Elle ne sut si c'était à cause de cette marque étrange, ou parce qu'il avait préféré se taire plutôt que d'être franc, mais elle sentit monter en elle un sentiment de colère froide qui lui était jusqu'alors inconnu. Le maître écuyer s'approcha du cheval, saisit doucement les rênes qu'il passa par dessus l'encolure. Il semblait prendre la mesure de tous les sous-entendus que contenaient ses paroles. « Je suis désolé, finit-il par lâcher, j'aimerais simplement que vous ne parliez jamais à personne de cette marque. Elle fait partie de mon passé, que j'essaye vainement d'oublier. La place offerte par votre père m'a permis d'aller en ce sens. En vivant ici, j'ai découvert d'autres faces de ma personnalité, et je vous en remercie. Je réclame simplement le droit de me taire. » Il s'éloigna, suivi par le destrier docile. Althaïa resta seule, avec les derniers rayons du soleil. Au fond, elle sut qu'entre son maître et elle, l'harmonie s'était brisée et que jamais plus elle ne pourrait recoller les morceaux. Ce constat lui laissa un goût amer.
Pour cette raison, la jeune fille ne monta pas directement dans sa chambre comme elle l'aurait fait, mais se hissa jusqu'au petit observatoire qu'elle s'était fait installer jadis au sommet du donjon. Il y avait là une lunette, un objet rare et d'une valeur inestimable, même pour une personne de son rang. Elle n'était constituée que de trois tubes télescopiques en alliage de cuivre contenant chacun une lentille de verre poli. Très rudimentaire, mais la science n'était pas la préoccupation des armandéens de l'époque, même dans les hautes sphères des études magiques, on s'en tenait au parchemin et aux runes. Althaïa, elle, aimait cet instrument à la fois pour ce qu'il était, un bel objet, et pour ce qu'il permettait : observer au-delà du monde. Les petits point lumineux qui couvraient la voute céleste lors des nuits froides se paraient d'un coup de couleurs extravagantes, dévoilant tout un tas de détails impossible à distinguer à l'œil nu. Althaïa s'était mise à imaginer les corps célestes comme autant d'êtres vivants et conscients, regardant le monde depuis leur poste éloigné. Lorsque sa grand-mère lui avait un jour parlé des esprits des éléments, Althaïa les avaient directement mis en relation avec ce qu'elle avait observé dans sa lunette. Durant ses solitudes mélancoliques, elle leur parlait à voix haute, espérant vaguement être écoutée. Elle laissa ses larmes si jalousement retenues rouler sur ses joues. Une page était en train de se tourner, elle le savait, à présent.
Tout à sa rêverie éveillée, elle ne vit pas l'ombre derrière elle, qui la fixait en silence depuis plusieurs minutes. Cependant, elle sentit une présence dans son dos. Elle finit par se retourner. Tuëryn était là, ses longs cheveux clairs ondulants autour de son visage calme. Il portait à la ceinture un étrange instrument de musique, du moins Althaïa l'identifia comme tel. L'elfe n'affichait pas son habituel sourire serein, mais au contraire une expression de profonde tristesse. La jeune fille s'empressa de sécher les quelques gouttes salées qui ruisselaient encore sous ses yeux, tentant un vague sourire qui n'aurait convaincu personne. « Althaïa. Même les étoiles meurent un jour. Rien en ce monde n'est immuable. Le tout est de savoir l'accepter. » Elle le regarda avec une lueur de surprise : de quoi voulait-il parler ? Le vieil elfe laissa s'échapper un léger soupir avant de sortir de l'ombre d'un pas trainant. Il désigna la lunette devant la fenêtre. « Contempler l'illusion d'immortalité ne rend pas immortel celui qui contemple. Cesse de te morfondre dans les abysses de l'inaccessible. Vit l'instant présent. » Simple à dire pour une créature qui pouvait vivre un millénaire sans souffrir des outrages du temps. Comme s'il avait lu ses pensées, Tuëryn eut un léger rictus. « Oui, je suis certainement très mal placé pour dire cela à une humaine qui n'aura jamais le quart de ma longévité. Cependant, j'ai suffisamment voyagé pour savoir que, quelque soit notre espèce, nous ne devons jamais oublié que nous vivons tous dans le même espace-temps. Nous partageons les mêmes terres, nous respirons le même air. Même les océans sont pour nous identiques. Ce qui diffère, en revanche, c'est la façon dont nous appréhendons le monde à travers nos sens et nos esprits. » Althaïa profita d'un rayon de lune pour observer ses traits, qu'elle n'avait jamais pris le temps de détailler, contrairement à lui. Quel âge pouvait-il bien avoir ? C'était impossible à dire, ses seules rides étaient quelques légères pattes d'oies aux coins de ses yeux en amande. Esëidel s'était contenté de dire qu'il était « vieux et sage ». Sage, elle n'avait aucun mal à le croire. Mais que pouvait bien signifier 'vieux' pour un elfe ? Un humain aurait dit quatre-vingt ans. Pour eux en revanche, deux cents ans, c'était jeune. Peut-être avait-il vécu mille ans, auquel cas elle n'osait imaginer tout ce qu'il avait eu le temps de faire durant une si longue vie ! Elle n'arrivait même pas à imaginer à quoi on pouvait bien penser à un âge pareil. Seule certitude, il restait bien plus beau que n'importe quel jeune humain. La jeune fille en éprouvait même une certaine jalousie. La méfiance et l'inconfort qu'il lui avait inspiré les premières semaines se dissipaient. Elle appréciait sous un autre jour son air aérien, son calme à tout épreuve, sa joie de vivre et ses silences lourds de sens. Il n'avait pas le comportement suffisant et maniéré de tous les ambassadeurs ou itinérants qu'elle devait fréquenté durant leurs visites au château. Il y avait chez lui une telle simplicité, qu'elle avait du mal à voir en lui un représentant des plus puissants mages de tout Armanda. D'ailleurs, l'elfe limitait au strict minimum l'usage de la magie, et rares étaient les fois où Althaïa l'avait vu pratiquer des rituels de son ordre aux yeux de tous. Jamais, depuis plus d'un mois qu'il résidait à Serrenoire, il n'avait utilisé son instrument. Althaïa pensa qu'il devait en souffrir, même s'il n'en laissait rien paraître. Elle ignorait la raison de sa retenue. Car de mémoire, rien n'interdisait aux baptistrels d'utiliser la musique et le chant dans leur vie quotidienne. L'elfe lui lança un regard en biais. Attendait-il qu'elle parle ? Mais elle n'avait rien à dire. « Tu aimes les étoiles ? » Elle fut surprise. Endiguant d'entrée son envie de tourner la question dans tous les sens avant de répondre, elle se contenta de faire parler son cœur. « Elles sont mes meilleures et seules amies. » Quelque chose dans sa propre voix semblait brisé. Elle s'en voulut. Tuëryn lui sourit. Un sourire triste, mais un sourire. « Je m'en doutais. Tu es une jeune fille magnifique Althaïa. Tu rayonnes autant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Seulement, tu n'y crois pas toi-même. Tu te regardes dans un miroir : tu n'y vois que du vide. » Elle ne sut où se mettre. Pourquoi lui dire cela maintenant ? Avait-il assisté à son altercation avec Mathis ? Cherchait-il à l'éprouver encore ? Pourquoi ? Il ne pouvait pas mentir. Althaïa sera les poings, sentant les larmes remonter. Avait-il seulement une idée de ce qu'il faisait ? Elle n'avait pas envie d'entendre cela. Et certainement pas de la part d'un baptistrel ! Mais Tuëryn n'en avait visiblement pas terminé. « Tu es à l'aube de ta vie. Ce que tu as vécu entre ces murailles n'est rien comparé à ce qui t'attend à l'extérieur. Je fais de mon mieux pour te donner les outils qui t'aideront à te bâtir. Le reste, c'est à toi de le découvrir. » Althaïa profita de son silence pour s'approcher, planta son regard dans le sien et demanda, d'une voix plus forte qu'elle ne l'aurait voulu : « Pourquoi avez-vous accepté de venir m'enseigner à Serrenoire ? Pourquoi un baptistrel comme vous en a quelque chose à faire de... quelqu'un comme moi ? Je ne suis qu'une petite noble de province, dont le château se trouve à des centaines de kilomètre des villes impériales. » Tuëryn leva les sourcils. Il n'y avait pas d'agacement dans son regard, même si la question lui avait été posée des dizaines de fois. Il posa la main sur son épaule sans détourner le regard. « Je crois que tu as déjà la réponse, Althaïa Actaaë. Pour que j'ai eu raison de te faire confiance, demain, tu devras me le prouver. »
« Demain, je... -Je sais que ton devoir t'appelle. Néanmoins, tu viendras. Cela ne sera pas aussi long que les dernières fois. Il se pourrait même que se soit extrêmement court. »
L'héritière des Actaaë:
Le lendemain, le programme d'Althaïa était de ceux qu'elle exécrait. Son conseiller, une personne qu'elle n'appréciait pas et qu'elle évitait la plupart du temps, lui faisait la lecture des cahiers de doléances, l'informait des nouvelles de l'empire et de la cour – où elle espérait secrètement ne jamais avoir à mettre les pieds - l'aidait dans la comptabilité et lui donnait ses rendez-vous avec les personnalités qui désiraient la rencontrer. Cela aurait pu être un jour simplement désagréable. Ce fut le pire de toute sa vie.
Un messager fut annoncé par les gardes. Il portait le blason impérial. Lorsque l'homme fit face à Althaïa, il s'inclina plus que raison, encore essoufflé de sa course, et lui tendit une missive cachetée, visiblement maltraitée durant son voyage, fort long. Le cachet, à son grand étonnement, n'était pas celui du palais impérial comme elle l'avait cru, mais celui de l'impératrice des elfes. À qui elle n'avait jamais eu à faire... Elle brisa délicatement le sceau et déroula le parchemin. Quelques secondes après, une lamentation à fendre l'âme résonna dans tous le château, fit sursauter les sentinelles sur le chemin de ronde, se propagea jusque dans la plaine. Montwyn Actaaë s'était éteint après de longues années de soins attentionnés de la part des alliés elfes. Surmontant difficilement la peine qui lui torturait les entrailles, Althaïa trouva le courage de lire la fin du message. Son père avait succombé de malnutrition. Les elfes avaient échoué à l'alimenter correctement lorsque Montwyn avait commencé à vomir systématiquement toute la nourriture que les guérisseurs réussissaient à lui faire ingurgiter. Il s'était laissé mourir des mois durant. La lettre, écrire d'une plume d'une élégance presque irréelle, était datée de presque trois mois. Ingord, qui avait entre-temps été nommé garde personnel par une Althaïa décidée à lui offrir une meilleure place au château, tiqua. Un cavalier elfique n'aurait jamais mis autant de temps à franchir la partie nord de l'Empire. Un mois tout au plus. Et ce n'était pas un messager elfique qui se trouvait en face d'eux en cet instant. Il garda ces considérations pour lui. En fin de matinée, un guérisseur entra dans la salle du trône, visiblement mal à l'aise. Eloïsa Actaaë avait succombé à son tour, de vieillesse selon lui. La nouvelle de la mort de son fils n'avait pas dû arranger son état préoccupant. Althaïa s'était effondrée. Elle monta dans ses appartements et s'y enferma. La solitude était le seul remède à la douleur. Le vent soufflait fort ce jour là. Par la fenêtre, Althaïa distingua au travers de ses larmes une silhouette familière : Tuëryn. L'elfe se dirigeait vers la partie basse du château, son instrument à la main. Althaïa attendit, espérant pouvoir entendre le doux écho réconfortant de la musique du baptistrel. Mais aucun son ne lui parvint. Seulement le bruit du vent.
Au milieu de l'après-midi, le vent tomba, laissant place à une pluie fine et froide. Un temps à l'image du moral de tous les gens de Serrenoire. Althaïa n'était pas réapparue, mais déjà les discussions allaient bon train sur l'avenir immédiat de la forteresse et de ses occupants. Le pouvoir impérial et les grandes familles seraient au courant sous peu, si ce n'était pas déjà le cas. La jeune fille s'était endormie au milieu de ses larmes, tête bêche contre le carreau de sa fenêtre. Son rêve l'emporta loin. Dans la forêt elfique, cette contrée si mystérieuse, où si peu d'hommes sont allés. Ce devait être un pays fabuleux, à l'image de ses habitants. Elle fut tiré de son sommeil par un bruit persistant, tout près d'elle. En ouvrant les yeux, elle aperçut un petit faucon de l'autre côté de la vitre, qui cognait du bec avec vigueur. Althaïa ouvrit doucement la fenêtre, et l'oiseau vint se percher sur le dossier de sa chaise, levant docilement la patte où se trouvait un message. La jeune fille ne reconnut pas l'écriture, mais elle devina aisément qu'elle appartenait à un elfe. Aucun humain ne pourrait écrire de la sorte sur un si petit bout de parchemin. Tuëryn la conviait à la salle d'entraînement de la garde. Habituée à ses demandes étranges, elle n'en fut pas moins surprise de le savoir là-bas. Que pouvait-il bien lui vouloir ? Althaïa, en se regardant dans son miroir, jugea qu'elle avait suffisamment pleuré pour la journée. Son tourment durerait certainement des années, et les jours qui s'annonçaient risquaient fort d'être aussi lugubres que cette après-midi là. Elle remercia l'elfe de lui offrir un prétexte pour oublier sa peine ne serait-ce qu'un instant. Elle enfila un simple par-dessus en laine et une cape à capuche pour se protéger de la pluie. Lorsqu'Ingord la croisa dans les escaliers, il voulut l'informer de la venue d'un personnage de la contrée voisine, Althaïa lui signifia d'un signe que cela devrait attendre. Elle se rua sur le chemin de ronde avant qu'un autre ne lui court après pour l'accabler davantage. Quand la haute porte de la salle d'entraînement entra dans son champ de vision, elle se mit à courir pour se ruer à l'intérieur et refermer la porte, comme si elle se savait poursuivie.
La salle était déserte, la garde ayant eu une journée de repos à l'annonce de la mort du seigneur Actaaë. Tuëryn , assis sur un tabouret au centre, grattait négligemment les cordes de son instrument. Il déposa ce dernier quand Althaïa vint vers lui. « Ce faucon est vraiment un rapide, dit-il pour détendre l'atmosphère, il y a moins de cinq minutes que je lui ai confié mon message. » Althaïa se força à sourire, malgré la douleur qui lui nouait le ventre. « Que faites-vous dans une salle d'arme ? Moi, rien pour l'instant, dit le baptistrel, toi en revanche, tu n'es liée par aucun serment. J'aimerais que tu te choisisses une arme, celle avec laquelle tu t'entraines par exemple, et que tu me montres comment tu évolues avec. » Althaïa était inquiète. « Pourquoi donc ? Fais-moi d'abord une démonstration, insista l'elfe, ensuite, je t'expliquerai quelque chose. » Elle se tourna vers les râteliers où s'alignaient des dizaines d'armes différentes. Même si elle savait leurs tranchants et leurs piques émoussés pour l'entraînement, cela n'en restait pas moins des armes. Elle avisa la paire de dagues qu'Ingord s'était évertué à lui faire manipuler depuis six longues années. Légères et de longueur moyenne, elle leur trouvait l'avantage de pouvoir se glisser facilement dans les manches ou les bottes. Althaïa s'en saisit et les présenta lames vers le bas – une marque de politesse élémentaire envers un pacifiste – au vieil elfe, qui les considéra un instant. « Intéressant, se contenta-t-il de déclarer, maintenant, je voudrais te voir à l'œuvre, si tu n'y vois pas d'inconvénient. » Elle hésita quant à la démarche à suivre. D'habitude, elle s'exerçait directement avec Ingord ou un soldat volontaire. Au fond de la salle se trouvaient trois mannequins. Faute de mieux, elle allait devoir s'en contenter. Althaïa traina un premier mannequin de bois près de Tuëryn, puis un second à quelques pas du premier. Deux adversaires. Althaïa se dirigea ensuite vers le vestiaire, où elle savait rangée sa tenue d'entraînement, bien plus confortable que sa lourde robe à armature. Deux minutes plus tard, elle avait enfilé la tunique de lin renforcée de cuir et de mailles. « Que désirez-vous que je vous montre ? demanda-t-elle au baptistrel qui lui tournait le dos, Tout ce que tu voudras bien me montrer, lui répondit ce dernier en se retournant vers elle, j'ai besoin de te voir évoluer avec ces armes. Très jolie tunique au passage. » Elle rougit en passant qu'elle devait avoir l'air ridicule. Les baptistrels avaient-ils droit à l'ironie ? Sinon, c'était pire. Althaïa opta pour un échauffement progressif. D'abord, garde simple avec une seule dague. Elle s'appliqua sur les assauts les plus simples, en attaque de face et de profil. Tuëryn la regardait sans ciller, détaillait chacun de ses gestes de ses yeux perçants. Après quelques coups bien placés, elle continua avec des assauts plus complexes, de dos, en coup de pied sauté, combinés, elle alla même jusqu'à tenter une nouvelle technique qu'elle ne maîtrisait pas encore tout à fait. L'elfe ne paraissait ni surpris, ni impressionné. Il se contentait de battre légèrement la mesure de son pied droit. Sans qu'elle s'en aperçoive, ce petit bruit régulier influença la manière dont Althaïa portait ses coups. Lorsqu'elle dégaina la seconde dague pour les assauts à deux mains, elle en était presque à attaquer en rythme. À présent bien à l'aise avec les mannequins, ses gestes se firent plus souples, plus rapides et plus courts. Elle tournoyait avec aisance autour des deux mannequins, esquivait sans mal les retours de leurs bras armés. La jeune fille fit une pause, essoufflée par son effort. D'un regard à l'elfe, elle lui indiqua qu'elle n'en avait pas tout à fait terminé. Il s'agissait maintenant de montrer les parades. Ce qu'il était rude de faire avec un mannequin inerte... Althaïa eut recours à la magie. Elle anima les deux mannequins de mouvements aléatoires particulièrement dangereux. Tuëryn battait toujours du pied. Un peu plus fort. Althaïa enchaîna de nouveau les acrobaties. La fatigue commençait à l'assaillir de toute part. Une seconde d'inattention et le bras armé d'une masse d'arme lui rentra dans l'épaule gauche au moment ou elle voulait l'esquiver. La douleur cingla à travers tout son bras, remonta jusqu'à sa nuque et se propagea le long de sa colonne vertébrale, jusqu'aux pieds. Cri. Chute. Elle entendit Tuëryn se lever précipitamment, mais, complètement désorientée, à moitié assommée par le coup qu'elle venait de recevoir, elle ne sut où il se trouvait. Jusqu'à ce qu'il l'attrape par le bras pour l'aider à se mettre debout. Il lui parla, Althaïa ne comprit pas un mot. Tout résonnait dans son crâne, le monde tournait dans tous les sens, elle y voyait flou et le sang lui montait à la tête. Bon sang, des sorts pour arrêter ça, elle en connaissait des tas ! Si seulement sa tête voulait bien s'arrêter de tourner... Tuëryn attrapa son autre bras et la fit s'asseoir sur le tabouret. Au lieu de la lâcher, il raffermit sa prise au point de lui faire mal. Il posa son front contre le sien et se mit à marmonner quelque chose. Althaïa ne comprenait plus rien. Progressivement cependant, une sensation de chaleur apparut à l'endroit où son front était en contact avec celui de l'elfe. Des vibrations. Un courant doux et chaud, qui glissa le long de toutes les fibres de son être. Le tournis s''était arrêté comme par miracle, son bras était comme neuf. Plus de douleur. Tuëryn lui sourit et lâcha ses bras, reculant pour mieux la voir. « Je pense que ton travail est terminé de ce côté là, fit-il en désignant les mannequins du menton, maintenant, c'est à mon tour. Et c'est à toi d'observer. » Althaïa tiqua. À son tour de quoi ? Il n'avait pas le droit de se servir d'une arme, ni de se battre... « Je veux que, comme lors de tes méditations de la semaine passée, tu cherches le but final de cette leçon. » Tout en lui parlant, il s'était placé devant le premier mannequin et avait ôté la pièce de tissu qui recouvrait son côté gauche. Son habit ample était coupé au niveau des épaules et laissait apparaître ses bras nus. De cette manière, il semblait totalement libre de ses mouvements. Comme Althaïa avant lui, il enchanta les assemblages de bois pour les faire tourner au hasard. Beaucoup plus vite qu'elle ne s'y attendait. La jeune fille était fébrile. Le baptistrel ne portait pas d'armes, mais sa position ne laissait aucun doute sur ce qu'il souhaitait faire. « Non ! » L'elfe se retourna, l'air surpris. « Vous êtes fou ! Lui cria-t-elle, vous allez briser votre serment ! Comment pouvez vous... c'est absurde ! Vos pouvoirs, vous allez tout perdre... ! » Elle semblait réellement affolée. Tuëryn leva la main droite. « Du calme, voyons. Me crois-tu donc si stupide ? Je ne suis pas sûr d'apprécier. » Elle se mordit la lèvre. « Les Baptistrels ont abandonné toute idée d'agressivité envers autrui. Cependant, jeune fille, les tiens ont tendance à interpréter les choses à leur manière. Embrasser le respect absolu envers le monde, devenir pacifiste au plus profond de soi, n'a jamais signifié refuser de défendre sa vie ou celle des autres lorsque la situation l'exige, ni même transmettre ce savoir à un élève. » Il se remit face aux mannequins en mouvement. L'elfe ferma les yeux et inspira, comme il l'aurait fait pour un chant. Mais ses lèvres ne bougèrent pas. Ses pieds en revanche, se déplacèrent suffisamment vite pour qu'un œil humain ne puisse enregistrer leur mouvement.
Althaïa sursauta malgré elle. Elle savait que les elfes avaient des capacités physiques de loin supérieures aux humains. Mais Tuëryn, lui, défiait les lois de la nature. Quiconque aurait observé la scène aurait juré qu'il s'était téléporté. L'elfe s'était contenté de faire un pas en avant, esquivant d'un coup trois bras de mannequins. Althaïa regarda la scène, simplement abasourdie par ce qu'elle voyait. Même en rêve, elle n'aurait pu imaginer voir une personne en chair et en os se mouvoir d'une telle façon sans user de magie. Tuëryn était un courant d'air. Après avoir exécuter plusieurs cercles complets autour des pantins agités à une allure irréelle, le baptistrel se trouva coincé entre deux bras. Leur hauteur n'étant pas suffisante pour qu'il se baisse ou saute pas dessus, il décida d'exécuter sa première parade. Un blocage. Un bras humain tentant de bloquer la hache en blocage frontal se serait sûrement brisé sous le choc. Le bras de Tuëryn sembla glisser contre le bout de bois, jusqu'à ce que ce dernier se fende en deux. Le tout n'avait pas duré plus d'une seconde. L'instant d'après, l'elfe avait baissé la tête pour éviter une lance tournant en sens inverse au niveau de sa nuque. D'un coup de pied circulaire, il expédia la masse d'arme à l'autre bout de la salle. Pour finir, il bondit sur le second mannequin, esquiva les deux premiers bras. Lorsque le troisième se présenta devant lui, il vrilla sur lui-même, présentant la pointe de son coude à trente degré du manche de bois. Deuxième impact, deuxième bras cassé. L'elfe roula à terre en évitant le dernier bras et se releva comme si de rien n'était. Sa démonstration avait duré moins de trente secondes.
De sa vie, Althaïa n'avait rien vu de tel. Les heures passées à regarder les soldats impériaux à l'œuvre ne l'avait en rien préparée à vivre une telle scène. Tuëryn était certes grand, mais longiligne et presque maigre. Jamais elle n'aurait cru que ses long bras fins puissent contenir une telle puissance. Ingord lui-même s'en serait sorti avec un bleu à l'avant bras. Tuëryn n'avait pas une goutte de sueur sur le front. Il revint vers elle. « Ce que je viens de te montrer doit rester entre nous. C'est pour cette raison que cette salle est vide et hermétique. Maintenant, je veux que tu m'exposes ta compréhension de ces techniques. Je veux aussi que tu puisses, enfin de compte, trouver seule la réponse à la question : quel est le sujet du cours d'aujourd'hui ? » Il avait dit cela sur un ton léger et enjoué. Althaïa, elle, avait perçu son inquiétude. Allait-elle, une fois de plus, décevoir quelqu'un ? Elle ne reculerait pas pour autant. Althaïa prit un moment pour réfléchir calmement à ce qu'elle venait de voir. Elle se remémora ensuite le tronc, la cascade et la falaise. Mais les images de Tuëryn voltigeant autour des mannequins brouillaient ses pensées. Elle le trouvait simplement magnifique. La jeune fille mit plusieurs minutes pour retrouver un semblant de concentration et commença à mettre son intelligence en marche. Althaaïa sentait une légère tension dans le regard bleu de Tuëryn. Avait-il peur ? C'était peu probable. Le tronc mort recouvert de verdure. La cascade s'écoulant sur la mousse. Le vent tourbillonnant sur la roche. Tuëryn tourbillonnant sur les mannequins. Althaïa serra les poings. Pourquoi ? Pourquoi Tuëryn était-il venu ? Quel était le but de ces cours qui ne débouchaient sur rien ? Il paraissait si sûr de lui. Elle le revit s'avancer à la lueur de la lune près de la lunette. Même les étoiles meurent, mais l'important, c'est qu'elles aient vécu. Car elles apportent la lumière. Tuëryn n'avait pas frémi une seule fois face aux armes qui lui passaient à un cheveu du visage. Il était dans le flot du temps comme une feuille dans le courant. Elle, était juste à contre temps... Alors Althaïa comprit.
« C'est moi ? »
Un long voyage:
Les funérailles de Montwyn et d'Eloïsa furent sobres, malgré la foule de personnalités qui avaient fait le déplacement ce jour là. Althaïa n'était intervenue dans les préparatifs que pour le déroulement des cérémonies, et pour imposer la présence du Cawr au moment de la mise en bière. Elle lui avait officiellement demandé d'utiliser son chant pour accompagner ses parents dans l'au-delà. Ce que le baptistrel avait accepté le plus naturellement du monde. Les nobles des contrées impériales venaient la saluer et lui présenter leur condoléances, alors que la plupart n'avait jamais connu les Actaaë ou mis les pieds à Serrenoire. Mais, à nouveau cloitrée dans son carcan de glace, Althaïa ne laissait rien paraître de sa lassitude ou de son dégoût. Qui étaient ces étrangers qui venaient tournoyer comme des corbeaux au-dessus d'un charnier ? Certainement pas de ses admirateurs... Elle en reconnut quelques uns, dont un jeune seigneur de la forteresse de Tuscandyur à un jour de cheval, qui l'avait un jour convié à dîner. Qu'elle avait poliment refusé.
D'ailleurs, nombreux furent les notables de l'Empire à lui faire sous-entendre qu'il était plus que temps pour elle de se trouver un bon parti... La famille Actaaë n'était ni la plus riche, ni la plus puissante, mais certainement l'une des plus anciennes familles humaines d'Armanda. Ce qui la rendait éminemment respectable et respecté... En tant qu'unique descendante de Montwyn, elle héritait de la totalité de ses terres et de ses titres, ce qui en faisait l'objet de toutes les convoitises. Mais la jeune fille supportait de moins en moins ces formalités hypocrites et ennuyeuses. Aucun de ces hommes ne la courtiserait jamais pour ce qu'elle était, mais seulement pour ce qu'elle pouvait leur apporter. Cela l'agaçait profondément. Ingord ne la lâchait pas de l'œil, et pour cause. La foule était si dense dans la haute cours qu'un voleur aurait pu aisément s'y glisser sans attirer l'attention. Sans parler des assassins. Miranda Gondral, nommée à la tête du service, s'acquittait de sa tâche avec beaucoup de zèle, toute guillerette à l'idée de nouer des contacts dans les plus hautes sphères du pouvoir. Althaïa reçut les guérisseurs elfiques qui avaient pris soin de son père ainsi qu'un représentant de l'impératrice. Bien qu'en présence des humains, les elfes n'eurent pas l'attitude décontractée et confiante du baptistrel, ils se montraient envers elle beaucoup plus chaleureux et aimables que les hauts gradés de l'armée impériale. Elle les remercia, leur promettant de leur venir en aide à son tour si le besoin s'en faisait sentir. Bien qu'elle n'ait pas la moindre idée de ce qu'elle pourrait faire pour eux. Mathis, lui, attendait sous un porche, ne sachant vraiment où se trouvait sa place en un moment aussi grave. Il regardait Althaïa de loin, entre les capes, les bottes et les mains de l'attroupement compact autour d'elle. Le seul qui semblait totalement extérieur à ces histoires était Tuëryn Daenae. L'elfe s'était perché sur un créneau en surplomb de la cour, entre terre et ciel, et regardait tout le petit monde d'un œil amusé en susurrant quelques airs dans le vent. Lorsque le cortège funéraire s'ébranla, il réapparut comme par enchantement aux côtés d'Althaïa, au grand étonnement d'Ingord qui ne l'avait pas vu s'approcher. Le maître d'arme leva un sourcil suspicieux devant la désinvolture de l'elfe. Mais se garda de lui faire la moindre remarque.
Le tombeau de la famille Actaaë se trouvait dans une crypte creusée à même la roche de Serrenoire, à une demi-heure de marche du château, sur un promontoire. Althaïa n'y était allé qu'une seule fois, à l'enterrement de sa mère. Elle ne gardait que peu de souvenirs de ce jour là, et la vue des sculptures dans le roc raviva son ancienne douleur. Un mausolée entouré de roc taillés s'élevant vers le ciel. Comme les ancêtres le faisaient des siècles avant eux. Les elfes exécutèrent une série de gestes rituels dont Althaïa ignorait le sens. Les humains récitaient des psalmodies ou des prières, l'air se chargea de leur peine, réelle ou feinte, et bientôt la nature elle-même sembla en deuil. Seul Tuëryn, avec sa chevelure céleste, semblait encore paré de quelques couleurs. Le reste n'était que grisaille et désespoir. On descendit les corps embaumés l'un après l'autre, pour les décorer de fleurs, de pièces d'or et de bijoux. Douze soldats, six pour chaque défunt, soulevèrent ensuite les dépouilles et descendirent une à une les marches vers les entrailles de la terre. Althaïa marchait en tête. La salle, longue et étroite, contenait les tombeaux de ces ancêtres venus sur Armanda. Elle se recueillit devant celui de sa mère, priant l'étoile Lianta'ar de lui offrir le repos qu'elle méritait, à elle, ainsi qu'aux deux âmes qui venaient à elle aujourd'hui. Une fois les tombes refermées, Althaïa admira un instant les magnifiques fresques qui les ornaient et les sculptures très réalistes des morts allongés dans leurs habits d'apparats. Lorsqu'elle fut de nouveau à l'air libre, elle vit les gens former un immense cercle autour du mausolée, dans un silence absolu. Le baptistrel s'avança alors au centre de sa démarche déliée, un éclat étrange dans le regard. Il tenait à la main l'étrange instrument qu'elle lui avait déjà vu. Instinctivement, sans qu'il ne lui ait rien demandé, Althaïa s'inclina et recula en lui faisant face. Elle mit toute sa peine et sa volonté dans ce regard qui lui disait : « Allez-y. »
Les yeux du baptistrel se voilèrent une seconde. Puis, lentement, il cala l'instrument contre son épaule. Ses doigts effleurèrent la première corde. Althaïa, après avoir entendu le chant du baptistrel, s'attendait à un son aigu et clair comme l'eau.
La vibration de la corde émit un son grave et plein. La deuxième note fut à peine plus légère. Toute l'assemblée reteint son souffle. En chacun, une petite voix soufflait : « Il se passe quelque chose. » Althaïa ferma les yeux tant la musique de l'instrument l'ébranlait. Elle semblait tirée des profondeurs de la terre et remontait comme une vague vers les cieux. Un séisme n'aurait pas eu plus d'effet. Le vent se mit à tournoyer autour d'eux. Le baptistrel leva la tête et inspira.
La foule sursauta quand la voix de l'elfe jaillit de toute part. Althaïa ouvrit les yeux, le souffle court, surprise par le ton grave de la voix qu'elle connaissait si claire. Le chant résonnait non pas depuis le centre, mais depuis l'extérieur, comme si Tuëryn s'était démultiplié à l'infini et chantait en écho de sa propre voix. La magie pouvait réellement faire cela …? La note s'étira de façon incroyable. Ingord, qui avait appris à n'être qu'un roc face à ce genre de drame, ne put se retenir de trembler. Jamais Althaïa n'aurait pu imaginer un chant plus fabuleux en de telles circonstances. Ce n'était pas un chant joyeux, ni même apaisant. C'était la mélancolie à l'état pur, déchirante, portée par des notes puissantes comme un cri de guerre et douces comme le zéphyr. L'univers semblait s'être figé autour du cercle pour écouter l'appel du baptistrel. Althaïa ne comprenait que vaguement les paroles, elle n'avait pas étudié la langue elfique en profondeur. Pourtant, chaque note la transperçait jusqu'à l'âme. Elle s'ouvrait à une autre dimension, comprenait le sens de sa douleur, le sens de sa tristesse. Peut-être même de la vie et de la mort. Combien de temps Tuëryn chanta-t-il ? Qui aurait pu le dire ? Ils étaient hors du temps. Les mille voix du vieil elfe serpentaient dans chaque fibre, vivante ou inerte, de tout ce qui se trouvait à ses côtés. Lui, paraissait presque fou, pinçant les cordes de l'instrument comme un automate, les yeux révulsés, la tête vers les nuages. Il n'était pas en harmonie avec le vent. Il était le vent.
Lorsque les échos du firmament se turent, les êtres vivants se réveillèrent d'un long sommeil éveillé. Personne n'osait bouger, de peur de commettre un blasphème en cet instant sacré. Lentement, la vie reprit, le monde retrouva ses couleurs. Le vent cessa.
Althaïa savait qu'elle n'aurait jamais assez de toute sa vie pour remercier l'elfe du prodige qu'il avait accompli. D'autant plus que le baptistrel avait eu l'air éprouvé de sa performance vocale. Elle le savait maintenant : si Tuëryn avait accepté de rester à Serrenoire, c'était parce qu'il le voulait. Elle ne savait pas vraiment pourquoi, mais sa dévotion avait achevée de la persuader qu'il savait parfaitement ce qu'il faisait. Alors qu'elle marchait à ses côtés sur la volée de marche qui les séparaient du mausolée, un bruit de tonnerre résonna au-dessus de leur tête. Le cortège s'arrêta lorsque le bruit se répéta pour la troisième fois. Althaïa allait repartir lorsque Tuëryn l'arrêta d'un geste. Elle tourna la tête vers lui, et avec un sourire amusé, il lui désigna le ciel.
Lorsque la jeune héritière leva les yeux, ce qu'elle vit la laissa sans voix. Une créature gigantesque fendait les nuages de son corps immaculé. Ses ailes brassaient l'air avec une puissance terrifiante, ses écailles aurait sûrement fait pâlir le meilleur joailler de tout Armanda. Althaïa saisit le regard que le dragon jeta à l'elfe. Et celui que l'elfe jeta au dragon. La créature millénaire poussa un rugissement à fendre la pierre avant de remonter au-dessus des nuages en direction de l'océan.
Le cœur d'Althaïa explosa. Elle se retourna vers le baptistrel et lui sourit de toutes ses dents. Il le lui rendit bien. Puis, elle coula un regard discret vers Mathis, qui se trouvait loin derrière à sa gauche. Il avait un air rêveur, le regard tourné vers l'endroit où était apparu le dragon.
Ad vitam eternam:
Althaïa allait sur son dix-septième anniversaire. Une date qui signait la fin de sa liberté : tous les jeunes nobles de l'époque devait être introduit à la cours impériale avant ce jour fatidique. Ce qui rendait la jeune dame d'une humeur de plus en plus sombre au fur et à mesure que l'échéance approchait. Son conseiller avait planifié le voyage pour Gloria depuis des mois, la cours de Serrenoire abritait déjà le convois pour le voyage. Mathis en était chargé, ainsi que de l'entretient des nouveaux chevaux achetés à Elena spécialement pour l'occasion. La vue de toute cette agitation rendait Althaïa morose, et Tuëryn avait disparu du château depuis plus d'une semaine. Sans donner aucun motif, à l'insu de tous. Ingord avait pesté contre le vieil elfe, qu'il accusait de discréditer sa garde en entrant et sortant ainsi du château au nez et à la barbe des sentinelles les plus vigilantes. Mais malgré tout, il ne se risquait pas à l'insulter devant Althaïa, tant il connaissait le lien qui unissait l'élève et son maître. Elle ne le lui aurait probablement pas pardonné. Le maître d'arme lui aussi n'aimait pas la tournure des évènements. Avec sa maîtrise du marteau, il espérait pouvoir aborder le forgeage des pièces d'armures avec la jeune fille dan les semaines suivantes. Malheureusement, le voyage à Gloria mettait toutes ses prévisions à l'eau. Quant à Mathis, il était resté si distant ces derniers mois, qu'Althaïa ne le voyait presque plus, tant elle était occupée à régler les problèmes de succession. Pour couronner le tout, la pluie n'avait cessé de tomber depuis des jours et des jours. Le ciel était si bas que les sentinelles du donjon en arrivaient presque à toucher les nuages.
Lorsque le jour du voyage arriva, Althaïa avait passé toute la nuit à la fenêtre, espérant apercevoir les étoiles dans une trouée. En vain. Le temps étant décidément en parfait accord avec son moral. Elle tira le tiroir de sa coiffeuse et se saisit du médaillon de Mathis. Elle n'avait toujours pas tenté de renouer le contact, raide comme la justice à chaque fois qu'elle le croisait. Lui non plus n'avait rien tenté. Cependant, elle avait conservé religieusement son cadeau, comme preuve qu'à une lointaine époque, il avait été comme un grand frère pour elle. L'Ouroboros scintillait à la lueur pâle des bougies, son relief donnait l'impression qu'il ondulait. Althaïa se le passa autour du cou et referma la chaîne. Ainsi, le médaillon bien visible sur sa poitrine, elle se sentait beaucoup plus sereine. Elle se demandait si le Dracos Honoris, l'aîné des dragons, était réellement comme cette gravure, où si ce n'était qu'une représentation déformée. Après tout, ce médaillon datait d'une époque antérieure à la colonisation d'Armanda par les humains.
Mathis aidait les soldats impériaux à atteler les chevaux aux divers carrosses du convoi. Une fois que tout fut près, Althaïa sortit du château accompagnée par sa suite. Tout ce protocole l'ennuyait, mais ce n'était qu'un vague aperçu de se qui l'attendait à Gloria. Elle s'y plia donc de mauvaise grâce. Elle n'était plus une enfant. Le convoi, entouré par la garde montée, Ingord en tête, s'ébranla, traversa la basse-cour et déboucha sur la longue pente qui le mènerait jusque dans la vallée. Quelques heures après le départ, le python rocheux n'était plus qu'une bosse à l'horizon. Un étrange sentiment étreignit Althaïa qui se voyait si loin de chez elle pour la toute première fois de sa vie. Dracos que le monde était vaste ! La plaine s'étendait à perte de vue. Des collines, des arbres, des rocs, des rivières, des champs ! De tous côtés ! Le soleil montait dans le ciel, offrant quelques uns de ses rayons au travers des nuages noirs. Le balancement du carrosse sur les chaos de la route rendait le voyage assez inconfortable, mais il ne lui serait pas venu à l'idée de s'en plaindre. Au milieu de la journée, le convoi fit halte non loin d'un petit village pour faire boire les chevaux et permettre aux hommes de se dégourdir les jambes. Lorsque la jeune noble descendit de sa voiture, elle aperçut en haut d'une colline un cavalier solitaire qui semblait se diriger droit sur eux. Il venait de la même route et se déplaçait à vive allure. Ingord, trop habitué à la prudence la plus extrême, vint se placer au devant de sa protégée, tentant d'identifier l'inconnu. Althaïa fut plus rapide que lui et courut vers le cavalier.
Perché sur un destrier noir sans harnais ni selle, Tuëryn galopait comme un échappé. L'animal pila à deux mètres d'Althaïa, laissant son cavalier glisser à terre avec grâce. D'un murmure à l'oreille, le baptistrel renvoya sa monture, qui s'ébroua avant de faire demi-tour. « Ce que je craignais est arrivé, dit l'elfe au maître d'arme qui le dévisagea sévèrement, j'ai loupé le coche. Je serais plus attentif la prochaine fois. » Il se tourna vers Althaïa et s'inclina. « Bien sûr, si vous acceptez que je fasse partie du voyage. » Elle n'eut pas besoin de mots pour lui faire comprendre qu'elle était ravie de sa présence. Ce qui ne sembla pas être du goût d'Ingord. Ni, bizarrement, de Mathis. Ce dernier était en train de faire boire un cheval de trait lorsque Tuëryn avait fait son entrée fracassante. Il lui avait lancé un regard furieux avant de se détourner ostensiblement, ce qui n'avait pas échappé à Althaïa. Le baptistrel se joint au convoi en se perchant à côté du cocher de la voiture d'Althaïa. Sa souplesse féline lui attira le regard admiratif des gardes. Un gradé impérial et ses hommes revinrent du village avec des provisions qu'ils stockèrent dans la dernière voiture. Lorsque la nuit tomba, ils étaient en plein cœur d'une forêt, à plusieurs kilomètres de la prochaine ville. Il fallait pourtant s'arrêter. L'elfe, bien plus à l'aise dans cet environnement que les humains, se proposa pour monter la garde. Il fut assisté par deux soldats se relayant tout les deux heures. Au beau milieu de la nuit, des ombres furent aperçu non loin de la petite troupe. Se déplaçant très vite et en zig-zag, elles rôdèrent aux alentours comme des loups affamés. Mais il s'agissait de silhouettes humaines... Tuëryn fit signe à Ingord de ne pas s'éloigner de la voiture. Lui, avança droit vers les créatures dissimulées dans les bois. À peine avait-il entamé quelques notes que les intrus filèrent sans demander leur reste. Ce qui eut un effet considérable sur le jugement du vieux roturier. Quand l'elfe revint prendre place au sommet du carrosse, il lui adressa un léger sourire. Althaïa avait très mal dormi. Mathis, lui n'avait pas fermé un œil.
Gloria se dressa de toute sa magnificence devant eux le troisième jour de la deuxième semaine de voyage. Althaïa avait eu l'occasion de traverser diverses villes du pays, mais ce qui se présentait à elle tranchait radicalement avec tous les villages de province. C'était un spectacle hallucinant. Les murailles de la ville formaient un gigantesque mur jaillissant du sol pour barrer la route à tous ceux qui s'y présentait. Et que dire des immenses tours qui lançaient gaillardement leurs pointes dorées vers les cieux ! Finalement, elle retirerait peut-être quelque chose de positif de tout cela.
Fraîchement débarqué dans la capitale, le convoi nordique ne manqua pas d'attirer les foules sur son passage. Althaïa observa les rassemblements hétéroclites qui se formaient sur le passage des carrosses et des gardes. Des marchands venus de tout l'empire, des voyageurs, des vagabonds, des riches, des pauvres, des humains et des elfes... Jamais autant de monde n'avait été réuni sous ses yeux. Comme Serrenoire lui semblait petit et terne comparé à l'opulence qui régnait ici ! De magnifiques édifices se dressaient dans la ville haute, et avec eux le colossal palais impérial, qui aurait imposé le respect à une armée de démons.
Althaïa garda un souvenir confus et tourbillonnant de ses trois jours passés à Gloria. Il y régnait une effervescence permanente. La ville ne dormait jamais tout à fait. Le palais impérial regorgeait de merveilles telles que les humains les aiment. Les gens portaient des toilettes à faire pâlir les paons, mais si certaines étaient d'une beauté féérique, la majorité étaient surchargées et d'assez mauvais goût. Althaïa, elle, se contentait d'une robe turquoise simple, aux manches ourlées et au col vaporeux. Elle ne l'avait porté que très rarement. Tuëryn avait insisté pour lui faire lui-même une coiffure qu'il avait jadis vu sur une jeune elfe. Il avait user de magie pour cela. Et Althaïa attirait désormais les regards comme un aimant la limaille de fer... Ce qui la rendait passablement irritable.
La jeune noble rencontra un nombre incalculable de gens, tous de la plus haute importance selon leurs dires. La famille impériale, bien qu'assez inaccessible, donnait moult réceptions et repas auxquels Althaïa fut priée d'assister. Elle qui avait une sainte horreur des repas trop copieux, se trouva nez à nez avec les tables les plus monstrueuses de tout l'empire. Le dernier soir, alors qu'elle allait être conviée à la salle du trône pour recevoir son titre de dame de la main de l'empereur, Mathis se présenta à ses appartements. Il paraissait perturbé et nerveux. Althaïa, bien qu'étonnée, lui permit d'entrer sans poser de questions. « J'ai... J'ai saisi une bribe de conversation lors de mon passage dans un corridor, dit-il après plusieurs minutes de silence, et j'ai éprouvé le besoin de vous en parler. » Elle encaissa le vouvoiement sans broncher, bien qu'elle ne puisse se résoudre à accepter le fossé qui les séparaient désormais. « Ils parlaient de vous, articula Mathis, visiblement irrité, avec assez peu de courtoisie il est vrai. Il paraît que votre mariage avec le seigneur Irriandis est arrangé ? Cela paraissait leur plaire. » Althaïa prit la nouvelle en pleine figure. Un mariage ? Arrangé ? Voilà la chose la plus saugrenue qu'elle n'ait jamais entendu ! D'autant plus qu'en tant qu'héritière unique, nul ne pouvait plus décider à sa place. Qui était cet Irriandis, déjà ? L'avait-elle seulement rencontré ? Impossible de s'en souvenir. « Il n'est nullement question de mariage, trancha Althaïa sur un ton sans appel, j'ignore qui se permet de colporter de tels mensonges, mais me voilà la dernière informée sur mon sort ! Je saurais mettre un terme à tout cela. Soyez-en certain. » Elle arrêta son geste et dévisagea Mathis. « Pourquoi teniez-vous à m'informer de cela ? - Eh bien, je tenais à savoir si la rumeur était vraie. Et, ajouta-t-il quand il perçut la désapprobation d'Althaïa, je m'inquiétais de votre avenir. Vous qui n'avez jamais supporté cette idée... Quand à Irriandis, il a beau être un héros pour ses soldats, on raconte de bien vilaines choses à son sujet. » Althaïa sourit. Mathis se comportait vraiment comme un père. Mais quand comprendrait-il qu'elle n'était plus une enfant depuis longtemps ? Elle n'avait pas besoin d'être commandée par un être aussi dissimulateur. Car il l'était.
Lorsque sonna l'heure de sa consécration, Althaïa Actaaë se présenta au palais impérial avec sa suite. Tuëryn et Ingord restaient en retrait. Le premier par respect, le second par timidité. Althaïa n'avait qu'une hâte : que tout ce cirque soit terminé. Elle retournerait à Serrenoire, retrouverait sa vie paisible sans fanfare, et les étoiles au sommet du donjon. Lorsque l'empereur et sa femme se trouvèrent en face d'elle, la jeune femme eut l'impression d'émerger d'un très long rêve. Elle se trouvait au milieu de la salle, tous les regards tournés vers elle. Et son destin la rattrapa comme un cheval au galop. L'homme couronné s'était levé, un grand sourire sur son visage, d'habitude si sérieux... Il parlait. Mais que disait-il ? Impossible d'entendre. Le sang lui battait les oreilles. Ses mains étaient moites. Le sol s'effondrait sous ses pieds, laissant apparaître les abysses sans fond. Était-ce cela, la peur ?Pourquoi était-elle ici ? Qu'avait-elle fait ? Dans quelques secondes, son sort serait à jamais scellé. Elle serait l'héritière des Actaaë, servante de l'Empire Armandéen, jurerait fidélité à l'empereur jusqu'à la mort. Jusqu'à la mort...
Le chant du baptistrel s'éleva d'un coin de sa mémoire. Les mille voix du vent emplirent tout l'espace, jusqu'à ce que le palais disparaisse au loin, emporté dans le cyclone de ses pensées. Non, sa place n'était pas ici. Elle ne serait pas châtelaine, elle ne serait pas comme son père, ni comme tous ces gens. Son cœur était celui d'une baptistrelle. Et un baptistrel ne fait qu'un seul serment.
Ce qu'elle fit statufia tous les nobles présents à la cérémonie. L'empereur, lui, resta de marbre. Seul l'éclat de son iris changea du tout au tout. « Je souhaite suivre la voie des baptistrels. Tel est mon choix, le seul et unique à mes yeux. » Elle s'était incliné devant l'empereur, et avait simplement refusé le titre qui lui revenait de droit. L'impératrice s'était penchée en avant, surprise. Le pouvoir ne pouvait rien contre cela. La salle retint son souffle. L'empereur prit de nouveau la parole : « Althaïa Actaaë. Ta décision t'appartient. Les baptistrels sont hors de notre juridiction, il n'appartient qu'à eux de décider si tu pourras ou non intégrer leur ordre. Sache cependant que ce choix aura de lourde conséquences et qu'il te faudra les assumer. L'Empire ne peut se séparer ainsi de ses dirigeants. La forteresse de Serrenoire est un verrou stratégique, qu'il faudra néanmoins tenir. Si tu refuses ton héritage, alors la famille Actaaë s'éteindra et son règne prendra fin. » Mais ses mots glissèrent sur la jeune femme comme l'eau sur les plumes d'un canard. Non, l'héritage ne mourrait pas, car le véritable héritage ne se compte pas en or. L'empereur sembla s'en rendre compte. Il resta silencieux, alors que des murmures inquiets parcourraient l'assemblée. « Alors, tes terres et le domaine seront cédés au plus offrant. Cependant... » Il s'approcha d'Althaïa. « Je tiens à ce que tu conserves le titre de Haute Dame. Car je sais que tu le mérites. Mon père tenait Montwyn en très haute estime. Tu es sa fille, tu en es digne, et je tiens à ce que l'empire donne aux Actaaë la place qui est la leur. Quelque soit le chemin que tu te choisisses, sache que tes ancêtres te regardent et veillent sur toi. » Althaïa s'inclina.
Lorsqu'elle passa la lourde porte en sens inverse, le premier regard qu'elle croisa fut celui d'Ingord. Terriblement ébranlé. Puis celui de Tuëryn. Radieux.
De nouveau, il fallut partir. La nouvelle de l'abdication d'Althaïa s'était répandue comme une traînée de poudre. On ne parlait que de cela dans les hautes sphères, et la jeune femme s'aperçut de l'inimitié que sa décision avait provoqué chez certaines familles puissantes. D'autres au contraire, arborait un air satisfait, qui laissait présager un profit tiré de la situation. Althaïa avait hâte d'oublier cela. Si Serrenoire devait être vendu, alors qu'il en soit ainsi, mais que l'on arrête de lui parler de ces jeux de pouvoir ridicules. Mathis lui, n'était pas mécontent de quitter Gloria. Il paraissait très mal à l'aise.
Althaïa n'avait revu personne en dehors des gardes du palais et des domestiques. Elle digérait une par une les conséquences de ses choix. Dès qu'ils auraient regagner Serrenoire, il lui faudrait à nouveau se plonger dans des discussions interminables et mornes avec son conseiller. Elle n'avait qu'une envie : demander à Tuëryn de la faire disparaître. Elle aurait tant aimé qu'il en soit capable... En attendant, il lui fallait remonter toute l'allée à pied, encadrée par huit soldats en armure. Elle avait beau afficher un air totalement indéchiffrable, son esprit s'agitait dans tous les sens. Qu'allaient devenir ses professeurs, qu'elle considérait comme des parents ? Ses domestiques, qu'elle prenait comme amis ? Les gardes, dont elle connaissait tous les noms ? Où Tuëryn allait-il l'emmener ? Serait-elle à la hauteur ? Et si jamais les baptistrels la refusaient ? Elle se retrouverait sans rien. Une vagabonde. Elle n'était pas du tout préparé à cela. L'angoisse augmentait de minute en minute. Plus jamais elle ne reviendrait. Plus jamais elle n'aurait l'occasion de revivre les instants passés. La flèche du temps ne s'inverse pas.
Le convois s'ébranla enfin, et en l'espace d'une heure à peine, Gloria n'était plus qu'une grosse tache dorée sur la ligne d'horizon. Tuëryn avait entonné une chanson humaine, ce qui sonnait bizarrement avec son accent elfique. Mais sa voix était si belle que le cocher, les gardes et même Ingord, ne purent résister longtemps à l'envie de fredonner l'air en chœur. Ce qui mit un peu de baume au cœur pour Althaïa, accoudée à la fenêtre du carrosse.
L'arrivée à Serrenoire fut le moment le plus terrible. Tous les serfs des environs s'étaient réunis pour acclamer leur souveraine. Pas un ne manquait à l'appel, pas même les enfants. Althaïa eut toutes les peines du monde à retenir ses larmes. Qu'allaient-ils penser d'elle ? Elle les abandonnait à leur sort. Pire, elle allait les vendre. Comme de vulgaires esclaves. Cette idée la révolta. Le soir même, après de longues heures éprouvantes dans la salle du trône qu'elle appréciait de moins en moins, elle se réfugia enfin en haut du donjon. Ce soir là, Liantha'ar brillait de mille feux. Était-ce un signe ? Althaïa espérait. Pourtant, aussi belle que soit l'étoile, elle ne pouvait rien pour elle. Seulement l'écouter en silence. Elle ne trouva pas le sommeil. Alors, lorsque la nuit fut à son apogée, elle monta sur les créneaux, se tourna vers le ciel. Et chanta.
Lorenz Wintel
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Sujet: Re: Althaïa ACTAAË Ven 26 Juil 2013 - 15:04
En chemin:
Tuëryn l'avait vu monter. Il avait craint une fraction de seconde l'intention de la jeune femme. Mais son instinct avait vu juste. Il était temps pour lui de prendre une élève. Enfin. Mille deux cents ans pour attendre cet unique instant. Mais l'elfe ne put qu'essuyer une larme en écoutant l'écho de la voix puissante, mais brisée, d'Althaïa. Même un vampire aurait fondu en larme de sang sous l'émotion portée par chaque note, d'une justesse presque parfaite. Presque. Dans quelques années, pensa Tuëryn, tu sauras. Et ton chant pourra enfin te montrer la vraie voie. Celle que tu cherches depuis si longtemps dans le noir. Soit patiente.
Les semaines passèrent sans qu'aucune nouvelle du pouvoir impérial ne parvienne à Serrenoire, sans qu'aucun visiteur ne s'y rende, sans que Tuëryn ne montre le bout de ses oreilles. Althaïa n'avait plus le cœur à rien. Ce qui avait pour effet de faire tourner Ingord comme un lion en cage. Miranda, elle, rédigeait des lettres. Des centaines de lettre qu'elle s'écrivait à elle-même. Les guérisseurs avaient fini par croire qu'elle était réellement devenue folle. Elle déprimait. Mathis avait disparu deux semaines, pour se rendre à Elena. Althaïa n'avait pas gobé le mensonge, mais elle le laissa partir. Sans rien demander.
Deux mois plus tard, une missive impériale destituait Althaïa de son pouvoir. Ses terres étaient vendues au seigneur voisin contre la somme dérisoire de trente-mille pièces d'or. Une misère pour un trésor, pensait Ingord, mais Althaïa n'avait que faire de cet argent. Ce qui lui provoqua une bouffée de haine fut de penser que son patrimoine et la vie de ses gens valaient si peu au regard des nobles impériaux. Un soir, alors qu'elle rentrait d'une balade solitaire, elle avisa le maître d'arme en train de frapper le fer sur son enclume. Il s'arrêta pour la saluer. La jeune noble pensa soudain qu'elle n'avait plus touché son marteau depuis des lustres, et en rougit de honte. Ingord n'avait rien dit, mais certainement n'en pensait-il pas moins. Sans rien lui dire, elle passa dans l'atelier qui jouxtait la salle d'armes et se changea en vitesse. Elle ressortit par la porte de derrière, arborant le grand tablier de cuir, jadis bien trop grand, aujourd'hui presque sur-mesure. Ingord fut très ému, au point que pour la première fois depuis des années, il se permit de la serrer dans ses bras. Ils se mirent au travail. Leurs coups résonnèrent longtemps après le couché du soleil. Au petit matin, une magnifique rapière avait jailli du bloc d'acier de la veille. Althaïa avait progressé. Ce constat lui donna la force qu'il lui manquait.
Tuëryn réapparut un beau jour sans que nul ne s'en rende compte. Même Althaïa eut un choc en le voyant venir vers elle d'un pas tranquille, alors que plus de quatre mois s'étaient écouler sans qu'il ne donne le moindre signe de vie. Son air du trahir sa pensée car le vieil elfe s'inclina presque jusqu'à terre en 'excusant, ce qu'il n'avait jamais fait depuis son arrivée à Serrenoire. La jeune femme le soupçonna d'en rajoute pour tenter de la faire rire, mais elle ne parvint qu'à esquisser un vague sourire. Cet elfe là était aussi insaisissable qu'un fantôme, et nul ne le retiendrait jamais nulle part. Même un dragon ne pourrait l'empêcher d'entrer dans son antre et d'en ressortir à sa guise. « J'étais au domaine de la Rhapsodie, déclara-t-il sans qu'Althaïa ne lui ait posé la moindre question, je ne me suis pas vraiment arrêté. J'ai juste prévenu le gardien des préceptes de notre prochaine arrivée. » Tous ces mots firent écho à ses souvenirs. Pourtant, elle se sentit nerveuse à l'idée que Tuëryn avait tout planifier sans la consulter. « Je vous remercie mais, commença-t-elle, Pas de mais, trancha l'elfe, commence par bannir ce mot. Il faut faire ce qui doit être fait en temps et en heure. Ainsi va la vie. Oui, le château de Serrenoire a fait son temps. Cependant rien ne dit que tout est perdu. Seul le temps le dira. Pour l'instant, Althaïa Actaaë, je veux que tu assumes ton choix jusqu'au bout. » Il se drapa dans son vêtement et s'approcha, un éclat farouche dans les yeux. « Être baptistrel ne se fait pas en un jour. Ni même en un an. Je t'ai longtemps mise en garde. Tu as abdiqué devant l'empereur en refusant de lui prêter serment. Toute la cour t'a entendu déclarer que tu deviendrais baptistrelle. » C'est ce que j'ai toujours voulu, pensa Althaïa sans pouvoir prononcer un mot. « Et tu le deviendras, continua Tuëryn, maintenant si proche qu'elle pouvait presque compter les stries brillantes de son iris. Car j'ai attendu toute ma vie pour pouvoir un jour avoir cet honneur. Celui de passer mon flambeau à un être qui en est digne. » Althaïa déglutit. Qui en est digne ? Elle ? Cette pensée l'aurait presque fait rire. Elle était pitoyable. « Nous allons partir. Toi et moi. Pour un très long voyage. Mais cela ne se fera que si tu as une entière et pleine confiance en moi. Et surtout, si tu acceptes de t'arracher de la terre qui t'a vu naître pour plonger dans les océans de l'inconnu. Sans te retourner. Sans avoir peur. » Comment pourrait-elle avoir peur avec une telle compagnie ? Tuëryn aurait fait fuir un ivrogne enragé rien qu'en lui adressant la parole. Elle baissa la tête, s'extirpant difficilement des tréfonds de son regard. « Je... vous savez déjà, lui dit-elle, vous n'avez pas besoin de moi pour le savoir. Sinon, vous n'auriez pas pris la peine de traverser le continent. » Tuëryn sourit et lui prit la main. « Certes. Mais je ne suis pas parfait. Personne ne l'est. J'aurais fort bien pu me tromper sur toute la ligne. J'ai besoin de savoir si tu es prête à me suivre. Je veux que ces mots soient les tiens. C'est un premier pas sur le chemin de la sincérité. »
« Je suis prête à vous suivre. Où que vous n'emmeniez, quelque soient les obstacles. Même si je dois abandonner ceux qui sont pour moi, une famille. Je veux devenir baptistrelle, et je le deviendrai. »
Althaïa ne prévint personne de leur départ, hormis son conseiller et la garde impériale. Elle ne supportait pas l'idée de devoir faire ses adieux à tous. Sa détermination n'y aurait jamais survécue. Tuëryn avait tout prévu, et la nuit convenue, Althaïa rassembla le peu d'affaire qu'elle avait décidé d'emmener pour son périple. Le pendentif de Mathis, un parchemin sur lequel elle avait rédigé toutes sortes de renseignements utiles, les dagues d'Ingord, une ceinture offerte par un garde, et une grande cape blanche héritée de sa mère. Elle s'habilla très simplement, un pantalon en étoffe grossière et une longue chemise de lin renforcée aux coudes. Elle avait tous les attributs d'une vilaine. Seul son maintien et son port de tête pouvait indiquer ses origines aux observateurs avisés.
Ainsi, les deux compagnons s'enfuirent comme deux voleurs du château de Serrenoire, usant de leur magie pour se rendre indétectables. Althaïa ne pouvait pas suivre l'elfe dans sa course, si bien qu'au bout de quelques kilomètres, il décida de la prendre sur son dos. La jeune femme s'y refusa d'abord, jugeant qu'elle serait un trop lourd fardeau. Mais Tuëryn ne lui donnait pas réellement le choix. Ils parcoururent le vallon en trois heures, là ou Althaïa aurait mis une journée entière.
Leur voyage jusqu'au domaine dura dix semaines. Ils s'arrêtaient, tantôt pour se ravitailler dans les villages, tantôt pour dormir, tantôt pour méditer ou s'entraîner. Le physique d'Althaïa se transforma durablement. Elle faisait désormais près d'un mètre quatre vingt, une taille exceptionnelle pour une femme humaine, et possédait une musculature fine et ferme à faire pâlir un gymnaste. Leurs courses intenses à travers les plaines et les vallées lui avait également enseigner nombre de choses sur elle-même et sur son corps. Elle touchait ses limites, apprenaient à les repousser. Loin du confort qui avait bercé son enfance et son adolescence, Althaïa prenait aussi conscience des dommages considérables que l'homme faisait à son environnement. Tuëryn en profitait pour poser avec elle les bases de son apprentissage. Il lui apprit à écouter les chants naturels, à s'imprégner des vibrations inhérentes à chaque lieu. Il lui apprit l'histoire de son peuple et celle d'Armanda, telle qu'Althaïa ne l'avait jamais entendue. Il l'écouta chanter, et chanta lui aussi. Lorsqu'ils arrivaient en ville, les gens les saluaient, reconnaissant les baptistrels. Ils gagnaient de quoi vivre en partageant simplement leurs connaissances ou leurs chants lors de leurs passages. Tuëryn n'utilisait que rarement la magie baptistrale. La plupart du temps, sa voix d'elfe suffisait à émerveiller son auditoire. Althaïa n'avait toujours pas le savoir suffisant pour acquérir un quelconque pouvoir, mais sa voix s'était affermi avec le temps, avait gagné en puissance et en clarté. Elle avait un timbre parfaitement humain, mais suffisamment angélique pour faire rêver son petit public.
Lorsqu'ils abordèrent la lisière de la forêt elfique, Althaïa sentit les changements subtils de l'environnement. Le vert était plus intense, les arbres, différents. L'air se chargeait d'une senteur inimitable, les animaux sauvages étaient familiers. Les humains se faisaient rares. Quand les deux baptistrels furent à l'intérieur des bois, la lumière changea, les murmures du vent remplacèrent les bruits de la civilisation. Tuëryn lui aussi semblait avoir changé. Althaïa ne sut pas comment expliquer le phénomène, mais, il était différent. Elle aussi, peut-être, était différente. Ils croisèrent des elfes, et le souvenir d'Esëidel remonta des profondeurs de sa mémoire. Esëidel, était-il rentré en sa mère patrie ? Ou continuait-il d'arpenter Armanda de long en large comme avant ? Elle espérait tant le revoir un jour. Le remercier. Dans la douce pénombre du sous-bois, la nature se paraît de teintes surréalistes. Althaïa aimait la fraicheur de l'herbe et de la mousse sous ses pieds nus. Elle respirait un air nouveau. Tuëryn la regardait faire en silence. Ils mirent ainsi plus de deux jours à atteindre la première ville, à force de tours et de détours pour admirer les merveilles de ce nouvel environnement. Althaïa fut émerveillée par l'architecture elfique. Rien qui ne ressemblait aux constructions humaines, massives et linéaires. Tout n'était que courbes graciles et lignes élancées. Les arbres faisaient partie intégrante des bâtiments, rien ne semblait rajouté. Tout était exactement à sa place. Les elfes la dévisageait d'un air malicieux, mais elle n'essuya aucun comportement déplacé ou hostile. La présence de Tuëryn à ses côtés éveillait surtout la curiosité. La jeune femme passa d'agréables moments en compagnie des elfes, tous très intéressés de découvrir qu'elle était apprentie baptistrelle. Il semblait fort curieux qu'une humaine taillée comme un coureur de fond s'exerce à l'art du chant et de la musique. C'était sans compté sans l'entraînement que Tuëryn lui faisait subir, qui lui, était d'un tout autre genre. Car depuis qu'ils avaient quitté Serrenoire et la salle d'entraînement, Althaïa avait découvert une toute autre dimension dans l'art du combat, qui ne ressemblait en rien à ce qu'elle avait connu. L'elfe lui avait enseigné un art millénaire dont il était l'un des derniers représentants vivants sur Armanda. Et si elle n'était qu'une débutante, le changement opéré tant dans sa façon de se mouvoir que dans sa façon de penser, était spectaculaire. La forêt elfique leur offrit un tout autre défi. Tout dans l'art enseigné par Tuëryn reposait dans l'accord parfait entre le combattant et son environnement, spatial et temporel. Or les rares forêts qu'ils avaient traversées n'avaient que peu de point commun avec celle-ci. Mais étrangement, Althaïa s'y sentait à l'aise. Certains elfes avaient tenus à les accompagner jusqu'aux portes de la Rhapsodie. Elle traversa des kilomètres de forêt paradisiaque en compagnie des personnages les plus excentriques qu'elle ait connu. Cinq jours de voyage pendant lesquels elle apprit à connaître les usages elfiques et les coutumes. En échange, elle leur parlait d'elle, des humains et de l'empire. Un jeune elfe se montrait particulièrement intéressé par ses récits. La jeune baptistrelle put également développer sa connaissance de la langue elfique, qu'elle trouvait magnifique, à l'image des elfes eux-même. Cette sérénité et cette chaleur noyèrent sa mélancolie et sa morosité dans une vague d'amour pour une nature intacte et un peuple béni. Tous en revanche, semblait intrigués par Tuëryn Daenae. Althaïa remarqua que ses compagnons elfes paraissaient bien moins sûr d'eux, presque inquiet en présence du vieux baptistrel. Lui, les regardait avec ce mélange de tendresse et de lassitude qui caractérise les êtres d'un autre temps. Lorsqu'il s'absenta un soir, alors qu'ils campaient à quelques kilomètres du domaine, Althaïa se risqua à questionner Helandryl Enoën, un archer enjoué, sur ce qu'il savait de Tuëryn. À sa grande surprise, Helandryl lui dit qu'il ignorait le nom de celui qui les accompagnait. Mais en entendant Althaïa prononcer son nom, l'elfe avait réagi d'une étrange façon. « Daenae ? Tuëryn Daenae était jadis l'un des plus grand baptistrel d'Armanda, à une époque où cet ordre était encore jeune. Nombre d'elfes connaissent son nom de par les légendes, mais nous le pensions disparu depuis une éternité. Es-tu sûre qu'il s'agit bien de lui ? C'est le nom qu'il se donne, dit Althaïa, pour qui le doute était un ennemi facile à écarter, et c'est un très grand mage. Peux-tu m'en dire plus ? Eh bien, on raconte beaucoup de choses sur les baptistrels. Mais ils sont les seuls à détenir la vérité. Tuëryn Daenae était surnommé la Voix des Vents. Je crois que c'était en rapport avec ce que les baptistrels appellent « l'affinité élémentaire ». Il t'en parlera certainement bien mieux que moi. Je ne suis qu'un profane. Quant à son histoire, c'est peu dire que nul ne la connaît : s'il es réellement avec nous aujourd'hui, il doit être l'un des elfes les plus vieux de notre histoire, et ceux qui auraient pu nous parler de lui sont morts depuis des siècles. D'autant plus que je ne l'ai jamais aperçu nulle part dans la forêt, alors que je passe mes journées à parcourir le royaume de long en large. Cela ne veut peut-être rien dire. Mais j'ai du mal à croire que Tuëryn soit toujours parmi nous. »
Lorsque l'intéressé revint au couché du soleil, Althaïa posa un regard nouveau sur lui. Ainsi, le vieux vagabond avait jadis été une légende parmi ceux de son peuple ? Si c'était vrai, elle ne pourrait plus jamais nier le fait qu'il l'avait choisi, elle, Althaïa Actaaë, pour être son élève. Un fardeau bien trop lourd à porter. Pourquoi restait la question essentielle. Plus elle approchait du domaine, plus elle sentait que le choix de Tuëryn n'était pas le fruit du hasard. Sa curiosité se muait en panique.
Chantétoile:
Le domaine n'avait en réalité rien à voir avec celui né de son imagination. Il était très différent, mais surtout bien plus étrange qu'elle ne l'aurait cru. Ce fut aux portes de la Rhapsodie que les elfes du groupe se séparèrent, non sans tristesse, car désormais seuls Tuëryn et Althaïa pouvait continuer. « Nous allons faire les présentations, lui annonça Tuëryn de son habituel ton enjoué, c'est ici que sera officialisé ta position d'Enwr, c'est à dire d'aspirant. Tu vas pouvoir rencontrer les douze baptistrels du domaine, et leurs élèves respectifs. C'est ici que tout recommence. » Althaïa écoutait ses paroles d'une oreille distraite, tant elle était occupée à détailler tout ce qui l'entourait. L'endroit était imprégné de magie jusqu'à la moelle, chacun de ses pas lui procurait des sensations extraordinaires, chaque bouffée d'air l'emplissait d'une énergie sans limite. Pour la première fois de sa vie, Althaïa Actaaë se sentait puissante. Elle pouvait soulever des montagnes. Un chant prenait forme dans son esprit, mais faute de connaissance, il resta à l'état éthéré de simple pensée. Une pensée qui la porta jusque sur une petite esplanade pavée au beau milieu d'une clairière enchanteresse. Là, deux elfes conversait calmement, chacun un instrument à la main. Les deux baptistrels se levèrent à l'arrivée de Tuëryn, une expression vague de surprise à sa vue. Ils exécutèrent ensemble le rituel de bienvenue elfique et le baptistrel de gauche se tourna vers Althaïa. Il était habillé d'une grande toge d'un vert émeraude aux reflets irisés, qui lui tombait sur les pieds. Tuëryn le présenta à Althaïa, et un grand sourire se peignit sur son visage. Les feuilles dans ses cheveux noirs s'agitèrent brièvement. Le baptistrel de droite lui, était plus petit et presque maigre. Il portait une tunique de soie rouge coupée aux coudes et sa coiffure retombait autour de son visage dans une pluie de reflets roux et dorés. Tous deux accueillirent chaleureusement la jeune humaine, non sans la dévisager avec insistance. Elle se sentit redevenir une petite fille devant ces personnages qui dégageaient une aura de puissance peu commune, et qui, un jour, décideraient de son avenir. Ils continuèrent leur marche, laissant sur leur droite un imposant puits de flammes recouvert par une voute d'arbres. Devant eux se présenta une grande cours d'où émanait une grande fraîcheur. En son centre, Althaïa aperçut une fontaine. Une fontaine argentée qui dégageait une aura formidable. Tuëryn lui présenta le sanctuaire de l'eau. Un humain se trouva là, assis en tailleur sur une margelle de pierre, les yeux clos. Ses vêtements d'un bleu éclatant se reflétaient dans l'eau cristalline. Tout en lui respirait le calme et la béatitude. Le vieil elfe fit signe à Althaïa de passer en silence, pour ne pas troubler sa méditation. La jeune fille sortit à regret par le porche arrière. Elle aurait aimer rester près de la fontaine un peu plus longtemps, et faire la connaissance de cet autre humain. Mais déjà une immense tour se dressait parmi les arbres de la forêt vierge. Ses voutes et volutes se fondaient dans la végétation, et sa forme spiralée lui donnait un air aérien qui n'était pas pour déplaire à la jeune femme. « L'observatoire des étoiles, lui dit Tuëryn avec un air malicieux, cela t'inspire ? » Althaïa sourit. Un observatoire ? Vraiment ? Ici, en plein milieu de la forêt ? La vue de nuit devait être magnifique ! Il fallait à tout prix qu'elle voit cela de ses propres yeux. Et elle le vit.
Sur le seuil de l'observatoire, un elfe aux cheveux blancs semblait les attendre. Sa robe cuivrée trainait jusqu'à terre, lui donnant un air magistral qui n'avait pas échappé à Althaïa. Si tous les baptistrels qu'elle avait rencontré dégageait une puissance et une confiance hors norme, celui-ci était la justice incarnée. Aucune sévérité sur son visage, juste une profonde sagesse brillant au fond de ses iris dorés. Il ne sourit pas, mais ses yeux riaient pour lui. « Tuëryn Daenae. Me voilà enchanté de voir que tu n'as pas oublié le chemin du domaine. Même après tout ce temps. Sais-tu que les elfes te croient mort ? » Le vieux baptistrel se plaça face à son confrère. « Oui, j'ai eu vent de ces rumeurs. Mais depuis quand la majorité a-t-elle raison ? Toi, tu connaissais la vérité sans que nul ne te l'ai dit. Tu la portais dans ton cœur. Alors pourquoi être surpris ? Surpris, de te revoir, oui. Mais infiniment heureux aussi. Je n'osais plus l'espérer. Aucun ne l'espérait plus vraiment. Il semblerait que pour toi, les siècles soient des secondes. C'est en partie vrai, déclara Tuëryn, mais le temps est le même pour tous. Je suis revenu aujourd'hui car je devais revenir aujourd'hui. Ni hier, ni demain. » L'elfe hocha la tête. « Et, à qui ai-je l'honneur ? demanda-t-il à Althaïa. » Elle fit le salut elfique avec une maladresse toute humaine, et évoqua son nom, à haute voix et en pensée. Elle se présenta comme Enwr de Tuëryn. L'elfe ne put retenir sa stupéfaction. « Enwr ? Que dis-tu ? Alors... c'était vrai, fit-il en se retournant brusquement vers Tuëryn, le chant du domaine avait changé ses derniers temps. Je pensais que Renwoïr avait choisi un Enwr et qu'il viendrait à moi. Mais mon interprétation était erronée. » Tuëryn baissa les yeux un instant, avant de relever le menton d'un air fier. « Tu n'as jamais pris d'élève, dit l'elfe à Tuëryn d'un air sévère, tu as disparu des siècles durant sans daigner rejoindre la Rhapsodie lorsqu'elle t'appelait. Et aujourd'hui, tu reviens à nous avec cette... petite humaine ? Je ne prétends pas juger, Tuëryn, mais j'aurais besoin de quelques explications. » Althaïa se sentit soudain mal à l'aise. « Je ne te donnerais pas cette explication, Usidrael. Car elle viendra d'elle-même sous peu. Quant à mon absence... prolongée, j'en suis fort mari, mais elle ne regarde que moi. La Rhapsodie a aujourd'hui des éléments de grande valeur pour soutenir le chant du monde, et peut fort bien se passer de mon aide encore quelques années. » Il prit la main d'Althaïa et la positionna face à Usidrael. « Althaïa, je te présente le Gardien des Préceptes. Il est le gardien du domaine, et le Veilleur de la Rhapsodie. Il fut jadis l'un de mes compagnons les plus chers. » Usidrael s'inclina légèrement. « Je suis revenu aujourd'hui pour faire connaître Althaïa, pour la laisser s'imprégner du domaine, et pour lui donner son titre d'Enwr. Mais cela ne peut se faire sans toi. » Althaïa ne comprit pas pourquoi le Gardien des Préceptes avait son mot à dire concernant le choix de Tuëryn. Usidrael prit un air las. « Tu connais déjà ma réponse, Tuëryn. Depuis longtemps. Et quand bien même j'émettrais la moindre objection, qu'en aurais-tu à faire ? J'ai entièrement confiance en toi. Si tu as choisi Althaïa, elle aussi, t'a choisi . Désormais, son parcours ne dépend que de toi. » La jeune femme mesurait pleinement la chance inestimable qu'elle avait d'être enseignée par un maître aussi prestigieux. Sauf que Tuëryn semblait peu enclin à se conformer aux usages et règles de son propre ordre. Un esprit bien trop libre pour s'enfermer de lui-même.
Ils possèrent deux jours au domaine. Deux jours durant lesquels Althaïa rencontra chaque Cawr et chaque Enwr présent, apprenant ainsi les bases indispensables à sa formation. Elle dormait à la belle étoile sous un immense saule pleureur, profitant pleinement de la vue dégagée sur la voute céleste. Elle parla de nouveau aux étoiles. Mais cette fois, nulle larme, ni colère, ni tristesse. Juste la joie de se sentir bien, confiante en l'avenir, impatiente de partir à l'aventure. Althaïa avait aperçu des terrains d'entraînement où les baptistrels s'exerçaient à divers arts dans un religieux silence. Plusieurs fois, elle s'était arrogé le droit de les observer de près, sans pour autant oser s'entraîner avec eux. Peut-être par pudeur, car elle n'était encore qu'une ignorante, après tout. Le troisième jour, Tuëryn lui annonça qu'ils devaient repartir. Quand elle lui demanda où il comptait l'emmener, l'elfe, de son charmant sourire, déclara : « Aucune idée ! »
Commença alors une épopée qui allait durer plus de vingt-six ans. Vingt-six années durant lesquelles Althaïa et Tuëryn parcoururent la forêt elfique, l'Empire, le désert d'Esfelia, allant jusqu'à la pointe nord de la chaîne du domaine des dragons, où Althaïa put apercevoir les quelques derniers spécimens sauvages résidant encore sur Armanda. Le vieil elfe connaissait le continent comme sa poche, se riait des dangers comme l'albatros des tempêtes de haute mer. Il guidait son élève sur une voie chaque jour plus passionnante, plus improbable, plus intense. Tuëryn ressentait le Diapason comme il respirait. Althaïa l'avait appris au fil du temps : aucun de ses gestes n'étaient en désaccord avec le tout. Il formait une unité totale avec le monde, à chaque instant. Il lui enseigna tout ce qu'un baptistrel doit savoir, de l'histoire à la technique musicale, des notes majeures aux vibrations ultrasoniques, du ressenti à la maîtrise de soi. Althaïa progressait vite, mais elle se sentait à des années lumières des autres baptistrels. Plus elle avançait, plus le chemin à parcourir lui semblait long et escarpé... Mais la seule présence de Tuëryn la portait comme un courant ascendant. Il mettait tant de conviction et d'énergie dans son apprentissage qu'elle aurait préférer mourir que de le décevoir. Il avait beau la mettre dans les situations les plus embarrassantes ou les plus dangereuses, l'évocation d'une note de son chant-nom suffisait à Althaïa pour aller jusqu'au bout d'elle-même. Si elle ne se l'avouait pas vraiment, elle savait au fond d'elle que Tuëryn était l'une, sinon la seule, âme capable de la comprendre. Au fil des ans, leur lien devenait télépathique. Althaïa était désormais une femme mûre et épanouie. Ses techniques de combat prenait des allures de danse surréaliste, tant elle aimait plonger dans les méandres du monde invisible qui l'entourait. Elle n'arrivait toujours pas à la cheville de Tuëryn, mais du haut de son physique humain, la douce et calme Althaïa aurait donné du fil à retordre à un général de l'empire. Elle ressentait chaque battement du temps, le sol sous ses pieds paraissait se modeler selon son envie, et lorsqu'elle frappait, il n'y avait dans son regard qu'un amour infini, du mouvement, de l'intention, du monde. Le geste en lui-même était une prière adressée au ciel.
Sa voix s'était elle aussi transformée, autant par les années que par son travail acharné. Son intelligence lui permettait d'intégrer et d'enregistrer les connaissances à une allure impressionnante. Lorsque, la nuit venue, en haut des collines et des montagnes, s'élevait Lianta'ar, les souvenirs du passé la submergeait, et Althaïa chantait. Elle chantait non plus pour la nature, pour les hommes ou les elfes. Elle chantait pour les âmes, pour les souvenirs, pour les morts et pour le temps. Elle ouvrait son esprit à l'au-delà et laissait sa mémoire lui conter une autre époque. Tuëryn, lui, ne vieillissait pas. Il arborait toujours son sourire rêveur et son regard serein. Il ne se confiait que rarement, il méditait des jours durant, n'importe où, dans n'importe quelle position. Quand il n'enseignait pas à Althaïa, il marchait sans but, entonnait des chants qui éveillaient tout autour de lui. Il traversait le monde comme une brise d'été. On sentait sa présence, mais nul ne le voyait.
Un beau jour, Althaïa s'entraînait seule sur un petit promontoire, d'où elle pouvait voir le sud de la forêt elfique. Tuëryn l'observait de loin. Il repensait à tout ce qu'ils avaient vécu. Une encyclopédie n'y aurait pas suffit. Le lien qui s'était tissé entre eux dépassait tout ce que l'elfe aurait pu imaginer. Tuëryn sourit pour lui-même. Après toute une vie, il apprenait encore. Chaque jour.
Althaïa se mouvait comme un serpent dans l'eau. Elle exécutait toutes les techniques apprises une par une, y mêlait toute son âme et son esprit. Mais cela lui paraissait insuffisant. Elle était toujours en décalage, comme si quelque chose d'invisible la retenait, lui interdisait l'accès à une dimension supérieure dans sa compréhension. Au bout d'une heure, elle s'arrêta. Tuëryn réapparut juste derrière elle. « Tu as encore progressé, lui dit-il, je pense que nous pourrons aborder un autre niveau très bientôt. Vous croyez ? J'ai le sentiment de passer à côté de l'essentiel. Je n'arrive pas... Je ne sais pas. Il me manque quelque chose, quelque chose qui m'échappe. » Les yeux de Tuëryn brillèrent. « Je vois. » Il ferma les yeux un instant. Ses lèvres s'entrouvrirent et une note, pure et glaçante, résonna autour d'eux. Athaïa se figea. Un court silence, puis Tuëryn entama un chant nom qu'elle ne connaissait pas. Lorsqu'il se tut, il posa sur elle un regard empli de fierté. « Tu as raison, chantonna-t-il. Il te manque quelque chose. J'étais trop occupé pour m'en rendre compte, tout est ma faute. Ce qu'il te manque, tu ne peux pas l'obtenir seule. »
« Nous devons partir. Rassemble tes affaires. Direction : le domaine de la Rhapsodie. »
Le retour au domaine fut un choc pour Althaïa. L'ambiance était très différente de celle de ses souvenirs. Dès les premiers pas, elle put capter ce que jadis elle aurait simplement ignoré. Le domaine vibrait avec plus d'intensité qu'aucun autre lieu jusqu'alors. Le chant des arbres à cet endroit était très particulier. Tuëryn chantait devant elle. De ce qu'elle comprit du chant, il s'agissait d'un appel. Il la guida à travers les arbres sans hésiter. Althaïa, forte de son assurance, le suivit, en jetant de temps à autres quelques timides regards vers les sanctuaires déserts. Elle s'arrêta. « Où sont les baptistrels ? demanda-t-elle, il n'y en a aucun ? Au contraire, répondit le Cawr sans se retourner, ils sont tous là. » Tuëryn s'arrêta un instant devant les dolmens des vents. Il émit la note Ela en inclinant légèrement la tête, comme pour un salut. Un souffle léger s'enroula autour d'eux, caressant leurs nuques, ébouriffant leurs cheveux. L'elfe parut soulagé. D'un geste de la main, il invita Althaïa à continuer.
« Il arrive un jour, dans le parcours d'un Enwr, où l'étude théorique de la vérité ne suffit plus. Ce jour, il ressent alors un profond trouble. Il doute de lui-même, car il se sent insuffisant face aux puissances mystérieuses dont il entend parler, mais dont il ne parvient pas à ressentir la présence. Lorsque l'élève parvient au pied de ce mur, c'est au maître qu'il revient de le lui faire franchir. Cependant, cela ne se peut qu'à une seule condition : l'élève devra désormais mettre en pratique tout ce qu'il a appris durant sa vie de disciple. Il est temps pour lui de prêter serment. Ce serment n'est pas de ceux que l'on lit à voix haute, la main sur le cœur. Ce serment se fait sous la forme d'un chant. Un chant présenté devant la Rhapsodie au grand complet, mais aussi et surtout, sous le regard des esprits primordiaux. Eux seuls accordent ou nom leur confiance à l'élève. C'est pour cette raison que chaque cérémonie d'acceptation est unique. Chaque baptistrel reçoit alors une compréhension du monde et de lui-même à travers l'élément auquel son âme est liée. Dès lors, la magie baptistrale prend tout son sens, sa puissance est révélée. Mais, la puissance ne s'acquiert jamais sans contrepartie. La responsabilité qui en découle est immense et absolue. Les lois de la nature domine l'ordre baptistral, et l'on se doit de ne jamais oublier les préceptes qui nous sont édicter lors de la cérémonie. Et ce quelque soit la durée de notre vie. »
La cérémonie était donc unique et propre à chaque individu. Mais le protocole qui l'accompagnait, lui, était jalousement gardé secret par la Rhapsodie. Althaïa connaissait donc la finalité de son retour au domaine après plus de vingt ans d'absence. Pour autant, elle ignorait ce qui allait se passer. Elle sentit l'excitation et l'angoisse monter d'un cran lorsqu'ils arrivèrent sur une grande esplanade pavée. Ils étaient tous là, les dix baptistrels qu'elle avait jadis rencontré. Sauf un. L'homme de la fontaine. Althaïa eut un pincement au cœur en pensant que s'il était pas là, il n'était plus nulle part. Son esprit fit un rapide calcul : avec Tuëryn, ils étaient onze. Ce qui signifiait... que si elle était acceptée, il n'y aurait plus aucun nouveau baptistrel jusqu'à ce que l'un d'eux décède. Elle se figea à cette pensée.
Le temps s'écoulait lentement. Trop lentement. Pourquoi diable Tuëryn ne l'avait-il pas préparée à cette épreuve ? Elle devait avoir l'air complètement idiote. Chanter son âme, ce qu'il y a de plus profond en vous, ça ne s'improvise pas. Ça n'a rien à voir avec une comptine, une chanson d''amour ou une ballade... Et il lui fallait pourtant improviser. Là, maintenant, sous le regard acéré des maîtres baptistrels. Avant, elle devait trouver un moyen de se calmer, de faire le vide. Plus facile à dire qu'à faire dans un moment pareil. Athaïa baissa la tête et regarda ses pieds. C'était fort bête. Mais toujours mieux que d'avoir à soutenir le regard de feu d'Usidrael.
Timidement, elle se redressa vers les cieux, inspirant à pleins poumons. La baptistrelle avait senti quelque chose. Elle n'était pas sûre d'avoir interprété correctement l'infime sensation, mais si elle ne chantait pas maintenant, elle ne chanterait jamais. Tout son être était paralysé. Althaïa étendit sa conscience autour d'elle, sentant vaguement les vibrations émanant des personnes présentes. Ce n'était pas ce qu'elle cherchait. Elle rencontra l'esprit de Tuëryn. Elle y puisa le peu de forces qui lui manquait.
Althaïa chanta Oen. Premier son émis dans la clairière depuis une éternité. Elle tint la note longtemps, formant un son rond et plein, jusqu'à emmagasiner toute la puissance qu'il contenait. C'était un cercle parfait, une sphère dense, une ronde folle cloisonnée dans un espace infime. Althaïa chanta Ela. Le son n'égala pas celui de Tuëryn. Il était trop fort, trop rude, mais s'ouvrit, grandit et fila à travers la forêt. Althaïa chanta Ys. Sa voix s'était amplifiée au centuple. Peut-être l'entendait-on jusqu'aux frontières de l'empire ? La note était un hymne au mouvement, à la puissance et au courage. Le courage qu'il lui fallut pour s'ouvrir, et dévoiler celle qu'elle était. Lorsqu'Althaïa acheva sur Dia, elle en avait presque oublié l'endroit où elle se trouvait. Sa voix s'unissait au temps et à l'espace. Son cœur s'allégea soudain, et libéra le chant enfouit en elle, celui qu'elle attendait depuis si longtemps. Les sons partaient du grave et montaient jusqu'à l'aiguë pour redescendre, pareils aux étincelles d'un feu d'artifice. À peine une note mourait qu'une autre naissait. Son chant n'était qu'un cycle, perpétuellement renouvelé, mais chaque fois plus puissant, plus vrai. Il n'y avait plus rien autour, d'elle. Ni baptistrels, ni pierre, ni arbre ni herbe. L'invisible devenait visible, et Althaïa voyait pour la première fois. Elle voyait les âmes des vivants et des morts danser à l'unisson au son de sa voix, l'encourager, la pousser vers le haut, toujours plus loin. Son corps disparaissait, devenait fumée, puis air, puis lumière. Cette sensation la rendit euphorique. Chaque note devenait un être à part entière avec lequel elle tournoyait sur une piste céleste, auquel elle pouvait communiquer sa joie et son amour. Les énergies se tintaient de couleurs chatoyantes, les liens entre les gens vibraient comme les cordes d'un violon, les esprits avaient des odeurs et des reliefs. La vision fantasmagorique dura jusqu'à ce qu'une intense fatigue la traverse. De nouveau, son corps s'alourdit, l'infinie puissance qui l'avait un instant enveloppée se resserrait maintenant comme un serpent prêt à l'étouffer. Althaïa sentit sa voix changer, une violente douleur envahit son crâne, l'empêchant de rester en harmonie avec l'au-delà. Elle était aspirée dans le vide, tout s'écroulait sur elle. Elle voulait crier, mais ne parvenait plus à stopper le chant. Elle se recroquevilla sous la pression insupportable, tentait d'échapper à cette chose invisible chaque seconde plus menaçante. En vain. Tel une poigne de fer, l'éther l'écrasait dans les tréfonds de sa propre âme, l'éloignant de son cœur, sa raison, son intellect, tout ce qui aurait pu lui permettre de sortir de son état second. Althaïa n'était plus qu'une petite boule de souffrance et de peur, au milieu d'un espace sans lumière et sans chaleur. Il ne restait rien de sa personne qu'un fragment aussi dur et pur que le diamant, seul témoin de son existence dans le chaos. Combien de temps cela dura-t-il... ? Une seconde, une semaine, un an, un millénaire... Le Temps n'existait pas.
Doucement, la douleur s'évanouit. L'âme réduite à sa plus simple expression s'éveilla, commença à attirer à elle un par un les fragments éparpillés de son esprit. Althaïa renaissait. Lorsque sa conscience revint, Althaïa perçut les sphères lumineuses des âmes qui l'entourait. Des soleil dans le noir. Tous étaient de couleur et de taille différente, ceux des baptistrels, imposants et aveuglants, ceux des animaux, ceux des plantes et même, très diffus, ceux des pierres anciennes... Alors qu'Althaïa tentait de réintégrer la réalité, une nouvelle sensation s'empara de nouveau d'elle. Peur viscérale, elle se tendit. Mais il n'y eu aucune douleur. Son esprit éclata, explosa en une myriade de fragments indépendants. Sa vision se démultiplia, Althaïa voyait le monde à travers un kaléidoscope, stupéfaite. Elle se vit elle-même, de l'extérieur. Une sensation terriblement dérangeante, qui ne manquerait pas de la torturer toute sa vie.
Les baptistrels n'avaient pas bougé. Leurs visages étaient ravagés par une peur intense. Dans les yeux de Tuëryn se lisait la douleur. Avait-il ressenti la sienne ? Althaïa savait qu'il l'avait au moins perçue. Il ne semblait pas être le seul. Althaïa, qui supporta quelques secondes de se retrouver à nouveau elle même et en elle-même, ne put tenir davantage sur ses jambes. Le chant l'avait littéralement vidée de ses forces. Sa fatigue s'accompagna d'un profond désespoir : l'esprit l'avait attaquée, l'avait réduit à néant sans qu'elle ne puisse rien faire. Lianta'ar l'avait abandonnée. Elle l'avait refusée. C'était la seule explication. Althaïa écarta l'une de ses mèches, dévoilant ses pleurs, lançant un regard courroucé et triste à son maître. Pourquoi ? Pourquoi n'avez vous rien fait ? J'allais mourir, je souffrais. Et vous m'avez laisser seule. Seule... Tuëryn vacilla. Il resta silencieux. A baptistrelle sentit juste son esprit s'agiter, tenter de lui transmettre quelque chose sans y parvenir. Une larme coula sur la joue du vieil elfe. Et il parti d'un grand rire.
Une elfe vêtue de blanc laissa s'échapper un petit bruit d'émotion. « Une chanteciel ! » Althaïa ne comprenait plus rien. En un instant, les baptistrels avaient basculé d'un extrême à l'autre. Ils semblaient sortir d'une longue léthargie.
Althaïa les vit se regarder, échanger des expressions diverses, allant de la surprise à la joie, en passant par la perplexité ou le doute. Seul Tuëryn regardait Althaïa, l'étincelle de fierté illuminant ses iris azur. « Tu es la première chanteciel parmi nous depuis plus de 560 ans, dit le Gardien, et surtout... la première humaine. Voilà, ce qui est formidable. Nous te félicitons. Et nous t'accueillons. Tu es désormais des nôtres, Althaïa Actaaë. Te voilà Cawr à ton tour, et baptistrelle de plein droit. » Les onze baptistrels s'approchèrent d'Althaïa en demi-cercle, et à l'unisson, entonnèrent le chant- nom qui leur avait été révélé. La puissance de leurs voix réunies était presque effrayante. Elle fut étonnée de découvrir que ce chant était différent de celui qu'elle avait livré auparavant. Tuëryn lui avait conté les transformations radicales qui pouvaient s'opérer durant la cérémonie. Mais les vivre soi-même était d'un autre ressort. Elle n'en revenait pas. Les questions se bousculaient dans sa tête, ses idées partaient en tous sens sans qu'elle ne puisse en attraper aucune. Elle avait donc réussi ? Son atroce souvenir lui laissait un goût amer. Tous les jeunes baptistrels avaient-ils eu droit à quelque chose du genre ? Althaïa, en revoyant les expressions terrifiées de ses prédécesseurs, n'en était pas si sûre...
Le restant du jour défila comme dans un rêve. Si bien qu'à la tombée de la nuit, Althaïa ne savait plus si cette journée avait réellement existé, ou si tout cela n'était que le fruit de son imagination. Elle entra dans le Tomingorllo à pas feutrés, à la manière d'un chat en chasse. Il n'y avait personne. Une douce odeur de vieux livre emplit ses narines. Elle avisa sur les murs de la salle circulaire des étagères entièrement remplies de livre. Il y en avait un nombre incalculable ! Certains étaient dans un état tel qu'Althaïa n'osa pas les toucher, de peur qu'ils effritent à son contact. Des siècles de connaissances concentrées en un seul endroit. La baptistrelle ne put se retenir de rire. Un rire de joie, un rire presque enfantin, celui que les hommes ont lorsqu'après des années d'exil, ils entrevoient leur mère patrie à l'horizon. Elle se sentait chez elle. Elle revenait à ses origines.
Althaïa passa plusieurs semaines seule au milieu des livres. Elle n'avait rien avalé, n'avait quasiment rien bu en dehors de quelques gorgées d'eau qu'elle avait fait apparaître depuis le sol. Sa fascination pour ce savoir ancien et oublié dépassait tout ce qu'elle avait connu. Elle s'oubliait elle-même. Ce fut lorsque Tuëryn la trouva profondément endormie au sommet de la tour, amaigrie et faible, qu'il décida de mettre fin à ce dangereux ermitage. « Pourquoi n'êtes vous pas restez vous entraîner et étudier au domaine ? Lui demanda Althaïa, alors qu'il l'emmenait au sanctuaire du vent, il y a tout ce qu'il faut ici ! Là est le piège, dit Tuëryn en souriant, les baptistrels se retirent du monde des années durant. Or, ce n'est qu'en bougeant avec lui que l'on peut le comprendre. Pas en restant cloitré entre quatre mur comme tu le fais. J'ai passé des années sur les routes, rit Althaïa, l'auriez-vous déjà oublié ? Mes pieds en ont saigné ! Qu'y a-t-il de mal à se poser quelque part ? Vous êtes un voyageur des vents, Tuëryn, mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Je ne dis pas le contraire. Mais la clef de toute chose est l'équilibre. En effet, je ne peux considérer les autres à mon image, mais je me fais un devoir de les guider si je le peux. » Althaïa était désormais Cawr à part entière. Pourtant, elle ne pouvait se détacher de sa position d'élève par rapport à lui. Il était si vieux et si sage, il l'avait toujours guidé sans faiblir. Il était un repère inébranlable, un roc dan la tempête. Et si tout n'était pas toujours rose entre eux, leurs disputes étaient toujours constructives et courtes.
Pour cette raison, Althaïa reçut une gifle monumentale lorsqu'il lui déclara qu'ils devaient à présent se séparer. « Il est important que tu suives seule le chemin de ta vie, désormais. Tu es baptistrelle. La véritable voie commence maintenant, et si mon esprit t'accompagnera toujours, c'est toi et toi seule qui sera maître de ton destin. » Ils s'étaient dit « au revoir ». Althaïa n'avait pas pleuré. Elle en aurait été incapable tant la douleur lui coupait le souffle. Ce n'est que lorsque les choses viennent à manquer que l'on se rend compte de leur importance. Althaïa l'avait regardé s'éloigner depuis les portes du domaine. Le cœur en plomb. Lui, ne s'était retourné qu'à la dernière minute, lui lançant une pensée forte comme un coup de clairon : « Que le ciel veille sur toi, chantétoile ! »
Et Tuëryn s'était fondu avec le vent.
L'âme de feu:
Althaïa tentait de se faire une raison. Elle arpentait le domaine de long en large, donnant le change à ceux qui lui souriaient, mais au creux de sa poitrine, un nœud l'empêchait de respirer. Sa détresse et son incapacitéà maîtriser ses émotions ne faisaient que rajouter à sa peine. Elle se trouvait plus pathétique que jamais. Elle avait reçu le don. Elle voyait. Elle ressentait. Elle comprenait. Mais elle n'en avait que faire. Elle était seule. Et infiniment triste.
Ses souvenirs l'emportaient loin du domaine, de l'autre côté du continent, là où sa vie avait commencé. Elle chantait cette vieille chanson triste qu'elle avait lancé un jour aux cieux. Et chaque note agissait comme une douche froide sur son esprit embué. Les étoiles brillaient au-dessus d'elle, elle leur confiait son message, pour que, d'où qu'il se trouve, l'elfe entende sa chanson et pense à elle.
Un soir, Althaïa déposa le livre qu'elle tentait de déchiffrer depuis de longues heures, pour se diriger vers la cime des arbres, où elle espérait apercevoir une petite étoile du nom de Tahanis. La baptistrelle avait lu dans l'un de ses nombreux ouvrages que Tahanis était jadis considérée par les peuples du nord comme « la parole des anciens transmise au travers du temps ». Elle avait adoré l'idée. Depuis, elle avait s'était fabriqué une lunette avec des matériaux naturels et un peu de magie, pour pouvoir l'observer de plus près. Ce soir là, Tahanis était bien visible, diamétralement opposée à Lianta'ar, seule à côté d'un amas d'étoiles blanches. Althaïa se mit à chanter dans le silence nocturne. Sans la moindre magie, juste pour l'étoile et sa beauté céleste. Après plusieurs minutes, elle ferma doucement les yeux, se laissant bercer par la tendresse de ses paroles. Un écho apparut, non pas dans la pièce, mais dans un recoin de sa tête. Une petite voix semblable à la sienne, mais étrangement aigu. Althaïa se tut, se concentra sur ce qu'elle entendait de l'intérieur. C'était un chant baptistral qu'elle ne connaissait pas et dont elle ne saisissait pas le sens, mais l'air lui plaisait. Il portait en lui une vérité profonde et pure. Puis, une idée qui n'émanait pas d'elle germa en son esprit. Une bulle de lumière. Un souffle. Et une drôle de psalmodie qui se répétait sans cesse.
Entend ma voix, Âme de l'an, Entend ma voix, Tout doucement, Ouvrir l'esprit De nos enfants Pour que demain Dans le néant Naisse la vie Parmi le sang de nos anciens
La petite voix claire répétait son couplet entêtant comme une enfant sur le chemin de la ville. Althaïa fronça les sourcils. C'était le genre de méthode basique que l'on enseignait aux mages pour se prévenir des attaques mentales... Elle même excellait dans le domaine. Elle n'avait pourtant senti aucune présence mentale dans les environs... Et seuls les baptistrels pouvaient pénétrer dans le domaine sans autorisation. La voix n'émanait pas d'un autre. Mais bien d'elle.
Le vent l'a porté Au travers des champs Mais le messager Devra pour autant Chanter pour ouvrir Les Portes du Temps Car demain verra Quelque part au loin Toujours ici bas Une âme de feu Qui tendra la main Fera de son mieux
Le ton guilleret tranchait avec les propos. La voix décrut, continuant à ressasser en boucle les mêmes paroles. Puis, l'air se mit à vibrer et Althaïa n'eut aucun mal à capter Dia à travers la pièce. Avait-elle rêvé, ou l'étoile lui ait parlé ? Cette idée saugrenue la plongea dans le doute. Un nouveau chant lui venait en tête, et l'instant d'après... Le messager devra ouvrir les portes du temps. Malgré sa trop petite expérience, Athaïa commençait à appréhender ce qu'impliquait ses nouveaux pouvoirs de baptistrelle. Elle hésitait. Cela paraissait complètement fou, et certainement était elle en train de le devenir réellement. Mais sa vie passée lui avait appris qu'il n'y avait pas de hasard. Sans savoir si l'idée venait d'elle ou d'ailleurs, elle se leva, se plaça au centre du cercle. Elle n'était entrée en Odhr qu'une seule fois. Le jour de la cérémonie. Et le souvenir était particulièrement traumatisant. Une volonté farouche la poussa cependant à écarter sa peur. Pourquoi, elle n'en savait rien, mais il fallait transmettre le chant qu'elle avait en tête. Ouvrir les portes du temps. Ingord aurait trouvé ça ridicule. Mathis aurait aimé le concept. Tuëryn aurait haussé les épaules d'un air rêveur. Althaïa prenait la chose avec le plus grand sérieux. Ce qu'elle devait faire pour cela restait un mystère, mais sa formation de baptistrelle lui avait appris que la nature d'Armanda ne s'embarrassait guère de formalité.
La baptistrelle se demandait vaguement si elle était la première à entreprendre une chose aussi risquée, ou si d'autres l'avaient tenté avant elle. Si oui, combien avait réussi sans y laisser leur vie ? Elle commença par réduire progressivement son rythme respiratoire, puis cardiaque. Elle émit en premier lieu les six notes majeures. Comme un plongeur s'apprêtant à descendre dans les abysses, elle détacha mentalement les liens qui unissaient sont corps et son esprit. Les vibrations propres des choses autour d'elle commencèrent à s'accorder sur le rythme qu'elle leur imposait. La magie se glissa dans les notes.
Quel était le chant-nom du Temps ? En avait-il seulement un ?
La réalité se déchira, toile fragile transpercée par l'onde de puissance, et l'envers du décors avala le reste. L'espace infini s'ouvrit. Les portes du Temps étaient descellées.
Le monde s'inverse à la façon d'un flacon d'eau pailletées. Tout voltige en tout sens. Il n'y a plus de sens.
Althaïa insuffla tout ce qu'elle possédait de magie dans ce chant. Et autour d'elle, le monde se désagrégea peu à peu, les notes prenaient vie, tissaient un voile de lumière dans la nuit noire qui enveloppait son corps. Le chant s'élevait maintenant dans le vide absolu. Althaïa ne sentait plus son corps, elle n'existait qu'au travers du chant. De long liens d'énergie s'échappaient de ce qui restait de son corps matériel, et se ruaient comme des mains avides vers l'infini obscur devant elle. Les dernières sensations du monde réel s'estompèrent et Althaïa projeta sa conscience dans le couloir du temps. Les étoiles défilèrent, les lumières se tordirent dans tous les sens et elle sentit son âme happée par le flot temporel dont elle tentait de dévier le cours. La magie la guidait dans sa recherche, au point qu'elle ne fut plus réellement maître de ses déplacements dans l'éther. Peu lui importait, elle n'était qu'une messagère. Elle espérait simplement être en capacité de transmettre le chant à qui de droit. Loin devant elle, dans les méandres immatériels, elle aperçut une étoile très brillante coincée dans une ligne de temps. Un soleil miniature.
L'âme de feu !
Mais ce n'était pas un soleil : c'était un elfe. Blond, vêtu d'une robe étincelante, il illuminait le cosmos d'une vive lumière orangée. Il était assis en tailleur sur le sol. Althaïa ne distinguait pas ce qui l'entourait, mais elle reconnut le pavage du Tomingorllo. La vision vacillait dans le couloir du temps. Elle ne pourrait pas maintenir l'Odhr très longtemps. Les risques étaient énormes. Mais elle devait le faire. Cette volonté la dépassait de loin. Sa conscience se prolongea loin dans le futur, vers l'âme de l'elfe brillant. C'était un baptistrel. Il pouvait entendre le chant. Les vibrations dégagées par le Diapason au contact de la fracture temporelle dégageait des ondes d'une puissance extrême, ce qui rendait périlleuse l'opération. Althaïa n'avait pas le choix, elle sentait déjà son corps se matérialiser. Lorsque sa conscience effleura celle du baptistrel à travers la brèche éthérée, elle interrompit le chant de traversée, et brisa la barrière immatérielle qui les séparaient, emportant l'âme de feu en dehors de sa réalité. L'elfe ouvrit les yeux, de nouveau conscient. Althaïa lui sourit. Mais elle n'avait pas le temps de faire les présentations. Alors, une pointe de tristesse dans le cœur, elle entama le chant de l'étoile. L'elfe avait réagi d'une étrange façon. Ses lèvres s'étaient légèrement entrouvertes de surprise et ses yeux fixaient le vide devant lui. Il tendait la main, comme pour tenter d'appréhender le phénomène qui venait de se produire. Il se figea aux premières notes qui lui parvinrent, et ne bougea plus. Althaïa se laissa de nouveau submerger par le flot qu'elle ne contrôlait qu'à peine. Sa voix traversait le temps et l'espace comme une flèche, chaque mot elfique était porteur de son espoir et de sa confiance en cet être qu'elle ne connaissait pas, mais dont l'être tout entier débordait de lumière. La voyait-il ? Peut-être. Althaïa n'y pensait plus. Elle n'était plus que musique, tournante comme les mille bras des galaxies, chantait jusqu'au bout de son être. Lorsque l'énergie libérée reflua, la vision de l'elfe se brouilla, son esprit fut de nouveau aspiré dans l'espace-temps, loin de la lumière. Les longs liens d'énergie tournoyèrent autour d'elle jusqu'à se fondre en elle. Althaïa sentit chaque parcelle de son corps se re-matérialiser en dégageant une terrible chaleur. La réalité reprit forme dans une myriade de couleurs hétéroclites. Elle avait réussi... elle l'avait fait ! L'âme l'avait perçue, elle en était certaine. Le message était parvenu à destination.
Soulagée, Althaïa s'effondra sur le sol de l'observatoire, inconsciente.
Lorenz Wintel
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Sujet: Re: Althaïa ACTAAË Ven 26 Juil 2013 - 15:04
La ville qui chante:
La baptistrelle mit des semaines à se remettre de son voyage éthéré. « Tu es folle. Tu es complètement folle. » Ces mots étaient ceux de Tuëryn. La panique qui s'était peinte sur le visage du vieil elfe avait bouleversé Althaïa. Jamais son maître n'avait perdu son sang froid, pas même dans les situations les plus périlleuses. Là, il semblait hors de lui. « As-tu simplement envisager que n'importe qui aurait pu entrer dans la pièce durant ton « opération » ?! As-tu la moindre idée de ce qu'il serait advenu ? Je n'ose même pas y penser une seconde. Ton acte aurait pu non seulement causer ta perte, mais avoir des répercutions à une échelle astronomique ! C'est impensable ! » Althaïa était trop faible pour parler. Elle aurait tant voulu lui dire haut et fort qu'elle n'en avait que faire, que sa mission valait bien plus que sa petite vie insignifiante, que ce chant était le plus extraordinaire qu'elle n'ait jamais produit, et certainement ne produirait jamais plus. Que de toute façon, ce qui était fait était fait. Et que, là-bas, loin dans le futur, là où Armanda était en danger, une personne de grande valeur avait reçu une arme inestimable. C'était à cette personne de continuer son acte, de le prolonger par delà le temps. Elle, n'était qu'un messager. Rien d'autre. Et surtout... Qu'il était de retour.
Elle garda ce sentiment pour elle, bien qu'il ne soit pas dupe. Althaïa rassembla ses forces et projeta sa conscience contre celle de l'elfe, et avant qu'il n'ait eu le temps de réagir, lui avait transmis un flot intarissable de souvenirs extraordinaires. Tuëryn s'était tu et la regardait d'un air triste. « Althaïa. » À son tour, il lui transmit un seul et unique souvenir, clair comme l'eau. Ils étaient dans l'observatoire du donjon de Serrenoire. Tuëryn sortait de l'ombre. Althaïa était près de la lunette. « Contempler l'illusion d'immortalité ne rend pas immortel celui qui contemple. Cesse de te morfondre dans les abysses de l'inaccessible. Vit l'instant présent. » Althaïa sourit. Un sourire douloureux, accompagnée d'une pensée douce : « Mais c'est ce que je fais. Vous disiez vous même que certains choix ne dépendaient pas entièrement de vous. C'est exactement pareil pour moi. » L'elfe s'assit près d'elle et ferma les yeux. Avait-elle réussi à lui faire comprendre ? Il continuait à ne voir en elle qu'une adolescence. Certes, pour lui, elle l'était. Mais pas pour elle. Dans quelques années, elle serait considérée comme vieille par les siens. « Jure-moi simplement que plus jamais tu ne recommenceras, finit-il par lâcher, les dents serrées, que plus jamais l'idée d'enfreindre ainsi les lois de la nature ne te traversera l'esprit. Nous sommes ici pour comprendre le monde et bouger avec lui. L'aimer pour qu'il nous aime en retour. Pas nous jeter en travers de sa route au risque de le faire s'emballer. Cela n'a jamais été dans mes intentions, murmura Althaïa, j'ai seulement... suivi mon cœur. Lianta'ar, c'est elle qui a rendu cela possible. Je ne voulais que le bien d'Armanda. Althaïa. L'enfer est pavé de bonnes intentions. »
« Je vous le jure, Tuëryn. »
Où avait-il passé les derniers mois ? Certainement ne le saurait-elle jamais. Cela n'avait pas d'importance. Elle se contenta de lui parler de choses anodines en pensée. Comme le fait qu'elle ait avaler la moitié du contenu des étagères du premier étage. Tuëryn soupira. « Il serait temps pour toi de partir. - Je suis très bien ici. Je ne risque rien. Althaïa, nous en avons déjà parler. Tu ne peux pas t'enfermer au domaine. Aucun baptistrel ne le peut. Il est un refuge et un sanctuaire, pas un monastère. » Tuëryn décida de frapper là où ça fait mal. Très mal. « Tu n'as jamais songé à retourner à Serrenoire ? » Althaïa se glaça. « Non. »
Et c'était vrai. Elle n'y avait plus songé depuis ses vingt ans. Elle qui allait en avoir quarante cinq, bien qu'elle ne les fasse pas. Le régime elfique, peut-être ? La simple évocation du nom de son château la blessa autant qu'un coup de hache. Elle trouva la force de se redresser pour lui faire face. « Je ne peux pas y retourner. Je suis parti comme une voleuse, en pleine nuit. Sans me retourner. Je ne suis plus rien maintenant. Tu portes le titre de Dame. Pour les humains, ce n'est pas rien. Mais qui me connaît encore ? Et... » L'idée qui venait de lui traverser l'esprit lui donna la nausée. Ingord, Miranda, Mathis... Qu'étaient-ils devenus ? Étaient-ils restés ? Étaient-ils partis ? Étaient-ils seulement vivants et en bonne santé ? Althaïa eut honte. Sa vie de baptistrelle lui parut soudain d'un monstrueux égoïsme. « Comment auraient-ils pu t'oublier ? rit Tuëryn, crois-tu vraiment que l'on puisse oublier ton regard aussi facilement ? » Mais le ton apaisant de sa voix ne suffit pas à la calmer. « Vous avez raison, je ne peux plus rester ici. Je dois... retourner en arrière. Je dois recouvrir mes traces. Le tronc, la cascade et la falaise, récita-t-elle, autant pour lui que pour elle, je n'ai pas fini d'apprendre. J'ai encore une bonne leçon à recevoir. » L'expression amusa beaucoup le vieil elfe.
Il l'accompagna jusqu'à un petit village elfique à la frontière du royaume avec l'empire. Là, elle put se procurer des vivres et un peu de matériel indispensable au voyage contre les quelques pièces d'or qui lui restait. Tuëryn la rattrapa avec deux montures. « Je t'accompagne jusqu'à Elena, lui affirma-t-il, tu feras le reste du voyage seule. » Althaïa acquiesça, sachant d'avance les raisons qui motivaient son choix. Ils traversèrent ainsi les collines, les vallées et les plaines sans ralentir l'allure. Quand ils ne furent plus qu'à une heure de cheval, Tuëryn prit la direction du Nord, alors qu'Althaïa continuait vers l'Est. Elle lui fit de nouveau ses adieux, ne sachant où et quand elle le reverrait. Le cheval blanc courut à perdre haleine à travers les vals boisés, dirigé par la seule pensée d'Althaïa lui indiquant l'emplacement de la forteresse sur la montagne.
Enfin, l'imposant château se découpa au sommet du python qui surplombait la vallée. Le cœur d'Althaïa fit un bond : ce n'était plus un château. C'était une ruine.
Elle mit pied à terre au pied de la muraille. Du lierre courait jusqu'aux créneaux, les pierres se couvraient de mousse. Avec appréhension, elle pénétra dans la basse cour. Pas âme qui vive. L'air était lourd, une odeur d'humidité et de moisi flottait aux alentours. Elle serra les poings à s'en faire blanchir les jointures en voyant l'état déplorable des lieux : aucun bâtiment n'avait été épargné. Les écuries, la caserne, les étables et les logis. Tout s'écroulait sous l'usure du temps. Depuis quand le château était-il abandonné ? Au moins depuis dix ans. Peut-être beaucoup plus. Les larmes roulèrent sur ses joues lorsqu'elle vit la forge. Elle s'approcha de l'enclume rouillée et laissa sa paume glisser à la surface. Elle se revit, gamine pataude, levant le gros marteau au-dessus de sa tête. Dracos que ce temps était loin... Elle prit un vieux marteau qui trainait encore et le sous-pesa. Il lui paraissait si léger, après toutes ses années d'entraînement. Ses pas la guidèrent dans la haute cour, jusque dans la salle de réception. L'intérieur semblait moins dégradé, mais les animaux avaient élu domicile dans les moindre recoins, la poussière et la moisissure recouvraient les meubles. Quasiment tout le mobilier précieux avait été dérobé. Althaïa se laissa tomber sur le trône et contempla la salle vide.
Elle avait tant espéré revoir les visages familiers arpenter les lieux. Plus âgés, différents, mais si reconnaissables...
Les amis, c'est moi ! Je suis revenue ! Attendez-moi ! Une petite fille en robe courant vers eux. Attendez-moi. Attendez-moi.
Mais ils ne l'avaient pas attendu. Tout était terminé. Pour toujours. Elle courrait après des chimères. Après son passé, pourtant si présent. Althaïa s'arracha à son rêve éveillé et continua vers le donjon. Les marches non entretenues étaient terriblement glissantes. Elle parvint jusqu'à sa chambre. Il n'y a avait plus rien. Hormis la lunette. Althaïa la détacha délicatement de son trépied et la serra contre elle. Le miroir, dont il manquait la moitié, lui renvoya l'image d'une grande femme nerveuse aux épaules larges et au regard perçant. Ses cheveux longs pendaient lamentablement de chaque côté de son visage émacié et pâle. Dracos, où en était-elle arrivée ? Son enfermement au domaine l'avait rendue méconnaissable. Elle se contenta de briser le restant du miroir et en ramassa un éclat. Puis, elle monta au sommet. Le petit village de la vallée semblait encore habité. De là où elle était, elle embrassait le monde sur une centaine de kilomètres à la ronde. Le ciel était nuageux et relativement calme.
Althaïa allait s'installer sur le rebord d'un créneau quand une forme sombre apparut entre les nuages. D'abord mince, la chose devint de plus en plus imposante au fur et à mesure qu'elle approchait. Le bruit qui l'accompagnait ne laissait aucun doute sur sa nature. Althaïa bondit. Un dragon ! Sans prendre le temps de réfléchir à ce qu'elle faisait, Althaïa lança un Dia à l'intention de l'immense créature qui volait droit sur le donjon. En réponse, elle obtient un rugissement titanesque.
C'était un immense dragon d'un rouge éclatant. Son échine hérissée de piquants ondulait en cadence avec son vol, sa queue battant l'air puissamment. Sa tête surmontée de longues cornes faisait dix fois la taille d'Althaïa. S'il avait ouvert la gueule, nul doute qu'il aurait avaler la moitié du donjon avec elle. « Qui a-t-il, humaine-qui-chante-vrai ? Pourquoi interromps-tu mon vol ? » Le dragon se redressa, se cabra, les ailes à la verticale, et se posa lourdement sur le pic en face de la tour. Il s'enroula autour de la montagne, transperçant Althaïa de son regard de feu. « Ô ancêtre aux écailles de flammes, j'ai besoin de ton aide et de tes souvenirs. Es-tu récemment passé en ce lieu, au-dessus de ce même château ? » Le dragon émit un ronflement satisfait. « Récemment ? Tout dépend. Je pense que ce mot n'a pas la même signification pour moi que pour toi. Mais oui, je suis déjà venu ici par le passé. Il y a peu d'endroits en Armanda qui me soient inconnus. Pourquoi ? Que désires-tu savoir ? » Althaïa buvait ses pensées, puissantes comme le tonnerre, contemplait chaque détail de la créature divine qui s'étalait sous ses yeux. « Ce château était à moi autrefois. Je voudrais savoir quand les humains l'ont quitté et où ils sont allés. » Le dragon cligna des yeux et tendit le museau vers elle. « Tu es celle que les deux-pattes nomment « Althaïa Actaaë » ? » Althaïa recula. « Comment ? » Le museau qui lui faisait face lui bouchait complètement la vue. Le souffle brûlant soulevait ses mèches. Althaïa n'en revenait pas. Depuis quand les dragons connaissaient-ils les noms des châtelains humains ? Le dragon sembla amusé par sa perplexité. « Oui... Je comprends mieux maintenant. Oui, je suis déjà passé par ici. Mais pas par ce que je m'intéresse aux hommes. Il y a un humain. Celui-qui-a-la-langue-d'un-dragon. Il m'a un jour parlé de toi, la-fille-qui-parle-aux-étoiles. Il avait l'air inquiet. Il a vécu un temps parmi nous, seul. Il parle notre langue. C'est assez exceptionnel pour être remarqué, même par nous. Alors nous l'avons aidé. Nous avons parcouru le monde à sa place. Je l'ai connu. Mais j'ignore où il est aujourd'hui. La dernière fois que ce deux-pattes à mander mon aide, il se trouvait à la ville Elena, comme vous l'appelez. Désormais, je quitte Armanda, je ne peux donc d'aider dans tes recherches. Mais je peux t'apprendre une chose utile pour le retrouver. » La voix de tonnerre roulait dans sa tête. Alors, cet humain, c'était Mathis ? « Oui, je crois que c'est ainsi qu'il se faisait appeler. Mathis Ygnorael. Les dragons qui le connaissent l'appelent Na'maar. »
« L'humain nous a dit qu'il t'avait confié un objet. Un pendentif orné d'un dragon. C'était... notre indice te concernant. Si nous te trouvions – ce qui est le cas maintenant – nous devions te transmettre ce message : « Nous serons quatre, lorsque tu seras un et moi trois. » » Althaïa imprima le message, même si elle n'en comprenait pas vraiment le sens. « Y a-t-il quelque chose d'autre que je puisse faire avant de m'en aller, dame-qui-chante-les-rêves ? J'ai grand hâte de rejoindre les miens. » Althaïa réfléchit. « Oui, souverain des cieux. J'aimerais juste... savoir pourquoi le château a été abandonné. Il devait être racheté lorsque je suis partie. » Le dragon émit un son rauque semblable à un rire. « Comme si j'essayais de comprendre l'incompréhensible, ricana le dragon rouge, les humains font nombre de choses stupides au cours de leur très courte vie. Mais... je crois que derrière cette question s'en cache une autre, je me trompe ? Tu dis que tu as quitté cet endroit. Alors que tu demandes pourquoi les autres l'ont quitté. La réponse... est contenue dans la question. Poses-toi plutôt la question de savoir pourquoi tu as laissé ton nid. Si tu as la réponse, alors tu sais. Alors, je n'ai plus nulle part où aller, dit Althaïa, ce château était tout ce qui restait de mon passé. Encore une idée humaine. Si tu n'as nulle part où aller, alors, tu peux aller partout. Et si ceux de ton espèce ont absolument besoin d'un nid où rester toute leur vie, pourquoi s'acharner à en prendre un vieux alors qu'il suffit d'en bâtir un neuf où bon nous semble ? » Althaïa resta coite. Une idée à priori risible qui ne l'était pas du tout. « Bâtir une ville ? » Le dragon la dévisagea. « C'est ce que tous les deux-pattes font, non ? » L'idée qui venait de germer l'illuminait de l'intérieur comme une révélation. « Merci, vénérable dragon. Je n'aurais jamais assez de mots pour vous témoigner ma gratitude ! » Un ronronnement rocailleux lui répondit. « Contente-toi de continuer à suivre la voie de ceux-qui-chante-vrai, elle est à mes yeux la meilleure invention de toute l'histoire des deux-pattes. Cela pourra peut-être permettre à ceux de notre espèce de revenir vivre ici un jour, en harmonie avec vous. En attendant, dame-qui-voit-ce-qu'on-ne-voit-pas, tâche de vivre selon ton cœur et pas seulement selon ta tête, comme les humains le font si souvent. Au détriment du reste. »
Althaïa se cramponna à la pierre lorsque le géant rouge prit son envol. Alors qu'il prenait de l'altitude, elle trouva le temps de lui lancer en pensée : « Quel est votre nom ? » Le dragon tourna la tête. En retour, il lui transmit une foule d'image qui traduisaient un mot véritable tel que les dragons les connaissaient. Ce qu'elle traduisit par Nu-un-rir-shar. Elle se jura de trouver un jour son chant-nom. Elle pourrait peut-être l'évoquer en rêve ou à travers l'Odhr...
Althaïa ne fit qu'un léger détour par le village, sans y pénétrer. Elle ne vit personne de connu. Ce constat scella sa décision. Tout en galopant vers Elena, elle rassembla tout ce que Nuunrirshar lui avait appris sur Mathis, alias Na'maar, et tout ce qu'elle savait de lui. Lorsqu'elle y parvint, Althaïa avait une idée assez précise du chant-nom de l'homme qu'elle cherchait. La baptistrelle évoqua donc Mathis à haute voix. Le chant était court et particulièrement triste. Bien sûr, il n'était pas complet. Mais les notes découvertes furent suffisantes pour qu'Althaïa entraperçoive brièvement l'endroit où il se trouvait. Elle ferma les yeux et glissa dans le monde invisible, laissant son corps et son esprit vibrer à loisir. Dans la foule d'âmes qui se pressaient dans les rues d'Elena, une seule l'intéressait. Elle la trouva, dans une taverne.
Mathis buvait au comptoir. Il avait vieilli, bien autrement qu'Althaïa. Sa barbe grise mal taillée ne suffisait pas à masquer ses traits tirés. Ses vêtements, autrefois propres et bien entretenus, avaient fait place à une tenue rustique et sale. Elle s'approcha de lui par derrière, posa la main sur le pendentif caché sous sa tunique. Doucement, elle laissa s'échapper un Alea léger accompagné d'une pensée. « Nous serons quatre, lorsque tu seras un et moi trois. » L'homme sursauta. Mathis se retourna, les mains toujours agrippées au comptoir. Son regard se planta droit dans les iris cristallins d'Althaïa, qui se contenta d'un charmant sourire.
Ils discutèrent jusque très tard dans la nuit. La voix de Mathis débordait d'émotion. Lui aussi avait changé. Il lui raconta l'histoire de Serrenoire après son départ précipité. Le seigneur de Tuscandyur qui avait racheté en premier lieu le château, trouvait qu'il lui en coûtait trop cher. La garnison impériale fut transférée, et comme le château n'était plus suffisamment défendu, les gens ont commencé à fuir. Beaucoup s'en retournèrent dans les grandes villes impériales chercher du travail. Seul un petit contingent de gardes fidèles, dont Ingord et Mathis, restèrent jusqu'au bout. Jusqu'à ce que le fort soit vide. À l'évocation de l'espoir fou d'Ingord espérant la voir revenir au château, Althaïa trembla. Ingord, son brave maître d'arme. Qu'était-il devenu ?
Mathis sourit. « Tu te souviens du message que j'avais confié aux dragons ? Suis-moi. »
Mathis l'emmena à l'étage. Althaïa le suivit dans le noir, se servant plus de sa vision éthérée que de ses yeux tant il faisait sombre dans le taudis. L'homme frappa trois coup sec à une porte. Un grognement rauque lui répondit, suivi d'un « entrez » aux accents elfiques.
Lorsqu'elle pénétra dans la chambre exiguë, avant même qu'elle ait réalisé qui étaient les deux personnes en face d'elle, l'elfe s'était redressé d'un bond. Sa tête avait heurté violemment le plafond en pente dans un grand bruit. Un vieil homme trapu tenta tant bien que mal de se remettre sur ses jambes. Les deux hurlèrent en même temps son nom. Althaïa resta sans voix. « Esëidel...! » L'elfe eut un bref moment d'hésitation, se demandant certainement si un tel comportement était compatible avec son éthique, mais finalement, ne put résister à l'envie de la serrer dans ses bras. Si l'elfe n'avait pas changé d'un cheveux, l'homme à ses côtés était très différent de ce qu'il était à Serrenoire. Althaïa en fut retournée d'émotion. « Ingord ! »
Ils étaient quatre. Mathis informa Althaïa du devenir de Miranda : la gouvernante, aujourd'hui très âgée, était retournée à Gloria plusieurs mois après le départ d'Althaïa. « J'avais fini par ouvrir une herboristerie à Loustelle, un petit village charmant, raconta Esëidel, mais les gens des campagnes font rarement confiance aux elfes. Ça ne marchait pas très fort. Un beau jour, j'ai vu Mathis débarquer dans mon échoppe. J'ignore toujours comment il a retrouvé ma trace. Mais il m'a proposé de venir travailler à Elena,où Ingord et lui travaillaient comme mercenaires. Ils avaient besoin d'une personne s'y connaissant en magie curative... »
« On a quitté Serrenoire bras dessus, bras dessous, s'esclaffa Ingord. Bon, à l'époque c'était vraiment pas la fête, on avait tous le moral dans les chaussettes. Mais un homme, ça s'habitue à tout. » Althaïa, à son tour, leur conta sa vie dans ses grandes lignes. Son voyage jusqu'au domaine avec Tuëryn. La découverte de la forêt elfique et du Tormingorllo. Ses innombrables périples à travers Armanda en tant qu'apprentie baptistrelle, les années passées à s'entraîner sous l'œil vigilant du vieil elfe. Sa consécration, son retour précipité à Serrenoire. Son désespoir de voir le château en ruine... et sa rencontre avec Nuunrirshar, le dragon rouge. Son projet, son but dès à présent : construire un havre de paix pour ceux de Serrenoire qui voudront la suivre. Une ville nouvelle, là où son chant la guidera.
L'idée jeta un froid. Avant, finalement, de remporter tous les suffrages.
La petite troupe traversa le continent, à pied, à cheval, à charrette. Althaïa chantait, se glissait au-delà du monde pour ressentir les merveilles cachées de chaque endroits qu'ils visitaient. Durant de long mois, ils arpentèrent Armanda à la recherche d'un lieu unique où bâtir leur projet fou. Une utopie. Une vraie. Mais Althaïa n'était jamais satisfaite. Elle ne trouvait pas. Alors ils repartaient, et la fatigue, la lassitude s'installaient.
Althaïa décida de s'attaquer à l'extrême sud-est de l'empire, une région peu habitée, où le paysage était réputé magnifique, mais très accidenté et dangereux. Un soir, elle avisa un énorme éperon rocheux qui surplombait une petite chaîne de montagne qui venait mourir là où commençaient les plaines. Lorsque le groupe s'engagea dans la vallée encaissée, le paysage qui s'offrit à eux n'avait rien à envier à la forêt elfique. Préservée de la main de l'homme, la vallée abritait nombre de roches aux formes extravagantes, une végétation luxuriante et de petits cours d'eau qui tombaient en cascade depuis les hauteurs vertigineuses. Un paradis terrestre. Althaïa ferma les yeux et écouta. « C'est ici, dit-elle sans dissimuler sa joie, là-haut ! » Elle pointa l'éperon. « C'est une blague, grommela Ingord, non mais quoi, comment on est sensé grimper là-bas ? Vous avez réfléchi à tous les matériaux qu'il va falloir amener ?! C'est du suicide ! Il doit y avoir d'autres moyens d'accès de l'autre côté, dit Mathis, et si nous engageons des ouvriers, une route sera créée. » Esëidel n'écoutait pas, trop occupé à contempler une fleur qu'il ne connaissait pas. Althaïa ouvrit la marche et ils commencèrent l'ascension. Ingord se plaignit sur la première moitié du chemin, qui n'en était pas un et montait en pente raide. Esëidel, avec son endurance elfique, marchait sans problème sur la roche escarpée. Mathis suivait derrière. Plus de trois heures plus tard, ils étaient parvenus tant bien que mal au sommet. De là, ils pouvaient même voir la mer. « Bon, admis Ingord, c'est plutôt pas mal, faut reconnaître. » Ce qui, traduit, signifiait qu'il raffolait du paysage. Althaïa s'imprégnait des vibrations du lieu avec délice. En contrebas, la vallée se parait de sublimes couleurs. « La route devra passer soit par la montagne, soit par la plaine. Mais nous ne toucherons pas à la vallée. Ce serait un terrible gâchis. Entièrement d'accord, confirma l'elfe, et ce ne serait pas forcément plus pratique, loin de là. Nous pourrons peut-être exploiter toutes ses petites grottes en dessous, nota Mathis, peut-être même y a-t-il des gisements intéressants. » Althaïa prit un gros galet qu'elle façonna lentement grâce à la magie. Une fois qu'elle obtint une brique, elle se dirigea vers la pointe. « Voici la première pierre de ce qui sera bientôt la ville nouvelle d'Armanda. Notre ville. » Esëidel sourit en son fort intérieur : « Ta ville. La tienne. »
Cinq années plus tard, à force de travaux acharnés et de magie puissante, les premiers bâtiments sortirent de terre. La ville n'en était qu'à ses balbutiements. Bientôt, les premières tours lancèrent leur flèches élancées à l'assaut du ciel. Par la volonté d'Althaïa, l'architecture était un subtil mélange d'arcs et de murs empruntés aux hommes, de volutes et de motifs sylvestres empruntés aux elfes. La roche blanche comme l'albâtre renvoyait la lumière du soleil, si bien que la ville tout entière pouvait changer de couleur en fonction de l'heure. La tour d'observation, résidence d'Althaïa, se trouvait au bout de l'éperon, comme jadis le donjon de Serrenoire. En quelque mois, le chant d'Althaïa avait attiré une foule de curieux, de nomades et de marchands. Les maisons et les murailles dégoulinaient le long des flancs abrupts en épousant leur forme. On construisit des ponts pour enjamber la vallée, des volées de marche pour parcourir la montagne. La ville débordait dans le vide : les guerriers venus s'installer en ville souhaitaient un quartier. La ville d'Althaïa, que l'on nommait alors Serenia, la ville qui chante, s'élança alors sur des colonnes de plusieurs centaines de mètres. Les voyageurs, stupéfaits par cette ville étrange et étroite, venaient de loin pour admirer son architecture venue d'un autre monde. Serenia ne ressemblait en rien à Gloria ou à Aldaria. Elle était cent fois plus petite. Mais certainement cent fois plus extravagante. Les colons, soutenus par les baptistrels et les elfes, firent fleurir les balcons et les allées. Les arbres poussaient à même les rues sinueuses. On entrait dans Serenia comme dans un livre pour enfant. Le chant d'Althaïa résonnai depuis les hauteurs, comme celui d'une princesse esseulée. Ce qui lui valut le surnom de « Romantique ». Romantique, elle était. Elle était la douce mélancolie des rêves trop vite oubliés, la tendresse d'une mère attentive et la sagesse des arbres immobiles. Elle reprit la forge avec le vieux Ingord, et joignit son chant à l'art. Les armes qui sortaient de Serenia n'avaient rien à envier aux armes elfiques. Althaïa avait chanté une harpe d'argent qu'elle utilisait volontiers pour qui le lui demandait. Ainsi, des soirées durant, sur la petite place centrale entourée d'eau et d'arbres, Althaïa jouait et chantait des airs de tout Armanda. Et lorsque son regard se faisait vague, ses doigts légers, sa voix empreinte de magie imposait la paix à toutes les âmes venues l'écouter. Les enfants s'asseyaient en cercle, le regard lumineux, les soldats stoppaient leur ronde. Les femmes s'accoudaient aux balcons d'un air rêveur, les marchands délaissaient leurs étals, les guerriers posaient leurs armes et leur chopes. Le silence se faisait. L'ouvrier laissait ses outils et regardait le ciel. Le boulanger faisait brûler le pain sans s'en apercevoir. Le voleur oubliait d'achever son geste. Le garde ne remarquait rien. L'assassin sur le toit fermait les yeux dans l'ombre. Et le chat, lové sur un banc, ronronnait en rythme.
Tel fut l'âge d'or d'une ville surréaliste et idéaliste, née des rêves et de la magie, de l'union de deux peuple complémentaires. Une ville à l'image d'Althaïa.
La guerre du sang:
Althaïa aimait Serenia. Bien plus encore que Serrenoire, car la nature y avait une place de choix. Elle regardait les quartiers naître, les commerces s'ouvrir, les jardins s'épanouir. La baptistrelle reçut une délégation impériale. Mais en tant que baptistrelle, elle ne tombait pas sous la juridiction de l'empire. Elle fit déclarer Serenia ville neutre, à l'image du domaine de la Rhapsodie. Son titre de Dame joua en sa faveur, et le négociations se déroulèrent dans une entente cordiale. Le statut de Serenia en faisant un endroit propice au commerce. C'est pour cela que la petite provinciale devint très vite une ville riche et épanouie. Si Serenia avait tout pour plaire ou presque, sa situation géographique rendait impossible son extension. Par ailleurs, la ville basse était en grande partie troglodyte. Ainsi taillée entre ciel et terre, Serenia la belle et douce anodine se révélait quasiment imprenable. Des souterrains secrets seraient ensuite creusés au fil des siècles, permettant aux habitants d'éviter le piège mortel du siège et d'offrir de nombreuses opportunités de prise à revers. La tour d'astronomie offrait un panorama impressionnant. Le ciel nocturne n'avait pas la pureté de celui observable depuis le sanctuaire des étoiles, mais le jour, on pouvait voir à plus de quatre cents kilomètres sur un tour complet. Des plaines à la mer, aux vallons adjacents en passant par le Wylorel.
Althaïa ne voyageait plus guère. Elle passait le plus clair de son temps à la forge avec Ingord, car le vieux maître d'arme s'affaiblissait. Elle répétait longtemps les techniques apprises par Tueryn au sommet des tours. Elle partageait énormément avec les érudits de tout Armanda qui venait séjourner à Serenia ou comptait s'y installer, continuait son étude de la magie et de l'art baptistral. Elle avait été surprise de la demande d'Esëidel : il lui avait réclamé un logement dans la petite tour de garde qui jouxtait la tour d'astronomie. Si elle appréciait sa compagnie, elle trouvait le comportement de l'elfe assez étrange.
Althaïa en eut un jour l'explication par hasard. Alors qu'elle s'occupait des fleurs de l'un des nombreux jardins suspendus de la ville avec une jeune elfe arrivée récemment, la baptistrelle avisa l'elfe qui venait dans leur direction. « J'ai eu une idée concernant l'aménagement d''une serre en altitude, lui confia-t-il, mais Mathis est en désaccord. Il me soutient que ça ne marchera jamais et que ce projet n'est que de l'argent jeté par les fenêtres. » Althaïa, constatant l'irritation de l'elfe vis à vis de Mathis, confia le jardin à son assistante et suivi Esëidel jusqu'à la salle de réception ou Mathis jouait à un vieux jeu de stratégie avec Ingord. Après une discussion passablement agitée, un compromis fut trouvé. Esëidel aurait la serre, mais – et c'était la le fond du problème - elle se trouverait non pas dans le jardin du quartier des mages, mais de l'autre côté de la ville. Mathis parut plus ou moins satisfait, bien qu'il souligna encore qu'il ne voyait vraiment pas l'utilité d'une serre. Esëidel sourit, content d'avoir obtenu ce qu'il souhaitait, mais semblait quelque peu penaud. Althaïa s'approcha de lui et posa une main chaleureuse sur son épaule. « Esëidel, je suppose que je me mêle de ce qui ne me regarde pas. Mais... tu sembles mal ces temps ci. Si tu as quelque chose sur le cœur, tu sais que tu peux en parler. Je t'aiderais. » Elle s'attendait à ce que l'elfe décline poliment son offre, ou prononce quelques mots à son intention. Au lieu de cela, il s'empourpra jusqu'aux oreilles et détourna le regard. Il bafouilla quelque chose en elfique, la regarda de nouveau, et sortit précipitamment, laissant une Althaïa stupéfaite, la bouche entrouverte de surprise. Mathis avait regardé l'elfe disparaître avec un sourire narquois : « Il est amoureux. Ça crève les yeux. J'y connais rien aux elfes. Mais ça doit pas différer de beaucoup de chez nous, non ? » Ingord avait éclaté d'un rire gras. Un elfe amoureux d'une humaine, il trouvait l'idée plus que saugrenue... Esëidel avait vécu les trois quart de sa vie au sein de l'Empire armandéen, non dans la forêt elfique. Ses manières étaient pour beaucoup calquées sur celles des humains, au grand dam des siens. Althaïa avait préféré garder ses considérations secrètes. L'amour, pour elle, n'était qu'une théorie qu'elle abordait avec beaucoup de méfiance. Peut-être son passé arriverait un jour à la rattraper. Mais le fait de connaître la nature du mal dont semblait souffrir son ami la mettait très mal à l'aise. Comme tout elfe, Esëidel possédait un physique très avantageux et un charisme énorme. Pour autant, elle l'avait toujours considéré comme un ami et un confident. Non comme un amant potentiel. Mais la fragilité émotionnelle dont il pouvait faire preuve rendait délicate toute explication.
Quelques mois plus tard, un groupe de vampires avait été aperçu non loin de la ville. Un détachement d'éclaireurs impériaux fut dépêché sur place pour enquêter sur les dire des paysans. Althaïa était en train de chanter un arc lorsque le capitaine du détachement se présenta à elle. « Nous n'avons rien aperçu de suspect durant la journée, mais cela ne veut rien dire. Ces monstres exècrent la lumière du soleil car elle les affaibli. Si vous et vos gens pouviez éviter de sortir de l'enceinte le temps que nous réglions cette affaire... Je comprends votre inquiétude, capitaine. Cependant je ne peux pas mettre toute une ville en quarantaine sous prétexte qu'un hypothétique escadron de vampires ratisse la campagne. Il y a ici des hommes et des femmes dont le métier est de tuer, vous ne pourrez pas les retenir enchaînés. » Althaïa avait également une secrète intention de participer aux recherches. Par le passé, Tuëryn et elle avait déjà croisé des vampires, mais de loin. Les baptistrels s'étaient contenté de les laisser en paix, et les sombres ne leur avaient pas cherché querelle. Althaïa, dans sa quête de connaissance et de compréhension, voyait la une occasion unique de rencontrer un représentant de la race la plus redoutée d'Armanda après les dragons. Elle savait pertinemment que l'opération était dangereuse. Les vampires étaient sujets à des réactions violentes et intempestives. Elle avait décidé d'utiliser le chant pour apaiser l'éventuel interlocuteur. Et de toute façon, ne partirait pas seule.
À la nuit tombée, elle regroupa quelques uns de ses plus vaillants soldats, dont deux elfes. Mathis et Esëidel avait accepté tant bien que mal sa proposition – la magie n'y fut pas étrangère. Althaïa leur avait expliqué qu'elle s'avancerait seule à la rencontre des vampires si rencontre il y avait. La seule chose qu'elle voulait était un échange avec eux. Qu'il soit mental ou oral. L'intervention d'une main armée ne devrait se faire qu'en cas de menace mortelle.
Ils battirent la plaine environnante plus de deux heures durant, prenant soin d'éviter les patrouilles impériales pour ne pas attirer l'attention. Althaïa sentait une présence diffuse dans les environs, sans arriver à localiser sa provenance. Quand ils approchèrent d'un monticule boisé, elle perçut une âme sans lumière. Ils étaient là. Une grosse faille cachée par d'épais taillis et de hautes herbes formait une cuvette en contre-bas, au fond de laquelle on apercevait l'entrée d'un puits naturel. Althaïa et sa troupe descendirent par un sentier très étroit qui menait à l'entrée de la faille. Là, elle posta trois premiers soldats, chargés de veiller à ce qu'ils ne soient ni repérés, ni pris à revers. Lentement, elle s'avança à découvert, entonnant un chant apaisant et doux, espérant ainsi désamorcer de prime abord toute agressivité chez ceux qui se trouvaient désormais tout près.
La silhouette d'un homme émergea du puits, silencieuse et gracile.
Les yeux de l'homme n'avait rien d'humain. Ni sa peau aux reflets violacés. Althaïa s'arrêta à bonne distance, la harpe dans la main gauche. Elle n'avait pas peur. Tout en son esprit était clair. Comme le jour de sa consécration, elle sut exactement quoi faire. Le vampire frémit. Il hésitait visiblement. Mais quand Althaïa se mit en mouvement, de sa démarche souple et déliée, il recula au lieu de se ruer en avant, ce qu'il projetait initialement de faire. Son compagnon n'appréciait pas son comportement, pour autant, lui non plus ne voulut aller de l'avant. Althaïa projeta son esprit sur les leurs, comme la proue d'un navire de guerre, et fendit les flots de brume qui entourait les esprits des morts-vivants. Elle devait leur parler, et ils devaient entendre. Les mots ne suffiraient pas à cela. Le premier tenta de refermer sa conscience à son contact. Althaïa balaya sa tentative avec la puissance d'une tornade. Elle découvrit alors un paysage mental terrifiant. La première pensée du vampire oblitérait quasiment la totalité de ses autres idées. La soif. Une soif de sang qui relevait du réflexe vital. Elle se vit à travers les yeux du monstre, elle, et l'aura de la voix des étoiles. C'était donc cela ? Les vampires n'avait peut-être pas connaissance de la magie baptistrale... L'aura les repoussait à la manière d'un bouclier. Elle sentait également une grande incompréhension. C'est quoi, cette humaine bizarre ? Un sentiment de pitié perça dans son cœur. Ces deux là n'étaient visiblement pas l'élite de leur nation. Peut-être même mourraient-ils réellement de soif. Elle se refusait à fouiller plus avant dans les souvenirs du vampire, car tous étaient remplis d'horreurs et d'une violence insoutenable pour la baptistrelle. Le second vampire lui, était pris de panique, et sa nature agressive le faisait entrer en contradiction avec lui-même. Il restait paralysé, à attendre que quelque chose débloque une situation dont il n'était plus maître. Althaïa écarta ses barrières mentales comme les roseaux sur une rive, mais au lieu de le soumettre à la sonde, elle se contenta d'une caresse, lui insufflant le peu d'énergie nécessaire à le sortir de son cycle infernal. C'est à ce moment précis où trois mort-vivants supplémentaires surgirent des tréfonds de la faille. Leur attitude ne laissait aucun doute sur leur intention. Mathis dégaina instinctivement. La réaction ne se fit pas attendre. Les soldats tentèrent de barrer le passage, mais deux d'entre eux se firent renverser comme de vulgaires quilles.
Les deux premiers vampires avaient coincé un soldat elfe et Mathis contre une paroi. Aucune issue. Mathis tenta un coup d'estoc qui le mit à la merci de son adversaire dix fois plus rapide.
Il fallait agir. Maintenant. C'était lui ou Mathis. Althaïa ne pouvait pas tuer. Mais elle pouvait emprisonner son âme suffisamment longtemps pour permettre aux autres de fuir. Cette idée de devoir utiliser à nouveau la magie éthérée de façon détournée ne lui plaisait guère. Avait-elle vraiment le choix ? Certainement, et il était fait. Elle fendit l'air avec Oen, puissante comme un coup d'épée. Althaïa puisa sans compter dans son énergie et se rua à travers la trame du temps. Les ondes émises par le Diapason provoquèrent un choc considérable. Althaïa eut toute les peines du monde à canaliser l'énergie presque infinie qui déferlait depuis la brèche qu'elle avait ouverte. Elle eut le temps d'apercevoir une boule de feu lancée vers le vampire le plus proche avant de basculer hors de la réalité. Déployant toute sa puissance dans une ultime tentative, elle visa l'âme noire devant elle et coupa sa ligne de temps. Les bras du chant éthéré s'emparèrent de la sphère pour ne plus la lâcher. Pour le vampire, le temps s'était arrêté au moment même où Althaïa l'avait extrait du Continuum armandéen. Mais déjà la magie baptistrale s'attaquait à son énergie vitale. Tel était le prix d'une telle puissance. Si un sort ou un projectile venait à la frapper alors qu'elle s'était dissociée, s'en était définitivement terminé. L'âme se débattait, lançant des attaques mentales redoutables. Dans le vide. Althaïa se détestait pour ce qu'elle faisait. Mais il fallait le faire. Les autres ne paieraient pas le prix de son excès de confiance. Si quelqu'un devait mourir ici, c'était elle et personne d'autre. Elle lâcha sa prise lorsque la brèche se rétracta, l'aspirant vers Armanda. L'âme du vampire fut emportée au loin. Avait-il réintégré sa réalité ? Sinon, mieux valait ne pas y songer. Ses genoux heurtèrent durement le sol. Quelqu'un criait son nom. Des cris de bataille faisaient rage non loin. Mathis était vivant, Esëidel aussi. Dracos soit loué. Mais elle ne pourrait pas réutiliser l'Odhr sans courir au suicide. La seule chose qu'elle pouvait faire désormais était de bloquer les attaques mentales sur ses alliés, les protéger ou user de chant-nom pour se lier momentanément à leurs esprits et les guider. C'est ce qu'elle fit avec Mathis. La puissance des coups du mercenaire et sa vision éthérée lui permettait de parer les coup avant même qu'il ne lui parvienne. Ce qui sema rapidement la panique chez son adversaire, qui ne comprenait pas comment un humain pouvait être plus rapide que lui... Mais Mathis se fatiguait vite. Et il restait encore trois vampires en grande forme prêts à en découdre. Si Althaïa ne risquait pas grand chose présentement, elle ne pouvait non plus se démultiplier pour aider partout à la fois. Cela était peut-être possible. Mais elle ne voyait pas comment. Esëidel lançait des sorts à en perdre haleine. Il avait beau être extrêmement vif, son ennemi l'était tout autant que lui et visiblement peu sensible à sa magie. Althaïa se lia à lui et lui permis d'anticiper quelques coups. L'elfe reprit confiance et désarçonna le vampire qui lui faisait face. Ses réserves énergétiques s'amenuisaient de façon alarmantes. Même son chant perdait en puissance. Althaïa réfléchissait à toute allure. Il fallait utiliser la ruse. Sinon, quelqu'un allait tomber. Les soldats ne tiendraient pas longtemps l'entrée de la faille si des renforts ennemis arrivaient. Elle aperçut sur sa droite une rigole étroite qui serpentait derrière une barrière de fougères. Si elle pouvait être suffisamment furtive, elle pouvait atteindre l'extérieur et lancer un appel. Cela ne prendrait que quelques secondes. Un. Trois pas. Deux. Saut. Trois. À plat ventre. En accord parfait avec le Diapason, elle se déplaçait juste au bon moment. Arrivée en haut, elle fit trois pas en dehors des taillis et lança Alea et Dia avec le peu de souffle qu'il lui restait. Où qu'ils se trouvent, les baptistrels l'avaient entendu. Elle savait qu'aucun d'eux n'avait le pouvoir de se téléporter à l'autre bout du monde, ni ne pouvait appeler un dragon à l'aide, mais s'il y avait un infime espoir... Une silhouette se détacha de l'ombre derrière elle. Althaïa l'avait perçue. Mais l'appel passait avant le reste. Elle feignit l'ignorance jusqu'à être certaine de la nature de l'être qui se trouvait dans son dos. Son sang ne fit qu'un tour. « Impressionnant, pour une humaine. » Une peau bleuâtre, des yeux jaunes aux pupilles écarlates. Et deux longues canines qui saillaient de sa bouche noire. Malgré son sang froid et son désintéressement, Althaïa se tendit. Le son de sa voix avait quelque chose de particulièrement repoussant. Celui-là était différent. Ses oreilles. Althaïa se souvint des conseils de Tuëryn sur les vampires. Les ancestraux. « J'ai senti quelque chose d'étrange là-bas en bas, susurra le vampire, je suppose que c'était toi ? Les baptistrels font toujours des choses... bizarres. » Althaïa sourit. « Quoi ? Tu prends ça pour un compliment ? cracha l'ancestral, mais tu te trompes, sang-chaud, sur toute la ligne. Je t'ai vue, toi et tes larbins. Tu t'es cru maligne en voulant nous arrêter, hein ? Détrompes-toi. J'avais tout anticipé. Et tu es tombée directement dans le piège, comme une ingénue. Marrant, non ? » Althaïa profitait de chaque seconde qui lui était offerte pour reconstituer ses réserves. Peu importe que cela ait été un piège ou non. Elle avait mis les pieds trop loin sur un terrain trop glissant. Même les baptistrels ne peuvent tout prévoir. Pour autant, tout n'était pas encore perdu. Elle avait Lianta'ar. Le vampire espérait la déstabiliser, peut-être même la terrifier. Autrefois, il aurait réussi. Pas ce soir. Le regard clair d'Althaïa brillait dans le noir. Et trahissait un léger amusement. Le vampire tournait autour d'elle comme un requin autour de sa proie. Mais il gardait une certaine distance. « C'était quoi ton truc ? Tu peux faire disparaître les gens ? Ça pourrait être marrant. Mais je doute que cela fonctionne sur moi. Alors... dis-moi la chanteuse des buissons, pourquoi tu te mets en travers de ma route ? Hein ? Tu tiens tant que ça à mourir ? C'est très obligé de ta part, mais ce n'était pas nécessaire. Personnellement j'avais déjà tout ce dont j'avais besoin. » Althaïa releva la tête. « La seule chose que tu dois savoir, sombre, est que je n'étais pas là pour te barrer la route, ni à toi ni à aucun de tes sbires. Ce ont eux qui ont attaqué. Mon ordre banni la violence. Cependant, nous ne sommes pas débonnaires. Si tu envisages de me tuer, saches que je ne compte me laisser faire. » Sa voix avait résonné avec force et détermination. Le sourire du vampire disparut. Il cessa de tourner et pivota vers elle. « Tu en as, des tripes. Peu de sang-chaud ont osé me parler de la sorte. Et aucun n'en a réchappé. » Il la détailla des pieds à la tête, s'attarda une seconde sur le médaillon argenté. « Te tuer, se serait peut-être un énorme gâchis en fin de compte. Je peux peut-être... juste... te faire souffrir. Juste de quoi te faire ravaler ton ignoble discours sur la tolérance. » Ces propres paroles l'amusèrent. Il émit un ricanement semblable à celui d'une hyène. Althaïa le trouvait pathétique. S'il avait vraiment voulu la tuer, il l'aurait fait à la première seconde de leur rencontre. Mais elle n'était pas dupe. Si elle gagnait du temps, lui aussi. Il l'empêchait de rejoindre le groupe et de leur venir en aide. Au moment où il se décidait à faire un pas vers elle, une autre personne entrait dans la danse. Althaïa souffla. Tuëryn s'avança à la lueur de la lune, une expression farouche sur son visage intemporel. « Assez. » Le ton baptistral eut un effet immédiat. L'ancestral fronça les sourcils. « Ooh... Mais regardez qui voilà. Un autre baladin des cannes à sucre. Alors, on vient défendre sa chère et tendre, oreilles-pointues ? Ou peut-être se dégourdir les jambes par une douce nuit d'été ? Q'est-ce qu'il y a ? Tu n'aimes pas mon odeur ? » Tuëryn ne souriait pas. Il n'était pas en colère, il paraissait agacé. « J'ai dit assez. » De nouveau, l'air claqua. La magie cloua le vampire sur place. Une haine terrible brûlait dans ses prunelles de sang. S'il avait pu tuer d'un seul regard, Tuëryn n'aurait eu aucune chance. « Althaïa, dit l'elfe en abaissant sa voix, va t'occuper de ces malheureux, en bas. Je me charge de celui-ci. » Althaïa s'approcha de lui. Leur regard se croisèrent. Ils n'avaient pas besoin de mots. Mais la baptistrelle ne pouvait s'empêcher d'avoir un atroce pressentiment. Dans la faille, trois soldats, deux vampires et Mathis étaient à terre. Aucun n'était encore mort, mais leurs blessures étaient effrayantes. Althaïa connaissait nombre de sorts de soin puissants, mais jamais elle n'aurait assez de magie pour les exécuter correctement. Et si son chant excellait dans la guérison de l'âme, ce n'était pas le cas pour la guérison des chairs. Elle soigna Mathis en priorité, puis les soldats. Enfin, lorsqu'elle s'agenouilla près du premier vampire, elle sentit sa main s'agiter de soubresaut. Le mort-vivant était à présent plus mort que vivant. Un sang noir et épais lui sortait de la bouche. Il ne lui restait quasiment plus d'énergie, ses membres commençaient à s'engourdir, sa tête se faisait lourde. Le vampire lui saisit le bras. Elle posa la main sur la sienne et chanta Oen.
Tuëryn et l'ancestral surgirent à une vitesse sidérante dans son champ de vision. Apparemment, le baptistrel avait lui aussi échoué dans sa tentative musclée d'anéantir la violence verbale et physique du vampire L'ancestral bougeait bien plus vite que ses hommes de main. Mais il ratait toujours son coup. Althaïa savait pourquoi, mais elle s'inquiétait pour l'endurance du Cawr. Combien de temps pourrait-il tenir un tel rythme ? Le vieux vampire enrageait littéralement. Tuëryn le courant d'air se riait de lui. Mais il ne frappait pas. Il se contentait de le laisser s'écraser de lui-même contre la roche lorsqu'il dérapait dans sa course folle. Althaïa détacha son regard de leur combat de titan pour se concentrer sur sa tâche. Le dernier vampire respirait encore. Althaïa regarda ce corps déjà mort maintenu vivant par un mécanisme ont elle ignorait tout. Le souffle du vampire était chargé et glacial.
En une fraction de seconde, l'ancestral se détourna de sa proie elfique et fila droit sur Althaïa. S'il ne pouvait pas avoir l'elfe, alors, il l'aurait elle. Jamais il ne sortirait de cet endroit la tête basse. Il ne le supporterait pas. Tuëryn mit une seconde à calculer l'intention de son adversaire. Son sang froid légendaire ne suffit pas à l'empêcher de commettre sa première et dernière erreur. Il avait compris le sort que réservait le dentu à Althaïa, et toutes les notes n'auraient pas suffit à traduire le juron qu'il poussa en s'élançant à sa suite.
Althaïa était entrée en une Holys légère pour tenter d'appréhender les blessures du vampire encore conscient. Son chant avait couvert le juron de Tuëryn. Si elle l'avait entendu. Si elle avait focalisé son attention autour d'elle. Si elle avait interrompu l'Holys à temps. Si lui, avait été plus rapide. Avec des si, Tuëryn aurait refait le monde. Juste pour ne pas être obligé d'assister, impuissant, à cette scène abominable. Mais c'était la vérité. Accepter la vérité avant tout, quelle qu'elle puisse être.
Althaïa sentit une masse s'abattre sur elle avec la puissance d'une explosion. L'ancestral l'avait plaquée au sol de tout son poids, lancé à pleine vitesse. Le souffle coupé, elle ne put rien faire. Deux canines tranchantes lui transpercèrent la jugulaire avant même que sa tête ne touche le sol. Le hurlement d'Esëidel sonna comme un coup de cloche dans sa tête. Le vampire maintenait sa prise sur elle de toutes ses forces. La douleur avait anéanti l'Holys. Althaïa ne pouvait plus parler. Sa vue se brouilla, rayée rouge foncé alors qu'elle sentait toute sa vie s'écouler hors d'elle.
Elle allait mourir, là, dans quelques secondes. Sa conscience bascula.
Mathis, Esëidel et Tuëryn se jetèrent sur le vampire pour lui faire lâcher prise. Mais il était bien trop tard. L'ancestral éclata de rire. « Bas les pattes, bande de larves. Elle est à moi maintenant. Décampez avant que je vous saigne vous aussi. » Tuëryn inspira et recula. Il ne devait pas céder. Pas céder. Le maudissant pour ce qu'il prenait pour une monstrueuse lâcheté, Mathis s'avança pour abattre sa lame sur la tête de l'ancestral. Ce dernier se redressa, para le coup aisément et saisit l'homme par le col. D'un revers de bras, il l'envoya à terre. Esëidel l'attrapa par la tête, lui enfonça ses ongles justes sous les zygomatiques avec la rage d'un fauve blessé. Ils roulèrent au sol pèle-mêle en se débattant. Tuëryn prit le corps sans vie d'Althaïa et bondit en avant. Il fallait la sortir de là.
L'elfe eut une pensée pour ceux restés en arrière. Mais Althaïa passait avant. Il la regarda et son cœur millénaire s'emplit de larmes. Il avait échoué. Il avait été lamentable. À quoi servait-il s'il n'était pas capable d'intervenir à temps ? À quoi lui servait-il d'écouter le monde s'il ne l'entendait pas ? Peut-être avait-il trop vécu. Il n'était plus qu'un vieux roc desséché par le vent. Il courrut droit devant lui, là-bas, où brillait les lumières de Serenia. Alors qu'il approchait du contrefort des montagnes, une patrouille apparut sur un chemin un peu plus loin. Althaïa avait bougé. L'elfe s'arrêta. Elle avait les yeux ouverts. Blancs. Vides. Tuëryn tressaillit. Que fallait-il faire ? « Les étoiles. » La voix était horrible. Un gargouillis désincarné à peine audible. Le vieil elfe la déposa dans l'herbe, posa doucement sa main sur son front. Pouvait-elle le voir ? L'entendre ? « Tuëryn... Je les vois... elles sont là. Juste là. » Il ne put contenir davantage ses larmes. « Tuëryn... où sont Mathis et Esëidel ? Où ? » Tuëryn lui murmura qu'ils étaient seuls maintenant, que les autres étaient en arrière. Elle s'agita, soudain paniquée, s'accrochant à lui comme une folle. « Je ne vois plus... je ne vois PLUS ! »
Les soldats avaient entendu le cri. Ils approchaient en courant. Tuëryn, maculé de sang, se redressa tant bien que mal. L'un des soldats brandit sa lance en hurlant. « Les vampires ! Ils sont là ! » Tueryn, brisé, n'avait pas compris que l'humain le visait lui. Totalement groguis par ce qu'il venait de vivre, il ne bougea pas. Althaïa entendit un bruit mat.
Tuëryn bascula, transpercé de part en part. Il n'avait pas émis un seul son. Il tenta de juguler la souffrance. Althaïa hurlait. Elle avait senti. Et sa panique ne connut plus de limites. « Je n'y vois plus rien. Tuëryn, où es-tu ? JE N'Y VOIS PLUS ! JE N'Y VOIS PLUS ! »
Son cri déchirant et inhumain le brisa. Il en avait vécu, des choses. Mais pas celle-ci. Personne n'était préparé à cela. Ses yeux blancs tournaient en tout sens sans rien voir. Sans rien sentir.
Le monde s'était tu pour Althaïa Actaaë.
Il voulut dire quelque chose, mais il ne parvient qu'à produire un long râle avant de sombrer dans l'inconscience. Parmi la patrouille, s'était aussi la panique. L'éclaireur ne s'était aperçu de son erreur que lorsqu'il s'était penché sur l'elfe mort. Des grossièretés et des cris avaient fusé. Un hurlement de terreur lorsqu'Althaïa s'était dressée devant eux, les yeux révulsés, le teint blême et le visage en sang.
Le noir s'était fait. Le visage de Tuëryn avait disparu dans le brouillard. Elle avait sentit ses mains, s'y était agrippé de tout son être comme un naufragé à une planche. Mais peu à peu, elle avait senti la magie disparaître d'elle. La lumière des étoiles au-dessus d'elle avait viré au noir, engloutissant tout un monde avec elles. Et puis, elle avait entendu. Le bruit du métal qui transperce la chair. Elle avait hurler à sa place. Et l'infime sensation de présence lumineuse qui lui restait de Tuëryn avait disparu elle aussi. Elle était seule. Seule dans le noir infini. Puis les cris. Des hommes. Des humains. C'étaient eux. Ils avaient assassiné sa dernière lumière. Althaïa sentait les liens avec la nature se détacher un par un et retomber, morts, autour d'elle. La tendresse et l'amour qui l'illuminait se muèrent en une haine froide et meurtrière. Elle ne voyait ni ne sentait. Mais ils étaient là. Ils étaient là.
Les soldats avaient reculé à bonne distance de l'abomination qui se tenait devant eux.
Althaïa hurla plus qu'elle ne chanta Oen. Cette vibration là n'avait plus rien à voir avec le chant baptistral. C'était une onde de puissance pure. De tout ce qu'il restait d'elle. Elle la projeta vers les cieux de toute sa rage. Une seule pensée l'accompagnait.
Ceux qui tuent la lumière doivent mourir.
La trame du monde se fracassa. Pas uniquement au travers d'Althaïa. À l'endroit où elle se trouvait, une brèche apparut. Un chant dénaturé avait résonné pour la dernière fois. Une détonation monumentale couvrit les hurlements des soldat happés par le trou noir. L'onde continua son chemin, carbonisant tout sur un rayon qu'un kilomètre. Depuis Serenia, les habitants virent un dôme de flammes ravager la plaine dans un bruit assourdissant.
Tout son être s'était consumé en un instant. Comme la paille de fer qui s'embrase dans une flamme forte et formidable, avant de n'être plus que fumée. De ses pensées, de sa mémoire, il ne restait rien. Une sphère minuscule et dense. Dure. Froide. Qui plus jamais n'émettrait la moindre lumière.
La disparition d'Althaïa causa un traumatisme profond et durable à Serenia. Le deuil dura longtemps, l'Empereur donna le nom d'Althaïa à la ville en souvenir de la chanteciel. Mathis prit la tête de la ville, même si son coeur était meurtri pour le restant de ses jours, il tint à perpétuer la mémoire de la jeune fille qui portait son pendentif. Esëidel partit au fin fond de la forêt elfique, qu'il avait toujours évité, et nul ne le revit jamais. Les siècles passèrent. Et si aujourd'hui rares sont les humains à se souvenir de l'origine du nom de la petite ville entre ciel et terre, il y a là haut un air fredonné par les arbres les longues nuits d'été. Un chant venu d'ailleurs.
Epilogue :
L'armée vampirique avançait enfin à l'air libre. Enfin. Les cratères béants vomissaient des vagues de vampires assoiffés de sang, armés jusqu'aux dents, rendus quasiment invincibles par le voile de la nuit. Les bêtes sauvages se sauvaient à travers les taillis. Les ombres s'allongeaient, l'air se chargeait d'une odeur âcre. Leur marche faisait trembler la terre. Au dessus du lac noir, dans l'embouchure étroite qui menait aux abysses, se déployèrent des bras argentés, curieux de palper cette roche chauffée par le soleil. Les iris blanches se tournèrent vers l'astre de la nuit, presque éblouis par sa pâle lumière. La surface. Terre promise. Lentement, comme dans un rêve, une silhouette étrange émergea de l'obscurité, se redressant vers les cieux de toute sa hauteur.
Le soleil noir luisait en son âme glacée. Un coeur n'ayant jamais vécu que la violence et la haine. Derrière la peau de fer qui était désormais son seul visage, ses yeux scrutait un ciel inconnu. Un nouvel âge venait de commencer.
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Sujet: Re: Althaïa ACTAAË Mer 31 Juil 2013 - 16:17
Alliés
LORENZ WINTEL
Il est le seigneur et maître de la race vampirique. Althaïa l'a soutenu dans son ascension et n'hésite pas encore aujourd'hui à le défendre sans retenue. Elle voit en lui le meneur nécessaire à l'existence d'une véritable nation vampirique, et ses méthodes discutables pour certains ne le sont pas pour elle.
DINSHENI
Dinsheni n'avait que 11 ans lorsque sa route croisa celle d'Althaïa. Cette fillette orpheline et muette mendiait autrefois aux abords des villages. Aujourd'hui vampire, elle est l'esclave dévouée corps et âme à Althaïa, sa seule et unique domestique. Sa dévotion tient plus de la peur que de l'amour, mais elle préfèrerait mourir sur le champ que de trahir.
TIAHANLOTH
Monture et alliée de bataille d'Althaïa, surnommée la jument de la nuit à cause des reflets de sa robe noir d'encre. Comme tous les destriers vampiriques, Tiahanloth est fidèle au-delà du possible. Choisie pour sa grande violence et sa vélocité, l'animal est rusé et retord. Quand Althaïa ne la monte pas, elle est gardée par Dinsheni au camp principal.
ETHAN ENAËL- décédé
Membre du conseil et général de l'armée vampirique : ils œuvrent tous deux dans le même sens au conseil et partage souvent les mêmes desseins. En dehors, Althaïa le considère au même titre que ses pairs masculins. Elle apprécie ses talents guerriers, mais il ne l'a jamais intéressé. - Tué par Norwen Ullylan lors d'un duel. Elle prit sa place aux commandes de l'armée sombre.
NORWEN ULLYLAN
Une éclaireuse de l'armée vampirique venue mander l'aide d'Althaïa pour faire réparer ses armes de prédilection.
VERITH
Un dragon rouge rencontré dans les plaines, alors que ce dernier venait d'arriver sur Armanda. Althaïa usa de tout son charisme pour rallier le géant rouge à sa cause, au travers d'un pacte tacite qui les lie désormais : l'anéantissement des Alayiens et de l'artefact Devoreuse.
VANAËL AERIN
Une conseillère habile dans l'art de la séduction. Une figure féminine qu'Althaïa a vite repéré dans la marée vampirique du conseil. Si elle ne la fréquente pas, en bonne solitaire qu'elle est, leur opinion sur la question de la nation vampirique les rapproche régulièrement.
KORENTIN KOHAN
L'alliance l'a reconnu légitime empereur des hommes. Sans le connaître le moins du monde, Althaïa en est réduite à se ranger de son côté. Les vampires de Lorenz le soutiennent, même si l'ambiance n'est pas toujours aussi chaleureuse qu'on le voudrait.
VEREN SARJAA
[en cours]
YLAN CENDREMONT
[en cours]
Neutres
ACHROMA SEITHVEIJ
Membre du conseil et dragonnier, Althaïa ne le fréquente que lors des conseils. Si son attirance pour les dragons la rend curieuse de sa dragonne Silarae, lui, ne l'a jamais vraiment intéressé. Il le lui rend bien, gardant ostensiblement ses distances.
KEDRILDAN MARALAWË
Dragonnier dont les mésaventures sont célèbres parmi la gente vampirique. Althaïa ne s'est jamais penché sur cet être que beaucoup jugeaient insignifiant, jusqu'au jour où le serviteur de Lorenz s'est vu choisi par une dragonne. Il ne l'apprécie pas et l'évite la plupart du temps, chose qu'Althaïa considère de façon tout à fait positive.
ISENDAL ITHIL- décédé
Espion vampirique et membre du conseil: l'ancestral Isendal fait parti des visages connus du conseil. Althaïa connaît ses talents d'espion, mais ne le fréquente pas en dehors des conseils.
MERITHYN SHADOWSONG
Le Gardien des Préceptes actuel de la Rhapsodie. Il est l'instigateur de la trêve entre les races d'Armanda. Son nom ne dit rien à Althaïa, son visage, en revanche...
SKADE
La terrible mère de Verith, qui combattit vaillamment à leurs côtés lors de la bataille des Bois Sombre. Althaïa sait qu'elle en veut autant, sinon plus, à Lorenz que son fils.
AMBRE ORETOILE
Jeune esclave immunisée capturée par Lorenz et farouchement défendue par lui. Althaïa la considérait d'un œil neutre jusqu'à ce qu'Ambre entrave volontairement son travail en voulant sauver un alayien. La jeune fille la déteste cordialement, la vampire méprise sa naïveté et sa morale. Elle ne lui touchera pas un cheveux par respect pour le souverain.
ESMELDA KOHAN
La jeune progéniture Kohan, qu'Althaïa avait sous les yeux lors des négociations. Une étincelle vive danse dans son regard, et malgré le mépris des vampires à l'égard des humains, Althaïa est satisfaite de voir la gente féminine si bien représentée parmi les proies.
CRISSOLORIO OSTIZ
Un vieil humain rencontré juste avant la guerre par mégarde de ce dernier. Althaïa lui a laissé la vie sauve, sous couvert qu'il ne la croise de nouveau.
ALFORD GORDER
Un drôle d'humain dont l'entrain aurait raison d'un iceberg. Il vint mander les talents de forge d'Althaïa pour l'amélioration de sa lame fidèle. Qu'en fera-t-il ? La Dame espère qu'Alayia s'en souviendra tout du moins. Du reste, il lui a permis de retrouver un souvenir d'une valeur, à ses yeux, inestimable.
TOBOLD DES MANGROVES
Un peu vieux, pas bien costaud, mais cultivé, alerte et intelligent. Cet individu aurait tout pour plaire à Althaïa... Le problème ? Eh bien, c'est un mâle humain.
Ennemis
SAEMON METHUS
Althaïa le prit pour cible alors que le jeune Saemon, 9 ans, croisait sa route par hasard. Elle l'a oublié depuis, lui, non.
ELIOWIR SERILLËIEL
Un prisonnier elfique capturé pendant le voyage de la délégation vers le domaine baptistral. Un curieux personnage qui attire bien des convoitises... Mais seul Lorenz Wintel aura le dernier mot quant à son sort.
MATIS FALKIRE
Un humain capturé durant la guerre vampiro-humaine et qui causa bien du tort à un petit escadron d'éclaireurs. Traité selon les lois du peuple sombre, il jura sous la torture de mettre fin à son immortalité. Une promesse qui faillit lui tenir lieu de guillotine. Mais le destin est souvent retords.
FABIUS KOHAN
Althaïa ne se préoccupe guère des sang-chaud, et le fait que celui-ci soit à la tête de l'empire n'y change rien. Cependant, son alliance avec les alaiyens et la naissance de la rébellion en fait malgré lui la cible numéro une.
Souvenirs
TUËRYN DAENAE
Un elfe sans âge, vieux baptistrel du vent qui fut jadis son tuteur et son maître. Il y a-t-il un seul adjectif qui puisse définir cet être là ? Il était tout pour elle. La lumière et l'obscurité. Trop de pièces manquantes à son sujet, mais il hante ses souvenirs comme un fantôme fascinant.
NUUNRISHAR
Un gigantesque dragon écarlate surgi de la mémoire détruite d'Althaïa. Son nom éveille à lui seul un sentiment de puissance, promesse de la renaissance d'Armanda... Althaïa le confondit avec Verith, alors sous ses yeux.
Dernière édition par Althaïa Actaaë le Dim 10 Aoû 2014 - 17:11, édité 23 fois
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Sujet: Re: Althaïa ACTAAË Mer 31 Juil 2013 - 19:46
Equipement permanent :
- Tunique d'étoffe d'ombre : légère, recouvrant le corps des pieds au menton. Très résistante.
=> Non magique.
- Armure cellée : armure lourde à articulations multiples, en alliage d'acier et de mithril. Recouvre la totalité du corps, à l'exception des yeux et de la bouche. Forgée par magie à même le magma aux tréfonds des puits du royaume vampirique. Le bord des tranchants est recouvert d'ithildin, obtenu à partir du mithril après traitement magique. Le plus grand chef d'oeuvre d'Althaïa et sa meilleure protection : elle agit comme une seconde peau, possédant plusieurs milliers d'articulations sur toute la superficie du corps. Des tranchants forment des saillies visibles entre les plaques mobiles et une trame d'écailles prismatiques en quiconces ne laisse pas d'espace entre ces dernières. Couleur gris anthracite tirant vers le noir. Reflets argentés sous le clair de lune.
- Amulette de l'Ouroboros : pendentif circulaire retenu par une fine chaîne en argent. Un motif en relief montre un dragon se mordant la queue tout autour de la médaille, portant un simple glyphe en son centre. Dissimulé sous l'armure.
=> Enchanté : enchantement mineur de soin : peu soigner une blessure bégnine une fois. Doit être rechargé pour pouvoir servir à nouveau. 3 emplacements libres.
- "Demonis Arcesso" : livre à la couverture de cuir épais, plutôt volumineux, dont Althaïa semble rédiger régulièrement le contenu. Porté à la ceinture par une chaîne. Verrouillé par magie.
=> Non magique.
-Destrier vampirique : jument de robe noire aux reflets bleu nuit, 1m80 au garrot, crins longs et fins. Très mauvais caractère. Véloce. Petit nom : Tiahanloth. Surnom : the Night Mare.
-Sacoches d'ombre : en règle générale, avec le destrier.
Arme principale équipée :
- Paire de demi-lunes : intégrées à l'armure dans leurs logements respectifs au niveau des avant-bras. Peuvent se désolidariser à loisir. Alliage acier/ithildin/vrai-argent. Extrêmement fines.
- Bâton du Vent : "Bâton sculpté dans un bois foncé et d'une résistance à toute épreuve, simple et sans apparat. Il existe que trois bâtons de ce genre. Il est murmuré qu'ils appartenaient à trois gardiens d'un sanctuaire dédié à l'esprit du vent, bénit par celui-ci, et qu'ils ont traversé le temps, passant de mains en mains, de races en races, oubliant presque leur provenance. D'apparence si simple qu'on en oublie leur force première, celle de contrer les sortilèges lancés contre son porteur et d'en sortir une bourrasque équivalente à la force du sortilège."
Inventaire :
- écaille de dragon, rouge. Donnée par Verith, enchantée pour localiser ce dernier. => enchantement épuisé, non renouvelé. - 1x Collier de contrainte, - 1x Scarabée doré, - 1x clef de quatre, - 1x cristal de métamorphose - 1 morphologie obtenue : homme alayien brun, yeux marrons, trentaine, équipement de fantassin léger. - 1x Griffe Abyssale - 1x philtre de Vérité
- Harpe des Sept Etoiles
Inventaire non-transportable :
Royaume vampirique :
-Matières premières brutes pour la forge : acier/mithril/charbon/gemmes, -Bibliothèque, -Parchemin vierge, - Forge volcanique, -Mobilier simple
Camp vampirique :
-Parchemin vierge, -Accessoire d'écriture, - Malles de rangement simples
Dernière édition par Althaïa Actaaë le Lun 7 Juil 2014 - 13:54, édité 9 fois
Résumé : Dans la perspective de nouveaux voyages en surface, Althaïa se procure une monture adéquate. Le choix d'un destrier n'est pas une mince affaire.
Commentaire : Althaïa achète donc une jument noire nommée Tiahanloth, magnifique spécimen qui se révèle d'une grande valeur.
Résumé : Par une froide nuit de printemps, Althaïa s'aventure profondément sur le territoire impérial suite à une découverte intéressante. Aux abords de la capitale Gloria, elle trouve ce qu'elle était venue chercher... et plus encore. Deux jeunes humains tombent entre ses pattes par hasard...
Commentaire : Rencontre mouvementée avec le jeune Saemon Methus, qui, immunisé contre le venin vampirique, s'en sortira avec la frayeur de sa vie. Le petit Jeönyr, lui, ne gardera aucun souvenir de cette noire journée.
Résumé : Norwen, une jeune éclaireuse de l'armée vampirique, s'aventure dans les profondeurs extrêmes du royaume souterrain dans le but de retrouver la forgeronne Althaïa Actaaë. Elle désire faire réparer une paire de griffe. Elle est loin de se douter du prix qui lui en coûtera.
Commentaire : Dérangée dans son étude par sa visiteuse, Althaïa l'envoie chercher un artefact ancien et endommagé dans un labyrinthe très étrange. Après quoi, elle accepte de forger les armes de la jeune vampire.
Résumé : Par une nuit commune, Althaïa parvient à entrer au sein d'un petit bastion humain dans un bourg de l'Est, où elle a quelque affaire secrète à mener. Mais au détour d'un couloir, son intérêt bascule, la voilà avec une victime sur les bras... et un vieil humain bavard en prime. Un huit clos étouffant dans un bureau qui l'est tout autant mènera la Dame à lâcher sa proie pour l'ombre... ou pas.
Commentaire : Althaïa laisse la vive sauve au contrôleur Crissolorio Ostiz, contre un tribu pour le moins déroutant : sa personnalité.
Résumé :Une mission de routine tourne à la bataille rangée lorsqu'un jeune vampire a l'idée saugrenue de passer outre les ordres donnés. Contrainte d'intervenir pour éviter à l'escadron vampirique de tomber sous la lame d'un humain belliqueux, Althaïa n'hésite pas à trainer ce dernier jusqu'au camp principal pour traitement plus... "appropié" de son cas. Ce qui ne manque pas de provoquer la haine du sang chaud à son égard.
Commentaire : Il était destiné à mourir, mais le Dracos en a voulu autrement. Nul doute que, suite à sa fuite, le dénommé Mathis Falkire voudra un jour rendre des comptes pour la justice qui lui a été faite.
Résumé : En quittant le campement des vampires, Althaïa ne s'attend pas à croiser un énorme dragon rouge venu s'écrasé sur un roc au-dessus d'elle. Et certainement pas à ce que cette vision hors norme ressuscite un souvenir extraordinaire de sa défunte mémoire. L'échange qui en découle pourrait bien changer nombre de choses dans le futur.
Commentaire : Au terme d'un dialogue extraordinaire, Althaïa réussit à convaincre Verith de la nécessité de débarrasser Armanda de ses envahisseurs. Pour cela, le dragon et le mage concluent un pacte secret : ils se protègeront en une alliance tacite jusqu'à ce que l'artefact dévoreuse ne soit plus, et que l'Alayia chute de son piédestal. Y parviendront-ils ? Eux-mêmes en doutent...
Acteurs : Lorenz, Achroma, Isental, Kedrildan, Ethan, le conseil (pnjs)
Résumé : Un message scellé vient de parvenir au prince vampire Lorenz Wintel. Une réunion exeptionnelle du conseil est décidée le soir même. En effet, la missive émane de l'ordre baptistral et n'a qu'un but : convier les représentants des trois races du continent à entammer une trêve permettant d'unir leurs forces contre l'Alayia. Le destin d'Armanda est sur le point de basculer.
Commentaire : Althaïa assiste au conseil et se voit intégrée à la délégation qui se rendra aux négociations avec les autres races.
Résumé : Alors qu'Althaïa se détache du campement pour quelques instants de solitude, le prince Lorenz Wintel la suit à travers la forêt, dans laquelle ils se sont établis pour la journée. L'échange qui s'en suit tourne court lorsqu'un escadron alayien se présente à eux. Qui a parlé de massacre ?
Commentaire : Althaïa repart avec un prisonnier alayien et une magnifique lance en verre noir.
Résumé : La délégation se retrouve pourchassée par les Alayiens alors qu'elle aborde le royaume sylvestre des elfes. Une course effrénée s'engage, mettant à rude épreuve les forces vampiriques, contraintes de faire une pause pour éviter le pire. Mais les êtres de la race sombre ne sont pas au bout de leurs peines, et une certaine mauvaise humeur court dans les rangs des plus jeunes.
Commentaire : Althaïa sauve la mise du prisonnier elfe Eliowir Serillëiel, châtiant sans merci le soldat qui osât avancer les crocs vers lui. Cet acte valut une intervention du Dracos pour le moins spectaculaire, qui mit fin à l'entracte de la course poursuite...
Lien du rp : La trêve, arrivée de la délégation vampirique
Date : an 1 de l'âge d'obsidienne, dernier jour de voyage
Résumé : Lors d'une course-poursuite à travers la forêt elfique, la délégation parvint in extremis à semer les Alayiens qui l'avait pris en chasse, déboulant en trombe au domaine baptistral. Les vampires y sont accueillis par le Gardien des Préceptes en personne, Merithyn Shadowsong. Il est temps désormais de prêter serment : les négociations seront placées sous le signe de la paix, aussi illusoire soit elle...
Commentaire : Althaïa prête serment et rend ses armes aux baptistrels. Elle n'en a nul besoin pour accomplir ce pourquoi elle est venue.
Date : an 1 de l'âge d'obsidienne, aube du premier jour au domaine baptistral
Acteurs : /
Résumé : à l'aube de son premier jour au sein du domaine baptistral, Althaïa se trouve inexplicablement attirée par le Dolmen des Vents, l'un des sanctuaires sacrés. L'endroit est désert, et pourtant.
Commentaire : Arrachés au néant, des souvenirs conservés par les vents sont rendus à Althaïa, marquant le début d'un long et douloureux pèlerinage à la recherche d'une vérité qui la laissera longtemps perplexe.
Date : an 1 de l'âge d'obsidienne, nuit du premier jour au domaine baptistral
Acteurs : Vanaël
Résumé : Une nuit belle et claire berce le domaine de la Rhapsodie. Une nuit où deux conseillères vampiriques se croisent par hasard au pied d'un bâtiment qui n'en finit pas de fasciner. Mais lorsqu'Althaïa cède à son instinct qui l'y attire comme un phare, sa non-vie bascule.
Commentaire : Pour la première fois, Althaïa entrevoit le passé, son passé. Une révélation qui la brise de l'intérieur en faisant paraître sa véritable nature : une chanteciel déchue.
Date : an 1 de l'âge d'obsidienne, soir du premier jour au domaine baptistral
Acteurs : nombreux
Résumé : Enfin, l'heure est venue : toutes les délégations sont attendues au Tormingorllo par les baptistrels. Les discussions s'annoncent longues et houleuses. La paix est fragile. Mais, contre tout attente, les vampires ne sont pas les plus difficiles à convaincre... Le temps presse. Les Alayiens n'ont pas perdu de temps, et les voilà aux portes du domaine au plus mauvais moment.
Commentaire : Althaïa participe aux négociations en tant que conseillère. Mais les pourparler tournent court lorsque l'innatendu se produit : la magie disparaît... et les Esprits en personne se matérialisent dans la salle. La fin d'Armanda est-elle pour bientôt ?
Date : an 1 de l'âge d'obsidienne, quatrième jour au domaine baptistral
Acteurs : Lorenz, Ambre, Merithyn, pnj alayien
Résumé : Le prisonnier capturé en chemin est précieusement conservé au sanctuaire du feu. La raison de sa survie est simple : il est une mine d'informations. La tâche consistant à les lui faire lâcher revient à Althaïa, et Lorenz en personne, qui ne souhaitait rater une telle occasion. C'était sans compter sur la témérité de sa jeune esclave aux idéaux tenaces.
Commentaire : L'alayien, malgré une volonté farouche, n'oppose qu'une piètre résistance face à une magie dont il n'a jamais eu à se défendre. Althaïa lui extirpe bien volontiers ce dont ils ont besoin, et bien plus...
Date : an 1 de l'âge d'obsidienne, nuit du premier jour au domaine baptistral
Acteurs : Merithyn
Résumé : Alors qu'Althaïa et Vanaël se risque gaillardement à l'intérieur de la tour des étoiles, elles sont emprisonnées par la magie qui protège ce lieu sacré. Pour Althaïa, le monde bascule, au son d'une harpe qui, de nulle part, fait rejaillir les fantômes pieusement conservés d'une vie d'un autre temps. Un voyage entre rêve et réalité, où les notes du Gardien se mêle de milliers de fragments aux lueurs étoilées.
Commentaire : Althaïa, au travers des songes des baptistrels, obtient ce qu'elle cherchait depuis des eons : mais la surprise est de taille et se révèle bien plus difficile à accepter que prévu. S'en relèvera-t-elle ? Pas si sûr. Elle devra cependant remercier l'elfe pour sa leçon de harpe...
Lien du rp : Au fond de la forêt se cache une maison en pain d'épice
Date : an 1 de l'âge d'obsidienne, second jour au domaine baptistral
Résumé : Le Dracos est libre, les liés ont vaincu. Mais les alayiens, bien loin de renoncer, se ruent en flots continus sur le domaine baptistral désormais à leur merci. Les délégations, aussi peu nombreuses que dispersées, tentent de tenir tête à l'armée noire... jusqu'à ce que les dragons et les elfes se jetent eux-aussi dans le feu de la guerre, achevant de transformer la clairière de la Grande Mère en une boucherie sans commune mesure avec ce qu'Armanda a vécu jusqu'alors.
Commentaire : Althaïa fend les rangs alayiens à la recherche de points stratégiques à atteindre, sans pour autant oublier de faire tomber toutes les têtes qui se présentent. Moins il y a d'alayiens, mieux Armanda se porte.
Date : an 1 de l'âge d'obsidienne, soir du premier jour au domaine baptistral
Acteurs : Verith, Tiahanloth
Résumé : Au sortir de la bataille des Bois Sombres, le dragon rouge Verith, fort de nouvelles révélations concernant la mort de son frère Cymbor, coupe la route d'Althaïa pour la contraindre à lui révéler ce qu'il désire savoir. Au prix d'un dialogue houleux entre les deux partis, la vampire donne le nom du Prince au dragon, qui promet alors d'épargner sa non-vie et celle de son peuple.
Commentaire : Althaïa, malgré sa loyauté, décide de mettre Lorenz en danger pour préserver la race vampirique de la vengeance de Verith. Ainsi, le mage et le dragon sont désormais quitte l'un de l'autre. Mais un horizon incertain se profile.
Date : Fin de l'automne - An 1 de l'ère d'Obsidienne
Acteurs : Alford
Résumé :Althaïa, à sa silencieuse amertume, a accepté de mettre son talent de forgeronne au service de la rebellion. Si son comptoir n'est pas connu de la gente humaine, cela ne décourage pas pour autant un certain Alford Gorder de s'y rendre et d'y demander la refonte de son espadon bien-aimé. Althaïa accède à sa demande... contre une bien curieuse rémunération.
Commentaire : Un coffre sorti des eaux noires du lac, qui vaut plus qu'une épée vampirique ? On pourrait ne pas vouloir savoir ce qu'il contient... Et pourtant.
Résumé : La Harpe des Sept Etoiles est de nouveau entre ses doigts : ainsi, les jours entiers passés à batailler au domaine baptistral pour s'approprier ses souvenirs ont fini par payer. Althaïa, à la faveur d'une "nuit" sur le lac souterrain, s'entoure de magie pour revêtir les traits de son ancienne vie. La voici de nouveau baptistrelle, sa conscience oscillant dangereusement entre sa non-vie et une âme chimérique. C'est à cet instant, qu'attiré par la mélodie extraordinaire, un rebelle fait son apparition...
Commentaire : Entre Amour et Haine, il n'y a qu'un pas. Un pas de danse peut-être. Un pas entre deux Univers, et un chant venu d'ailleurs.
Résumé :Sortie par hasard dans une boutique de la ville, Althaïa en ressort accompagnée d'un humain des plus singuliers. Sous de faux airs de vagabonds badauds, elle découvre un fin limier, qui lui déniche une denrée plus précieuse à ses yeux que tout l'or des royaumes : du vrai argent, dans un météore. Il est décidé de monter une courte expédition à l'endroit où l'humain a vu chuter le bolide extra-armandéen.
Commentaire : Althaïa et son étrange guide ne rentreront pas bredouille, mais pas loin... Mais qui a dit son dernier mot ?
Date : Hiver de l'an 2, ère d'obsidienne => à la suite de "pour une étoile filante"
Acteurs : Veren Sarjaa
Résumé : Alors qu'Althaïa, laissant le chercheur de météorite continuer seul ses recherches, remonte le fleuve vers le Nord-Est, le hasard fait que sa route croise celle d'une vampiresse à l'allure bien trompeuse. [en cours]
Commentaire : Une vampire plus une vampire, ça ne fait pas deux, mais trois... alayiens morts.
Résumé :Suite à la réception d'une lettre étrange, Althaïa est conviée à se rendre dans les geoles de la rébellion, où l'attend un alayien récemment capturé, et un certains Ylan Cendremont, tortionnaire et esclavagiste de son état. [en cours]
Résumé : Alors que ce jour présageait d'être de la même trempe que les précédents, Althaïa toujours plus profondément enfoncée dans son atonie, elle reçoit la visite improvisée d'une âme qu'elle avait perdue de vue : Alford Gorder, le mercenaire rebelle. Malheureusement, les retrouvailles seront de courte durée : suite à la destruction de Dévoreuse, le totem de la mante religieuse se réveille, de fort méchante humeur. Aux risques et périls de l'homme, qui n'en demandait pas tant... [en cours]
Commentaire : C'est la première fois qu'on a vu une fin du monde en vrai, pas comme pour les Mayas...
Lien du rp :
Date :
Acteurs :
Résumé :[...]
Commentaire :
Dernière édition par Althaïa Actaaë le Dim 10 Aoû 2014 - 16:31, édité 12 fois
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Sujet: Re: Althaïa ACTAAË Dim 26 Jan 2014 - 11:47
- Le souvenir vermeil -
- Au temps où l'emportait le vent -
- Pincer les cordes d'une harpe -
- A lullaby for damned soul -
Dernière édition par Althaïa Actaaë le Dim 18 Mai 2014 - 16:23, édité 1 fois
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Sujet: Re: Althaïa ACTAAË Mar 13 Mai 2014 - 21:04
Description
Harpe de grande taille, en alliage de vif argent, à l'éclat proche du platine. Le métal n'est pas forgé, mais chanté par magie, lui donnant des courbes et des déliés incomparables. La colonne est en fait le corps d'un dragon, dont le cou décrit un S pour laisser reposer la tête finement sculptée sur son poitrail. Les ailes forment la console, où l'on distingue sept incrustations de pierres taillées qui tiennent le rôle de chevilles. La cuvette et le pied sont composés par les pattes à trois griffes, qui soutiennent en même temps la caisse de résonnance gravée de runes et d'arabesques qui rappellent quelque peu les ornements elfiques.
Contrairement au commun des instruments, la harpe ne possède que sept cordes. Le son produit par les cordes est très clair et cristallin.
Pouvoirs
Née de la magie baptistrale, profondément liée à l'élément éthéré, la harpe aurait, si l'on en croit les dires à son sujet, le pouvoir d'apaiser les âmes les plus tourmentées par une simple berceuse, apportant paix et sérénité aux esprits malades ou déchirés.
Le corps et les cordes possèdent un enchantement de résistance.
Si l'on en joue avec justesse, les sons de la harpe plongent l'auditoire dans une douce somnolence rassurante, apportant réconfort et paix intérieure.
Histoire
Du temps où elle était baptistrelle et possédait encore une vie, Althaïa Actaaë avait transformé l'art de la forge pour y faire naître non point lames et boucliers, mais bel et bien des instruments de musique. La Harpe des Sept Etoile fut l'un de ses derniers chef d'œuvre avant sa mort. Aguérie à cet art depuis son entrée à la Rhapsodie, elle avait recherché un son unique à donner à sa compagne à cordes, un son capable d'évoquer à lui seul ses méditations éveillées entre les mondes. C'est pour cela que l'instrument a été créé : tisser un lien invisible et puissant entre la puissance protectrice des étoiles et les âmes fragiles qui en ont besoin.
Oubliée des Hommes depuis des siècles, la Harpe des Sept Etoiles reposerait quelque part dans les tréfonds de la ville éponyme de sa propriétaire légitime.