Il était l'heure de se nourrir, avant qu'elle ne perde le contrôle de ses envies, et retourner mener cette petite vie paisible de serveuse dans l'auberge d'un village fortifié proche de la capitale. Cela faisait plus d'une semaine qu'elle n'avait plus vu une goutte de sang effleurer ses lèvres, au point que même les entailles que se faisaient le cuisinier manquaient de la rendre folle et de la forcer à lui sauter à la gorge pour s'en nourrir. Elle savait que des maraudeurs s'étaient installés sur ce petit chemin rocheux. Ils avaient attaqué des voyageurs la veille, pillé leurs possessions ayant un peu de valeur et violé la femme. Ils étaient la proie idéale, il n'y avait même pas besoin de les pourchasser pour qu'ils lui tombent dessus.
Le plan était simple et se déroula sans accrocs, deux hommes en armes étaient sortis d'entre deux rochers, l'un devant, l'autre derrière pour l'empêcher de fuir. Une femme seule était une véritable aubaine pour eux. Se faisant passer pour une femme fragile, Veren s'était défaite du premier "assez maladroitement", qui voyant l'opportunité de se faire plaisir avait abandonné son camarade pour la pourchasser et satisfaire ses pulsions primaires. Cependant ce qu'il ne savait pas était qu'il fut la proie et la victime de cette manipulation alors que son collègue retournait à son campement pour laisser tout le loisir à son camarade : "chacun son tour avait-il dit"

Cet homme empestait la crasse et la transpiration, et son sang n'avait rien d'exceptionnel. Aucune passion n'en ressortait, aucunes des saveurs si particulière des proies préparées. Non, c'était un plat... Purement alimentaire qu'elle dévora sans grande passion ni compassion, mais ça restait du sang. Du sang qui lui apportait tant de plaisir à sentir couler le long de sa gorge et pénétrer ensuite dans son corps pour le vivifier de cette énergie "vivante" dont elle était privée, la faisant sentir encore plus vivante que quand elle l'était réellement car c'était la "vie" qu'elle avait choisis.

Une odeur particulière, un mouvement d'air et... Elle se jeta au dernier moment entre deux rochers pour esquiver ce qui semblait être une créature ailée de grande taille. Grande, forte, mais plus lente qu'elle qui l'avait dérangée à la fin de son repas. Heureusement, elle avait été assez brutale avec sa proie pour être sûre qu'il ne s'en relève jamais, sinon il y aurait eut un vampire pathétique de plus sur cette terre, et seuls les esprits savaient à quel point ils étaient nombreux !
Elle se faufila, tel un serpent entre les roches le temps que la créature reprenne sa chasse pour se réfugier dans un renfoncement rocheux ou cette dernière ne pourrait la suivre ni l'atteindre. Elle l'observa quelques secondes depuis son abris : un dragon. Ça semblait bien en être un ! Une grosse bestiole recouverte d'écaille qui avait essayé de la bouffer. Avec un peu de chance elle se satisferait de la chair de sa proie exsangue qu'elle avait abandonné et partirait. Dans le pire elle essayerait de l'attraper et de la bouffer également ! Qu'elle pointe sa sale tête hideuse au bord de son trou ! Même si ses écailles étaient résistantes, c'était sans compter sur la dextérité de Veren avec sa petite arbalète, ou encore simplement avec la rapière

Le tout était de s'en débarrasser tant qu'elle possédait l'avantage nocturne...

La créature s'était arrêtée devant son trou et bien qu'elle ait reniflé sa proie, cette dernière ne semblait pas vraiment à son gout. Ce genre de créatures ne devaient pas être des charognards et préférer la viande saignante et bien vivante, mais si tel était le cas, pourquoi l'avoir attaquée ? Protéger cet humain stupide qui avait espéré la violer ? Décidément, cette bête devait être dressée par les hommes pour être aussi aveugle, aussi l'installation de la créature devant son abris fut seulement accueillit par un soupir profond, la créature semblait être partie pour attendre un long moment, peut-être même le temps que son maitre réunisse assez de soldats pour la sortir de son trou une fois le jour venu. Ce qui voulait dire qu'elle devait se trouver une issue avant le lever du soleil, plusieurs heures avant en bref le temps de digérer son dernier diner et de reprendre un peu des forces. Le second humain n'aurait pas été de trop au final, elle aurait également du l'attirer.

Elle s'installa confortablement dans son trou, ramenant ses jambes contre sa poitrine avant de les cercler de ses bras et de poser son menton sur ses genoux. Puis elle ferma les yeux, elle devait se reposer et attendre. La patience a toujours été une vertus, et surtout elle réfléchissait à une issue de secours ou les risques étaient les plus faibles possibles. Il fallait prendre en compte que la créature pouvait avoir un bon odorat, et une bonne ouïe mais pour la rater ainsi dans l'obscurité cela voulait dire que la vampire avait peut-être cet avantage.

Une voix finit par résonner dans sa tête. Une sensation très désagréable, qu'elle aurait volontiers égorgé sans autre forme de procès. Puis elle en compris l'origine : la grosse bestiole qui n'était rien d'autre qu'un dragon. Visiblement jeune aux vues de sa taille, et la seule chose qu'elle savait à leurs sujet était qu'ils étaient à éviter coute que coute, qu'ils pouvaient la reconnaitre et que s'ils étaient au service d'un humain, ils la tueraient sans sommation.

Ainsi, ne répondit-elle pas aux premières questions et ne bougea pas d'un cil. Pour ne répondre qu'aux deux dernières d'un ton calme ne laissant transparaitre pas d'autres émotions qu'une certaine lassitude, comme si tout ceci n'était qu'une perte de temps. Ainsi peut-être que l'animal s'en désintéresserait à défaut de chercher à la bouffer.

"Si tu avais voulu me faire bruler vive, je pense que ca serait déjà fait et que nous n'aurions pas cette discussion."

Soit la bête ne pouvait pas, soit elle désirait jouer avec elle un peu avant de la tuer, dans les deux cas c'était une certaine aubaine.

"Tu es bien une bête dressée par les hommes pour tenir un tel discours. C'est vrai que je suis une créature sans âme qui tue sans discernement, et que les hommes sont des anges qui ne font jamais rien de mal." dit-elle ironiquement. "Tuer des innocents et violer des femmes ne lui a causé aucun problème à lui, il ne m'a pas suivie pour me dire des mots doux. Il t'aurait certainement semblé plus juste que je le laisse me violer et le laisser partir recommencer sur une autre femme."

Elle avait parlé lentement comme sans convictions, comme si de toute manière tout ce qu'elle dirait serait de toute manière ignoré. Elle était une vampire donc elle avait forcément tort ! Elle avait croisé assez d'humains pour le comprendre, alors les bêtes qui étaient dressées par eux ne devaient être guère plus attentive à ce qu'elle pourrait raconter puisque certainement son destin était déjà scellé. D'ailleurs son attitude laissait réellement à penser que c'était le cas, et que la mort serait de toute manière au bout du chemin, que le combat était inutile et qu'attendre était la seule option.

Peut-être la créature la prendrait-elle en pitié ? Ou peut-être pas.

Et bien entendu elle remettait sa parole en doute. Autant dire que ce n'était pas une surprise et que cet animal stupide n'irait pas croire un seul de ses traitres mots même s'ils étaient la vérité pure et dure. A quoi cela servait-il de lui parler alors ? Il n'avait qu'a attendre qu'elle meure de faim au bout de quelques jours et repartir ! Que l'animal l'enterre vivante ? La fasse carboniser dans son trou ou pire encore ? En l'état actuel des choses elle était piégée pour plusieurs heures donc il restait simplement à attendre que ses forces reviennent.

Elle sentait d'ailleurs déjà le sang de sa victime fraichement égorgée passer dans son système sanguin, combler le vide que sa "mort" avait causé voilà des années, lui redonnant sa vie, sa force et sa puissance. Lui redonnant cette chaleur intérieure pour quelques jours, ou dans ce cas là pour seulement quelques heures puisqu'elle serait forcée de l'utiliser pour s'enfuir.

Elle laissa le silence s'installer pendant plusieurs minutes, comme si elle réfléchissait à une réponse depuis son trou d'ou elle était restée prostrée.

"Je ne cherche pas de remerciements, juste à vivre en paix." Elle soupira de manière bien sonore. "Et si je peux le faire c'est grâce à des individus de cette espèce qui ne manqueront à personne."

La créature ne la croirai certainement pas quoi qu'il arrive, et en rajoutant une couche en lui disant qu'elle était exactement ce genre de personne, qui n'avaient ni rien ni personne pour s'inquiéter de sa disparition ? Non, c'était inutile de dire la vérité, ni même de mentir, cette créature n'accorderait aucun propos à ce qu'elle pourrait bien dire. Le silence devient de nouveau pesant, avant qu'elle ne vienne clore la discussion.

"De toute manière, tu poses des questions, mais peu importe la réponse, tu ne me croira pas à moins que je ne te dise que ce que tu veuilles entendre."

Oui, ces mots étaient bien pour clore. Après tout, a quoi cela servait-il de parler avec une créature qui ne croirait de toute manière pas ce que l'on pourrait lui dire et qui avait décidé de votre sort avant même de vous connaitre seulement parce que vous appartenez à un peuple qui n'est pas aimé ? Ok, Veren tuait pour se nourrir, était au milieu des humains pour le compte d'autres vampires afin de ramener des informations utiles quelles qu'elles soient. Il n'en restait pas qu'elle vivait au milieux d'eux dans une certaine harmonie, qui même si la vampire ne l'avouerait jamais lui plaisait quelque peu.

La créature ne semblait pas vouloir voir le silence s'installer et durer, après tout pourquoi le voudrait-elle ? Elle avait l'avantage, c'était donc le moyen de pousser un interrogatoire sans n'avoir aucun risque ni avoir à demander quoi que ce soit d'autre en retour. Oh, la vampire avait bien des histoires à raconter, celle qu'elle racontait toujours quand elle arrivait dans un nouvel endroit et qu'on s'intéressait un temps soit peu à elle pour savoir d’où elle venait, ou elle avait travaillée avant, ce qui l'avait poussée à partir et plein d'autres choses du genre. Cette histoire n'était au final qu'une grande partie de la vérité, après tout, les meilleurs mensonges n'étaient-ils pas faits en grande partie de cette vérité ?

"Les humains ont peur de tout ce qu'ils ne comprennent pas, et de ce qui peut les tuer." dit-elle dans un soupir "Ce n'est qu'une réaction instinctive et normale que d'avoir peur."

Elle eut un court sourire, que la créature ne percevait certainement pas de là ou elle était, toujours dans cette même position prostrée. Après tout, qui n'aurait pas peur d'une créature volante de cette taille, recouverte de griffes, d'écailles, de cornes et avec un peu trop de dents longues comme des couteaux ? Sachant qu'en plus cette créature pouvait vous fondre dessus en un clin d’œil pour vous dévorer sans que vous ne puissiez rien faire ? Bon, les vampires aussi étaient à peu près du même genre, mais il n'y avait pas à dire, au moins eux ils ressemblaient à quelque chose !

"Si tu salues toujours les gens de cette manière en essayant de les dévorer pour ensuite chercher à discuter avec eux s'ils t'ont échappé, je comprends pourquoi ils ont peur de toi, et ce n'est pas en cherchant à les connaitre ensuite qui changera ça. Même un nouveau né est plus civilisé que ça !"

Alors oui, elle venait de l'insulter ! Les vampires nouveaux nés étaient certes les plus nombreux mais n'étaient pas grandement appréciés des plus anciens. Bien entendu elle faisait partis de la première caste, ou tout du moins était considérée comme telle de par son age, mais elle avait été encadrée ! On lui avait appris à dompter ses instincts et ses besoins pour ne prendre que ce dont elle avait besoin pour plus de discrétion, avec des privations plus que cruelles qui l'avaient parfois ramenée au stade de simple bête sauvage. Mais au final, 40 ans plus tard sous ce traitement inhumain, le résultat était là.

"Et que veux-tu savoir qui me donnera un peu plus de saveur ? Qui j'étais avant ? Qui je suis maintenant ?" Les questions ne semblaient pas attendre de réponses, puisqu'elle reprit immédiatement ensuite. "J'étais de celles qui ne manquaient à personne, prostituée d'un petit bordel," l'intonation changea au milieu de la phrase, prenant comme plus de vie, plus de rancœur et de haine dans chacun des mots, comme si la créature sans autre comportement que celui de la reddition reprenait du poil de la bête "offerte à un sadique plein de pognon qui ne prenait son pied qu'en me passant à tabac en plus de se soulager à chacun de ses passages. Si j'avais de la famille ? Ce sadique était mon géniteur ! Alors oui ! Je ne remercierai jamais assez celui qui m'a libérée de ce sang immonde qui coulait en moi et qui m'a permis cette nuit là d'égorger ce porc ignoble de mes propres crocs pour lui faire payer ce qu'il m'a fait subir pendant des années !" Elle avait finit par se lever, sa voix chevrotante, comme si l'évocation de ce souvenir faisait remonter toute la rage contenue en elle qui avait besoin de s'évacuer. "Et si c'était à recommencer, je le referai sans la moindre hésitation avec le même plaisir qu'au premier jour !" Oui, l'on ne récolte que ce que l'on sème.

Elle finit par s’essouffler, s’essouffler ?! Non, les vampires ne respiraient pas, ils ne pouvaient pas s’essouffler ! La mort les avait affranchis de ce problème d'endurance et de respiration. Pourtant, elle sembla suffoquer quelques instants, comme si sa respiration bruyante essayait de capter un peu d'oxygène dans un milieu en étant privé. Puis cette respiration disparu aussi vite qu'elle était venue laissant de nouveau place au ton calme et serein des premiers mots. Elle eut d'ailleurs quelque peu déstabilisée, mais se reprit vite comme si ce qui était sortis sous la rage quelques instants avant était venu de manière incontrôlée.

"Ce sont tes si charmants humains qui sont responsable de ma nature, qu'ils me considèrent comme un monstre est plus agréable que comme un jouet ! Je demande juste la possibilité de vivre la vie dont ils ont voulu me priver."

Le dernier mot amorça le retour au fin fond de son trou rocheux, comme si elle regrettait maintenant d'avoir quitté sa position prostrée qu'elle avait adopté au début. Comment réagirait la sale bestiole face à ce monologue ? Seuls les esprits le savaient, d'ailleurs la vampire elle même semblait comme perturbée par ce dernier comme se renfermant un peu plus dans sa coquille.

La créature à écailles ne trouvait rien à répondre sur le moment, laissant le silence s'installer confortablement et laissant ainsi la vampire à ses pensées. Pourquoi s'était-elle ainsi levée ? Que lui avait-elle dit exactement ? Ses origines ? Oui, pour la faire réagir ainsi, ca devait être son histoire. Sans aucun doute qu'elle avait encore perdu le contrôle et encore eut un instant de faiblesse qui lui aurait valu une mort lente et douloureuse si cet évènement c'était produit au milieu de ses congénères. Mais au moins ce volcan silencieux qui chauffait de rage en elle s'était calmé.

La créature ailée revint sur le sujet de la nourriture de la vampire, qui n'accueillit la question que par un soupir. Cette créature devait être soit un peu dure de la feuille, soit un tant soi peu stupide pour ne pas comprendre ce que la vampire lui avait dit précédemment. Pourtant elle se souvenait bien lui avoir dit qu'elle ne se nourrissait que de ceux qui ne manqueraient à personne. Les enfants manquaient à leurs parents, les hommes manquaient à leurs femmes et enfants et vice versa. Elle interpréta donc la question comme rhétorique, surtout avec la remarque qui suivit ou la créature avouait qu'elle ferait exactement la même chose qu'elle reprochait quelques seconde plus tôt à la vampire.

"Alors tu ne vaudrai pas mieux que celle que tu imagines que je suis, car un enfant pourrait venir te déranger sans le vouloir, et tu l'égorgerai sans raisons apparente alors qu'ils sont inoffensifs." Elle se recroquevilla un peu plus. "Quand j'étais humaine, je n'étais qu'un morceau de viande pour les autres humains. Le vampire qui m'a libérée de leur emprise aurait pu tout aussi bien me tuer, mais il ne l'a pas fait. Il m'a donné une seconde chance de vivre ma vie comme je l'entends avec la force de me défendre contre les humains et je ne compte pas la gaspiller."

Elle bascula sa tête en arrière pour la poser contre cette roche froide et humide du fond de ce trou qui était son refuge, fixant le plafond comme s'il s'agissait du dernier ciel qu'elle pourrait voir.

"J'ai faillit trouver cette vie dont je rêvais, un jeune humain qui devait a peu près avoir mon age quand j'étais encore humaine. Quant à moi, ca faisait une vingtaine d'année que je venais de renaitre, j'étais encore très jeune, j'avais besoin de chasser souvent. J'ai été idiote de penser qu'il pouvait m'aimer malgré tout... " sa voix avait pris une teinte triste, comme si se remémorer le souvenir après tant d'années était encore douloureux. "Une nuit il m'a suivit alors que je partais discrètement chasser quelque chose, j'ai tenté de lui expliquer, de lui dire que jamais je ne lui ferai de mal, que...

Le sanglot qui vint couper la phrase et étouffer les derniers mots emmena avec lui son lot d'odeur. Si la dragonne avait un odorat assez développé, elle pouvait sentir cette odeur qui était liée au sang maudit des vampires, comme si sa prisonnière pleurait ce même sang qui coulait dans ses veines et qui était la seule chose qu'elle pouvait pleurer. La créature pouvait s'estimer chanceuse, rares étaient ceux à avoir vu des vampires faire ainsi car il était très dur pour eux de le faire même quand ils en avaient toutes les raisons possibles et inimaginables, alors de là à imaginer qu'il s'agissait de larmes de comédies ! Non, elles ne pouvaient être que vraies ! Certains humains pouvaient mettre des années à se remettre d'une déception amoureuse alors que leur vie était très courte, alors pourquoi ca ne mettrait-il pas plus de temps pour un vampire qui avait l'éternité devant lui ?

"Je n'ai pas eut la force de le faire taire et de l'arrêter alors qu'il rameutait toute la garde du village avec un regard plein de peur et de haine, alors que j'avais passé des semaines, des mois avec lui, à le soigner quand il était blessé ou malade, à le regarder dormir. A... Alors j'ai fuis, que pouvais-je faire d'autre ? Ils voulaient me faire bruler vive en plein soleil..." Elle enfouit sa tête dans ses bras. "J'ai été stupide de croire à ses mots d'amour, de croire qu'il m'accepterait, qu'importe ce que j'étais, qu'importe que je ne pourrai jamais être mère.

Elle essuya machinalement sa joue, pour en constater le sang qu'elle avait malencontreusement laissé échapper de son corps, son sang noir visqueux si précieux à son corps qu'elle avait perdu sous le coup de l'émotion. Elle soupira.

"Mais peut-être que tu as raison, peut-être que si j'étais l'être sanguinaire que tu veux que je sois, que les humains veulent que je sois, alors les choses seraient plus simples. Au moins vous auriez une bonne raison de me haïr et j'arrêterai d'avoir en permanence faim alors que les humains ne prennent même pas le temps d'avoir ce genre de considération pour leurs animaux qu'ils tuent et dépècent pour s'en repaitre.

Ce qu'elle voulait lui faire comprendre ? C'était qu'elle ne voulait pas vivre de sang et de vengeance, qu'elle vivait dans l'espoir fou et stupide d'être acceptée un jour pour ce qu'elle était dans une communauté humaine. Après tout, les communautés qui étaient persécutées par d'autres pouvaient très bien l'accepter, un vampire était fort et pourrait les protéger en échange du sang de leurs ennemis faits prisonniers et de leurs criminels condamnés à mort. Il y avait des centaines de méthodes pour cohabiter et elle voulait donner une chance à cette cohabitation.

Si cette créature la croirait ? Ce serait étonnant vu les préjugés qu'elle avait sur les vampires. Et pourtant ces mots sonnaient comme pure vérité, comme si en les prononçant la vampire voulait se persuader que c'était possible de passer outre toute cette haine, de combattre sa nature sanguinaire pour avoir la normalité qu'elle n'avait jamais eut.

Ainsi donc elle la laissait partir ? Non, cela ne pouvait être vrai, après tout pourquoi le ferait-elle ? Même si elle faisait semblant d'être émue par la petite histoire de celle qui était prostrée au fond de son trou, pourquoi la vampire accorderait sa confiance à cette créature ? Certains prédateurs nocturnes faisaient ça avec les proies, leur promettant monts, merveilles et liberté s'ils sortaient de leur abris mais les égorgeant tout de même à la sortie.
Alors à quoi bon prendre le risque d'accepter la proposition et de croire stupidement à la promesse de cette créature qui la tuerait simplement pour le plaisir ? La vampire lui accorda à peine un regard accompagné d'un soupir, restant dans son rôle de la victime prostrée et prisonnière du vilain méchant dragon.

"Rien ne me garantit que tu tiendra ta promesse." dit-elle simplement.

L'histoire avait été convaincante, c'est vrai, mais ce n'était certainement pas une raison pour que l'attitude de la créature change du tout au tout. Alors il suffisait qu'elle attende que la créature s'en aille, pour lui permettre de s'échapper avec l'avantage de l'obscurité et de la magie. Si elle tenait sa promesse, alors elle le ferait une fois qu'elle aurait décidé qu'elle en avait assez de jouer avec cette proie qui ne voulait pas se laisser tuer.

"Surtout que tu viens de m'affirmer que tu ne chassais pas par nécessité. Alors qu'est-ce que tu es si tu n'es pas un prédateur ?"

Oui, les prédateurs chassaient pour se nourrir, pas pour le plaisir. les hommes chassaient également pour le plaisir, tuant leurs congénères ou des animaux pour des motifs aussi pitoyables que l’ennui. Les vampires eux, ne gaspillaient jamais le résultat de leur chasse. Certains tuant certes plus que d'autres mais dévorant ou changeant systématiquement leurs proies en fonction de ce qu'ils cherchaient à obtenir.

"Tu veux que je te parle de moi, mais tu ne me dis rien de ce que tu es, de ce que tu recherches dans cette vie qui est la tienne."

Oui, elle savait "tout" d'elle, mais la réciproque n'était pas valable, elle l'avait chassée, quasiment séquestrée et noyée de question la forçant à se remémorer des souvenirs douloureux sans aucune contrepartie pour sa curiosité malsaine. Oui sans contrepartie parce que la vampire ne la croyait pas quand elle lui disait qu'elle ne la tuerait pas.

Il restait maintenant à savoir ce que le dragon allait inventer pour amadouer la créature de la nuit, qui s'essuyait avec insistance les larmes de sang qui venaient souiller son visage de jeune femme qui serait éternel. Comme si elle cherchait à se débarrasser de l'odeur qui la gênait également, utilisant l'humidité des mousses poussant au fond de son trou pour s'en débarrasser en lui donnant maintenant une odeur terreuse qui la ferait disparaitre et se fondre dans le décors pour les odorats les moins sensibles ou peu attentifs à ce qui les entouraient.
Enfin... Le fait de se nettoyer n'était que l'excuse pour se camoufler, car elle avait maintenant récupéré assez de forces pour attendre le moment opportun, elle avait gagné suffisamment de temps pour digérer le sang de sa proie et que celui-ci vienne gorger son corps de cette énergie vitale qui lui était indispensable.

Dès la moindre ouverture, elle fuirait discrètement, quoi que la créature à écaille lui propose.

La créature venait de faire l'erreur qu'il fallait, c'est à dire révéler à quel humain elle appartenait et ou cet humain vivait car il n'y avait pas besoin d'être devin pour comprendre que la dite créature qui disait vivre au palais et nourrie par un certain "Kor" n'était d'autre que la dragonne d'un des membres de la famille Kohan et que s'ils gardaient la créature bien en sécurité c'était qu'elle était certainement trop faible pour se protéger toute seule, ce qui pouvait laisser à la vampire une chance de s'en sortir si elle tentait de fuir. Bien entendu cette information allait de pair avec le fait que certainement la créature volante était sortie sans aucune permission, et donc que personne ne la savait ici en sa compagnie, réduisant ainsi le risque que la garde ne se ramène fissa pour s'assurer de la sécurité de la créature et qu'en prime elle ne lui tombe dessus.

La créature lui décrit également sa vie oh-combien difficile dans un palais ou la nourriture arrivait à profusion et ou personne n'osait la contredire ni même essayer de la violenter. De son vivant certainement que Veren aurait largement préféré cette situation à celle qu'elle avait vécu, tout du moins pour les maigres souvenirs qu'elle en avait conservé. Donc elle pouvait difficilement comprendre la vie de la vampire ou des autres personnes qu'ils soient humains ou vampires qui vivaient en dehors de ce cercle restreints de privilégiés.

Enfin, même si aujourd'hui elle était un des multiples outils des vampires, créé pour espionner les humains, elle gardait sa liberté et son indépendance d'agir tant que ça correspondait à ses intérêts, tout comme le fait de tuer ce qu'elle voulait pour se nourrir sans le moindre remord et ainsi ne plus dépendre de l'argent humain.
Néanmoins la créature finit par reprendre ses questions, cette fois avec une qui laissa tout d'abord la vampire sans voix.

"Tu es un prédateur oisif qui chasse pour le plaisir, et non pas pour te nourrir. Et ensuite tu affirmes que tuer pour se nourrir pour les vampires est mal." Elle avait quasiment parlé sur un ton de reproche. "Je ne peux me nourrir que d'humains ou d'elfes, le reste c'est un peu comme si je te faisais manger un morceau de bois mort."

La comparaison était au final assez drôle, car elle imaginait bien la grosse créature avec un morceau de bois coincé dans la gueule à essayer désespérément de le mâchouiller pour en ressortir quoi que ce soit de nutritif. Au moins, ça l'occuperait un moment !

"Le sang est l'appel le plus fort que peut vivre un vampire, quelle que soit sa volonté c'est comme si tu laissais un être humain mourir de faim. Ce dernier n'hésiterait pas à se nourrir de ses congénères pour ne plus être affamé. Mais j'imagine que tu n'as jamais vu ni vécu ce genre de choses."

C'était sûr qu'à vivre dans un palais en étant dorlotée et en ayant de la viande à tous les repas n'apprenait pas réellement la dureté de la vie et de gagner sa croute convenablement. Tandis que pour un humain n'ayant que peu de moyens, les repas étaient généralement du pain et un peu de bouillon pour espérer survivre.

"Et tu ferai quoi avec ton remède ? Tu me ferai redevenir humaine pour de nouveau me jeter en pâture à ces hommes qui ne penseraient qu'à satisfaire leurs besoins primaires sur moi ?"

Beaucoup de vampires préfèreraient mourir que de redevenir les faibles humains qu'ils étaient, de redevenir une simple proie dans une masse de la population mortelle et de retourner à l'esclavage de cette vie ou l'argent prédomine. Surtout que le sort de certains ne seraient guère enviables et beaucoup plus cruel qu'ils ne le sont avec leurs propres victimes.

La créature à écaille ne semblait rien connaitre sur les vampires, ou tout du moins que ce que l'on racontait aux plus jeunes pour les effrayer... Elle ne connaissait rien de la transformation, que les nouveaux nés n'avaient plus aucun souvenirs de leur vie passée et qu'il fallait des dizaines voire des centaines d'années à certains pour se souvenir ne serait-ce que du visage de leur mère humaine biologique ne gardant au final que le savoir indirect inscrit au fin fond de leur esprit et sur leur corps. Elle observait cette créature avec curiosité, comment ce genre de bêtes immense pouvait être aussi innocente ?! Certainement n'avait-elle jamais osé poser ces questions et maintenant qu'elle avait un des intéressé sous les yeux elle en profitait !

"Si l'on a perdu quelque chose, on ne s'en aperçoit que bien trop tard. Les humains sont bien trop éphémères et ont le temps de mourir de vieillesse plusieurs fois avant que le nouveau né ne prenne conscience de leur existence. L'appel du sang en aveugle beaucoup.

La seconde idée que proposa la créature était le point de vue politique de certains dirigeants vampiriques. Coopérer avec les humains pour avoir une source de nourriture durable, réguler les populations humaines en éradiquant par la même occasion les maladies causant des épidémies, tuer les criminels, les vieillards ou les handicapés n'apportant rien à race humaine pour ne garder que les individus apte à la race humaine de se reproduire dans les meilleures conditions. Un peu comme un élevage de chevaux de races ou les éleveurs ne gardent que le meilleurs.

"Un humain mordu changera systématiquement s'il n'est pas tué. Donc mis à part les suicidaires ou ceux qui désirent devenir des vampires il n'y aura pas de volontaires. Des vampires ont des solutions durables pour apporter la paix entre nos peuples, mais ces solutions ne conviendraient pas aux humains même si celà apporterait certainement la paix même aux conflits qui déchirent les hommes et permettrait de réguler les populations des deux camps." Elle soupira. ""Mais tes humains considèrent ceci comme de l'élevage et refuseraient d'obéir aux règles vampiriques alors qu'ils font pareil à leurs bêtes "pour leur bien" ce qu'ils semblent également faire avec toi vu que même pour ta nourriture du dépends de leur bon vouloir.

En gros faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais. Les humains étaient tous ainsi contrairement aux vampires qui avant de favoriser leurs sentiments réfléchissaient de manière logique pour la solution la plus profitable, qui dans le sens d'une coopération, serait un compromis avantageux pour les deux partis.

"Je ne préfère pas m'occuper de ce genre d'histoires, c'est trop dangereux. Je veux juste vivre ma vie comme je l'entends sans dépendre des ordres ou de l'influence de quelqu'un d'autre."

Avec un peu de chance elle distillerait dans l'esprit de la créature des envies d’indépendance et lui ferait quitter l'empire humain pour gagner sa liberté. C'était dans cette situation une petite graine similaire à celle de la discorde qui passerait toute seule !

Le message était passé. Enfin... A peu près passé et la créature en avait capté le sens et bien entendu le suivait sans aucune hésitation, s'imaginant certainement un monde de paix avec les tensions qui n'existaient plus. Plus de personnes pour abuser d'autres, plus de guerres stupides pour des histoires de territoires ou d'argent et enfin un monde ou peu importe votre origine vous pourriez vous promener sans avoir à craindre de vous trouver avec une foule armée de torche à votre derrière qui chercherait à vous faire bruler vive sans aucune autre forme de procès. Elle laissa donc la dragonne dans ses pensées utopiques et son monologue. Après tout il ne valait mieux ne pas la contredire et la laisser croire ce qu'elle voulait ! Si elle était réellement liée à quelqu'un au palais et un Kohan qui plus est ses bonnes idées de négociation et de paix contrôlée par les vampires tomberaient dans certaines bonnes oreilles manipulables par les bons soins des bonnes personnes qui feraient évoluer les choses dans le sens des vampires.

"Les humains ne tomberont jamais d'accord avec les Vampires, ils ne sont même pas d'accord entre eux et sont capables de déclencher une guerre rien que parce que l'un a manqué au protocole par rapport à l'autre.

C'est vrai qu'au moins avec les vampires c'était beaucoup plus simple ! La loi du plus fort prédominait et si l'on voulait prendre le "trône" de Lorenz Wintel il suffisait de le défier dans un combat à mort et d'espérer y survivre, puisque bien entendu, d'autres en profiteraient pour vous défier ensuite du fait que vous soyez en mauvais état après un tel combat violent et sanglant. Enfin, maintenant elle était bien loin des galeries et bien qu'elle garde son allégeance elle était bien loin de ces règles brutales et violentes, tout du moins elle avait l'avantage de pouvoir les utiliser sur les humains en étant sûre de réussir !

"Et je suis persuadée que quoi que l'on puisse dire, quoi que nous fassions nous serons toujours des monstres pour eux peu importe nos efforts ou nos sacrifices."

Il était clair dans l'intonation que le "On" parlait des vampires comme elle qui essayaient de vivre parmi les humains sans leur faire de mal ou tout du moins en ne s'attaquant qu'à la lie de la société humaine. Ou comment retourner quelque peu la situation en mettant l'injustice du côté des hommes alors qu'ils étaient habitués à faire penser l'inverse ! La graine du doute avait été plantée, mais peut-être également celle de la tolérance qui pourrait sauver sa vie ou celle d'un de ses congénères bien plus tard, si tenté que la créature ne se souvienne de cette conversation un jour.

La dragonne restait assez innocente de croire que les têtes couronnées de l'empire accepteraient un jour la présence de Vampires à leurs côtés, que ce soit en tant qu'alliés ou en tant que maitres, car oui, c'était bien la vision qu'avaient les vampires d'une coopération avec les humains ce qui permettrait de vraiment gérer les populations que ce soit au niveau des guerres, des maladies ou même des criminels. Et bien entendu des personnes ne répondants pas à ces critères seraient également utilisées comme nourriture. C'est sur que cette situation irait plaire aux vampires, mais pas aux humains... Enfin, ça la dragonne avait certainement bien du mal à imaginer ce que cela signifiait clairement pour penser que ce soit certainement une bonne idée.

Néanmoins elle essayait de remettre en place tout ceci en rapport avec son expérience, elle était une créature monstrueuse pour beaucoup et ce n'était pas bien difficile de deviner pourquoi ! Ainsi donc elle était la mieux placer pour s'imaginer ce que cela faisait d'être traitée telle quelle malgré son statut qui lui conférait une certaine protection. Dans tous les cas le message était passé, certainement que ça fonctionnerait, ou certainement pas... Si la créature était jeune alors elle se rendrait vite compte en grandissant de la portée réelle de ce qu'avait pu dire la vampire.

"Il faut laisser aux années le temps de faire leur office."

Oui, car seul le temps pouvait apaiser les tensions, mais le temps changeait rarement la la peur de la proie pour le prédateur. Doucement, la vampire mit en avant les mains devant elle, les paumes en avant observant avec attention ces dernières. Une sorte de brume épaisse pris naissance autour de l'endroit ou elle était, sortant doucement de ce petit trou ou elle s'était réfugiée et cerclant presque la dragonne qui pouvait néanmoins toujours voir ces pattes. Certainement que la créature serait surprise de voir ainsi une brume se lever et la vampire profiterait de cet instant pour prendre la poudre d'escampette sans même se retourner.

Elle avait au final gagné assez de temps pour reprendre des forces et survivre à cette rencontre pour le moins mouvementée.