Il se posait de nombreuses questions, et ce depuis quelques jours déjà. Il fallait avouer que leurs arrivée à Gloria n'avait rien eut de discret ou de paisible. Avec Shaynar frappant de stupeur et de terreur le cœur des gardes autant que celui des habitants et Lyroë qui lui avait donné des sueurs froides durant l'entrevue avec le souverain humain, il n'aspirait plus qu'à un repos bien mérité pendant quelques heures avant de faire face aux nombreux devoirs inhérents à sa présence où que ce soit. C'est ainsi qu'il avait prit le parti de se rendre en ville malgré les regards qu'on lui jetait afin de pouvoir s'occuper des malades et des blessés qui n'avaient pas les moyens de s'offrir la visite d'un guérisseur humain. Par moment, il s'agaçait un peu de son ami Rheryn et de son état de béatitude mélancolique presque constante. Il aimait beaucoup le chanteur des étoiles, mais celui-ci était trop sensible pour prétendre descendre s'occuper de la populace. Encore que celle-ci soit humaine. Il n'imaginait même pas lui demander de faire cela pour des vampires, cela reviendrait à demander l'impossible, jamais il ne supporterait les ondes dégagées par les sangs froids. En réalité, il commençait même à envisager lui demander de rentrer au Tomingorllo pour y officier à sa place pendant que lui s'occuperait de Gloria. La capitale humaine était devenue depuis peu le centre de la guerre, hors plus la tension y montait, plus son frère chanteur risquait d'en être cruellement malade, et il ne voulait pas lui demander cela. Pas alors qu'il connaissait lui-même ce qu'était cet abominable ressentit... non vraiment, il ne désirait pas le forcer à rester, mais il ne désirait pas non plus qu'il devienne un poids pour l'ordre. Cela ne se pouvait, ses pouvoirs étaient liés à son devoir et il devait le remplir d'une manière ou d'une autre. Si il ne pouvait se faire guérisseur, il lui faudrait se faire garde du savoir. Et puis ce serait certainement pour le mieux. Mieux pour eux deux, et mieux pour ce peuple qui avait cruellement besoin d'un peu de leur attention, après tout les traumatismes subit.

C'était dans cette optique qu'il était descendu dans les quartiers pauvres afin d'officier auprès des démunis. Loin de répugner à approcher ces pauvres créatures, il se montrait d'autant plus gentil et doux avec eux, se démenant pour alléger leurs souffrances de son mieux. Il ne pouvait guère vaincre la faim, et le manque de moyens, mais au moins pouvait-il soigner leurs corps et faire fuir le froid de leurs demeures. Ce n'était pas grand chose, parfois, mais c'était déjà quelque chose. Il faisait souvent abstraction du malaise qu'il ressentait à être dévoré des yeux chaque fois qu'il abaissait sa capuche, préférant se concentrer sur leurs expressions de surprise en voyant de graves blessures, parfois définitive, guérir sans soucis. Des membres repoussaient, des yeux retrouvaient leurs clartés, des plaies purulentes s'atténuaient jusqu'à disparaître et la vieillesse se faisait moins lourde sur les membres des ancêtres de ce peuple, qui pour lui étaient encore des enfants selon les critères de son peuple. Cela faisait longtemps qu'il n'avait put user de ses dons si simplement, sans que cela influe sur la politique ou la guerre. Et il en était soulagé. Son don de guérison n'était pas gage d'une implication politique et ne découlait pas non plus d'elle... il était libre de faire ce pourquoi il avait étudié des années durant, libre d'apporter un peu de réconfort à ceux que la vie ne dotait pas de ses largesses... Voilà la raison pour laquelle il s'était fait Baptistrel. Et si il pouvait aider les plus humbles, il pouvait également aider d'autres, non humains, et d'une autre importance. Il se demandait encore de quelle importance il serait, dans la grande reconstitution de la race draconique, quelle aide pouvait-il offrir à ces géants des airs et du feu ? Il n'en savait rien, mais comme il ne reculait pas devant les membres infectés, il ne reculerait pas non plus devant ce devoir ô combien sensible... Il n'en avait ni le droit ni l'envie. D'ailleurs, il aurait passé tout son temps dans la ville basse si il n'avait pas eut un rendez-vous plus tard dans la journée.

Le denier blessé qui lui fut amené était un membre de la guilde d'assassin du souffle. Et quoi qu'il réprouva fortement les pratiques de ces individus, il le soigna également, sans pour autant se priver de commentaires. Et quand l'un des accompagnateurs se mit en tête de le forcer au silence, ce fut lui qui se trouva réduit à l'état d'infirme muet. Paniqué, il se débattit un moment avant que le Baptistrel n'ai pitié de lui et le délivre de son sortilège de mutisme. C'était plus un jeu qu'autre chose, il ne lui faisait pas vraiment de mal, et cela le gardait de recommencer à sous estimer un individu tout pacifiste qu'il soit. Une fois qu'il eut ôté la flèche de la jambe du pauvre homme et que la plaie se fut refermée, il les laissa partir en promettant de ne rien dire d'eux aux soldats de gardes dans la ville. Ce n'était de toute façon pas son affaire, c'était celle de l'armée humaine. Lui n'avait qu'un devoir et il le distribuait à tous sans faire de discrimination. Puis il remonta tranquillement le long de l'allée principale menant au palais impérial de Gloria, à pied et sans rencontrer personne qui s'avisa de l'arrêter. Il fallait avouer que son entrée en compagnie de Shaynar quelques jours auparavant avait fait son petit effet sur tout le monde ici. Ça et sa tendance à dresser les torches comme des chiens de garde. Passant sous l'arche de la porte principale, il se dirigea vers les jardins et vers son entrevue avec la jeune Nalaïa, une archère elfique entrée au service des larmes d'Alderick et qu'il était donc tenu d'aider puisqu'il était désormais consultant auprès de cette guilde de guerriers émérites. Il avait été surpris de la demande, mais n'avait pas jugé bon de refuser, et après tout pourquoi l'aurait-il fait ? Elle n'avait rien fait pour s'attirer une quelconque inimité de sa part....

Du moins.. pas encore. Voilà la réflexion qu'il se fit alors qu'elle approchait de lui. Un bref instant, il cru tourner de l’œil sous les ondes négatives qu'elle dégageait, et faillit exprimer son dégoût par un flamboiement sauvage. Cependant il avait encore en tête sa promesse à Klaus, et par respect pour lui, il se retint de morigéner la jeune fille sévèrement. Peut-être qu'au final, vrai lien ou pas, l'esprit de Shaynar déteignait sur lui. Il ne voyait guère d'autres explications, mais ça n'avait pas d'importance sur le moment. Cette elfe avait tué, beaucoup tué et récemment. Les circonstances apparaissaient clairement dans la trame de ses ondes, de même que sa détresse. Mais pour cette dernière, il aurait fallut être aveugle pour ne pas la noter physiquement, au vu des larmes et de ses yeux rougit. Oui, lui faire la leçon n'aurait franchement pas d'intérêt pour l'instant, mais cela viendrait certainement. Elle n'était pas en avance non plus, mais cela ne pouvait être réellement prit comme une insulte bien que la ponctualité fut la politesse des elfes, tout le monde ne pouvait s'arranger pour advenir une heure en avance comme il se permettait de le faire le plus souvent. Un bref moment passa avant qu'il ne note le fait qu'il la jaugeait depuis les replis de sa cape, ses yeux gris luisant dans la pénombre de l'artefact et le dissimulant, lui et son expression contrariée. La décence voulait qu'il se leva pour la saluer, aussi ce fut ce qu'il fit avant de s'approcher pour effacer les larmes qui roulaient encore sur ses joues d'une main chaude et chaleureuse.

« Les guérisseurs du palais ne sont pas mauvais, cependant, si vous le désirez, je pourrais m'en occuper. Votre père serait sur pied en un rien de temps. En attendant, je vous en prie, asseyez-vous et reprenez -vous, prenez le temps de vous débarrasser de votre peine. Ensuite nous parlerons de ce que vous désiriez m'entretenir. Cela vous convient-il ? »

Il avait toujours été quelqu'un de très abordable, ne mettant aucune distance entre lui et les autres, toujours prêt à aider, à rendre service, toujours prêt à écouter, et à donner conseils et avis, si on les lui demandait. Il n'avait rien d'asocial ou de froid, et si il avait faillit renoncé à sa voix, il en était revenu depuis un moment, ayant largement prit conscience de l'ampleur de son amour pour son art. Sa voix c'était sa vie, sa raison d'exister, son ' arme ' si on pouvait le dire ainsi. Il restait malgré les épreuves quelqu'un de très tactile, aimant à prouver sa présence et son soutient d'un toucher sympathique et chaud, don de son élément. Les seuls êtres avec lesquels il avait eut un peu de timidité étaient Lorenz et Klaus. Lorenz de par son statut et la menace latente l'entourant, le rendant plus ou moins intouchable... il avait très bien saisit que si il s'était cru en droit de poser ne serait-ce qu'un doigt sur Lorenz, il l'aurait durement payé. Mais il n'en avait pas eut besoin de toute façon. Quand à Klaus, il fallait dire qu'il était un des rares humain qui l'intimidait un peu, et de fait, étant son seul ami, Klaus était pour lui quelqu'un de très spécial. Et quelqu'un qu'il ne voulait pas faire fuir en ce montrant intrusif. Pourtant il avait vaincu ce doute dans le sanctuaire des étoiles et l'avait finalement touché, un bref moment. Avec Lyroë, c'était encore autre chose. Ils avaient eut l'habitude, grandissant à deux, de se frôler plus ou moins, mais c'était une femme et il ne considérait pas les femmes de la même façon que les hommes, pas par machisme, mais parce qu'elles étaient.... plus mystérieuses ? Bref, il ne se voyait pas enlacer Lyroë. Et de la même façon, il n'avait pas poussé le contact avec Nalaïa de façon prolongé. Il s'assit près d'elle et écouta attentivement ce qu'elle lui disait, courtois et pleinement intéressé par la raison qui avait put la pousser à venir le trouver d'un seul coup, bien qu'il ne s'en plaignit pas.

Elle doutait ? Voilà bien un sujet qu'il connaissait, le doute. Il avait douté avec Lorenz, Eliow, Klaus... évidemment, comment n'aurait-il pas put douter dans de telles circonstances. Mais quel était le sujet qui la faisait s’interroger ainsi ? Il y avait bien des choses qu'elle évoquait, et pourtant jusqu'à ce qu'elle aborde le sujet de l'appel, il ne croyait pas comprendre le moindre de ses véritables doutes. Véritables, dans le sens que les autres n'étaient que les doutes légitimes de n'importe qui dans une situation comme celle là, mais cet appel... ? Voilà qui était bien étrange, lui ne l'avait pas entendu, et il n'avait vu personne d'autre l'ayant eut. Klaus l'avait-il eut, lui ? Peut-être ou pas, il n'était pas là pour qu'il le lui demande, mais il pouvait tout à fait comprendre que c'était angoissant de recevoir ce genre de contacts avec des forces magiques. Car quelles autres forces auraient put provoquer cet appel après tout ? Lui même avait eut du mal, la première fois qu'il avait eut un contact du même genre avec Dracos Honoris, voilà quelques années... Il écouta sans rien dire, la laissant vider son sac. Elle en avait besoin après tout, de ça et de bien d'autres choses. D'être rassurée, et de recevoir un avis, de toutes évidences. Il soupira finalement, croisa les mains sur ses genoux et contempla le ciel en réfléchissant à la meilleur façon de répondre. Puis il finit par briser le silence paisible des jardins.

« Commençons dans l'ordre. Ne pas vous sentir assez puissante pour faire partie des larmes je le comprend tout à fait, qui ne douterait pas dans un monde où l'on cotoit des forces si colossales. Et encore davantage lorsque le sort de tous dépend de vous. Mais comprenez bien que, si vous n'étiez pas assez forte, on ne vous aurez pas accepté. La force ce n'est pas seulement de savoir bien se battre, de posséder une magie puissante.... l'on peut être fort de bien des façons, par l'intelligence, la capacité à apprendre, à s'adapter.... la bonté de cœur est également une force, et contre le pouvoir corrupteur de Dévoreuse, elle est très importante, vitale même. Hors vous la posséder effectivement. Le fait que vous ne vous pensez pas assez puissante est en soit l'assurance que vous êtes effectivement digne des larmes, car votre égo ne vous perdra pas »

Il eut un sourire, puis reprit ensuite «  Le serment... j'ai participé à sa création. Mieux que vous je pense, je connais son implication. Vous avez placé votre vie pour cette cause, Nalaïa, mais ce serment n'est avant tout fait que pour éviter que vous n'usiez de l'artefact, chose que vous ne ferez effectivement pas j'en suis convaincu. Ne vous tourmentez point là dessus. Mais si vous doutez, sachez qu'à l'avenir il vous faudra davantage réfléchir avant de vous engagez »

Puis il se leva à son tour, s'approcha des fleurs les entourant, les observant, pensif. « Cet appel pourrait bien être Dévoreuse. Je comprend que vous vous sentiez effrayé à l'idée d'être de nouveau en proie à une connexion avec la bague. Vous pensez, comme beaucoup, que seul un grand pouvoir permet de vaincre les ombres.... je pense au contraire que ce sont les infimes détails de l'existence qui le permettent. Votre amour pour votre mentor, votre envie de vivre, votre énergie, vos rêves.... ce sont ces armes là qui vaincront l'appel de la Bague. Une fois son attrait vaincu, vous pouvez vous servir de cet appel afin de localiser la bague et de la récupérer pour votre ordre. Chaque grain de sable peut faire pencher la balance, le moindre d’entre eux peut faire la différence entre victoire et défaite.... Chacun d'entre nous est insignifiant, mais c'est parce que les puissants nous sous estime que nous devenons dangereux. Et peut-être bien que votre choix de rejoindre cette guilde a été la décision nécessaire à la victoire contre Dévoreuse. Nous ne pourrons le savoir qu'en suivant cette quête jusqu'à la fin... »

Elle semblait bien accepter ses mots, cela ne pouvait que le réjouir évidement. Si il pouvait l'aider, il le faisait bien volontiers après tout, il n'était ici question que d'elle, de ce qu'elle ressentait et ce qu'elle craignait. Il ne faisait qu'affirmer ce qu'il pensait, mais si cela lui suffisait alors c'était parfait, il ne pouvait qu'être heureux pour elle évidement. Le doute était quelque chose de très commun dans une vie de mortel, tout le monde doutait un jour ou l'autre... En cernant bien le doute qui la taraudait, il était alors simple d'essayer de la soulager, au moins pour quelque temps. D'autres doutes viendraient prendre la place du premier, tout au long de sa vie, mais avec les ans, elle les vaincrait seule... lorsqu'elle serait capable de raisonner de la meilleur des manières. Lui-même n'en était pas tout le temps capable, on ne pouvait attendre qu'il ai la sagesse infuse évidemment, comme n'importe qui d'autre d'ailleurs. Preuve en avait été faite avec Klaus. N'était-ce pas l'humain qui lui avait finalement montré la voie à suivre ? Il était simplement content de pouvoir aider une de ses sœurs elfes. L'observant sourire, il lui rendit le geste avec simplicité, posant un regard dépourvu de jugement sur elle.

Il était amusé de ses paroles, pensant lui-même que c'était cette inconnue, le fait qu'ils ne savaient nullement où ils allaient, qui rendait la vie parfois si agréable. Il n'avait pas eut conscience, en ce beau matin quatre ans plus tôt, qu'il allait rencontrer un dragonnier sur la route menant à Gloria, un dragonnier vampire et sa bête noire, et que cela débuterait sa marque sur l'histoire de ce monde, et sa découverte de la magie du continent sous toutes ses formes. Ou que sa meilleur amie débarquerait pour mettre son coup de cœur en prison... ou qu'il rencontrerait le prince des vampires et apprendrait ses petits secrets... ou qu'il recevrait un message du Dracos en personne. Tant de choses dont rêve les jeunes enfants, des rêves qu'il n'avait pas, voulant simplement soigner les autres. Et pourtant il avait été choisit, lorsqu'il avait lié son cœur à.... Eliow. Rien que penser à lui le faisait souffrir, encore. Savoir qu'il n'était plus auprès de lui, que le destin lui avait arraché l'être le plus précieux à son cœur. N'avait-il donc été qu'une simple passerelle vers son véritable devoir ? Il espérait bien que non, ça aurait été trop cruel, trop pervers... Eliow avait réellement été tout ce qu'il désirait d'un compagnon, et le simple souvenir de son étreinte créait un manque dans son cœur frigorifié.

Il hocha doucement la tête en se forçant à changer de pensées. Ce n'était pas le moment, il craquerait sans doute plus tard. « Oui, c'est tout à fait ça. Si vous êtes heureuse, alors le monde sera déjà un peu plus rayonnant » Oui qu'elle profite de ce que la vie lui offrait, elle ne saurait jamais quand la vie reprendrait ses bienfaits. Écoutant la suite, il hocha la tête pour signifier qu'effectivement il pouvait toujours l'aidé et l'accompagna jusqu'à l'infirmerie dont il connaissait parfaitement l'accès. Se faisant conduire jusqu'au chevet de l'homme, il prit son pouls, vérifia plusieurs caractéristiques puis finit par soupirer. Il y avait plus de peur que de mal, si les blessures et la perte de sang étaient profondes, il y avait toutefois une donnée importante.... l'homme était solide. Il s'installa, et sortit son higen, pour accompagner le chant de soin et lui donner plus d'efficacité. Le chant-nom n'était pas même nécessaire, les arts de guérisons de son ordre étaient étendu et très florissants de centaines de moyens de refermer des blessures, guérir le poison.... Il n'eut besoin que de chanter doucement de sa belle voix et de tirer pendant une dizaine de minutes des notes claires avant que la santé de l'humain ne s'améliorer.

Il ne fallut pas plus d'une ou deux minutes avant qu'il n'ouvre les yeux, et le chanteur regarda tour à tour les guérisseurs du palais ainsi que Nalaïa. Se relevant, il sourit à la jeune elfe.

« Et bien.... voilà... il va beaucoup mieux, ses blessures ne sont qu'un mauvais souvenir, comme les traumatismes et la perte de sang. Il est comme neuf. Souhaitez vous que je vous laisse en sa compagnie ? »