Pour l’instant, tout se déroulait normalement pour Luna. C’était un jour qui semblait être comme tous les autres. Elle s’était levée de bonne heure et elle avait chigné contre le fait qu’elle devait perdre son temps à être présentable face aux autres. Mais sérieusement, tout ce temps perdu à passer à travers les milliers d’étapes afin d’avoir une apparence conforme aux attentes de la haute société était un pur gâchis! Il y avait tellement d’autres activités plus attrayantes que cela, par exemple, s’entraîner que ce soit à l’arc, à l’épée ou à toutes autres arme, lire un livre ou encore, dormir! Luna n’était pas tant une fillette qui aimait faire la grasse matinée, mais devoir se lever tôt pour se préparer, c’en était presque un défi. Pourtant, c’est ce qu’elle faisait à tous les matins et elle commençait lentement à s’habituer à cette routine. Après s’être levée, elle allait prendre son bain et ensuite, elle devait rester un moment à ne rien faire tandis que sa dame de compagnie lui brossait les cheveux jusqu’à ce qu’elle considère qu’il n’y avait plus de nœuds et Dracos sait qu’avec ses cheveux ondulés, il y en avait toujours qui se formait! Afin de raccourcir la séance de beauté, elle avait proposé un marché à la gamine : elle arrêtait là si elle pouvait la coiffer comme elle le voulait. N’ayant en fait pas trop le choix, la protégée de Korentin accepta l’offre et elle se retrouva coiffée d’une tresse sur le côté. La prochaine étape fut de choisir les vêtements qu’elle porterait durant la journée. Ce qui pouvait sembler des plus simples ne l’était pas du tout! Apparemment, il y avait toutes sortes de règles qu’il fallait respecter. Première, il fallait absolument que ce soit une robe, car il était hors de question que les nobles la voient en pantalons. Deuxièmement, il ne pouvait pas s’agir d’une robe qu’elle avait déjà portée durant la semaine, car les gens pourraient croire qu’elle n’avait pas de quoi se mettre sur le dos. Ah! Ces nobles… N’avaient-ils pas d’autres choses à faire que de juger ce que les gens portaient? C’était franchement abusé… Ils ne pouvaient quand même pas se rappeler de tout ce que quiconque revêtait? Troisièmement, le modèle de la robe de même que le choix de la couleur importaient énormément. Il ne pouvait pas s’agir des mêmes qu’elle avait mises le jour d’avant ou quoi que ce soit se ressemblant. Dernièrement, et c’est bien suffisant comme cela, toutes les couleurs devaient s’agencer à la perfection de la tête au pied. Le tout devait être pensé jusqu’aux moindres détails. C’est ainsi qu’avec toutes ces règles, Luna se retrouva avec une robe longue de couleur rose dont une ceinture blanche lui serrait la taille. Sa dame de compagnie maria le tout en lui faisant porter des chaussures blanches et ajouta un ruban de la même couleur à sa chevelure. C’est donc ainsi que la jeune fille quitta ses appartements, sans son sac puisque, apparemment, il s’agissait de la pire horreur qui existe et qui viendrait gâcher toute son allure.

Par la suite, le matin se déroula plutôt tranquillement. Luna rejoignit maître Guillot et les orphelins de l’aube comme elle avait promis à Korentin qu’elle ferait à tous les jours. Elle s’était assurée qu’ils allaient bien et qu’ils ne manquaient de rien. Elle avait joué avec eux et leur avait conté des histoires. Puis, elle les avait quittés juste après qu’ils aient dîné tous ensemble.

C’était une journée des plus normales, quoi. Ou peut-être pas finalement…? Tandis qu’elle passait par le lac sous-terrain afin de rejoindre ses appartements, elle eut la surprise d’y croiser cet apprenti-batistrel.

- Dawan Sywel! S’écria-t-elle sur un ton joyeux.

Son regard s’était illuminé tandis qu’elle le posa sur ce dernier. Ils ne se connaissait pas beaucoup, simplement le temps d’un rencontre, mais c’était une personne qu’elle appréciait énormément. Avec l’Aube Rouge et tout ce qui avait ensuite suivi, elle n’avait plus eu de nouvelles de l’elfe et c’était un soulagement que de le voir en bonne santé. Tout ce qu’elle espérait était qu’il ne lui en veuille pas trop pour ce qui était arrivé lors du jour tragique…

- Mais que vous est-il arrivé?!

L’étonnement se lut sur son visage tandis qu’elle réalisait l’état des vêtements du vielleur. Aucune crainte à se faire cependant concernant Luna, elle n’était pas du genre à juger les gens par la façon dont ils étaient vêtus. Ce n’était qu’un peu de boue après tout, rien de bien grave, et probablement qu’elle serait la première à s’y jeter s’il s’agissait d’un jeu. Cependant, cela semblait plus relever d’un accident et elle perçut le désarroi dans la voix de son ami.

- Oui, bien sûr. Bien évidemment que je vais vous aider! Le rassura-t-elle.

Ne lui avait-elle pas déjà dit qu’elle l’aiderait si jamais il en avait de besoin? Certes, ce n’était pas exactement ce dont elle avait imaginé, mais sa promesse tenait toujours peu importe les circonstances.

- Ce ne sera pas parfait, mais je devrais avoir quelque chose qui fera l’affaire. Poursuivit-elle. Voulant tirer sa cape et quelques vêtements de son sac, elle s’approcha sa main de là où il aurait dû y être. Or, elle ne l’avait pas avec elle! Oh! Non, c’est vrai! Je n’ai pas mon sac avec moi. Ah! Zut! Elle sembla réfléchir à une solution pendant un court moment. Mais si vous voulez, je devrais pouvoir trouver quelque chose qui vous ira dans mes appartements. C’est juste à côté dans Fort-Espérance. L’invita-t-elle.

C’était ce qu’elle avait à proposer. Elle n’y voyait pas d’autres solutions afin d’aider le chanteur. Malheureusement pour Enetari, Luna ne l’avait pas vraiment remarquée. En fait, si, mais elle n’avait pas fait attention à sa présence puisque son attention avait été portée sur Dawan.

- Ça ne devrait pas prendre trop de temps. Et ne vous inquiétez pas, les gardes vous laisseront passer. Précisa-t-elle.

Or, elle ignorait si entrer à Fort-Espérance était quelque chose de difficile pour l’Elfe, mais ce ne devrait pas être un problème pour quiconque accompagnait Luna. Il devait bien y avoir quelques avantages aussi à être la Protégée du roi des rebelles!



[ Pardonnez mon délai. Je ne le referai plus, promis! Ene 'Zolée, je n'ai pas interagi avec ton personnage. Si jamais tu bloques ou que tu n'as pas suffisamment d'ouverture, n'hésite pas à m'en faire part pour que j'édite et corrige ça ]

Elle avait son totem. Enfin ! Elle avait passé son rituel ! Depuis le temps qu’elle savait que la sauterelle l’attendait… C’était tellement de se téléporter ! Bien sûr, après un certain nombre de fois à apparaitre/disparaitre en parcourant la caverne principale en long en large et en détails, Enetari avait commencé à se sentir quelque peu fatiguée, et elle avait donc cessé ses activités totemesques pour se concentrer à chercher quelque chose qui pourrait la détendre tout en l’occupant. Et cette excuse toute trouvée s’était matérialisée en un certain elfe qu’elle avait déjà rencontré et qui lui avait par ailleurs bien gentiment offert un magnifique torque. Dawan ! Il tombait décidément à point nommé, encore que pour une fois il était toujours debout. Pas pour longtemps cela dit. S’approchant, la jeune fille s’avanca en gambadant joyeusement, telle une représentation onirique de la grâce et la légèreté incarnée, cheveux au vent ‒ou pas, puisqu’il n’y en avait pas‒ et large sourire. Elle ne doutait absolument pas que son ami accepterait de jouer avec elle, de toute façon il n’avait rien d’autre à faire. Rien qui puisse être plus important, en somme. Rien de plus important qu’elle. La preuve en fut son acceptation.

La partie de cache-cache aurait pu être simple si Dawan n’avait pas eu l’excellente idée de venir tout gâcher. C’était sûr et certain, il lui avait volé le magnifique diadème d’argent que lui avait offert Merithyn bien des années plus tôt, cachant son méfait sous l’explication d’un objet identique. Ridicule ! Comme si ce magnifique bijou pouvait exister en deux objets si similaires. Devant la mauvaise foi évidente de l’elfe, la demoiselle ne put rien trouver d’autre que de chercher à récupérer son bien, ce qu’elle fit sans problème avant de s’échapper avec, tentant d’éviter le vil voleur qui la poursuivait. S’arrêtant arrivée au marché noir, elle manqua percuter un pauvre humain, qui sentait d’ailleurs rudement mauvais, et fit la grimace en entendant les mensonges éhontés de son ancien ami bien coupable de vol. Et dire que l’oreilles-rondes prenait parti pour lui ! Elle était pourtant beaucoup plus mignonne, plus gentille, plus parfaite en fin de compte. De toute évidence, l’intelligence et la capacité de déduction étaient aussi élevées que sa propreté était inexistante. Bon gré, mal gré, la petite bonde lui tendit le bel ouvrage en serrant les dents, ses yeux bleus prenant une douce ‒enfin, non, c’était tout sauf doux‒ couleur bleu pâle dans lesquels se mouvait sa colère. Qu’importait. Puisque c’était ainsi, elle allait faire accuser l’apprenti baptistrel de ce qu’il était, un voleur infâme. Et cette salade, là, ferait très bien l’affaire. La lui fourrant dans les mains discrètement, elle prit une mine outragée, l’accusant tout fort d’avoir honteusement une pauvre salade innocente qui tremblait de peur de se faire manger par un individu pareil, et avec des dents si laides. Si le contenu de l’accusation laissa quelque peu perplexe les adultes environnant, ils saisirent très vite la situation et le monde sembla se resserrer autour des deux plus jeunes. Dawan, lâche jusqu’au bout, remit à sa cadette sa salade objet de leur litige, qui refusant de se faire accuser à sa place lui relanca dessus, et ainsi de suite jusqu’à ce que par un ô combien malheureux accident ‒non, c’était très drôle en réalité, d’ailleurs Enetari pouffa de rire devant la tête ébahie et furieuse du concerné‒ elle ne termine en pleine face de l’humain. Salade en pleine poire ! Drôle de compote.

Prenant la fuite ensemble, ils finirent près du lac souterrain et, s’asseyant près de lui, pas rancunière, la jeune fille demanda à son esclave-ami de lui chanter une chanson qu’il refusa d’entonner, souhaitant s’éloigner. Pas du tout d’accord avec cette décision, la jeune fille le fit rester de force, provoquant une délicieuse et mythique chute écrasage-tête-dans-la-boue. Fort amusée, elle le fut encore davantage devant le désespoir de son camarade, se délectant de la détresse qu’elle percevait dans son regard.

-Tu devrais tout enlever alors. Je peux t’aider si tu veux.

Taquine, elle s’approcha avec un regard moqueur, une moue mutine sur les lèvres. Malheureusement, cette suggestion n’eut pour effet que de faire s’échapper la proie en direction d’une petite humaine qu’Enetari observa avec intérêt. Elle souhaiterait peut-être jouer elle aussi ! Non ? Même pas ! Elle l’avait ignorée ! Mais quelle méchante citrouille ! Se voyant abandonnée, la jeune Terendul suivit le duo, curieuse de voir quels bêtises allaient bien faire le crasseux et l’inconnue. Et puis, elle aurait l’occasion de visiter l’appartement mystère ainsi. Toutefois, ne désirant pas être seule, elle attrapa le premier soldat qui passait à promixité pour l’entrainer avec elle, sautant dans ses bras sans lui laisser d’autre choix que de la rattraper.

-Vous ! Emmènez-moi jusqu’aux appartements de cette petite citrouille, elle nous y mènera.

Et Dracos, il était sacrément musclé semblait-il ! Et plutôt… et bien, toute végétarienne soit-elle, Enetari ne s’en sentit pas moins la tentation de le croquer avec de grands yeux fascinés. Se contentant de lui mordiller l’épaule pour voir quel goût cela avait ‒transpiration principalement, en l’occurrence, elle avait connu plus goûteux‒ elle se blottie contre le torse musclé et se laissa tranquillement porter, satisfaite de s’être trouvé une nouvelle monture.

C’était là une bien belle journée qui commençait pour le capitaine rebelle. Une nouvelle journée d’entrainement et de remise en forme après la blessure reçue à la bataille de l’Aube Rouge. A la vérité il ne s’entrainait plus seul depuis quelques jours, il profitait de l’entrainement des nouvelles recrues sous sa coupe pour retrouver ses capacités. Il y avait eu pas mal de chose à se mettre sous la dent pour cet entrainement, de la course, du maniement des armes et un parcours semé d’embuche…Dans tous les sens du terme en plus. En soit il se revoyait rajeunir d’une quinzaine d’années, mais là n’était pas la question même si cela lui rappelait d’excellent souvenir. Souvenir d’une vie perdue depuis longtemps.

La matinée s’était terminée avec les autres officiers de sa compagnie dans le principal but d’accueillir les nouveaux, ceux qui avaient été promu à la suite de la bataille d’Aigue. En soit ils n’étaient pas tout à fait des bleus, mais ils n’avaient que peu ou pas du tout commandé, il fallait donc les former au mieux et les lier à un officier plus expérimenté pour qu’ils prennent les bonnes méthodes. C’était là une idée de Matis pour le coup, lui avait eu la chance d’avoir été sous les ordres d’un capitaine qui l’avait formé sur le terrain et son aide se faisait encore ressentir aujourd’hui. Il tenait donc énormément à ce tutorat de substitution. Pourtant il n’était pas le plus expérimenté, sans doute pas le plus charismatique ou le plus efficace en combat, mais depuis la bataille d’Aigue, de trop nombreux officiers de qualité avaient été tués sur le champ de bataille. Et, à défaut de pouvoir les remplacer, ils devaient au mieux compenser leurs absences pour ne pas perdre la cohésion qu’avait l’armée rebelle grâce à ses officiers de front.

Quoi qu’il en soit il avait eu le temps de faire connaissance avec son « apprenti » avant de pouvoir enfin prendre un peu de temps pour lui. Manger un morceau avec ses sœurs et pouvoir se reposer après deux longues semaines de coma était toujours agréable même si dormir avait été sa principale activité durant tout ce temps. Mais les Esprits ne semblaient pas vouloir lui accorder le repos tant mérité dont il avait cruellement besoin. Pourquoi ? Et bien c’est en fait très simple.

Non loin de lui, alors qu’il était en train de se rendre à la caverne du souvenir, il aperçut Luna en pleine discussion avec ce qui semblait être un jeune elfe sacrément agité et étrangement habillé. Ou en fait non, il était justement salement habillé, littéralement. Il prit quand même un temps pour analyser les deux compères et il fut étonné de deux choses. Premièrement, comment se faisait-il que Luna soit si bien habillée ? Elle qui était plus proche d’une guerrière que d’une potiche se trouvait affublée d’une robe bien rose et bien trop sophistiqué pour ce qu’il pensait être de la jeune fille. A cela s’ajoutait des rubans et des chaussures sans parler des bijoux, une véritable petite poupée d’une beauté incroyable pour son âge. Le second personnage était un elfe, comme déjà énoncé, qui semblait être un apprenti ou un étudiant au vue de sa tenue, tenue qui était dans un état de délabrement avancé. Bon il était vrai qu’en comparant la tenue des deux protagonistes à celle de Matis on pouvait clairement avouer qu’il était le moins bien habillé. Une simple chemise à manche courte de forestier couplée avec un pantalon à la coupe forestière et des bottes de marche renforcée… A dire vrai il n’y avait que son épée qui dépassait de son dos qui le laissait passer pour un soldat et non pas un simple voyageur… Il était loin le temps de l’armure intégrale impériale… Dire qu’elle se trouvait dans un coin attendant patiemment son retour à Gloria une fois le tyran mis à bas.

Mais là était la faiblesse du capitaine, il avait cru qu’il n’y avait pas d’autre personne autour de lui, mais c’était loin d’être le cas. Quand il vit, et entendit surtout, arriver sur lui, une elfette toute menue et toute riquiqui qui n’avait qu’une envie, avoir monture. Hélas, il avait été assez désagréable pour une vie entière avec les elfes, il devait donc retrouver un peu de gentillesse pour ce peuple étrange. Mais ce qui l’empêcha surtout de lâcher la jeune elfe sur le sol et de passer son chemin était son regard. Il lui faisait penser à quelqu’un qu’il avait déjà vu, en fait à deux personnes qu’il avait déjà rencontré. Une mère et son fils… S’il s’agissait là d’un autre membre de cette famille il ne pouvait pas se permettre d’être désagréable…. Et puis comme cela lui permettait de … Hey ! N’était elle pas là en train de lui manger l’épaule ? Mais qu’est ce qui n’allait pas avec ces gens ? Les elfes étaient donc si mort de faim qu’il mangerait presque les humains tel des vampires de jour ?

Si vous voulez que je vous conduise à cette citrouille dont le nom est Luna je vous demanderais une chose. Lachez moi l’épaule ou c’est la terre que vous gouterez dans les prochains instants.

Il avait dit cela avec détachement et attendit patiemment que la jeune femme le lâche avant de poursuivre. A la vérité s’il s’était trouvé dans une autre situation il aurait hurler, mais être présent à Aigue au milieu des siens faisait que son totem du chien lui apportait satisfaction et réconfort. Aussi il allait tacher de ne pas être désagréable.

Je conseille à Madame de bien s’attacher car nous allons rattraper vos jeunes amis.

Il n’attendit pas plus pour courir rejoindre les deux jeunes gens devant eux. Et une fois que ce fut fait il les observa en souriant à Luna, tout en ayant la jeune elfe dans les bras.

Bonjour Luna, cette jeune dame m’a sautée dans les bras et ma gentiment demandé de vous suivre. Est-ce là une ami de ce jeune elfe ? Bonjour à vous ceci dit, mais vous semblez avoir connu meilleure tenue, que vous est il donc arrivé ?

Souriante, Luna attendit que son ami accepte la proposition avant de continuer. Ses vêtements étaient vraiment dans un sale état et si gentiment demandé, elle ne pouvait pas refuser de l’aider. Elle était certaine qu’il y aurait quelque chose dans ses appartements qui pourraient lui convenir et même si ça ne lui irait pas parfaitement, c’était quand même mieux que de se promener dans Aigue-Royale dans des vêtements mouillés et dégoulinant de boue. Une question lui traversa toutefois l’esprit : pourquoi n’avait-il pas d’autres vêtements? Il n’était pas étonnant qu’il n’en ait pas d’autres avec lui, mais il devait bien en avoir ailleurs? Il logeait probablement dans la Caverne des Songes et s’y rendre ne prenait pas beaucoup de temps. Peut-être qu’il était gêné qu’on le voit se promener dans les tunnels dans cet état ou peut-être qu’il n’avait rien d’autre à se mettre sur le dos. Peu importe, la question lui parut superflue et la gamine ne prit pas la peine de lui poser. Il devait avoir ses raisons et à vrai dire, elle était contente de l’avoir croisé. Qui sait? Peut-être que sa journée serait moins monotone que ce qu’elle avait cru.

Elle l’incita à le suivre et ils se dirigèrent vers Fort-Espérance. Quelques minutes plus tard, des pas de course retentirent en leur direction et la gamine se retourna afin de voir qui arrivaient. Toute une surprise! Son visage s’illumina et un large sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu’elle posait son regard sur nul autre que le capitaine.

- Matis! S’écria-t-elle d’une voix joyeuse.

Elle n’en croyait pas ses yeux. C’était vraiment lui. La dernière fois qu’elle l’avait vu, son état n’était plus précaire grâce aux soins des guérisseurs, mais elle ne pouvait pas dire qu’il allait bien pour autant. En effet, son état avait été stabilisé, mais il était à ce moment-là toujours plongé dans un coma profond. L’Aube Rouge avait fait bien des ravages et Matis en faisait malheureusement parti. Se doutait-il qu’elle s’était fait du souci à son sujet? Lui avait-on raconté qu’une gamine était passée à plusieurs reprises à son chevet afin de prendre de ses nouvelles? Elle n’était pas allée le voir durant quelques jours et voilà qu’il semblait en pleine forme ou du moins suffisamment en forme pour courir et transporter une… elfette?! Matis posait là une excellente question: était-ce une amie de l’apprenti-baptistrel? Posant un regard sur Dawan, elle le ramena ensuite sur Enetari et lui sourit.

- Bonjour! Je m’appelle Luna. Se présenta-t-elle d’une voix douce. Elle s’inclina respectueusement. Pourrais-je avoir l’honneur de connaître votre nom? Vous vouliez nous suivre? Pardonnez-moi, je ne savais pas que vous étiez ensemble. On ne m’avait rien dit… poursuivit-elle, jeta un coup d’œil à Dawan. L’idée de se rendre à plusieurs à ses appartements ne la dérangeaient pas du tout. Qui sait? Ils allaient peut-être même trouver une occasion de s’y amuser. Après tout, plus on est de fou, plus on rit! Et qu’est-ce qu’elle s’ennuyait ces temps-ci! Bon, parfait! Dans ce cas, suivez-moi! Tu viens avec nous, Matis? Ça me ferait vraiment plaisir que tu te joignes à nous. Sans oublier qu’il portait la demoiselle et qu’elle n’avait pas l’air de vouloir lâcher prise.

Ainsi, c’est n’est pas à deux, mais à quatre qu’ils se dirigèrent vers Fort-Espérance. L’endroit n’était pas très loin et en quelques minutes, ils arrivèrent à l’entrée. Celle-ci était gardée par plusieurs gardes qui reconnurent Luna et Matis. Ils les saluèrent tandis qu’ils jetèrent plutôt un regard suspicieux envers le Chanteur, l’allure de ses vêtements semblant les déranger. On pouvait également deviner qu’ils se questionnaient quant à la présence de la jeune elfe dans les bras du survivant.

- Ils sont avec moi. Je vous prie de bien vouloir nous laisser passer. Prononça la protégée de leur roi d’une voix ferme et sans équivoque.

Elle n’eut pas besoin de le demander une deuxième fois qu’ils se déplacèrent sur le côté afin de les passer. La présence du capitaine devait sûrement y être pour quelque chose, chassant les inquiétudes qu’ils pouvaient avoir. Quelques tunnels plus loin, Luna s’arrêta devant une porte.

- On est arrivé!

Poussant la porte, la jeune fille laissa entrer ses invités à l’intérieur en premier et la referma derrière elle. Ses appartements étaient composés de deux pièces, le tout étant plutôt modeste, mais elle avait au moins la chance de ne pas avoir à les partager avec quiconque contrairement aux dortoirs que l’on retrouvait dans la Caverne des Songes. La première était suffisamment grande pour contenir un lit et une table de chevet au fond, une petite commode sur la gauche qui ne contenait pas grand-chose ainsi qu’une armoire sur la droite qui détenait ses robes. Sur la table de chevet étaient déposés une carafe d’eau, un gobelet et un livre intitulé « Étoile bleue ». Une autre porte menait à la deuxième pièce qui était beaucoup plus petite. Il y avait une chaise, une bassine et des divers accessoires de beauté.

- Je devrais avoir des vêtements pour vous dans mon sac… mentionna-t-elle à l’égard de Dawan. Cependant, jetant un coup d’œil à sa commode, son sac n’y était plus. Oh? Mais où est-il? Elle a dû le changer de place. Il ne doit pas être bien loin. Elle s’arrêta et leur sourit. En attendant, faites comme chez vous surtout! Dit-elle à ses invités.

Sur ce, elle commença à fouiller les différents tiroirs et à jeter un coup à l’intérieur de son armoire à la recherche de ce fameux sac.

Dawan avait gentiment suivi Luna, de son habituel pas, rythmé par les tintements du tambourin. Il souriait un peu, rassuré et honoré par les mots de la princesse des Lumières. Il allait pouvoir être présentable, et dans des habits confortables ! Qu'elle était généreuse, cette petite humaine ! Et si douce ! Et avec une si jolie voix ! Puis, elle, au moins, elle ne faisait pas dans la torture d'instruments de musique, contrairement à une certaine elfette… L'Enwr se perdit dans le souvenir tout doux, tout lumière et tout musique qu'il avait de sa première rencontre avec Luna. L'effet de cela fut qu'il fallut que la petite humaine interpelle un certain "Matis" pour le faire réagir. Il s'arrêta, se tourna vers ledit Matis, qu'il dévisagea sans se cacher, curieux, et un peu surpris. Il n'avait pas vraiment imaginé ce genre de connaissances à Luna, d'autant plus qu'elle semblait beaucoup l'apprécier. Un ami soldat, elle ? Mh, au moins, elle était ouverte d'esprit, c'était une bonne chose. Malgré sa défiance instinctive envers les armes, Dawan songea qu'il ferait peut-être bien d'imiter sa blonde amie.

Si Enetari était son amie ? Euhm. C'était… Compliqué à expliquer. Il n'avait rien contre elle. Elle avait sans doute plein de qualités. Elle était… Enjouée ! Pleine de vie ! Mais elle était dangereuse pour sa vièle, il ne pouvait s'empêcher de se sentir en danger en sa présence, et cela ne lui permettait pas de l'apprécier autant qu'il l'aurait pu. Aussi en réponse à l'interrogation, il se contenta d'un sourire. Qu'ils le prennent pour une approbation s'ils le voulaient. Tandis que Luna lui jetait un regard, lui, il regardait Enetari. Peut-être qu'il devrait lui en parler. Peut-être qu'il devrait lui dire qu'il voulait bien jouer avec elle, à condition qu'elle ne touche pas sa vièle. Lui faire comprendre combien elle était sacrée… Mais cette grande enfant avait l'air de si peu faire attention à ce qu'on lui disait, aux demandes qu'on pouvait lui faire !
Ramenant ses grands yeux gris sur l'humain, ce qui impliquait qu'il courbe sa nuque vers le haut, Dawan lui apporta de simples explications quant à sa tenue, se contentant de pointer Enetari du doigt.

À nouveau, le jeune elfe emboita le pas à Luna, la guide du groupe, femelle alpha ! Devant les Gardes de Fort-Espérance, il songea à nouveau aux fois où il était venu ici. Il avait dû soigner des blessés, ils avaient laissé entrer l'apprenti baptistrel. Bah alors, pourquoi le regardaient-ils ainsi ? Mh, peut-être était-ce parce que ce n'étaient pas les mêmes gardes. Ce n'était pas impossible. Luna les entraina dans les méandres de Fort-Espérance. Dawan, derrière elle, mais devant les deux autres, ne pouvaient observer ce que faisaient Matis et Enetari. À vrai dire, cela ne l'inquiéta pas. Il était occupé à graver dans sa mémoire ce qu'il voyait là, comme si c'était l'unique occasion qui lui était donnée de vivre un passage en pareil endroit, comme si à son retour son maitre allait l'interroger, lui demandant tous les détails. Enfin, il se glissa dans les appartements de Luna. Alors c'était ici que l'on vivait, lorsque l'on était protégée de Korentin Kohan ! C'était, mh… Différent de ce dont les elfes avaient l'habitude. Son regard traina un peu partout, comme s'il craignait de louper un détail important, ou de passer ici et en ressortir sans le moindre souvenir. Nerveusement, il se retrouvait à produire un petit tintement de tambourin, rapide.
Alors que Luna commençait à chercher son sac, il dévisagea à nouveau l'humain, le soldat, sans rien dit, avec tout juste un faible sourire. Le sourire se changea en air songeur quand son regard glissa vers Enetari. C'est à mi-voix, de sa voix douce et trop aiguë habituelle, qu'il s'adressa à elle, alors que son regard commençait à la fuir:

"- Enetari, j'aimerais bien vous demander quelque chose. Est-ce que vous pourriez…"

Pouf.
Comme une bulle de savon qui éclate, sa concentration éclata, au moment où le grincement de l'armoire le captiva. En quelques bonds, il fut auprès de Luna. Ses yeux ne tardèrent pas à pétiller. Elle avait tant de tenues différentes, Luna ! Et tant de jolies tenues ! Des tissus qui paraissaient fabuleux au toucher ! De ses quelques doigts propres, il les effleura. Les couleurs étaient si plaisantes ! Et elles étaient en bon état ! Oh, il y avait aussi d'autres habits, dont il avait plus l'habitude. Mais ces robes-là…
Dawan affichait un sourire tout doux, un sourire ravi et émerveillé. Il avait porté une main au niveau de ses lèvres, comme pour cacher ledit sourire. Sa voix ne cachait rien, cependant, de la joie enfantine qu'il ressentait, devant tant de belles choses, et tant de belles choses à sa portée, dont il pouvait avoir envie ! Car Luna ne lui avait-elle pas dit qu'elle l'aiderait ?

"- Oh, Luna ! Puis-je essayer cette robe-ci, s'il-vous-plait ? Elle est si belle, elle a l'air si agréable ! Oh, et cette jupe, je peux ?"

La réponse lui arracha un bref rire de bonheur. Il prit donc la robe des mains de Luna. Une robe bleue, couleur aussi rare que belle, rehaussée de blanc et de rouge. Ses doigts étaient ravi du toucher si délicat du tissu. Il allait être si bien, dedans ! Il avait de la chance d'avoir une amie telle que Luna ! Il allait falloir qu'il lui rende la pareille, un jour !
Son regard passa sur Matis et Enetari. Ah, oui. Autant devant Luna, bon, il se serait mis dans un coin, lui tournant le dos, pour enfiler la robe rapidement, autant devant eux… Il s'esquissa dans la pièce d'à côté, il referma la porte avec précaution.
Cela faisait des mois désormais qu'il occupait les dortoirs de la Caverne des Songes, il comprenait la chance qu'avait la Princesse des Lumières d'avoir ces pièces à sa disposition. Il posa la robe et la jupe sur une chaise présente dans cette pièce dédiée à la beauté, à l'apparence. Un bref instant, il se regarda dans le miroir. Oh. Il n'avait pas fière allure. En tout cas, c'était son avis. Il s'était connu avec les traits plus enfantins. L'Aube Rouge avait dû passer par là. Secouant la tête pour empêcher les souvenirs de revenir, il s'occupa de choses plus importantes que l'Aube Rouge. Il avait une tache de boue sur la joue, il la retira. Pas chance, sa peau n'était pas sale outre mesure. Il prit le soin de nettoyer ses mains, retira sa tunique et son pantalon boueux, ses bottes. Il allait finir par ne plus en mettre, de toutes façons. Comme Eawyn. Cela lui arrivait de temps à autre, et il devait admettre qu'il en portait plus par habitude que par besoin. Enfin, il essaya la jupe. Trop grande, beaucoup trop grande. Elle devait être trop grande pour Luna aussi. Peut-être la lui avaient-ils donnée en espérant ou attendant qu'elle grandisse ? Non, pas possible, c'était un véritable drap, ce truc ! Qu'on l'emporte en voyage, Enetari, Luna et lui pouvaient sans souci s'enrouler dedans ! Il la retira, un peu tristoune. Dommage, elle était si jolie, la jupe blanche ! Tant pis, il enfila la robe, et noua la ceinture à sa taille. Ah, là, elle lui allait bien mieux ! Juste à sa taille, en fait. Et c'était vraiment agréable d'être au sec, et plus libre que dans un pantalon. Il tourna un peu sur lui-même, pour la faire voler autour de lui, légèrement. Il se sentait agréable à l'oeil. D'habitude, c'était une chose dont il se moquait éperdument. Il fallait que l'occasion s'impose à lui pour qu'il l'apprécie pleinement. Il s'inspecta à nouveau dans le miroir, coiffa ses cheveux de ses doigts pour leur donner un semblant de forme, mit son diadème bien droit. Là ! Oh, il se sentait aussi joli que Luna, il était prêt à être comme elle, tout de lumière !

Dawan reprit sa vièle sur son dos, son tambourin à sa cheville, et ses habits du bout des doigts. La jupe, il la mit en travers d'un de ses bras. Il sortit de cette pièce, rayonnant. Il tourna à nouveau sur lui-même, pour montrer à Luna comme la robe lui allait bien !

"- Merci beaucoup, Luna ! Je serai bien mieux ainsi. Es-tu sûre que cette jupe est à toi ? Elle est immense !" fit-il, tout enjoué, en lui tendant ladite jupe.

[HJ: C'est Esme qui a choisi la robe. Enetari, je compte sur toi désormais.]

Luna ? Mais ce n’était pas lune, c’était une citrouille ! Quel drôle de nom, vraiment. Levant les yeux au ciel en entendant les propos de sa nouvelle monture, Enetari le regarda d’un air consterné, secouant la tête avec désespoir.

-C’est gentil de proposer, mais je l’ai déjà gouté, la terre, et franchement, ça n’a rien de bien terrible. Je n’ai jamais mangé d’humain par contre ! Mais bon, vous n’avez pas l’air très appétissant en général. Même si vous, l’êtes un peu plus.

Satisfaite, elle plissa les yeux de contentement avant de tapoter les pectoraux de l’humain. D’une manière générale, elle n’appréciait que moyennement la musculature carrée des oreilles-rondes, leur préférant l’élégante te plus longiligne force elfique, mais il était vrai que ce pouvait être intéressant d’en étudier de près et qu’elle n’allait pas cracher sur de potentiels modèles. D’ailleurs elle ne crachait pas souvent, inutile de gaspiller ainsi sa salive.
Il se mit d’ailleurs à courir et la jeune elfe éclata de rire, satisfaite de l’aventure. La course ne fut pas bien longue mais qu’importait. Arrivée près de Citrouille et de son elfe de compagnie, la petite Terendul pinça les lèvres en plissant les yeux lorsque de nouveau la blondinette l’ignora pour saluer le porteur. Ah ! Enfin, elle se décidait, lui décochant même une révérence. C’était la moindre des choses après son impolitesse. Tapotant le dénommé Matis ‒Il s’appelait vraiment ainsi ? Quelle idée…‒ pour qu’il la relâché, Enetari se laissa glisser à terre, observant avec attention sa vis-à-vis. De taille à peu près similaire, elles avaient toutes les deux les yeux clairs et pétillants, de longs cheveux pâles, une peau blanche et fine. Amusée, l’elfette se demanda si c’était à cela qu’elle aurait ressemblé si elle était née humaine. Ses cheveux blancs seraient blonds, ses oreilles pointues, rondes, ses traits si délicatement elfiques s’arrondiraient légèrement.

-Je suis Enetari Terendul ! Ne t’inquiètes pas, la rassura-t-elle avec une grimace affligée en jetant un regard à Dawan, j’ai grand peur qu’il me faille encore l’éduquer, mais je suis sûre que ça viendra ! Il n’est déjà pas capable de rester propre…

Regrimpant derechef dans les bras porteurs, l’elfette laissa la petite humaine leur faire signe de continuer en observant avec intérêt autour d’elle. Ils passèrent heureusement sans soucis aucun jusqu’aux appartements et, prenant pied au sol cette fois définitivement, la jeune fille piqua un baiser amical sur la joue de son humain-cheval avant de lui décocher un regard mutin.

-C’est bien, je t’utiliserai peut-être de nouveau, si tu restes sage.

Se désintéressant totalement de lui, elle observa autour d’elle avec vivacité en écoutant vaguement la demande du joueur de vièle. Preuve de son infériorité mentale, il fut incapable de terminer sa phrase et Enetari lui jeta donc un regard désolé avant de fureter à son tour. Il n’y avait pas grand-chose, mais elle renifla, toucha, bricola les objets de beauté avec surprise et fascination. Elle-même n’avait pas besoin de tels artifices, elle était naturellement magnifique. Curieuse, elle apporta un petit pot à Luna qui lui indiqua qu’il s’agissait d’une crème à mettre sur les lèvres. La laissant faire pour observer comment elle faisait, elle pencha la tête sur le côté, émerveillée… avant d’attirer brutalement la jeune fille à elle pour l’embrasser sur la bouche. C’était plus simple que de s’en mettre elle-même. Pas le moins du monde perturbée, elle décocha un splendide sourire à Luna accompagné d’un « Merci » enthousiaste avant de remettre le pot à sa place pour se tourner vers les habits. Il y avait surtout des robes, le genre qu’Enetari ne mettait tout simplement jamais parce qu’il était bien plus aisé de se vêtir de tuniques et pantalons pour aller courir, nager, escalader. Cela faisait d’ailleurs bien longtemps qu’elle n’avait pas pu jouer à l’écureuil… les arbres lui manquaient, et pas moyen d’en faire pousser ici. Quelle misère… Enfin, au moins pouvait-elle essayer les jolies robes, puisque l’occasion se présentait ! Fouillant et farfouillant, elle finit par en extraire une jolie, composée d’une tunique aux manches vertes lacées et d’une robe à passer dessus d’un joli bordeaux, le tout agrémenté d’une jolie ceinture dorée. Ce fut ce moment précis que choisit le crasseux pour revenir vêtu d’une jolie robe qui ne lui allait pas du tout. S’approchant de lui, sceptique, la demoiselle le dévisagea en silence avant de lui faire part de son point de vue.

-Tu es affreux. Et ridicule. Ridiculement affreux, donc. Ou affreusement ridicule ? Comme tu préfères !

Simple constatation, ce n’était absolument pas une insulte ni une provocation. Toujours souriante, la demoiselle tendit la main pour remettre délicatement en place une mèche de cheveux de son semblable avant de hocher la tête avec sérieux :

-La robe est jolie. Toi moins, mais tu as bon goût.

C’était ce qui s’approchait le plus d’un compliment. S’éloignant d’un pas, elle se déshabilla sans la moindre gêne devant les trois autres ‒eyh, elle avait tout de même une courte petite chemisette sous sa tunique pour limiter le désagréable frottement du tissu. Pas de raison d’être outré donc ! Et quand bien même… son corps était très joli, non mais ! ‒ pour passer sa trouvaille, rejetant sa crinière d’argent dans son dos d’un mouvement souple avant de pivoter vers le dénommé Matis. Glissant jusqu’à la porte, elle se mit en travers de la sortie pour fixer sa cible avec un regard gourmand, ses prunelles grises pétillantes.

-A ton tour maintenant…

Et s’il refusait de se changer, elle se chargerait de l’attacher pour le déshabiller. Et à en voir la tête des deux autres, ils n’étaient sans doute pas loin d’en faire de faire de même.

Hrp: voilà la robe prochain post, tous sur Matis

Il était bien content de revoir Luna après tout ce temps, même s’il était un peu déçu de ne pas avoir pu lui répondre et lui parler quand elle était venue la voir durant son coma. Il allait sans doute avoir le temps de se rattraper maintenant qu’il était revenu d’entre les morts. Quoi qu’il en soit, la voir en face de lui, souriante et heureuse lui permettait de revoir un trait de sa personnalité qu’il avait oublié avec cette guerre… La dernière fois qu’il l’avait vue elle se trouvait dans un lit, était sous l’influence d’il ne savait pas trop quoi et craignait pour sa vie. Elle venait de traverser, à pied, une bonne partie de l’empire en quittant Gloria après s’y être fait torturée durant des jours entiers. Dans cette histoire il se revoyait vivre la même chose avec les vampires, avaient ils donc vécu la même chose ? Toute proportion gardé il y avait effectivement de quoi se poser des questions… Mais là n’était le moment ni le lieu.

Il lui sourit et la salua de manière très diplomatique.

C’est un plaisir que de te revoir ma chère Luna.


Ils se mirent donc tous en route vers l’intérieur même de la grotte, intérieur qui ne contenait rien de moins que le cœur de la rébellion, un lieu de stratégie, un lieu de réflexion, un lieu où se trouvait sa famille aussi. Alors quand Luna et sa troupe arrivèrent devant les gardes, ces derniers n’eurent aucun doute pour elle et le capitaine, mais nettement plus pour les deux elfes qui les accompagnaient. Même si l’on savait que la jeune elfe était la fille du chef de l’armée elfique. Un personnage un tantinet important quand même.

Il salua donc les gardes d’un mouvement de tête et poursuivi avec la jeune elfe dans les bras. Cela allait faire jaser une fois qu’il retournerait parmi les siens mais il n’en avait cure. Même s’il n’était pas courant qu’un capitaine rebelle errait dans le palais rebelle, étrange comme phrase, en suivant une bande d’enfant tout en portant une elfe à bout de bras. Une elfe qui semblait d’ailleurs prendre un malin plaisir à le tourmenter. Etait ce là un jeu ? En tout cas, et pour en avoir comprit les pourtours avec l’autre elfe portant le nom de Dawan, il se doutait bien qu’elle était un peu étrange… En même temps s’était une elfe, elle était donc, de base, bizarre.

Après avoir erré pendant un temps dans le palais et ses dépendances, ils finirent par arriver dans le lieu de vie de la jeune femme. C’était un endroit vaste même si l’on devait la considérer comme modeste par rapport au palais. Mais comparer ce lieu avec le sien était hors de toute comparaison raisonnable, il fallait se faire une raison, elle était bien mieux lotie que lui, et en soit, c’était normal. Il laissa donc la jeune elfe descendre non sans qu’elle lui ait déposer un bisou sur la joue tout en ayant indiqué qu’elle n’hésiterait pas à l’utiliser de nouveau. Pour ça elle pouvait rêver, mais ça, elle ne le savait pas encore.

C’est un bien beau logement que tu as là Luna, bien mieux que tout ce qu’on m’a proposé… Tu fais comment pour avoir autant d’avantage ? finit il par dire en plaisantant.

Quoi qu’il soit il avait en face de lui le troisième membre de la famille Terendul qu’il rencontrait… Avec un peu de chance il finirait par rencontrer le dernier membre, son père donc. Même s’il avait cru commencer par lui, ce qui aurait été logique en soit. Mais la logique dans tout ça… Disons qu’elle était passée aux oubliettes.

Donc, pendant que les jeunes, même si l’on ne pouvait pas vraiment l’attribuer aux deux elfes, étaient en train de tester des vêtements, matis s’assit sur une chaise et écouta en souriant et donnant son avis quand on le lui demandait. Jouer à la dinette et aux poupées ce n’était pas son truc…. Mais s’aurait été ses sœurs qui auraient été ravies de le voir et d’assister à ce défilé presque improvisé… Il revint néanmoins à la raison quand il vit les yeux de la petite terendul et le regard qu’elle lui lançait. Sans parler de la phrase…

Il la regarda se rapprocher tout en bloquant l’accès à la porte. Il ne savait pas bien ce qu’elle avait en tête mais elle pouvait rêver si elle pensait qu’il en mettrait une aussi….

le jour où je mettrais une robe n’est pas encore arrivé. Il faudra me passer sur le corps jeune fille.

Dit-il d’un ton neutre mais ferme. Qu’elle essaye donc de lui faire porter cela et elle apprendrait à voler. Il le prenait à la rigolade parce qu’elle ne pourrait jamais le forcer, mais il devait rester ferme pour pas se faire marcher dessus par une fillette trop gâtée. C’était peut-être là l’erreur de Dawan…

Ouvrant la porte de son armoire, révélant ainsi de nombreuses robes de tous les styles et de toutes les couleurs, Luna sourit au Dawan qui venait d’apparaître à ses côtés d’un bond. Elle crut d’abord qu’il voulait l’aider dans sa recherche et se déplaça afin de lui laissa plus de place. Toutefois, il ne bougea pas immédiatement et resta immobile à regarder les robes qui étaient accrochées avec un regard émerveillé. Un peu plus et on aurait dit qu’il venait de tomber sur le plus grand trésor qui soit. La gamine fut surprise par la question qu’il lui demanda, à savoir si elle l’autorisait à s’accaparer de la tenue qu’il pointait du doigt, elle n’avait pas envisagé lui prêter ce genre de vêtement lorsqu’il lui avait demandé si elle pouvait lui prêter de quoi se vêtir. La surprise sur le visage de Luna fut rapidement remplacée par un air joyeux. Mais pourquoi pas? Quel mal y avait-il à ce qu’il porte une robe? Et avec cet air émerveillé et cette lueur pétillant dans le regard de l’apprenti-baptistrel, il était juste impossible de lui dire non et de réduire son petit cœur d’enfant en miettes. Ce serait juste trop cruel.

- Mais oui bien sûr. Prends tout ce que tu veux. Ça ne me dérange pas du tout, fais toi plaisir. Lui dit-elle d’une voix douce.

Afin de démontrer qu’elle était sincère, elle détacha même la robe désignée du cintre et la mit dans les bras de l’elfe. D’un air amusé, elle le regarda prendre quelques autres pièces de vêtements et s’enfermer dans la pièce d’à côté afin de se changer.

Elle se retourna vers les deux compagnons, espérant qu’ils étaient à l’aise dans ses appartements et que tout allait pour le mieux. Pour Matis, elle ne se faisait pas trop de soucis. Elle le connaissait suffisamment pour savoir que ce n’était pas la chambre de la protégée de Korentin et trois gamins qui allaient réussir à le déstabiliser. Luna lâcha un petit rire suite à sa plaisanterie.

- Oh je sais pas…! Je dois être mignonne à croquer et avoir fais les yeux doux aux bonnes personnes! Serais-tu jaloux par hasard? Dit-elle sur un ton moqueur. Mais non, elle n’avait pas eu à faire les beaux yeux à qui que ce soit pour se rapprocher de l’Empereur des rebelles et finalement devenir sa protégée. Probablement que son joli minois enfantin avait fait penché la balance, mais c’était surtout parce qu’elle n’était qu’une orpheline qu’elle avait attiré la sympathie de Korentin.

Luna posa son regard sur l’elfette du nom d’Enetari et sut qu’elle n’avait pas à se faire de soucis à son égard. Cette dernière semblait des plus à l’aise, surtout qu’elle n’avait pas hésité un instant avant de se mettre à fouiner un peu dans ses choses. Peut-être qu’une autre fillette de son âge aurait détesté qu’on veuille porter ses vêtements ou toucher à ses choses, mais Luna n’était pas comme les autres. De plus, ne lui avait-on pas toujours dis qu’il fallait savoir partager? Elle la vit d’ailleurs s’approcher d’elle avec un baume à lèvres dans les mains avec un air interrogateur et tout bonnement, la jeune fille prit le maquillage et le déposa sur ses propres lèvres en guise de démonstration. Dracos avait probablement vu le baiser venir, mais ce n’était pas le cas de Luna. Elle écarquilla les yeux, surprise par le signe d’affection soudain venant de l’elfe et se détacha d’elle lorsque cette dernière le décida. Plongeant ensuite son regard dans le sien, elle put lire l’amusement dans ses prunelles grises. Ah! Vraiment? Elle s’amusait? Oh! Dans ce cas, Luna comptait bien s’amuser aussi et ce jeu-là était bien plus amusant à deux, n’est-ce pas? Ayant l’elfe à proximité, elle en profita pour détailler ses traits. Elle était particulièrement jolie. Rien d’étonnant puisque tous les elfes étaient beaux, mais elle, elle l’était encore plus avec cette chevelure nacrée, ce petit nez délicat et cette lueur envoûtante cachée dans son regard. Étrangement, elle avait une impression de « déjà vu », mais elle n’arrivait pas à se souvenir à qui elle lui faisait penser.

Avant que Luna ne puisse répliquer quoi que ce soit, voilà qu’un Dawan revêtant une jolie robe toute propre ressortait de la pièce et qu’Enetari en choisissait une dans son armoire. Étonnamment, l’elfe avait bonne allure avec cette robe sur le dos. Elle lui faisait bien, tant par les couleurs que par la taille qui était ajustée pour lui. C’était juste étrange de le voir ainsi, mais il semblait tellement joyeux de la porter. Luna ne comprenait pas l’attrait qu’il avait envers ce genre de vêtements, mais ce n’est pas parce qu’elle n’aimait pas porter des robes que les autres devaient avoir le même avis qu’elle!

- C’est particulier… Mais ça te va quand même bien. Lui dit-elle. Si tu la veux, je te l’offre. Elle est à toi. Ajouta-t-elle, un sourire aux lèvres. Personne ne remarquerait qu’il y avait une robe en moins dans son armoire et elle n’était attachée à aucun vêtement. Si ça pouvait lui faire plaisir, elle serait heureuse de lui offrir ce cadeau. Pour la jupe… Je sais pas, y’a tellement de vêtements que je sais plus trop ce qui m’appartient ou pas. Mais… Ça n’a pas d’importance de toute façon, non?

La gamine s’approcha de Dawan afin de lui enlever des mains la dite jupe et le temps de se retourner, voilà que l’elfette se déshabillait juste comme ça devant tout le monde pour revêtir la robe qu’elle avait choisie. Elle n’était vraiment pas gênée cette petite, dis donc! Ce n’est pas comme si cette manque de pudeur la choquait, mais ça l’étonnait juste un peu. Décidément, tout semblait n’être qu’un jeu pour elle… Et elle décida d’ajouter un nouveau joueur à la partie: un Matis qui parut indigné par la demande d’Enetari.

- Matis, je te promets que tout ce qui se passe ici restera enfermé en ces murs. Tu n’as pas à te faire de soucis. Lui dit-elle d’une voix rassurante, lui faisait un clin d'oeil.

Luna jeta un coup d’œil au capitaine avant de s’approcher d’Enetari, un brin d’amusement dans son regard. Elle s’arrêta à quelques pas d’elle et lui sourit.

- Tu es très jolie dans cette robe, tu savais? Dit-elle d’une voix douce. Mais il t'en manque un peu. Attends, laisse moi t’aider. rajouta-t-elle d'une voix mielleuse.

Elle posa la crème sur ses propres lèvres avant de s’approcher davantage d’Enetari et de poser tendrement ses lèvres sur les siennes en un doux et long baiser. Elle allait comprendre que ce jeu, il se joue à deux! Et Luna, elle aimait jouer.

Vu la tête de Dawan, il ne savait pas comment prendre la remarque. Bah, quelle importance après tout ? C’était plutôt que de lui laisser le doute. Peut-être finirait-il par être complexé de son physique si Ene lui faisait plusieurs fois dans le temps cette remarque, de façon désinvolte. Combien de temps avant qu’il ne se sente mal à l’aise avec lui-même ? D’ailleurs, jusqu’où cela pouvait-il ? C’était une très bonne enquête. Savoir à quel point la crainte de déplaire physiquement pouvait influencer la vie. Jusqu’à pousser à la mort, peut-être ? Sachant que l’apprenti baptistrel ne semblait pas trop s’en faire et que cette insouciance paraissait un solide rempart mental physique, il serait un coriace sujet d’étude. Tant mieux, elle l’aimait bien malgré tout, ce petit elfe domestique, autant qu’il reste en vie encore un peu avant qu’il lui soit totalement inutile. Elle trouverait sans mal d’autres cobayes pour tester ses idées. Un pendu dans Aigue Royal, voilà qui rajouterait un peu d’animation !
Décochant un éblouissant sourire au jeune homme, elle le laissa dans son incertitude avant de vaquer à ses occupations. Sa robe enfilée, elle tourna ses yeux vifs vers l’humain et sourit d’un air carnassier à sa remarque.

-Vous passer sur le corps ? Mais… volontiers !

Elle fit la moue, un brin aguicheuse, avant d’éclater de rire. Non, elle n’avait pas spécialement de finir dans son lit, le provoquer était la seule chose qui l’intéressait. Elle ne le laisserait pas avoir le dernier mot ! Et puis, s’il lui tendait la perche ainsi, il ne fallait pas qu’il s’étonne de se la prendre en pleine poire après. Avec un peu de chance, il en deviendrait rouge comme une tomate ; quoi que la cerise sur le gâteau serait tout de même qu’il tombe dans les pommes, mais elle ne devait pas trop se raconter de salade à elle-même, pour l’instant il gardait la pêche. Et la petite citrouille qui ramenait sa fraise…
Cela dit, elle était la bienvenue quand il s’agissait de convaincre le porteur d’enfiler une robe à son tour, et ce d’autant plus qu’elle semblait avoir une certaine influence sur lui. Il l’appréciait, cela crevait les yeux, le plus délicat était de savoir s’il la voyait comme une amie, une petite sœur ou une future conquête. Bah, la demoiselle en question, en dépit de sa délicate carrure, ne devait pas avoir de mal à se défendre en cas de problème et le principal était qu’elle parvienne à convaincre le soldat.

La voyant s’approcher d’elle, Enetari pencha la tête, fixant ses étincelantes prunelles grises sur la citrouille. A son compliment, elle eut un grand sourire et tournoya sur elle-même pour se montrer entièrement tandis que Luna lui émettait son avis sur sa tenue incomplète. Il manquait quelque chose ? Quoi donc ? La curiosité piquée de la jeune elfe fut rapidement comblée lorsqu’un soudain baiser vint se fondre sur ses lèvres. Pour le coup, la plus petite des Terenduls se trouva profondément décontenancée, ne s’attendant certainement pas à cela. Elle se remit toutefois rapidement de son étonnement pour le moins agréable et rendit le tendre baiser sans hésiter, attrapant Luna par la taille sans vergogne. Ce fut à cet instant qu’elle entendit la phrase glissée de Dawan à Matis, et elle retint un sourire sournois. Vu la voix qu’avait pris le futur baptistrel, il n’était pas indifférent à la scène qui se présentait sous ses yeux. Bien… ne restait plus qu’à espérer qu’il en serait de même pour le dénommé Matis. Glissant son petit fin sous les cheveux blonds de la petite humaine, Enetari lui mordilla le lobe de l’oreille avant de se reculer et de lui jeter un regard malicieux. Comprendrait-elle la manœuvre de la jeune taquine ? Sans aucun doute, elle ne semblait pas le moins du monde bête, bien au contraire. Et du reste… Cette proximité, ces baisers et ces fausses caresses étaient des plus satisfaisantes. Finalement, il était bien doux d’être avec quelqu’un comme cela ! Cela étant, c'était le moment de répondre à son compliment; et sans fausse modestie, s'il vous plait!

-Je sais! Mais que veux-tu, c'est pour mieux te croquer, mon enfant.

Passant derrière elle, l’elfette lui embrassa le sommet du crâne avant de diriger son attention vers Matis.

-Vous n’êtes pas très gentil. Vous laissez ce pauuuuuuuvre petit Dawan perdu dans ses robes trop longues sans l’accompagner dans sa détresse. Et puis, je suis sûre que ma petite citrouille en serait ravie.

Opinant vigoureusement du chef pour appuyer ses propos avec une expression à la fois outrée, attristée et choquée ‒un de ces jours, elle devrait penser à intégrer une troupe de théâtre‒ elle saisit la main de la fameuse citrouille qu’elle serra dans la sienne. Pauvre enfant privée de plaisir…

Les jeunes en face de lui étaient en mode carnage. Comment décrire la scène qu’il avait en face de lui autrement ? Il n’avait pas vraiment d’autre qualificatif pour décrire ce qu’il voyait car non seulement ils lui proposaient de porter une robe, lui porter un robe, c’était le monde à l’envers. Mais en plus de cela ils ne lui proposaient rien de moins que de lui passer sur le corps. Enfin seulement l’une d’entre eux, l’autre était en mode venez me rejoindre dans ce monde fantastique de la mode tandis que Luna jouait avec la première à faire des choses pas nette. Pour le coup il ne savait pas quoi faire mais c’était clair et sur ce point-là il serait totalement intransigeant… Surtout qu’il ne pourrait jamais rentrer dans pareil vêtement.

Il observa la jeune elfe d’un air désolé avant de lui répondre clairement pour la tester et voir sa réaction en sachant pertinemment qu’il ne ferait rien d’elle. Ce n’était pas son âge pareil idiotie.

Ce qui est clair c’est que vous ne me passerez jamais dessus jeune fille. Vous êtes très loin d’être mon style de femme vous savez…

Matis prit le temps de s’asseoir devant tout ce qu’il considérait comme un jeu d’enfant un peu gâté couvert de cadeau qui allaient profiter à fond de ce qu’il avait sous la main. Il savait qu’il n’avait pas eu la chance d’avoir pareille enfance, enfin la chance… Ces enfants-là étaient presque laissés à eux même dans ce qui ressemblait à une véritable base militaire souterraine de surcroit. Mais que pouvait-il y faire ? Pour le moment rien, et c’était sans doute pour ça qu’il ne se vexait nullement de ce qui se passait autour de lui.

La jeune elfe revint à la charge accompagné de son ami elfe qui ne semblait pas vivre son amitié avec la jeune femme de la même manière que celle-ci. A dire vrai il avait encore un peu du mal avec elle, il ne la comprenait pas bien, il ne savait pas si elle était une pintade décérébrée ou une femme d’une grande qualité d’esprit qui se la jouait pour arriver à ses fin. Il n’arrivait jamais à très bien cerner les gens mais pour le coup il avait encore plus de mal qu’à l’accoutumé, comme s’il ne voulait pas vraiment la comprendre. Craignait-il de ne pas en sortir indemne ? En tout cas il connaissait son frère et sa mère et ce qu’il pouvait dire c’était qu’il s’agissait d’une famille un brin particulière.

Il observa en premier lieu le jeune elfe et lui répondit d’un air tranquille et sans hauteur.

Me déguiser n’est pas dans mon habitude. Si cela est votre volonté alors qu’il en soit ainsi mais vous ne m’imposerez pas cela. Même en en mettant en avant le fait que cela ne sortira pas d’ici. Oui il était un brin soulant avec ça, mais c’était fait exprès.
Quant à vous jeune demoiselle vous devriez avoir honte de vous comporter ainsi avec lui il est gentil après tout. Pourquoi le maltraiter de la sorte ?

Il observa finalement Luna en souriant innocemment.

De toute manière je ne rentrerais jamais dedans n’est ce pas Luna ? Il se laissa tomber sur un fauteuil en soupirant.Et ne me dis pas que si hein, on sait tous les deux qu’on as pas le même tour de taille.

Le cœur de Luna s’était soudainement mis à battre la chamade tandis qu’Enetari lui rendait son baiser et ce, d’une façon des plus passionnées. Elle ne comprenait pas trop ce qui se passait chez elle, jamais elle n’avait ressenti de telles émotions. C’était difficile à décrire, mais elle aurait juré que pendant ce bref instant que le monde avait cessé de tourner et que ce qui l’entourait avait disparu. Il n’y avait plus de Matis et il n’y avait plus de Dawan. Dans ses appartements, il n’y avait que les deux adolescentes et c’est tout ce qui lui importait. Míriêl mit fin au baiser, mais la magie se poursuivit, la faisant frissonner lorsqu’elle lui mordit le lobe de l’oreille et elles se lâchèrent finalement, n’étant plus rattachée l’une à l’autre que par leur regard. Elle avait un de ces regards radieux teinté d’une douce malice dans lequel elle voulait continuer de s’y perdre encore et encore. Au départ, elle n’avait pas cru que l’elfette embarquerait dans son jeu, ne cherchant qu’à la décontenancer et à lui rendre la pareille. Mais maintenant qu’elle venait de se joindre au jeu, les règles de la partie venaient de changer complètement.

Son crâne fut embrassé et c’est juste après qu’elle balaya rapidement la pièce de son regard afin d’évaluer la réaction qu’avait eue les deux hommes. Dawan, fidèle à lui-même, avait un sourire aux lèvres et semblait des plus contents face à la scène qu’il venait d’observer. Il ne semblait pas choqué du tout malgré le fait que deux gamines venaient de s’embrasser. Deux personnes du même sexe s’embrassant ne laissent généralement pas les gens indifférents et malheureusement, c’était quelque chose qui était mal vu au sein de la société. D’autant plus que c’était une elfe et une humaine! Cela constituerait une deuxième fin du monde pour certains, mentionnons entre autre Artaher Terendul… Mais qu’en était-il du capitaine? Elle l’observa pendant un petit instant, mais son visage lui sembla indéchiffrable et elle ne pouvait dire exactement quelle opinion il avait. Est-ce que ça lui importait vraiment? Un peu puisque Matis était son ami… Mais elle avait comme mentalité que si on évitait de faire des choses parce que c’était mal vu ou que d’autres ne voulaient pas, qu’on n’irait pas bien loin et qu’on n’était pas soi-même. Or, elle n’avait pas besoin de gens qui veulent qu’elle soit quelqu’un d’autre. C’était une jeune femme libre et capable de faire ses propres choix, que les gens le veuillent ou non! D’ailleurs, c’était plutôt cette histoire de robes qui semblait plus l’embêter qu’autre chose.

Le sourire de la blondinette s’élargit sur son visage et une lueur malicieuse s’illumina dans ses prunelles en entendant les mots du survivant. Pauvre Matis qui était pris avec des gamins qui ne semblait pas manquer d’énergie. De la main qu’elle ne tenait pas celle d’Enetari, elle lança à l’homme la jupe trop grande qu’elle avait reprise à Dawan.

- Oh! Tu as bien raison. Je doute vraiment que les robes qui me font te fassent. Tu risquerais de les déchirer… Mes pauvres, pauvres, robes… dit-elle d’une voix faussement déçue. Par contre, je suis presque certaine que cette jupe devrait être à ta taille Tu as vu comment elle est grande?! Ajouta-t-elle d’une voix taquine.

Elle le regarda en souriant. Ne fallait-il pas taquiner les gens qu’on aime? En espérant que le capitaine ne lui en veuille pas trop de s’amuser un peu. Il était si rare de pouvoir s’amuser pour vrai ici…!

- Je crois même que j’aurai une robe qui t’irait à la perfection dans mon armoire. Il y a vraiment de tout là-dedans… Elle jeta un coup d’œil à Dawan. Mon cher Dawan, si tu veux bien regarder au fond à gauche de l’armoire, il devrait y avoir une robe rouge. Si Matis la veut, je suis certaine qu’elle lui ferait. Elle revint vers l’homme. S’il te plait Matis! C'est quand la dernière fois que tu t'es amusé?

Et sur ces paroles, la Larme de Néant apporta la main de l’elfette à sa bouche afin d’y poser un baiser. Le premier baiser d’une longue chaîne parcourant tout son bras et se terminant à la base de son cou. Elle lui sourit et la regarda d'un air espiègle. Comprendrait-elle sa réponse? « Oui, je veux être ta complice ». La prenant ensuite par la taille, elle l’attira vers elle afin de sceller leurs lèvres ensemble en un long et doux baiser.

Un sourire étincelant sur le visage, fixant Matis avec dérision, Enetari pencha la tête sur le côté tandis que sa voix vibrait de moquerie :

-Ah, les hommes humains… N’avez-vous pas simplement songé que je ne parlais que de vous passer dessus de façon plus guerrière qu’intime ? Mon père est général, oreilles-rondes, il est normal que j’ai appris à me battre et que je songe à le faire si vous me provoquez ainsi.

Cherchant à le faire tourner en bourrique, l’elfique lui décocha un clin d’œil malicieux. Cela dit, si elle n’avait pas envie de le mettre dans sa couche ‒pas du tout, même‒ elle n’en éprouvait pas non plus l’envie de se battre en duel avec lui. Mais voir un être aussi dépourvu d’humour, bon ou mauvais, était sincèrement amusant. Bah, le monde devait être bien gris pour lui et tant pis. Eux avaient de quoi s’occuper l’esprit, et c’est ce qu’ils firent sans attendre.

Toujours collée à Luna, Enetari songea brièvement à ses parents tandis qu’elle observait (exceptionnellement) pensivement le petit visage humain. Il n’avait pas la finesse, la quasi perfection des traits des siens, mais c’était peut-être pour cela qu’il n’en paraissait que plus beau. Oui, pour une humaine, la petite citrouille était vraiment mignonne. Malheureusement, ou heureusement peut-être, ni Artaher ni Lisaë n’approuverait ce choix. Quant à ses deux jumeaux… Non, mieux valait qu’eux aussi l’ignorent. Mais après tout, cela ne rendait la petite aventure que plus amusante. Un jour peut-être, Artaher rendrait l’âme en apprenant que toutes les interdictions qu’il avait faites à ses enfants avaient été transgressées. Cette idée était plaisante. Non pas qu’il décède, pas vraiment, après tout ce n’était pas tout à fait ce que souhaitait la jeune fille. Un mort n’avait plus rien à offrir de divertissant. Mais le simple fait de le frustrer jusqu’au dernier moment, en revanche… Ce n’était pas de mauvaise guerre, après tout, il semblait qu’un combat implicite entre deux s’était déclenché, l’un imposant ses règles et l’autre les brisant petit à petit, la fille étant fermement décidée à remporter la victoire haut la main en montrant sa supériorité à son adversaire de toutes les façons possibles, et qu’importait si quelques dommages collatéraux jonchaient le chemin. Luna ne faisait que partie de cela. Elle serait une passade, amusante et pleine de douceur. Avec elle, Enetari ne doutait de pouvoir faire les quatre cents coups ; un jour sans doute elle se lasserait mais tant qu’elle était utile… Ce qui ne l’empêchait d’ailleurs pas de l’apprécier, loin de là. La blondinette ne serait jamais encombrée d’un ennui ambulant. Non, Luna lui était fort sympathique et sans doute resteraient-elles amies une fois leur partie terminée. Elles semblaient tacitement d’accords sur ce point au moins.
Toutefois, jeu ou non, la petite elfette se tourna vers le porteur humain en l’entendant, l’observant avec surprise tandis qu’il lui faisait ses remontrances, qu’elle salua d’un éclat de rire moqueur sans plus y prêter attention. Qu’il pense ce qu’il voulait, être méchante ne gênait absolument pas la concernée. Ses paroles n’étaient pas importantes, quand bien même pourraient-elles être utiles, elle n’avait même absolument rien à faire du message qu’il lui faisait passer, la seule chose qu’elle voulait était qu’il finisse par se décider. Observant les efforts des autres, elle tenta d’évaluer l’attache des deux humains. Fort, visiblement. Aussi fort que les baisers de Luna. Amusée, la jeune fille lui rendit son baiser avant de s’éloigner d’un pas pour faire signe à Dawan qu’ils pouvaient rester. Non non, ils ne gênaient pas. Du moins pas pour l’instant. Reportant son regard de chat sur Matis, elle pinça les lèvres tandis qu’une étrange sévérité se peignait sur ses traits, la faisait ressembler à son père plus qu’elle n’en avait conscience. Avançant d’un pas, puis d’un autre, elle finit pile devant le guerrier, toujours dans son fauteuil, qu’elle dévisagea sans aménité de ses perles grises au reflet presque bleuté. Pour une fois qu’elle n’était pas plus petite…

-Dis-moi, jeune homme, ne viens-tu pas de me reprocher mon comportement envers Dawan ? Pourtant, la méchanceté est une notion tout à fait discutable… Qui te dit que ce n’est pas simplement ainsi que j’exprime mon affection, puisque je suis et reste en sa compagnie ? Parce que ta propre vision rétrécie du monde n’est pas la même que la mienne, présomptueux que tu es ? Et quand bien même le suis-je, et l’assumes-je totalement, tu n’es pas à même de me faire la morale alors même que ton attitude n’est pas meilleure. Toi qui refuse de faire plaisir à tes amis sur une chose aussi simple. Ton égoïsme t’empêche d’apporter un simple sourire de contentement à Luna, et tu te crois pourtant plus digne que moi ? Enfermé dans un sérieux qui en devient ridicule… Ne me donnes pas de leçons, humain, quand tu devrais commencer par appliquer tes propres principes.

Sa voix ordinairement moqueuse était sifflante, avec des intonations plus ou moins hautes. Rejetant en arrière sa chevelure blanche qui lui glissait sur l’épaule, la demoiselle fit demi-tour sans plus se préoccuper de l’humain et, enlaçant la taille de Luna, lui décocha un regard malicieux.

-J’ai quelque chose à te montrer qu’un ami m’a offert, si tu le souhaites.

Oui, la citrouille adorerait sans doute la petite lune personnelle qu’Eliowir lui avait donné, un jour, près du lac endormi de la plus large caverne.

La situation continuait à devenir critique pour un soldat dont le principal objectif était d’éviter d’avoir à mettre une jupe. Oui, c’était assez étrange de présenter la chose de cette manière mais il ne pouvait pas faire autrement pour le moment. Au fond il savait qu’il gagnerait du temps à porter cette foutue jupe, ne serait-ce que pour lui faire plaisir, mais cela lui coutait quand même… En attendant, tout le monde continuait à lui reprochait le fait de ne pas s’amuser, comme si le fait de porter une robe allait l’amuser ? Il était assez ouvert d’esprit mais là fallait quand même pas abuser non plus. Néanmoins il n’allait pas s’énerver devant des enfants, même si les deux elfes devaient avoir bien deux ou trois fois son âge…. Ils n’en restaient pas moins totalement immature si ce n’est plus. Il savait que les deux autres diraient cela de lui-même, il ne pouvait certainement pas leur faire dire le contraire, mais il fallait avouer que pour des enfants, il était vraiment pas quelqu’un de marrant. Mais ça, c’était une toute autre histoire.

La petite luna vint lui montrer la dite jupe et il secoua la tête en gardant un air un tant soit peu sérieux tandis que l’elfette prenait mal la remarque désopilante qu’il lui avait dite. En même temps il savait à quoi s’en tenir avec cette famille…. Il n’irait pas jusqu’à dire que c’était des fous furieux mais c’était sans doute pas très loin de ça…

Merci bien jeune fille, mais cette proposition je l’avais à peut près comprit dans le bon sens. Il serait désobligeant de ma part d’avoir pareille relation avec une telle « princesse ». Dit il en insistant bien sur le dernier mot. Quoi qu’il en soit, et parce que je connais votre mère il ne sera pas utile de nous départager sur un échange d’acier. Votre père, même s’il est un grand général et un grand soldat, ne voudrait sans doute pas vous voir régler vos différents à coup d’épée non ?

Le jeune capitaine reporta son attention sur la jeune Luna. Il savait, il voyait même, qu’elle avait une sacré envie de le voir avec cette jupe, hélas pour elle ce n’était vraiment pas dans ses intentions. Néanmoins, et parce qu’il l’appréciait, il décida de lui laisser une concession. Une petite victoire en quelque sorte.

Luna, je vois bien que cela te tiens à cœur mais je ne pourrais pas la mettre. Par contre, si tu as autre chose de moins… Féminin diront nous, alors peut être que je pourrais donner suite à ta demande.

Il allait dire autre chose mais la suite était, au mieux étrange, au pire choquante. Les gens ne voyait pas d’un très bon œil les relations entre personne du même sexe, ni même entre elfe et humain, elfe et vampire ou, pire encore, vampire et humain… Alors voir la petite luna et son amie se faire des baisers devant lui ne le choqua pas, ou presque, il se demanda comment réagirait le protecteur de la jeune fille. Sans parler des gouvernantes, professeurs et amis de celle-ci, il savait déjà que ses propres petites sœurs n’en diraient rien, hormis pour avoir des détails, mais les autres ? Quoi qu’il en soit, Matis devrait être vigilent sur cette question pour que rien ne se retourne contre elle plus tard.

L’elfe du nom de Dawan, vint lui parler. A la base s’était pour lui parler de la robe, mais devant l’action des deux jeunes femmes il émit l’hypothèse de laisser les deux femmes seules. Matis le regarda d’un air interloqué avant de lui répondre.
Pourquoi donc ? Il n’est pas question de laisser Luna seule avec elle… Qui sait ce qu’elle pourrait lui faire….

Et là, après que les deux jeunes femmes eurent fini, la jeune elfe revint à la charge. Elle déblatéra à Matis tout un ensemble de propos pour le moins injurieux, si on les prenait dans leur ensemble. Il décelait une certaine méprise dans ses propos, ainsi qu’une franche animosité. Peut être avait elle l’impression qu’il lui devait tout ? Voila une chose qui allait très vite l’énerver. Heureusement pour elle, il savait qu’il devait se contenir et ne pas craquer devant elle. S’il s’énervait et lui en collait un elle aurait gagné et lui aurait des petits soucis avec sa hiérarchie. Typiquement, le genre de chose qu’il ne souhaitait nullement avoir.

Comment ? Traiter ce genre de propos me prendrait un temps fou et je n’ai que peu d’instant à dédié à une crise d’adolescente pourrie gâtée qui va hurler à la mort quand elle n’a pas ce qu’elle veut. Je vais donc être clair dans mes propos pour que vous n’ayez aucun doute sur ce que je vous dits.

Je mets un point d’honneur à mettre un certain nombre de principes que ce soit pour moi ou pour les autres. La vision que j’ai du monde est à des années de celle que tu pourrais avoir, dire que j’en suis fier serait mentir, mais il en est ainsi. Je n’ai pas vécu dans le luxe et la tranquillité d’une forêt loin du monde qui se détruit sous nos yeux. La morale, dont tu te targues sans doute d’être l’avatar, est une chose que tu tourne à ta faveur, en déniant celle-ci à ceux qui te contredise. Soit une grande fille, et accepte le fait que pas tout le monde soit comme toi ou te considère comme une reine en devenir ou que sais-je d’autre.

Je me garde de te faire des remarques, alors fait en de même si tu ne veux pas avoir des problèmes. Que ce soit avec moi ou avec d’autres.

Ceci étant dit, tu peux reprendre tes activités enfantines. Je reste là pour garder un œil sur vous et éviter que vous ne fassiez trop de bêtises.

Un large sourire s’était dessiné sur le visage de Luna lorsque Matis avait finalement craqué sous sa demande. Ce n’était peut-être pas une victoire complète puisqu’il ne voulait porter ni la jupe ni la robe, mais le fait qu’il accepte de vouloir porter quelque chose de moins « féminin » n’en était pas bien loin. Du moins, c’est comme cela que Luna l’interprétait. Visiblement satisfaite, elle joignit ses mains ensemble et réfléchit à ce qu’elle pourrait bien proposer à l’homme. C’était en quelque sorte un jeu pour elle et en ce moment, qu’est-ce qu’elle avait envie de ne pas penser à ses tracas et de tout simplement s’amuser! La présence des elfes « de son âge » y était pour quelque chose et le fait qu’elle s’entende merveilleusement bien avec cette Enetari devait aider encore plus. Elle profitait de ce moment puisqu’ils étaient rares : elle trouvait tellement que les adolescents à la cour de Korentin pouvaient être ennuyants! Ils pouvaient être d’un tel sérieux parfois… Jamais capable de prendre une simple blague et il ne fallait pas mentionner leurs centres d’intérêts! Les discussions des jeunes filles tournaient souvent autour de la nouvelle robe que leurs parents leur avaient offerte ou d’un bijou dispendieux et supposément des plus rares obtenu je-ne-sais-trop-où qui ne lui importait pas du tout. Or, Luna ne pouvait pas vraiment se joindre à la discussion puisqu’elle n’avait pas de parents à vanter la richesse et même si elle pouvait miser sur le fait qu’elle était la protégée de l’empereur légitime, ça ne l’intéressait pas de ressembler à ces filles qu’elle n’aimait pas. Bref, elle se sentait souvent bien seule et ce vide était parfois comblé par les deux sœurs du capitaine ou par des moments uniques comme aujourd’hui. Il fallait en profiter au maximum! Et maintenant la question était : qu’est-ce que Matis pourrait porter? On pouvait faire une croix sur les jolies robes et jupes de son armoire. Il fallait un vêtement qui aille à sa taille, mais surtout qu’il accepte de revêtir. Un peu difficile à satisfaire ce Matis! Peut-être qu’une longue tunique ou une grande toge ferait son affaire, si on évitait les teintes de rose et de violet? Mais ça lui paraissait moins plaisant ainsi…

Cherchant la solution, Luna n’avait plus porté d’attention à ses compagnons et elle fut tirée de ses pensées par la voix de l’elfette. Celle-ci s’adressait au survivant sur un ton empli d’animosité et de reproches. Que se passait-il au juste? Elle n’en était pas trop certaine, mais ce ressentiment était uniquement porté à l’encontre de l’homme puisque l’instant d’après, elle enlaçait Luna et lui parla de sa voix douce.

- J’en serais honorée, mon petit soleil. Susurra-t-elle.

La gamine avait profité de cette proximité pour rapprocher ses lèvres de son oreille afin d’y glisser ces quelques mots. Elle l’avait ensuite chatouillée avec le bout de son nez avant de poser un baiser sur sa joue. Ce petit jeu lui plaisait beaucoup! Elle se sépara finalement de la Terendul lorsqu’une idée parfaite pour Matis lui traversa l’esprit. Il n’allait pas pouvoir le lui refuser!

La jeune fille se dirigeait vers son armoire lorsqu’une tempête s’éleva dans ses appartements. La voix de Matis était puissante et autoritaire comme elle ne l’avait jamais entendue auparavant. Un chant se mêla à la dispute et un regard posé sur Dawan lui retira toute envie de s’amuser. Habiller Matis d’une jolie robe-pas-robe était devenu une pensée bien lointaine. La vue de l’apprenti-baptistrel recroquevillé, désemparé et bouleversé lui déchira le cœur. Elle n’aimait pas voir son ami dans cet état. Mais que faire?

Elle porta sa main à la petite boîte à musique déposée sur la table de chevet et souleva le couvercle. Une douce musique s’échappa de Mélodia* et se mêla aux voix de Dawan, Matis et d’Enetari. Se tournant en direction de cette dernière, elle lui soufflant un baiser. C’est alors que des orbes lumineux** apparurent, flottant doucement dans la pièce et dansant autour d’eux. Par sa volonté, les sphères se combinèrent afin de former la silhouette étincelante d’un chat qui bondit sur la tête de Matis et vint ensuite se poser sur les genoux de Dawan.

La Larme de Néant s’était également approchée de lui et esquissa un sourire rassurant, le genre de sourire dont la signification voulait être « Tout va bien. Ne t’en fais pas ». Elle lui avait également tendu sa main droite afin de l’aider à se relever, s’il la prenait.







* Melodia
Une belle boîte à musique, en bois foncé. L'intérieur est tapis d'un épais tissu rouge foncé. En son centre un personnage (différent suivant la boite) tourne et produit une douce musique mélodieuse.
Effets: La musique a le don d'adoucir les tensions dans une pièce fermée.

** Lunes Dansantes
Fait apparaître des orbes lumineux qui émettent une douce lumière pouvant être de n’importe quelle couleur. Ces orbes, de la grosseur d’un poing, dansent dans les airs et peuvent se déplacer selon la volonté de l’utilisateur. Il est possible de combiner les sphères ensemble pour créer une forme dansante ou encore de les faire exploser dans un flash de lumière en une fine pluie d’étincelles. Ce sortilège n’a rien d’offensif si ce n’est la possibilité d’éblouir les gens.

Geste clé : Recouvrir son poing avec son autre main et les ouvrir tout en soufflant dessus.

-Je ne sais pas, allez lui demander vous-même.

Taquine plus que méchante, Enetari imagina son père débarquant, fou furieux, en apprenant que sa chère et tendre fille était en plein duel avec un soldat humain. Oh, cela lui plairait, aucun doute. Enfin… Cela plairait à la jeune elfe, le général ne manquerait pas de frôler l’arrêt cardiaque. Cela étant, ils n’étaient pas obligés de se battre méchamment. C’était bien un humain, cela. Il ne s’entrainait jamais ou quoi ? Mais après tout il était vrai que leur vie était trop brève pour qu’ils perdent un temps précieux à s’entrainer. Ils se lançaient dans la vie comme des bêtes sauvages qu’ils étaient, et voyaient après ! Si cette façon de faire semblait particulièrement… étrange et barbare, elle avait un certain charme exotique pour l’adolescente appartenant à un peuple aussi calme que le sien. Les humains étaient amusants, en un sens, elle ne pouvait le nier. Sa petite citrouille en faisait partie, mais elle possédait une innocence joviale que ses contemporains n’avaient pas. En fait, la jeune Terendul avait l’impression que Luna lui ressemblait, en un sens. Comme elle, elle était comme elle était et voyait les choses à sa façon, sans se préoccuper de savoir si c’était de son âge, de son rang ou non. Avait-elle des parents ? Sans doute pas, puisqu’elle ne vivait pas avec alors qu’elle l’aurait dû. Au moins elle était tranquille, la question était surtout de savoir de quoi elle vivait. Cambriolage ? Ce serait formidablement excitant, mais la place de son appartement minuscule sous-tendait qu’elle gravitait dans l’entourage plus ou moins proche du chef rebelle. Décidément, cette petite créature était pleine de mystères. Dressant l’oreille en entendant de nouveau parler le simple d’esprit, un immeeeeeense sourire se dessina sur les lèvres d’Enetari en entendant la fin de sa phrase. « Qui sait ce qu’elle pourrait lui faire…. ». Ah, oui, que pourrait-elle faire, d’ailleurs ? La découper en morceaux ? Pour en faire quoi ? La manger ! Hahaha ! Il avait une imagination fertile ! Les elfes ne mangeaient pas de viande. La seule chose à laquelle songeait la jeune elfe concernant Luna était qu’elle pouvait l’accompagner dans ses farces, mais surtout qu’elle pourrait lui en dire un peu plus sur elle et sur l’endroit où elle vivait. Alors, était-ce simplement de la jalousie ? L’idée était amusante, et cela n’aurait pas étonné plus que cela la petite blonde que l’humain veuille une jeune fille deux fois plus jeune que lui. Mais ce n’était qu’un mâle humain, après tout. Il ne fallait pas trop lui en demander.

Petit soleil ? Le terme était mignon, d’autant plus que Lisaë avait l’habitude de l’appeler son étoile. L’une préférait le jour, l’autre la nuit. Amusant. Finalement, elles se rejoignaient simplement dans l’idée qu’Enetari était un astre, ce que cette dernière approuvait totalement. Hum… Laissant sa nouvelle compagne s’éloigner un moment pour aller chercher Dracos savait quoi, l’elfette se tourna vers le dénommé Matis, peu amène. Comment ce trouble-fête pouvait-il être un ami de sa petite citrouille en miel d’abeilles, elle si joyeuse ? C’était incompréhensible. Décidément, cette dernière avait de biens étranges fréquentations qui ne plaisaient guère à la jeune fille. Haussant un sourcil en entendant son interlocuteur la traiter d’adolescente trop gâtée, elle cilla deux fois de suite, s’inquiétant sincèrement pour sa santé mentale. Ou ses yeux. Evidemment qu’elle était adolescente, enfin ! Cela se voyait tout de même, elle ne faisait pas si vieille que cela ! Quant à trop gâtée… Et bien le problème était le même. Elle avait une jolie peau, lisse et jeune. Non non, elle n’était pas gâtée.

S’apprêtant à lui répondre, ce fut bien sûr ce moment précis que choisit Dawan pour faire n’importe quoi. Ah, il ne voyait pas qu’ils étaient en train de se disputer ? Franchement, on n’avait pas idée d’interrompre ainsi les gens par une petite crise de faiblesse. Fragile créature. Tandis que Luna faisait apparaitre des lumières en musique, ou de la musique en lumière, tout dépendait de comment on voyait les choses, l’elfette grimace puis, levant rapidement l’index et le majeur en gardant les autres doigts replié, fit apparaitre une jolie fleur au parfum insidieux. Posant rapidement l’objet du sort près de la boite à musique ‒ce qui était esthétiquement très réussi d’ailleurs‒ Enetari glissa jusqu’au placard de la citrouillette pour attraper trois morceaux de tissu. Elle s’en plaqua un devant le nez avant de se diriger vers l’aîné de la petite réunion, une moue méprisante aux lèvres. Toutefois, et peut-être la musique avait-elle fait effet, sa voix n’était plus agressive.

-Pour ta gouverne, humain, et puisque tu sembles l’ignorer, ma forêt a été détruite elle aussi et c’est bien pour cela que je suis ici. Quant à mes activités, je ne comptais pas les arrêter pour toi, si tu veux nous regarder, à tes aises. Cela étant, mets cela devant ton visage, reprit-elle avec autorité en lui tendant un… un truc qui ressemblait à un vêtement, ou tu finiras par t’endormir.

S’il ne le mettait pas, ce n’était pas son problème, il aurait simplement envie de dormir. Attrapant Luna par la taille pour l’éloigner de Dawan, elle lui posa d’office un tissu sur le nez, laissant le parfum de la fleur faire son effet. Le silence se fit alors, avec pour seul fond sonore la petite musique de la boite. Quand, enfin, l’elfe sembla calmé et près à s’endormir, Enetari ôta son tissu et se mit à chanter doucement pour détruire la fleur, avant de bailler copieusement. Le parfum flottait encore vaguement dans l'air, mais sans plus. Et au moins, tout le monde était calme maintenant, Dawan encore plus que les trois autres.

Le jeune homme ne comprenait pas complètement tout ce qu’il se passait autour de lui au moment même où la tension semblait à son comble. Il avait clairement perdu son sang froid, et tout ce qu’il dirait dès à présent n’aurait plus aucune crédibilité auprès de la jeune elfe. Mais ce qui le marqua ne fut pas particulièrement sa réaction à elle, mais plutôt celle du petit bout d’elfe qui se tenait recroquevillé en chantant dans un coin de la pièce. Il ne semblait pas vraiment dans son état normal, sans parler du fait qu’il s’était mis à chanter sans aucune raison. Etait ce pour calmer l’assembler ? Etait ce pour calmer les deux forts caractères qui s’envoyaient des beaux mots pour savoir qui était plus fort que l’autre ? Il n’en avait cure, tout ce qu’il comprenait c’était que la tension était montée en partie à cause de lui, il essaya de calmer le jeune homme alors qu’un chat, réalisé à partir d’un sort de la jeune Luna. Il n’y avait pas à dire mais elle était forte la jeune femme…

L’agitation alors créé par le chat mais aussi, et surtout, par le jeune Dawan prenait des proportions importantes et l’espace d’un instant la dispute entre l’adolescente et le capitaine fut éclipsée. Il ne se rend pas compte qu’on était occupé ? Dit il sans s’en rendre réellement compte. Cela ne ferait pas rire beaucoup de personne mais au moins cela permit de relâcher la pression.

L’elfe revint à la charge vers le capitaine et lui mit en avant le fait que sa forêt avait été détruite, comme s’il ne le savait pas. Il avait vécu l’arrivé des Elfes comme une tragédie, non pas parce qu’il fallait partager Aigue Royale, mais bien parce que tout ce qu’ils avaient jamais connu avait été détruit. Ce qui était sûr, c’était que cette jeune femme était comme sa mère… La sagesse et la retenue en moins… Mais l’elfe n’était pas uniquement venu pour se moquer de lui ou le rabaisser, elle était venu aussi pour lui refiler un bout de tissu. Pourquoi ? Pour le mettre devant le nez et éviter de respirer le pollen ou les émissions et effluves de la fleur nouvellement créée par le champ de Dawan. D’où était elle sortie ? Il ne le savait pas mais il mit rapidement le bout de tissu sous son nez en remerciant la jeune femme.

Merci…

Au final Dawan se tut et l’on n’entendait plus que la petite boite à musique de la jeune fille. Et, avant d’aller plus en avant dans l’échange, constructif, entre elle et Matis, elle détruisit la fleur par un simple chant. Une fois de plus il était étonné de la puissance des elfes avec la magie. Il la laissa se remettre et se rendit compte qu’il s’était levé et qu’il observait la scène d’une position moins confortable. Il se laissa retomber en soupirant. C’est l’air las qu’il répondit à la jeune elfe.

Je le sais bien que votre forêt à été détruite… Il soupira une fois de plus avant de finir. Je te pris de m’excuser si mes propos t’on blessé, j’ai eu des derniers temps compliqué mais ce n’est pas une raison de passer mes nerfs sur toi.

Néanmoins une question se pose, il vient de nous faire quoi le Dawan là ?

- Disons qu’il vient de nous faire une réaction dawanesque. Répondit Luna à la question de Matis.

Elle sourit au mot qu’elle venait d’inventer. Y avait-il un meilleur mot pour décrire ce qu’il venait de se passer? Elle-même, elle n’aurait pas pu dire ce qu’il était passé par la tête de l’apprenti-baptistrel, mais dès sa première rencontre, elle avait compris qu’il était différent des autres. Détrompez-vous, elle ne voyait aucun mal à être différent même que c’était une qualité à son avis. Il n’existait pas plus vrai que Dawan. De plus, elle ne l’avait pas surnommé le chanteur pour rien, c’était probablement par cette méthode qu’il communiquait le mieux ce que son cœur lui disait. Pour Luna, il était facile de se douter que sa réaction avait été causée par la chicane entre l’humain et l’elfette et que c’était en quelque sorte un mécanisme de défense.

Ce n’était pas la méthode à laquelle elle avait pensé afin de calmer le vielliste, mais il fallait avouer que ça fonctionnait bien. La voix de l’elfe s’était rapidement tue lorsqu’il avait été envoyé dans le monde des rêves. La princesse des lumières bailla longuement et battit des paupières à de nombreuses reprises afin de déloger la brume qui voulait prendre place dans son regard. Elle avait pris plusieurs respirations de ce parfum floral avant qu’Enetari lui pose un tissu sur le visage, limitant ainsi l’effet soporifique. La pièce était devenue bien calme et la musique de sa boîte à musique rendait l’ambiance encore plus sereine.

- Je ne sais pas exactement ce que tu as fait, mais je suis des plus détendues maintenant. prononça-t-elle.

Étirant ses bras, elle profita du geste pour ensuite entourer la taille de l’elfette et se coller à elle. Elle posa délicatement sa tête sur son épaule et ferma les yeux. Elle avait sommeil et la jeune elfe lui semblait si confortable, sans mentionner qu’elle aimait son doux parfum. Si ce n’était d’elle, elle aurait bien voulu rester à s’y reposer. Malheureusement, une petite voix dans sa tête lui rappela que le moment n’était pas approprié et lui fit se demander si ce qu’elle faisait dérangeait sa nouvelle amie. Râlant intérieurement, elle ouvrit finalement les yeux et approcha ses lèvres de son oreille.

- Enetari, tu as la plus belle des voix. Te l’avait-on déjà dit? Lui susurra-t-elle.

Elle embrassa le derrière de son oreille avant de se détacher d’elle. Lorsque son regard azuré croisa celui de Matis, elle ne put cacher son sourire réjoui. La matinée s’était annoncée monotone, mais par Dracos ou devrait-on plutôt dire Dawan, elle avait pu passer le reste de sa journée entre amis. Elle était heureuse. Sans mentionner qu’elle venait de se lier d’amitié avec une elfette avec qui elle allait pouvoir faire les quatre cents coups à Aigue-Royale, elle en était certaine.

- Faudrait peut-être le réveiller, vous croyez pas? Demanda-t-elle.

Joignant le geste à ses paroles, la gamine s’approcha de l’Enwr et s’agenouilla à ses côtés afin de secouer délicatement son épaule.

- Oh! Hé! Dawan! C’est pas le temps de dormir! Allez! Lui dit-elle.

D’ailleurs, le chat lumineux que Luna avait créé grâce à sa magie était toujours présent, là sur les genoux de l'elfe.

- Vous voulez faire quoi maintenant, d’ailleurs? Demanda-t-elle à ses compagnons.


[ Je propose, si vous êtes d'accord, de se diriger vers une conclusion ]

Il ignorait exactement ce qui s'était passé. Il se protégeait, s'entourait de son chant, espérait qu'ainsi lorsqu'il ouvrirait les yeux, la chambre de Luna se serait métamorphosée en des champs bercés d'or solaire, infinis, qu'Enetari serait devenue une douce amante, et Matis… Pourquoi pas son destrier ? Il en avait très bien fait l'office tout à l'heure. Oui, Matis en destrier, Enetari sur son dos, un bras passé autour des hanches de Luna ! Et le soleil couchant inondant le ciel comme s'il avait fondu. Voilà ce qui devait advenir, voilà ce qui devait être, en présence de ces trois là. Pourquoi ne l'avaient-ils pas vu ? Ce qui était dans la nature des choses était ce vers quoi ils tendaient naturellement, et cela sautait aux yeux comme la première des évidences. Qu'avaient-ils oublié ?
Dawan tiquait, répétait les mêmes phrases de la ballade quand les questions trop complexes et remarques porteuses de peine effleuraient ses pensées. Ses petits doigts tiraient sur ses cheveux, il ne prêtait pas attention à cette douleur, laquelle remplissait son rôle et lui faisait oublier que son corps n'avait pas tant de mal que son âme. Vint une musique, et cela ne surprit pas le petit elfe, comme s'il pouvait arriver à tout moment dans sa vie que, sans raison, la musique naisse au sein de l'air. L'ordre des choses. Il accepta cette musique, lui ouvrant son coeur sans gêne et sans pudeur. Que ses petites notes s'y glissent et s'y confondent, il n'attendait que cela. Il connaissait cette musique, il savait son effet. La même petite boite ornait le pied de son lit, en Aigue-Royale. Peut-être que si lui même se calmait totalement, il en serait de même pour les autres. Sa ballade continuait, apaisée par la musique qui l'accompagnait. Peu à peu, elle en copia le rythme et la hauteur. Peu à peu, le petit elfe se sentait à nouveau libéré du poids que les mots acérés des deux belligérants avaient imposé dans son sang. Et l'odeur… Il la connaissait, il la re-connaissait. Lui-même en usait tant… Il n'avait pas voulu imposer cela, jugeant que ses camarades sauraient calmer leur ire par eux-mêmes. Mais s'ils voulaient une sieste, qu'il en soit ainsi. Son coeur ouvert à la musique l'était désormais à tout ce qui passait. Sommeil ? Sommeil. Dawan libéra ses cheveux, rouvrit les yeux timidement pour dévisager ses camarades. Au lieu d'eux, il vit un chat. Un petit chat de lumière, qui lui arracha un doux sourire, alors que son esprit s'embuait, que son corps s'engourdissait. Chat ! Beau chat, et qu'il devait avoir le poil doux ! Sa petite main vint vers la tête de l'animal.

S'il parvint à le caresser, et si le poil fut effectivement des plus doux, il ne s'en souvint plus. Le sommeil le happa dans ses mille bras à la force toute spirituelle, pour l'écarter de ce monde, l'emmener dans celui où n'existait nulle émotion, où s'apaisaient l'âme et le corpsIl n'y demeura qu'un bref instant, mais c'était déjà bien assez pour que la poussière de ce monde s'approprie le petit elfe et le recouvre. La voix de Luna lui parvint, comme lointaine. Il était allongé sur le flanc, par terre, inerte, ses côtes se soulevant tout lentement, au rythme de son souffle. Le sol était un peu froid, un peu poussiéreux. Il n'en avait cure. Il était très bien ainsi, et pas question de bouger. Il… Il avait en tête de la douceur. Et une odeur d'herbe humide. Et la curieuse sensation de devoir trouver un animal. Il devait… Trouver un animal. Son rêve le lui avait dit. Un animal…
S'étirant avec grand plaisir et avec un soupir portant toute la reconnaissance du monde, il devait reconnaitre se sentir mieux. Ses yeux s'entr'ouvrirent, pour voir Luna agenouillée près de lui. Ah, oui, la fleur… Il offrit un petit sourire tout heureux à l'humaine. Il l'aimait bien ! Elle était gentille, Luna, et si attentionnée… Mais Enetari aussi, maintenant, il le savait ! Elle l'avait fait dormir, elle était gentille. Et Matis, Matis… Matis ! Copain !
De toutes façons, tout le monde était tout doux, au réveil. Il marmonna quelque chose comme "Ncore cinq petites secondes…" et, s'installant un peu mieux sur le sol, put constater la présence du chat sur ses genoux. Oh qu'il était beau ! Chaaat ! Il essaya à nouveau de le caresser, eu une grimace un peu déconfite quand sa main passa au travers de la lumière. Luna avait posé une question, il n'avait pas écouté… Mais le sol était siii confortable ! Luna ne lui en voudrait pas s'il dormait là, n'est-ce pas ? De toutes façons, il n'avait rien de prév…

"- Mon maitre !"

Dawan s'était redressé, vivement, hâtivement. Il lui fallut bien de l'agilité pour se mettre debout sans s'empêtrer dans sa robe, car il avait oublié qu'il en portait une. Il y parvint néanmoins. Il s'empêtra également dans les formules de salut. Elfique, humain…? Le monde était tout emmêlé, il.. Il ne savait plus par où commencer. Oh, un Matis ! Etait-ce une impression, ou il le regardait ? Dawan ramena ses fines mains près de son coeur.

"- J'ignore combien de temps j'ai dormi… Je crains que les miens n'aient besoin de moi, et que je leur fasse défaut. Je me suis détourné de mes devoirs depuis un temps plus important que ceux dont j'ai l'habitude, déjà." Il esquissa finalement le salut humain. "Puissent nos chemins se croiser à nouveau, Sire Matis… Enetari…" Il récupéra ses affaires, offrit une courbette à Luna. "Vous savez où me trouver." Il sortit, tout hâtif, tout inquiet. Pourvu qu'il n'ait pas dormi trop longtemps ! Paresseux qu'il était, mauvais élève !

Le calme était revenu dans la pièce, et Enetari réprima un nouveau baillement, puis un autre, et encore un autre. A ce stade, elle allait finir par s’endormir. Ce qui n’était pas franchement une bonne idée. Pas du tout même. Fronçant le nez pour s’obliger à ouvrir grands les yeux, elle posa son regard de perle sur l’elfe endormi, satisfaite d’elle-même et de sa douce citrouille. Décidément, à elles deux, elles formaient une équipe gagnante ! La jeune elfette tourna son attention vers la petite concernée, ravie d’avoir fait un si bon choix. Nul doute qu’elle allait s’amuser avec elle. Toutefois, la voix de l’humain ronchon la tira de ses pensées et elle se tourna vers lui pour s’en approcher, se courbant pour mettre son visage face au sien. Un instant sérieuse, elle se détendit largement tandis qu’un grand sourire se dessinait sur ses lèvres, se propageant à tout son minois.

-Dans ma grande mansuétude… Je te pardonne !

Lui embrassant la joue comme s’il s’agissait d’un ami de longue date ou d’un parent, elle hocha la tête en entendant ses excuses avant de tourbillonner jusqu’à Luna, toute son énergie retrouvée. Il suffisait de se secouer un peu pour repartir et de l’énergie, ce n’était pas ce qui manquait à la jeune Terendul. D’ailleurs, effectivement, qu’avait fait Dawan ? C’était une question intéressante, dont la jeune fille avait la réponse, heureusement, qu'elle prononça d'une voix on-ne-peut-plus fataliste :

-Il a craqué.

Tout le monde pouvait le voir, non ? Il ne fallait pas être devin pour le comprendre, alors pourquoi l’humain posait-il la question ? Ce peuple était vraiment des plus étranges… Il fallait qu’il renie les évidences les plus élémentaires et paraisse hésitant devant une évidence. Quant à en savoir plus, inutile de se le demander, cet elfe était très étrange et semblait avoir le chic pour agir étrangement. Après tout, il avait bien tenté d’acheter le général Artaher, il fallait être un peu dérangé pour tenter cela. Marmonnant un vague « hum, hum » à la question de Luna sur le réveil du voleur de salade, la jeune Terendul l’observa se relever pour filer, vivisectant au passage le chat de lumière. Dans ce cas, ce devait plutôt être une luction, une dissection de la lumière. Ou une lumosection. Bref, un truc en section, ce qui était tout à fait… Inutile, en ce qui concernait un truc fait en magie et en lumière.

"- Mon maitre !"

Le fixant avec un sourire narquois, elle ne put s’empêcher de le rectifier par un « non, moi, c’est Maitresse » tandis qu’il continuait à s’exciter tout seul pour prendre la poudre d’escampette. Décidément, il était vraiment étrange. Paniquant pour un rien pour finalement s’agiter en s’excusant et s’enfuir sans laisser aux autres le temps de réagir. Le regardant partir en lui adressant un vague signe de main, Enetari secoua la tête avant de se tourner finalement vers ses deux compagnons restant :

-Bon, et bien… Je vais vous laisser aussi pour l’instant. Ma petite citrouillette, je reviendrais te voir très vite… et discrètement. Lui adressant un clin d’œil, elle ajouta en direction de Matis : et nous seront sages, je vous le promets… presque.

Le pauvre. Ce n’était pas un mauvais bougre, mais il était amusant de le titiller, lui qui semblait si sérieux, si collet-monté, si… soldat. Et si protecteur envers Luna. Finalement, la petite elfe hésitait entre le grand frère trop protecteur et le père désireux de protéger sa progéniture de tout ce qui pourrait la toucher d’une façon ou d’une autre. Dommage, Luna ne semblait pas du même avis et l’elfette était bien décidée à continuer de la fréquenter encore un moment. C’était sa première aventure, et quand bien même n’était-elle pas amoureuse de la petite humaine, il fallait reconnaitre qu’elle aimait autant tes caresses et baisers que l’énergie dont elle faisait preuve. Sans compter qu’elles semblaient avoir la même envie de pouvoir s’amuser et profiter du temps qui leur était imparti, celui de la jeunesse. Volant un délicat baiser à la concernée, effleurant au passage les cheveux d’or au doux parfum, Enetari salua amicalement Matis avant de disparaître comme son semblable quelques instants plus tôt, refermant sur son passage la porte derrière laquelle se cacherait le secret de Lunetari.

Le jeune homme ne savait pas vraiment comment traiter tout ce qu’il venait de se passer. La magie était quelque chose de nouveau pour lui, dans le sens où il n’était qu’un jeune apprenti et ne pouvait pas tout connaitre à tout, alors faire la comparaison avec un elfe… C’était quelque chose qu’il n’allait pas se risquer à faire, il ne voulait même pas essayer de comprendre, tout cela le dépassait largement. Ajoutez à cela les réactions des deux jeunes filles et vous aurez un Matis bien perdu dans tout cela. Haussant les épaules il démontra qu’il ne cherchait même pas à se perdre dans des explications scabreuses ou dans des réflexions qui lui ferait tourner la tête pendant des jours et des jours.

Par contre il est vrai que cela avait au moins eu la réussite de faire baisser la tension naissante. Il se rendit compte que cela était en grande partie sa faute et qu’il ne pouvait pas s’en prendre à la jeune femme qui, même si elle avait mit du siens pour l’ennuyer, n’avait fait que le titiller. Il était sur les dents depuis quelques temps, comme s’il craignait qu’une nouvelle attaque ne se produise ou quoi que ce soit d’autre. Quoi qu’il en soit, la jeune elfe prit sur elle et le pardonna pour ses écarts. On ne pouvait pas dire qu’il était heureux qu’elle le pardonne mais il se senti comme soulager car le contraire aurait fait de la peine à la jeune Luna. Et c’était là la dernière chose qu’il voulait faire.

Il resta silencieux et écouta avec attention ce que les jeunes gens comptaient faire pour la suite. Lui avait des plans et des obligations à respecter et ne tarderait pas à partir. Dawan venait de se réveiller et, en le regardant, il comprit à quel point il avait bien dormi, ou tout du moins que cela l’avait quelque peu détendu. Les quelques mots qui sortirent de sa bouche furent étranges mais ne déconcertèrent pas grand monde notamment Enetari qui en profita pour lancer une nouvelle pique au jeune homme. A la voir agir ainsi il comprit un peu son fonctionnement, ou tout du moins commença à entrapercevoir le fonctionnement de cette dernière. Ce qui, pour un humain comme lui était proche du miracle.

Je m’en vais aussi Luna, il est temps pour moi de reprendre mes obligations et de retourner faire ce pour quoi l’on me paye. ¨Petit regard vers Enetari. Ce que vous faite ne me regarde nullement, j’ai toute confiance en Luna pour gérer sa vie comme elle l’entend et je serais bien mal placé pour émettre des doutes à ce sujet.

Il se retourna et alla prendre la porte mais il fit un arrêt sur Dawan, posa sa main sur son épaule et lui dit quelques mots.

Mon cher, merci pour ce que tu as fait, par contre il va falloir que je t’apprenne à te contrôler lors de situation tendue. En tout cas si tu as besoin de quoi que ce soit n’hésite pas à venir me voir, ma porte te sera toujours ouverte. Il se retourna calmement et conclu. Il en est de même pour vous gentes demoiselles.

Sur ce, bonne journée et à bientôt peut être.

Et il sortit de la pièce pour continuer sa journée de travail.