Son regard balaya une fois de plus les tracés d’encre sur la feuille, critique. Le style était grossier, indélicat et chaotique. Cela provenait d’une main encore novice, qui n’avait appris que récemment à tracer cette langue bancale qu’était le commun. Un fin tic désapprobateur sembla un instant briser l’harmonie de ses traits magnifiques avant qu’il ne balaye la contrariété de ce manquement pour se replonger dans le contenu lui-même. L’éducation n’était pas l’apanage des soldats, il ne fallait guère s’attendre à davantage de leur part, et au rayon des priorités, il s’attachait davantage, en toute logique, à ce qu’on lui contait de cette écriture que n’aurait pas renié un porc. Il réfléchissait, un trait lui barrant le front, soucieux et il sentit son garde le plus proche bouger légèrement. Un geste infime, mais qui marquait bien davantage que le besoin de se détendre les muscles hors de ce carcan stricte qu’il imposait à l’unité composée par ses soins et qui lui servait de relais avec le reste des troupes sous son commandement. Evidemment. Ce n’était jamais bon signe de le voir manifester en quelques instants son dégoût puis son soucis. Non qu’il fut individu à se servir de ses hommes comme catharsis, mais ce qui pouvait lui donnait soucis voulait immanquablement dire des ennuis d’un genre quelconque en prévision.

Un temps supplémentaire lui fut nécessaire pour qu’il fasse raison de tout cela. C’était plus complexe qu’il n’avait d’abord imaginé, perçu. Peut-être devrait-il se déplacer lui-même en fin de compte. Rien ne valait, après tout, un visu personnel de la situation, sans intermédiaire. Un voyage dans l’est en prévision donc. Fort bien, pourquoi pas. Il n’en avait prévu aucun mais cela ne devrait guère poser de problèmes, il pouvait rejoindre la ligne de front en deux jours à peine grâce à Yödr et revenir en deux jours si le besoin s’en faisait sentir. Qui était actuellement chargé de la ligne Est d’ailleurs ? L’information lui échappait à l’heure actuelle, il lui faudrait la rafraichir à sa mémoire fortement sollicitée ces derniers temps. Non que ce fut les combats et les campagnes qui lui valaient pareille sollicitation. C’était bien davantage son travail personnel, celui sur ses anciens souvenirs elfiques. Des souvenirs qui, en ce moment, le taraudaient sans relâche. Il fallait mettre un terme à cette gêne et le plus tôt serait le mieux. Officier avec autre chose que le but final en tête était risqué. Et commettre une erreur parce qu’il était trop occupé à penser à autre chose lui serait aussi intolérable que la probable sentence. Il n’aimait pas les erreurs. D’ailleurs il n’aimait pas les échecs non plus.

A nouveau, un mouvement, tandis qu’il poursuivait le déchiffrage (il se refusait à parler de lecture pour un tel brouillon) de son document. Cette fois, il leva les yeux, les prunelles de jais tombant sur l’émetteur du geste. Theryn*. Et bien ? Quoi ? Il n’avait rien fait cette fois pourtant. La réponse ne tarda pas, avec un léger coup frappé à la porte. Un seul. Un son net, clair et bien dosé. Comme il les aimait. Un son parfait dans son exécution. Celeb*. Il reconnaissait sa poigne, sa façon de faire, le soin qu’il mettait à respecter ses préférences. Ah oui… il devait être l’heure. Plongé tel qu’il l’avait été dans ses tracas, il en avait oublié l’échéance. Regrettable manquement de sa part. D’une main, il recula la feuille couverte d’encre jusqu’au bord du couvre bois en cuir, à un centimètre du bord très précisément, et de la plus perpendiculaire des façons au bord vertical, de sorte que la feuille et le couvre bois forme un ensemble harmonieux et net. Ensuite, il recula posément sa chaise et se leva tout en donnant enfin l’autorisation à son subordonné d’entrer dans la pièce. La porte s’ouvrit, en grand, sans pour autant que la poigne intérieure ne touche le mur, chose qu’il n’aurait pas apprécié.

Celeb se plaça à côté de la porte, silencieux, laissant à son invité la place d’entrer dans l’espace sévère du bureau du général. De jais, les orbes sombres se parèrent d’un fin lustre d’aniline. Oui, voilà qui était parfait. « Saemon » appela-t-il « Merci d’être venu » Et il lui tendit franchement la main, l’invitant à la serrer. Les remerciements étaient sincères. Il n’appréciait pas la race humaine en générale, bien qu’il ne la dépréciait pas non plus, mais celui-là avait une place spéciale à ses yeux. Sans doute en raison de sa présence dès son éveil. A peine quelques heures après sa renaissance. Il avait titillé sa curiosité dès le départ par ses insinuations au sujet de sa vie passée. Et depuis, ils avaient eu l’occasion à plusieurs reprises de converser autant que de travailler de concert. Le chasseur de tête était une force sur laquelle on pouvait compter après tout. Et une fois encore, il allait sans doute avoir besoin de ses capacités. Depuis la fixation du front à l’est, il avait plus de travail que lui. « Dis-moi… t'ai tu jamais posé la question de ce qu’il advenait à Morneflamme ? »

* Theryn : Aigle en elfique
* Celeb : Argent en elfique

@Saemon Methus

Certains l’auraient sans doute dit vision de cauchemars avec son faciès ravagé, dévasté par les flammes. Mais ça ne l’avait jamais mis mal à l’aise. Il ne recherchait pas l’attrait physique chez l’humain. D’ailleurs il ne cherchait l’attrait physique chez personne. Quand bien même il était capable d’apprécier l’esthétique et les façons de l’apparence, il ne parvenait pas à s’y attacher et ce n’était pourtant pas faute d’essayer avec constance. Il n’était pas capable de s’asseoir et d’observer simplement quelque chose de ‘beau’ sans que son esprit ne s’attarde sur certaines choses… sur des détails qu’il analysait, ou simplement sur une critique, somme toute constructive, mais souvent malvenue et indésirable. La beauté n’était qu’une façon de convoyer quelque chose, comme tant d’autres façons. Et ce qu’il nommait beauté différait parfois complètement de la définition que les autres pouvaient en avoir. Pour autant, et dans l’absolue, aucune beauté ne l’attirait. Rien ne parvenait à le toucher. Il manquait quelque chose à tout cela. Quelque chose de fondamental. Quoi ? Il ne le savait pas exactement. Il savait simplement qu’il ressentait ce cruel manque. Froid et lointain, il ne se sentait pas concerné par toutes ces futiles questions. Ce qu’il appréciait chez l’humain était ailleurs. Et pas moins important.

Le regard qu’il portait sur lui, son humain, en quelque sorte, étant paisible et rompait quelque peu la monotonie de son professionnalisme pour afficher d’infimes aveux de la complicité qui s’était peu à peu nouée entre lui et le chasseur de têtes. Il l’entendit serrer les dents, un son infime en temps normal, mais ses oreilles étaient naturellement sensibles, aussi ne manqua-t-il pas d’entendre ce très léger crissement de l’ivoire dentaire qui signifiait tout l’inconfort que la dénomination provoquait chez son invité. Car oui, il le considérait comme un invité. Lui trouver un autre patronyme ne lui agréait pas tout à fait. Vampire, il s’accrochait à ses marques et il avait connu l’humain sous le nom de Saemon, aussi était-il Saemon pour lui. Mais certes, un autre surnom, peut-être… Une façon de couper la poire en deux. Diantre, il n’était guère imaginatif avec cela, il doutait de trouver une quelconque appellation qui agréa à ce qu’il était. Mais il tâcherait. En attendant ils avaient à discuter, tous les deux. S’il tenait à ce que ce soit lui, c’était que Saemon n’était pas seulement compétent… il était également honnête. Et l’honnêteté était une qualité qu’il prisait énormément. Elle lui était presque vitale, et pourtant si rare en ce nid de vipères.

Oui terriblement rare. Ils étaient peu nombreux, ceux qui prenaient encore le risque de jouer de franchise et de vérité. Lui qui était sensible aux mensonges n’était pas bien loti, hélas, aussi la présence de l’humain était-elle une bouffée d’air presque aussi bienvenue que le contact de son frère. L’intérêt qui vibra soudain dans la voix de son vis-à-vis lui arracha l’ombre d’un sourire. Ça… il comprenait. Quoi que le chasseur ait encore à faire, là où lui… et bien, il s’ennuyait décidément. On avait à peine besoin de lui en ce moment. Le front de l’Est piétinait, d’autres officiers avaient été envoyés là-bas, des officiers sur lesquels on pouvait se passer les nerfs sans soucis. Mais quelle que soit la raison, l’excuse, la situation restait la même. Il était coincé comme un rat à Gloria et aurait préféré se trouver ailleurs, avec quelque chose de constructif à faire qui ne nécessita pas de souffrir l’écriture infecte de quelque bas lieutenant. Mais sans doute tenait-il enfin l’occasion de briser la monotonie du quotidien. « Non, pas un incident. Pas encore, peut-être » Cela se pourrait-il seulement ? D’après ce qu’il savait de Morneflamme, la prison ne laissait pas place au moindre incident.

C’était un lieu de déliquescence, de lente agonie pour les prisonniers, qui perdaient peu à peu toute conscience et toute dignité pour n’être plus que des bêtes aux abois, tentant de survivre. Plus de valeurs, plus de douceur, plus de confort ou de paix. Morneflamme était faite pour broyer et avilir avant l’inévitable mort. Et personne ne pouvait en sortir. « Ce qui pourrait t’intéresser se trouve à l’extérieur de la prison, et pourtant, intimement lié à elle » Un instant, son regard, à nouveau soucieux, s’égara sur ses correspondances avec les postes mobiles dispersés de par l’empire. Oui, cela l’intéresserait. « Des éclaireurs protégés ont été aperçu, au nord, reconnaissant le terrain pouvant mener vers la prison. A l’Est également. Ils sont plus audacieux, sans nul doute galvanisés par les troupes qui les rejoigne… » Il se déplaça dans la pièce, vint lentement fermer la porte. « J’ai une affaire qui doit me conduire à Morneflamme. J’en profiterais pour reconnaître le terrain et traquer ces éclaireurs, en capturer un serait sans doute intéressant. Cependant je ne suis pas traqueur. Toi si, ton expertise me serait extrêmement utile… » Long regard en coin « d’autant que… tu pourrais en profiter, pour rencontrer une de tes connaissances, voir plus d’une »

Il n’avait peut-être pas tort. Un homme seul ne défiait pas la théocratie. Pourtant… un homme seul pouvait la faire tomber, en enclenchant le mécanisme, comme autant de petits dés de bois tombant les uns après les autres… Un seul homme pouvait faire la différence entre victoire et défaite, surtout lorsqu’il était appuyé par les bonnes personnes. Ou les bons esprits, sans doute, en ce cas précis. Il craignait davantage le nombre, effectivement, du moins était-ce le cas à l’instant présent. Il n’excluait cependant pas la possibilité inverse, quoi qu’elle paraisse invraisemblable. « Oui » convint-il donc. « Quoi que je n’exclue pas le choix d’une frappe de la part des Esprits, basée sur un seul individu, le nombre me paraît pour l’instant l’hypothèse la plus probable… » Il s’interrompit. Oui, des raids en nombre n’étaient pas illogiques. Le protectorat devait manquer de ressources. Cela lui donnait des idées. Il faudrait qu’il s’occupe de tout cela en rentrant, après s’être assuré, avec le chasseur, de ce qui se trouvait vraiment là, en face d’eux. L’expertise du Corbeau lui servirait énormément.

« Nous partons à la quatrième heure après le Zenith » Il aurait voulu que ce fût avant mais… mais il avait quelques obligations de dernières minutes à régler. Dans le cas contraire, ils seraient partis immédiatement. Tant pis. Il ferait avec. Ils feraient avec. La suite pourtant, lui arracha l’ombre d’un sourire. Il était l’exemple de ses amis ? Hm. C’était… et bien il devait l’avouer, il appréciait la marque de qualité qu’on lui offrait. Oui ils étaient amis c’était vrai… et son instinct de vampire, allié à son totem, vivait excessivement mal qu’un autre put prétendre à ce titre, bien qu’il s’efforça, par égard pour Saemon, de n’ne rien dire ni montrer. Il avait depuis longtemps été contraint de juguler et contrôler cette facette de sa personnalité afin de ne pas agir stupidement et manquer faire tuer son frère ou ses alliés. Néanmoins c’était toujours présent, enfoui en lui, grondant sous la surface de calme parfait. Un grondement qui, en l’instant, se calma en un très léger ronronnement de satisfaction au baume de vérité qu’on lui passait.

Avait-il su ? Peut-être bien. Cela ne le dérangeait guère si c’était le cas. Il pouvait avoir confiance en lui. Et néanmoins… « Dâe*… » fit-il de cette voix calme qui, toujours, le caractérisait « Je sais mieux que quiconque que des liens pareils ne se rompent pas si facilement. Je te crois, mais pense-y simplement » Après une légère réflexion, il décréta que le surnom lui plaisait. Dâe… ça lui allait bien. Oui ça lui allait très bien. Ombre, mais dans une meilleure langue. Comme il n’était pas un simple humain désormais, il n’y avait pas de raison qu’on l’affuble d’un surnom aussi humain, dans cette morne langue humaine si aisément maniée. Oui décidément, Saemon méritait mieux que cela. Il évoluait dans un autre milieu que celui des humains, le voir à ses côtés en était la preuve. Lui qui avait caressé l’idée d’un surnom, voilà qui était aussi simple qu’efficace. Satisfait de cette trouvaille, à laquelle il aurait pourtant dû penser bien avant, il poursuivit enfin dans le vif du sujet.

« J’ai quelques affaires à régler, des devoirs venus me mander avant mon départ, mais dès qu’ils seront accomplis nous partirons. Cependant, ne t’attend pas à chevaucher à mes côtés… j’ai fait mandé Verith pour nous accompagner. Lui, ainsi que ma garde » Il avait mis trois ans à constituer cette garde d’élite, ne faisant pas confiance à la garde princière de son frère. Il préférait s’assurer personnellement de chaque recrue. Ces soldats, à ses yeux, étaient les meilleurs. Une discipline de fer dictée par son immense patience, des compétences martiales et utilitaires diverses, la capacité à commander leurs propres troupes au besoin et, pour la majorité, des heures et des heures passées à subir sa voix de commandement dans toute son impériale puissance. La majorité oui, pas tous. Pas les deux guerriers présents en cet instant. « Va, prépare toi, et retrouve moi sur la muraille extérieure à la 4eme heure après le zénith »

*** A l’heure dite ***

Il observait les plaines de Sombreval, au-delà des bidonvilles et de la muraille, mains dans le dos et sans un mot. Ces bidonvilles… ils étaient sales, un concentré de maladies et de pauvreté, de désespoir plus poignant encore qu’à l’intérieur de Gloria. Il aurait fallu les purifier par le feu… effacer la souillure. Mais ils n’avaient pas totalement choisis leur état, et il ne pouvait les condamner entièrement en ayant cette connaissance. Restait cependant que ces bidonvilles auraient dû être davantage maîtrisés. Laisser aller la déliquescence sans rien y faire n’était pas une solution viable sur le long terme. C’était des foyers d’infection. Et quand le temps viendrait de crever l’abcès ? Les choses n’iraient pas bien…

Verith n’était pas encore arrivé, mais cela viendrait. Il n’avait pas l’intention de sortir de la ville elle-même, ils grimperaient en vol. Son unité d’intervention était déjà en route. Même avec les destriers des nuées, ils iraient moins vite que le dragon…. Avec un soupire, il tendit l’oreille et capta juste à temps les battements de cœur de Saemon qui s’approchait. Ponctuel. « Dâe… il ne va pas tarder… as-tu tout ce dont tu as besoin ? »

* Dâe : Ombre, en elfique

HRP : Si tu veux, on peut introduire Verith avant ou après ta rep, comme tu préfères ^^

Il examina attentivement le chasseur de têtes et laissa son regard critique errer sur son masque à la forme de bec. Il lui semblait incomplet. Il lui semblait que quelque chose devait être ajouté à cet ensemble, sans pourtant parvenir à affirmer ce dont il s’agissait avec exactitude. Sans doute serait-il utile d’approfondir un tel instinct, ce d’autant plus qu’il appréciait particulièrement cet humain-là. A ce titre donc, il se devait de ne pas ignorer ce qui pouvait servir à sa survie et à son efficacité. Il serait bien dommage qu’il soit détruit. « Je n’en doute nullement » Il était toujours prêt. Contraint de remettre à plus tard sa soudaine préoccupation à son égard, il se tourna néanmoins vers la bruyante masse écarlate qui les rejoignait, sourcillant à peine devant sa tentative d’intimidation. Parce qu’à ses yeux, ce n’était rien d’autre que cela, une tentative d’intimidation. Malavisée et tout sauf efficace, car à ses yeux, celui qui avait besoin d’un artifice aussi grossier manquait l’essence même nécessaire pour s’imposer sans une béquille.

Pour autant, il n’en fit pas la réflexion, n’en voyant nullement l’usage. Tout comme il ne vit pas l’usage de rappeler à la créature à écailles qu’il parlait au feu incarné. S’il désirait penser qu’il n’était pas fait pour la chaîne de volcans, cela ne regardait que lui. Et Saemon ? Oh, il veillerait sur son camarade humain. Celui-ci avait souffert la fournaise du centre du monde, il parviendrait fort bien à s’adapter à celle-ci pour peu qu’il prenne garde à lui, ce qui était l’évidence même. En revanche, il répondit effectivement à la question qu’on leur posait au sujet des prisonniers. « L’identité des prisonniers n’est nullement ton affaire, Verith, quand bien même ton armure porte le même sobriquet que cette prison. Je ne te savais pas dépourvu d’activités au point de t’immiscer dans les affaires d’autrui » D’autant que c’était d’une incorrection terrible. Craignait-il de froisser la créature sensée les conduire ?

Absolument pas. Il avait eu la délicatesse de faire appel au bon vouloir du dragon, mais il ne fallait pas oublier qu’il aurait tout à fait pu le faire contraindre par Vraorg à un tel service. Il était évident que la reconnaissance, à défaut de gratitude, n’était pas une notion dont l’incarnat était affin. Peu importait, ce n’était nullement pour le perturber. Verith pouvait bien refuser de voir la réalité en face, pour ce que ça valait, il n’en ferait pas moins ce qu’on lui demandait, et c’était à ses yeux tout ce qui pouvait bien compter. Pas plus affecté que cela, il se tourna de nouveau vers Saemon, son dâe. Il avait exprimé un détail qui avait bien davantage d’importance à ses yeux que les petites contrariétés du dragon rouge. Ainsi, il n’avait jamais volé… ça ne l’étonnait pas beaucoup en vérité, mais il était vrai que cela devait être adressé. Il ne voulait pas que Saemon se trouve incapacité par son expérience…

« Ne nourrit nulle peur. Du moins pas encore. Il est vrai que le royaume des cieux ne s’ouvre pas aisément aux bipèdes tels que nous, mais je te guiderais. Après tout, je fus dragonnier de mon vivant. Crois-moi, voler est une expérience merveilleuse et à nulle autre pareille. Pour peu que tu prennes les précautions nécessaire, tout ira très bien, et tu pourras profiter d’un vécu unique » Comme à chaque fois, l’humain le rendait plus loquace qu’il n’était usuellement, et il lui accorda l’un de ses rares sourires « J’ai personnellement toujours adoré voler. Les manœuvres aériennes lorsque l’on fait corps avec un dragon sont un rêve éveillé et procurent des sensations d’une grande intensité, plus grande que toute chevauchée » Yödr seule pouvait se comparer aux dragons, par sa vitesse, mais elle n’aurait pas acceptée de porter l’humain sans lui croquer un bout de quelque chose.

« Bientôt, tu seras vraiment un oiseau » lui assura-t-il. Puis, sans s’émouvoir, il tâcha de lui expliquer comment s’installer sur le dos d’un dragon et faire usage de l’armure de celui-ci pour se trouver une assise confortable qui ne soit pas totalement à même les écailles. Des écailles qui le mettraient à vif en un rien de temps s’il n’y prenait pas garde. Il lui expliqua également les principales manœuvres que pouvait effectuer un dragon et auquel il pourrait être confronté, et la façon dont il devrait adapter sa position pour ne pas en souffrir ou se faire arracher du dos de Verith. Pour finir, il lui indiqua également quelques éléments sur les changements de températures et de pression de l’air en altitude, qui pourraient le surprendre ou atteindre sa santé. Une fois que son récapitulatif fut achevé, il lui donna des renforts pour ses jambes, ainsi que des sangles nécessaire à l’attache pour aider à lutter contre la pression du vent.

« Mes soldats ne monteront pas avec nous. Chacun d’entre eux est lié à une cavale des nuées, aussi ils ne tarderont pas à nous rejoindre, leur course sera à peine plus lente que la nôtre » Une traînée au loin vint appuyer son affirmation puis il grimpa sur le créneau de pierre de la muraille « Vient, à présent, il est temps de partir »

Le dragon, il l’ignora royalement, n’ayant franchement que faire de ce qu’il pouvait bien dire à partir de là. Il n’avait pas été méprisant, s’étant contenté de remettre les choses à leurs justes places. Si cela lui déplaisait, c’était son affaire, pas la sienne, et il n’avait certainement pas l’intention de perdre son temps et son énergie avec le rouge. Son esprit, par ailleurs, bougea à peine, bien trop habitué à des chocs autrement plus cataclysmiques que celui-ci, simple mouvement d’humeur d’une créature en colère. Il se savait parfaitement en sécurité, n’ayant rien à craindre, aussi pourquoi renier à Verith son droit d’être en colère ? C’était son affaire, même s’il pourrait toujours rêver pour tirer la moindre information de son esprit. En revanche, il haussa un sourcil en l’entendant dire qu’il était un dragon libre. Ah oui, tient donc… et sa marque c’était quoi ? De la décoration ? Enfin si ça lui plaisait de penser ça, là encore ça ne le regardait pas vraiment. Peu concerné donc, il prêta plus d’attention à Saemon et hocha la tête. Son lien avec le rouge ne le concernait pas directement, et il ne se serait pas permit d’interférer avec, dans tous les cas, par respect pour le chasseur de têtes. Mais c’était satisfaisant que de savoir pouvoir le soutenir, en revanche.

Il n’eut pas le temps de lui répondre cependant qu’ils se trouvèrent prit dans la patte du rouge. Fronçant un instant les sourcils, le vampire n’émit pourtant pas une plainte. En fait d’inconfort, il se trouvait que les pattes étaient un bon endroit pour voyager, quand on savait se positionner. A nouveau, il transmit quelques consignes simples à Saemon pour améliorer son voyage, notamment la façon de se coincer sur les écailles pour être tranquille. La vue serait tout aussi agréable puisque les pattes n’étaient pas refermées, et les sensations promettaient d’être intéressantes et exaltantes. Quoi de mieux finalement qu’une découverte pour cette occasion ? Lui ne s’en plaignait pas en tout cas même si ce n’était pas l’idéal pour un premier vol. Enfin… au moins son humain ne pourrait guère voir pire, et n’irait donc que vers le mieux. Ils partirent donc enfin, et, immédiatement, il se retrouva sans trop comprendre comment avec des papillons dans l’estomac. Si peu de choses le touchaient, celle-ci le faisait profondément. S’il avait eut le moindre doute quant aux dires de Lorenz sur son amour du vol, ils étaient envolés, sans jeux de mots.

Il aimait tout, dans le vol. La sensation, les sensations même… le vent, l’espace, tout ce que cela symbolisait, la dangerosité… Oui il était bien là, réellement. Et cela lui faisait revenir, sinon des souvenirs, au moins des sensations et de vagues réminiscences. Très vagues. Mais suffisantes. Elles étaient, pour une fois, agréables. C’était encore une fois quelque chose qui n’avait pas de prix, comme pouvoir faire confiance à quelqu’un comme Saemon. Il ferma les yeux et se laissa porter par les vagues de son esprit… La route vers Morneflamme était longue même à dos de dragon.