Estëllin était encore en fête et le serait encore quelques jours, le temps que le mariage Impérial prenne fin. La veille, Orfraie avait accompagné Aramis pour la confier à son époux, Aegnor… Sa plus proche amie, sa soeur, avait rejoint sa famille… Et la famille impériale s'agrandissait par ce mariage. Evanealle, Ataliel et Thredë désormais… La rôdeuse avait été émue par la cérémonie, mais était encore plus heureuse pour son neveu et son épouse. Et demain, il serait temps de fêter l’évènement avec boissons, danses et musiques… cela promettait d’être amusant et agréable. Le banquet était généralement

Mais en attendant les prochaines festivités, Orfraie prenait le temps de se détendre et de se retrouver un peu seule. Elle n’était pas timide, mais trop de foule avait tendance à l'étouffer quelque peu et la rôdeuse ressentait le besoin d’être un peu seule avec elle-même. Tout naturellement, ses pas la conduisirent jusqu’aux jardins qui bordaient le palais. Elle y avait passé un certain temps ces derniers jours et y avait notamment rencontré Alhkytis, le lié de Luna.

L’heure était plus que matinale et les jardins étaient déserts. Ou presque. Orfraie marchait dans une allée lorsqu’elle entendit le pas très feutré d’un être. Quelqu’un se rapprochait rapidement. La rôdeuse fut surprise de reconnaître Lewyn, mais également ravie. Son ami Immortel comptait beaucoup pour la princesse, qui l’avait vu régulièrement ces dernières années. Le messager était bien habillé, tout comme elle, et elle le trouva très élégant. Sa tenue faisait ressortir ses yeux bleus, semblable à ceux de l’Elfe. Après un salut Elfique parfaitement exécuté - il avait eu l’occasion de s'entraîner - il lui révéla avoir justement eu envie d’aller la voir. Mais quelque chose fit tiquer Orfraie, quelque chose qui lui prit trois secondes à trouver : il la vouvoyait !

“ Je suis ravie de te voir également. Mais, par Dracos, tutoie-moi. Tu me fais me sentir vielle. ” Dit-elle avec humour avant de s’avancer davantage et d'étreindre brièvement mais sincèrement le jeune vampire. “ La grande générale accepte avec plaisir. “ Répondit-elle ensuite avec un nouveau sourire pour son ami.

Cela pouvait paraître étrange, mais la présence de Lewyn était vivifiante, lui qui pourtant était “mort”. Beaucoup d’elfes voyaient encore les vampires comme l’ennemi, mais ce n’était pas le cas d’Orfraie et surtout pas concernant Lewyn. Elle se faisait donc un véritable plaisir de s’afficher en sa compagnie, ne serait que pour enquiquiner les plus réfractaires des elfes et faire comprendre que tous les Vampires n’étaient pas mauvais…

Avec douceur, la rôdeuse vint donc passer son bras sous le sien et l’invita à la suivre à travers les jardins. Ils étaient encore silencieux, mais le jour pointait et les plus matinaux commenceraient bientôt leur journée.

“ Nous n’avons pas vraiment eu l’occasion de nous voir depuis que tu es arrivé. “ Commenta la princesse en tournant son visage vers son ami. “ Comment vas-tu ? Les festivités se passent-elles bien pour toi ? ”

Lewyn n’avait pas tort. Jeune ou vieux, cela se passait surtout dans la tête. Orfraie croquait toujours la vie à pleines dents, comme au premier jour. Bien sûr, la Générale savait aussi quand faire preuve de sérieux, quand la sagesse du temps passé était nécessaire. En cet instant, toutefois, il n’y en avait guère besoin et le Vampire semblait de cet avis.

Ce dernier, avec un ton très sérieux, fit quelque chose qui surprit Orfraie. Une demande en mariage ?! Cette dernière demeura interdite, observant son amie, parfaitement immobile. Il n’était pas sérieux, ce n’était pas possible. Non, ce n’était pas possible et le vampire confirma cela en éclatant de rire. L’Elfe prit un air outré et mit une petite tape sur l’épaule de son ami avant de se joindre à lui. « Jeune imbécile, ce n’est pas sage de faire ainsi peur aux personnes âgés. » Dit-elle sans se départir de son sourire.

Le petit couple continuait donc sa marche, bras dessus bras dessous. Orfraie avait toujours était tactile et démonstrative et ce n’était pas la condition de Lewyn qui allait l’empêcher de l’être. Elle savait que certains Elfes désapprouvaient ce côté démonstratif, justement, mais Orfraie n’était pas du genre à prendre ce genre de chose en considération. Elle était fière d’être amie avec un immortel et ne souhaitait pas le cacher. Ainsi, peut-elle, inspirerait-elle d’autres Elfes… qui sait ?

Ainsi, le mariage se passait bien pour le Sans Crocs. Cela n’étonnait pas Orfraie. Lewyn savait se « fondre dans la masse », de plus il était plus ou moins au fait de certains coutumes Elfe grâce à la princesse, il était donc facile pour lui de faire en sorte que tout se passe bien. « Je lui souhaites également tout le bonheur du monde. À eux deux. » Dit-elle en écho aux paroles de son ami. Voir son neveu se marier lui apportait beaucoup de joie, elle qui n’avait jamais passé ce cap en presque sept siècles. Cela l’amusait, quelque part. Ses parents désespéraient de la voir un jour se marier, avoir des enfants… Mais Orfraie aimait sa liberté. Elle aimait également les jolies femmes. Cette pensée la fit discrètement sourire tandis que Lewyn révélait que c’était son premier mariage. « Si cela peut te rassurer, je n’en ai pas vue tant que cela en six cent soixante et onze ans. Les mariages Elfes sont rares… » Il y avait bien eu quelques mariages humains lorsqu’elle était Baptistrelle, mais Orfraie ne jugea pas nécessaire de lui en parler.

Quant à elle, il était vrai que ce genre d’évènement lui était… familier. Elle prit la parole afin de l’expliquer à son ami. « Je fus conseillère durant trois cent cinquante ans, de 1400 à 1750 de l’Age d’Argent… Et suis également à la Cours depuis ce temps-là, étant devenue une princesse par le mariage de mon frère puis de ma sœur. On peut donc effectivement dire que je suis « comme un poisson dans l’eau. » » Dit-elle avec un sourire, son visage tourné vers son ami. « Je suis certaine que tu te débrouille à merveille. Les Vampires ont besoin d’êtres comme toi et Kylian pour les diriger et les mener vers un avenir plus serein. » Ajouta la princesse, totalement sincère. Après quelques instants, elle poursuivit, entrainant Lewyn dans sa ballade. « Je suis heureuse de pouvoir te voir régulièrement. La distance à parfois raison de l’amitié. J’aurai étais très attristé si cela avait été le cas pour nous. » Avoua Orfraie en pressant doucement la main de son ami, nullement gênée par sa température. D’ailleurs... « Pendant que j’y pense, m’accordera tu une danse demain ? » Demande la princesse, accompagnant ses dires d’un clin d’œil et d’un sourire bienveillant.

Orfraie était sincère dans ces propos. Elle savait Lewyn capable du meilleur en sa qualité de Conseiller. Il était – cela était amusant – très humain pour un vampire, prompte à la paix. Cela ne pouvait qu'aider ce peuple particulièrement violent, où la loi du plus fort régnait, à rester sur un chemin propice pour eux comme pour le reste d'Armanda.

Lewyn se fit donc particulièrement sérieux lorsqu'il répondit à Orfraie. Celle-ci lui offrit un sourire encourageant et sincère. Pouvait-il y avoir pire que Lorenz Wintel de toute façon ? Elle se le demandait mais n'avait pas particulièrement envie de le savoir. Quoi qu'il en soit, la politique chez les vampires semblait particulièrement compliquée. Aussi, la princesse souhaitait bonne chance à son ami… « Si un jour tu as besoin de conseils, n'hésites pas à me contacter.  Dans un mois ou dans deux siècles. » Ajouta Orfraie avec un sourire, en écho aux paroles de son ami.

Ils poursuivirent leur balade. Lewyn avoua ensuite n'avoir jamais dansé. Cela fit sourire Orfraie, qui comptait alors lui enseigner la chose pour le lendemain. Ce serait rapide, mais suffisant pour que le Vampire ne se ridiculise pas. Ce dernier s'approcha alors d'elle et lui saisit la taille, puis la main droite. Doucement, Orfraie posa sa main gauche sur celle de Lewyn qui reposait à sa taille. Elle fit ensuite courir ses doigts le long de son bras et corrigea légèrement sa position. Son regard bleu royal plongé dans le sien, elle lui sourit. «  C'est cela. Tu vois, tu connais déjà la position. Ensuite, c'est très simple. Suis moi, tu vas vite comprendre. »

Alors, avec toute la patience du monde, Orfraie entraîna Lewyn dans une danse, fredonnant un air pour leur donner le rythme. La princesse avait eu l'occasion de danser depuis son entrée dans la Cour, elle était donc particulièrement rodée à l'exercice. Lorsque le vampire se trompait, elle le corrigeait avec gentillesse et l’entraînait de nouveau, l'invitant à suivre la mélodie qu'elle fredonnait. Pendant un certain temps, la princesse lui montra plusieurs danses et les pas associés, ainsi que les éventuels gestes à connaître et qu'il fallait placer à certain moment.

Finalement, Orfraie s'arrêta lorsque son regard croisa celui d'un autre Elfe, un bien matinal qui observait le couple avec… étonnement et une pointe de colère. La princesse sourit alors et passa un bras autour du cou de Lewyn, l'attirant dans une accolade fraternel, brève mais sincère.

« Te voilà danseur. Demain, ne fais pas attention aux regards et aux remarques. Il y en aura, sans le moindre doute, mais nous devons leur montrer qu'Elfe et Vampires peuvent s'entendre et que les tiens ne sont pas tous des bêtes assoiffés de sang. »

L’Elfe qui avait observé le couple s’en alla lorsque la princesse étreignit brièvement le sang froid. Celle-ci détourna son attention de son semblable pour la reporter sur Lewyn. Elle ne faisait même plus attention à sa peau glacé ou à ses crocs. Elle savait ne rien craindre avec lui. Elle lui faisait confiance et l’appréciait beaucoup, avec sa bonne humeur constante. Il mettait du baume à son coeur sans même s’en rendre compte. C’est pour cela qu’elle se montrait si tactile et démonstrative avec lui, au grand désespoir de beaucoup d’elfes sans le moindre doute. Elle se moquait de leurs opinions, elle tenait à ce que le vampire sache ce qu’elle ressentait à son égard. A bien y penser, d’ailleurs, Lewyn devait être l’un de ses amis le plus proche. Peut être même son meilleur ami car après tout ils s’entendaient très bien.

Orfraie se détacha de lui après quelques instants. Son regard croisa celui de l’immortel, qui lui répondit alors. Ses dires firent sourire l’Elfe. Il était vrai que Lewyn ne faisait guère attention à ce qui se disait sur lui, cela la princesse l’avait remarqué… Mais n’avait pu s’empêcher de le lui rappeler. Les Elfes pouvaient être particulièrement retord lorsqu’ils voulaient nuire à quelqu’un, pouvant attendre des siècles au besoin. La suite de ses propos firent rire la Rôdeuse, qui entre dans son jeu.

« Oh, si cela devait arriver, nous serions probablement reléguer dans un coin sombre de la piste de danse. »

Le duo retrouva ensuite son calme, bien que toujours souriants. La danse étant terminée, Orfraie passa de nouveau son bras sous celui de son partenaire et ils continuèrent leur balade. Le jour était bien là désormais et les Elfes se réveillaient. Ils en croisèrent quelques uns à qui la princesse offrit à chaque fois un sourire polis et bienveillant.

Après quelques instants, Lewyn fit une demande qui n’étonna guère l’Elfe. A dire vrai, elle s’y attendait un jour. Cela lui remémora leur première rencontre, lorsqu’elle avait apprit quelques mots Elfique à son ami, ainsi que bases de la politesse Elfique. De quoi pouvoir converser avec un membre du beau-peuple sans que celui-ci trouve le Sans-Crocs impoli ou irrespectueux. C’est que certain pouvaient être tatillon…

« L’Elfique est une langue complexe nécessitant du temps et de l’implication pour en maîtriser les subtilités. Je te l’enseignerais avec plaisir, mon ami. De temps, nous n’en manquons pas, n’est-ce pas ? » Dit-elle avec un sourire. Après quelques instants, elle le rassura. « Pas nécessairement. Leur présence ne me gêne guère. Et toi ? » Demanda Orfraie alors que le petit couple se trouvait devant le Palais Impérial.

De nombreux Elfes avaient encore beaucoup de mal avec les vampires, pour ne pas dire une majorité d'elle. Toutefois, ce n'était pas le cas d'Orfraie qui était, pour sa part, capable de ne pas mettre tous les immortels dans le même panier. Elle savait, depuis Sandur, Lewyn digne de confiance.

La princesse était heureuse de pouvoir enseigner sa langue à Lewyn. Outre le temps qu'elle passerait alors en sa charmante compagnie, cela aiderait le Sans Crocs à s'intégrer au sein du peuple Elfique et, elle l'espérait, à se faire davantage respecter. Cela prendrait, toutefois, beaucoup de temps car les elfes ne réagissaient pas aussi vite que les Humains.. et ne changeaient pas aussi vite.

Lewyn posa alors une question qui fit sourire l'Elfe. Si elle avait quelqu’un? Oui, il y avait bien quelqu'un. Une femme, plus précisément, et une humaine. La relation homosexuelle n'était pas mal vue par le beau peuple, mais la relation amoureuse avec l'humaine le serait si cela se savait. Orfraie savait sa propre famille suffisamment tolérante pour l'accepter mais de très nombreux Elfes ne voyaient pas les choses ainsi. « Il y a bien quelqu'un. » Avoua finalement l'Elfette après avoir regardé autour d'eux. Elle ne tenait pas à ce que des oreilles indiscrètes entendent leur conversation. « C'est une femme. Une humaine une maître baptistrelle. » révéla Orfraie avec un sourire. « Aléria. Je l'ai rencontré à Sandur.  J'ai de la chance, nous pouvons nous voir assez souvent étant donné la proximité du Domaine, même si elle est emmené à souvent se déplacer hors du royaume elfique. » Sourit Orfraie en détournant le regard, les joues légèrement rosies. Penser à la belle humaine faisait battre son cœur un peu plus fort. « Et toi, beau ténébreux ? Y a t-il quelqu'un ? » Demanda finalement l'Elfette avec malice, un sourire naissant sur ses lèvres charnues. Si Lewyn répondait par l'affirmative, elle en serait très heureuse, sinon elle espérait que ce dernier trouve "la chaussure à son pied."

Orfraie sourit. Son ami était heureuse pour elle et ne la jugeait pas. Oh, pas qu'elle ait douté de cela, elle savait qu'il n'était pas du genre du Sans Croc de juger les gens… Mais l'entendre lui dire être heureuse pour elle … c'était plaisant. Mais, espiègle, la princesse avait retourné la question à son ami. Elle ne savait pas grand-chose de lui, mais cela ne l'empêchait pas de l'apprécier énormément et l'Ataliel serait tout aussi heureuse si elle apprenait que son ami vampirique avait quelqu'un.

Lewyn se montra hésitant sur ce sujet, incertain. L'Elfette ne pipa mot, l'écoutant simplement, attendant qu'il réussisse à s'exprimer. Lorsqu'il y parvint, un tendre sourire naquit sur les lèvres charnues de la princesse. Son regard bleu roi brillait de malice, mais également de joie. Certes, il n'y avait pas de couple, ni même de sentiments déclarés, mais Lewyn semblait grandement apprécier ce Kedrildan, ce dragonnier… Celui de la dragonne d'argent, si les souvenirs d'Orfraie étaient bons. Elle l'avait aperçu, ces derniers jours, du moins lui semblait-il.

Doucement, Orfraie posa sa main sur le bras de son ami. Elle lui sourit tendrement. « Un jour peut être. Je suis certaine que tu ferais un compagnon des plus agréable. » Lui dit-elle avec humeur, toujours ce même sourire aux lèvres. « Effectivement, vous avez le temps. Que dis-je, l'éternité si vous le voulez. » Un léger rire lui échappa. Être immortel avait ses avantages. Mais Orfraie n'était pas dupe. La façon dont Lewyn parlait de cet homme était attendrissante. Il semblait ne pas trouver ses mots… Il semblait se poser bien des questions sur ce dragonnier roux. Si la princesse avait pu, peut être aurait-elle jouer les entremetteuse. Mais elle ne connaissait pas cet homme… « Eh bien … D'un côté, tu as l'éternité. De l'autre, tu ne sais pas de quoi demain sera fait… Si j'étais toi, je tenterais subtilement une approche. Surtout si tu le sens ouvert à une telle évolution de votre relation. » Conclu la princesse avec un clin d’œil.

Un instant, son regard se porta vers le ciel. Le bleu roi vint ensuite se reposer sur le vampire. « Je vais devoir te laisser mon ami, mon devoir m'attend. Nous nous verrons plus tard, si tu veux, ou demain de toute façon. »