Protecteurs [•Christan, Leohana•]

-- 6 Janvier, an 5 de l'ère d'Obsidienne

Dawan était revenu depuis peu de temps au sein du protectorat, et déjà il avait repris ses habitudes. Rien ne lui paraissait avoir changé, ici. Il retrouvait ses maitres, et son protégé humain. Auprès des maitres, il accomplissait ses tâches habituelles. Des soins, surtout (il devenait vraiment bon en soin), mais également, et c'était un des avantages de leur nouvelle situation, des cours. Il se souvenait amèrement de l'an Deux, où ils avaient tant et si bien été accaparés par les soins à apporter aux vivants de ce monde que les maitres avaient perdu le temps qu'ils offraient normalement aux cours des Enwrs. Ils reprenaient, petit à petit. Une bonne chose. Elle signifiait qu'ils étaient moins chargés. Certains Enwrs pouvaient également donner cours, ceux en fin de formation. Ils apparaissaient comme des récompenses dans les journées du vièliste. Auprès de Fabius Kohan, l'humain qu'il devait aider, ses tâches étaient différentes. Il faisait principalement acte de présence, lors d'événements officiels. Parfois Fabius lui demandait de la musique. Parfois il l'emmenait voir Silaraë, celle qui les avait soutenus dans leur fuite dans le désert.
Il alternait, entre l'un et l'autre. Ses journées s'en retrouvaient chargées, et ne lui offraient que peu de temps véritablement "libre", où il décidait par lui-même de ce qu'il faisait. Ses nuits étaient courtes, ses repas rapides. Depuis quatre ans, il avait perdu un peu du peu de poids qu'il avait. La nouvelle de la vampirisation de l'ancien Gardien de l'Ordre n'avait pas aidé à le pousser en sens inverse. Il n'était pas malheureux. C'était du moins ce qu'il s'efforçait de penser. Faisant fi des malheurs qui s'étaient abattus sur eux, il cherchait à se donner envie de sourire, pour soutenir son humain, et la dragonne qui en avait tant besoin. Elle, elle était malheureuse. Lui… À quelle sorte de peine pouvait-il prétendre ?

Un tintement bien caractéristique précédait la vue de l'Enwr, alors qu'il s'avançait dans les souterrains du protectorat. Il portait à son pied un tambourin, qui marquait le rythme de ses pas. Sur son dos, l'étui avec sa vièle, habituel. À ses poignets, l'amulette de protection, et le bracelet tant chéri d'Elewyn. Suite à ses indications, il avait prié Feu et Mort. Enormément. Il n'avait pas cessé en les sachant incarnés, et respectait au grand minimum une prière le matin et une le soir. Ses appartements avaient un autel qui y était dédié. Ses habits habituels étaient désormais ceux d'un elfe du désert. Quel surprenant concept, tout de même. Ce n'était pas là leur environnement...
Il lui semblait que le tintement du tambourin résonnait, dans ces galeries. Son regard se perdait autour de lui, alors qu'il murmurait un chant sans paroles. Perdu ? Pas vraiment. Il savait où il était, mais se laissait un peu errer. Il ne l'avait pas choisi, son esprit le lui avait imposé, comme s'il ne tenait plus d'être ainsi enfermé. Marcher, voir des choses… Laisser ses pensées s'égarer. Il n'aimait pas le faire, elles revenaient toujours vers de sombres idées. Pour le moment, tout se passait bien…
Bientôt, il vit une silhouette qu'il reconnut entre mille. Le prisonnier alayien qu'il avait soigné ! Il l'aimait bien. Il lui avait dit la vérité sur son peuple, vérité que Merithyn avait confirmée. Oh, cela lui faisait plaisir de le voir, et de le voir sain et sauf ! Les Alayiens se faisaient rares.

Il commença à sautiller autour de lui, rayonnant de bonheur, accompagné d'un "gling" à chaque rebond. Sur ses traits se dessinait ce sourire si particulier qu'il avait, celui qu'on avait voulu apprendre à sa soeur, et qu'il avait honteusement chapardé au passage. Et comme il bondissait, il chantonnait gentiment une comptine qu'ils avaient enfin récupérée des Alayiens. Il ne s'arrêta que pour se poser. Heureux comme tout, il n'en entendit pas les paroles de son ami humain, et n'eut de réaction que lorsque le premier coup de poing frôla ses cheveux. D'un preste et gracieux bond en arrière, il l'esquiva. Voyant que Christan cherchait à lui en asséner de nouveaux, il prit doucement la poudre d'escampette. En même temps, il n'avait pas besoin de courir vite. Entre un elfe et un humain couvert d'une armure, la victoire était obtenue d'avance. Il sautillait donc, devant lui, chantonnant toujours la comptine Alayienne, comme s'il ne l'avait pas vu.

@Christan Weren @Leohana Sywel

Que de la crotte ! Et de la peste bon sang ! Il commençait vraiment à vouloir prendre chacun des protégés présent dans ces grottes pour leurs filer des claques, ce conseil avec les autres généraux protégés avait été d'un agaçant ! Il avait juste envie de se défouler sur quelqu'un, déjà que se montrer aussi patient ne lui était pas naturel, il n'y avait que Néant pour justifier un tel dévouement implacable de sa part il avait en plus du se montrer conciliant. Autant dire qu'il y avait en lui une certaine frustration qui avait presque envie de trouver un exutoire… Enfin bon il allait s'entraîner, ce serait sans doute une idée… Car là il avait presque des envies de meurtres…

Ouais, et surtout la situation actuelle du protectorat qui était pour tout sauf pour le réjouir. Tout ne cessait d'empirer, et sachant qu'étant général beaucoup de choses dépendaient de lui une certaine pression reposait sur les épaules de Christan. Tout ceci était compliqué, et il ne savait pas pourquoi, certains se réjouissaient à l'idée d'avoir autant de responsabilité, pas qu'il ne s'en pensait pas digne, mais ce qu'il avait bien peur c'était de ne pas être à la hauteur… Non ! Non ! Il n'était pas un faible, il vaincrait, et avec lui la cause alayienne triompherait. Il compté bien remporter ce conflit contre Vraorg le blanc, il ne savait pas encore vraiment comment, mais ce qui était sûr c'est qu'il y réfléchissait avec une certaine application.

Et malpeste ! Il était en pleine réflexion sur le chemin, alors que cette… Ce d'elfe… Venait l’agacer avec ses chansonnettes, et ses sautillements ! Il avait un problème ce crétin !? Bon sang par le Néant… Déjà qu'il devait supporter l'idée de ne pas pouvoir lui arracher les boyaux pour les lui faire gober, il supportait en plus ses enfantillages, alors qu'il avait sérieusement mieux à faire…

« Casse toi ! » Lui dit-il sèchement tout d'abord, alors qu'il serrait déjà les poings avec rage à la vue de cet elfe… Il avait vraiment les nerfs à fleur de peau, et il ne se sentait pas d'humeur à supportait cela plus que de nécessaire. Avec pratique il remit sur sa tête son casque qu'il avait enlevé auparavant pour le conseil.

« Je t'ordonne de me laisser tranquille ! » Commença t-il à dire plus férocement en haussant le ton, et de plus en plus rageurs alors que l'elfe chantonnait une comptine alayienne. Oh qu'entendre cela dans la voix de cet impur le mettait en rage, il ne méritait en rien de pouvoir exprimait les paroles d'une création d'un peuple digne ! Bon sang, mais il allait le laisser tranquille pour de bon ?!?

N'en pouvant plus assez vite Christan voulut le repousser d'une manière assez percutante, au pire il n'aurait pas trop de mal à se justifier, de toute façon on n'allait pas l'enquiquiner pour avoir donner une petite leçon à et elfe. Ce dernier de toute façon esquive le coup de poing… Christan fut frustré par ce fait, mais n'abandonna pas pour autan en voyant l'elfe fuir.. Oh il avait une petite idée… De toute manière il n'y avait personne aux alentours à part Christan, et cet elfe... Personne n'irait l'embêter avec ceci...

Il prit donc en main un objet qu'il avait à la ceinture. Une sorte de bolas, l'elfe ne le regardait pas… Christan sourit de façon carnassière, et lança avec une certaine adresse le bolas qui n'eut pas grand mal à s'enrouler autour des jambes de Dawan qui tomba lourdement...

"Tu va le regretter..." Dit Christan avec froideur en se rapprochant de l'elfe qui était lamentablement tombé au sol, en espérant qu'il ait bien mangé le par terre en roche tiens! Il n'allait pas le tuer, mais lui faire passer un sale quart d'heure, ça oui!

Cela faisait déjà quelques temps que Leohana avait rejoint le Protectorat mais elle avait toujours du mal à s’y faire. Les forêts de son enfance avaient disparu, détruites par la guerre des Esprits. Elle ne leur en voulait pas mais il y avait quand même ce creux minuscule au fond de sa poitrine. Elle se revoyait grimpant aux arbres, essayant d’échapper à des poursuivants imaginaires. Ce temps était révolu et plus aucun Elfe n’aurait cette chance.

Pourtant, malgré ce chagrin, la jeune Sywel s'était assez bien intégrée au Protectorat. Comme elle ne voulait pas se lier les mains derrière le dos en s'engageant trop avant dans tel ou tel poste, elle resta simple civile, vacant à différentes occupations selon que l'on avait besoin d'elle ici ou là. Cette situation lui permettait de faire un peu de tout et d'aider les autres alors elle s'en contentait très bien, du moins pour l'instant. Toutefois, elle aspirait à autre chose, quelque chose de plus stable. Etait-elle entrain de grandir ? De se préparer à renoncer à sa liberté ? Leohana n'en était pas encore là, loin s'en fut, mais elle en prenait doucement le chemin...

La jeune Elfe revenait de sa journée de travail auprès des cultivateurs et réfléchissait à ce qu'elle voudrait que soit sa journée de demain, et toutes celles qui suivraient, lorsqu'elle opta pour un petit détour avant de retourner à ses quartiers où elle n'aurait plus rien à faire. Et pourquoi pas chercher Dawan, histoire de discuter un peu avec lui ? C'est ainsi qu'elle se retrouva à errer dans le Protectorat, épiant le moindre son de vièle ou du tintement qui l'accompagnait depuis quelques temps déjà et qu'elle aurait su distinguer entre dix. Elle finit par l'entendre et se laissa guider par son ouïe. Bientôt, la voix de son frère rejoignit le tintement et un sourire éclaira le visage de la dernière des Sywel. Elle aimait entendre son aîné chanter, cela voulait dire qu'il allait bien. Elle était beaucoup plus inquiète quand il restait silencieux.

Soudain, des éclats de voix se firent entendre, couvrant temporairement la voix de Dawan. Un doute s'insinua en elle et, faisant passer son arc par-dessus sa tête pour le dégager de son torse où il était toujours lorsqu'elle ne l'utilisait pas, elle partit au pas de course dans la direction que lui indiquait ses sens. La scène qu'elle découvrit la fit frissonner d'effroi. Son frère était à terre, les jambes jointes par des bolas et un homme se baissait sur lui pour le frapper, cela ne faisait aucun doute. *Et si je n'avais pas cherché à lui parler ce soir...* ne put-elle s'empêcher de penser. Elle savait que son frère avait refusé la violence en devenant Baptistrel, même si Dawan n'avait jamais été violent et ne le serait sans doute jamais, avec ou sans Baptistrel. Et puis, il n'aurait jamais pu se défendre seul contre cet humain qui était un guerrier habitué au combat. Le premier coup de pied toucha le Chanteur au visage avant qu'elle n'ait réagi. Elle ne perdit pas une seconde de plus et encocha une flèche. Où elle se tenait, il n'avait qu'à relever la tête pour la voir et elle espérait bien que ce serait ce qu'il ferait.

-Reculez-vous immédiatement où cette flèche s'enfoncera dans votre torse dans quelques secondes, énonça-t-elle d'une voix posée, froide.

Comme l'homme ne faisait pas mine de bouger, elle décocha le trait qui traça une ligne de feu sur le flanc de l'assaillant. Elle plaça une autre flèche sur la corde de son arc et se remit en position.

-Il n'y aura pas d'autre avertissement, prévint-elle en parvenant à conserver son calme.

Oui, la prochaine fois, elle ne se contenterait pas de frôler l'inconnu, elle enfoncerait sa flèche au plus profond de sa chair. On ne touchait pas impunément à Dawan, pas temps qu'elle pourrait le protéger. Ses muscles se détendirent, prêts à laisser filer un autre trait.

Il n'avait rien vu venir, la scène était derrière lui. Lorsqu'il sentit la corde autour de ses jambes, il était trop tard pour songer à une quelconque esquive. Il eut le réflexe heureux de tendre les mains vers le sol. Le choc parcourut ses paumes, ses coudes. Par chance, il évita à sa tête d'encaisser la rencontre avec la pierre. Cela ne l'empêcha pas de se trouver un peu sonné par un tel changement de situation. Il lui fallait réaliser ce qui s'était passé exactement, ce qui n'était pas simple, au milieu de ses protestations mentales, et de cette partie de lui qui tentait de lui faire admettre qu'il était encore debout. Et cette comptine alayienne qui se mêlait au tout… Pas facile de prendre conscience de sa nouvelle situation dans ce genre de cas.
Il lui semblait même re-découvrir le poids de son propre corps lorsque le coup l'atteignit. Un petit coup, qui ne lui apporta aucune information. Maintenant qu'elle n'était plus couverte par son chant, la voix de l'Alayien lui parvenait. Mauvaise humeur. Il ne comprenait pas… Il n'avait rien fait de mal. Il avait dû manquer un épisode. Une absence… Il croyait que cela ne lui arrivait plus. Se mordant la lèvre, le petit elfe se redressa difficilement, et commença à libérer ses jambes, pas plus soucieux que cela de la possibilité de subir un nouveau coup, dans les jambes ou dans le visage. Il était prêt à faire part à Christan de toute son amitié et de l'envie de le soutenir, lorsqu'une voix qui n'était pas des deux attendues résonna en ces lieux.

Il la reconnut immédiatement, il sut tout de suite ce qui allait se passer. Leohana ! Elle ne pourrait comprendre, non, c'était impossible. Et si jeune, si impétueuse, sa jeune soeur… Sa voix lui paraissait être un compte à rebours avant le drame. Il détacha à gestes précipités les bolas autour de ses jambes. Une première flèche était partie. Plus vite, plus vite ! Dracos, que cette comptine restait en tête !
Finalement, il y parvint, alors que la voix de sa soeur offrait un nouveau compte à rebours. D'un bond, il se redressa, et vint se mettre entre les deux opposants. Une main tendue, ouverte, vers Leohana, l'autre tendue vers Christan.

"- Cessez !" Il n'avait pas haussé la voix, avait parlé juste assez fort pour être entendu des deux partis, assez lentement pour que les échos environnants n'entravent pas la compréhension de ses paroles. Il avait toujours cette voix très douce, et trop aiguë pour un mâle. Une voix de doux rêveur. Il espérait que sa main tendue vers Christan suffirait à le maintenir à distance, l'empêcher de faire quoi que ce soit. Dawan eut une sorte de demi-soupir. Il se tourna ensuite vers sa soeur. "Leohana, baisse ton arme, toi qui sais que je ne mens pas. Approche-toi, fais-moi confiance." Il paraissait lointain, désormais. Sa voix avait quelque chose d'absent, son regard était dirigé vers Leohana sans vraiment la regarder. Les idées se bousculaient dans sa tête. Il revoyait cet homme, ce général, emprisonné, tel qu'il l'avait rencontré. Il le voyait ensuite comme il avait pu l'observer, au loin, haut dignitaire du protectorat. Dracos, que le temps passait… Et Leohana avait changé, elle aussi. Même depuis Aigue-Royale. Lui-même… Il avait un poids sur le poignet. La comptine perdait sa mélodie, remplacée par un courte chant qu'il murmurait, parfois. Pour Feu, et pour Mort. Il respirait trop fort.

"- Que tes flammes nous consument de leur force et puissance, ô Feu, et que nos âmes elles exhument l'essence…" Il reprit une longue inspiration, laissa s'écouler quelques secondes de silence. Il allait parler. Il prenait son temps, comme à son habitude. Quelque part, maintenant, il n'avait plus peur. Il ressentait même cette petite joie que l'on a en rattrapant de justesse la plume qui tombe du pupitre. Seulement, il avait été trop préoccupé pour en profiter. Maintenant, son esprit était un peu plus clair. Il allait pouvoir s'exprimer. Accompagnant ses paroles de mouvements de main, il parla d'abord à sa soeur: "Je te présente Christan Weren. En l'absence d'Aldakin du Néant, il est général de troupes alayiennes. Cet humain-là vénère Néant plus que tout autre Esprit. Il la nomme l'Unique, elle guide nombre de ses pas. Néant fut la première, avant même Océan. Te souviens-tu de mars, il y a bientôt trois ans ? La canicule, les éléments devenus fous… Néant venait de subir un coup. Notre monde avait perdu son équilibre. Nous avons besoin tant d'elle que des sept frères." Il était apprenti baptistrel, l'harmonie était un de ses principaux soucis. Elle s'en douterait. Elle comprendrait, il le savait…

"- Il ne nous ressemble que peu." C'était peu dire. Ne serait-ce que par l'odeur… Il sentait toujours autant, si ce n'était plus. Dawan plissa brièvement le nez. "Il est humain, il vient d'une autre terre, n'utilise pas la magie comme nous le faisons. Pourtant, nous avons un but commun. Le protectorat connait bien des difficultés, en ce moment…" Pour être auprès de Fabius, il ne les connaissait que trop bien. Manque de moyens, de toutes sortes. Conflits divers et variés. Décisions difficiles, et dragonnes dépressives… "Nous devons néanmoins nous rappeler de ce qui nous unit. Ce monde ne doit pas sombrer par notre incapacité à voir au-delà. Christan Weren est un allié. " À ce titre, nul au protectorat ne devait lever la main sur lui. Alors, il affichait à nouveau un doux sourire. Un bref rire lui échappa. Une étincelle était passée dans son regard, comme une pensée rebelle. Il se tourna vers Christan, la tête légèrement penchée sur le côté. Il tendit sa main vers l'Alayien, paume vers le haut.

Christan se rapprocha calmement de ce stupide elfe, ce dernier était tombé par terre, et étrangement ne semblait pas remuer… Christan eu un instant d'hésitation… Il est vrai que les lois du protectorat n'autorisaient pas vraiment la violence entre les protégés, et là pour le coup il venait peut-être de tuer l'elfe… Peut-être pas, mais ce dernier avait l'air tellement faiblard qu'il y avait des chances que ce soit, enfin Christan voulu voir si ce dernier réagissait un donnant un coup de botte pour que le fot-en-cul à oreille pointue réagisse. Il ne manquerait plus que ça qu'il ait tué un protégés… Lui qui était général cela risquait d'avoir des conséquences assez grave sur les relations alayiennes non alayiens ce qui serait sa faute… Pas qu'il se souciait vraiment de s'entendre bien avec ces infidèles, mais cela nuirait à l'effort de guerre… Et cela il ne le tolérerait pas...

Puis Christan, alors qu'il attendait une réaction de l'elfe entendit une voix féminine non loin qui lui demanda de reculer… Un témoin, décidément tout se compliquait pensa t-il en portant machinalement sa main gauche dans son dos pour prendre un main son large bouclier en métal. Surtout quand il entendit une flèche crisser légèrement contre les plaques d'acier protégeant son torse. Cette idiote pensait vraiment que cela l'effrayait. Elle risquait d'avoir des soucis pensa t-il...

« Tu aurait dû viser pour toucher au but dès le premier tir, tu n'aura pas de deuxième chance, baisse ton arme où tu le regrettera. » Se contenta t-il de dire froidement en se tenant déjà prêt. Son bouclier en main gauche, et sa main droite qui approchait de la manche de sa dague de jet. A ce stade là c'était de la légitime défense de toute manière, si il avait tué par accident l'autre andouille il doutait qu'elle reparte sans rien dire. De toute manière il n'était pas du genre à reculer devant qui que ce soit, de cela dépendait son image de général. Néanmoins avant qu'il ne se reçoive une flèche dans le genoux probablement ,et que lui, et l'autre finissent en prison pour coup, et blessure à camarade protégé l'autre efféminé vint réagir à sa place…

Christan s'arrêta malgré tout à la voix de l'elfe… Pas que cela lui plaisait d'obéir à lui, mais ce dernier venait sans doute d'offrir une aide bienvenue, disons que Christan manquait de diplomatie, et si l'autre pouvait négocier d'une façon moins brutale que lui tout le protectorat s'en porterait sans doute bien mieux.

Christan machinalement retira sa main de sa dague, et rangea son bouclier… La dispute à ses yeux était terminé, pas qu'il n'était pas encore à cran, mais il ne pouvait pas se permettre ce genre de chose en tant que général, il aurait du y penser sur l'instant au lieu d'envoyer les bolas… Autant ne pas aggraver les choses si possible. Il avait trop de responsabilité pour pouvoir se permettre de violer ainsi les loi du protectorat.

Une prière à feu. A bien calculer il n'en avait rien à faire depuis le temps, il y a trois ans cela lui aurait donné des envies de meurtre, mais maintenant il avait finit par s'y habituer, et puis s'il pouvait prier à voix haute Néant il n'allait pas s'en plaindre car dans la théocratie ce droit n'était pas autorisé. Il préférait le laxisme religieux d'ici, que la tyrannie pour Vraorg de la théocratie.

L'elfe le présentait à l'autre elfe, en somme il tentait d'apaiser la situation pensa Christan, avant de donner sa juste part au Néant. Oui le premier de tout les esprits, le plus dignes, et glorieux. Il avait toujours eu du mal à imaginer que les 7 autres soient nécessaires, mais sans eux il ne pourrait même plus vénérer Néant à l'heure actuelle. Il ne se voilait pas la face, Vraorg avait était responsable de la guerre entre Néant, et ses frères il y a longtemps de cela. Au final même lui savait que ces derniers n'avaient faits que s'opposer au blanc… Sa vision des chose avait changé depuis le temps, et sa haine s'était dévoué corps, et âme à l'égard des théocrates, et de leurs maudit dieu… Celui qui était responsable de tout ses malheurs à lui, son peuple, et d'une certaine façon aux Armandéens. Tout cela n'avait était qu'une gigantesque farce organisait par ce dragon blanc...

Il devait l'avouer même si c'était désagréable que l'autre avait raison, il avaient un but commun, et la victoire importait plus que tout. Au final Christan nota aussi le fait que cet idiot avait du cran… Une qualité d'une certaine manière, dans tout les cas Christan pour sa part s'apaisa un peu sur ces quelques réflexions. Oui il aurait été bête de tout gâcher par un bain de sang, son but était de tuer Vraorg, pas de se déchirer avec les rares alliés qu'il avait même s'il avait encore du mal à les supporter, il devait le faire vaille que vaille au nom de l'unique. Et puis… Il était général, l'un des deux dirigeants alayiens du protectorat à l'heure actuelle, il appartenait à lui d'améliorer la cohésion de cette alliance. Non pas parce qu'il le voulait, mais parce que c'était nécessaire.

Christan regarda ensuite l'elfe qui lui tendit la main, il avait envie de repousser celui-ci, mais vraiment… Néanmoins sèchement il prit la main de ce dernier. C'était son devoir après tout, et il avait autant besoin des elfes que ces derniers avaient besoin de lui, et de ses hommes pour vaincre. Un constat amère, mais c'était là la vérité. Une amère vérité qu'il devait accepter s'il espérait un jour vaincre.

« Tu as vu juste l'elfe. Nous sommes alliés. » Cela lui faisait mal de dire cela, mais il le devait bien. Après tout sinon s'il ne le faisait pas cet incident serait un futur sujet de tension dans le protectorat, alors que… Avec un effort mêem douloureux cela pourrait aussi servir d'exemple aux hommes, un chef devait diriger par l'exemple pas que par la force. Il n'allait pas pour autant se jeter dans les bras des elfes, mais il pouvait accepter une main tendue, et en tendre une autre en échange. C'était un pas en avant, et cela permettrait que tous soient sûr dans le fond de leurs âmes que le vrai ennemi est Vraorg avant tout.

« Je me suis emporté, les tensions, et les haines de hier ne ce sont point apaisés que ce soit dans mon cœur, ou dans celui des autres protégés. Néanmoins nous sommes unis pour un but commun, et fasse à un ennemi qui représente le mal suprême pour toute chose. » Dit-il calmement, ceux qui regardaient les yeux scintillant derrière son casque voyait détermination dans son regard, il désirait plus que tout vaincre le tyran blanc, et aucun sacrifice pour ceci ne serait trop lourd à payer. Ce qu'il faisait en cet instant n'était qu'un sacrifice parmi tant d'autres...

« Et au nom de cette alliance, et surtout au vu du fait qu'en tant que chef je dois me comporter de manière à être un exemple je vous prie donc de m'excuser Dawan pour ma manifestation de mauvaise humeur. Nous ne devons pas laisser ce genre d'idiotes nuire au protectorat après tout. » M'excuser ! Par le Néant, et les 10000 lames de l'alayia, ce simple mot lui avait fait l'effet d'une dague qui l'émasculer sans parler des autres mots, mais il prit sur lui-même. Que ce soit au nom de l'alayia, du Néant, et du protectorat. Pour sa part il restait ensuite silencieux suite à ces quelques propos, en dire plus lui demandait un titanesque effort, autant attendre que les elfes parlent avant. Pour sa part il essayait d'avaler ce qu'il venait de dire...

Du coin de l'oeil, Leohana vit son frère s'agiter. Au moins une bonne chose, il n'était ni mort, ni inconscient, ni trop amoché. Le connaissant, elle aurait dû se douter de la suite des événements. Le baptistrel parvint à se libérer des cordes qui enserraient ses chevilles et à ehapper à la surveillance de l'inconnu. Il se posta entre l'Alayien et l'Elfe, tendant les mains de chaque côté pour les empêcher de réduire la distance qui les séparait. *Il ne va quand même pas prendre sa défense...* s'exaspéra-t-elle. Mais il était bel et bien entrain de faire ça. Sa soeur ne put que penser à l'Elfe aux yeux gris comme à un irrécupérable pacifiste naïf. Et pourtant, elle savait que ce n'était pas vraiment ce qu'il était.

La petite Sywel connaissait ce regard absent que son aîné venait de poser sur elle alors qu'il leur commandait de cesser cet affrontement. Elle se demanda ce qu'il pensait. Il avait un petit quelque chose de changer même si elle n'aurait su dire quoi exactement. La jeune Elfe téméraire resta parfaitement immobile, attendant que son frère s'explique. Parce qu'elle ne doutait pas qu'il le ferait. Sa posture était toujours la meme, la corde de son arc touchant sa joue, sa flèche était pointée vers la poitrine de son frère et non celle de l'inconnu qui l'avait agressé. Elle abaissa doucement son arme jusqu'à replacer la flèche dans son carquois.

-Tu ne devrais pas faire cela, Dawan, murmura-t-elle, furieuse.

Elle remarqua alors que son frère ne devait pas l'avoir entendu, occupé qu'il était à dédier une prière à Feu. Respectueuse bien qu'impatiente, Leohana se contint une nouvelle fois et laissa à Dawan le soin de rompre le silence qu'il avait laissé s'installer par des explications. Ou, qu'il lui dise pourquoi elle devrait faire confiance à un Alayien, un de ceux qui avait voulu les voir disparaitre. Il fallait bien avouer qu'elle avait déjà baissé son arc à la demande de son frère mais de là à accorder sa confiance à ce... cet homme, elle avait encore quelques réserves bien justifiées. Lorsqu'il reprit enfin la parole, ce fut pour présenter l'inconnu. Un général Alayien, un Protégé. Oui, elle se souvenait parfaitement de mars, il y a de cela trois ans. Sa vie ainsi que celle de ses parents n'avaient pas été des plus faciles alors que le monde semblait sur le point de s'effondrer. Et pendant cette période désastreuse, elle n'avait pas quitté d'une semelle son grand frère baptistrel, veillant sur lui comme sa mère ne pouvait le faire. Oh, elle avait été si discrète qu'elle douta qu'il ne le sache. Mais il avait bel et bien était le centre de son existence à cette période-là. Elle connaissait déjà les paroles qui allaient suivre et elle ne pouvait contredire son frère. Il avait raison, toutes les forces alliées devaient combattre à l'unisson contre Vraorg et ses sbires.

Le général Alayien prit à son tour à parole pour appuyer les dires de l'Elfe. Comme si la petite Sywel avait besoin de ça. Mais elle l'écouta avec respect compte tenu de la situation. Décidément, que ne ferait-elle pas pour son frère et même pour ce foutu Protectorat ! Pas grand chose, à ce qu'on dirait puisque, une fois que Christan eut présenté ses excuses -excuses auxquelles l'archère n'accordait que peu de valeur, mais un peu quand même- elle fit de même, se surprenant même par son tact.

-Je vous prie de m'excuser, général Weren, j'ai vu un danger menacé mon frère et mes émotions l'ont emporté sur ma raison. J'espère que nos débuts difficiles n'entacheront pas notre relation d'entraide entre Protégés. Et excuse-moi Dawan si je t'ai déçue. Je ne voulais que te protéger.

Elle poussa un soupir exaspéré et finit par sourire. Elle sentait encore ses doigts la démanger. Elle aurait aimé pouvoir enfoncer une flèche dans la chair de cet homme adorateur de Néant, mais elle avait choisi de s'excuser pour le bien de son frère et du Protectorat. Il était vrai que les temps étaient difficiles pour eux, inutile de les compliquer encore en créant des tensions entre les Alayiens et le peuple le de la forêt -bien que celle-ci n'exista plus-. Dans le regard de son allié forcé, elle décela la même émotion. Aucun doute, il s'était forcé aussi à prononcer ces excuses. Alors, dans un élan du coeur, Leohana lui tendit une main amicale et demanda :

-Alliés ?

Il n'avait qu'à lui serrer la main et répondre par l'affirmative et il ne risquait plus de se retrouver du mauvais côté de son arc avant un bon bout de temps, bien trop longtemps pour qu'il soit encore en état. Quoique, elle ne devrait pas se prononcer si vite, les choses changeaient tellement ces temps-ci que personne ne pouvait prévoir de quoi serait fait demain. Pour détendre l'atmosphère, elle ajouta sur le ton de la plaisanterie :

-Et, je sais que mon frère peut être extrêmement énervant quand cela lui prend mais évite de le poursuivre à nouveau la prochaine fois que tu le verras. Il serait fâcheux que tu le forces à se défendre, il en ait bien incapable.

Et elle ponctua sa phrase par un petit coup de poing dans l'épaule de son frère accompagné d'un rire tendre. Se souvenant soudain que tous les deux se connaissaient déjà, sa curiosité prit les devants et elle cessa d'être diplomatique.

-Dites-moi, comment vous connaissez-vous ? J'ai surveillé étroitement Dawan ces dermiers temps et je ne me souviens pas de vous lui parlant.

Bon, elle venait d'avouer qu'elle avait pris son frère en filature mais elle doutait que la réaction de celui-ci soit à craindre. Quoique... On ne sait jamais...

Dawan ne regardait pas vraiment Christan. Il regardait au-delà de Christan. Perdu auprès de ses pensées, on aurait dit qu'il avait laissé son enveloppe corporelle figée ici, n'en ayant plus besoin l'espace d'un instant. Sa tête penchait doucement sur le côté, comme si son interlocuteur tanguait. Il n'écoutait pas attentivement ce qu'il disait. Il savait juste que c'était positif, que c'était une réaction dans l'ordre des choses, que la voix de Christan était bien plus harmonieuse ainsi. Ça lui plaisait. Du coup, concrètement, là, ses pensées ressemblaient à "content, content !" à "raaaassuré", à "espoooir". Mais au-delà de cela il y avait d'autres pensées, un peu plus concrètes, sur le protectorat et ses alliances, sur les liens entre protégés. Il était heureux de voir que ses idées n'étaient pas qu'utopies, que le protectorat n'était pas qu'un amas d'animaux traqués qui se toléraient uniquement pour ne pas avoir plus encore la crainte de la mort pesant sur leurs épaules. Ils vivaient une véritable alliance ! Le général le lui montrait, en usant ainsi de sa voix. Il l'avait su, il l'avait toujours su ! Dès qu'en cellule Christan Weren avait commencé à lui parler de sa terre natale, il avait su que leurs affrontements étaient vains, car ils arriveraient un jour à marcher côte à côte !
C'était l'occasion rêvée d'enfin sceller le rêve, l'ancrer dans la réalité, pour qu'il ne s'échappe plus. Il allait montrer à ce monde que les bipèdes n'étaient pas que de futiles et stupides créatures, qu'ils savaient se passer de meurtres et poser les armes, au nom de l'amitié ! Désormais, sa soeur et Christan ne sauraient plus porter la main l'un sur l'autre et, il le savait, sauraient se porter secours si le besoin se faisait sentir ! Peut-être même qu'ils iraient jusqu'à répandre la bonne parole autour d'eux. Et les quelques froideurs qui régnaient encore au sein du protectorat se verraient apaisées...

Oui, il fallait faire cela ! Si les Grands de ce monde s'étaient chargés de l'alliance sur papier, Dawan voulait se charger de l'alliance effective. Cela lui arracha un petit rire, alors que sa soeur lui mettait un petit coup sur l'épaule. Il n'avait rien écouté du tout, occupé qu'il était à l'imaginer aux côtés de Christan, comme des amis de longue date. Il savait que leurs parents avaient déjà quelques réticences par rapport aux humains... Le temps n'était plus à cela. Dawan avait eu la chance de beaucoup les côtoyer au sein du domaine, les accepter lui était naturel. Il allait falloir que Leohana l'apprenne également... Mais si pour lui cela s'était fait, et aisément, pourquoi ne serait-ce pas aussi simple pour celle qui partageait son sang ?
Avant que sa soeur puisse poser la question quant à leur rencontre, Dawan glissa une papatte dans la conversation. Un petit "ne bougez pas d'ici, je reviens vite". Aussitôt dit, aussitôt fait. Il partit, vite, agile comme un cabri, avec ses petits bonds de chouette. Ses appartements n'étaient pas si loin, une fois que l'on évitait quelques détours, et une fois que l'on courait...

Il revint, en effet, après quelques minutes, une sacoche dans les bras. Sa sacoche, avec du matériel emprunté à l'Ordre. Ils pouvaient le faire pour leur usage personnel... D'autant plus que là, il n'en avait pas pour longtemps. Ce serait vite revenu.
Christan et Leohana paraissaient ne pas s'être disputés. En tout cas, ils ne s'étaient pas entre-tués, cela faisait plaisir à voir ! Il leur offrit son doux sourire habituel, déposant la sacoche à terre, s'agenouillant pour en sortir le contenu. Marteaux, burins, limes de ponçage, craies... En triple exemplaire. Il disposa tout devant lui.

"- Avez-vous déjà sculpté ?"

La sculpture, au même titre que les autres arts et les sciences, intégrait le cursus de l'apprentissage des Enwrs. Ce n'était pas sa spécialité, elle ne l'exaltait pas autant que la musique, mais il l'appréciait à sa juste valeur.
Et il voyait en elle un moyen de les unir. Pour le protectorat.

"- Les murs de ces cavernes sont nus de toute décoration, de tout travail de tailleur. Elles pourraient être l'antre d'ours plutôt que de bipèdes sans qu'une différence soit visible. Montrons qu'ici vivent des bipèdes, des artisans !"

Le beau mot. L'artisan, celui qui fait, celui qui crée. Et parlant de créer, il leur en tendit une chacun... De craie. Il leur expliqua brièvement: d'abord dessiner la forme, ensuite utiliser le marteau et le burin, les limes...
Il avait hâte de les voir à l'oeuvre !

Il espérait décidément que cette histoire ne s'ébruiterait, non pas car ce n'était pas le comportement qu'on attendait d'un chef car après tout il devait être d'une certaine manière lui aussi un ambassadeur de son peuple donc ne pouvait pas vraiment faire de gamineries, mais par pure fierté personnelle. Décidément il aurait dû rester calme cela lui aurait évité bien des soucis, il faudrait qu'il apprenne à se refréner au moins un peu ne serait-ce que pour éviter des futurs soucis à l'avenir. Il avait déjà assez à faire avec Vraorg, et la guerre après tout pour en plus se permettre de perdre son temps ainsi…

Tout ceci était vraiment agaçant, voilà bien un point sur lequel il était d'accord avec l'elfette. Sérieusement le protectorat était vraiment bien partit avec tout ceci, il faudrait vraiment qu'il fasse vite un prochain raid en première ligne car il avait envie de défouler sa colère sur quelqu'un, et il valait mieux que ce soit sur des suppôts du blanc de préférence. Vraiment si ceci avait dégénéré il en aurait entendu parler pendant des mois. Déjà que les conseils stratégiques avec les autres généraux n'était pas forcément des plus plaisants, et que Christan avait du bien se démener pour acquérir sa juste place, cela risquait de devenir encore plus délicat…

Au moins l'autre elfe s'excusait aussi, cela évitait à Christan de trop être frustré par ceci. Dawan, et elle étaient frères, voilà bien une famille étrange, une famille elfique quoi… Enfin il est vrai, lui même l'avait dit que l'effort de guerre passait avant tout. Si il ne souhaitait pas devenir ami ami avec les créatures de magie, faire en sorte de pouvoir cohabiter avec elle sans forcément qu'il y ait à chaque fois ce genre d’événement ne serait pas du luxe, après tout il fallait se coaliser contre ce sale chien de blanc… Ils serait tant dans le futur de régler, ou non les comptes.

« Allié. » Dit-il impassible en serrant la main de l'elfe, le prochain qui lui dirait qu'il ne faisait pas d'effort en tant que général il lui casserait la tête… Mais vraiment il la lui casserait tellement fort que même le blanc l'entendrait depuis son palais… Enfin au moins cet épisode était passé, ce n'était pas plus mal.

« Je tâcherai de passer par dessus. » Dit-il toujours impassible, après tout ce serait sinon un autre coup à avoir encore les nerfs. La tâche de géneral était déjà assez stressanre sans qu'en plus on vienne encore lui titiller les nerfs…

Puis l'elfette demanda comment il avait connu Dawan ? Christan se demandait pourquoi un frère n'aurait pas raconté ce genre de chose à sa sœur. Il se contenta juste de dire calmement. Après que Dawan soit partit pour faire il ne savait quoi, et sérieusement il n'en avait rien à fiche.

« C'était après la bataille de l'Aube rouge, j'avais été gravement blessé, et capturé par les rebelles, et il était venu me soigner dans une cellule. Bien entendu par magie, pour nous alayien la magie est aussi révulsant que le fait de manger de la viande d'elfe pour un elfe. Je n'ai donc aucunement apprécié la chose, d'ailleurs je ne veux plus jamais qu'il m'approche avec sa magie, je veux bien faire des efforts au nom de l'alliance, mais pas ça. Je compte sur vous pour lui faire rentrer ça dans sa tête. Pour tout les alayiens la magie est contre nature, nous n'irons pas jusqu'à essayer de la faire interdire dans le protectorat, mais composez avec le fait que nous n'aimons pas être en contact avec elle. Cela évitera d'éventuels scandales à l'avenir. » Ce n'était pas que par fierté qu'il disait cela, mais pour éviter d'éventuels accidents diplomatiques, lui qui n'aimait pas le diplomatie cela l'arrangerait s'il n'avait pas à gérer ce genre de soucis.

Il pensa à cette fois où Dawan l'avait soigné avec la magie, immonde ! La magie était une chose qui le faisait vomir, et le protectorat ne changerait rien à cela, rien n'était plus immonde pour les alayiens que la magie. Il voulait bien essayer de faire des efforts pour s'intégrer dans l'alliance, mais moins la magie l'approchait mieux il se sentait, déjà qu'il se faisait violence pour accepter de porter le pendentif offert par les 7 frères de Néant… La magie à ses yeux était source de mal, et de malheur. Elle détruisait le monde, elle avait ravagé ce continent, comme elle avait ravagé l'alayia. Jamais il ne s'abaisserait à en user.

Puis il vit Dawan revenir avec visiblement du matériel, ce dernier après un de ses sourires presque contre nature demanda s'il avait déjà sculpté.

[color=#FF33FF« Oui. »[/color] Se contenta t-il de dire calmement, mais pas beaucoup. Il s'y était mit depuis peu, mais plus pour détendre ses nerfs, et composer avec l'ennui qu'autre chose, bizarrement il aimait ça. Enfin c'était bizarre pour lui car ça n'avait aucun rapport avec le métier des armes…

"Des animaux ? Effectivement par ici cela manque de décoration digne d'un peuple civilisé, je me rappelle de l'art ancien alayien, je ne prétend point pouvoir égaler les architectes d'antan, mais si je peux aider à faire en sorte que mes hommes ce sentent un peu comme chez-eux." Et puis il prenait ça comme un défi pour montrer la supériorité alayienne au niveau de l'art... Si ce n'était pas lui qui le ferait le mieux, les quelques sculpteurs alayiens le ferait, certaisn étaient de ceux ayant aidés à bâtir le grand temple du Néant à Gloria...

Il réfléchissait à cette idée oui sculpter ces cavernes, du côté alayien pour leurs donner un côté alayien ferait du bien au moral des troupes. Cela néanmoins demanderait du temps, et du travail, et il n'avait pas forcément le temps de faire tout ceci lui-même. Néanmoins il y avait une tonne d'artisan dont notamment des sculpteurs qui ne servaient pas à grand-chose pour l'effort de guerre, si on pouvait faire en sorte qu'ils aient une petite utilisé. Et cela permettrait de canaliser un peu les tensions de façon constructive... Si les sculpteurs de chaque peuple se démenaient pour montrer qu'ils faisaient mieux que les autres.

« Je verrai ce que je peux faire avec les quelques sculpteurs parmi les civils, l'idée fera plaisir à tout le monde, mais pour le moment. » Il ramassa une craie, un marteau, et un burin. Sans un mot il se mit à l’œuvre. Il n'était pas sculpteur de profession, mais disons que la chose l'intéressait depuis quelques temps.

Et puis fichtre ! Il n'allait pas laisser des elfes faire tout le travail à cet instant, il fallait bien quelqu'un pour tâcher de défendre ne serait-ce qu'un peu le flambeau alayien ici ! Et puis si cela pouvait l'aider à passer son envie d'étrangler quelqu'un cela lui convenait. Il traça quelques traits de craie, il voulait d'abord essayer de faire simple sobre, mais élégant comme les décoration d'un modeste temple qu'il avait vu dans son enfance. Sans doute qu'il n'y arriverait pas aussi bien, mais bon .. Il appliqua le burin, et commença à frapper fort. Pour le moment il n'avait rien d'autre à faire donc autant s'occuper un peu, et puis il aimait bien la sculpture...

Bien sûr, son frère préféra s’éclipser que de répondre à sa question qui n’était pourtant pas si gênante que cela et plutôt légitime vu la position dans laquelle elle s’était mise pour le protéger de l’Alayien. Heureusement, rester seule en compagnie de cette brute épaisse ne la dérangeait pas plus que cela, surtout qu’il semblait avoir un brin d’intelligence puisqu’il avait accepté sa proposition de cessez-le-feu. Toutefois, elle crut ressentir que quelque chose gênait le général. Elle ne comprit pas ce que c’était et chercher la réponse à cette question occupa une partie de son esprit. Oh, seulement une partie et l’autre ne perdit pas une miette du bref récit de Christan Weren. Ainsi donc c’était la bataille de l’Aube Rouge qui avait fait se rencontrer ces deux êtres si opposés. Il est vrai que les relations les plus invraisemblables ne peuvent naître que lorsque le besoin de l’autre dépasse la haine. Enfin, d’après les émotions que dégageait l’homme, sa haine n’avait nullement été entachée par son instinct de survie. La jeune Elfe peinait à comprendre comment on pouvait haïr à ce point quelque chose qui vous avait sauvé la vie. Décidément, ces Alayiens étaient bien plus complexes à comprendre qu’elle ne l’avait d’abord cru.

Leohana allait répondre à la mise en garde de son nouvel allié quant à l’usage de la magie lorsque le Baptistrel daigna enfin reparaitre. Il portait tout un chargement qui ne laissait rien présager de bon, du moins du point de vue de la cadette des Sywel. Dawan affichait son habituel sourire qui avait le don de calmer sa sœur. Celle-ci se contenta de l’observer tandis qu’il déposait trois assortiments de matériel dédié à la sculpture sur bois. Elle ne répondit pas à sa question qu’elle entendit à peine et s’empara aussitôt d’un morceau de pierre blanche dont elle commença par polir la surface avec soin. Elle poursuivit son travail sans se préoccuper de ce que pouvait dire ou faire ses deux partenaires de travail. Elle perçut quelques bribes de leur discours qu’elle trouva juste et qui l’inspirèrent au-delà de ses espérances.

Quelques coups de craies, une dizaine de coups de burin et puis la lime. Comme si elle avait fait cela toute son existence, elle travaillait sans lever les yeux de son œuvre en devenir et sans avoir besoin de revérifier le travail déjà accompli. Peut-être venait-elle de découvrir son nouveau passe-temps après le tir à l’arc ? Elle ne réfléchissait pas vraiment à la forme finale de son travail, laissant juste son esprit imaginer les courbes, tailler dans le bois tendre. Un peu plus d’une heure après le retour de Dawan, elle posa sa lime et sortit de sa transe créative. L’Elfe aux cheveux couleur des blés cligna des yeux pendant de longues secondes avant de pouvoir admirer son travail dans son ensemble. Mais elle commença d’abord par regarder ce qu’avaient fait ses camarades. Leurs sculptures étaient splendides et Leohana ne put s’empêcher qu’elles étaient exactement à l’image de leur créateur. Puis, son regard se posa enfin sur sa propre sculpture. Ce fut d’abord de l’étonnement qu’elle afficha. Et puis, après une minute bouche bée, un immense sourire éclaira son visage. Elle tenait entre ses doigts fins une flèche unique, entièrement de bois. Elle était si légère que s’en était étrange. Le corps de la flèche était sculptée de torsades et la pointe de flèche était si finement taillée que du sang perla au bout de son doigt quand elle l’y appuya.

Dans un geste de profond respect et après avoir gravé à jamais dans sa mémoire l’image de cette flèche toute en bois, Leohana se leva et marcha vers Christan. Sa voix tremblait presque lorsqu’elle parla.

-J’aimerai que cette flèche vous revienne. Je pense pouvoir dire sans me tromper que vous ne tirez pas à l’arc mais prenez cela comme une marque de respect et le cadeau qui cèle mes excuses pour l’incident de tout à l’heure. L’accepterez-vous ?

Leohana, en posant cette question, essaya de trouver qu’elles étaient les chances pour que l’Alayien accepte. Il n’y en avait pas tellement. La magie n’avait rien à voir dans cette sculpture et ses intentions étaient sincères. Alors, verdict ? Elle ne pouvait s'empêcher de penser à son frère dans un tel geste. Qu'elle avait changé depuis qu'elle avait quitté la forêt des Elfes ! Mais lui aussi avait changé, elle le sentait. Etait-il conscient de ces changements ? Comprenait-il qu'elle avait grandi et qu'elle lui ressemblait bien plus qu'elle ne l'aurait pensé ? Cette flèche était à son image mais son geste était à l'image du Baptistrel. Son chemin vers la sagesse était encore long, cependant elle venait de faire un pas de plus dans la bonne direction. Elle offrit un sourire tendre à son frère et lui adressa même un clin d'oeil.

**Qu'en penses-tu Dawan ? Que dois-je faire maintenant que je grandis ? Aide-moi à ne pas me tromper, s'il te plait...** lui demanda-t-elle.

La vie était ne chose vraiment compliqué, et il n'aurait jamais cru un jour devoir essayer d'être diplomate avec des elfes, mais il le fallait bien au nom de l'effort de guerre, après tout il fallait être pragmatique. Si c'était pour vaincre Vraorg autant le faire après tout. Mais c'était gênant, et sérieusement ? Est-ce que de Dawan avait perdu la boule ? Cet elfe était vraiment bizarre même pour un elfe, Christan commençait à se demander comment on peut-être comme ça, et on conclut que la sœur de l'elfe qui se tenait non loin avait du prendre toute la virilité à sa place, en tout cas ça expliquerait beaucoup de choses…

Enfin dans tout les cas elle l'agaçait déjà un peu moins que l'autre c'était déjà un beau progrès. Bon Néant elle elle avait réagit au début comme une elfe aurait dû réagir en le voyant se mettre en rogne ! Et ce Dawan qui refusait toujours de se mettre en colère, et qui affichait son éternel sourire niais, à croire qu'il y avait des mystères en ce monde qui ne seraient jamais résolus, ou bien c'était la magie qui lui avait enlevé tout instinct de survie tout simplement.

Magie, magie, magie. Sérieusement oui il n'aimait pas la magie, il détestait cela même, mais comment ne pas détester une chose qui provoque tant de destructions aveugles. La fin de l'alayia ? L'existence de Vroarg qui a fait souffrir le Néant, et ce qui ravage Armanda actuellement, tout cela c'est de la magie, ou le fruit de la magie ! Voilà pourquoi il se méfiait, ou en était dégoûté car à ses yeux sans la magie il n'y aurait eu jamais toutes ces destructions. Pour sa part il refusait d'être trop touché par cette chose au risque de voir son âme souillé. Les rares bienfaits de la magie ne savaient compenser toutes les souffrances dont elle était responsable. Mais si elle pouvait servir pour détruire Vraorg soit...

Enfin dans tout les cas Dawan revint, et ce dernier eu une idée pas si bête pour une fois. La sculpture des cavernes serait une idée pour plus tard, mais un bon début ce serait sculpter la pierre blanche entre ses mains. La mine… Voilà ce à quoi Christan penser en frappant du burin sur cette pierre blanche, la mine où il avait passé son adolescence à donner des coups de pioches sur de la pierre. Pour le coup il savait comment fracasser cette dernière, la façonner par contre c'était plus complixe, et il n'était pas parfait dans ce domaine, mais depuis quelques temps il s'était mit à la sculpture, et il semblait pas trop mal se débrouiller. Et puis cela détendait des fois…

Abandonnant l'idée de faire un truc trop détaillé néanmoins Christan pencha pour quelques choses de plus simples, et propre. Ce fut donc une sorte de reproduction d'une machine de guerre alayienne qui lui avait fait une forte impression à l'époque. Une écrevisse, un beau bijou en métal dont on usait pour garder la porte des forteresse, et qui sabrait les jambes des soldats, et les pattes des chevaux. En dehors du fait que c'était une arme mortelle c'était assez joli, 4 roue, des lames, et une forme plutôt harmonieuse, et pas trop dur à sculpter. Cela lui prit quand même une heure, et c'était loin d'être parfait. Il aurait pu faire les lames plus tranchantes, mais il n'était qu'un amateur dans la chose, et puis c'était la fonction esthétique qui était importante au final, et c'était à peine s'il n'avait pas fait quelques faux coups. Au passage il nota de demander plus tard aux ingénieurs de construire quelques écrevisses car ça pourrait être utile...

Mais quelque chose vint détourné son attention, quelque chose auquel il ne ce serait pas attendu, l'elfe respectueuse lui adressa quelques paroles après s'être rapproché de lui de son pas dansant, et lui proposer quelque chose. Mais Christan se reprit vite, et se fendit d'un calme après tout c'était un bon pas pour qu'on n'aille pas dire que les alayiens n'avaient pas leurs place au protectorat.

« J'accepte. Je ne tire pas à l'arc, mais un présent guerrier est un présent guerrier. » Et puis celui-ci n'empestait pas la magie donc bon. Christan tendit ensuite calmement la main, et prit la flèche, c'était plutôt bien fait il devait avouer. Puis ensuite il dit calmement. « De même acceptez ceci. » Il lui tendit à son tour la petite reproduction en pierre blanche calmement, sinon ça allait faire mauvais jeu qu'il accepte un présent sans en offrir un autre. Et puis cela lui permettait de montrer un peu que les alayiens avaient des connaissances guerrières très exotiques pour les Armandéens, un peu de fierté ne fait pas de mal après tout… Au passage il sentit une sensation piquante dans sa main, et vit qu'il était arriver à se couper il ne savait pas comment sans doute en sculptant l'écrevisse, il aurait dû garder ses gantelets, mais ça aurait été moins pratique pour sculpter… Cela saignait de façon assez modéré, on pourrait dire qu'il avait vu pire.

[L'écrevisse. Celle de chris est pas aussi bien faîtes, mais y ressemble.]

Protecteurs [•Christan, Leohana•] Ycrevi10

Il avait donné les mêmes conseils que ses maîtres avant lui, les premiers qu'il avait pu entendre en arrivant au Domaine, n'ayant pas touché à la sculpture auparavant. Des choses aussi simple que faire attention à la pierre, sa nature, la façon d'orienter ses outils selon le sens de la pierre… Il ne comptait pas faire d'eux deux des sculpteurs expérimentés en une unique journée, ç'aurait été ridicule. L'apprentissage était souvent bien mauvais quand il était empressé. Quelles raisons auraient-ils eu de se hâter sur des exercices complexes quand ils découvraient tous juste les premiers gestes de la sculpture ? Ç'aurait été un risque de les perdre au milieu des informations et des directives. Tant par sa nature elfique et Dawanesque que par ses convictions, Dawan n'avait pas l'envie de les hâter.

Tous les arts ne lui apportaient pas la même chose. La musique seule parvenait à la fois à lui offrir l'impression d'être canalisé, et pleinement exprimé. La sculpture l'amusait, occupait ses petites mains, parvenait légèrement à singer la musique sur certains points. Cela ne l'empêchait pas de s'arrêter pour jouer avec la poussière, ou observer les travaux de son compagnons pour leur donner des indications esseulées quant à une manière plus habile de faire. Mais globalement, il les laissait travailler.
Il avait travaillé à même la paroi de la grotte, après avoir écouté cette dernière pour être certain que sa solidité serait suffisante pour supporter de se voir tailler. Mais ses fréquents arrêts, ses rêveries, faisaient qu'il n'avait pas du tout fini ce qu'il avait entamé. Déjà, comme un bas-relief, se découpait une silhouette, portant un habit au drapé apparemment long et lourd, un début de visage, et une chevelure apparemment longue et ondulante. Rien de bien précis.

L'Enwr s'écarta, passa un bras sur son front comme pour tenter d'en écarter des mèches. Le recul était nécessaire, pour vérifier que tout allait bien. Il se demandait s'il n'avait pas mal mené quelque chose, au niveau des proportions… Le buste ? Le jambes ? Il vérifia, vaguement, mesure de l'empan de sa main. Non, cela paraissait correcte. La voix de Christan lui parvint alors et, sans plus s'occuper de son travail.
Un présent guerrier ? Il observa l'échange qui se déroulait sous ses yeux. La flèche de pierre ornées de torsades, et le petit… Truc… Chose… Avec des lames. Instinctivement, le dos de Dawan vint rencontrer le mur derrière lui. Inconsciemment, il entonnait les premières notes d'un chant de soin. C'était devenu un réflexe, avec les événements récents. Par chance, il s'en aperçut, et n'ajouta aucune magie au son qu'il produisait. C'était moins pour protéger Christan que pour économiser ses propres forces.

À leur façon, ils étaient beaux. Ils venaient de faire les premiers pas l'un vers l'autre. Nul ne les obligeait à devenir les meilleurs amis du monde. Le protectorat pouvait bien forcer les êtres à une tolérance d'apparence, il ne saurait changer la nature des émotions, et faire plier les sentiments. La nature de ces derniers empêchait de telles manipulations. Ils n'étaient pas en public, ils étaient seuls dans leur coin de caverne, et pourtant ils allaient au-delà de ce qui leur était demandé. Dawan n'aurait osé prétendre ce qu'ils cherchaient l'un de l'autre, il avait l'impression que c'était une sorte d'alliance différente de l'amitié, et pourtant semblable. Comme un pacte tacite face à la mort qui pouvait les guetter, l'aveu d'un attachement autre qu'utilitaire. Le début de la cohabitation, les notes hésitantes d'une harmonie qui se cherchait, se construisait ? Peut-être bien.
Il en était là, à les regarder avec un fin sourire de petit elfe ravi et attendri, quand deux pensées entrèrent en collision dans son crâne et, d'un coup, l'affublèrent d'une mine très inquiète, presque effrayée. La première était que le présent était guerrière. Leohana, donc… Une guerrière ? Avait-elle était faite soldate pendant qu'il avait le dos tourné ? Oh, non, non… Elle était si jeune, hier encore elle avait vingt ans ! Qu'allait-elle faire sur les champs de Mort ? Il la voyait déjà blessée… Les troupes de Vraorg, les avait-elle déjà vu ? Lui les avait vues. Il savait qu'elles écrasaient tout sur leur passage. Quelque part, il savait que les quelques pions protégés qui partaient dans les plaines étaient perdus. Il avait entendu les hurlements et les râles d'agonie de ceux qui perdaient la vie entre les mains de vampires avides de sang. Superposer l'image de sa jeune soeur à ses sons était un coup dans ses côtes.

"Tu n'as rien à faire là", disait l'autre pensée, "ces histoires ne te regardent pas". Il n'en fallait pas plus. Il n'offrit aucune résistance à cette proposition. Il avait besoin de respirer. Ne plus voir d'armes, et trouver un moyen d'oublier le danger, l'épée suspendue au-dessus de la tête de celle qui partageait son sang. Encore une… Et pourquoi ? Pourquoi encore avoir des guerriers ? Quelque chose n'avait pas de sens, ici… Un bref moment il eut la grimace de ceux qui retiennent leurs larmes. L'instant d'après, il cachait son visage d'un bras, puis faisait volte-face, courant à toute allure dans les cavernes, loin du duo qui n'avait plus besoin de lui, loin de ces armes qui brisaient son coeur.
Un bond de son totem, et il parvint sur une corniche. La première prise était tout juste hors de portée des papattes de Christan et Leohana. Et depuis le sol, on ne le distinguait plus.

Elle ne s’était pas trompée en offrant cette flèche de pierre au guerrier Alayien. Quoi de mieux pour se comprendre entre combattants qu’un présent guerrier. En revanche, elle n’avait pas vraiment prévu que Christan lui offre lui aussi son œuvre. Leohana n’avait pas de mot pour décrire ce qu’elle tenait désormais entre ses mains. Ce n’était ni beau, ni moche. Il ne pouvait s’agir que d’une machine de guerre d’Alayia mais elle ne pensait pas que les guerres armandéennes ait vu un tel engin sur leurs champs de batailles un jour. Cependant, en tant que future archère de l’Armée elfique –elle se rapprochait peu à peu de cette issue- et assez bonne stratège, elle constata sans difficulté l’efficacité de la machine. Les lames devaient servir à sectionner les tendons des chevaux et les jambes des soldats ennemis. Leur courbature facilitait sans aucun doute cette tâche.

-Merci Christan, j’apprécie ton présent. Je n’avais jamais rien vu de tel et je dois avouer que ce doit être des plus efficace sur un champ de bataille, bien plus qu’une simple flèche, dit-elle avec un sourire.

Cette marque de respect ne voulait pas dire qu’elle était prête à faire ami-ami avec l’Alayien. Toutefois, son frère avait raison, comme toujours. Le protectorat était la seule arme capable de se dresser contre Vraorg et son équilibre ne tenait que dans le respect que se témoignaient les peuples le constituant. Si elle était capable de croiser un Vampire sans ne voir qu’en lui un buveur de sang mais aussi un combattant, un allié de taille, ou encore un Alayien sans avoir l’envie irrépressible de lui planter une flèche en plein cœur pour ce que son peuple avait fait au sien, et que tous faisaient de même, alors le Protectorat pourrait survivre. Et il pourrait non seulement survivre mais aussi vaincre la Théocratie de Vraorg. Rien ne comptait plus à ses yeux pour l’instant, mise à part la protection de son baptistrel de frère.

La jeune Elfe en était là de sa réflexion et elle en avait presque oublié la présence de son frère. Ce ne fut que lorsque celui-ci tourna les talons et se mit à courir qu’elle s’aperçut que Dawan avait dû tout entendre de leur échange. Qu’avait-il compris qui puisse le faire réagir de cette manière ? L’esprit de Leohana tournait et retournait les mots échangés entre le général Weren et elle sans parvenir à relever quoique ce soit qui puisse justifier ce comportement. Comme attirer par les traces laissées par son frère, l’Elfette s’approcha du travail de celui-ci réalisé à même la paroi. Ses doigts fins dessinèrent le contour des formes et la qualité de la sculpture fit sourire la cadette des Sywel. Elle avait douté qu’un jour son frère puisse faire autre chose de ses mains que de la musique mais bien des choses avaient changé depuis qu’il avait quitté la maison...

Une larme perla au coin de son œil. Elle venait de comprendre pourquoi Dawan n’avait pas pu rester plus longtemps auprès d’eux, à les écouter s’offrir des présents guerriers. A ses yeux, elle était restée la même qu’avant son départ pour le domaine baptistrel, l’Elfette qui montait aux arbres et flânait dans les villages elfiques avec la curiosité et l’innocence qu’offre l’enfance. Pour lui, elle avait toujours vingt ans. Mais aujourd’hui, il l’avait d’abord entendue protectrice et violente. Puis, elle s’était révélée raisonnable et même intelligente, voyant plus loin que sa petite personne et ses proches. Enfin, elle s’était montrée concentrée. Et puis, elle avait fini par offrir un présent guerrier. C’était ce dernier mot qui avait causé le trouble de Dawan. Comment n’avait-elle pas pu y songer avant ? Elle était et serait toujours sa petite sœur et, même si elle se pensait plus capable de protéger Dawan que lui ne l’était, il devait se sentir obliger de la protéger. Il leur fallait parler, mais pas en présence d’un presque inconnu.

-Général Weren, je suis désolée de devoir vous quitter de cette manière mais mon frère a bien plus besoin de ma présence que vous à cet instant. Je vous remercie encore de votre présent et je nous souhaite que le Protectorat puisse écraser la Théocratie sans trop tarder. Sans vous offenser, je pense que nos peuples ne sont pas faits pour cohabiter sur une trop longue période, conclut-elle avec un sourire amusé. Au revoir.

Puis, après un bref signe de tête et sans oublier de prendre l’écrevisse miniature, Leohana tourna les talons à son tour et partit dans la direction qu’avait prise son frère quelques instants auparavant. Elle finit bientôt par être essoufflée et dut s’arrêter pour ne pas mourir asphyxiée. Elle regrettait de ne pas avoir tenu un peu plus de leur tante Anaëlla pour cet aspect-ci. Elle reprit sa recherche en marchant. Lorsqu’elle parvint au bout du tunnel où s’était engagé Dawan, elle fut bien forcée d’admettre qu’elle l’avait manqué. En revenant sur ses pas, elle prêta plus attention aux traces de pas sur le sol poussiéreux. Après une cinquantaine de mètres, elle s’arrêta et sourit.

-Dawan, je sais que tu es là. Montre-toi, nous devons parler.

En effet, la poussière avait été bien plus déplacée ici qu’ailleurs, ce qui laissait penser que quelqu’un s’était agité récemment et qui pouvait-ce être d’autre que son ainé ?

-Dawan, je sais ce que tu ressens, ce que tu penses mais il faut que je m’explique. Alors descends de ta cachette et parlons.

Il n’avait plus qu’à se montrer et elle ferait le reste.

Pour sa part il était toujours un peu énervé, mais au moins cela l'avait un peu relaxé que de frapper de la pierre avec un burin pour façonner sa forme. Enfin cela aidait à vider l'esprit, et ce n'était guère de trop par les temps qui courent. Ah sérieusement il ne savait pas vraiment ce qui lui mettait le plus la pression dans tout ceci, mais voilà quoi. Enfin dans tout les cas il remarqua avec un certain orgueil blessé que Dawan l'avait battu à plate couture niveau sculpture, grrrr. Ces elfes… Enfin bon tant que personne ne venait se moquer des siens de talent. M'enfin il avait quand même l'air ridicule en comparaison, et cela l'agaçait.

Néanmoins la sœur de l'elfe n'était pas là pour le descendre, Christan eu une légère bouffée de fierté en entendant son compliment. Et dit impassible. « Ce n'est pas l'arme qui est importante, c'est ce qu'on en fait fait. » Bon sans doute que si on donnait une pièce à chaque fois que quelqu'un disait cela il y avait de quoi amasser un joli pactole, mais c'était une vérité générale à l'heure actuelle en tout cas. Mieux valait réfléchir, et bien à toutes les possibilités. Et pour le moment autant se concentrer sur Vraorg, ensuite selon la volonté du Néant Christan agirait d'une façon, ou d'une autre. Si Néant était libéré de son vivant en tout cas.

D'ailleurs l'elfe avait eu une réaction étrange en voyant l'échange entre se sœur, et Christan, et de la magie ? Christan serra les poings, et s'apprêta à remanier verbalement l'elfe quand il vit que ce dernier arrêta son geste, heureusement car il n'avait guère envie d'être soigner par magie… Par le Néant il ne manquerait plus que cela, néanmoins cet elfe avait toujours sa réaction étrange...

Pour sa part il ne voyait pas en quoi l'autre était choqué Christan avait offert un petit truc à la sœur de cet elfe pour qu'on n'aille pas raconter dans tout le protectorat ce qui avait faillit se passer peu avant quand elle avait bandé son arc. Les problèmes diplomatiques arrivaient si vite après tout, et étaient si difficilement résolus, autant prévenir que guérir...

Que ? Bon c'était clair, et net cet elfe avait un problème, Christan ne savait pas lequel, mais il avait un problème. Dawan venait littéralement de s'enfuir sans raison, l'alayien sérieusement n'avait même pas envie de comprendre ce que cet elfe était en tête, il était sûr que même pour un elfe ce Sywel devait être un phénomène. Autant ne pas chercher à comprendre l'incompréhensible au risque de devenir fou soit même...

Il laissa donc calmement la sœur de Dawan faire son inspection pendant que lui se contentait de regarder les alentours, avait-il envie de se lancer à la poursuite de l'autre ? Absolument pas à vrai dire… Mais bon vu la façon dont il était parti c'était tellement louche qu'il se dit qu'il vaudrait mieux s'assurer deux trois choses, il manquerait plus que Dawan aille pleurer dans les jupes de ses maîtres baptistrel, et Christan serait dans de beaux draps…

« Aurevoir. » Se contenta t-il néanmoins de dire impassible à l'elfe, il n'y avait rien à rajouter aux autres propos de cette dernière, quand elle disait qu'il valait mieux que Vraorg soit écrasé au plus vite c'était vrai, et c'était le désir de tout le monde, et puis bon. Le reste ce n'était que ce que tout le monde pensait probablement au sein du protectorat…

Du coup l'elfe repartit, et Christan regarda les alentours… Ah certes il ne venait pas souvent dans cet embranchement-ci du réseau souterrain surtout qu'il y avait beaucoup de choix du tunnel… Résultat il était un peu perdu, et décida donc de s'engager dans un tunnel au hasard après plusieurs minutes de réflexions… Ou un autre… Ah bon sang il aurait peut-être fallu qu'il demande son chemin. Dans son énervement de tout à l'heure il s'était baladé un peu loin. Il s'engagea donc dans un tunnel au hasard sans se rendre compte que c'était probablement celui que les deux elfes avaient empruntés.

"- Je sais que tu es là, je sais…"

En haut de sa corniche, posé par terre et appuyé au mur, le petit elfe répétait lentement les mots de sa soeur, ses mains posées contre son visage et ses cheveux, ne regardant plus vraiment autour de lui. Il ancrait ces mots dans sa mémoire, aussi possessif et craintif qu'un animal dont on aurait menacé la progéniture. Cet empressement qu'il avait, ce soin qu'il portait à ce qui aurait dû être hors d'atteinte et immortel, il le vivait comme quelque chose de morbide. Ces émotions n'avaient pas lieu d'être. La guerre souillait de son sombre venin tous les êtres qui peuplaient ces terres.
Il se recroquevilla un peu plus, s'appuya un peu plus au mur, tut sa voix, ses mains crispées sur ses propres bras, un peu tremblants. Personne ne le voyait, il pouvait laisser ses craintes le croquer à pleines dents, et ne plus les écarter comme il le faisait à longueur de journée. La défaite qu'ils repoussaient, l'imminence de leurs morts… Il se sentait, plus que jamais, proche des humains. Éphémère à son tour, et fragile. Il ignorait quelle force de caractère ils déployaient pour vaincre cette peur, pour ne plus la voir. Mais le pire encore n'était pas de se dire que sa propre mort allait venir, non… D'autant plus que lui, soigneur, était bien plus épargné que ses frères combattants. Il mourrait dans les derniers, ne pouvant courber l'échine devant celui qui mettait à mal l'équilibre de ce monde. Le pire était de voir le monde tomber autour de lui, bien trop rapidement, comme si cela n'avait plus d'importance que la vie que pouvaient porter les corps. Il avait vu les messagers revenir et annoncer, froidement, le nombre de morts. Des nombres. Pour mieux digérer la perte, pour moins la voir, ils se cachaient derrière des nombres. Les nombres ne saignaient pas.

Lui, il avait du mal à s'y faire, du mal à admettre que l'on utilisa ainsi les nombres. Derrière eux, il y avait des visages qu'il connaissait, pour les avoir déjà soignés ou fréquentés. Bientôt sa chère, sa jolie Luna rejoindrait ces nombres, elle qui déjà menaçait de partir trop tôt. Un jour, Merithyn connaitrait encore une mort, qui achèverait de figer ses traits dans l'éternité. L'armure de cet Alayien ne le protègerait pas toujours, surtout pas des vampires. Et Leohana… Oh, Leohana ! Il l'avait vue naître, et c'était sa voix d'enfant qu'il reportait dans ses visions d'horreur, ses visions de l'avenir. N'avaient-ils pas honte, tous, de ce qu'ils infligeaient aux innocents ? Etait-il le seul à comprendre l'absurdité de leur situation ?
La respiration de l'Enwr devenait saccadée, arythmique. S'en apercevant, il tenta, par souci d'esthétique, de calmer cette dernière. Sans qu'il l'ait prévu, cela l'apaisa également, un peu. Sa peine était toujours là, mais moins virulente. Moins destructrice. Tendant l'oreille, il perçut que sa jeune soeur était toujours là, toute proche. Il l'avait sentie avant, entendue également, mais n'avait pas fait le lien entre ces signes et l'idée qu'elle soit là. Maintenant… Il ne fallait pas la laisser seule. Dracos, que ces sentiments étaient horribles à associer !
Lentement, comme si les forces lui manquaient, l'Enwr se rapprocha du bord de la corniche. Finalement, il en descendit, d'un bond, atterrit sans souci. S'il affichait un air globalement neutre, ses yeux étaient humides. Sans demander, sans prévenir, il prit sa cadette dans ses bras, serrant son petit corps contre le sien, sa tête sur son épaule pour qu'elle ne puisse le voir, mais pour qu'elle l'entendre.

"- Veux-tu vraiment que nous parlions ? Si telle est ta voie, celle qui te convient le mieux, je ne veux pas t'en détourner, ou te mettre mal à l'aise. Que tu sois heureuse…" Faute d'être vivante, ce serait déjà ça. Il eut une sorte de glapissement de douleur, raffermissant son étreinte, posant son front contre l'épaule de sa jeune soeur. "Aduial… Oh, faites attention à vous, autant que vous le pouvez. Les victoires et les vies n'ont pas fatalement les liens que vous imaginez…" Sa voix ne tremblait pas, elle restait dramatiquement inquiète. Il n'avait pas pleuré. Mais il n'avait pas remarqué Weren non plus.

Leohana ne devinait que trop bien le combat intérieur qui se déroulait dans l’esprit de son frère alors qu’elle se tenait au bas de la paroi, les yeux levés vers l’endroit où il devait se cacher. Oh oui, il avait fui devant la réalité à laquelle sa sœur l’avait confronté bien plus brusquement qu’elle ne l’avait souhaité. Mais elle savait que Dawan Sywel, son frère aîné, n’était pas un lâche. Il était seulement différent et parfois difficile à comprendre mais il n’était pas un couard. Pourtant c’était ce que devait penser le général alayien depuis qu’il l’avait vu partir en courant dans les tunnels du Protectorat. Et la jeune Elfe l’aurait bien remis à sa place si leur nouvelle alliance n’évait pas été si fragile et si indispensable à leur survie à tous. Alors elle s’était contentée de le saluer et de chercher son frère. Et maintenant, elle attendait. Elle attendait qu’il soit prêt à descendre, prêt à parler, prêt à l’aider. Parce qu’à cet instant plus qu’à n’importe quel autre de sa courte vie, elle avait besoin de lui, elle avait besoin de sa sagesse.

Après ce qui parut à Leohana n’être à la fois qu’un instant et une éternité, le Baptistrel finit par descendre d’un bon de la corniche où il s’était réfugié. L’impression neutre qu’il affichait ne la trompa pas. Elle se contenta de plonger son regard dans le sien et sut une fraction de seconde avant qu’il ne le fasse qu’il allait la prendre dans ses bras. Il enfouit son visage dans le creux de son épaule. Surprise, l’archère ne sut d’abord pas ce qu’elle devait faire. Et puis, comme muent par une force invisible, ses bras se levèrent et vinrent serrer à leur tour son frère contre elle. Pendant un moment, elle n’eut plus envie de parler de la guerre, de son avenir, des morts et des choix qu’elle avait à faire. Elle ne voulait plus parler de quoique ce soit. L’Elfette se sentait vivante et aimée comme jamais auparavant et elle ne voulait briser cet instant pour rien au monde. Mais Dawan parla et, contrairement à ce qu’elle avait contraint, il ne fit que rajouter de l’harmonie à leur étreinte fraternelle. *Oh Dawan, si tu savais...* pensa-t-elle. Il n’y avait pas de mots pour dire ces choses, comme il n’y en avait pas pour dire les horreurs de la guerre. Les larmes lui montèrent aux yeux, coulant doucement sur la peau d’albâtre de ses joues, son souffle se fit plus saccadé. Cependant, elle finit par prendre une grande inspiration et parla sans desserrer son étreinte.

-J-Je crois que je ne sais pas ce qui pourrait me rendre le plus heureuse... Je n-ne suis pas comme toi, il n’y a pas de voie qui s’éclaire devant moi... Je crois q-que je suis perdue, q-que je ne sais pas ce que j-je veux vraiment.

Soudain, un nouveau souffle monta dans sa poitrine et Leohana reprit la parole, s’exprimant avec bien plus d’assurance.

-Mais, oh Dawan, il y a tous ces gens qui meurent pour sauver ce qui reste de bien en Armanda et je devrais me terrer dans ses tunnels en attendant de voir qui de Vraorg ou des Protégés l’emportera ? Je ne peux pas, ce n’est pas moi. Et je ne suis pas une meurtrière non plus. Alors je te le demande, grand frère, que dois-je faire ? Quelle sera ma voie, celle qui me choisira selon toi ?

Elle l’écarta un peu d’elle pour pouvoir le regarder dans les yeux, ces yeux gris qu’elle avait toujours trouvés si beaux, si mystérieux. Tout à coup, elle perçut le froissement d’une étoffe. Sans détourner le regard, elle voulut lancer à l’intrus d’une voix menaçante un « Qui va là ? Qui écoute ce que ses oreilles ne devraient pas entendre ? » mais elle se contenta de rester immobile, consciente qu’il devait s’agir du général Weren et qu’il ne voulait sans nul doute ne pas être impliqué dans cette conversation.

Sérieusement, il réfléchissait, pas qu'a ce qui venait de se passer, mais aussi à autre chose. Car il ne savait pas mais voir que Dawan avait une sœur faisait ressortir les souvenirs de Christan à propos sa propre famille. A ce qu'il avait vécu, il n'avait eu ni frère ni sœur. Bâtard fils d'un ignoble bâtard. Weren était un bâtard dans le sens littéral du terme, son père dans le sens métaphorique, et sa mère une véritable sainte. Malgré le fait que son fils n'était pas de son sang car Hugo Weren bien entendu non content de se comporter comme un sale chien galeux avec son fils avait fait des infidélités à sa femme, femme qui était presque l'exemple de la perfection aux yeux du fils qui l'avait aimé. A part au Néant il n'avait jamais autant d'amour à quelqu'un d'autre. Néant avait maintenant le privilège de son amour absolu.

Il se rappelait encore… Encore de la scène, son père tenant son épée dans ses mains imbibé du sang de la mère de Christan. Il se rappelle la colère, la douleur . Il se rappelle avoir éprouvé une intense joie, et jubilation quand il l'avait tué. Le parricide, un crime selon certains, mais Christan à ses yeux avait rarement commis de meilleurs actes au cours de son existence, et, et… De toute façon il n'avait pas considéré Hugo comme son père surtout vers la fin, juste comme un ennemi, et les ennemi on les tue. Les rapports de force s'étaient inversés alors, et Christan l'avait tué fin de l'histoire, maintenant son père, et sa mère étaient morts, et disparu avec l'alayia. Il n'avait plus rien si ce n'était le Néant, et l'armée maintenant. Même Alauwyr était partit...

Et c'est en pensant à tout cela qu'il vit Dawan, et Leohanna au détour du tunnel. Tiens il était retombé sur eux, et visiblement ils étaient en train de… C'était évident donc bon. Il passa devant eux sans rien au début, puis s'immobilisa soudainement.

« Pensez à une chose... » Dit-il sombrement en voyant le frère, et la sœur. Ces deux-là ne savaient vraiment pas la chance qu'ils avaient décidément. Il ne savait pas pourquoi il avait parlé de cela, mais il n'avait pu s'en empêcher suite à ce dont il s'était souvenu.

Il les regarda impassible, eux n'avaient pas connu sa souffrance, une telle innocence, et chance auraient eu de quoi attirer sa frustration, sa jalousie, et son mépris s'il avait était de ce genre. Mais tout ce qu'il ressentait c'était de la mélancolie. Et de l'amertume, car au fond il savait que ce qui lui était arrivé auparavant était de sa faute, il avait était trop faible...

« La vie a toujours une fin que ce soit la nôtre, ou celle des autres y compris celles de nos proches... »

Il ne savait pas s'il parlait à lui-même, ou à eux, mais il parlait c'était clair.

« Et il faut savoir être fort, et prendre les mesures qui s'imposent lorsqu'elles doivent être prises. Pour ne pas précipiter cette fin. » Avait-il besoin de préciser quand ? Comment ? Et pourquoi ? Non, et il n'en avait pas vraiment envie.

Voilà tout ce qu'il avait à dire, pour sa part il avait pu déjà de lui-même totalement évaluer la justesse de ces quelques propos.

Puis silencieux il s'apprêta déjà à poursuivre son chemin, peut-être que les elfes voudraient lui dire quelque chose avant, peut-être pas. Pour sa part il ne s'imposerait pas, pour le coup il était d'humeur assez morose maintenant . Il serra les dents aux souvenirs dont il s'était remémoré. La plaie dans son cœur était aussi vive qu'au premier jour, et son être débordé de rage.

Il sentit la différence dans le souffle de sa jeune soeur. Au toucher, bien sûr, en sentant son dos sous ses doigts se lever et s'affaisser, sa poitrine contre la sienne exercer une pression plus ou moins importante. Mais le son, surtout, plus rapide, plus haché, comme une corde que l'on pinçait plus fort. Instinctivement, il la copia. Sans pour autant se sentir moins bien qu'avant, ou avoir l'impression d'absorber les émotions de sa jeune soeur. La tenir ainsi contre lui, cela lui donnait davantage l'impression qu'elle était une petite chose, toute fragile. Tout ce qui était matériel était fragile, en ce bas-monde. Mais ce qui était matériel et beau l'était plus encore.
Il put mieux l'entendre, ainsi calé sur son rythme. Elle ne savait pas… Etait-il possible qu'il ait mal compris ? Ou qu'elle n'ait pas encore choisi sa voie, et soit tout juste en train de tâter du côté des armes ? Tout était possible, en ce bas-monde. Après avoir balayé d'un revers de main l'unique hypothèse dont il avait tenu compte, Dawan compris qu'il y avait plus grave, dans le sens direct des mots de sa cadette. Contrairement à lui, qui avait vu la musique se mêler à sa vie aussi naturellement que l'affluent au fleuve, elle n'avait pas trouvé son fil directeur. Pour avoir vu son frère se compléter, devenir ainsi un être entier, peut-être regrettait-elle de n'y être pas arrivée. Mais elle était encore à l'aube de sa vie, un monde d'aurore qui pour elle s'éclaircit. Ce qui lui manquait viendrait, Dawan était prêt à le lui assurer. Ni en retard, ni en avance, chaque étape venait en son temps. Etait-ce de se mêler aux humains, si impatients, qui avait donné à Leohana le goût de l'empressement ? Était-ce de voir combien les vies s'éteignaient tôt ? Oh, Dracos… Guerre attirait à elle ceux qui avaient connu bien trop de fardeaux, les changeait, vil et vicieux fléau.

Il raffermit son étreinte, bousculé par cette pensée qui s'imposait à lui. On s'en prenait à sa Leohana, on lui faisait croire que le temps pressait… Elle était une elfe, elle n'était pas faite pour cela. Et à croire ainsi que la fin venait trop tôt, on la précipitait, quand la lenteur l'aurait préservée. Les mots qui suivirent ne furent pas pour le rassurer. S'il avait pu pâlir, il l'aurait fait. C'était un coup de marteau dans le clou qui lui avait été présenté. C'était bien la guerre qui la poussait dans une direction, pour l'attirer dans ses bras mortuaires. Leohana s'était écartée de lui. Elle put sans doute voir ses grands yeux gris voilés de distance, et effrayés. Il avait vu les combats, les affrontements, il avait été proche des combattants… Mais jamais jusqu'alors il n'avait eu accès à ce pan. Il avait vu ce qui était sur la scène, n'avait pas entendu les murmures des coulisses. Il avait vu ce qui était sincère, n'avait pas perçu le vice. Car c'était là une manipulation que l'on imposait à une jeune femme bien trop pure pour y échapper. Ne réalisait-elle pas que ce n'était pas ainsi que l'on protégeait ? Qu'en mettant sa vie en danger, c'était celle des autres qui était menacée ? Vouloir des combats pour écarter Mort manquait autant de sens que vouloir une victoire en étant prêt à son camp décimer.
Ses mains vinrent devant lui, comme s'il avait voulu donner, ou expliquer quelque chose. Il abandonna. Son coeur était bien lourd de telles idées. Au lieu de cela, sa main vint sur la joue de sa jeune soeur.

"- Je ne sais prédire l'avenir. Mais ne crois pas que nos vies ne sont qu'utilitaires, destinées à un camp ou un autre. Ne crois pas non plus que celles les armes font les guerres. Regarde moi…" Il était parti vers la musique. Il soutenait le Protectorat en soignant. Ce n'était pas vraiment volontaire de sa part, c'était plutôt un état de faits. Il était soigneur, et il soignait des Protégés, donc cela favorisait un camp. Qu'un Théocrate blessé soit sur sa route, et il l'aurait soigné de même. Il était tant la preuve que l'on pouvait soutenir sans armes que la preuve qu'un chemin qui paraissait ne pas satisfaire une condition pouvait y mener pourtant. "Tends l'oreille, sois ouverte à ce qui vient. Que les vivants ou les morts ne te mettent pas d'oeillères, n'imposent pas ton destin. Ne panique pas. Je…" Lui-même, aux oreilles aiguisées, perçut les pas qui venaient.

Il n'y avait aucun mérite à cela, Christan n'étant pas le plus discret des humains. Il n'avait pas même besoin de s'annoncer. Si bien que l'Enwr ne se retourna même pas pour voir l'Alayien, restant face à sa soeur, sa main glissant de son visage pour s'en détacher. Pauvre enfant. Mais elle n'avait pas besoin de l'Alayien… Il allait la jeter plus encore dans les combats, ce guerrier-là ! Il fallait que rien ne vienne la troubler. Ces moments lui appartenaient, désormais, où elle devait se détacher de ce qui l'entourait pour reconnaitre ce qui l'attirait vraiment, et ce qui ne l'attirait que par la pression et les enjeux qui y étaient liés. Nul ne pouvait faire ces chemins à sa place. Lui, son grand frère, n'avait plus rien à dire. Les réflexions étaient siennes… Mais il fallait reconnaitre que les temps n'étaient pas les plus aisés pour ce genre de tourments, pour les jeunes gens… Si aisé, par contre, aux Grands de jouer avec comme des soldats de plomb ou de plumes. L'elfe attendit, immobile, les propos de Christan ne faisant naitre en lui qu'un amusement teinté de lassitude et de peine. Il n'irait pas contre sa parole, parce que ce n'était pas à lui de le faire. Leohana en ferait ce qu'elle voudrait. Quand il entendit les premiers pas de Christan qui s'éloignaient, il paraissait néanmoins plus calme. Peut-être était-ce d'avoir conseillé sa jeune soeur, avoir entouré ses mots de sa tendresse, qui avait écarté les sombres pensées qui l'avaient habité. Ou peut-être n'était-ce que la peau, encore lisse et douce, de sa joue. Il entr'ouvrit les lèvres:

"- Fais ce que tu crois être bon. Si tu veux mon conseil, prends du temps pour toi, à ne rien faire." Sa main vint prendre la sienne. Il portait encore de l'inquiétude. Il portait encore l'envie de la voir protégée, loin de ces misères. "Si tu as besoin de musique pour t'aider, je suis là. Si tu as besoin de soins ou de magie, je suis là aussi. N'hésite pas à me faire mander, que je sois auprès de Fabius ou auprès de mon Ordre." Il relâcha la petite mimine. "Retournons-nous en des lieux plus fréquentés ? Où veux-tu aller ?"

La petite Sywel était loin de se douter du questionnement silencieux que poursuivait son frère. Mais lorsqu’elle revint à l’instant présent après une seconde d’inattention et qu’elle croisa son regard gris, elle ne put qu’en prendre conscience. Certainement pas aussi pleinement que les décennies auraient pu le lui permettre, mais elle en eut conscience. Elle perçut son sentiment d’impuissance dans le manège de ses mains et elle lui sourit avec tendresse lorsque l’une d’elle vint se poser sur sa joue. Elle la recouvrit de la sienne. Qu’elle l’aimait ce frère un peu étrange ! Et le voir ainsi torturé par l’avenir de sa sœur la faisait souffrir un peu. Pourrait-elle aimer quelqu’un d’autre aussi fort qu’elle aimait Dawan ? Avec les années, les décennies même peut-être, mais il n’y avait aucun doute qu’il aurait toujours la première place dans son cœur. Quelque part, il était l’Elfe idéal que ses parents évoquaient d’un air innocent.

Le Baptistrel parla et sa cadette l’écouta avec une sorte de dévotion, celle d’une petite sœur qui écoute les conseils de son aîné. Et quand il lui dit de la regarder, elle le fit. Et ce qu’elle vit, c’était un Elfe accompli, qui aimait la vie et que la vie aimait. Un Elfe que la musique avait croisé et qui ne l’avait plus quittée. Un Elfe qui soignait sans prendre en considération les idéaux et le passé de ses patients par le chant. Un Elfe qui s’était trouvé et qui avançait vers l’avenir comme elle ne parvenait pas à le faire. Pourquoi y arrivait-il et elle pas ? Oh, elle n’était pas jalouse, elle avait juste besoin de comprendre.

Leohana ne se doutait pas un seul instant que l’intrus qu’elle avait perçu n’était autre que le Général alayien. Mais l’homme ne se cacha pas et passa à côté d’eux. S’il ne dit rien au début, il finit par se retourner après les avoir dépassés de quelques pas et leur lança une phrase sibylline qu’il ne termina pas. La curiosité de l’Elfette était piquée et elle n’avait qu’une envie, savoir ce que Christan Weren avait à ajouter. Son ton était sombre mais son regard impassible et elle essaya de deviner ses prochaines paroles. Elle ne tomba pas loin du compte lorsqu’elle l’imagina parlant de mort mais l’archère n’avait pas prévu la suite. Qu’avait-il pu se passer dans la vie de cet homme pour qu’il puisse leur offrir un tel conseil ? Mais déjà l’Alayien s’éloignait, n’ayant plus rien à ajouter. Et l’Elfette ne voulut pas le retenir. La présence de son frère, l’écho de ses paroles, le silence tranquille qu’il avait laissé naître, tout était réuni pour qu’elle réfléchisse, alors la petite Sywel réfléchit. Elle suivrait les conseils de son frère. Prendre du temps pour elle, pour réfléchir, pour trouver sa voie. Elle avait encore des centaines d’années devant elle alors elle n’allait pas se presser. Cette guerre finirait bien un jour. Pour l’instant, elle pouvait aider et combattre pour ce qu’elle croyait être juste. Et comme le lui avait si bien fait remarquer Dawan, rien ne la forçait à prendre les armes pour défendre ses idéaux...

-Où bon te semblera, Dawan. Je veux juste rester en ta compagnie encore un peu, prendre du temps pour nous deux parce que tu es mon frère, ma famille et que j’aimais être près de toi... Parce que je t’aime et que je tiens à toi...

Voilà, elle l’avait dit. Aussi loin qu’elle se souvienne, c’était la première fois qu’elle lui confiait ainsi ses sentiments depuis qu’il était parti suivre sa voie, celle de la musique et des Baptistrels. Mais elle ne lui en voulait pas de l’avoir laissée seule avec leurs parents pour suivre son destin. Elle lui en avait bien voulu au début, mais elle ne pourrait plus jamais le lui reprocher. Il serait là pour elle, elle serait là pour lui. Ils étaient toujours une famille et la jeune Elfe aux cheveux couleur des blés prit conscience que c’était tout ce dont elle avait besoin pour l’instant, que c’était son idéal à défendre contre le reste du monde. Dans un élan de tendresse, elle prit la main que son frère avait laissée retomber et la lui serra.

-Alors, où allons-nous Dawan ? Montre-moi quelque chose que je ne connais pas encore ici, s’il te plait ! lui demanda-t-elle, son sourire malicieux de nouveau sur son visage.

Elle s'approcha de lui et, sur la pointe des pieds, lui glissa un "Merci, merci pour tout..." au creux de l'oreille.

Dawan s'était totalement immobilisé. "Je t'aime". Elle l'avait dit si aisément, ces mots que lui-même n'osait pas prononcer, malgré tout l'amour qu'il portait à chaque élément de ce monde. Il connaissait suffisamment Leohana pour porter en estime les mots qu'elle prononçait. Elle ne lui mentirait pas, il en était persuadé. Quel intérêt aurait-elle à cela ? Elle serait assurément capable de lui masquer certains faits pour le protéger, mais lui mentir… Il en doutait très fortement. Si elle n'était pas apprentie baptistrelle, il savait néanmoins que ses mots n'étaient pas sans un sens sincère. Elle n'était pas de ceux qui enjolivaient leurs phrases de mots futiles, quoi que chantants. Elle n'était pas de ceux qui avaient l'hyperbole en amour. Face à lui, elle devait d'autant plus veiller à ce qu'elle énonçait…

Et lui, petit Enwr, tout petit Enwr si fragile, quelles armes avait-il pour se défendre face à ces attaques contre lesquelles il n'était pas entrainé ? Nulle magie ne saurait le diriger. Il était touché en plein coeur. Des "je t'aime", il n'en recevait pas beaucoup. Il ne s'imaginait pas très apprécié, savait que sa compagnie attirait parfois des regards méprisants de la part de certains, même/surtout des elfes. Il savait que sa façon d'agir et d'être n'était pas toujours agréable autour de lui. Il le savait… Mais qu'y pouvait-il ? Qu'aurait-il pu faire lorsqu'après des journées passés au soin, la fatigue rendait ses pensées chaotiques ? Comment tenir une conversation complète et cohérente dans ces conditions ? Il s'était forgé des amitiés, plus ou moins profondes, certes… Mais rien qui puisse amener à prononcer de tels mots. La dernière fois qu'il avait dû les ouïr devait remonter à son enfance… Oh, Dracos. Peut-être un siècle.

Il se passait très bien de retours d'affection, avait fait une croix dessus. Ils étaient les bienvenus, ils étaient appréciés et très bien reçus, touchant tant le bout pointu de ses oreilles que le creux du petit coeur de Dawan, mais restaient une surprise, qu'il n'attendait pas naturellement de ceux qu'il croisait. Le petit "je t'aime" de sa soeur pénétra sa poitrine comme une flèche que l'on aurait tirée près de lui, sans vent, d'un arc bien puissant. Il la regardait sans la voir, tout troublé, tout déstabilisé , mais surtout, profondément touché. Quel petit être adorable que sa soeur ! Qu'elle était précieuse…
Un instant, il la vit, telle qu'elle était. Adulte. Sa voix avait légèrement changé, c'était vrai. Malgré cela, il n'en trouvait que plus palpable le lien qui les unissait désormais. Quel idiot il était d'avoir pu croire que Leohana l'appréciait principalement parce que les convenances elfiques et leurs propres parents les poussaient à l'unité ! Il avait jadis alterné désirs paternels et besoin de se sentir libéré des convenances, par rapport à sa fratrie. Il avait été sourd, au final, aux véritables sons des coeurs de ces derniers, il le devinait désormais. Leohana serait bientôt adulte, et c'était une affection adulte qu'elle portait sur lui, qui se passait très bien des liens du sang.

Les souvenirs se mêlaient au présent, le connu à l'inconnu. Leohana… Que savait-il d'elle, au final ? ils avaient passé trop de temps séparés, l'un de l'autre. Etait-ce de son fait, n'était-ce pas de son fait… Il voulait, en tout cas, lui rendre ce qu'elle lui offrait. Il voulait toucher son coeur comme elle avait touché le sien, lui briser le temps pour y créer soixante années juste pour elle. Et Vahowin ? Non, Vahowin, c'était différent. Les souvenirs de la demeure parentale revenaient, et les premières images de sa petite Leohana avec. Les émotions de cette époque lointaine, aussi. Jeunes, fraîches, passionnées, parfois uniquement faites de musique, parfois composées de multiples et complexes pensées qui s'emmêlaient. Toutes celles qui étaient possible, il fallait les avoir. Toute la philosophie des livres, toutes les questions à avoir. La sensation indistincte du manque de quelque chose, qui ne serait comblée que des années plus tard, par une rencontre avec un maître baptistrel, Eawyn Aerin…

"- Maitre Eawyn…"

Murmura-t-il pour lui seul, juste avant que sa jeune soeur murmure des remerciements à son oreille. Là, ce fut clair et net: il fut déstabilisé au point de tomber à terre. Oh, ce fut tout doux, presque silencieux, avec son points de mouche anorexique. La chute lui fit néanmoins un effet paradoxal. Elle acheva de créer en lui l'impression tenace que les remerciements n'étaient pas à leur place, et que Leohana était désormais bien grande, tout comme elle acheva de le projeter dans le passé. L'archère ne pouvait être sa jeune soeur. Elle était plus grande que lui. Lui… Il était si jeune encore ! Le temps n'avait pas encore passé. Ou trop vite. Il n'avait pas senti sa propre croissance. Il eut un rire de bambin, se re-leva d'un bond. Le léger dodelinement de sa tête, l'étincelle dans ses yeux, et les inflexions de sa voix étaient celles d'un enfant. Leohana ne devait l'avoir entendu parler ainsi, elle qui l'avait connu muet jusqu'à ses quatre-vingt ans.

"- Fort-Espérance. Viens, allez, viens… C'est un nom qui te ressemble un peu. Viens… N'y as-tu jamais été ?"

Il prit sa main, commença à courir au-devant d'elle. Il était temps de créer cette faille dans le temps, pour elle, pour eux, pour l'amitié qu'il avait naturellement envers elle.

[HJ: tu me diras si tu veux conclure, continuer ailleurs…. ^^ Désolé pour le retard, les vacances m'ont accaparé]

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