La douleur battant dans ses tempes, contre ses côtes, Esmelda resta agenouiller au sol. Elle n'arriverait pas à se relever de toute façon, sinon pour cracher sa haine au visage de Vraorg. Mais ses forces la quittait et ne lui permettait pas cela. A moins que se soit la peur. La peur de la Mort. Pas pour elle. L'ancienne princesse n'avait plus peur de la mort depuis que son Esprit était venue lui parler. Elle avait vu dans ses yeux la confiance, la bonté, bien loin de la douleur et tristesse que ce mot apportait. Non, pas pour elle. Mais pour Kylian dont la voix tremblait de l'inquiétude qu'il avait à son égard, de Cynoë et de ses songes aussi tumultueux qu'un océan déchaîné. Mais surtout pour celui qui devait grandir en elle. Cet espoir autrefois attendu, aujourd'hui là au beau milieu de cette violence. Esmelda devait se tenir debout pour lui. Pour son lié qui lui envoyait une multitude d'ondes inquiètes. Le rassurer avant qu'il ne fasse quelque chose d’irréfléchi. Tout comme Kylian. Esmelda tourna la tête pour le regarder, mais son amant s'agenouilla devant celui qui lui avait enlever tous ses rêves et rendu aussi docile qu'un gentil soldat dévoué. Qu'importe ce qu'il avait caché. Cela prouvait aux yeux d'Esmelda que Kylian n'avait pas abandonné. Et à cette idée son cœur se rempli de joie. Fini les mois à le regarder en coin, en silence, dans un lourd reproche silencieux. Il avait résisté et cela valait bien quelques souffrances. Cynoë avait raison. Il avait besoin des dragonniers. Il s'arrêterait juste à temps pour ne pas les voir sans vie à leurs pieds.

Mais ce qui se passa ensuite lui prouva qu'ils pouvaient bien avoir tort tous les deux. Vraorg semblait plus nerveux, et se mit à parler d'autre chose. A qui parlait-il ainsi ? A Lorenz ? Mais il ne se cachait pas. Mais Esmelda n'eut pas à comprendre et chercher de qui le voleur de cœur parlait, car une ombre sombre lui fondit dessus et le reste ne fut que … rien. Plus rien. Plus de douleur, de questions, de craintes. Rien. Le noir total. Elle ne vit pas l'action désespérée de Lorenz, elle n'entendit pas le cri de douleur de Kylian et la fureur douloureuse de son lié. Rien. Elle était bien loin de toutes ces considérations. Morte, étendue sur le sol de pierre de la salle du trône.

Du moins c'est ce qu'elle était pour tout ceux qui restaient dans la salle. Car Esmelda se réveilla un court instant plus tard. Pour elle, la force de Vraorg et sa magie avaient un effet trop puissant pour elle et sa force fragile. Elle était juste évanouie. Et il y avait de quoi. Rien de plus. Elle se releva tout de même espérant vite revoir son aimé et son lié debout en espérant qu'ils n'aient rien fait de stupides. Mais ses yeux ne se rouvrirent pas sur la salle de trône mais une salle sombre et pourtant elle avait un aura autant paisible qu'inquiétante. La beauté des lieux n'aidait pourtant pas à comprendre ce qu'elle pouvait bien faire ici. Et où étaient les autres ?
Esmelda avança un peu avant de comprendre que la salle était composée de nombreux miroirs. Mais ils ne réfléchissaient que leur propre reflet. Et elle dans tout cela. La jeune femme se posta devant l'un d'eux et chercha à s'admirer. Mais rien. Esmelda leva sa main pour se toucher la joue. Mais cette dernière passa au travers de sa joue. L'ancienne princesse leva ses mains, paniquée, et elle vit que celles-ci semblaient comme une légère fumée transparente. Elle ne semblait plus réelle, comme une apparition ou un songe venu d'ailleurs. Mais où était-elle donc ? Était-ce réel ? Ne rêvait-elle pas ? Et son bébé? Vivait-il? Pleins de questions se mirent à traverser son esprit. Elle n'était donc pas morte si elle pouvait réfléchir. Ou bien les morts pouvaient-ils encore avoir une certaine logique et sens commun ? Après tout, Mort lui avait dit que son père était fier d'elle. C'est qu'il la voyait d'où il était et comprenait le monde. Le reverrait-elle ? Grégorist aussi ? Harvard et son oncle Darius ?

Telle une ombre, Esmelda avança, troublée, ne cessant de regarder les miroirs, dans l'espoir de ce voir dedans, avançant vers son destin dans un flou sans nom. Même si une question ne cessait de revenir : où était-elle ?
Au bout de combien de temps, Esmelda n'en n'avait aucune idée, le temps avançait-il de la même façon en ce lieu, elle vit au loin une lueur. Le chemin de la fin ? D'un pas aussi peu assurée que déterminée, la curiosité l'emportant, la dragonnière laissa filer la distance qui la séparait de la personne qui se tenait face à elle.

« -Mais vous êtes mort ! »

La phrase sortit toute seule et une fois qu'elle l'entendit, Esmelda la trouvât aussi stupide qu’indécente. On n'aimait généralement pas entendre ce genre d'évidence. Du moins, elle le pensa.
Le voyageur n'avait pas changé durant ses années de mort. Toujours le même. La même aura autour de lui, la même attitude. A ses côtés, une autre personne, qui lui ressemblait. Tout du moins, qui dégageait la même sensation, les mêmes traits irréels et d'une beauté qui n'avait rien de ce qu'elle avait connu, du moins à part Edwyn. Une tarenth ? Il y en avait une autre.

« -Où sommes-nous ? Je suis morte moi aussi ? Vous êtes là pour me guider vers l'après ? »

Esmelda se stoppa, même si elle avait encore un stock de questions à leur poser. Tout ce qu'elle espérait c'était ne pas voir Kylian ou bien Cynoë la rejoindre. Il y avait eu suffisamment de mort pour cette journée.

Le calme... Le repos. Enfin. Mais pas entièrement, pas tout à fait. En réalité il était encore dans l'attente, une attente tranquille et totalement assumée qu'il avait même demandé lui-même. Il n'aurait pas cru qu'on lui accorderait, pas du tout même, mais Mort avait toujours été différent de ses frères. C'était un Esprit tourné vers les vivants, aussi contradictoire que ce soit, un Esprit ouvert et toujours désireux de bien faire. Après avoir longuement pesé le pour et le contre suite à sa demande, il lui avait accordé le droit de patienter. Et pas seule... Elewyn était là elle aussi.

Deux âmes Tarenths en attente donc, voilà ce qu'ils étaient. Ils savaient que quelque chose allait se passer et ils voulaient le voir, mais ce n'était pas le plus important. Non ce qui avait poussé Edwyn à attendre c'était autre chose, quelque chose de bien plus fort... Et Elewyn était restée pour ne pas qu'il soit seul. Il lui en était gré d'ailleurs même si il aurait très bien supporté la solitude. Après tout ils avaient été assez longtemps séparés pour apprécier ce moment d'éternité qu'ils passaient ensembles. Enfin reposés et libres de toute entrave ou de toute honte, ils étaient apaisés. Ce qui n'était pas tout à fait le cas de la nouvelle âme qui venait d'atterrir ici...

Mort passa comme un souffle, la déposant en ce lieu de transition avant de repartir vers d'autres obligations. Le doux battement des ailes de ses corbeaux chatouilla les oreilles des deux Tarenths lorsqu'il reparti mais ils se concentrèrent malgér tout bien vite sur la nouvelle venue. Immobiles et altiers dans leur trépas, ils se tenaient droits devant elle, l'argent de leur prunelle scintillant d'une lueur bien plus vive qu'auparavant et leurs traits parfaits s'affichant sans complexes à ses yeux, nul besoin de métamorphose ici... Aucune barrière n'était utile entre les âmes.

"Bienvenue Esmelda Kohan, princesses des Hommes, Marcheuse sous la Terre et Héraut de Mort. Que d'aventures tu as déjà vécues... Je suis heureux de te revoir."

Sa surprise lui tira un petit sourire amusé et il hocha la tête tandis qu'Elewyn laissait échapper un petit rire mélodieux.

"C'est exact. Vraorg m'a fait ce plaisir..."

Et quel plaisir ça avait été... Sentir qu'enfin tout se terminait, que son long périple était achevé et qu'il n'avait pas si mal fait les choses finalement ! En le tuant, le Voleur de Coeur s'était arraché un gros morceau d'âme, se mutilant lui-même et se privant d'un bouclier qui aurait pu lui être fort utile. Bien loin de se rendre service et de gêner le Tarenth, il avait plutôt fait exactement ce qu'Edwyn avait espéré... Quand à Elewyn, elle avait été délivrée sur sa propre demande et Edwyn demeurait reconnaissant à Achroma pour ce qu'il avait fait. Elle n'avait pas mérité de finir ainsi, marionnette du dragon de son père adoptif..

"Non Esmelda, ce n'est pas la vocation des âmes en attente que de guider les nouveaux trépassés... Mort s'en occupe très bien, mais il préfère leur laisser du temps pour réfléchir et se défaire de toutes les tensions de leur vie passée avant de leur permettre de continuer. Ce lieu sert à ça... Réfléchir, se calmer, grandir... Car une âme grandit à chaque nouveau cycle. Vois comme la tienne est pâle... Tu as encore beaucoup à apprendre."

C'était loin d'être un reproche, plutôt une constatation quasi paternelle. L'âme des deux Tarenths était éclatante, preuve qu'ils en avaient terminé avec les cycles de vie et qu'ils n'auraient pas besoin de se réincarner. Mais ils étaient bien plus âgés qu'Esmelda même en comptant toutes les vies qu'elle avait pu avoir... Chassant cette pensée, l'ancien Voyageur reprit :

"Il n'y aura pas forcément d'après pour toi, tu as le choix du moins. Regarde ton tatouage..."

Il brillait d'un feu magnifique et sembla devenir plus palpable lorsque la jeune femme s'y intéressa. Doucement, presque avec effort, les miroirs qui jusque là ne lui renvoyaient rien se mirent à lui montrer son reflet d'âme pâle et éthérée. Elewyn eut un sourire en voyant cela :

"A moitié ici, à moitié ailleurs... Mort t'a offert un droit de passage enfant. Avec ce tatouage, tu es libre de ne pas continuer ton chemin vers la résurrection et de plutôt revenir à la vie dans la même enveloppe mortelle. Rares ont été les élus qui ont porté cette marque... Il attend beaucoup de toi."

Son sourire s'effaça, presque triste tout à coup. Elle était bien placée pour savoir que les élus n'étaient pas toujours des gens à jalouser. Leur destin était souvent semé d'embuches, de dangers et de souffrances, mais ils devaient le suivre. Elle baissa la tête vers le ventre de la jeune femme qui semblait bien moins pâle que le reste et ses prunelles s'aggrandirent :

"Edwyn... Ce n'était pas prévu..."

Pas de réponse, le Voyageur avait remarqué cette bizarrerie et l'observait à présent avec beaucoup d'attention et de curiosité en attendant les réactions de la princesse. Finalement, il s'épanouit :

"Ma chère fille, j'ai abandonné depuis un moment l'idée que la moindre petite ligne d'avenir doit se dérouler selon un plan prévu..."

Il était étrange de paraître en ce monde. Les miroirs angoissant avaient laissé place à de l'indifférence, les retrouvailles quand à elles devenaient presque une discussion des plus normales, et la douleur d'avoir laissé derrière elle son amant et son lié sûrement à deux doigts de la rejoindre presque comme une autre vie. La douleur et les événements qui l'avaient amenés en ces lieux n'étaient plus pour le moment au centre de son raisonnement, même s'ils reviendraient plus tard. Non, c'était comme si c'était un autre jour, un autre instant, et il y avait tant à comprendre et à savoir que cela se bousculait dans l'esprit de la princesse. Et faire le tri était parfois un peu difficile.
Esmelda avait bien tant de questions à poser, de choses à comprendre et à assimiler mais la politesse et la sincérité ne devait pas lui faire défaut, même morte. Ce statut n'octroyait pas le droit de devenir une rustre sans aucun égard pour ceux qui avaient l'obligeance délicatesse de l'accueillir.

« -J'aimerai en dire autant et me satisfaire de cette rencontre. Mais je crains que son étrangeté me laisse perplexe quand à ce sentiment. J'espère que vous ne m'en voudrez pas. »

Mais le tarenth devait en avoir vu bien d'autre, et Esmelda ne devait pas avoir honte d'avoir encore mis les pieds dans le plat de lui rappeler sa mort, et au vu des circonstances pouvait aisément comprendre. Et puis, son rôle dans le retour du dragon blanc était toujours emprunt d'étrangeté et de mystère aux yeux de la jeune femme.
Mais là encore, elle ne prit le temps de lui demander, préférant des questions purement présentes. Le passé était derrière eux. De toute façon rien ne pourrait le changer.

« -Alors je dois attendre ici qu'elle devienne plus grande, plus calme ? L'attente sera longue alors, je ne dois pas être plus patiente et calme que lors de mes autres vies. Je pense tout comme vous, car vous êtes ici face à moi et non pas de l'autre côté de ce couloir. Pourquoi ?  Est-ce vous qui devez m'apprendre tout cela ?»

Apparemment non. Mort avait d'autres projets pour elle. Un honneur. Même si la princesse ne semblait pas d'accord avec lui pour le mériter. Elle avait échoué. Et pas qu'une fois. Lamentablement. Elle n'était pas assez forte pour cela. Même avec Cynoë a ses côtés. Pour preuve. Elle se trouvait dans le couloir de la Mort.

« -Mais pour l'heure, je n'ai pas beaucoup répondu à ses attentes ni à celle de son frère. Je n'ai ni su protéger la bague de Néant et encore moins réussi à stopper ce qui vous a mené ici. Je ne suis pas sûre d'être l'élue qui mérite autant d'effort de sa part. Même si mon envie coule dans mes veines. Il y a entre ce désir et la réalité bien souvent des imprévus.»

Comme mourir de la main de Vraorg au lieu de tenter de rejoindre les protégés et servir au plus près les Esprits, et l'espoir de retrouver un monde libre un jour.

« -Un plan ? Quel plan ? Hormis le plan astral, je ne vois en quoi un plan peut parvenir à se dérouler sans aucune anicroche. Puis l'avenir, nous n'avons pas à le prévoir, mais à le permettre. Ça permet bien moins de déception, du moins c'est ce que je pense. »

Et pour preuve, les rares plans qu'elle avait pu faire dans sa vie n'avait jamais réussi à fonctionner ne serait-ce qu'un peu. Sinon, elle serait dans son palais avec Korentin en empereur des Hommes, elle le soutenant et Kylian en émissaire de paix dans le monde. Et on était aussi loin de ce plan que pouvait l'être Vraorg de redonner le cœur de Néant en s'excusant.

« -Mais vous dîtes que je peux revenir en arrière, dans la salle du trône ? J'espère que le voleur de cœur n'y est plus sinon, je risque de revenir vous voir un peu plus vite que prévu. Enfin sauf si ça l'est... »

Mais dans ce cas là, il fallait le lui dire maintenant. Non, pas qu'elle se prépare mais qu'elle ne soit plus perdue dans ses idées et sensations. Il n'y avait rien de pire qu'un réveil où on ne savait pas où on se trouvait. Dans un lieu si irréel, à se savoir mort, mais pas vraiment. Ou si mais encore un peu en vie. Il y avait de quoi devenir fou et ne plus rien comprendre. Ce n'était ni noir ni blanc mais une nuance de gris qui ne cessait de changer. Pour preuve quand Edwyn lui parla de son tatouage qui devenait plus visible, plus présent. Tout comme elle devenant moins flou dans les miroirs qui l'entouraient. Revenait-elle déjà à la vie ?

Esmelda vit la tarenth poser un regard sur son ventre. Là aussi, la vie et la mort se jouait de tout bon entendement. Mais Esmelda s'en moquait bien pour l'heure, car comptait juste le retour en arrière et la possibilité de vie.

« -Et lui ? Si je retourne là bas, revenir à la vie, il sera toujours là ? En vie ? Sans aucune séquelle ? »

Car reviendrait-elle en sachant qu'elle venait de perdre l'unique espoir de la conception d'un avenir avec Kylian ? Arriverait-elle en une vie, courte ou immortelle, à supporter cette perte d'une être pourtant pas encore présent, à l'était simple d'idée, mais qui en quelques jours avait pris une grande place dans son cœur.

La politesse parfaite de la jeune femme fit briller son regard, elle ne changeait pas même dans la mort et elle ne semblait pas non plus lui en vouloir de l'avoir prise en otage. Non pas que ça l'est vraiment inquiété mais ils ne pouvaient pas se permettre de perdre leur temps quand bien même celui-ci s'écoulait très différemment dans ce plan.

Il secoua la tête lorsqu'elle lui demanda si il était là pour l'aider à faire grandir son âme. Non, c'était le genre d'entreprise que l'on ne pouvait réussir que seul et avec beaucoup de temps, d'ailleurs il s'était en grande partie débarrassé de son rôle de guide et de meneur après sa mort, un vrai soulagement même si il lui restait encore une petite chose à faire. Désormais ce qu'il se passait dans l'autre plan ne le concernait plus, il avait mit du temps à le comprendre et à l'accepter mais à présent il se sentait mieux. Il avait fait tout ce qu'il avait pu... Les Armandéens devaient désormais marcher seuls. Et grandir... Grandir eux aussi.

Il vit le doute en elle et cette vision lui fit pencher la tête. Allons... Allait-elle vraiment lui faire l'affront de se considérer indigne vis à vis des Esprits ? Après tout ce que lui avait fait, il était assez mal placé pour entendre de telles plaintes... Une ombre passa dans ses prunelles, assombrissant l'argent qui y brillait :

"Les Esprits posent leur regard sur qui ils le désirent, je ne suis pas sur que la notion de dignité entre tellement en compte... Et puis comment savoir ce qui correspond ou non à leurs attentes ?"

Lui avait longtemps marché contre eux par choix, puis à leur côté sans le savoir, et lorsque enfin il en avait prit conscience au point de sacrifier sa vie pour réparer ses torts, ils n'avaient pas rejeté sa tentative ni son âme. Il hocha doucement la tête en l'entendant rebondir sur cette histoire de plan, elle n'avait pas tout à fait tort sur ce sujet même si il s'agissait d'un domaine bien trop vaste pour être appréhendé entièrement, même par lui. Les questions reprirent et il répondit de nouveau, Elewyn restant silencieuse comme souvent tandis qu'il prenait sur lui de répondre d'abord à ce qui l'inquiétait le plus :

"C'est une situation inédite, elle n'a jamais eu lieu de mémoire d'immortel... Mais je ne ressent pas de traumatisme dans l'esprit ou le corps de ton futur enfant. Il a voyagé jusque ici sans encombre avec toi, donc il n'y a pas de raison qu'il ne puisse faire le chemin en sens inverse."

Y aurait-il des séquelles ? Pas physiques en tout cas, il ne le pensait pas du moins. Pour la magie il était un peu moins catégorique, on ne ressortait jamais totalement indemne d'un passage dans le plan astral et plus particulièrement en ce lieu... Mais cela, il faudrait attendre pour le découvrir. Il était trop tôt pour affirmer quoi que ce soit et il ne tenait pas à inquiéter la jeune femme inutilement. D'ailleurs il avait confiance ne Mort, si celui-ci les avaient fait venir tous les deux c'était qu'il avait ses raisons et il n'avait pu ignorer la présence du petit être. Peut-être avait-il aussi des projets pour lui... Qui sait. L'ayant rassurée sur ce point, il reprit :

"Le réincarnation se fait là où l'âme est rappelée. L'enveloppe physique disparaît alors pour se rematérialiser à l'endroit de l'appel.... Ce n'est pas une magie anodine, tu t'en doute, et de nombreux critères sont nécessaires pour que la réincarnation puisse se faire. Tu ne peux pas repartir seule avec ton enfant Esmelda... Quelqu'un doit venir te chercher, et quelqu'un devra aussi te rappeler de là bas..."

Il la laissa prendre conscience de ce qu'il venait de dire, et plus particulièrement de l'information selon laquelle quelqu'un devait venir la chercher. Voilà qui ne manquerait sans doute pas de la faire bondir, et il lui promettait une étrange surprise... Mais elle n'était pas venue ici pour rien et il était important qu'ils se penchent sur la raison de sa présence :

"La décision t'appartiendra, tu pourra refuser de revenir. Mais avant cela, tu dois me poser les bonnes questions. Mort n'a pas permit cette dernière rencontre pour rien, je peux te donner des informations très précieuses mais je ne suis pas autorisé à le faire de moi-même. Dis moi ce que tu veux savoir Esmelda Kohan. Je peux te révéler bien des secrets fabuleux, t'offrir la connaissance de pouvoirs et de richesses insoupçonnées. Mais tu as peu de temps pour m'interroger... Alors dis moi. Que veux-tu vraiment savoir ?"

Il avait appuyé sur le mot vraiment, souhaitant par là même lui faire comprendre qu'elle n'aurait pas la possibilité de poser beaucoup de questions. Si elle se trompait dans l'ordre de ses priorités alors il ne serait sans doute plus possible de revenir en arrière... Plus inquiet qu'il ne voulait bien l'admettre, il l'observa intensément. Elewyn faisait de même et le double rayon de leurs prunelles millénaires semblaient transpercer la princesse...

Esmelda était toujours oscillante entre incompréhension et peur, et celle de se sentir rassurée de pouvoir échanger. Même avec une âme qui est ...morte. Seule la compréhension de ce qui l'entourait aurait été bien plus rude. Et la peur aurait été panique. Pas sourde. Latente. Car face à son interlocuteur, sa curiosité et son envie de questions prédominait, comme celle de comprendre le monde qui l'entourait. Même quand cela était celui des morts. Le temps semblait manquer et c'était bien dommage, car la princesse se serait bien assisse pour entendre les tarenths parlés de leurs vies. Peut être que dans quelques années, ils pourraient le faire. Du moins leurs âmes.

« -Oui certainement. Mais entre en compte, ce que nous pouvons penser de nos actions en leur faveurs. Et se sentir démunis et indigne d'une telle confiance et bien pire que de savoir si oui ou non ils pensent de la même façon. Mais cela ne doit guère entrer dans leur considération. L'ignorance des faibles.»

Et en cet instant, elle était une parfaite ignorante. Pas une des places les plus faciles, mais il y avait toujours le moyen d'y remédier.
Esmelda passa une main câline sur son ventre encore plat en l'observant un instant avant de reprendre.

« -Si ce chemin s'inverse, me voilà rassurer. Même si la réponse reste un mystère. Je suis bien consciente que même sans avoir eu à venir ici, l'étrangeté de cet enfant ne peut appeler ce qui a déjà été vu ou connu. Et encore moins en ce lieu, mais l'inquiétude d'une mère demeure.»

Rassurée, non, du moins pas totalement, mais pour le moment, cela suffirait. Car le reste de la conversation et leur retour possible avec le commun des mortels semblait bien plus difficile que son arrivée en ces lieux. Une arrivée, un appel, manquerait plus une prière et le trio du retour serait impossible et Esmelda resterait là à tenter de faire grandir son âme, la calmer de la colère grondante qui sommeillait en elle.

« -Ah ? Eh bien, je pense rester quelques temps avec vous. Je ne vois pas qui pourrait m'envoyer quelqu'un me chercher et m'appeler en même temps. Hormis Kylian et Cynoë qui doivent plus entrain de se rejeter la faute de ma raison ici, que de penser à réaliser cet exploit. Je ne vois pas pourquoi et comment Mort pense que cela puisse se réaliser pour moi. Car même si quelqu'un vient, qui m’appellera. Je suis morte à leur yeux. Ils me pleurent ou se félicitent de celle-ci mais pas un appel.»

Et puis qui irait crier à la Mort dans le palais de Vraorg ? Non, si cela fonctionnerait oui, elle y retournerait avec encore plus à cœur de parvenir à redonner à Armanda un semblant de vie.

« -Je veux y retourner, car j'ai encore à faire. Et c'est une chance qu'on m'offre je serai stupide et folle de le refuser. Mais surtout, on compte sur moi. »

Et pas seulement son bébé à venir, Kylian ou Cynoë. Mais les habitants des profondeurs de Gloria, qu'elle soignait, des mères, des pères, des enfants malades, blessés, qui retrouvaient ainsi une once d'espoir et de vie. Jamais elle ne les abandonnerait, même au plus profond des ténèbres. Elle avait été la princesse des Hommes, même en n'étant plus que le jouet de Vraorg, elle n'oublierait pas ses obligations.

« -Je vous remercie de votre offre, mais les secrets fabuleux d'autrui, la connaissance de pouvoirs et de richesses insoupçonnées ne sont pas ce qui me fait avancer et m'intéresse. Par contre, le savoir est tout autre surtout le votre, surtout votre lien avec Vraorg. La connaissance que vous avez de sa magie et de ses actes passés. Il a volé le cœur de Néant, comment ? Mais encore plus comment y remédier ? Si cela est possible. Car en redonnant à Néant ce qui lui appartient nous pourrions le ré-enfermer ? Comme vous l'avez fait ?  C'est cela que je veux savoir, comment le vaincre, comment cesser de le voir chaque jour détruire nos vies, à tous, tout être, la vie, la faune, la flore.»

Car c'était là tout l’enjeu. Tout ce qu'elle désirait ne passerait que par cette étape. Si elle voulait être libre, voir son peuple libre et ceux qu'elle aimait enfin à ses côtés Vraorg était le seul obstacle. Mais un obstacle de taille. Et Esmelda avait eut beau avoir tenté de faire le tour de la question, elle n'était parvenue à aucune solution, à la mort de cet espoir et à une vie d’errance sans fin. Mais Edwyn était parvenu à user de sa magie auprès du dragon blanc, et même si elle n'avait pas vraiment tout compris les conséquences de ses actes, elle y avait vu une magie inconnue à ses yeux. Une porte de sortie à ce monde de ténèbres. Mais il y avait un soucis qu'elle n'arrivait pas à s'enlever de l'esprit.

« -Les esprits eux même n'y sont pas parvenus, alors comment le pourrons-nous ? Mais s'ils combattent encore, c'est que tout espoir n'est pas perdu ? Si Mort décide de me renvoyer auprès des miens sans me garder près de lui, c'est qu'il espère que je sache. Sinon pourquoi m'offrir cette chance ? »

Ces questions là par contre était bien plus pour elle, que l'attente de réponse de la part du tarenth. C'était purement rhétorique. Pour elle, il ne pouvait être autrement. Sinon pourquoi se donner ce mal, enfin ces complications, enfin cette chance. Si Mort perdait son temps avec elle, c'est qu'elle pouvait servir dans leur desseins, à savoir les mêmes que les siens, du moins, ce qu'elle pensait, mettre à mal Vraorg et le remettre là d'où il sortait. Tous avaient bien mieux à faire que de se soumettre à la folie destructrice d'un mégalo à écailles.

Il ne releva pas ce qu'elle disait sur les Esprits, elle n'avait pas tort après tout et ils étaient de ces êtres qu'il valait mieux ne pas tenter de cerner. Tout simplemement parce que c'était impossible et que le Tarenth n'avait jamais aimé perdre son temps, quand bien même était-il immortel et désormais immatériel. Il la sentie rassurée par ses explications et le geste qu'elle eu vers son ventre vint adoucir son regard. Au même titre que les elfes, les Tarenths étaient très attachés à la maternité et à tout ce qui s'y rattachait. Quoi de plus précieux qu'une nouvelle vie lorsqu'elles sont si rares ? Il espéra farouchement que tout irait bien pour ce petit être malgré le caractère improbable de ses aventures in utéro. Une chose était certaine, il aurait déjà un passé plus que fourni dès sa naissance celui là.... Revenant à l'instant présent, il accorda un sourire mystérieux à la jeune femme :

"L'avenir réserve toujours des surprises, c'est même son passe temps favoris... Quelqu'un est déjà en route Esmelda. Il est mort quelques instants après toi et nul doute qu'il a la ferme intention de te ramener..."

Il n'avait pas à lui révéler qui, elle le saurait bien assez tôt mais il était à peu près certain qu'elle en tomberait à la renverse tant la probabilité d'un tel événement était faible. Mais ainsi allaient les choses et Mort avait choisit ses émissaires... Ce n'était pas à lui, Edwyn, d'émettre des doutes sur les choix des Esprits. Et d'ailleurs il n'était peut-être pas si mauvais que ça... Qui d'autre que le Prince Noir pour représenter sans faillir la mort ? Si on prenait les choses sous cet angle alors c'était plutôt la princesse qui n'était pas à sa place. Il l'entendit faire son choix sans véritable surprise et il en fut heureux, elle avait effectivement pas mal de choses à faire dans l'autre plan et il espérait bien que ce serait bénéfique. Son sourire s'élargit encore quand il l'entendit faire le bon choix et il répondit de bon gré :

"Tu fais erreur mais ce détail n'est pas très important. Ce n'est pas moi qui ai enfermé Vraorg, j'aurai été incapable de trouver la force de m'en prendre à mon propre dragon à l'époque... Cela s'est passé autrement."

Il sembla prendre une inspiration, par un réflexe inutile bien sur mais encore bien ancré en lui et en son âme de conteur puis il reprit :

"Comme les Armandéens le savent à présent, mon ordre et moi-même avons été châtiés pour avoir créé la Pierre de Prophétie qui permettait de voir très loin dans l'avenir. Mais ce n'était pas notre seule faute, même si je refuse moi-même de considérer cela comme une faute... Nous avons aussi été châtié parce que nous étions dragonniers. Et j'ai moi-même été durement sanctionné pour avoir été le créateur du Lien, cette magie contrenature selon les Esprits."

Il fronça les sourcils, toujours pas d'accord avec ce points de vue malgré tout ce qui avait pu se passer.

"La plupart des membres de l'Ordre de l'Oeil du Dragon ont été tué lors de leur lutte contre les Esprits. Je te passe les détails de l'affrontement, ou plutôt de la correction, mais tu sais déjà que tout le peuple Tarenth a été maudit et exilé loin d'Armanda. Ce que tu ignore encore c'est que nous avons été 3 survivants au sein de l'Ordre. Trois survivants côté bipèdes du moins... Les dragons, eux, n'ont pas été tués sauf un seul. J'y reviendrais tout à l'heure.. Les Esprits ont effacé la mémoire des autres afin qu'ils ne pleurent pas leurs dragonniers défunts. Quand aux trois dragonniers dont je te parlais, leurs liens avec leurs dragons ont été tranchés et ils ont dû s'exiler avec les autres Tarenths."

Il ferma les yeux, encore secoué par ce souvenir atroce qui demeurait ancré en lui comme au fer rouge.

"Je faisais bien sur partie de ces trois survivants même si j'aurai mille fois préféré la mort. Elewyn que tu vois ici était la seconde, elle est la seule a être parvenue à rester sur Armanda pour veiller sur les nouveaux peuples qui devaient s'y installer dans le futur mais les choses se sont mal passées. Néant s'est intéressée à ce continent tandis que ses frères s'occupaient d'autres choses et y a rencontré Vraorg... Celui-ci a volé son coeur et ses pouvoirs, Elewyn en s'en mêlant à son tour s'est retrouvée sous l'emprise de mon dragon. C'est ce qui nous a mené à la prophétie des Marcheurs..."

Il n'avait pas terminé, loin de là, et le plus important restait à venir :

"Mais Elewyn et moi n'étions pas les seuls survivants comme je te le disais. La troisième se nommait Maëlyne même si elle l'a désormais oublié, elle a survécu parce que j'ai eu la bêtise de vouloir la protéger envers et contre tout... Par ma faute, son dragon a été tué et l'amour que nous éprouvions l'un pour l'autre s'est transformé en haine de son côté. Exilée elle aussi, elle a refusé de suivre le reste de son peuple et a disparu... J'ai retrouvé sa trâce bien plus tard et j'ai eu la mauvaise surprise de voir qu'elle suivait une très sombre quête dans le but de se venger... Elle voulait tuer Vraorg, quitte pour cela à devoir décrocher une étoile..."

Là il su qu'il l'avait sans doute perdue. Décrocher une étoile, ce n'était pas banal... Mais il ne s'agissait pas là d'une allégorie et il voulait bien le lui faire comprendre :

"Elle avait jeté son dévolu sur Flamme Astrale, la toute première étoile créée par les Esprits. Elle était très particulière car née du désir de Néant de créer quelque chose elle aussi, à l'époque où elle s'entendait encore avec ses frères. Ils l'ont fait naître ensemble et cet astre noir était, dit,on, plus puissant qu'eux tous réunis parce qu'il puisait son énergie à la fois de la Magie Supérieure mais aussi du Néant sans pour autant que ces deux énergies s'annulent... Magiquement parlant, c'est un phénomène unique !"

Ses yeux brillèrent tandis qu'il évoquait cette vieille légende Tarenth qu'aucun Armandéen n'avait jamais entendu, et pour cause puisque cette étoile n'existait plus ! Plus sombre, il continua son long monologue :

"Au terme d'une quête de plusieurs millénaires et en utilisant des moyens magiques que je ne détaillerai pas tant ils sont abjects, Maëlyne est parvenue à détruire et à s'emparer d'un fragment de cet astre. Elle a forgé une épée à partir de ce morceau, Flamme Astrale est le nom qu'elle a gardé pour cette lame. Avec elle il était possible de tuer n'importe qui, même un Esprit si nécessaire.. Elle est partie affronter Vraorg avec confiance mais a été vaincue par ruse. L'épée à été brisée en deux morceaux et par chance elle a pu en emmener un dans sa fuite ! Le second est resté entre les mains de Vraorg qui s'en est plus tard servit pour arracher le coeur de Néant... Les Esprits ont ensuite combattu celui qui était devenu le Voleur de Coeur, l'ont enfermé et on reprit le fragment qu'ils ont envoyé très loin d'Armanda à défaut de pouvoir le détruire."

Il s'arrêta enfin, heureux d'être mort en vérité car sans cela il n'aurait jamais eu le souffle de débiter une telle histoire d'un seul coup. Conscient de l'avoir ensevelit sous des tonnes de connaissances nouvelles, il la laissa digérer un bon moment avant de conclure doucement :

"Flamme Astrale est une horreur... Cette épée n'aurait jamais dû voir le jour mais elle est aussi la seule et unique entitée capables de résorber le Néant, d'absorber la Magie Supérieure, et de trancher n'importe quelle matière matérielle ou non y compris la peau des Esprits... Entière, cette épée pourrait permettre d'arracher le coeur de Néant à Vraorg... Ou de détruire purement et simplement le monde si elle est mal utilisée. La seule magie qui lui résiste est celle que j'ai créée, cette magie contrenature qui a été inventée bien après la création de l'Astre Noire. La magie du Lien, ou des Dragonniers si tu préfères. C'est pour cette raison que Maëlyne n'a pas pu détruire Vraorg la première fois, celui-ci était protégé par son lien avec moi même si celui-ci avait été tranché. Désormais il ne possède plus sa protection, il a tué son propre dragonnier... Tu comprend à présent pourquoi il fallait qu'il me tue ?"

Bien sur qu'elle comprenait, bien des choses devaient devenir claire à la lumière de ces nouvelles informations mais il n'était pas sur qu'elle puisse en retenir autant. Il acheva donc rapidement :

"Il faut que tu retrouve ces fragments Esmelda, puis il faudra confier cette épée au Passeur car il est le seul à pouvoir détruire Vraorg selon la prophétie. L'ennui c'est qu'il ne devra pas l'utiliser à mauvais escient... Et Fabius Kohan n'est pas tout à fait un modèle de droiture. Ce sera à toi de veiller à ce qu'il ne commette pas trop de dégâts. A toi, aux autres Kohans, et aux dragonniers aussi. Vous devez marcher ensembles car vous êtes tous concernés par cette affaire. C'est à des Kohan que le second fragment a été confié, sur les îles d'Angelhan. Quand au premier, Maëlyne le possède encore et là je dois te demander un service particulier... Il ne s'agit que d'une demande privée mais j'aimerai que tu lui parle Esmelda. Que tu la convainque de lâcher enfin cette vie où elle n'a plus sa place, de me rejoindre ici et d'accepter de parlementer. Elle me manque. Et elle manque à sa fille."

Enfin, il se tût. Il avait tout dit et la façon dont sa voix s'était légèrement brisée vers la fin demontrait qu'il arrivait au bout de ses ressources. Ces sujets étaient particulièrement douloureux pour lui, et le réflexe d'Elewyn qui venait de poser doucement sa main sur la sienne ne suffirait jamais à refermer ces vieilles blessures. Il était temps que les deux amants se retrouvent... Mais Esmelda y parviendrait-elle ? Entre les traditions séculaires d'Angelhan et la fureur encore brûlante de la Dragonnière sans Dragon, elle n'aurait pas une tâche facile...

Que se soit Kylian ou Cynoë, Esmelda n'avait pas envie de voir venir quelqu'un. Non, il devait vivre l'un comme l'autre, pour construire cet avenir dont ils gardaient chacun un infime espoir de le revoir vivre. Pas question de venir mourir avec elle. Même pour venir la chercher. Parce que l'un comme l'autre devait avoir chercher la mort dans la douleur, celle de l'avoir vu mourir et chercher à venir au plus vite, sans réfléchir. Esmelda, elle, ne l'avait pas vu venir. Ni sentir. Enfin elle ne le pensait pas, vu que son corps ne portait aucun stigmate d'une quelconque blessure. En même temps, celui-ci n'était pas très … réel, consistant ? Bref pas vraiment lui. Et puis la ramener, si c'était Kylian, il serait fichu de la faire rester.

« -Pourtant, c'est une belle magie. Usée à bon escient naturellement. Aujourd'hui, les Esprits sont près à s'allier avec ce don qu'ils jugent contre nature. Car là c'est dragon contre dragons, lié contre la magie des Esprits, d'un esprit emprisonné. Je ne désire par subir le même courroux que le vôtre. »

Esmelda ne pouvait que comprendre la haine de la tarenth sans son lié. Elle imaginait ce que pouvait être la mort de Cynoë. Une déchirure. Un puits sans fond dans lequel on pouvait que devenir fou. Même si en ce lieu étrange, elle sentait son absence dans son esprit, bien autrement que lorsqu'ils avaient été séparés dans les galeries sombres.
Esmelda continua a écouté avec attention et assiduité le tarenth et lui demanda curieuse.

« -Pourquoi, vous n'avez pas oublié ? Pourquoi vos souvenirs sont restés. Non, pas que je le déplore, bien au contraire. Mais je veux comprendre. Je suis dragonnière et même si cette fois-ci, je ne lutterai pas contre les Esprits, mais avec eux, pour eux, pour nous tous, je veux comprendre d'où je viens, pour ne pas vous suivre. »

Esmelda baissa la tête, une fois de plus, pensant être un peu rude de parler ainsi à un presque mort, mort, enfin plus vivant. C'était déplacé, mais elle devait savoir.

« -Désolée, je ne veux pas vous être impolie, loin de là. Mais si nous ne voulons pas revivre le passé, nous devons le connaître pour nous en défaire et en prendre ses éléments comme une force et pas une faiblesse. »

Là encore, elle lança un regard désolé à la jeune tarenth. Elle ne voulait pas l'accabler de ce qu'elle avait pu faire ou vivre. Qui était-elle pour cela ? Personne et elle n'aurait sûrement pas fait mieux si elle avait été à sa place.

« -Mais si elle veut le tuer, n'est-ce pas une bonne chose ? Nous suivons le même dessein ? Même s'il faut redonner à Néant ce qui lui a été dérobé. »

C'est là qu'elle ne comprenait plus. Après tout Vraorg mort, la vie reprendrait son court. Certes, il fallait avant rendre ce qui avait été pris. Mais d'autres questions fusaient dans son esprit. Et Esmelda les exprima à haute voix.

« -Un contre verre noir ? Du moins ce qu'il pouvait être avant de devenir ce qu'il était il y a encore quelques années ?? Et pourquoi les Esprits n'ont pas sauvé leur sœur avec le morceau restant ? »

Maintenant les Esprits devaient être heureux, façon de parler, de ce lien contre-nature. Il allait sûrement les sauver, autant que leurs créations. Mais Esmelda comprenait maintenant pourquoi ils étaient sortis de leur vit d'être supérieurs. Cela les concernait autant que n'importe qui vivant, voir même mort.

« -Et vous vous êtes sacrifié pour cela ? Merci. »

Esmelda lui sourit avec tendresse avant que son visage passe un brin paniqué.

« -Rien que ça. »

L'ancienne princesse en rigola presque nerveusement, un large sourire aux lèvres.

« -Je dois être rappelée pour revivre, retrouver des fragments perdus, aider mon cousin qui a tué mon frère, l'aider à vaincre Vraorg en tant que dragonnière, tenter de convaincre Korentin de me suivre sans essayer de faire justice sur ce passeur, aller sur cette île dont je ne sais rien hormis que mes ancêtres viennent de là, retrouver cette survivante qui a oublié son nom, la convaincre de me donner une part de son passé et de sa vengeance et la convaincre de ne plus vous haïr. »

La princesse se tut, souriant toujours, plus de désespoir quand à ce qu'on attendait d'elle.

« -Et tout cela enceinte avec un fou furieux qui devine la moindre de mes pensées. Vraorg ne me laissera pas faire et même s'il le faisait, comment ? Par où commencer, et je n'ai pas la force de celle, je ne suis ni guerrière ni en état de faire de telle chose. Je ne suis pas comme vous, je ne suis pas une grande magicienne, je n'ai pas l'aura d'une tarenth et la force d'un soldat. Fabius me rira au nez et Korentin me prendra pour folle. Et je ne parle pas de trouver Maëlyne. »

Autant dire, il valait mieux aller creuser et faire des châteaux de sable dans le désert. Elle n'avait pas les épaules pour porter pareille chose. Mort attendait beaucoup d'elle et pour rien au monde la dragonnière ne voudrait le décevoir. Mais ne se trompait-il pas de personne là ? Il valait mieux attendre celui qui viendrait la chercher pour lui faire confiance en ce domaine. Si c'était Kylian il avait la force, non sans parler de Skade, pour y parvenir. Il arrivait toujours à se sortir de situations inextricables. Elle, elle les provoquait.

Il hocha la tête lentement. Force lui était de constater que les Esprits semblaient effectivement disposés à finalement tolérer la magie du Lien, voir même à s'allier avec les dragonniers... Malgré cela le Fondateur ne pouvait s'empêcher de demeurer circonspect, le revirement était... Troublant. Mais soit. Ce n'était plus à lui de juger de ce genre de choses de toutes façons et il avait confiance en celui qu'il avait choisit pour guider la nouvelle génération. Achroma saurait démêler ces complexes mystères et y naviguer de façon à protéger les siens mieux qu'Edwyn ne l'avait fait. Du moins fallait-il l'espérer... Le Tarenth ne pu réprimer un léger sourire en songeant à la tête qu'aurait fait le vampire si il avait su que le Fondateur l'estimait mieux placé que lui-même pour gérer ces événéments. Mais c'était pourtant la vérité. Il y avait eu trop de colère en Edwyn pour que les choses puissent bien se passer, une colère bien plus pure et bien plus dangereuse que celle qui habitait actuellement le coeur de l'Ancien. Il saurait.

Le sourire s'effaça à la suite du discours de la jeune humaine et il ne pu s'empêcher de darder un regard pénétrant sur elle, un de ces regards perçants dont il avait le secret et qui avait fait sa renommé en tant que meneur des dragonniers. Il la fixa ainsi un moment, sans que l'on puisse vraiment savoir si il était en colère ou simplement peiné. Mais sa réponse alla dans un autre sens :

"C'est compréhensible. Mais nul ne peut prédire avec certitude le chemin qu'il suivra."

Même si il comprenait effectivement qu'elle puisse ne pas vouloir le suivre, que ce soit dans la mort ou dans ce qui avait été sa vie. Il reprit tranquillement :

"Je n'ai pas oublié parce que les Esprits n'ont pas cherché à effacer la mémoire des Tarenths, uniquement celles des dragons. Ils étaient considérés innocents de tout ce qui avait eu lieu, en effet sans le Lien que j'avais créé ils ne se seraient jamais mêlé de tout ceci... Leur mémoire a été effacé pour ne pas qu'ils souffrent, quand à nous je suppose que nos souvenirs faisaient partie de la punition..."

Mais l'oublie était-il une bonne choses de toutes manières ? Au plus profond de ses souffrances il s'était souvent dit qu'il aurait aimé ne se rappeler de rien, mais à présent qu'il avait gagné en expérience et en sagesse il n'était plus trop certain qu'il aurait eu raison. Même si de toutes façons il n'était plus vraiment temps de revenir là dessus. L'interrogation suivante étant fort logique, il continua sans se troubler :

"Une très bonne chose effectivement, même moi je peux le voir à présent... Mais Maëlyne n'est plus en état d'y parvenir. La magie qu'elle a utilisé pour créer Flamme Astrale a provoqué de gros dégâts sur son corps et son esprit, la Lame a fait le reste. Comme toute épée de légende, elle a son propre caractère et comme on peut s'y attendre de la part de la plus puissante épée du monde, celui-ci est plutôt... Rude. Elle choisit ses porteurs et il semble que Maëlyne ne soit pas à son goût... De plus il ne suffit pas de poursuivre un même but pour pouvoir se considérer comme des alliés... Maëlyne ne veut la mort de Vraorg que parce qu'elle reste persuadée que c'est le meilleur biais pour m'atteindre, même à travers la mort. Elle n'a peut-être pas tout à fait tort là dessus, mais je suis absolument certain qu'elle ne peut pas réussir. Et tant mieux... Rage et vengeance ne sont pas de bons guides."

Il sourit de nouveau à sa réaction :

"Bien plus qu'un contre verre noir. Flamme Astrale est un concentré d'amour fraternel si puissant qu'elle est capable d'amener le vide de Néant et la magie supérieur des Créateurs à faire cause commune. C'est l'artefact le plus puissant du monde, humaine. Plus puissant que moi-même, plus puissant que les Esprits et Néant réunis. Mais c'est aussi un pouvoir terrifiant de par sa supériorité sur tout le reste. Rien ne peut arrêter cette épée hormis les dragonniers. Il faut espérer qu'ils n'auront pas à le faire, mais j'en doute."

L'argent de ses prunelles se fit plus doux tandis qu'elle le remerciait et il ne releva pas. Il ne pensait pas qu'elle ai besoin de plus d'explications pour comprendre qu'il avait donné sa vie autant par nécessité que par libre choix. Il était vieux, beaucoup trop vieux pour ce nouveau monde, aussi le repos était-il venu à point nommé pour lui permettre d'enfin souffler.

Un long discours suivit qu'il écouta stoïquement. La façade du sourire ne suffisait pas à cacher la nervosité et la frayeur de la jeune femme, elle était consciente de tout ce qui l'attendait et bien peu rassurée quand à ses propres capacités. Il ouvrit la bouche pour lui répondre mais sa fille le fit avant lui, s'approchant de la jeune âme jusqu'à l'enlacer doucement. Un contact immatériel bien étrange mais d'autant plus fort qu'il se faisait d'âme à âme. Ce faisant, elle murmura :

"Ne crains nul péril Esmelda Kohan, tu es bien plus que les Tarenths. Notre peuple était grand, mais son temps est passé et même si nous avons mis du temps avant de le comprendre et d'accepter de nous effacer devant vous, les jeunes peuples, nous reconnaissons à présent votre valeur. Vous n'êtes pas plus parfaits que nous l'étions, mais vous êtes grands vous aussi. Vous n'avez simplement pas encore eu l'occasion de le démontrer. Humains, Elfes et Vampires, votre temps est venu et je sais que les dragons vous appuierons comme nous n'avons pas su le faire. Vous êtes forts, tu es forte. Et ton enfant sera fort lui aussi. Vraorg ne peut rien face à tant de richesses, lui qui est si pauvre..."

Un sourire vint fleurir sur ses lèvres et l'espace d'un instant, elle redevint la jeune Tarenth fonceuse et sure d'elle qu'elle avait été par le passé. Une main passée sur les épaules immatérielles de l'humaine, elle fit face avec elle à Edwyn qui sembla heureux d'une telle vision :

"Elewyn a raison, tu es plus forte que tu ne le crois. Et surtout, tu n'es pas seule. Il est temps de faire de tes ennemis des alliés, quoi qu'ils puissent en penser eux-même. Vraorg seul est le mal ultime, tous les autres peuvent t'apporter du bon, que ce soit volontaire ou pas. La preuve..."

Un rire léger secoua les deux Tarenths, merveilleuse mélodie qui résonna étrangement dans le palais tandis qu'Elewyn s'éloignait enfin de la princesse pour se glisser vers son père dont le regard pétillait d'un amusement non dissimulé :

"N'oublie pas Esmelda. Maëlyne possède un fragment, l'autre se trouve en Angelhan. Et tes alliés sont partout, parce que Vraorg est l'ennemi de tous... Force les à le comprendre, refuse d'être leur ennemie, et ils se tourneront tout naturellement vers celui qui l'est vraiment... Au revoir princesse rebelle, que l'avenir te soit favorable et les astres cléments..."

Un clin d'oeil d'Elewyn, un dernier sourire d'Edwyn. Puis le silence devint si profond que seul l'instinct de l'humaine parvint à lui signaler la présence d'un nouvel arrivant au pas si discret qu'elle ne parvint pas à le localiser. Il fallu qu'il sorte de l'ombre d'un mouvement circonspect, rendu méfiant par ce lieu étrange où il venait d'atterrir, pour qu'elle puisse reconnaître le Prince Noir. Les Tarenths, eux, avaient disparu...

Oui le dragons étaient innocents de l'envie du Tarenth et de ce qui avait pu en découler. Mais pas tous. Pas un. Et celui-ci n'avait pas oublié qui avait été son lié. Et Esmelda ne put que se sentir désolé pour lui. D'avoir corrompu ce lien dont il avait pourtant le créateur. L'arroseur arrosé par les Esprits et leurs colères. Peut être, mais cela ne pouvait empêcher de se sentir heureuse que le tarenth se soit opposé aux esprits pour créer pareille merveille. La rencontre avec Cynoë fut un bonheur sans nom et surtout le sentiment d'être enfin en vie, entière. Et jamais, elle ne pensa s'en servir, de cette force, de cette union, contre quiconque, hormis Vraorg.

« -Une chance dans ce malheur, si je puis dire et si vous me pardonner cette expression. Car vos souvenirs sont autant un pan de notre histoire passionnante à vous écouter, que le salut de notre vie à tous par la suite. »

Et Esmelda passerait bien encore du temps à l'écouter. Car même ce passé terrible apportant un présent pas réjouissant, la dragonnière aimait à entendre ce qui avait construit sa vie actuelle. Un savoir inestimable.

« -Je dois avouer que je dois grandir comme une âme morte, car pour le moment une rage sourde coule en moi tout comme l'envie de vengeance. La haine coule dans mes veines. Même si elle n'est pas celle de l'amour. Hormis celle de la liberté.»

Et rien n'était pire que la vengeance d'une femme qui se croyait trahit. Là le tarenth était très optimiste que cette Maëlyne l'écoute. Même la trahison passé de Kylian ne pouvait apporter une telle haine que devait éprouver cette femme pour le voyageur. Mais ces doutes partirent un instant dans l'étreinte de la jeune tarenth et dans ses douces paroles.

« -Merci. D'avoir confiance en moi pour moi. Même si vous ne serez pas près de moi, je garderai vos paroles dans mon cœur et elles m'accompagneront. »

Esmelda desserra cette étrange étrange d'âme à âme. Aucune comparaison ne pourrait expliquer deux corps à peine visible et matériel entrer en contact, mais celui-ci donna du courage et de l'espoir à la dragonnière. Les paroles étaient douces et chaleureuses et réconfortaient l'esprit, à défaut du cœur de la princesse.
Une douce et étrange mélodie parvinrent à leurs oreilles et Esmelda se tourna pour voir sa provenance. Celui qui venait la chercher arrivait ?? Ou bien le temps pour elle de revenir d'entre les morts. De lointains pas résonnaient dans les lieux ou dans son esprit, par où arriverait ce sauveur inattendu. Ou presque. La jeune femme s’apprêtait à demander à l'ancien dragonnier mais lui et sa fille n'étaient plus là. Du bout des lèvres, elle murmura.

« -... bonne continuation... »

Les pas d'une présence se firent de plus en plus présents, mais toujours feutrés dans un murmure, mais toujours personne. Un brin d'inquiétude s'empara de son cœur tout comme la tristesse et l’excitation de revoir son aimé ou son lié. Même en ces lieux. Mais la surprise fut tout autre quand une ombre à peine distincte et un brin angoissante dans la pénombre des lieux se fit connaître.

« -C'est une blague ? Vous ? Je dois dire que je m'attendais à tout Gloria, sauf vous. »

Il fallait dire que Lorenz Wintel étant celui qui venait la chercher avait de quoi laisser septique. Pas de Kylian, pas de Cynoë ni même de garde ou bien de l'ancien baptisrel ayant une réminiscence passée. Non, le Prince des vampires, du moins si on pouvait encore le nommer ainsi. Lorenz Wintel, dont l'ombre se faisait de plus en plus présente, arrivait devant elle. La princesse ne pouvait que rester bouche bée un court instant avant de tenter de se rassurer par un brin d'humour. Après tout, il était mort comme elle, et devait avoir quelques questions qui tournoyaient dans son esprit. Même si la mort, il l'avait déjà côtoyé auparavant.

« -Ne me dites pas que ma mort vous a causé l'envie de venir me tenir compagnie ? »

A moins que se ne soit pour taquiner son ennemi vampirique et amant de la dragonnière jusque dans la mort.

Eh bien voilà, il était mort... Mort pour sauver... Non, même pas pour sauver, pour venger, une humaine dont il n'avait strictement rien à faire. Ah elle était bien bonne celle là, il était dans de beaux draps le Prince Noir tiens... Et qu'on vienne encore lui dire après ça qu'il se fichait pas mal du devenir du monde et qu'il ne pensait qu'à ses propres objectifs ! Bah tiens...

Jamais âme morte n'avait dû fouler ce lieu emplie de tant de mauvaise humeur. Elle pulsait en lui, sourde, colérique, bornée comme pas possible. Non mais franchement, qu'est-ce qui lui avait prit de prendre au sérieux cette satanée vision et de s'attaquer carrément de front à un ennemi qu'il savait ingérable dans un tel combat ? Enfin si on pouvait appeler ça un combat... Il s'était fait balayer rapidement et simplement, de quoi alimenter sa frustration et l'interrogation quasi mystique qui le harcelait depuis qu'il avait atterri dans ce lieu : non mais qu'est-ce qu'il fichait là franchement ??

Il n'avait pas souffert à la fin, le choc contre le mur avait été si violent que même un vampire n'aurait sans doute pu y survivre. Et quand bien même ça n'aurait pas suffit, le sort de pure haute magie qui l'avait conduit dans le mur en question était de toutes façons mortel. Tu parle d'un injustice tiens... Comment était-il sensé combattre une magie qu'il ne pouvait en aucun cas arrêter ? Voilà bien un retournement de situation qui lui déplaisait souverainement. L'aurait-il pu qu'il serait revenu instantanément en arrière afin de changer cette grotesque fin et de s'épargner une mort fort peu glorieuse et peut-être complétement inutile. Peut-être seulement bien sur... Car jusque là la réalité avait plutôt bien suivi le fil de sa vision passé et si ça continuait ainsi alors il avait des chances de pouvoir revivre. Dracos... Si ce n'était pas le cas et que cette satanée vision l'avait trompé par dessus le marché alors il y allait y avoir du carnage dans le royaume des morts, ça il se le promettait !

Le royaume des morts tiens, parlons-en... Les croyances Armandéenes ne disaient-elles pas qu'un tel lieu ne pouvait exister ? La réincarnation et compagnie, c'était du vent alors ? Il était dans une vaste pièce plutôt sombre et remplie de miroir où il ne se voyait même pas, rien à voir avec une quelconque réincarnation donc... Et tant mieux d'ailleurs car il ne tolérerait pas de changer de corps. Il avait trop travaillé celui qu'on lui avait confié pour le rendre plus fort, pas question d'en perdre le bénéfice et de repartir de zéro. D'autant plus qu'on lui sucrerait ses souvenirs alors non, c'était décidé, il ne se réincarnerait pas. Mort pouvait aller se brosser si c'était là ce qu'il attendait de l'ancestral.

Enfin bon, ce n'était sans doute pas ce qu'il attendait quand on y pensait. Si ses réflexions étaient justes et que le tatouage et le pouvoir de vision avait bien été offert par Mort alors celui-ci voulait le voir retrouver Esmelda... Fort bien, si c'était là un passage obligé avant de pouvoir retrouver la sortie et afin de frustrer Vraorg alors là par contre ça lui convenait. C'est donc dans cet état d'esprit qui se mit en route, serpentant avec méfiance entre les miroirs, un sort sur le bout des doigts quand bien même il n'était pas sur de pouvoir en lancer ici et tout au regret de ses dagues qui ne voulaient décidément pas apparaître en ce lieu...

Il lui fallu longtemps pour la localiser. Il fallait dire que ce lieu était particulièrement perturbant pour un vampire, et pour cause, il n'avait pas d'odeur ! A moins que ce soit lui qui ai perdu son odorat en même temps que son corps physique ? Il ne le savait pas trop mais toujours était-il qu'il ne pu se fier qu'à son ouïe et à son instinct pour la retrouver, tendant d'ailleurs l'oreille avec beaucoup d'intérêt en entendant plusieurs voix qui conversaient. Tiens donc... Elle s'était déjà fait des amis ? C'était bien d'elle ça que de trouver toujours le moyen de se faire apprécier où qu'elle aille... Lorenz lui-même n'avait pas su la haïr tout à fait, il la trouvait intéressante en règle générale, voir amusante. Elle devait avoir un don pour ça... Un coup du moineau peut-être ?

Il ne prit pas vraiment le temps de pousser plus avant ses réflexions, il était trop concentré sur ce qu'il entendait et plus particulièrement sur l'une des voix qu'il reconnaissait sans peine... Allons bon, mais il ne mourrait jamais celui là ? Enfin si, il était mort, comme eux tous ici en fait... Mais il fallait vraiment qu'il se trouve au même endroit que Lorenz au même moment ? L'écho discret d'un grondement dans la gorge, le vampire se tapit avec d'autant plus de méfiance qu'il ne pouvait que penser qu'Edwyn était très certainement conscient de sa présence. Merveilleux... Heureusement que l'intérêt de ce qu'il disait suffisait à effacer cette contrariété ! De plus en plus concentré, l'ancestral fronça les sourcils en tâchant de tout entendre et de peser les implications de telles informations. Finalement il n'en capta qu'une partie fort intéressante déjà à elle seule et il prit enfin la décision de s'approcher encore en comprenant que les Tarenths s'en allait. Lorsque enfin il sortit des ombres, la princesse était seule. Comment ça une blague ? Est-ce qu'il avait l'air de plaisanter franchement ? Renfrogné, il n'en répondit pas moins à contre-pied :

"Evidemment... J'en mourrais tellement d'envie que je me suis retrouvé ici avant d'avoir eu le temps de dire ouf."

Son cynisme couplé à son ton polaire et aux flammes furieuses de ses prunelles rendait le tableau plutôt... Etrange. Mais mieux valait rester concentré et il reprit la parole sans tarder :

"Vraorg a fait une erreur en te tuant, d'ailleurs ce n'était même pas son intention... Mort voulait qu'on vienne ici, il a fait en sorte que je sois amené à te suivre, ce n'est sans doute pas plus rien... Que t'as dit le Tarenth ?"

Il rusait l'air de rien, sachant très bien qu'elle ne pouvait pas savoir ce qu'il avait entendu et ce qui lui avait échappé. Il la laissa lui répondre puis observa les alentours :

"Que tu rencontre Edwyn n'était peut-être pas le seul but de Mort... Il faudrait qu'on fouille cet endroit, peut-être que cela pourrait nous aider à en apprendre plus sur ce qui nous attends, et aussi à répondre à cet appel quand il aura lieu. Il ne s'agirait pas de rater le rendez vous, j'ai à faire en bas..."

Enfin, si la notion de haut et de bas pouvait vouloir dire quelque chose ici bien sur. Lentement, il s'approcha d'un des miroirs qui s'était enfin décidé à le refleter à peu près même si de façon plutôt pâle. Ce truc là sentait très fort la magie... Il en fit le tour doucement en la laissant commencer son exploration de son côté puis il tendit la main non sans hésitation. Toucher un objet magique c'était toujours une très mauvaise, mais alors très très mauvaise idée... Sauf que là dans l'état où il était il ne risquait plus grand chose n'est-ce pas ? Finalement et après une longue hésitation, il se décida à effleurer la glace. La réaction ne se fit pas attendre et son reflet s'effaça pour laisser voir une image très nette :

>> Un palais enfouit au sein duquel deux prisonniers en cavale sont en train d'errer. Ils tendent le doigt vers des portraits qu'Esmelda reconnaît aussitôt, et pour cause, il s'agit d'un Kohan ! Hendrick Kohan, tout premier dirigeant d'Althaïa et l'un des aïeul direct de Korentin. Il était connu pour être un grand navigateur et bâtisseur de navires... Des plans de ses oeuvres sont sans doute encore disposées dans son palais mais celui-ci est introuvable car il a été engloutit par une catastrophe climatique. Esmelda voudrait bien inciter les deux prisonniers qu'elle ne parvient pas à reconnaître à tenter de retrouver ces plans.. Elle comprend qu'elle peut leur envoyer un message mental à travers ce miroir si elle le touche à son tour ! Mais est-ce une bonne idée ? <<



HJ : tu peux t'adresse directement à Matis et Luna ici, je transmettrais le message de ta personnage afin qu'ils l'entendent directement dans leur esprit. Tu ne sais pas qui ils sont par contre. Et ne t'inquiète pas pour la chronologie, leur rp se déroule en mai (donc dans le futur par rapport à ici) mais tu sais que le temps s'écoule différemment dans le plan astral et dans le plan réel. Nous ne retournerons dans le plan réel qu'en mai. Ceci fait tu peux si tu le désire tenter de toucher un autre miroir, tu verra une autre image que je te dévoilerai soit via mp si tu me le demande, soit dans mon post suivant.

Plutôt grognon pour un mort. Pourtant, il savait ce que ça faisait. Elle non, et elle l'avait prit avec plus de... résignation. Quand on est mort et bien on est mort. Même si cette mort semble n'être que le passage vers une nouvelle vie.
Esmelda secoua la tête, non il ne valait mieux pas trop réfléchir au pourquoi du comment et continua sur le même ton.

« -Mais la mort vous va si bien, c'est bien pour cela que vous ne cessez de jouer avec elle. Je ne sais pas s'il a fait un erreur, mais le résultat reste le même. La conséquence aussi. »

Après tout, ils étaient morts, du moins des morts de passages. Mais les vivants ne sont-ils pas des morts en devenir. Et quand on est un presque mort vampirique est-on vraiment mort ? Donc oui, il valait bien mieux visiter les lieux qu'attendre en se torturant l'esprit sur les questions de la mort réelle et de la non mort, sinon en effet elle allait mourir mais de folie. Mais si Mort voulait leur montrer quelque chose d'autre autant ne pas manquer ce rendez-vous là. Le messager ne préviendrait sûrement pas de son arrivée.

Sur le chemin de leur découverte, la princesse reprit les paroles des Tarenths pour les dévoiler au Prince Noir. Sans détour ni mensonges, sans omissions. Ils étaient peut être ennemis dans une autre vie, et sûrement encore dans une autre. Mais pour le moment, ils étaient alliés. Et même si cette idée la rebutait autant que de faire confiance à Fabius, Esmelda n'avait pas le choix, et c'était ensemble qu'ils y parviendraient tous. Ils pourraient se refaire la guerre à loisirs une fois Vraorg disparut. Pas avant. Alors autant profiter des forces de chacun. Et si jamais, Lorenz parvenait à vivre ou à survivre ou revivre plus longtemps qu'elle, il devait se faire passeur de ce qu'elle avait appris. Même s'il ferait cavalier seul, même si cela serait à son compte. Seul le résultat final comptait et le vampire désirait en cet instant la même chose qu'elle.

Encore des miroirs, mais ceci semblait refléter une autre sorte de magie que celles de leurs pâles reflets. Une magie palpable que la princesse put sentir et qui semblait intriguer le vampire. Elle aussi hésita à le toucher mais la curiosité l'emporta sur tout le reste, comme toujours. Un palais, deux ombres qu'elle ne put reconnaître. A la différence d'un tableau. Cet homme, elle le connaissait. Un de ses ancêtres. Elle en avait vu une vague peinture au palais de Korentin. Le temps avait fait son œuvre sur cette image du passé mais Esmelda avait appris à reconnaître les contours des illustres membres de sa famille. Et certains traits de visage ne pouvaient mentir. Ce pouvait-il que se ne soit que le fruit du hasard. Ils devaient aller sur les traces de leurs passé. De celui des humains, ce palais était le passé. Esmelda essaya de lancer un appel à ces ombres. Qui ne tente rien n'a rien, et être pourraient-elles les aider, ou du moins se faire relais.

« -Amis, entends-tu le vole sourd de ma voix qui plane au dessus de vous ? Amis-entends-tu le cri de cet appel venu d'ailleurs ? Si oui, amis réponds à ma prière, réponds à la prière de celle qui fut la princesse des Hommes. Ce palais est celui de mes ancêtres, il regorge de trésors, mais surtout d'un trésors qui parviendra à nous sauver, nous sauver tous des ténèbres dans lesquels nous vivons. Le palais dans lequel vous êtes est le palais perdu d'Hendrick Kohan, tout premier dirigeant d'Althaïa. Homme de la mer à ce qu'on dit. Je vous en prie, trouver des plans de navires, de ces bateaux, de ces machines qui peuvent aller sur l'eau. Ceci est notre héritage, humains armandéens, mais surtout notre seule chance de survivre et de retrouver le fragment de l'épée astrale qui peut nous rendre notre liberté face à la cruauté du voleur de cœur. Il nous faut retourner sur les traces de notre passé lointain. Retrouver les plans et apporter les à la princesse des Hommes ou au prince noir. Il en va de notre survie. »

Esmelda recula, laissant encore un peu sa main effleurée le miroir avant de se retourner vers l'ancien prince noir. Haussant ses épaules, elle déclara avec son naturel :

«-Je sais, le temps n'est pas au envolée lyrique, mais on ne meurt qu'une fois... ou presque. »

Et c'est d'ailleurs cette phrase qui la poussa à jouer les curieuses. Elle l'était. Depuis toujours et cela lui avait bien souvent joué de mauvais tours. Elle le savait. Mais l'ancienne princesse des Hommes ne pouvaient s'empêcher de vouloir toucher un autre miroir. Elle aurait peut être bien moins de chance, mais elle savait prendre le bon dans le malheur, de s'en servir comme une arme et non un poids mort. Puis morte, elle l'était et le messager ne viendrait peut être pas de suite, alors autant découvrir ce qui les entourait. Et si personne n'était venu leur dire de rester bien sage dans un coin, c'est qu'ils pouvaient se le permettre.

Il haussa un sourcil en l'entendant lui renvoyer son cynisme avec un certain succès d'ailleurs, toujours étonnante cette humaine... Vraiment. Conscient de la véracité de ce qu'elle lui disait, il ne jugea pas bon d'argumenter là dessus et se contenta de sa réaction habituelle, c'est à dire rien du tout si ce n'est une légère fluctuation dans les flammes de son regard insondable. Celui-ci se fit d'ailleurs bien plus vif, totalement intéressé par le récit qu'elle lui faisait de sa discussion avec le Tarenth. Elle ne mentait pas, semblait complète dans ses explications... Là, il se troubla. Pourquoi tant de franchise ? Paradoxalement, cette ouverture totale le destabilisa même si ça ne l'empêcha pas de ruminer profondément sur toutes ces nouvelles informations. Finalement il avait eu raison de venir...

Il y réfléchissait encore au moment de toucher le miroir mais la scène qui s'y dessina se chargea de le déconcentrer entièrement. Qui étaient donc ces deux là qui semblaient fuir quelque chose ? Il lui fallu un effort de mémoire pour se rappeler avoir vu la fille aux côtés de Korentin Kohan. Ah ! Sa pupille ! Luna... Luna quelque chose. Et l'autre était un ancien rebelle aussi, Lorenz l'avait aperçu à Aigue Royal. Pourquoi donc étaient-ils visibles dans ce miroir ? La scène était-elle destiné à être vue par l'ancestral et la princesse, et si oui dans quel but ? Tant de choses lui échappaient ces derniers temps qu'il avait l'impression de passer sa Non-Vie et même sa mort à voyager à vue. Et il détestait cela, entendons nous bien.

Il en était encore à observer les deux êtres vivants avec perplexité lorsque la princesse prit finalement l'initiative. Grand bien lui en fasse, lui ne voyait toujours pas très bien ce qu'il était sensé faire de ces deux là et puis le portrait ne lui disait rien ni même le lieu d'ailleurs. Mais elle l'avait apparemment reconnu pour sa part. Henrick Kohan ? Là il fallu un immense effort à l'ex-elfe qu'il était pour aller puiser au plus profond de sa culture et retrouver quelques fragments d'informations sur cet humain. L'un des premiers Kohan a avoir mit le pied sur Armanda... Cousin ou oncle ou il ne savait plus trop quoi de Judovik. Moins connu que celui-ci ou qu'Alexian le frère mais non moins illustre puisqu'il avait été le gouverneur d'Althaïa ainsi qu'un guerrier et plus particulièrement un marin émérite. Voilà tout ce dont le vampire se souvenait et c'était déjà beaucoup sachant qu'il n'était pas du tout spécialiste de l'histoire humaine. Par contre et pas plus que l'humaine il ne fut long à faire le lien entre marin et navires. Il grogna même son acquiesement en l'entendant réclamer qu'on leur trouve les plans. Parfait ! Localiser et finalement se rendre jusqu'en Angelhan serait leur prochaine priorité et pour cela les bateaux seraient nécessaires. La légende parlait en effet de plusieurs semaines de navigation, voir plus. Aucune chance donc qu'ils puissent s'y rendre par magie ou à dos de dragon, les deux méthodes seraient mortellement épuisantes. L'idée qu'il allait peut-être bientôt se retrouver à vadrouiller sur les mers lui plaisait moyennement, mais si il fallait en passer par là pour trouver l'épée alors ça lui allait. Mais encore fallait-il qu'il récupère son corps et que... Hé ?

Sa remarque sur les envolées lyrique ne l'avait pas interpellé plus que ça mais par contre il était surprit de la voir toucher directement un autre miroir. Dites donc, ce n'était pas lui le haut mage dans cette affaire ? Enfin si elle tenait tant que ça à risquer de se faire carboniser par un artefact plus puissant qu'un autre... Enfin sans doute était elle arrivé à la même conclusion que lui sur le fait qu'ils étaient déjà morts et puis il est vrai qu'il n'y avait pas grand chose d'autre à faire dans cet endroit. Un peu désabusé, il ne jeta d'abord qu'un bref regard sur la nouvelle vision mais elle le fit bondir :

"Merithyn !"

Hélas, elle n'était pas nette. Quelque chose troublait la magie, la présence de Vraorg à Gloria peut-être car il était clair que le jeune vampire se trouvait dans la capitale. Dans une écurie même où il tentait apparemment de calmer un destrier bien connu du prince noir. Mais qui donc pouvait bien avoir eu l'idée saugrenue d'enfermer Aranwë entre quatre murs ? Pas Merithyn déjà c'était certain, il savait pertinement que le Royal ne supportait absolument pas l'enfermement et qu'il avait tendance à tout brûler et détruire autour de lui. Alors certes les murs de cette écurie étaient de pierres et non de bois mais ça n'empêchait pas que le grand étalon déployait toute son énergie à ruer et à se débattre contre les palefreniers. Merithyn avait apparemment cessé de tenter de dissuader les humains dans leurs intentions, en attente dans un coin, il attendait simplement le drame. Qui ne tarda pas d'ailleurs, d'un coup de dent Aranwë soulagea le palefrenier de trois de ses doigts puis il manqua l'achever en l'écrasant contre le mur. Les humains reculèrent en désordre tandis que le prince vampire sifflait entre ses dents, plus désapprobateur de voir la façon dont on traitait son destrier que désolé du sort infligé au malheureux. Merithyn parla sans que la princesse et le vampire ne puissent comprendre ce qu'il disait et Lorenz tenta à nouveau d'entrer en contact mais sans aucun succès. Un seul dressa les oreilles, et se figea même. Le cheval !

"Je crois que lui m'entend..."

Ce n'était guère étonnant, les montures légendaires partageaient un lien très particulier avec le cavalier qu'elle s'étaient choisie. Le simple fait qu'Aranwë soit encore en vie prouvait qu'il n'avait pas abandonné l'idée de retrouver Lorenz, Merithyn l'avait-il comprit ? C'était difficile à dire et ce serait encore plus difficile de se servir d'un cheval comme d'intermédiaire pour communiquer avec son frère... Mais quel choix avait-il ? Sans plus d'hésitation, Lorenz mit toute son énergie à faire passer son message et alla marteler dans l'esprit du destrier :

"Va le voir, montre lui la vérité, va !"

Mais Aranwë n'était pas réputé pour son doux caractère et moins encore pour son attachement à l'ancien elfe. Certes il le supportait bien mieux qu'avant et d'autant plus maintenant qu'il n'était plus un elfe mais une certaine jalousie demeurait en lui vis à vis de Merithyn. Il se contentait en général de l'ignorer aussi royalement que le désignait son prénom et si il daigna cette fois-ci fixer ses prunelles incandescentes sur l'objet de sa jalousie cela ne pourrait évidemment pas suffire à attirer vraiment l'attention de celui-ci... L'ancestral insista donc :

"Je ne reviendrai pas sans cela"

Le destrier renacla devant le ton sans appel, fort mécontent de sa mission mais plus mécontent encore à l'idée que son cavalier puisse ne pas revenir du tout. Les humains sursautèrent et reculèrent encore lorsqu'il tapa du pied en projetant une gerbe d'étincelles mais il ne s'intéressait pas à eux. Son regard demeurait fixé sur l'ancien baptistrel qui s'étonnait sans doute un peu de cet intérêt soudain. Enfin et non sans rechigner, l'animal légendaire s'ébranla brusquement vers le jeune vampire qui ne recula pas malgré le cri d'alerte d'un autre palefrenier. Il n'y avait pas lieu de s'inquiéter en vérité car à l'ahurissement des humains et sans doute en premier lieu du vampire, le destrier vint poser sa tête sur le bras de ce dernier et plongea plus profondément encore son regard dans le sien. Le geste en lui seul suffisait. Lorenz avait confiance en son frère et savait que celui-ci ne croirait jamais qu'Aranwë aurait pu avoir ce geste d'affection envers lui ou n'importe qui d'autre d'ailleurs sans y être poussé. La vision déjà trouble s'estompa rapidement mais Lorenz sembla sur de lui lorsqu'il s'adressa à Esmelda :

"Merithyn fera le rapprochement, il se laissera guider. J'ai fait comprendre à Aranwë que je voulais qu'il le mène jusqu'aux plaines de l'Est et que là il devrait m'appeler. Je ne sais pas comment ils s'y prendront magiquement parlant mais ils y arriveront... Et ils te rappelleront aussi ne serait-ce que pour savoir pourquoi je t'ai suivi."

L'espoir était là, les inquiétudes aussi. Merithyn parviendrait-il à aller jusqu'aux plaines ? Trouverait-il le moyen magique ? Et surtout saurait-il comment emmener Ambre ? Lorenz n'avait rien dit à ce sujet mais là encore une totale confiance l'habitait. Son frère ne laisserait pas la petite humaine seule auprès de Vraorg. Sans doute s'entourerait-il même de Wallam et du dragon d'Esmelda si ça pouvait lui être utile ou simplement pour s'assurer que la princesse reviendrait bien... Il avait parfaitement compris qu'elle allait être utile pour la suite, il ne prendrait donc pas le risque de la laisser en arrière. Rassuré à ce sujet, Lorenz reprit la parole ;

"Je suppose qu'il ne nous reste plus qu'à..."

Il s'interrompit en voyant que le miroir se troublait à nouveau jusqu'à afficher une nouvelle image.

>> Un complexe souterrain quelque part au coeur d'un grand désert. Le poids de l'histoire est lourd à cet endroit car c'est là qu'on eu lieu de nombreux affrontements entre des créatures bien plus puissantes que les bipèdes ou même les dragons actuels. En accéléré, Esmelda et Lorenz assistent à plusieurs combats entre les Frères Esprits et leur Soeur puis entre les Frères Esprits et Vraorg et enfin entre Vraorg et une femme Tarenth armée d'une magnifique épée. Pas de désert à cet endroit, la zone était fertile et magnifique mais peu à peu les batailles magiques détruisent les ressources et font changer le climat, ainsi se forme Esfelia.
Le complexe souterrain reste, lui. La femme Tarenth s'y est cachée un moment après avoir été défaite par Vraorg puis Lorenz et Esmelda la voit fuir. Peu à peu, la zone se recouvre de sable. Esfelia est née et le complexe demeure, avec ses secrets... <<

En voyant l'image s'effacer, l'ancestral se précipita pour tenter de la retenir et d'en apprendre le plus possible mais il était déjà trop tard. Furieux de la voir s'effriter entre ses doigts il gronda :

"Magnifique... Comment sommes nous sensés trouver cet endroit au beau milieu du désert ?"

Et puis il n'aimait pas le désert en plus, trop de sable et surtout trop de soleil. Mais au moins savaient-ils dans quel coin du continent chercher car il était clair que la femme Tarenth qu'ils avaient vu ne pouvaient être que Maëlyne. Du coin de l'oeil, l'ancestral s'assura que la princesse était du même avis.

"Nous allons avoir beaucoup à faire... Localiser Angelhan et pour cela il faut espérer que tes deux envoyés trouveront les plans des navires. Localiser ce complexe ensuite, et prier pour que nous y trouvions des informations nous permettant de localiser la cachette de Maëlyne. Quoi qu'il arrive tout ceci va nous prendre énormément de temps, nous risquons de revenir pour ne trouver qu'un monde détruit et habité uniquement par Vraorg..."

Il n'était pas spécialement pessimiste en règle générale mais il fallait bien avouer que cette fois les objectifs à remplir étaient particulièrement difficiles. Pensif, il ne pu en venir qu'à une seule conclusion :

"Je suppose que tout ceci nous mène inévitablement à une nouvelle trêve..."

Vu la façon dont s'était terminé la première, il était clair que ça risquait d'être difficile. Mais le Tarenth et la princesse humaine avait raison sur ce sujet là, les ennemis de Vraorg n'auraient absolument aucune chance de s'en sortir si ils ne s'alliaient pas. Que ça leur plaise ou non...

« -Je l'espère, sinon j'espère que vous aurez au moins la délicatesse de m'envoyer un nouvel élu pour venir me chercher en cette charmante contrée. »

Après tout, ça lui ferait une ennemie en moins. Mais une alliée de taille aussi, et il le savait autant que la princesse.

« -Mais j'espère que vous dîtes vrai. Sinon, je tenterai de faire de même avec Elwë. Maintenant que nous savons que cette façon de communiquer est possible. Peut être est-ce aussi le cas avec les dragons ? »

La princesse se tut un instant avant de reprendre. Après tout le vampire et ancien chanteur partirait peut être seul. Se détachant des sombres lames et anciens soldats sous le service de l'ancien prince noir.

« -Mais pourquoi les plaines de l'est ? Une avancée vampirique dans cette région est certes le meilleur passe partout pour nos projets futurs, mais n'est-ce pas le risque d'avoir bien trop d'attention sur nous ? La discrétion sera notre principales atout après tout, non ? »

Et attirer un cavalier vampirique vers l'est avec le cheval légendaire d'un prince mort, il y avait mieux. D'ailleurs, la présence seule du cheval prouvait que son propriétaire du temps n'était pas mort. Sinon, il aurait fuit vers une nouvelle destinée.
Mais comme le vampire le disait si bien, il n'y avait plus qu'à attendre. Mais le miroir lui n'attendit pas pour leur montrer bien autre chose. Le passé, un sombre passé, mais tellement ancré dans leur présent. L'ancienne princesse regarda le vampire en haussant les épaules. Elle n'était plus à cela près. Après devoir trouver les îles d'Anghellans, trouver une galerie dans le désert présent sur leur territoire était presque plus facile.

« -Une visite du désert ne vous dit pas ? Sinon, je pense que seules les habitants actuels des dunes de sables nous aideront. »

Les protégés. Certains d'entre eux devaient avoir tenter à comprendre, trouver les forces cachées du désert. Ils seraient un aide précieuses. Mais pour Esmelda aussi la crainte de ne trouver que du sable et passer des années à trouver ces galeries cachées sous une chaude histoire faisait son cheminement dans son esprit, mais elle se le refusa.

« -Si vous partez de cette façon, il est sûr que nous n'y parviendrons pas. Et oui cela nécessite une nouvelle trêve. A deux, du moins, pour le moment, à savoir ce qui doit être fait est une évidence. On ne sait jamais ce qui peut se passer. Pour vous, pour moi. A diffuser ces faits à des personnes de confiance nous permettra d'y arriver. »

Oui la tâche serait grande, trop grande et cela semblait perdue d'avance, mais ils devaient y parvenir, ils n'avaient pas le choix pour vaincre le voleur de cœur. Ils devaient y arriver et ensemble. Alors oui une trêve était inévitable. Indispensable aussi. Il faudrait être fou pour le refuser autant par les capacités physiques du vampire que son intelligence et sa connaissance du monde ancien. Même si le monde dans lequel ils devaient se rendre serait celui de ses ancêtres à elle.

« - Je ne vous fais pas plus confiance aujourd'hui qu'hier et je sais que vous aussi. Tout comme vous retenterez de rendre force à votre peuple dès que cela sera possible. Mais je ferai de même avec le mien. Alors pourrais-je vous le reprocher car cela va à l'encontre de mes valeurs ? Mais pour l'heure, nous devrons nous soutenir. Après tout pour parvenir à cela nous devrons marcher dans les mêmes pas sinon nous nous condamnerons nous même. »

Esmelda lui tendit la main comme pour sceller cette trêve. Futile, éphémère et aussi fin qu'un fil d'araignée, mais peut être aussi fort. Après tout, s'ils voulaient se détester encore, Vraorg devait être réduit à Néant. Il était le seul obstacle à une telle alternative.

Il n'était pas connu pour être du genre à faire preuve de délicatesse, à tort ou à raison d'ailleurs diraient désormais quelques rares élus mais c'était ainsi. Le fait était que si la princesse avait dû mourir sans qu'il ai sa vision il aurait laissé les choses se dérouler sans vraiment sourciller, à peine aurait-il été un peu agacé d'un tel gachis car il était vrai qu'elle l'amusait souvent mais c'était tout. Sauf que la vision en question avait tout changé, il savait désormais qu'il devait la ramener quelque en soit le prix et il n'avait pas la plus petite once d'intention de demander à quelqu'un d'autre de s'occuper de ça, déléguer avait toujours été difficile pour lui. Quand à envoyer Merithyn ou Ambre ici... Il n'en était pas question.

Il nota tout de même le nom du cheval de la jeune femme, elle avait raison. Si Aranwë avait pu l'entendre alors c'était que les montures légendaires en général devaient le pouvoir, après tout elles étaient très liées à la magie supérieure... Il prit quelques secondes pour réfléchir puis secoua la tête :

"Je ne pense pas que les dragons le puissent. Leur force brute est puissante parce qu'elle est tirée de la magie Supérieure mais ils ne l'utilisent pas en tant que telle. Ils s'alimentent de la trame qui elle même est alimentée par la haute magie, c'est différent et bien moins lié aux Esprits... J'ai toujours soupçonné les Légendaires de tirer une partie de leur puissance de la magie Supérieure. Peut-être pas de beaucoup, un fragment, un souffle, mais c'est suffisant pour les rapprocher plus des frères Esprits que n'importe quelle autre créature."

Bien sur ce n'était qu'une théorie difficile à vérifier mais elle tenait la route et pourrait expliquer bien des choses. L'immortalité de ces bêtes notamment, ils ne se contentaient pas de revivre une fois comme les vampires mais plutôt à l'infini. Il voyait mal comment la trame seule pourrait alimenter un tel pouvoir. Il garda un court silence après cela, n'ayant jamais apprécié ni jamais trouvé utile de partager ses plans. Les gens n'avaient pas besoin de ça pour le suivre et le plus souvent moins ils en savaient et mieux c'était. Mais la donne avait changé avec Vraorg, aussi se décida-t-il à souligner avec froideur :

"Nul n'est moins discret que celui qui prend soin de se cacher dans l'ombre. Et nul ne l'est plus que celui qui choisit de se dissimuler au beau milieu de la bataille."

Et il avait bien choisit ses mots d'ailleurs car bataille il y aurait sans nul doute. Encore des morts et des lamentations aux yeux de la princesse mais lui n'y voyait qu'un écran et de solides opportunités de faire basculer la guerre. Comprenant qu'il n'était sans doute pas assez clair, il compléta :

"Merithyn devra de toutes façons s'éloigner énormément de Vraorg avant de pouvoir nous rappeler. Je ne sais comment cela fonctionnera mais il s'agira forcément de très haute magie, de quoi alerter notre Voleur de Coeur même si il se trouve à des lieux de là... J'aime autant que ce soit le cas. Il le comprendra et emmènera Ambre ainsi que tout ceux qui peuvent s'avérer important pour la suite. Quoi de mieux pour y parvenir que l'excuse d'une campagne à mener à l'Est ?"

Rien d'autre n'aurait pu permettre à l'ancien Baptistrel d'emmener la quasi totalité de l'armée vampirique dans les plaines, et il faudrait aussi qu'il ruse pour emmener Ambre et tout ceux qui pourraient être importants pour la suite. Lorenz voulait les savoir aussi loin que possible de Vraorg lorsque celui-ci comprendrait la manoeuvre. Si il réagissait comme l'ancestral en cas d'échec, il y avait fort à parier que beaucoup de gens autour de lui allaient payer cher pour ça... Lorenz prenait simplement la précaution de protéger à la fois ses proches et son peuple. On pouvait dire ce que l'on voulait mais il n'avait aucunement l'intention de sacrifier l'armée qu'il avait eut tant de mal à constituer, et puis il était responsable d'eux, à sa façon...

"Nous n'aurons peut-être pas le choix. Mais je l'éviterai si je le peux."

Il haussa les épaules, pas dupe de la façon dont il serait accueillit chez les Protégés. Une autre raison de faire venir les impériaux dans les plaines car il ne doutait pas de parvenir à rallier la majorité des vampires à sa cause et donc de récupérer ses troupes. Une précaution utile lorsqu'on s'attendait à être mal reçu et lorsqu'on était aussi prudent qu'il l'était. Et si par dessus tout il pouvait totalement éviter d'avoir à les rejoindre alors il ne s'en porterait pas plus mal, mais il n'y croyait qu'à moitié. La colère de Vraorg serait terrible pour ceux qui se trouveraient du mauvais côté de la barrière au mauvais moment, les protégés seraient dans sans doute une solution de repli bonne à connaître.

Il fronça les sourcils lorsqu'elle le sermonna, son optimisme forcené était toujours aussi agaçant. Si il était devenu ce qu'il était aujourd'hui c'était justement parce qu'il avait toujours vu les choses en noir et qu'il s'était servit de ce pessimiste pour voir le pire arriver et l'éviter à chaque fois, il n'avait donc pas de raison de changer. A voir tout en rose on finissait fatalement par se faire surprendre et par aller dans le mur. La preuve elle était morte ! Bon lui aussi c'était vrai, mais lui il avait vu le coup venir. Il écouta son petit discours sans bouger un muscle, pas même lorsqu'elle lui tendit la main :

"Nous ferons ainsi, parce que c'est la meilleure chose à faire. Mais ne m'en demande pas trop petit moineau. Je ne suis pas l'un des vôtres, je ne le serai jamais. "

Et il se détourna, sans haine ni hostilité véritable avec avec une ferme indifférence vis à vis de sa main tendue. Vampire il était, vampire il resterait.

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