Il s’était adjugé quelques heures, seul, afin de décompresser du stress permanent que représentait les délégations et l’organisation d’une vie au sein d’un sanctuaire transformé en table de négociations interraciales. A cet effet il avait emporté un très ancien ouvrage de philosophie de la bibliothèque personnelle du gardien afin d’en faire une nouvelle copie qu’il serait moins dangereux de manier, car il craignait quelque peu, à terme, que manipuler un manuscrit vieux de plusieurs centaines d’années ne conduise à la catastrophe la plus totale. La perte d’un seul ouvrage de cet âge serait extrêmement compromettant, car les maîtres de savoir de cette époque étaient tous trépassés, et seul restaient ces ouvrages pour transmettre une part de leurs connaissances, de quelque matière qu’il puisse s’agir. En l’état, c’était un livre lourd et pesant, relié de cuir vert et frappé du sceau de la dynastie de Tisserêve, son ancêtre, remontant donc bien au-delà de l’âge de déclin, d’après le départ des dragons. Un ouvrage écrit sur un vélin de qualité appréciable sans être un luxe, et d’une main sûre au script délié et élégant, sans fioritures qui indiquait probablement un maître de l’air ou de le l’étoile. L’encre était d’un bleu d’acier passé et semblait avoir été coupé d’une substance fixant afin de conserver davantage le texte, permettant à l’exemple de transporter le manuscrit sous la pluie sans craindre pour lui. Une bonne technique, usuelle pour ceux qui transcrivaient régulièrement des textes de toutes sortes, un travail sans fin car les centaines de bibliothèques recelaient des ouvrages en continuelle dégradation, même avec l’appui des sortilèges de conservation et techniques diverses qu’ils utilisaient lors du copiage… Il y avait toujours des textes à sauver d’une disparition certaine, des chants et divers traités, en plus des instruments et des lieux à garder intact. Le seul soulagement de leur tâche immense était l’absence des dangers naturels qui auraient put survenir autrement. Sur le domaine, point de tremblement de terre ou d’incendie, point d’inondation ou d’infiltration et à peine quelques plantes grimpantes venant parfois orner les murs. Les pouvoirs de l’ordre protégeaient ce lieu à nul autre pareil.

Car quel peuple pouvait se vanter d’une pareille collection de savoirs anciens, parfois de puissances antiques que nul n’avait caressé depuis des âges. Les humains n’avaient que des bibliothèques d’importances ridicules, les vampires n’avaient en tout et pour tout que les savoirs dissimulés d’Ygg-Chall et des anciens, quant aux elfes, la bibliothèque impériale faisait pâle figure en comparaison de la flèche des Gorllewin et de ce qu’elle contenait à elle seule. Et justement, depuis déjà quelques temps, en plus de la préparation des négociations, le nouveau Gardien ainsi que les plus anciens parmi les Baptistrels s’étaient mis en devoirs de retranscrire l’intégralité des textes de Tisserêve, en petits nombres certes mais dont la complexité compensait largement cette infériorité numérique. Non que le Fondateur premier n’eut pas été prolixe lors de sa très longue vie, c’était en réalité le cas, il avait énormément écrit, au point de remplir une bibliothèque ou deux à lui seul…. Mais les textes s’étaient perdu au fil du temps et dans des conditions étranges dont personne n’avait jamais tirés les fins au clair. Les textes survivants étaient d’autant plus précieux qu’ils se trouvaient être pour la plupart dédiés à l’étoile, ce qui les rendaient d’autant plus précieux. Il n’avait pas choisi l’un d’eux cependant, car il craignait de l’exposer à l’extérieur en pleine lumière. Non, il s’était choisi un ouvrage dont le thème l’avait, à juste titre, fait grandement sourire. Il s’agissait d’un traité de philosophie sur la valeur du sourire et sa signification au travers des différentes époques et civilisations. Un sujet quelque peu singulier au premier abord mais la lecture était passionnante, d’autant plus que cela corroborait ses tentatives de s’améliorer en politique. Une telle capacité pouvait effectivement lui être très utile. Il prenait donc le temps de lire tout en recopiant le texte, de l’étudier avec attention.

Assit sur une roche, au milieu des hautes herbes ondoyantes, chantonnant à mi-voix pour lui-même dans l’atmosphère agréable, dégageant toujours cette lueur dorée qu’il empruntait à un soleil tardif, il copiait avec lenteur et application, sa longue plume et son pot d’encre posés près de lui. Il adorait le bruit de la plume sur le vélin, c’était quelque chose qui l’enchantait, et dans ce décor, il ne pouvait manquer de se détendre rapidement. Jusqu’à ce qu’une ombre lui fasse lever les yeux un bref instant. Il ne regarda pas davantage la décente du dragon qu’il ne sembla inquiété ou troublé de le voir venir à lui. Ici, il n’y avait rien à craindre, et rien non plus à craindre de Moëbius Aussi ne laissa-t-il cet invité surprise le rejoindre en continuant de tracer les lettrines magnifiques de sa copie d’ouvrage, sachant que, si le dragon désirait lui parler, il le ferait sans mal. Le chanteur était toujours ouvert à toute visite et à tout débat si tant est qu’il fut raisonnable, il ne faisait nullement exception pour les dragons. Et quand l’esprit de la créature vint entrer en contact avec le sien, il lui offrit une ouverture posée et paisible, habitué qu’il était à ce mode de communication depuis le temps qu’il voyageait en compagnie de Shaynar. Ses paroles cependant lui firent relever les yeux pour contempler avec attention la forme déjà imposante de l’écailleux, seule réaction visible à cette introduction fort singulière si il en était. Le visage dépourvu d’expression, il analysa rapidement les yeux bleus du dragon puis soupira doucement et déposa sa plume et son encrier, laissant la page en copie à sécher sur son coté tandis qu’il se tournait légèrement pour faire face au dragon avec nonchalance.

De sa voix qui n’était pas une voix mais milles ondes de chants, de tous les éléments, il répondit. « Salutation, Moëbius » Une attente légère avant qu’il ne poursuive « Il y a beaucoup à dire à ta requête, ou pas assez peut-être. Tu n’as nullement à payer pour les erreurs de ton lié, pas plus que tu n’as à t’excuser à sa place. Ses fautes sont les siennes, et sienne est la tâche de s’expliquer auprès de qui de droit, et de faire amende honorable. Si il est sincère, et qu’il sait faire la part des choses, alors il aura sa chance. Et si il n’y parvient pas, au moins aura-t-il fait ce qu’il se devait de faire. Nous avons tous à charge de prendre nos responsabilités et d’assumer nos choix et nos paroles » Nouvelle pause, tandis qu’il tressait distraitement une mèche de cheveux couleur de lave « Je ne suis pas quelqu’un de rancunier, quoi que je soutienne la réaction de mon lié. Elrond ne m’a pas offensé personnellement, et si je réprouve ses paroles, je sais également qu’il en est encore à un âge où l’on ne mesure pas clairement ce que l’on profère. Apprendre à parler juste et avec mesure, apprendre à juger d’une situation et à l’aborder sous l’angle le plus harmonieux, tout cela, je lui enseignerais lorsqu’il portera le sceau de l’Enwr. Du moins tenterais-je de le dire, l’assimiler ne tiendra alors qu’à lui. Comme tu le dis si bien, le monde est compliqué et d’autant plus en ce moment, une ingérence est une erreur toute mortelle. La jeunesse cependant n’est pas une excuse » Il vérifia que l’encre s’èchait bien tout en achevant, toujours aussi calmement « Je ne peux pardonner Elrond à la place de Shaynar, c’est la prérogative de mon lié. Me concernant cependant, l’incident est oublié. Je ne tiens pas à le charger plus encore que ce que Shaynar fera, je connais mon lié il a parfois mauvais caractère » En réalité, il doutait que Shaynar s’ne prenne réellement à Elrond, au moins au nom de Moëbius. C’était la vie d’un membre de sa race bien aimée qui était en jeu après tout. « Était-ce ce dont tu voulais me parler ? Je ressens autre chose en toi. N’hésite pas, tu sais que je suis à la disposition de tous sans contraintes »

L’éclairer sur son passé et son incapacité à user de son feu intérieur ? Voilà une requête bien singulière et autre-ment plus compliquée que ses revendications au sujet des frasques ingérentes de son lié. Il était flatté que Shay-nar est pensé à lui indiquer de venir lui poser ses questions, car il était vrai qu’il avait plus de facilité à saisir ce genre d’informations, grâce aux dons de son ordre autant que sa sensibilité naturelle. D’un autre côté, cela le gênait profondément car, en bon altruiste, il ne voulait pas décevoir ceux qui cherchaient son aide, et en l’état les choses étaient d’autant plus délicates qu’il s’agissait d’un dragon. Pour en avoir fait l’expérience plus d’une fois, il lui était bien plus difficile de s’immerger dans le chant-nom d’un maître du ciel, de par leurs différences mais également le temps de vie incroyable qui s’articulait aux leurs au travers de la mémoire ancestrale. Il l’avait déjà expérimenté en compagnie de Verith… et avait bien faillit y perdre une part de sa santé mentale en tentant d’appréhender l’énormité de ce dont il s’agissait, sans y parvenir. Il lui aurait fallu bien des jours pour parvenir à démêler point par point ce qu’il entendait, et il aurait volontiers usé d’un support matériel afin de transcrire plus aisément ce qu’il percevait. Néanmoins, il restait qu’il s’agissait là d’une interrogation fort intéressante. Lorsqu’il avait eut l’œuf du jeune dragon bleu entre les mains, il avait tout de suite ressentit une certaine différence au sein de son harmonique. Il était resté froid, ou frais selon la sensibilité de l’individu le tenant, les elfes l’avaient à peine noté bien évidement mais pour lui dont l’essence interne était le feu, cette coquille avait été un véritable bloc de glace en été. Malgré cette froideur, il avait pourtant dédié cet œuf-là aux vampires et en vérité, il semblait qu’effectivement il n’eut pas eu la moindre erreur au moment du partage. Tous les œufs dédiés aux vampires avaient trouvés un dragonnier vampirique, et tous les œufs dédiés à l’alliance au travers des elfes avaient choisi soit des humains soit des elfes… Sans être forcément une bonne chose, c’était cependant une juste chose et une chose qu’il ressentait comme une glorification personnelle toute humble. Il avait certes bien fait le travail que le Dracos lui avait adjugé. Mais qu’un de ces dragons vienne à présent le voir était une surprise et une flatterie…

« Effectivement, il est possible que je puisse être de quelque aide. Avec mes dons de Baptistrel, je puis avoir accès à des informations sur ton être que tu ne possèdes pas forcément toi-même. Cependant, il faudrait que je sache avec exactitude ce que tu désir apprendre, et que je me donne le temps de l’étude. Il est bien plus complexe d’avoir affaire au chant-nom d’un dragon qu’à celui d’une bipède. Et il y a aussi la question de la discrétion. Ce que j’apprendrais de toi, je ne puis le contrôler, cela me viendra comme le flot d’une rivière, tu ne pourras spas me cacher quelque chose aussi ce que nous mettrons en lumière sera tient à décider… si tu désir le dévoiler ou non, et si tu désir que je fasse silence » Il ajouta après avoir repris son souffle, parlant d’une seule traite comme à son habitude « Beaucoup de réponses se trouverons certainement en ton propre sein. Le tout est d’avoir la patience de les trouver, je ne peux garantir à coup sûr de trouver ce que tu désir »

Cela s’apparentait à un accord oral évidement. Il n’avait pas l’intention de renvoyer le dragon avec un refus et n’avait aucune raison de lui refuser en réalité ce qu’il désirait. Le tout était simplement de parvenir à bon port ce qui n’était pas forcément le plus simple, mais ça, il devait bien s’en douter. Alors qu’il laissait les notes longues et compliquées pénétrer le dragon, celui-ci transmit une série de pensées et de sensations qui le firent sourire. C’était un autre mode de communication, qu’il en maîtrisait pas pleinement certes mais tout comme son propre état, il différait de la façon qu’avaient les armandéens de s’exprimer. Le chant premier du Fondateur lui avait ôté sa voix mortelle, l’affligeant de l’état de mutisme qu’il portait désormais. C’était sa puissante magie des sons qui transmettait des idées, fluctuant les ondes pour former la compréhension que leurs cerveaux auraient eut si il avait parlé comme n’importe qui, au travers d’un processus long et infiniment étrange qu’il ne comprenait pas pleinement lui-même. Une autre forme, ressemblant à la fois au langage viscéral d’un dragon et à celui, plein de mots, des bipèdes. Ouvrant de nouveau la bouche, il concentra le flux afin de lui répondre. « Il n’y a effective-ment pas d’ouvrages écrits par les dragonniers, certains, ici, ont été écrits sur eux et de leurs temps. Cependant l’idée est bonne. Nous pourrions effectivement en écrire un, d’autant que les évènements que nous vivons tous sont uniques en leurs genres. Une croisée des chemins pourrait-on dire. Nous devrions en parler aux autres couples, cela pourrait également les intéresser tu ne penses pas ? » Avec une pause, il enchaîna, lui laissant simplement le temps d’appréhender ce qu’il venait de transmettre. « La communication a toujours été quelque chose de singulier. C’est pourquoi nous existons. A l’aube du parler oral, il n’était pas entaché par le mensonge comme à présent et n’était pas un limitateur. Mais avec le temps et avec l’évolution des races mortelles ce langage oral est devenu un écrin étriquant les pensées et amoindrissant la compréhension de beaucoup. Ceux qui viennent auprès de nous pour apprendre à parler vrai le ressentent cruellement et ont besoin de beaucoup de temps pour parvenir à se défaire de leurs tares. Je n’ai pas d’avis tranché sur cela. Ton choix est de t’exprimer ainsi, quoi qu’en pense les autres, c’est ton choix et il est à respecter. Je trouve cela intéressant. Jusqu’à présent je n’ai croisé qu’un dragon capable de s’exprimer pleinement ainsi, un sauvage. Ce que je sais cependant c’est que les dragons liés à des bipèdes sont influencés par leurs esprits, ils s’humanisent quelque part…. Tu es peut-être tout simplement plus proche des dragons sauvages, ce n’est pas un mal »

Et bien… si il n’était pas prolixe au moins il était précis dans ce qu’il voulait. Précis et infiniment imprécis à la fois si il devait être tout à fait exacte. En sommes, il lui demandait de tout lui raconter. Tout, absolument tout sur lui. Oui, c’était bien plus d’une heure qu’il allait lui falloir pour parvenir à le satisfaire… Peut-être même plus d’une journée, mais de cela on ne pouvait juger si aisément en un pareil instant. Hochant la tête, il ne donna pas plus de signe d’attention par la suite. En vérité, il avait commencé à écouter son chant-nom depuis l’instant de son arrivée, n’ayant en vérité guère le choix sur le sujet. Les chants-nom lui parvenaient naturellement, sans qu’il les cherche, et il ne pouvait que les écouter, les intégrer… entrer en résonnance profonde avec eux, tel un vibrato sans fin captant les plus subtiles nuances de cette symphonie de vie et de temps à l’ampleur incommensurable. Le développement de ses capacités de Baptistrel avait également affiné cette capacité naturelle des membres de son ordre à percevoir les vibrations des noms, et son expérience personnelle avait fait le reste. D’autant qu’il s’agissait d’un art délicat et extrêmement passionnant, une constante source d’émerveillement de même que de gêne et de doute parfois. Il apprenait des informations d’une discrétion absolue sans le vouloir, plongeait au plus profond des âmes de ceux qu’il croisait… ce n’était pas chose facile que de rester neutre face à tout cela, de ne pas user de ce qu’il apprenait, que ce soit en bien ou en mal. Souvent même, il n’y parvenait pas, ayant un mal fou à ne pas se laisser noyer dans ce qu’il entendait, s’y perdant jusqu’à ne plus exister comme être propre… Et pourtant, quelque chose le ramenait toujours à la surface, le sauvait toujours de la fin, de cette perte de conscience dans l’immensité. Ce quelque chose, c’était Shaynar, et, au-delà du monde, Eliow également. Ils brillaient pour lui, comme des bûchés flamboyants, des phares nocturnes qu’il pouvait retrouver quel que soit le lieu où les chants le propulsait.

Et ainsi, il écoutait, paisiblement installé, tendant simplement l’oreille, appréhendant lentement les harmoniques du dragon, note après note afin d’éviter un torrent qui l’embrouillerait inévitablement et lui causerait, en plus d’une sérieuse migraine, un profond malaise dû à l’égarement de son esprit au sein d’un plan de vision très éloignée de celui des mortels. Lentement, comme l’écoulement d’une rivière frappée de frimas, il pu prendre conscience de l’ampleur de l’histoire qui lui était révélée, comme chuchoter, en filigrane d’un monde vivant et florissant tout autour de lui. Les minutes se transformèrent en heures sans qu’il ne bouge d’un seul pouce de son rocher, toujours à l’écoute de ce que lui avouait l’être face à lui. Puis, alors que la révolution du soleil se poursuivait et s’étirait, il finit par prendre de nouveau la parole. « J’ai quelques réponses, je pense, à ton sujet. Mais elles ne te plairont peut-être pas… » Il chassa une feuille venue se perdre sur les pans de sa robe et poursuivit, égal « Ton père se nommait Gliver, un dragon blanc, et ta mère Egamlung, une dragonne bleu, tous deux sauvages… » Il retraça ce qu’il avait pu apprendre de l’histoire des deux dragons au travers de lui, de leur rencontre et de la ponte de l’œuf. Il tut pourtant une partie du récit, le gardant pour la fin. Ce n’était pas quelque chose de simple à expliquer, à annoncer… Il ne pouvait guère savoir comment il allait prendre la chose. Sans doute pas très bien évidemment, comment le pourrait-il ? Mais peut-être se trompait-il. Impossible de le savoir sans lâcher la nouvelle évidement.. Observant le dragon avec calme et patience, il lui laissa tout d’abord le temps d’ingérer les informations déjà transmise, puis, lorsqu’il sembla à nouveau réceptif, il indiqua.

« Je sais également pourquoi tu ne craches pas de feu » Certes, c’était étrange qu’un dragon ne puisse user du feu de ses entrailles. Ils étaient des fils de feu et d’air, et même les redoutables dragonnes de l’orage ne dédaignaient pas cela. Alors qu’est-ce qui rendait Moëbius différent ? Et bien en lui-même, absolument rien. Il était un dragon comme les autres, simplement plus froid. Non, c’était ce qu’on lui avait infligé qui était différent, très différent même. Une surprise, un étonnement, car qui aurait eu l’audace de maudire une créature telle qu’un dragon, si puissant et si vital à ce monde… à part un autre dragon, seulement les esprits. Et pourtant ceux-ci n’avaient aucune raisons de le faire. Non… il devait encore trouver la véritable raison de ce fait si remarquable. « Ton pouvoir est scellé par une ancienne malédiction….Mais je ne sais pas encore d’où elle peut provenir ni ce qui la motive. Il me faudrait plus de temps que cela pour la découvrir"

Il ne parvenait pas encore à s’immerger suffisamment dans le chant-nom du dragon bleu pour parvenir à déterminer ce qui avait causé cette malédiction, ombre sinistre qui venait ternir la dignité de ces écailles. Il ne parvenait pas encore à défaire les vibrations pour en obtenir une sonorité claire et correctement définie… L’exercice nécessitait bien davantage qu’une simple écoute. Mais certes, tout ce qu’il avait pu apprendre était déjà un bon début. Un début plus qu’encourageant de son point de vue, après tout, l’on ne pouvait guère combattre une quelconque malédiction sans en connaître la teneur ou l’existence. Hors oui, savoir de quoi il s’agissait était un bon début à toutes choses, restait cependant à savoir si oui ou non le dragon voudrait pallier à cette malédiction… ce n’était peut-être pas si évident que ça en avait l’air, les dragons étaient des créatures mystérieuses dont la façon de penser et d’appréhender le monde était, et resterait très certainement, unique et singulière. Il en faisait l’expérience tous les jours avec Shaynar et continuerait certainement d’être surpris pour le restant de sa longue vie, ce qui n’était nullement une lamentation et bien davantage une réjouissance que la prévision de ne jamais sombrer dans l’ennui et la lassitude d’un monde sans merveilles… ce qui pour lui équivalait peu ou prou à la mort même, de par son esprit et son âme un peu spéciales. Se trouver incapable de jouir de la vie signifiait qu’il s’éteindrait à petit feu… heureusement que sa vie était tout sauf platonique ! Surtout quand il se trouvait avec un tel cas sur les bras…

Si Elrond allait être touché par la malédiction ? En voilà une question. Pondérant quelques instants, il finit par secouer doucement la tête. « Non j’en doute, ce n’est pas ainsi que fonctionne une malédiction. Elle est uniquement destinée à un être, je sais que Elrond partage ton esprit et ton âme, mais il n’est pas toi, et tu n’es pas lui non plus. A ce tire donc, je doute que ton compagnon en soit affecté. Je n’ai rien détecté dans son chant-nom du moins. Et le sien est bien plus simple que le tient, je n’ai donc qu’une marge d’erreur des plus réduites » Il S’arrêta un bref instant, l’observant du coin de l’œil alors qu’une migraine palpitante l’assaillait soudain, de même qu’une certaine lassitude. Cela ne semblait peut-être rien à d’autre, mais le travail interne qu’il fournissait en permanence… Se concentrer sur un seul chant-nom, en particulier un qui se réclamait d’une profonde complexité en dépit de sa jeunesse, était un exercice prenant qui apportait sans mal ce genre de tracas passager. Sans aucune doute irait-il mieux après une tasse d’infusion, mais en attendant il fallait qu’il se fasse violence pour ne pas replonger simplement quitte à nuire à sa propre santé. Il aurait tout le temps possible pour étudier l’histoire de Moëbius. « Nous allons être amenés à nous croiser plus qu’à l’occasion dans le futur. Nous aurons le temps de nous introduire plus avant dans ton passé si tu le désir. En tous les cas j’en ai découvert bien plus que ce que je pensais… Si cela t’agrée, nous pouvons nous arrêter là pour le moment. A moins que tu n’ai des questions particulières à me poser»