Sa douleur était évidente. Ou bien était-ce simplement qu'il la connaissait ? Il la connaissait, même s'il ne s'en souvenait pas vraiment. Du moins ne se souvenait-il pas de son origine. Le reste, en revanche, n'appartenait pas au passé. La douleur dans son âme était restée, transformation ou non. Elle ne s'en irait jamais, quoi qu'il fasse. Elle serait toujours là, en lui, terrible au-delà de tous les mots de toutes les langues. Et il savait que Cynoë souffrait de même. Il savait exactement ce qu'il ressentait, malgré des circonstances totalement différentes. Cynoë n'avait aucunement mérité ce qui lui arrivait, et personne ne l'avait prévenu de ce qui se passerait. Il n'y avait personne pour le soutenir comme lui l'avait été… du moins, personne à moins que ce ne soit lui. Oh il y avait Skade oui, mais la matriarche ne pouvait comprendre. Elle ne ressentait pas ce gouffre béant dans l'âme, aspirant l'esprit et propageant silence et sourde douleur. Elle ne savait pas ce que c'était que de se sentir atrocement seul, privé de la moitié de soi-même comme si on avait sectionné l'âme… Que pouvait-elle alors faire pour lui, sans savoir. Non, ça ne pouvait être que lui, puisqu'il était seul à savoir.

Mais voulait-il seulement le faire ? Il n'était pas une créature de compassion après tout, et encore moins en pareilles circonstances. Lui aussi avait son fardeau. Lui aussi venait de perdre une part de lui-même, même si ce n'était que temporaire. Voulait-il seulement s'encombrer de la peine d'un autre ? Il n'en était pas certain. Pourtant s'il voulait le maintenir en vie et l'emmener avec lui à l'Est, alors il fallait bien qu'il y fasse quelque chose. Le dragon ne survivrait pas ainsi, il y avait fort à parier qu'il dépérisse rapidement et lorsque Lorenz ramènerait l'humaine, c'était elle qui serait détruite, et tout aurait été fait en vain. Un effort de plus, pour un résultat encore totalement incertain et avec la seule promesse de son frère comme garantie… Ce n'était pas grand-chose, pas assez pour l'être logique et structuré qu'il était. On ne tentait pas l'impossible sur la seule promesse d'un mort. Ce n'était pas suffisant, surtout quand il s'agissait de revenir de Mort lui-même. Lien familial ou non, c'était loin d'être suffisant. Il fallait bien davantage pour faire un plan, et encore plus pour faire une assurance.

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Qu'il détestait son totem, parfois. Bien sûr, qu'il allait faire cet effort-là, envers et contre tout bon sens, sans doute, et en grappillant jusqu'à la plus insignifiante des excuses pour cela, mais il le ferait. Lorenz le lui avait demandé, non ? Et puis… il savait ce que cela faisait, l'abandonner serait pire que manquer de compassion. Cette douleur-là n'entrait dans aucun critère habituel. Mais il valait mieux qu'il survive effectivement…. Autant ne pas gâcher tous les efforts nécessaires à cela. Du moins quand il saurait comment s'y prendre, car s'il savait ce qu'il ressentait, ça ne voulait absolument pas dire qu'il avait la moindre idée de la façon dont il devait s'y prendre pour soutenir l'améthyste. Qu'était-il capable d'accomplir ? Il n'en savait rien. Ça allait lui demander des ressources qu'il ne pensait pas posséder. Mais il fallait bien essayer…

Le trouver n'avait pas été difficile, c'était déjà cela. Du moins c'était ce qu'il se disait en l'approchant. Une première étape parfaitement accomplie. N'en restait que… il ne savait pas combien il en restait en vérité. Qu'importait vraiment. Dix ou cent, il savait par avance que ce serait difficile. Voire impossible. Mais on le lui avait demandé, qui était-il pour ne pas, au moins, tenter ? Alors il approchait, lentement, sans gestes brusques, le regard rivé sur le dragon en deuil. D'un souffle, il l'appela, signifiant sa présence, et en une réminiscence inconsciente, vint s'asseoir près de lui, sans le quitter des yeux. Il y eut un silence, pendant lequel il ne sut absolument pas quoi dire, puis se laissa guider par son instinct, et attendit. Mieux valait que ce soit lui qui agisse en premier, d'une parole ou d'un geste peu importait, mais le dragon seul pouvait dire s'il était capable d'entendre et d'appréhender quoi que ce soit sur le moment.

@Cynoë

De prime abord, on aurait pu se réjouir de son apathie. Sachant qu’en de tels instants, un dragon pouvait devenir extrêmement violent, c’était sans doute une bonne chose que de pouvoir approcher et parler sans risquer d’être immédiatement écrasé ou croqué (ou brûlé évidemment, mais ça, dans son cas, ça ne s’appliquait pas). Cependant, la réjouissance était de courte durée. La raison en était simple : la colère était un fluide actif et qui faisait vivre le dragon, l’apathie au contraire le vidait de toute substance. Qu’il n’ait plus goût à rien était donc pire, parce que cela signifiait que l’effort à fournir pour le garder en vie serait plus important encore. Ce ne serait déjà pas facile dans l’absolue, mais rajouter ce ‘détail’ à la situation la transformait presque en mission impossible, pour lui comme pour quiconque. Et pourtant, il ne pouvait pas se permettre de simplement abandonner. Ce n’était pas envisageable dans l’état actuel des choses. Non, il devrait faire au mieux. Ce serait alors sans regrets, avec ou sans la satisfaction d’avoir réussi.

Lorsqu’enfin il consentit à lui adresser la parole, il cligna des yeux. Bien. Il était curieux et avait accepté de parler… c’était déjà un début, tout n’était peut-être pas aussi perdu qu’il l’avait pensé. C’était encore loin d’une sinécure, mais c’était un début, on ne pouvait pas en demander trop. Il resta encore un peu silencieux, puis prit la parole : « Bien sûr » Il n’avait pas d’intérêts à lui cacher cela alors que c’était pour lui qu’il venait, après tout, ce serait profondément contreproductif et un gaspillage de temps et d’énergie. « Me croirais-tu si je te disais que je sais ce que tu ressens ? » Il avait beaucoup à penser que non, il ne le croirait pas. Mais une surprise pouvait toujours avoir lieu. Cela étant dit, c’était une question rhétorique. S’il obtenait une réponse, il en serait satisfait, mais ne le pressait pas non plus. C’était d’ailleurs dans cette optique qu’il se permit de poursuivre

« Je ne me souviens pas beaucoup de ma vie, mais ce dont je me souviens, c’est que j’étais lié à un dragon. Un dragon noir du nom de Shaynar » Et à ces mots, la douleur le tenailla, comme par instinct. Il se contracta, un bref instant, mais refusa de s’apitoyer sur son propre sort. « Notre lien a été détruit par Edwyn Ruddy. Depuis, je vis avec ce gouffre de souffrance au fond de mon âme… exactement le même que celui vers lequel tu glisses lentement, Cynoë » Il ponctua l’affirmation d’un silence, pesant, lourd, autour d’eux, lourd de deuil. Il le laissa absorber ses paroles. Il le laissa les disséquer s’il le voulait. Il ne fallait pas aller trop vite en cet instant. Dans son état, il lui fallait du temps et de la patience, et il était disposé à donner les deux pour parvenir à son objectif. Un moment, il l’observa, puis lorsqu’il jugea que le moment était bien choisit, il poursuivit, de cette même voix plate et posée.

« Et c’est parce que je sais ce que tu ressens que je suis venu. Pour essayer de t’aider. Pas à l’oublier, car ce n’est pas la chose à faire et c’est impossible, mais à surmonter sa perte, au moins pour le temps nécessaire à son retour » A nouveau, il l’observa et fit silence, attendant de savoir comment il réagirait à ça également. Et surtout, attendant de savoir s’il remarquerait, ou non, l’allusion qu’il venait de faire. C’était cette allusion qui pouvait faire toute la différence, en cet instant. Cynoë avait déjà beaucoup suit, même en dehors de la mort de sa liée… et mit bout à bout, cela commençait sans doute à faire beaucoup, même pour un dragon. A trop faire en vérité. Personne n’était indestructible, et si l’on ne pliait pas, il arrivait un moment fatidique où l’on pouvait se briser…

Il se laissa faire sans broncher, bien peu sensible à de tels mouvements d’humeur. C’était une réaction pouvant advenir, et si elle était dangereuse, il ne doutait pas que le dragon se restreigne. Au moins pour lui grogner dessus et au plus pour satisfaire une curiosité qu’il savait présente. Ce que lui en retenait surtout, c’était d’abord qu’il avait attrapé sa perche et qu’ensuite, il avait encore du jus, du fluide, du mordant, quelque part en lui, et c’était parfait… Clignant lentement des yeux, il se déplaça très légèrement de sorte à poser son dos plus confortablement et attendit simplement en l’observant sans une seule expression. Lorsqu’enfin il le relâcha, il se releva et se mit à s’épousseter, sa maniaquerie compulsive piquée au vif. Il ne supportait pas qu’un seul plis de son uniforme soit de travers, et avec les derniers événements, il se sentait encore moins l’envie de tempérer de tels penchants et s’appliqua à se remettre impeccablement en place avant de répondre enfin. « Et moi non plus, Cynoë. Au cas où tu l’ignorerais encore, j’ai incarné la vérité des centaines d’années durant… » Il lui lança un regard sévère « Certaines choses ne meurent jamais, quelle que soit la force du venin qui tente de les effacer » La vérité, il y tenait plus qu’à toute autre chose. Ne pas en faire vœux le hérissait et ne pas l’entendre le répugnait assez profondément pour qu’il laisse les instincts naturels du vampire en lui parler. La vérité était un met qui se devait d’être respecté. Et il n’appréciait guère qu’on put le prendre pour un menteur, même si le dragon avait des circonstances atténuantes.

Un bon point de plus, cependant, avec son éclat, s’il y avait encore la moindre oreille à traîner, elle était partie. « Rien n’est impossible, tu le sais mieux que personne après avoir été témoin de la libération de Vraorg. Et ce que j’affirme ne l’est pas plus que son retour ou l’outrage fait à Néant » Un déchirement douloureux le parcourut sous l’effet de la marque, auquel il n’accorda aucune importance « Juste avant que mon frère n’attaque le Voleur de Cœur, il m’a parlé… » Et il lui détailla ce qu’il lui avait dit, au sujet de leur retour à lui et à Esmelda, et d’un départ dans les plaines de l’Est où ils pourraient les retrouver. Lui ne doutait pas vraiment, même si par raison, cela lui semblait impossible, il avait déjà l’expérience de choses impossibles devenues possibles… Et il croyait en son frère. Il voulait y croire dur comme fer, dur comme mithril et plus encore. Il y croyait dur comme l’immuable confiance de son totem en la personne qu’il aimait plus que tout le reste en ce bas monde. Alors il chassait les doutes. Et il espérait également qu’une semblable confiance pourrait emplir le dragon en deuil. « De plus, ta liée et mon frère sont des protégés de Mort. Si vraiment il était là, s’il a fait tout cela, alors sans doute qu’il avait un plan en tête. Pour retirer les marques de leurs âmes par exemple, et pour soutirer ta liée des griffes de son geôlier » Un Esprit se manifestant dans la Citadelle même, c’était bien trop louche pour ne pas avoir été soigneusement pensé…

« Elle reviendra, Cynoë. Je vais les faire revenir tous les deux. Ne veux-tu pas être là lorsqu’elle reviendra ? »

Il secoua la tête « Non, Cynoë. Ça ce sont des excuses de bipèdes, pour les folies et les faiblesses, les manquements des bipèdes. La vérité est parfaitement reconnaissable, la vérité est une chose pure et unique. Et lorsqu’on est familier d’elle, elle vous apparaît, quoi qu’il en soit » Il eut un léger tic méprisant « Et seul les imbéciles croient. La croyance est bonne pour la religion pas pour le reste. Défend-toi de croire, à moins que tu ne te tourne vers les Esprits ou Vraorg… Nous, nous n’avons pas besoin de croire et de croyance. Si tu en désire la preuve, utilise ton regard, sur moi, sur d’autres, ton regard de braise, tu comprendras alors ce dont je veux parler. La sensation de cet instant est plus sincère et plus juste que toutes les croyances » Il y avait des choses que les biais mortels ne changeaient pas… et si la majeure partie des hommes, des elfes et des vampires ne parvenaient pas à distinguer le vrai du faux, c’est qu’ils n’avaient aucune expérience de cette vérité. Quand on ne connaissait pas la pleine saveur d’un trésor unique, on ne pouvait guère la distinguer des autres. On en venait même à douter de l’existence de celui-ci puisque, souvent, l’on considérait ce que l’on n’avait pas expérimenté comme inexistant. Dans un monde comme celui de la théocratie, la vérité ne courrait pas les rues, mais quand elle était là, personne ne la remarquait parce que tous étaient persuadés que leurs interlocuteurs allaient leur mentir.

« C’est naturel. Elle est ta liée, jamais tu ne voudrais l’abandonner, ce serait comme te déchirer plus encore… Je connais ça également. Mais si tu doutes, accompagne-moi plus encore et tu goûteras la vérité de visu » Il était parfaitement déterminé et assuré là-dessus. Cela ne le dérangeait en rien qu’il ait encore des doutes, lui n’en avait pas et pouvait porter les siens. Dans une telle situation, dans la fraicheur de sa peine, dans le contexte de la domination de Vraorg, il ne pouvait pas en être autrement. Cette atmosphère délétère n’était pas prompte à l’espoir ou à la détermination si elle n’était pas faite pour aider l’abomination qui obligeait son corps à se scier de douleur en cet instant précis. « Si je te mens tu me tueras et tu te tueras ensuite car tu ne supporteras pas ta peine, mais je préfère mourir que de proférer un mensonge quel qu’il soit a une âme telle que la tienne, endeuillée et souffrante au-delà de ce que même le génie vil et cruel du Voleur de Cœur pourrait concevoir » Les menaces n’étaient guère nécessaires, il le savait déjà, ce qui se passerait, parce que c’était ‘ de bonne guerre ‘, c’était ce que l’on pouvait attendre de lui. Si cela également pouvait le conforter, alors soit. « Oui je le sais. Et je saurais préserver cette confiance » C’était aussi son intérêt.

Il vint poser une main sur ses écailles, la laissant peser là comme une caresse presque impalpable. Sa main était minuscule et semblait encore plus délicate contre les écailles violettes. Un silence s’installa un moment, avant qu’il ne répondre de nouveau. « J’aurais certainement besoin de ton concours pour le rituel qui rappellera ta liée et mon frère. Mais pour le moment nous devons parvenir à te détourner pleinement de ta peine et de ta souffrance. Elle ne se dissipera pas, mais tu dois absolument apprendre à l’ignorer et à résister à son appel. L’apathie te tuera aussi sûrement qu’une arme » Il soupira doucement « Je vais t’enseigner comment faire, mais comprend que c’est ta seule volonté qui te permettra de survivre. Cependant tu as maintenant une bonne source de détermination sur laquelle t’appuyer : ta liée reviendra. Moi, ce qui m’a permis de survivre, c’est un souvenir qu’Edwyn m’a offert, du futur de Shaynar dans les terres sauvages, pour que je sache à tout jamais ce que le sacrifice de notre lien avait permis… Et je vais te donner une seconde source de force, même si moindre : je sais comment nous pouvons préserver le corps de ta liée »

Il cligna doucement des yeux puis confia à voix basse « Nous allons utiliser la magie elfique pour le glacer, ainsi, il ne lui arrivera rien »

Et bien... au moins n’était-il nullement l’un de ces dragons qui se pensaient au-dessus de tout et de tous, parfait et dotés de la vérité universelle et de toutes les connaissances de ce monde. Voilà qui l’emplissait d’aise. Les dragons n’étaient pas des déités ou des esprits, à ses yeux. Ils étaient des créatures comme les autres, avec leurs défauts, leurs qualités, leurs ignorances et leurs expériences. C’était cela qui en faisait des parts intégrantes du monde. C’était cela qui faisait qu’ils existaient encore également, sans nul doute. Jamais il n’avait réussi à comprendre pourquoi ces bêtes, du moins la majorité, s’ingéniaient à se croire au-dessus des bipèdes simplement parce qu’ils volaient et crachaient du feu. Et il ne comprenait pas non plus pourquoi on pouvait les trouver fascinants à de tels égards. Il y avait des choses, des façons chez eux, bien plus fascinantes que leur égo surdimensionné. Cet individu le prouvait assez, d’ailleurs. Il se colorait de bien des nuances, et d’intéressantes nuances, des nuances qui ouvraient des horizons entiers de considérations. Comment qui que ce soit pouvait bien s’aveugler face à cela pour n’adorer qu’une fausse image de perfection ? Car elle était fausse évidemment. La perfection n’existait pas, et si elle existait jamais, alors elle serait bien triste, bien terne…

Hochant la tête, il répondit donc : « Bien sûr ». Refuser maintenant aurait été bien idiot après tout, plus encore quand il faisait l’effort de s’avancer. De même qu’il le remercia pour son acceptation. L’aide qu’il pourrait apporter serait sans aucun doute la bienvenue. Assuré qu’à présent, il emprunterait la bonne route, il ne lui restait ‘plus qu’à’ l’aider en ce sens… Ce ne serait pas une chose simple, et ce fut exactement ce qu’il le lui dit. Puis, il s’installa de nouveau par terre, mais cette fois de son propre grès, nettement à genoux, avec cette raideur qui ne le quittait jamais mais s’accentuait plus encore en l’instant. « Comment perçois-tu ce manque ? Arrives-tu à le visualiser ? Comme un gouffre, près duquel tu marches, tu vacilles et tu sembles t’en rapprocher, tu manques tomber, de plus en plus, le vide t’attire… il faut s’en éloigner, se détourner de ce gouffre. La façon de faire est à la fois simple, logique, et pourtant terriblement compliquée. Ce que tu dois faire, c’est tout simplement te laisser pénétrer par la douleur, ne pas la refuser, mais ne pas t’attarder sur elle… pour chaque vague de douleur, il faut te détourner de ce gouffre, te tourner vers chaque souvenir de Esmelda. Rappel toi d’elle, de vos voles, de son odeur, de sa voix, échine toi à conserver et sublimer tout cela »

C’était difficile à expliquer. Car même si de prime abord il pensait le faire déjà, il s’agissait avant tout de le faire plus profondément, plus viscéralement encore… « Tu dois parvenir à vivre ces souvenirs avec chaque fibre de ton être, avec toute ton âme. Cela peut te sembler impossible, et ça l’est en essence, mais il s’agit d’essayer de remplir ce gouffre de tout ce que tu possèdes d’elle, de la faire continuer de vivre à travers toi » Il continuait de l’observer « Une fois cette première phase mise en place, il faut que tu arrives à reprendre ta vie, à la poursuivre aussi normalement que tu le peux jusqu’à la retrouver. Chaque fois que tu sens la douleur se faire intense, si intense que tu pourrais te plier en deux, rouler en boule, que tu t’en sens brisé et rompu, il faut que tu avances, que tu fasse quelque chose, quoi que ce soit, mais tu dois agir et ne surtout pas céder… si tu cèdes, tu ne te relèvera plus »

Rude, oui. C’était un très bon mot pour l’exprimer. Il avait parfaitement saisit la complexité de ce qu’il lui demandait… et si une certaine forme de compassion aurait voulu qu’il lui souhaita plus d’aisance, il ne pouvait néanmoins que l’encourager à faire face à cette difficulté avec la même constance qui caractérisait l’amour qu’il portait à sa liée. Lui affirmer qu’il ne lui faudrait pas chaque once de force qu’il lui restait pour parvenir à survivre serait une bien mauvaise façon de lui venir en aide. « Oui, le plus difficile… et non le moins coûteux » Cynoë le savait certainement déjà, mais parfois, il fallait dire certaines choses à voix haute pour les ancrer plus encore dans la réalité. Et c’était sans doute d’autant plus le cas que le dragon d’Améthyste devait certainement avoir du mal à distinguer encore le concret de l’irréel de sa douleur. Silencieux pourtant après une telle condamnation, il l’observait, le laissant avant tout rassembler sa volonté. Impossible de savoir exactement ce que faisait et pensait Cynoë en l’instant, mais s’il réagissait pour moitié comme lui, alors il essayait de se relever et forçait par là même son respect une nouvelle fois. Ainsi, lorsqu’il s’exprima de nouveau, le jeune vampire inclina légèrement la tête, chose qu’il ne faisait jamais de son plein grès. Une telle résolution était terrible à prendre, il ne pouvait pas faire autrement que la saluer.

« Oui, un peu de temps. Je le comprends » Il n’en doutait pas. Il fallait du temps oui, avant d’en être vraiment capable. Cynoë avait pourtant déjà franchis, en ces instants, plus que lui-même en plusieurs semaines. « Pas à pas » souffla-t-il doucement, en écho, saisit une nouvelle fois par la douleur de sa propre âme ravagée. Instinctivement, il laissa son esprit dériver vers l’image offerte dans son ancienne vie, celle de Shaynar et de sa nouvelle famille, débordante de vie, de joie, de lumière, sur une terre vierge et belle… une image utopique pour lui. Il souffrait même après sa transformation, de ne plus le voir. Mais il était vivant et heureux, c’était tout ce qu’il pouvait espérer, tout ce qu’il avait pu lui offrir… Et pour lui aussi, il devait empêcher Vraorg de parvenir à ses fins. Oui, vaincre Vraorg. Il se secoua, s’obligea à s’arracher à cette morbide contemplation, et se concentra sur son ‘patient’. Cynoë avait la bonne démarche et lui prouvait qu’au final, il avait bien fait de se forcer à l’aider. Autant se montrer à la hauteur lui-aussi…. Il ne pouvait pas se permettre de montrer plus de faiblesse alors que le dragon avait besoin d’un soutient.

Etrangement, la situation et la douleur de l’Améthyste le rapportèrent à penser à Néant. Elle n’avait pas perdue son âme, mais son cœur… qu’est-ce que cela pouvait avoir été ? Il avait vaguement l’impression de le toucher du doigt, comme si quelqu’un, par le passé, le lui avait signifié. Mais le souvenir lui échappait totalement et le laissait avec cette singulière interrogation. Et Néant ? Avait-elle eut aussi mal, elle ? S’était-elle laissée glisser vers la folie et la mort sans pouvoir l’atteindre car éternelle ? Si c’était le cas, elle était encore plus à plaindre. Les mortels trouvaient du réconfort dans la Mort après tout… mais elle ne le pouvait pas. Il n’eut cependant pas l’occasion d’en penser davantage que le dragon reprenait la parole, attirant son attention et il se montra légèrement surpris avant d’esquisser l’ombre d’un sourire « Mieux encore, c’est moi qui vais cuisiner » Il n’avait pas fait ça depuis… et bien sa vampirisation, mais on lui avait dit qu’il était doué pour cela. Se relevant, il lissa les pans de sa tunique. « Veux-tu m’accompagner ? Sinon nous pouvons poursuivre mentalement, le temps que je prépare de quoi satisfaire ton corps »

Cela lui venait naturellement, un peu comme un déjà vu. Mais un déjà vu positif. Il attendit d’avoir la réponse avant de rejoindre les cuisines…

HRP : Comme je savais pas si tu suivrais j'ai arrêté là, mais je peux continuer en fonction^^ comme tu veux