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Au temps où l'emportait le vent [Monologue Althaïa] [Terminé]

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Au temps où l'emportait le vent [Monologue Althaïa] [Terminé] Empty
MessageSujet: Au temps où l'emportait le vent [Monologue Althaïa] [Terminé] Au temps où l'emportait le vent [Monologue Althaïa] [Terminé] Icon_minitimeMer 4 Sep 2013 - 22:24

Dolmen des vents, à l'aube du premier jour

************
L'âme est sujette aux saisons au même titre que la nature qui les baigne.
Il y a un temps pour tout. Un temps pour apprendre, un temps pour s'entraîner, un temps pour s'éprouver, un temps pour s'aguérir.
Il y a aussi un temps pour tout recommencer. Et s'apercevoir que savoir, c'est avant tout savoir que l'on ne sait rien.

************

Lorsque l'elfe les avait mené en leur résidence, elle avait retrouvé des sensations familières. Le feu au creux de la terre. Son regard s'était porté au loin, là-bas aux tréfonds des abysses armandéens, où sommeillait son refuge, celé, peut-être pour des siècles... qui pouvait savoir combien de temps ces voyages aux quatre coins du monde mobiliseraient les troupes ? L'Alayia tomberait-elle avant l'hiver prochain ? Peu de chances, sauf s'ils s'accordaient tous pour biaiser les règles du jeu. Malheureusement, cela dépendait aussi des autres délégations.
Althaïa s'était approchée du feu comme un prêtre s'avance à l'autel. Enfin, elle retrouvait cette chose familière. Ce feu était presque identique à celui de sa forge. Et quelles flammes, par le Dracos ! Le métal dont elle était faite rougeoyait et se dilatait comme un monstre prenant une longue inspiration. Son esprit baignait dans une torpeur qu'elle n'avait plus connu depuis sa remontée en surface. Alors que la nuit avançait, la Dame était restée là, parfaitement immobile au bord du puits, laissant la magie nimber son âme et les flammes lécher son corps. Jusqu'à n'être plus qu'une gangue de métal en fusion. Alors, seulement, ses pensées débarrassées de tout parasite, elle avait ressorti ce drôle d'instinct qui lui servait si souvent de boussole. Althaïa l'avait débridé, laissant ce vieux compagnon excentrique la guider à l'extérieur du sanctuaire.

Là, les tout premiers rayons de l'aube dardaient à l'horizon. Le monde entier se teintait de couleurs pastels et de reflets brumeux. La douce fraîcheur contrastait avec la fournaise du feu, et lentement, l'humidité refroidit l'armure, lui redonnant sa forme et son aspect initial. Althaïa se fondit dans la brume matinale et disparut entre les arbres. Un instant, elle se laissa glisser dans la peau du chasseur furtif, invisible et inaudible, dévisageant les êtres vivants qui la croisait sans s'en douter. Son esprit enregistrait les informations au fur et à mesure, composant un tableau en trois dimensions de l'espace qu'elle visitait à loisir. Elle ne revint dans le monde tangible qu'aux abords de ce qui lui était présenté comme... le sanctuaire des vents.

Il n'y avait personne. L'aube continuait de s'épanouir doucement à la surface d'Armanda.
De petits carillons tintaient doucement sous les caresses des courants d'airs zigzagant entre les pierres redressées qui dessinaient le contour de cet endroit particulier. Particulier ? Unique même, comme chaque sanctuaire... il régnait ici une ambiance très différente du sanctuaire du feu. Althaïa aurait juré avoir entendu le vent rire... Un rire sans joie, le rire d'une personne âgée souriant d'indulgence face aux enfants turbulents qui la dérange dans sa quiétude.
La Dame sortit de sa torpeur mentale lorsque ses pieds se trouvèrent face à l'immense pierre centrale, gravée de multiples motifs aériens. Que venait-elle faire là ? Pourquoi son inconscient l'avait-il plantée ici, alors qu'il n'y avait rien ni personne à voir ? L'air charriait des courants turbulants et divers, bien loin du calme plat qui régnait en cet instant sur le reste du domaine. Portée par sa rationalité, Althaïa décida d'examiner plus avant ce qui constituait le cœur du sanctuaire, donc l'élément principal lié au plan supérieur : le dolmen.
Cette dernière idée l'intéressa au plus haut point, mais elle ne concevait pas comment une telle chose était possible. Les baptistrels étaient décidément une grande énigme. Les énigmes l'émoustillait autant que l'odeur du sang frais... peut-être même plus.
Elle traçait de ses pas des cercles concentriques, plongeant peu à peu dans l'atmosphère étrange d'un lieu qui réveillait à nouveau les sensations ésotériques. Elle attendit, le regard brillant, que vienne la douleur, et avec elle les fragments de mémoire, si précieux...
Mais en vain. Seuls des chuchotements de plus en plus forts, de plus en plus nombreux, qui semblaient s'élever de nulle part.
D'abord, il n'en ressortait rien de compréhensible. Puis, à force d'écoute et d'analyse, Althaïa finit par reconnaître en ce son...

Sa propre voix.

Ses pieds se plantèrent dans l'herbe d'un coup sec alors qu'elle s'immobilisait. Plus exactement, c'était le timbre de sa voix. Car le son mélodieux des échos n'avaient quasiment plus rien à voir avec les sifflements désincarnés et dissonants que produisait sa gorge endommagée. Non, cette voix là avait une sonorité différente. Pourtant, nul doute possible, ces accents, ce rythme, ce souffle. C'était le sien.
Une autre voix était apparue entre temps. Une voix mâle. Une voix chantante.
Althaïa n'était plus qu'une statue pensante, droite parmi les pierres dressées, elle se fondait dans le paysage, aspirée par sa contemplation intérieure, fascinée par ce qu'elle était en train de découvrir. Le vent s'enroulait autour d'elle comme une écharpe douce, milles mains invisibles caressant le métal humide dans une étreinte triste. Et elle la sentit. La tristesse. Un sentiment totalement étranger, venu d'ailleurs, qui émergea tel un écueil solitaire dans les flots déchaînés de son esprit. Elle l'observa intérieurement comme une chose curieuse... D'où venait ce sentiment ? Pas d'elle, c'était un fait. Alors de qui ?
Ses yeux blancs se perdirent dans le ciel mauve au-dessus du dolmen. Le vent chantait sur l'armure, et les deux voix emplissaient son esprit à la manière de deux comédiens dialoguant sur scène sans se soucier du public.
L'esprit de la vampire s'était figé, stupéfait, tourné tout entier vers ce phénomène ahurissant. Elle entendait. Elle comprenait. Une parole de l'au-delà. D'un autre temps.

Thème : Across my memory

**

Regarde attentivement, Althaïa. Regarde les surfaces de ces monuments. Derrière ces dessins taillés se cache une grande part des principes liés aux vents. Si tu y prêtes suffisament attention, tu pourras y découvrir des principes immuables de ce monde.
Et celui-ci... est-ce un dragon ?
En effet. Plus exactement, c'est une dragonne de l'orage.
De l'orage ?
Les dragons de l'orage sont liés au coureur des nuées. Ils maîtrisent la puissances des cieux et peuvent lier les vents et les masses orageuses à leur volonté. Ce sont des créatures terrifiantes, mais au combien sages et savantes. Même aux seins de la race primordiale, ils sont vénérées. Ou plutôt... elles. Car seules les dragonnes ont ce privilège. De véritables légendes.
Mais encore ? Comment le savez-vous ?
Comment je le sais ? À toi de le découvrir.

Les rires résonnèrent aux alentours.

Cela vous va bien de me répondre ainsi ! Je n'ai ni votre âge, ni votre savoir ! Comment suis-je sensée savoir ?
Tu te sous-estimes, petite Enwr. Laisse ton esprit voguer aussi librement que lorsque tu étais enfant. Le savoir est en chacun de nous : il suffit de parvenir à nous le remémorer. Mon rôle en tant que Cawr est de t'apprendre à apprendre. Apprendre de toi-même : tu es la continuité du monde, comme tous les baptistrels... comme tous les êtres, même si la majorité n'en a pas conscience. Ouvre-toi, emplis-toi de l'univers, et les esprits se révèleront à toi, ils t'apparaîtront dans toute leur plénitude.
Je vous crois, Tuëryn. Simplement... Je... comment dire ? ... Il y a des fois où je ne me sens pas à ma place dans ce monde. Je... j'ai l'impression d'être... en décalage ? De venir d'ailleurs, les gens me paraissent si... je ne sais pas. Différents ? Je ne sais pas si je m'exprime...
Je comprends, Althaïa. Crois-moi, un jour, tu sauras. Tu comprendras. Mais laisse donc le temps au temps : rien n'est jamais là où il ne devrait pas être. Suis-moi dans la voie du Diapason, et ton chant deviendra une évidence. Le jour viendra où ton nom ne sera plus un simple patronyme, mais une mélodie en harmonie parfaite avec le Tout. Soit patiente. Et ne t'arrête pas."


**

Les paroles s'éloignèrent, il lui semblait presque pouvoir distinguer deux silhouettes blanches sans contours, marcher devant, se fondre dans l'air...
Son esprit restait bloqué, refusait obstinément d'intégrer ce qu'elle venait de vivre. À l'instar d'un disque rayé, il ressassait indéfiniment la même pensée :
Cette voix était la mienne.
Les informations elles-mêmes étaient rejetées en bloc par le mur de glace qui s'était formé en elle. Impossible. La magie des baptistrels avaient altéré quelque chose, impossible. L'équation était insoluble. Ce qu'elle avait entendu n'avait aucun sens.

Althaïa resta face à la pierre jusqu'à ce que la chaleur du soleil la tire de sa transe. Alors, seulement, elle réalisa que l'écaille fixée à la ceinture avait pivotée pour pointer vers le nord. La magie du champ magnétique arrivait à son terme, pourtant, le sort fonctionnait... ce qui ne pouvait signifier qu'une chose : le dragon rouge survolait la forêt en ce moment même. Il était proche.
Toute cette folie n'avait pas sa place à un moment pareil. Elle s'adonnerait à ses délires ésotériques plus tard.

D'un pas raide et décidé, elle prit plein nord, droit dans la direction indiquée par l'écaille.

Et la sensation fugace d'un regard posé sur sa nuque, infiniment triste.

"Souviens-toi de moi, chantétoile. Moi, je ne t'ai pas oublié. Je ne t'ai pas oublié."

***
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Au temps où l'emportait le vent [Monologue Althaïa] [Terminé]

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