¤ L’océan des nénuphars brumeux ¤

Ere d'Obsidienne an V, 20 Août

Elrond ne se souvenait de plus grand-chose. Seules les dernières images et sensations se répétaient dans son esprit. Inlassablement, encore et encore, toujours. Une puissante magie ressentie. La vision de Dawan avec celle-ci. L'approche d'un grand dragon blanc qui ne s'avérait être nul autre que Vraorg. La chute de Dawan après s'être prit un sort. La ruée d'Elrond sur les toits pour s'approcher du Tyran, laissant malheureusement Möbius blesser tout seul pour retenir l'ennemi. L'Amarië avait cependant dû faire un choix rapide, il ne savait pas ce qui l'avait poussé à laisser son lié blesser pour s'occuper de Vraorg. Peut-être avait-il pressenti que la magie émanant de Dawan était d'une terrible importance. Quoi qu'il en soit, il se renvoyait en train de bander son arc et psalmodier des paroles en elfique. Il sentait sa magie partir dans son arc et sa flèche pour finalement décocher. Malheureusement, le blanc parvint à dévier le tir et se retourna instinctivement vers le dragonnier elfique pour l'attaquer. Le bond n'avait pas eu le temps de sauter du toit pour esquiver qu'une salve magique vint le frapper, lui et le bâtiment sur lequel il se trouvait. Il ressentit la douleur, la terrible douleur avant de perdre finalement connaissance quand une partie du bâtiment s'effondra sur lui. Ses dernières pensées allant à Möebius.

Les images s’estompèrent peu à peu pour finalement disparaitre. Et bientôt, Elrond se retrouva dans un lieu qu’il connaissait bien, un lieu qu’il n’avait pas vu depuis fort longtemps. Le ciel était cependant plus ombragé que d’habitude, et en levant les yeux, le blond ne pouvait voir la lueur bleutée qui symbolisait Möebius et son lien avec lui. L’elfe était seul dans cette étendue d’eau sans fin et couverte de brume. Le dragonnier elfique, lui, il était allongé sur un nénuphar sans fleur. Un soupir s’échappa de l’archer, de la buée s’échappant un peu de sa bouche. Doucement et difficilement il se redressa, ne ressentant pas son propre corps. Se mettant debout, écartant les bras pour rester en équilibre il observait autour de lui. « Bon, je suis mort où je ne suis pas mort ? » pensa l’elfe avec une certaine lassitude dans la voix. Finalement l’endroit entier vint être recouvert d’une violente lumière et Elrond disparut.

Doucement et difficilement, Elrond ouvrit les yeux. Il était très fatigué et de petites poches se trouvaient sous ses yeux. Il ne voyait rien hormis une lumière aveuglante, mais ses yeux s’y habituèrent peu à peu. Son interrogation mentale onirique trouva rapidement une réponse lorsqu’une douleur désagréable, mais habituelle traversa son crâne. La malédiction de Néant était toujours active et comme chaque matin, les migraines commençaient. Mais ce ne fut pas tout. Une vive douleur traversa le corps de l’elfe, l’amenant à pousser un gémissement de douleur presque inaudible. Elrond faillit perdre connaissance lorsque sa vision devint trouble. Mais tout comme elle était venue, la douleur de son corps briser disparut. Petit à petit la sensation de son corps lui revint. Il était lourd, terriblement lourd. Comme s’il n’avait pas bougé depuis très longtemps. Il était faible et fragile. Sentant contre sa peau la pression du tissu, sans doute des bandages.

Tournant légèrement le regard, il crut distinguer des formes qui bougeaient. Cela semblait être des personnes, mais il ne savait pas réellement. Incapable de les reconnaitre. Elrond essaya de tendre son esprit pour aller à la rencontre de celui de Möebius, mais il n'y parvint pas. La panique s'empara alors de son esprit. Quoi ? Il n'était plus là . Il était mort . Rapidement son esprit vint sentir celui de Möebius remuer contre le sien. Un soupire de soulagement s'échappa du dragonnier. Le bleuté était là, c'était lui qui était seulement trop faible et engourdit pour aller à sa rencontre.

Bientôt, une forme se rapprocha de lui et lui parla. Le blond plissa légèrement des yeux pour tenter de distinguer les traits de son visage. Celui-ci se mit à lui parler et c’est alors qu’il remarqua le bourdonnement dans ses oreilles. Il n’entendait ni ne voyait très bien. Mais ses sens lui revenaient doucement. Ils devaient se réveiller.

« Quoi ?! »

¤ Les nouvelles ¤

Le corps de l’Amarië était engourdi, endormit. Combien de temps était-il resté allongé ? Combien de temps était-il resté inconscient ? Son tremblait un peu, malhabile sa dextérité d’avant sa convalescence devait lui revenir. Petit à petit ses sens lui revenir. Sa vue se faisait moins floue, moins lumineuse, il pouvait voir convenablement les formes qui se présentaient face à lui. Aussi put-il, après quelques secondes, reconnaitre Dawan Sywel, pencher sur lui. Son ouïe aussi lui revint et il put comprendre quelques instants ce que le jeune barde lui disait. Son odorat aussi lui revint progressivement, bien qu’il ne lui était pas le plus utile en cet instant. Le toucher finalement et il put sentir entre ses doigts le tissu qui composait sa couverture. La main de l’Enwr se posa sur son torse, le forçant à se rallonger. C’est bien la première fois que le petit elfe avait plus de force que lui. Ne pouvant résister, l’Amarië se rallongea donc. Il comprit rapidement qu’il était le patient et Dawan le médecin. Il ne valait donc mieux ne pas désobéir pour le moment. Même si ce n’était pas dans la nature du dragonnier d’être aussi docile. Doucement, le plus jeune des elfes vint activer sa magie pour procéder à un examen de l’état du convalescent. Elrond entendait d’ailleurs Möebius rugir de joie dans sa tête au réveil de son dragonnier et le laissa volontiers blottir son esprit contre le sien.

« Comment te sens-tu ? »

D’une voix légèrement enrouée, le sylvain indiqua à l’autre qu’il avait un peu soif et celui-ci lui apporta de l’eau sans plus attendre. Elrond but doucement afin d’éviter de s’étouffer avant d’indiquer qu’il se sentait un peu fatiguer, physiquement tout du moins, mais qu’au moins, il n’avait pas mal. Hormis à la tête comme d’habitude avec ses migraines.

« J'imagine que tu peux entendre Möebius t'exprimer sa joie, n'est-ce pas ? »

Elrond opina légèrement du chef en tout en venant tapota sa tête avec un doigt.

« Il fait du boucan là-dedans. C’est la fête dans ma tête. »

Maintenant qu'il revenait à lui. Plusieurs interrogations venaient naitre dans l'esprit du dragonnier. Où était-il ? À Fort-Espérance, il pensait reconnaitre l'endroit. Mais du coup, cela voulait-il dire que la guerre était terminée ? Cela voulait-il dire que le voleur de cœur était tombé ? Et les races alliées sur l'occasion n'étaient-elles pas sur le pied de guerre ? L'Amarië n'eut pas le temps de poser la question que Dawan le devança. Sans doute avait-il deviné ses interrogations. Ou alors tombaient-elles sous le sens pour un convalescent qui se réveillait après la bataille. Et surtout, combien de temps avait-il dormi ? Un soupire de soulagement s'échappa d'Elrond lorsqu'il lui annonça la mort de Vraorg. Ce n'était pas très professionnel pour un dragonnier de se réjouir de la mort d'un dragon. Mais Vraorg n'était pas vraiment ce que l'on pouvait qualifier de dragon. Bien au contraire, il n'en était plus un au moment de sa mort. Il était juste … une abomination. Dawan l'informa ensuite sur le nombre de jours qu'il avait dormi. Trois semaines, ce n'était pas rien. Ses blessures avaient dû être sérieuses.

« Ne ressens pas d'urgence à te lever. Il n'est pas dit que tu le puisses… Nous pouvons essayer, si tu veux. Mais tu risques de devoir te ménager encore un peu. Je pense également que tu seras au mieux de ta forme plus vite si tu prends d'abord le temps de te remettre. Veux-tu que je t'apporte quelque chose ? »

« Eh bien, si Vraorg est tombé, il n'y a pas de raison que je me dépêche alors. Hormis le fait que je flemmarde ici depuis près de trois semaines. Mais, je risque de me faire sauter dessus par un dragon en sortant d'ici alors, autant que je sois assez solide pour résister à son élan d'affection. »

Le blond rit un peu, sa voix n'étant plus enrouée maintenant qu'il avait pris le temps de se désaltérer.

« Je veux bien manger un morceau. Mon corps se réveille et mon estomac aussi. Tu en profiteras pour me dire ce qu'il c'est passé après la bataille. Si tu es là, c'est qu'il n'y a pas à plus d'autres blessés à soigner. Et s'il n'y a plus d'autres blessés à soigner, c'est que les races n'ont pas repris les combats à peine Vraorg mort. »

Au moment où Dawan s'apprêtait à se lever pour aller chercher quelque chose à manger pour le dragonnier, Elrond tendit la main pour venir l'attraper par la tunique et l'empêcher l'arrêter dans sa course.

« Et toi, comment vas-tu après cette bataille ? Comment vont tes blessures ? J'ai vu un sort de Vraorg te frapper également après avoir ressenti une grande magie à tes côtés. »

¤ Les nouvelles II ¤

L'Amarië semblait être passé à côté de bien des choses pendant son sommeil. Sans doute pour le meilleur comme pour le pire. Mais quoi qu'il en soit, il ne pourrait éternellement y échapper et ce qui s'était produit durant cette bataille allait tôt ou tard parvenir à ses oreilles. Alors autant que cela le plus tôt possible, ainsi Elrond pourrait s'en remettre le plus rapidement possible et tourner la page pour passer à autre chose. Car nul doute qu'il y allait avoir fort à faire après cette bataille. L'avenir appartenait aux Armandéens à présent et plus que le dragonnier ne pouvait le penser. Alors qu'il faisait part de son envie de manger pour reprendre des forces à Dawan, il vint l'arrêter au dernier moment en se penchant pour attraper un morceau de sa tunique. Sentant une légère résistance, le petit barde s'arrêta pour tourner son attention vers l'Amarië. Celui-ci lui demanda alors comment lui allait. Comment ses blessures allaient. Car c'était bien gentil de s'occuper de lui, mais le dragonnier sylvestre pensait également aux autres, surtout à celui qui s'était occupé de lui depuis tant de temps. Le plus jeune des deux regarda l'autre un moment sans dire un mot avant de se décider à lui lâcher un :

« Est-ce que je peux te répondre à mon retour ? »

Elrond plissa légèrement des yeux, mais finit par hausser les épaules et acquiescer. Il ne pouvait pas dire non à Dawan quand il le regardait avec son regard de petit oisillon. Et puis, il n’y avait aucune urgence. Ce n’est pas comme si le petit blond allait s’envoler, il partait simplement lui chercher une petite collation. Profitant de l’absence de ce dernier, Elrond regarda la pièce. À l’autre bout se trouvait un pupitre avec une plume, un ancriez et de nombreuses feuilles de papier, dont certaines étaient noircies d’écritures. Le regard affuté du dragonnier ne lui était pas encore revenu aussi ne parvint-il pas à lire ce qu’il y avait dessus. Utilisant le peu de force qu’il était parvenu à récupérer depuis son réveil, qu’il pouvait maintenant déployer puisque son corps était moins engourdi, l’Amarië vint relever son buste doucement, avant de l’adosser contre la tête du lit. Plaçant un coussin entre son dos et le bois, son buste étant découvert hormis de quelques bandages, il était sensible à la fraicheur du bois. Finalement il mit confortablement, lâchant un petit soupire de fatigue. Peu après, des bruits de pas se firent entendre derrière la porte, celle-ci s’ouvrit pour laisser entrer Dawan qui ne tarda pas à le rejoindre, posant le plateau sur les jambes du dragonnier. Sous l’odeur et la vue de la nourriture, l’estomac d’Elrond rester si longtemps en sommeil se réveilla pour lâcher un léger grondement. Le dragonnier sylvestre remercia le jeune chanteur avant d’attaquer sans plus attendre. Attrapant le pain, il le dépiauta en plusieurs morceaux avant de les noyer dans le bol de potage qu’il se mit ensuite à manger.

« Ne te sens pas obligé de tout manger maintenant. Tu peux en laisser sur le côté pour plus tard… Il ne faudrait pas que tu te sentes mal d'avoir voulu malmener un estomac qui avait oublié comment jouer son rôle. »

Avant qu’il n’ait eu le temps de répondre, l’estomac d’Elrond lâcha un nouveau grondement digne d’un dragon affamer. Le blond éclate de rire.

« Je crains qu’au contraire il se soit réveillé et réclame. »

Elrond dévora le potage bien rapidement, la faim qui tiraillait son estomac lui parvenant. Une fois le potage aux légumes terminé, il s’attaqua aux fruits, en proposant un à Dawan, pour finalement vider la carafe d’eau et terminer avec les biscuits. Le dragonnier s’enfonça dans l’oreille, venant poser ses mains sur son ventre, lâchant un petit soupire de satisfaction, repu après un bon repas. Pendant qu’il avait mangé, Dawan lui avait raconté tout ce qu’il avait loupé. Apparemment les peuples parvenaient à se mettre d’accord sur une paix, un traité semblait même en pleine négociation. Ils s’étaient enfin rendu compte que la guerre n’était plus supportable. Après la boucherie qu’avait été la dernière, c’était la moindre des choses. L’heure, pour chacun, était à la reconstruction. Finalement, Dawan finit par dévoiler son propre cas. Elrond avait remarqué que le petit elfe était agité depuis tout à l’heure. Après quelques indications, l’attaque de Vraorg semblait avoir plus sonné le petit blond que de l’avoir blessé. Et pour la magie que l’Amarië avait ressentie. Apparemment il s’agissait de l’épée astrale. Il en avait entendu parler. Cette dernière s’était montrée au moment propice. Voilà pourquoi le protectorat avait gagné la guerre. Cependant, une bien sombre révélation attendait le dragonnier.

« Mais j'ai assisté à une scène, Elrond… J'ai essayé. Néant avait exprimé le vœu qu'Aléria et moi tentions de réconcilier ses frères. C'était là le seul moyen pour nous d'essayer de revenir dans le passé. Nous avons essayé tout cela, et nous n'avons pas réussi. J'ai entendu Mort exprimer à ses frères l'envie de respecter le Contrat Originel, passé entre les Esprits et leur Origine. Ce Contrat stipulait que les Esprits devaient cesser d'exister passé un certain laps de temps, après nous avoir rendus suffisamment sages. Si nous ne l'étions, les chimères prendraient lors le contrôle du continent. J'ai vu Mort se saisir de l'épée Astrale. Je l'ai vue s'enfoncer en son torse, et la lumière qui en jaillissait. Nos Créateurs ne sont plus, Elrond. »

Elrond n’était pas sûr de tout saisir, peut-être aurait-il besoin de plus d’éclaircissement pour comprendre tous les tenants et aboutissant de ce que venait de lui dire Dawan. Mais la conclusion était claire comme de l’eau de roche. Les esprits étaient morts. Elrond comprit aisément la peine que ressentait Sywel. Lui aussi la ressentait. Il n’était pas lié à tous les esprits autant que le Baptistrel, mais la fin d’Océan l’affectait grandement. Le plus jeune se mit à pleurer, révélant l’étendue de sa tristesse.

« Je n'aime pas la peine que je ressens. J'ai l'impression qu'elle n'a pas à être, non, pas à être... »

Un triste soupire s’échappa de l’Amarië alors qu’il vint se pencher pour attraper la main de Dawan et avec le peu de force qu’il avait, le tira sur le lit, jusqu’à lui. Le dragonnier vint plaquer le petit barde contre lui, l’enlaçant, avant de poser une main dans ses cheveux et lui caresser doucement la chevelure. Il murmura doucement en elfique.

« Nalla Dawan. Law heb nîr (pleur Dawan. Ne retient pas tes larmes). Il est normal de pleurer lorsque l’on est triste. Tu es un Baptistrel, un servant des esprits. Quel servant ne pleurerait pas la disparition de ceux qu’il s’est juré de servir ? Pleure leurs morts aujourd’hui, mais célèbre-la demain. Car ils sont morts pour nous, pour notre bien. Et surtout, fais en sorte qu’il ne soit pas mort en vain. Vit pour eux … assures-toi que leur sacrifice ne soit pas vain. »

¤ Le futur ¤

Le dragonnier sylvestre avait tiré à lui le jeune apprenti barde qui ne lui avait pas opposé une grande résistance. Au contraire il s’était laissé faire. Et lorsque l’archer l’avait serré contre lui, Sywel tel, un petit oisillon, était venu se loger contre lui, enfouissant sa tête contre son torse et laissant doucement sa peine s’exprimer. L’Amarië sentit les larmes du plus jeune elfe glisser de ses orbites jusqu’à sa joue pour finalement se mettre à goutter sur le buste du plus vieux et ruisseler sur sa peau. Pauvre petit elfe. Elrond se mit à caresser les cheveux du jeune chanteur tout en s’employant à chercher les mots justes pour adoucir la peine de Dawan et le réconforter. Mais ce n’était pas facile. Lui-même ressentait de la peine. Océan, il avait toujours été particulièrement lié à ce dernier. Il avait même voulu devenir Baptistrel pour le servir et rembourser la dette de sa mère à l’encontre de cet esprit. Malheureusement il avait échoué. Savoir que ce dernier était mort le peinait profondément. Néanmoins, l’Amarië connaissait la mort et la tristesse qui en découlait plus que quiconque. Aussi était-il rôdé. Quand bien même on n’était jamais insensible à la perte d’un être cher … a moins d’avoir perdu toute âme.

Le sylvain ne connaissait pas encore toute l’affaire de la disparition des Esprits, aussi aimerait-il savoir. Mais, l’elfe aux yeux d’azur ne se sentait pas le cœur de demander des explications à Sywel au risque de torturer ce pauvre petit.

« Ne pars pas, ne pars pas… »

Sous le gémissement étouffé et la plainte du petit elfe que le blond ne comprit pas entièrement, puisqu’il n’était pas présent à la scène de la mort des Esprits, Elrond raffermir son étreinte.

« Je ne partirais pas Dawan. »

Le dragonnier laissa tout son temps au jeune Dawan pour pleurer sa peine et se ressaisir, venant doucement caresser ses cheveux et murmurer quelques douces paroles en elfique. Une comptine que lui chantait sa mère, quand il était triste. Les hoquets et sanglots du jeune elfe se firent moins fort à mesure que le temps passait, l'apprenti Baptistrel semblant retrouver son calme, ou redevenir maître de lui-même. Lorsque le petit barde crispa ses poings, Elrond plissa légèrement les yeux en le sentant légèrement le griffer, mais il ne dit rien. Ce n'était rien en comparaison de ce qu'il avait subi et l'avait fait dormir un long moment. Finalement, Dawan se redressa et s'écarta un peu. L'Amarië lui offrit un sourire comme il savait les faire pour le réconforter et porter un coup à la tristesse qui baignait dans son cœur. L'Enwr vint s'asseoir au côté du déchu, s'adossant à la tête de lit, épaule contre épaule.

« Fais-moi confiance. »

Doucement, la main du plus jeune elfe vint s’approcher de celle du plus vieux pour venir s’en saisir. Elrond ne put s’empêcher de se remémorer le moment où ils étaient tous deux sur le dos de Möebius et où c’était lui qui avait glissé sa main dans la sienne pour venir trouver l’objet que celui-ci avait dissimulé au creux de cette dernière. Sans s’opposer à la volonté de Sywel, l’Amarië le laissa guider sa main entre eux avant de venir y déposer un objet atypique qu’Elrond crut reconnaitre comme une sorte de gemme sans pour autant n’en avoir vu une pareille un jour. Une magie toute particulière et très belle s’en dégageant. Le dragonnier ne tarda pas à avoir des explications.

« Au départ de Vie, ceci est apparu… J'ignore encore si cela a de quelconques pouvoirs… »

Le regard azuréen de l’elfe se posa sur ledit objet, l’étudiant.

« Je sens de la magie s’en échappant, je suppose qu’il doit en avoir. Mais je ne pense pas que ce soit là sa fonction première. S’il est apparu, pour toi, au départ de Vie. Je pense que c’est pour te faire passer un message. Il a dû ressentir ta tristesse et ne souhaitait pas que son départ te mine trop. Il devait vouloir que tu continues d’avancer. Je pense que tu devrais le conserver précieusement. Si Vie te l’a donné, peut-être qu’il recèle quelque chose d’autre que le désir de réconforter ta peine. »

Le regard d’Elrond passa de la gemme à Dawan avant de revenir sur la gemme, penchant doucement la tête en l’observant. Il se sentait comme apaisé en la regardant. Nul doute que Vie avait souhaité aider l’elfe à faire son deuil.

« Elrond… Que penses-tu faire, toi, désormais ? Qui comptes-tu suivre ? »

L’Amarië fut tiré de sa contemplation par cette question tout particulièrement. Il quitta des yeux la gemme avant de lever les yeux faire le plafond, prenant un air de réflexion enfantin.

« Eh bien, lorsqu’Aigue-Royal était encore debout, Achroma Seithvelj m’a proposé d’intégrer une caste de dragonnier pour protéger les dragons et j’ai accepté. Même si ce dernier a été loin du protectorat, la caste naissante a rempli son rôle. Et bien qu’il soit mort, je vois mal cette dernière disparaitre. Je pense aller trouver les dragonniers s’étant liés à elle pour aller la construire véritablement et l’établir sur l’île du flocon comme nous l’avions prévu. Mais, je risque de passer très souvent voir les Baptistrels. Même si je ne peux plus en devenir un, je veux poursuivre mon apprentissage. »

Le dragonnier sylvestre tourna la tête pour regarder Dawan et lui lancer un regard complice.

« Il me faudrait d’ailleurs quelqu’un pour me donner quelque cours de rattrapage. J’ai pris du retard avec les derniers évènements. »

¤ Le futur II ¤

Le futur d’Elrond, qu’allait-il bien pouvoir faire ? La voie des Baptistrel lui était désormais fermée à tout jamais, mais il lui restait encore celle des dragonniers. Un chemin qu’il aurait également pu prendre en parallèle de celui des bardes, néanmoins, l’absence d’un second allait sans doute pouvoir lui permettre de s’y plonger entièrement. Là encore, Elrond ne savait pas de quoi l’avenir serait fait. C’était un sentier inconnu de tous et il allait devoir le découvrir. Cependant, il ne serait pas seul puisqu’il y aurait ses frères et sœurs dragonniers qui emprunteraient le même chemin que lui. Le blond se demandait où cela allait bien pouvoir le mener. La caste de dragonnier également, le blond se demandait ce qu’elle allait bien pouvoir donner dans le futur. Il avait déjà pu appréhender la chose ici, à Sandur, en raison du rôle que la caste avait pu jouer. Faire de la diplomatie entre des royaumes querelleurs n’était pas son point fort. Peut-être pourrait-il toutefois se concentrer sur la protection des dragons, même si là encore il n’était pas un très bon élève. Pour preuve, il se mettait sans arrêt en danger, risquant ainsi la vie de son dragon. Pourtant s’il se mettait en danger c’était justement pour en arrêter un autre. L’Amarië avait eu l’air beau avec le discours qu’il avait pu tenir à Amyelenor le jour où il l’avait rencontré dans la forêt. Cependant il n’appliquait même pas les conseils qu’il avait donnés. Peut-être que le dragonnier sylvestre allait devoir un peu grandir pour acquérir la sagesse. Qui sait.

Quoi qu’il en soit, même si le dragonnier allait s’engager sur cette voie, il n’en délaissait pas pour autant celle des Baptistrels. La connaissance de ces derniers, il souhaitait l’acquérir et donc continuer ses études. Et il avait bien l’intention de demander de l’aide à son ami Dawan pour cela. Ce dernier avait par ailleurs un sourire béat sur les lèvres, comme s’il était heureux de savoir que le dragonnier resterait au domaine de la rhapsodie quelque temps. Doucement, celui-ci sembla redescendre sur terre et se rapprocha de l’Amarië, une mine faussement sérieuse sur le visage.

« Nous devons pouvoir négocier cela. »

L’elfe ricana un peu avant de lui rétorquer.

« Oh oh … et bien, dis-moi quel est ton prix ? »

« Peut-être que si tu me parles de cette "caste", je consentirai à te dispenser un peu ce que je sais… Peut-être même que je te laisserai approcher mes Cawrs ! »

Elrond ricana à nouveau avant d’opiner doucement du chef. Oui il était d’accord pour lui en parler un peu plus. Peut-être ne pourrait-il pas tout lui dire puisque les lignes directrices de la caste allaient changer avec la fin de la guerre, mais au moins pouvait-il lui en dire un peu sur l’instant, et beaucoup plus, plus tard, le tenant ainsi au courant des évolutions de cette dernière.

« Cette caste, veut-elle protéger les œufs de dragons ? Si tel est le cas… Il n'est pas impossible que tu trouves pertinente sa présence au Domaine. »

Le blond hocha à nouveau de la tête à la question de l’apprenti barde. Oui l’un des devoirs de la caste était de défendre les dragons et donc leurs œufs. Il hausse un sourcil à la suite de la phrase. Sa présence pertinente ? Que savait donc ce petit être, quelle révélation allait-il lui faire ? Il fronça néanmoins le sourcil dans le plus petit garda le silence tout en lui souriant pour le faire mariner dans son jus, lui expliquant de manière non verbale de lui faire cracher le morceau, où il serait obligé de le faire parler et de se venger pour cette petite pause provocante. Finalement, lorsque Sywel parla, un petit « ah » surpris s’échappa de la bouche d’Elrond. Il y avait de quoi l’être en effet. Silarae avait donné naissance et le blond savait où les œufs se trouvaient. Mais c’était magnifique. Même si la mort de la blanche l’était beaucoup moins. Mais au moins avait-elle donné naissance à ses petits avant de rejoindre son dragonnier parmi les étoiles.

« Je ne sais quoi te répondre Dawan. En tant que membre de la caste, je serais tenté de te dire que non. La caste c’est donnée mission de protéger et qui d’autre que des dragons et leurs dragonniers seraient le mieux placés pour défendre des œufs de dragons. Cependant, je connais la puissance des Baptistrel et leur dogme. Je pense … qu’ils seront de meilleur protecteur que nous, pour le moment. Il vaut donc mieux que ses œufs restent sous la protection des maitres bardes. J’en ferais part aux autres membres. Mais je les vois mal refuser ou venir voler des œufs. Je me proposerais pour rester aux nouveaux domaines pour garder un œil sur eux. Néanmoins Dawan, est-il sage de les laisser là-dehors ? Sous la seule protection de l’ignorance totalement du monde de leur existence ? »

¤ Responsabilité ¤

La nouvelle de la mise à bas de trois nouveaux œufs de dragons était une véritable bénédiction, surtout après la mort de Vraorg. Comme si, à peine le malheur parti, il n’y avait aucune période de transition, le bonheur revenait immédiatement. Cette nouvelle mettait en joie le dragonnier. Car cela voulait dire plus de dragons, plus de dragonnier et plus de magie sur ce continent qui renaissait à peine de ses cendres. Une renaissance plus que mouvementée à vrai dire. Quoi qu’il en soit, un dilemme se posait. Que faire maintenant de ses œufs de dragons . Car un dragonnier n’allait pas se présenter sur l’heure pour venir aider à faire éclore ces derniers. Non, bien sûr que non. Il allait falloir du temps et surement des années, voire des siècles avant qu’un lié d’un des dragons n’apparaisse. Après tout, cela n’avait-il pas été le cas pour tous les dragons actuellement en vie ? Excepter le petit dernier d’améthyste. Il fallait donc trouver un endroit où entreposer les œufs, le mettre en sécurité, mais aussi à porter du dragonnier qui viendrait à se présenter. En tant que membre de la caste draconique, le meilleur endroit pour placer ces œufs aurait dû être, pour l’Amarië, la caste justement. Cependant il n’en était rien. La caste n’avait pas de domaine où s’établir et puis les dragonniers avaient encore beaucoup à apprendre. Surtout que pour le blond, la surveillance par d’autres dragons était sans doute la meilleure de toutes. Néanmoins, l’instinct de l’archer lui disait que les Baptistrels feraient de bien meilleurs gardiens. Leur grand pouvoir et grande sagesse permettraient de mener cette tâche de gardien à merveille. Toutefois, l’Amarië pensait qu’il se devait d’informer les autres membres de la caste et que les œufs devaient être déplacés au plus vite de l’endroit où il se trouvait. Dawan le freina toutefois.

« Tant que nous n'avons pas de Domaine à leur proposer, je crois qu'ils seront plus en sécurité là où ils sont. Fais-moi confiance… Mais si nous voulons jouer le jeu ainsi, il vaut sans doute mieux attendre un peu pour en parler aux autres membres de la Caste. Puisque le secret est en partie garant de leur sécurité… »

Elrond fit une petite moue. Sywel n’avait pas tout à fait tort à vrai dire. Quand bien même il ne considérait pas le secret comme une protection matérielle suffisante, il est vrai que l’ignorance totale du monde à ce sujet offrait une protection plus subjective. Mais elle pouvait être balayée si aisément par un simple coup du sort ou du destin et ça, l’Amarië n’appréciait pas particulièrement. Toutefois, en ce jour il décida de faire confiance à Dawan. Il avait bien veillé sur lui jusqu’à son réveil, alors cela serait faire preuve d’irrévérence que de ne pas lui faire un minimum confiance. Tourna, de manière distraite son regard vers le petit elfe qui s’allongeait à ses côtés, il opina doucement du chef.

« D'accord Dawan, tu as surement raison, je ne dirais rien pour le moment. Mais dès que le domaine Baptistral sera reconstruit et en mesure de les protéger, il faudra immédiatement les amener là-bas et j'en parlerais alors aux autres membres de la caste. »

Ceci étant acté, le sujet commença doucement à dériver vers autre chose. Dawan avoua que cela lui ferait plaisir de le voir rester un peu au domaine. Il devait avouer que lui aussi cela lui ferait plaisir. À force, il s'était plus qu'habituer à sa présence auprès de lui, ainsi qu'à sa surveillance.

« Tu m'as manqué. »

« Toi aussi … et Möebius aussi. J'ai été seul assez longtemps dans un endroit que je n'avais pas vu depuis fort longtemps. Je ne ressentais plus rien, pas même la présence de mon lié pendant mon sommeil, ni même la tienne puisque tu as été auprès de moi pendant longtemps. »

L’Amarië soupira un peu, s’enfonçant un peu plus dans le coussin dans son dos, fermant les yeux un instant. Sentant la présence de Sywel non loin de lui. C’était apaisant en quelque sorte. Le bleuté semblait s’être lui aussi apaisé dans l’esprit de son dragonnier après qu’il lui ait promis de venir le voir au plus vite.

« Ne parlons plus d'œufs pour l'instant. Nous en aurons tout le loisir plus tard. Je doute que le moment soit bien choisi pour déjà te parler devoirs et responsabilités. Ne veux-tu pas quelque chose de plus léger ? Un livre, de la musique ? Du repos…? »

Elrond fit mine de réfléchir un instant avant se tourner doucement et un peu difficilement, ignorant la douleur encore un peu présente dans son corps et la fatigue de celui-ci de n’avoir pas bougé pendant si longtemps. Levant sa main doucement, il l’approcha de celle de Dawan, avant de venir mimer les jambes d’un bonhomme avec son index et son majeur, marchant doucement sur la main de celui et remontant le long de son bras.

« J’ai suffisamment dormi et je ne pense pas avoir la patience suffisante pour un lire un livre ou pour apprécier la musique. Quant à parler de responsabilité au contraire c’est bien le moment. Après tout, tu as veillé sur moi pendant si longtemps, il faut bien que je te remercie. Un très vieil ami à moi m’a dit comment remercier quelqu’un qui veillait sur soi pendant qu’on est blessé. C’est d’ailleurs comme ça qu’il a connu sa femme si je ne me trompe pas. Il faut que je te remercie pour cela. »

Les doigts qui marchaient sur le bras de Dawan arrivèrent bientôt à son épaule et le blond s’approcha un peu du jeune elfe avant de s’arrêter, soudainement en plein milieu, fronçant les sourcils, pour finalement lâcher un soupire.

« Malheureusement, je ne peux pas te remercier dans cet état. Même si c’est une coutume humaine. »

Elrond se recula avant de venir s’asseoir, levant son bras, il l’approcha de son nez, se reniflant un peu avant de chercher à se lever difficilement.

« Il faudrait que je prenne un bain au moins avant afin d’être plus convenable. »

¤ La fin du passé ¤

Ou avait-il appris cette manière de remercier déjà ? Ah oui, il se souvenait, c'était Astiev qui lui avait appris il y a fort longtemps. Il avait trouvé ça très étrange à l'époque, car ça tranchait littéralement avec … et bien le code elfique en quelque sorte. Néanmoins ce dernier lui avait dit que c'était une coutume humaine et après tant de temps passé à vivre auprès des hommes il avait accepté cette dernière comme quelque chose d'assez normal. Les humains étaient assez rustres en comparaison des elfes, mais ce n'était pas pour autant un défaut. Cela faisait la particularité des humains justement. Elrond n'avait jusqu'à présent jamais eu l'occasion de l'utiliser. Tout d'abord parce que personne n'avait pris soin de lui à ce point et parce que … ça restait assez déplacé elfiquement parlant. L'Amarië ne pouvait donc pas proposer ça au premier venu comme un vulgaire goujat, bien au contraire. D'autant plus que, lorsqu'Astiev lui avait appris l'existence de cette coutume, il lui avait dit que c'était ainsi qu'il avait rencontré sa femme. C'était assez amusant dans un sens et avait touché le jeune elfe qu'il était à l'époque. Aussi s'était-il dit que s'inspirer de l'aventure de son ami pourrait sans nul doute lui être bénéfique. Du moins … à l'époque il ne s'était pas douté ressentir autant de peine à la perte d'un être cher au point de s'isoler par la suite.

Son action avait troublé le jeune Dawan, il n'en doutait pas, il pouvait le sentir. Mais ce n'est pas pour autant qu'il n'irait pas jusqu'au bout. C'était un prêté pour un rendu, l'apprenti barde avait pris soin de lui depuis fort longtemps déjà, il se devait de le récompenser convenablement pour avoir autant prit soin de son corps et de son esprit. Et lui, le petit elfe ne laissait pas le plus vieux indifférent, il fallait l'avouer. Cependant, comme Elrond venait de l'indiquer, il ne pouvait remercier le jeune elfe comme il se devait dans cet état. La démarche était déjà assez déviante pour un elfe, alors autant ne pas la rendre encore plus grossière. Quoi qu'il en soit, le dragonnier était bien décidé à se laver, n'étant de toute manière pas bien à l'aise lorsqu'il était sale. Bien qu'on ne puisse lui reprocher, ayant passé plus de deux semaines dans le coma. Plus encore l'odeur des onguents et autres pommades qu'on avait pu lui passer sur le corps pour favoriser son rétablissement, étaient restés accrocher à lui et lui montaient doucement à la tête. Et il n'avait franchement pas besoin de ça. Quoi qu'il en soit, pensant faire ses ablutions tout seul, son infirmier attitrer bondit hors du lit et décréta qu'il s'en chargerait. Avant d'avoir même eu le temps de protester, le jeune barde avait filé. Lâchant un petit soupire amuser, l'Amarië se rapprocha du bord du lit.

Difficilement, Elrond s’assit sur le rebord du lit, aidant ses jambes encore engourdies à se poser sur le sol. Un frisson lui parcourut l’échine de même qu’une légère douleur. Son corps était encore un peu fragile et le bas de celui-ci encore endormit. Il fallait falloir le réveiller avant d’espérer pouvoir se mettre debout. Le haut répondait de mieux en mieux en revanche. Fermant les yeux et le temps que Sywel revienne, le dragonnier se saphir s’entraina à faire bouger ses orteils, puis ses chevilles, enfin ses genoux avant de finir par bouger l’entièreté de sa jambe. Un bruit assez lourd se fit entendre dans le couloir derrière la porte. Dawan devait être de retour et particulièrement charger pour faire autant de boucan pour un elfe aussi léger que lui. La porte s’ouvrit sur un Sywel transportant une grande bassine remplie d’eau légèrement fumante et un sac bien lourd dans le dos. L’espace d’un instant, Elrond ressentit l’appel de cet élément auquel il se savait lier depuis la naissance. Mais il ne pouvait plonger dans la bassine au risque déjà de tout renverser, mais aussi de se casser la tête, doutant que ses jambes parviennent à le porter. Et puis, il devait se déshabiller avant. Acceptant volontiers l’aide du jeune elfe pour défaire les bandages qui couvraient son torse et ses jambes, il se débrouilla en revanche pour retirer ses braies. Se retrouvant désormais nu, pas gêner pour deux sous, Elrond saisit les bras que lui tendait Dawan afin de l’aider à se lever.

Malhabile et un peu en équilibriste, le dragonnier se saphir se leva et se dirigea jusqu’à la bassine, aider par Sywel qui le fit entrer dedans. Un frisson agréable parcourut la peau de l’Amarië lorsqu’il commença à rentrer dans l’eau. Fermant les yeux un instant pour profiter de la sensation alors qu’il s’asseyait au fond de la bassine, l’eau lui arrivant légèrement au-dessus de la taille.

« Je veux rester avec toi. Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose sans que tu puisses obtenir de l'aide. »

Elrond le remercia légèrement en opinant de la tête. C'est vrai que se serait dommage qu'il glisse et qu'il se noie au fond de sa bassine. Elrond Amarië, lui qui a noyé plus d'une centaine d'Alayiens lors de l'aube rouge, connait le même destin tragique que ses victimes. C'est à la fois comique et terriblement triste. Mais bon, il fallait bien savoir rire de ces peines, bien que le blond préférait la garder pour lui, doutant que Dawan apprécie cette blague-là. Se taisant donc, l'elfe archer se pencha un peu en arrière pour venir reposer son dos contre le bord de la bassine, mais sa peau ne rencontre pas de bois, mais du tissu. Tournant la tête il remarqua que Dawan venait d'enlever sa tunique. Quoi ? Il comptait le rejoindre ? La bassine était un peu petite pour cela. Bien qu'il ne dirait pas spécialement non. Mais, Dawan était bien trop … mh … pur ? Innocent pour cela ?

« Pour que tu ne te blesses pas avec le bois. »

« Merci Dawan, mais tu sais tu n’es pas obligé de … »

Trop tard, le plus petit avait déjà sorti le savon et au vu de son regard, il était bien décidé à s’occuper de la toilette de l’Amarië. Tant pis, inutile de contredire Sywel, c’était l’infirmier et lui le patient. Autant faire le dos rond et réévaluer le remerciement que lui devrait Elrond plus tard.

« Pas trop froide ? Pas trop chaude ? »

Secouant négativement de la tête il répondit

« Non, l’eau est parfaite. »

L’eau était peut-être un peu chaude vu qu’ils se trouvaient en plein désert, mais son corps endolori ne pourrait qu’apprécier. Il vit ensuite Dawan plonger le savon dans l’eau, l’humidifiant, avant de venir l’appliquer sur la peau de l’Amarië, frottant doucement, une douce odeur s’en échappant.

« Que veux-tu véritablement, Elrond ? Tu sais… Il est des présents que je ne peux accepter en guise de remerciements. Des présents dont je préfère qu'ils ne soient le fruit d'un échange, mais qu'ils en soient les instaurateurs. »

Elrond tâcha de rester calme alors que le savon venait glisser de ses épaules à son torse. Le petit elfe semblait moins innocent ou plutôt moins ignorant sur le sujet qu’il ne pouvait le laisser paraitre ou n’avait pu le penser le dragonnier. L’Enwr semblait au contraire avoir particulièrement bien saisi le présent qu’avait l’intention de lui offrir l’archer. Et il ne semblait pas le refuser à première vue, bien au contraire, mais posait tout bonnement une condition. Il devait avoir un certain sens des affaires apparemment. Quoi qu’il en soit, le savon échappa des mains de Dawan pour venir disparaitre sous l’eau et la main qui le tenait se posant sur le torse de blond, au niveau du cœur.

« Si tu veux m'offrir ce que je pense avoir entendu… Je préfèrerais que cela ne soit pas une récompense. Mais que cela vienne de… »

Un silence s’abattit alors que le deuxième bras de Dawan passait autour de lui et son visage disparaissait dans son cou. Les yeux azuréens de l’elfe étaient perdus sur le mur face à lui tandis qu’il restait silencieux, l’apprenti barde attendant une réponse. Une réponse qui mit un peu de temps à arriver, car il y avait fort à peser. Il y a plus de dix-huit ans, Elrond rentrait le cœur meurtri du royaume des hommes, allant s’isoler dans une clairière. Il y a six ans naissait Möebius, offrant un nouveau souffle à la vie d’Elrond, peut-être était-il temps de réellement tourner la page sur le passé ? Dawan était un elfe, il vivrait plus longtemps qu’un homme et étant prudent il vivrait sans doute vieux. Même si lui continuerait à vivre après son départ puisque la vie de dragonnier est grandement allongée, près de mille années à vivre, c’est long. Doucement, la main de l’Amarië glissa jusqu’à celle de Sywel.

« Après tout ce que tu as fait pour moi. Après cette guerre. Après que je me sois attaqué à Vraorg pour détourner son attention. D’où penses-tu que ça puisse venir ? »

¤ Réalité ¤

Tourner la page sur son passé, à l'époque Elrond n'aurait jamais pensé être capable d'une telle chose. Il pensait qu'il n'était qu'un mort en sursis qui devait attendre la fin de sa longue vie d'elfe. Mais voilà le temps avait passé, il avait évolué et de nouvelles voies s'étaient ouvertes à lui. Alors il avait pensé être capable d'avancer, mais que cela lui prendrait du temps. Dix-huit années pouvaient lui paraître longues, mais pour un elfe c'était assez court. Cependant, ces huit dernières années semblaient avoir duré plus de deux siècles tant de choses s'étaient produites. Au final le temps n'était qu'une notion toute relative. L'Amarië avait donc donné sa réponse à Dawan, n'osant toutefois pas mettre le mot sur ce que demandait le petit elfe. Il l'avait pourtant signifié, mais d'une manière détournée, Elrond ne se sentait pas prêt à le prononcer, pas tout de suite en tout cas. Le jeune barde se crispa sur le dragonnier sylvestre, s'emballant, le sentant au rythme de sa respiration contre son cou. Le blond le laissa faire, lui laissa le temps qu'il fallait pour reprendre son calme. Fermant doucement les yeux de son côté, laissant sa main contre celle de l'elfe poser sur son torse. Puis, tranquillement Sywel se détendit, arrivant même à parler.

« J'avais peur que tu t'oublies dans l'envie de me rendre la pareille. Je suis désolé. »

« Ne t’en fais pas. »

Elrond l'aida à prendre ses doigts dans les siens, tout en répondant. Non le petit blond n'avait pas à s'en vouloir. S'il ne lui avait pas demandé de manière aussi explicite, l'Amarië lui aurait sans doute dit pendant qu'il le remerciait, ou alors il se serait défilé en ne disant rien, passant pour un goujat, mais aussi un lâche incapable de tourner la page. Au final, l'Enwr avait bien fait de demander confirmation, ça avait aidé le dragonnier à avancer en le mettant un peu au pied du mur. Dawan resta encore un moment accrocher à son cou, contre son dos, mais séparer par le bois. S'il tenait à rester dans cette position, Elrond n'allait pas tarder à lui demander de le rejoindre dans le bain, au moins serait-il dans une posture un peu plus confortable et plus proche de lui puisque c'est ce que semblait vouloir l'Enwr. Toutefois, l'archer n'eut pas lui temps de lui dire puisque ce dernier bougea pour venir se poster devant lui, glissant ses pieds dans la bassine. Bien que torse nu, son pantalon lui n'était pas retiré et l'extrémité pendouillait dans l'eau. Elrond lui fit remarquer doucement, mais l'apprenti chanteur ne répondit pas, bien plus concentrer sur autre chose et sur ce qu'il avait en tête. Voyant que celui-ci ne répondit pas, encore un peu perdu dans ses pensées, l'elfe dragonnier porta ses bas sur le bas du pantalon de Sywel pour faire un petit ourlet afin de l'empêcher de tremper davantage son vêtement et qui sait, de mettre de l'eau partout en sortant et ainsi prendre le risque que quelqu'un ne glisse, avant de tâtonner doucement avec sa main gauche le fond de la bassine pour se saisir du savon.

Sywel s’était posté en face de lui, assis sur le rebord de la bassine, de l’autre côté de l’endroit où était l’Amarië. Il semblait encore un peu rêveur, comme incertain de différencier la réalité de l’illusion, avant que cette impression ne soit balayée par la lueur espiègle qui envahit le regard de Dawan.

« Je crois connaître un moyen de me faire pardonner. Tu me diras ce que tu en penses... Il me semble que c'est aussi une façon de vérifier la réalité de quelque chose. »

Elrond sourit tout en lâchant un petit rire lui aussi. La dernière fois, c’était lui qui avait prononcé ces mots-là. C’était lui qui lui avait appris cette soi-disant méthode pour différencier le rêve de la réalité. Le petit barde se pencha doucement en avant tout en glissant une main sur la mâchoire du dragonnier. Elrond, lui, tendit doucement sa main droite jusqu’au cou puis la nuque de Sywel. Leurs lèvres vinrent se rencontrer en un nouveau baisé. Bien plus agréable que leur tout premier. Le doux échange fut rompu lorsque le visage l’Enwr s’éloigna du sien. Le dragonnier de saphir offrit un petit sourire taquin à celui qui était bien plus qu’un ami désormais.

« Excuses acceptées. Alors ? Content de cette réalité ? »

Le sourire béat et un peu idiot de son infirmier lui suffit comme réponse et il ne put retenir un petit rire de cette réaction somme toute mignonne de l’apprenti chanteur. Ce dernier revint toutefois rapidement les pieds sur terre en annonçant qu’il fallait terminer cette toilette afin que le dragonnier lui montre ce qu’on lui avait appris.

« Tant fais donc pas, mes forces devraient me le permettre et puis … quelle meilleure manière de rééduquer un corps qui est resté endormi pendant si longtemps. »

Alors qu’il répondait cela, Sywel s’était penché un peu en avant à la recherche du savon, son regard et son intention semblant cependant obnubiler par le visage du dragonnier, aussi tâtonnait-il à l’aveugle jusqu’à ce que finalement il trouve quelque chose. L’Amarië eut un petit spasme surpris avant de porter son poing droit devant sa bouche, toussotant légèrement.

« Ce n’est … pas le savon Dawan. »

Levant doucement par la suite sa main gauche, rester sous l’eau tout ce temps, il mit en évidence le savon qu’il avait récupéré peu de temps après que Dawan ne l’ait fait tomber. Elrond lui lança un petit sourire amuser par la suite, et une lueur profondément malicieux dans le regard, désireux d’accentuer la gêne qui allait assurément s’emparer de l’Enwr.

« Est-ce aussi un moyen de s’assurer de réalité ? Je ne la connaissais pas. Mais tu peux continuer aux risques et périls que cette toilette ne finisse pas.»

¤ Merci ¤

Alors qu’il pensait lire la gêne dans la réaction du chanteur il n’en était rien, au contraire, la remarque du plus vieux semblait avoir chassé cette dernière, soulignant davantage le comique tout relatif de la situation, provocant le rire chez l’infirmier. Ce dernier se pencha un peu plus en avant, sans lâcher sa prise, venant de son autre main se saisir du savon que le blond lui céda bien volontiers.

« Douterais-tu de ma capacité à faire plusieurs choses en même temps ? »

Elrond leva doucement l’une de ses mains libres jusqu’au visage du Sywel, caressant un peu sa joue, avant de venir chasser une mèche de cheveux tombante, la coinçant derrière l’oreille de celui-ci. Il lui répondit enfin avec un certain amusement provocateur.

« Loin de moi une telle pensée. »

Le plaisir de la chair, un délice auquel Elrond n'avait pas goûté depuis fort longtemps. Cet instant où l'on offrait du bien-être à son partenaire lui avait particulièrement manqué. Et puisqu'il se devait de remercier convenablement le petit elfe, autant dire que le dragonnier c'est particulièrement appliqué. Mais s'il avait pris soin de son amant, il n'en avait pas moins profité pour tirer un peu de plaisir de cet échange charnel. Découvrir le corps de ce dernier, ses courbes agréables, la douceur de sa peau et la chaleur de son être. Cet instant physique avait été assez éprouvant pour Elrond, son corps n'étant pas prêt pour accomplir une activité aussi sportive alors qu'il n'était pas entièrement remis. Cependant, l'Amarië avait habilement masqué ses moments de faiblesse par quelques pauses, caresses et autres mots doux afin de profiter la proximité extrême des deux êtres qui, l'espace de quelques instants, n'avaient fait qu'un. Ce camouflage s'alliant très bien avec la douceur qui avait été le mot d'ordre d'Elrond. Après tout un rapport de ce genre pouvait occasionner quelques douleurs, toutefois la volonté du dragonnier sylvestre n'avait pas été le blesser son infirmier, mais de le gratifier.

La nuit était déjà bien avancée lorsque les deux elfes eurent fini leur office, la lune trônant dans le ciel sans nuages du désert, étendant ses rayons argentés sur les dunes de sable et Aigue-Royale. Elrond vint se rallonger au côté de Sywel qui fit de même, la respiration rapide, haletant un peu, son corps, comme son esprit, était fatigué. Il ferma les yeux pour reprendre le contrôle de sa respiration quand il sentit le jeune chanteur se rapprocher de lui. L’Amarië leva son bras pour lui permettre de se coller en lui, avant de le passer derrière sa tête et poser sa main sur l’épaule de celui-ci, la lui caressant doucement du bout des doigts. Bientôt un murmure se leva dans le silence qui était tombé dans la pièce depuis qu’ils avaient terminé. Dawan l’appelait. Tournant légèrement le regard en sa direction, l’archer lui lança un petit « oui » interrogatif.

« Dire que tu voulais me remercier ainsi… Je crains que ce soit à moi de te remercier, maintenant. »

Un rire léger s’échappa d’Elrond, flatter de telle parole, mais également content et heureux que cela ait plus à son aimé.

« Oh, aurais-je à ce point outrepassé la limite ? »

Il sentit doucement la main du petit barde venir glisser contre ses hanches. Quoi ? Il voulait le remercier de l’avoir remercié maintenant ? Tout de suite ? Une petite minute, il pouvait au moins le laisser récupérer de l’effort difficile et reprendre un peu d’endurance. Mais la crainte de l’Amarië disparut rapidement en comprenant que Dawan souhaitait juste se rapprocher un peu plus de lui. Doucement, il sentit le bras de ce dernier passer autour de ses hanches. La main d’Elrond situer sur l’épaule du blond se dirigea vers sa crinière, venant jouer avec les cheveux de l’apprenti barde, faisant de petites boucles avec. Suite à la demande indécente de celui-ci, le dragonnier elfique vint de sa main libre caresser le bras de Sywel posé sur ses hanches.

« Oui, des cours plus que particulier je dirais même. Mais tu as déjà une technique agréable. À se demander si tu es vraiment un novice dans ce domaine. »

L’ancien apprenti Baptistrel voulait taquiner son amant, doucement sa main libre quitta le bras de celui-ci pour venir se poser sur son buste, descendant doucement en direction de ses flancs, disant malicieusement.

« Eh bien, je pense qu’après les cours que tu me donneras au domaine, les rôles de professeur et d’élève pourraient s’inverser. Ce sera une façon de … décompresser ? Même si le rôle de professeur Baptistrel est plus digne que celui de … mh … dévergondage ? »

L’Amarië ricana légèrement, levant un peu la tête pour embrasser le crâne de Sywel. Son corps était douloureux, mais il ne regrettait pas ce qu’il venait de faire, même s’il le paierait sans doute demain. Cependant, l’homme du beau peuple ne doutait pas pouvoir compter sur l’aide de son aimé. En espérant que ses hanches ne le fassent pas souffrir demain, sans quoi ils seraient obligés de tenir le lit tous les deux, voilà une idée autant réjouissante que dangereuse.

« Merci d’être auprès de moi, Dawan. »

¤ Histoire d’elfe ¤

Dawan était tout auprès de lui, sa peau dénudée contre la sienne. D’un geste doux et presque machinal, Elrond caressait doucement le flanc de ce dernier de même que son épaule contre laquelle reposait son autre main. Il observait le petit blond de ses yeux azuréens, un petit sourire, aux lèvres, restant relativement immobile, son corps moue et épuiser s’enfonçant dans le matelas moelleux qui n’attendait qu’une chose que ses occupants s’endorment. L’apprenti chanteur semblait être comme lui, en coton, laissant la paillasse soutenir son petit corps. Sans doute l’esprit de ce dernier devait l’être également, en coton et s’envolant haut les cieux jusqu’à se percher sur un petit nuage.

« Je n'ai pas à me forcer, tu sais. J'aime être avec toi. Tu n'avais pas remarqué ? »

« Bien sûr que si, sinon n’aurait pas pris soin de moi avec autant d’attention. »

Elrond était beaucoup chose, mais il n’était pas aveugle. La main du dragonnier repassa de l’épaule de son amant à ces cheveux, lui gratifiant le crâne de petites caresses affectives.

« Tu sais… Quand je parlais de cours particuliers…Je pensais plutôt à mieux te connaître. »

Le sylvain lâcha un petit « oh », ayant compris de travers les précédentes paroles de l’Enwr. C’est donc son histoire qu’il voulait connaitre. L’Amarië partagea le rire de son aimé lorsque ce dernier accepta toutefois sa proposition.

« Eh bien oui, je te conterais mon histoire petit Enwr, puisque tu le désires. Tu connaitras l’histoire d’un jeune elfe empressé ayant quitté la forêt qui l’a vue naitre pour aller parcourir les terres du royaume des hommes… »

Doucement, Dawan l’incita à bouger, voulant qu’il s’allonge. Elrond s’exécuta alors, lâchant les cheveux de ce dernier, tandis que le petit elfe passait au-dessus de lui pour venir s’allonger sur son torse. L’Amarië vint passer ses mains sur les omoplates du futur Baptistrel, caressant affectueusement le dos ce celui-ci, avant de descendre sur ses hanches, emmêlant un peu ses jambes avec les siennes, tout cela en continuant de parler.

« … visitant les moindres recoins, s’émerveillant devant l’ancienne ville d’Aldaria dont les hautes murailles à la blancheur aussi pure que les pierres de lune, restèrent graver dans sa mémoire. L’histoire des rencontres de cet elfe avec les humains d’une ville portuaire du nord d’Armanda. De ses combats et de ses quêtes à leurs côtés pour apporter protection et honneur à leurs familles. Je te narrerais les tristes événements qui ont conduit cet elfe à revenir dans sa forêt natale et à s’établir seul dans une clairière aux confins du royaume elfique … jusqu’à ce que sa solitude ne soit interrompue par la venue d’un petit être bleu à écaille. »

L’Amarië interrompit la descente progressive de ses mains sur les courbes de Dawan quand elles rencontrèrent sa croupe, les remontant alors jusqu’à ses épaules en laissant un doigt glisser le long de l’échine du jeune chanteur afin de provoquer en lui quelques frissons. Le visage de ce dernier était tout proche de lui et peu de temps après qu’Elrond ne se soit tu, l’Enwr reprit après lui, hésitant.

« Dis, Elrond… J'aimerais savoir: que suis-je, maintenant, pour toi ? Est-ce que je peux dire… Am… Enfin… »

Le dragonnier elfique ne dit mot, prenant un air faussement réfléchi quelques instants.

« Et bien … si je te dis âme sœur ou âme liée, Möebius risquerait de me manger tout cru. En revanche, je pense qu’en répondant, amant ou compagnon … »

Tendrement, l’une des mains de l’Amarië se glissa derrière la nuque de Dawan tandis qu’il ceintura légèrement son dos de son bras libre.

« Ou amoureux … alors on ne devrait pas risquer grand-chose … »

Venant combler la distance qui séparait leurs lèvres, Elrond vola un baiser à son adoré. Venant le rompre peu de temps après, l’archer vint ajouter.

« Et toi, peut-être me raconteras-tu ton histoire également. »

¤ Contact ¤

Si Möebius boudait ? Ca Elrond n'en savait rien. Tout le long de leur échange, l'Amarië avait bloqué son esprit à son lié lui disant qu'il devait se reposer et Dawan allait utiliser quelques sorts sur lui afin de lui permettre de sortir plus vite de sa chambre et qu'ils voleraient bientôt à nouveau tous les deux. Ce n'était ni un mensonge ni la vérité. Il était vrai que les deux elfes avaient en quelque sorte usé de magie afin de permettre au blessé de sortir plus vite de sa chambre. Mais dire que le dragonnier devait se reposer n'était pas vrai, après tout l'échange charnel n'était pas de tout repos. Mais le dragonnier sylvestre se moquait un peu de savoir si son lié avait lu en lui le mensonge, ou si au contraire il l'avait cru. L'Amarië aurait bien tout le temps de trouver une excuse plus tard lorsque le moment de rendre des comptes au bleuté serait venue. Sur l'heure il n'en avait aucun à rendre à qui que ce soit. Après que les lèvres des deux elfes se soient déliées, l'archer vint rassurer son amant.

« Ne t’en fais pas. Je saurais calmer sa colère si nécessaire. »

Elrond fit doucement bouger ses doigts sur la nuque du petit blond, le gratifiant de quelques caresses-massages. Son autre main, elle, redescendit dans le dos de celui-ci, effleurant sa peau en faisant quelques allers-retours dessus, écoutant avec attention les paroles de ce dernier. Ses yeux azurés se lorgnant sur le visage de l’apprenti chanteur, le détaillant davantage pour graver l’image de ce dernier dans son esprit. L’Amarië ne dit mot, comprenant le besoin de s’exprimer qu’avait eu le plus jeune, content qu’il est pu en trouver un qui lui convenait et lui plaisait. Les mots étaient parfois insuffisants. Et tout comme une peinture vaut mille mots, une musique ou une action pouvait en valoir tout autant. Le dragonnier hocha doucement du chef à la question qui termina la tirade de Sywel, laissant à nouveau ses doigts remontant le long de la colonne vertébrale de celui-ci, s’amusant des réactions que ce mouvement procurait à ce dernier. La main posée sur la nuque de celui-ci, vint tendrement se perdre dans les cheveux bond du chanteur alors qu’il vint s’allonger sur lui, posant sa tête sur son torse, jouant à faire des boucles avec la crinière de celui-ci.

« Non, je peux aisément supporter ta légèreté. »

Elrond appréciait le contact du corps de Dawan contre le sien, satisfait de la savoir auprès de lui.

« D'ailleurs, Elrond... Depuis que Vie m'a étreint, j'avais une impression étrange… J'en ai parlé à mes maîtres. Je perçois les notes mineures. Tu te rends compte ? C'est génial… J'ai l'impression de mieux ressentir le monde. Même toi, je te perçois mieux. Dommage que… Je ne puisse pas te montrer ce que je ressens pour toi. Tu sais ? Comme le font les dragons, rapprocher mon esprit du tien, et te laisser directement éprouver les mêmes émotions que moi. Après… Il est, il me semble, un sort qui permet de s'en approcher un peu. Veux-tu essayer…? »

Les notes et vibrations de ce monde, une chose que le blond ne pourrait malheureusement jamais connaitre en raison d’un incident fâcheux. Il aurait aimé savoir ce que cela pouvait entrainer. Ce que l’on ressentait. C’était sans nul doute une sensation unique, tout comme celle de voler pour la première fois à dos de dragon ou de sentir son âme se lier à l’une de ses créatures ailées. La main de l’Amarië redescendit sur les hanches de l’apprenti tandis qu’il lui répondait.

« J'ai ressenti ce que tu éprouvais pour moi lors de notre échange Dawan. À défaut de pouvoir éteindre nos esprits comme le font les dragons, les bipèdes ont tout de même mis au point des moyens plus physiques de ressentir les émotions des autres. Mais, puisque tu sembles y tenir, on peut toujours essayer. Et s'il existe un sort le permettant, pourquoi s'en priver. Mais … »

La main de l'elfe continua de descendre jusqu'au coccyx de Sywel, tandis qu'il redressa doucement son torse, venant de son autre main saisir le menton du petit elfe pour lui faire se redresser la tête. Là, il mordilla un peu la lèvre inférieure avant de l'embrasser brièvement.

« Je dois avouer que le contact par l'esprit à ses limites. Car il ne me permet pas de ressentir précisément le contact entre ma main et les écailles de Möebius. Tout comme je doute qu'il me permette de ressentir précisément le contact entre ta peau et la mienne. »

Elrond délaissa la bouche de son aimé pour venir lui embrasser la joue, le cou puis lui mordiller le sommet d'une ses oreilles pointues pour finalement le relâcher et se laisser retomber en arrière, se rallongeant au passage, ricanant.

¤ Tendresse ¤

Elrond prenait un malin plaisir à taquiner son amant. S’amusant à ses dépens en jouant avec les réactions de son corps. Aimant accompagner ses paroles, les accentuant ainsi, de quelques caresses plus ou moins osées. Se sentant une âme taquine ou peut-être perverse, après avoir ainsi batifolé avec l’apprenti barde. L’être de Dawan se faisait complice du dragonnier à l’encontre de l’esprit de Sywel, réagissant à merveille aux attentions du plus vieux. Frémissement, chair de poule et gémissement, autant d’éléments pouvant faire perdre la tête du plus jeune. Autant d’outils à la portée de l’archer qui les activait un à un, ayant eu le temps de découvrir et apprendre quelques petits trucs au sujet de l’enveloppe charnelle de son amant. Sans doute en apprendrait-il encore plus lors de leur futur échange.

« C-C'est sensible ! »

L’Amarië relâcha l’oreille pointue de l’Enwr, se laissant tomber en arrière tout en lâchant un ricanement, fier de lui, fier de ce qu’il venait de faire. Sentant l’être de Sywel en ébullition avec ses simples effleurements ici et là. Dawan lança un regard en direction d’Elrond, celui-ci se voulait charger de reproche. Mais il s’agissait là de faux reproche. Un regard que le dragonnier connaissait tout particulièrement pour l’avoir déjà dans les yeux de son lié lorsqu’il s’amusait à le taquiner. Mais comme tous les jeux du Sylvain aux dépens d’un autre, ce dernier se terminant en un boudage. Faux ou vrai, cependant, depuis le temps qu’il le pratiquait, l’Amarië savait différencier le vrai du faux boudage. Il savait comment désamorcer un vrai et faire payer un faux. Dawan ne tarda pas à venir tourner le dos au dragonnier, en croisant les bras sur son torse, le visage renfrogner. Il lui murmura les différents éléments liés au sort afin de permettre de le lancer. Ajoutant en finale un « si jamais tu en as besoin, tu le connaîtras. » sur un faux ton de reproche et d’amusement. Le blond garda dans un coin de son esprit les formules nécessaires pour le lancer. Il le pratiquerait avec le petit elfe un jour puisque cela semblait lui tenir à cœur.

« Je pense que tu as raison, que notre contact nous a permis de ressentir beaucoup, dont certaines émotions que je ne saurais sans doute te montrer… Mais je reste également persuadé qu'il est une partie que rien de physique ne peut retranscrire. Si jamais cela te tente… Nous aurons sans doute le temps. Je l'espère. J'aime le temps que je passe à tes côtés »

« Si cela te tente, alors ça me tente » répondit simplement Elrond à l’interrogation de Sywel alors qu’il se redressait doucement dans son dos après qu’il ait à nouveau tourné la tête. Tirant un peu le drap qui le recouvrait, l’Amarië s’approcha doucement et silencieusement de Sywel. Il vint coller son torse à son dos en même temps qu’il abattit ses bras autour de lui, venant l’éteindre, l’empêchant de fuir. Rabattant en même temps le drap pour lui couvrir le haut l’empêcher de prendre froid.

« J’accorde aussi beaucoup d’importance à ta présence à mes côtés, Dawan. »

Le dragonnier elfique étreignit un peu plus son amant, venant poser sa tête contre son épaule, revenant lui déposer un baiser dans le cou.

« Maintenant que la guerre est terminée, nous avons tout notre temps. Mais … »

Elrond vint serrer un peu plus le drap autour d’eux afin de cacher la nudité de Dawan.

« Tu ferais mieux de ne pas te montrer comme ça, car si quelqu’un d’autre moi que te voyais ainsi, je serais obligé de lui déclarer la guerre pour affront. »

Il finit ensuite en approchant sa bouche l’oreille de l’Enwr pour lui murmurer ce qui se passerait si d’aventure il continuait à rester dénuder en sa présence aussi longtemps. Il ponctua sa phrase d’un léger rire avant de reposer son front contre l’épaule de celui-ci.

« Nous pourrons essayer ce sort demain si tu le souhaites. Je vais surement devoir tenir le lit donc … autant en profiter avant que je ne reparte gambader un peu partout ou que Möebius me monopolise. »

¤ Marchand de sable ¤

Elrond était fatigué, cela se ressentait dans sa voix. Sa condition actuelle nécessitait déjà qu’il se repose, mais l’activité qu’il avait eue cette nuit avec Dawan avait sapé les quelques forces qu’il avait pu récupérer. Il devait sans doute tenir encore éveiller en raison des restes d’hormones qui s’affolaient ici et là dans son être. Son torse était collé au dos du plus jeune alors que ses bras l’enserraient légèrement afin de la maintenir contre lui, mais également de le couvrir du drap afin de masquer sa nudité et s’assurer qu’il n’attrape pas froid. Dans le désert, si les journées étaient brûlantes, les nuits étaient en revanche glacial. Doucement, l’archer était venu poser son front contre l’épaule du chanteur, venant fermer ces paupières. Son esprit était léger, il le sentait doucement s’envoler et divaguer. Son corps, lui, s’engourdissait davantage à chaque seconde, luttant pour le maintenir dans cette position sans tomber en arrière et entrainer Dawan avec lui ou tomber en avant et peser de tout son poids sur le petit elfe. Il n’entendit qu’à moitié la réponse de Sywel à ses propos sur le risque qu’il encourait dans les cas où il resterait en tenue d’Adam trop longtemps en face à lui. Il ne comprit d’ailleurs rien à ce qu’il disait. Il avait cru entendre codex, mais sans pour autant saisir le rapport.

Se sentant petit à petit partir, l’Amarië raffermit un peu plus son emprise sur le corps de Sywel, plongeant son nez dans son cou, respirant son odeur douce et enivrante. Espérant parvenir ainsi à se tenir éveiller un peu plus longtemps. Mais alors qu’il tenta de faire cela, l’Enwr quitta son étreinte pour venir remettre une tunique. L’Amarië grommela légèrement d’avoir été contraint de quitter cette position, surtout pour voir que son amant se rhabillait. Pour sa part, le dragonnier n’avait ni la force ni l’envie de se vêtir, surtout pour aller se coucher.

« Je ne crois pas qu'on m'aurait vu, seul avec toi, dans le noir... Tu serais donc fâché si quelqu'un d'autre me voyait nu ? C'est étrange... J'essayerai de faire respecter cette volonté, néanmoins, puisqu'elle est tienne. »

« On sait jamais », répondit Elrond d’un air boudeur alors qu’il vint également s’allonger, se positionnant aux côtés de Sywel et passant une main autour de lui pour l’attirer, le laissant volontiers jouer avec ses boucles blondes. Bien caler dans le lit avec Dawan tout contre lui et un drap les recouvrant, le sommeil revint à la charge, à la tête d’une plus grande armée pour faire tomber la volonté de l’Amarië et le plonger dans l’inconscience. Déjà le corps du grand blond recommençait à s’engourdir et son esprit à s’élever. Ses yeux se refermèrent tout seuls, le dragonnier semblant aux portes du sommeil.

« As-tu d'autres volontés auxquelles tu voudrais me voir veiller ? »

Pour toute réponse, Elrond vint glisser une main sur les hanches de son amant et une autre sur son torse, avant de venir le coller à lui. Il souhaitait simplement qu’il reste auprès de lui. Mais il crut utile de rajouter, dans un petit bâillement et des balbutiements.

« Soit … mon … marchand … de … sable … »

L’elfe soupira légèrement avant que sa tête se tombe lourdement sur l’épaule de l’apprenti barde, laissant le sommeil l’emporter.