Norwen se levait, son corps nu imbibé de sang. Une vêtement âcre et poisseux qui lui allait à merveille selon elle. La plus belle façon de l'habiller. La vampire attrapa ses vêtements posés négligemment sur une malle en bois. Se rhabillant sans le moindre regard pour le corps nu étendu dans les draps blancs immaculés de rouge, Norwen finit d'accrocher sa dague à sa ceinture en la nouant fermement et sortit. Son travail était fini. La chasseuse de tête en avait fait tomber une de plus. Qui il était, elle le savait vaguement et s'en moquait pour tout dire. Cette proie devait se taire et c'est qu'elle fit avec application. Un ordre direct ou indirect de Vraorg qu'importe, Norwen le faisait. Même si elle rechignait à recevoir des ordres, il fallait avouer que ceux-ci avaient une conclusion qui lui faisait continuer sans rechigner, et dont elle se délectait avec avidité.

Vroarg, dragon, menait tout son petit monde à la baguette. Dont elle. Était-elle contente de son sort ? Elle s'en sortait bien mieux que d'autres. Dommage que ce nouvel ordre soit simplement diriger par un dragon. Rien que cela lui irisait les poils. Mais il fallait l'avouer il avait eu l'intelligence de manier avec tact l'esprit vampirique et en faire la race qui prédominait. De quoi calmer les ardeurs revanchardes de la vampire. Norwen se satisfaisait donc de sa vie : elle pouvait tuer à volonté, et tenter de nuire au possible les plus faibles. Que demander de plus. Pour le moment : rien. Par la suite sûrement bien plus, comme cesser de se faire diriger par un dragon, mais tant qu'il ne venait pas mettre des bâtons dans les roues de ces petites affaires cela lui allait. Rien que pour le plaisir de voir Lorenz Wintel, plus prince et diriger par un écaillé, larbin de sa garde, plus maître de ses vampires et de son empire, lui donnait la satisfaction de l'erreur monumental qu'il avait dû faire à un moment. Et toc !

La vampire rentra dans sa modeste masure dans un des quartiers proches du palais. Bien loin d'elle l'envie d'y vivre, côtoyer ses lèches botte en puissance, très peu pour elle. De toute façon, elle ne restait jamais bien longtemps en place, elle avait bien trop à faire et surtout, elle restait nomade, et la chasseuse préférait aller vivre en dehors de la vie le reste du temps, quand ses affaires se faisaient plus calmes. Ce qui était rares, Norwen était toujours sur le qui-vive, elle aimait ça, rendre justice d'une certaine façon. La sienne. Elle suivait bien souvent celle de Vraorg, enfin le plus important était le point final. La mort de son adversaire. Elle se moquait de ce qu'il avait fait ou ferait, elle ce qui lui plaisait c'était la traque et comment le faire taire. Norwen cherchait parfois à être imaginative. Pas toujours un simple coup de dague fatale. Il fallait parfois faire preuve de finesse et de trouvailles pour ne pas sombrer dans une routine morne.

Et en cette douce journée, la routine n'était pas de mise. A peine chez elle, le temps de couler de l'eau dans un des bacs présents dans la maison qu'elle s'était annexée après avoir tué son ancien propriétaire, Norwen dût repartir. L'eau nettoyait sa peau blanche quand un envoyé du haut juge, Messire Firion, l'elfe devenu aussi coriace qu'un vampire, vint frapper à sa porte. On avait de nouveau besoin d'elle. Le temps de se sécher et se rhabiller et la voilà à suivre le jeune humain, pas très fier de la mener au palais. Pas un mot quand ils arrivèrent au cœur de la justice de cet empire. Pas plus en déambulant dans les couloirs. Seuls leurs pas résonnaient et les accompagnaient. Le messager la fit entrer dans une petite antichambre et lui demanda d'attendre. Ce qu'elle fit un instant avant de voir le haut juge entré. Toujours aussi expressif, et à l'allure impeccable, tiré à quatre épingles.

« -Messire ? Vous désiriez me voir ? Je suis là pour vous. En quoi puis-je vous aider ? »

Le ton mielleux, un brin ironique, elle lui fit un salut elfique avec un sourire forcé.

Ullylan. Cette fameuse vampire qu'on lui avait tant recommandée comme chasseuse de tête quand il s'était enquis du meilleur élément de cette caste. Une vampire, lui avait-on dit, qui avait été anciennement Générale de l'armée du Prince Noir, quand ce dernier pouvait encore se targuer du titre pompeux de Prince des vampires. Ni plus ni moins. Elle avait été lors de l'aube rouge capturée par Achroma Seithvelj, avant d'avoir pu fuir avec son prince. On la disait fort liée, à cette époque, à ce dernier et pourtant Wintel n'avait semble-t-il pas fait grand chose pour l'extirper des crocs acérés du millénaire. Bref, une sombre histoire entre vampires.

Ce qu'il en avait retenu, lui, c'est que le retour de la vampiresse auprès de son bien aimé prince n'avait pas été des plus calmes et que dissension semblait sévir entre eux deux. Certaines rumeurs, certains oisillons chuchotant, lui avaient été soufflées à l'oreille, comme quoi Ullylan nourrirait force rancoeur envers Wintel car il l'aurait rejetée... et ce, pas seulement en tant que Générale. Mais... et bien de façon apparemment plus privée.

Oh ne vous y trompez pas, peu devaient savoir effectivement tout cela. Mais Firion aimait disséminer des oiseaux un peu partout, pour mieux se tenir au courant de toute rumeur pouvant lui être utile, et surtout pour se renseigner avec rigueur sur quiconque était amené à coopérer avec lui. Il n'avait que faire des affaires privées, de coeur ou de guerre, des vampires. Mais quand celles-ci pouvaient lui être utiles ou du moins tourner en sa faveur... Il fallait ensuite savoir attraper l'arme au bon moment par sa poignée, avant que le fer n'ait refroidi, et tourner sa lame dans les flammes pour la forger ensuite comme on le souhaitait.

Oui, tout cela pouvait lui être utile, en effet. Il avait besoin d'une arme, lui qui ne savait en manier. Et il avait besoin d'une chasseresse aussi. Il espérait bien faire d'une pierre deux coups, tester la chasseresse lors d'une mission et si elle lui convenait tenter d'en faire son arme. Consentante ou non, consciente de l'être ou non. Tout dépendrait d'elle aussi...

Pourquoi l'avait-il choisie elle parmi tant d'autres ? Il aurait eu tendance à vous répondre parce qu'il n'avait pas eu le choix, ou si peu. Mais ce serait mentir. Des chasseurs de tête, il y en avait un certain nombre, notamment à Gloria. Essentiellement vampires ou humains. Des elfes demandez-vous ? Non, oublions les elfes dans cette caste, non... Quant aux humains... Il n'avait nulle confiance en leur cupidité, leur avidité, et tous ceux sur lesquels il avait fait enquêter semblaient n'être qu'un ramassis d'anciens malandrins prêts à vous égorger en pleine nuit. Non, pas les humains.

Lui restait alors les vampires. Les vampires me direz-vous ne semblent guère mieux... Certes. En un sens. Mais au moins, avait-il appris lors de ces trois longues années, vous saviez souvent à quoi vous en tenir avec les vampires. La plupart du moins, il ne parlait pas de millénaires tels Seithvelj ou d'ancestraux tels Wintel. Ceux-là aussi, mieux fallait s'en méfier, bien trop intelligents, bien trop retors par certains aspects. Non, il parlait des vampires, osons le dire, de plus basse extraction. De vampires plus sauvages, plus abruptes. Mais plus directs, plus faciles à comprendre quelque part : sang, sang et encore sang, voilà tout ce à quoi ils pensaient le plus souvent.

Mais il ne voulait pas de vampires trop attachés à quelque camp vampirique que ce soit, que ce soit les quelques rares pro Seithvelj, les un peu moins rares pro Wallam, ou que ce soit les pro Wintel. Non, il voulait un chasseur de tête vampire non affilié à quelque autre tête pensante que ce soit. Ullylan faisait partie de ceux-là. Mieux même, elle avait de quoi en vouloir à Seithvelj et nourrissait visiblement quelques graves griefs contre Wintel. Elle n'avait semblé nullement liée à Wallam pour autant. La vampire presque parfaite, en tout cas l'unique correspondant à tous ces critères dans le lot qu'il avait à portée de mains.

Presque oui. Presque... On lui avait également rapporté qu'Ullylan était vorace, avide, de sang et de violence. Non pas forcément de sang pour le boire, mais simplement pour le voir couler. Chasseresse dans toute sa splendeur... et dans tous ses travers.

Mais de tous, elle était la seule qui, éventuellement, pourrait lui convenir. A voir s'il lui conviendrait aussi...

D'un coup d'oeil déjà, alors qu'il entrait d'un pas calme et altier dans l'antichambre où elle l'attendait, il jaugea son potentiel outil convenable. Fauve enjôleur sachant sourire à sa proie pour mieux la mordre quand elle aurait le dos tourner. Fauve sachant amadouer sa cible le temps qu'il fallait pour mieux ensuite l'attaquer... Mmh, oui parfaite petite chasseresse, en effet.

« -Messire ? Vous désiriez me voir ? Je suis là pour vous. En quoi puis-je vous aider ? »

Un fin sourire s'esquissa sur les lèvres pâles du vieil elfe.

Une chasseresse qui savait ne pas être totalement dénuée de quelconque courtoisie. Même si courtoisie de parade. Une courtoisie toute ironique, acerbe et cynique, mais... Oui, elle pouvait lui plaire.

- En effet. Nous avons besoin des talents d'un chasseur de tête.

Inutile de tourner autour du pot avec elle, lui semblait-il. Il était Haut Juge, elle était chasseresse, il était elfe, elle était vampire. Si ce n'était pour un quelconque travail, ils n'avaient aucune raison de se côtoyer. Et elle semblait assez intelligente pour pouvoir le lui rétorquer, s'il s'avisait de la faire s'impatienter.

- Mais si vous le voulez bien, prenons donc un siège, fit-il d'une voix posée, tout en désignant les chaises matelassées et la petite table ronde devant eux. Nous serons plus confortables pour vous expliquer la mission que nous aurions à vous confier éventuellement.

Pour tout avouer, il ne se sentait pas la force de tenir toute la conversation debout. Il n'allait bien entendu pas l'émettre à haute voix. Mais son grand âge pour un elfe, et sa frêle carrure, les rares rides qui commençaient aussi à s'esquisser, devaient bien assez le crier pour lui. Même s'il savait que la prestance qu'il dégageait et tout l'apparat dont il s'entourait pouvaient le cacher assez aisément. Et quand bien même il n'était pas si faible que son physique le faisait croire. Faible de corps certes, mais loin d'être faible d'esprit. Après tout, ils étaient dans une société qui ne laissait aucune place aux faibles, encore moins une place si haut placée que celle qu'il occupait.

Se disant, il prit place lui-même sans attendre qu'elle le rejoigne. Et plaça ses mains bien en évidence. Ses aiguilles prêtes à sortir au moindre geste inopportun de la part de la jeune vampire. Il doutait qu'elle en vienne à de telles folies... mais savait-on jamais. On n'était jamais trop prudent, surtout dans ce sombre palais.

- Comme je vous le disais, reprit-il aussitôt installé, nous avons besoin d'un chasseur de tête pour une mission un peu particulière. Une mission qui requiert certains talents de traque, même s'il ne s'agira nullement de traquer quelconque Protégé. Et en la matière, on nous a souvent vanté vos impressionnantes performances.


[HJ : j'espère que ca t'ira, sinon n'hésite pas ^^ par contre si nous sommes dans les appartements de Firion, il m'avait été dit qu'il était dans des appartements de la Cour et non de la suite impériale^^]

Servir un elfe, oui c'était tombé bien bas au regard de Norwen. Le fond du trou. Mais la vampire était à la fois curieuse et joueuse. Qui ? Pourquoi ? Deux questions qui lui tournaient en tête. Et puis, il fallait bien qu'elle trouve quoi faire. Traîner dans les bas fonds pour soulager des pauvres bougres des maux de leur vie pitoyable allait un temps. Mais c'était lassant au final.

« -Eh bien vous avez la personne qu'il faut devant vous messire. »

Et c'était vrai, sans aucune fausse modestie. Elle était douée. Très. Car la vampire y prenait un plaisir malsain. Un jeu. Tout ceci n'était que cela pour elle. Un amusement perpétuel. Le défi était de ne pas savoir si serait sa prochaine proie et de laisser d'autres décider pour elle. Cela rendait parfois ce jeu un peu plus difficile, mais c'était là tout l'enjeu. Du piquant, de l'inconnu, de quoi donner un peu de mordant dans cette nouvelle vie et oublier celui qui se faisait passer pour le maître suprême. Il fallait bien trouver des compensations à ce malheur. Et Norwen en avait trouvé.
C'est donc sans aucune fausse modestie qu'elle lui déclara.

« -Vous avez de bons informateurs. Traquer est ma nature première. Mais si je comprends bien, vous le désirez respirant et obtenir simplement des informations ? Pas froid étendu dans un bain de sang ?»

La chasseuse de tête suivit du regard le haut juge elfique avant de le suivre et de s’asseoir en face de son nouvel employeur. Face à lui, Norwen détailla d'un sombre regard l'elfe vendu. Comment une pareille créature avait pu se glisser aussi haut dans le nouvel ordre où les vampires dominaient. Et où les elfes, du moins le peu qui restait, étaient à leur place, au bas de l'échelle à ramasser les déchets des grands de ce monde. Et en voir un, aussi haut placé. Haut juge rien que ça. Une place envié, par de nombreuses personnes. Un poste des plus gradés mais surtout une main pouvant déplacer des pions sur ce vaste échiquier politique. Et pour preuve, sa demande de surveiller un théocrate. Oui, Norwen le ferait, c'était son job, et elle l'aimait. L'ancienne générale le ferait sans poser trop de questions, tout ce qui comptait c'était le rendu final. Mais qu'un elfe veuille des informations sur un de leur camps. Peut être une simple coïncidence, peut être simplement un détail, mais Norwen ne pouvait que se méfier de l'insuffisance de l'elfe face à elle. Et si cette plante verte n'était qu'un espion a service du protectorat. Après tout les siens étaient réduits en esclavage ici. Ou alors c'était un bel opportuniste. Et dans ce cas, Norwen avait face à elle un des pires profiteurs de guerre. De la part d'un elfe, rien ne l'étonnait en même temps.

D'une voix douce, son grand regard clair posé sur la peau blanche de l'elfe, Norwen demanda comme si elle parlait de la pluie et du beau temps, d'un sujet banal, qui n'avait en rien à voir avec la vie ou la mort d'une personne. Croisant ses jambes, laissant quelque surface de sa jambe nue apparaître.

« -Qui dois-je traquer ? Un théocrate. Soit ! Sachez que je me moque du pourquoi et de qui en tant que personne. Je veux juste avoir les moyens de le faire. Mais je ne pense pas que se soit un problème Monsieur le Haut-juge ?»

Il avait les moyens de bien rémunérer cette nouvelle affaire. Et bien et Norwen ne se priverait pas. Non pas que l'argent soit le moteur de son existence, bien loin de là. La vampire vivait sommairement et se moquait des richesses et du luxe. Mais elle aimait voir ceux qui en avait s'en défaire avec tristesse. Car cupide ou avare pour beaucoup, se séparer de quelques pièces étaient parfois un véritable crève cœur. Idiots. L'argent n'apportait que des ennuis.

« -Quelles sont les informations sur cette future victime ? »

Le minimum. Le pourquoi, ce n'était pas son affaire. Une personne de plus ou de moins dans ce monde c'était bien là le cadet de ses soucis. Du moment, qu'elle pouvait s'amuser avec. Mais l'homme face à elle devait bien avoir quelques détails croustillants afin qu'elle puisse parvenir à leurs fins, maintenant qu'ils étaient complices.

Oui elle comprenait bien, parfaitement bien. Notant ainsi la vivacité d'esprit de la vampiresse, Firion se cala un peu mieux dans son fauteuil, tout en observant son interlocutrice avec un certain contentement. Quand bien même ledit contentement ne dut se voir qu'à un fin, très fin, sourire qui s'esquissait à peine sur ses traits pâles, et à la lueur vivement intéressée qui tentait de réchauffer les orbes polaires de ses yeux.

Un regard qui détailla un court instant la fine silhouette lui faisant face, totalement insensible aux charmes ravageurs qu'elle pouvait avoir : cette peau pâle, ces cheveux de jais, ces yeux de pur saphir... Oui, la vampiresse était jolie, belle même en un certain sens, pour qui aimait le mordant. Mais Firion, tout elfe mâle qu'il était, avait toujours été que peu sensible à ce genre d'attraits, et plus le temps avançait de son inexorable sceau, moins il l'était encore. Il nota toutefois dans un coin de son esprit ces potentielles nouvelles.. compétences... qu'il observait là. Joueuse, taquine... et possiblement aguicheuse. Capable en un sens de séduire ses proies, si la mission l'exigeait. Si tant est qu'elle sache maitriser sa fougue, sa verve et sa soif du sang.

Bien, bien, voilà qui lui seyait, songea Firion, alors que les derniers mots de Ullylan résonnaient dans l'air.

- Un théocrate en effet, répondit le vieil elfe d'une voix calme et nonchalante. Oui, vous aurez les moyens, assurément. Et vous aurez tous les détails nécessaires. Je préfère toutefois vous préciser plusieurs points avant que je ne vous révèle justement tout cela.

Il marqua un court temps d'arrêt, avant de finalement se décider. Il avait d'abord envisager de l'engager pour traquer l'assassin du courtisan qui avait été retrouvé mort dans son bureau. Et son commanditaire, cela allait de soi. Mais il songeait également à lui confier une autre mission... liée en un sens. Même si peut-être indirectement. Surveiller ce fameux théocrate qui avait été retrouvé dans son bureau de façon fort inopportune en présence dudit cadavre... Même s'il s'était avéré lors de son rapide procès qu'il n'était pas le meurtrier... Firion souhaitait s'assurer qu'il n'était en rien impliqué.

- La mission que je souhaite vous confier n'est en fait pas une mais deux. Voire trois, selon la façon dont vous voyez les choses.

De nouveau un fin sourire amusé. Oh, oui, il s'amusait soudain comme en ce vieux temps qui lui manquait tant.

- Ces missions, comme vous l'avez deviné, requièrent qu'aucun meurtre ni bain de sang ne soit commis. Cela est certes peut-être un peu différent de vos attributions habituelles, au vu des missions que l'on vous a précédemment confiées. Mais je trouve que vous cantonner aux meurtres et autres abattages en bonne et due forme serait gâcher vos possibles talents. Même si je ne doute pas que vous aimez cela... le sang...

Posant tranquillement ses deux bras sur les accoudoirs des sièges, il se pencha très légèrement en avant, ses orbes pâles transperçant de leur farouche inquisition la vampiresse en face de lui.

- Non, ce que je pense vous confier s'apparente davantage à des missions d'inquisition.

Il espérait qu'elle ne lui demanderait pas pourquoi il n'engageait pas un Inquisiteur alors. Même si jusque-là on n'avait peut-être pas fait appel à elle pour ce genre de missions, elle devait bien savoir que les chasseurs de tête exerçaient aussi cela au sein de Gloria, les Inquisiteurs étant plutôt missionnés au dehors, tels les représentants de la haute justice vraorghienne...

- Des missions d'enquêtes, de recherche d'informations... de traque oui, mais de traque en souterrain, de traque en toute discrétion sans que l'on ne vous repère, sans que le traqueur ne devienne traqué.

Qu'elle comprenne aussi les risques de telles missions. Car si le traqué se savait traqué, sachant qu'il n'avait aucunement hésité à assassiner quelconque courtisan dans le bureau d'un Haut Juge, il était fort à parier qu'il ferait tout pour retourner la situation et devenir traqueur à son tour... traquant son traqueur et le commanditaire de ce dernier....

- Des missions de traque d'informations et de... responsables de certains faits... ainsi que de surveillance d'un autre théocrate en particulier.

Se reposant à nouveau bien droit dans son siège, il observa longuement la jeune chasseresse, et l'étudia éhontément.

- Si ces termes vous conviennent, si ce genre de missions ne vous rebutent pas, je vous demanderai avant de commencer de sceller un pacte de confidentialité absolue sur ce qui suivra. Je précise, même si cela allait de soi, que ces missions seront très bien rémunérées, à leur juste valeur....

Et se disant, il laissa trainer les dernières syllabes, attendant sagement sa décision.

Norwen détaillait rapidement le luxe dans lequel vivait le haut juge. Bureau certes pas ostentatoire mais des plus richement parés. Non, ce n'était pas pour la vampire. Elle préférait sa petit demeure simple. Pour le temps qu'elle y passait. Puis surtout, sa demeure était le fruit de l'expropriation de son propriétaire par ses soins. Une bien belle histoire.

« -En effet, cela est bien loin de mes attributions habituelles. Cependant, il n'y a rien de pire que la routine, et je suis là pour servir la théocratie et ses hauts dirigeants. Alors pourquoi refuser. »

Un brin hypocrite et sournoise quand à son service auprès des grands de ce monde, mais une réalité à laquelle, Norwen s'était faite pour l'heure. L'ancienne générale haussa un sourcil, avant de reprendre parole, en faisant une courbette du haut de son corps. Un brin exagéré.

« -Mais merci de vos compliments que je sais sincère. Et en effet, en tant que vampire vous dire le contraire serait un mensonge éhonté tout autant qu'absurde. Le sang est notre oxygène propre. »

Mais l'allégation de l'elfe concernant son avidité pour le sang ne devait être que pure rhétorique rien de plus. Tout comme ses compliments n'étant pas une façon de lui passer de la pommade pour qu'elle accepte ce travail, non, un fait réel.

« -C'est un autre genre de traque qui peut se révéler tout aussi intéressante et passionnante. Et vous n'êtes pas sans savoir et connaître mon ancien rôle dans l'armée vampirique. Éclaireuse avant d'être générale. La discrétion est ma première nature. »

Et même si la chauve-souris l'avait laissée pour laisser place à la mante, Norwen avait gardé ses connaissances et ses réflexes de chasseuses d'indices. Un jeu, tout était prétexte à dans ce monde qui tournait enfin de façon à qu'elle puisse s'amuser un peu plus et non pas seulement à attendre quelque chose de promis et qui n'est jamais venu. L'essor du peuple vampirique, Vraorg malgré tout avait quand même fait bien plus en cinq années que Lorenz, son ancien prince en quelques décennies. Et toc ! Encore quelque chose qui devait le faire rager.
Norwen de son regard doux minauda faussement en croisant ses jambes, curieuse elle ne put que s'interroger.

« -Des soupçons ? Un théocrate ? Bien. Dites moi en plus, en tout cas vous avez mon silence, je suis chasseuse de prime pas cruche au sein de la cour. Et je vous fais confiance quand à la rémunération. Un homme de votre position. »

Il n'allait pas lésiner sur les moyens s'il désirait que son enquête soit mené à bien. Norwen n'en doutait pas et ne s'inquiétait pas sur ce sujet. Outre le fait que le haut juge devait aussi défendre un service de qualité et de confiance pour la suite, aussi bien avec elle qu'avec d'autres chasseurs de têtes. Car même s'il n'était pas rare de les voir se tirer dans les pattes aussi bien au sens littéral que réel du terme, les chasseurs pouvaient aussi s'unir pour lutter contre un de ceux qui les prenait pour des simples pions. Certes ils l'étaient, mais ils menaient aussi le jeu.
Mais ce n'était pas cela qui inquiétait ou tout du moins qui interrogeait la vampire. Qui ? Qui donc pouvait ainsi attirer son attention sur lui de la part du haut juge ? Il fallait dire que la plupart des contestataires avaient été matés, et un certain nombre par elle. Il restait des espions, mais ils étaient aussi doués qu'elle adepte du sang pour être encore debout aussi près des griffes de Vraorg. Des profiteurs, mais Norwen n'allait pas devoir suivre plus de la moitié si ce n'est la totalité de la cours. Non, il y avait de quoi attiré son attention et vouloir prendre cette mission avec un sérieux digne de sa lame. Même si pour cette fois, elle devrait rester à sa ceinture. Qu'importe, il était de bon ton aussi de changer un peu de registre. Et Norwen allait prendre un malin plaisir à jouer les douces espionnes un temps. Et puis si le soupçonné se révélait coupable, sa lame aurait sûrement de quoi se nourrir.

Bien. Tout semblait donc lui convenir, et à lui aussi. Il aurait certes préféré sceller tout cela par autre chose qu'un simple serment oral, mais à l'heure actuelle, dans cette fameuse Théocratie, il n'y avait aucun moyen en sa possession pour se faire. Pas de baptistrel dans les parages pour tenir lieu d'assesseur de serment, pas de magie qu'il serait assez puissant à lancer pour les lier tous d'eux d'un serment, pas de quelconque artefact, pas même au marché noir, pour les y contraindre l'un ou l'autre ou les deux. Il devait se contenter de ces paroles, si volatiles, si versatiles même... et de son totem qui pouvait quelque peu influer.

Quelque peu... seulement. Si peu en fait en l'occurrence. Même s'il avait pu la soumettre, la contraindre, par sa voix de moineau à effectivement se résoudre à tel serment... une fois or de son influence elle serait bien capable de s'en affranchir. Pire même la forcer ainsi à prêter quelque serment pourrait la pousser ensuite, une fois de nouveau maître de sa volonté, à reprendre une totale liberté, à se venger et à le trahir.

Non, aucun moyen en sa possession donc pour l'obliger à pareil serment. Pas même son moineau, qui pourrait bien se retourner contre lui ensuite. Mieux valait donc parier, même si en telle affaire il n'aimait guère parier, sur un certain état d'esprit de la vampiresse. Elle était réputée, d'après ses informations, pour être du genre fidèle et fiable dans ses missions, tant au niveau compétences, qu'en niveau discrétion... Et sa fidélité... Elle l'avait maintes fois prouvée auprès du Prince Noir. Fidèle oui, donc, quand on ne la trahissait pas. Fidèle jusqu'alors, envers ses commanditaires. Et si ceux-ci lui restaient dès lors fidèles, a priori, selon cette personnalité étrange qui caractérisait la vampire devant lui, ce serment, ces paroles ainsi offertes, étaient sincérité réelle et pacte concluant.

Quand bien même le vieil elfe restait toujours des plus méfiants...

- Soit. Vous serez donc ma chasseuse.

Et voilà qui scellait ses engagements à lui.

- Encore une fois, silence total sur ce qui va suivre sera requis.

Même s'il connaissait nombre d'oreilles trainant toujours entre les murs et tout à fait capables de les écouter en cet instant précis. Mais ces oreilles-là, de celles qui étaient censées potentiellement les écouter, espionner, ou pire, connaissaient déjà ce qui allait suivre... Pour cette première entrevue ils pouvaient donc se contenter de ces quelques mesures. Plus tard... Oui, plus tard, assurément, il devra inventer d'autres moyens pour s'entretenir avec sa chasseuse et nouvelle informatrice. La rencontrer en des endroits plus discrets, moins sujets à espionnage, moins... plus... bref. En d'autres lieux, et par d'autres moyens.

Mais là n'était pas encore le moment. Que ses ennemis le voient enquêter et lancer une chasseuse sur eux. C'était là un comportement qu'on attendait de toute façon de lui. Il se devait donc de ne pas les décevoir et de le leur montrer pleinement, indûment...

Et quand le temps viendrait, sa chasseuse recevrait, après avoir fait ses preuves, d'autres informations. D'autres... instructions...

- Bien.

Il se cala alors dans son siège, le dos bien droit, faisant taire la douleur qui commençait déjà à le tirailler.

- Un sinistre incident a eu lieu il y a peu dans mes appartements. Mon bureau de travail plus précisément. Peut-être n'en avez-vous pas ouï dire, car nous avons tenté de garder cela... si ce n'est secret, du moins discret.

Secret... dans le palais de Vraorg, le Grand BLanc... Voilà bien un mot qui n'était plus que néant...

- Un meurtre a eu lieu dans ce bureau. Un cadavre, d'un certain courtisan, y a été trouvé, une nuit, en d'étranges circonstances. Vous en trouverez tous les détails ici-même.

Il tendit alors un parchemin à la vampiresse, le déposant sur la table entre eux et l'y poussant d'un doigt nonchalant.

- Je vous prierai de lire ce parchemin ici-même, d'en retenir les informations, et de le bruler ensuite dans l'âtre auprès de nous dès que vous aurez fini. Dans ce parchemin vous trouverez tout ce qui sera nécessaire à votre... vos... enquêtes. Nous voulons alors savoir qui a tué ce courtisan, pourquoi, qui était la cible réelle...

Bien qu'il s'en doutait quelque peu.

- Et surtout qui en est le commanditaire. Car, comme vous le constaterez vous-même, il nous apparait évident que le meurtrier n'est pas l'esprit ayant pensé toute cette forfanterie.

Il laissa quelque temps à la chasseuse d'assimiler et ses paroles et les écrits qui couraient sur le parchemin, délivrant tout de cet étrange incident. Le courtisan retrouvé mort dans son bureau, le ventre lacéré, poignardé, ensanglanté, le mot tracé sous lui, dans son propre sang, ce mot de Firion, étrange et déroutant, et surtout, surtout, la présence de ce fameux théocrate, de cet hérisson qui avait pénétré en son bureau, alors qu'il était déjà fracturé, et qui avait découvert le corps. Ce théocrate qu'on avait donc retrouvé ainsi, dans son bureau, sans y être invité, avec un mort devant lui... Un théocrate qui avait été innocenté du meurtre même, certes, mais... dont il voulait s'assurer de sa totale non implication dans cette macabre affaire.

- Il s'agirait là, reprit-il d'une voix calme et posée, qui masquait à la perfection la colère qui coulait en lui, de la première affaire. Ou des deux premières affaires, comme vous préférez. Mais... comme vous l'avez sans doute noté, outre cette affaire troublante, il reste un autre élément déroutant perturbateur, pour lequel nous n'avons pas non plus toutes les réponses... Ce fameux théocrate dont je vous parlais. Messire Crissolorio Ostiz. Qui est entré dans mon bureau sans autorisation aucune, sous prétexte d'une affaire privée à me présenter, et qui a été retrouvé alors devant le corps ensanglanté. Il semble ne pas mentir quand il prétend être innocent du meurtre, magie et hibou en attestent aussi.

Il était d'ailleurs retranscris tout le "procès" auquel le pauvre vieil homme avait eu droit.

- Mais... je préférerais m'assurer qu'il n'est en rien impliqué, d'une quelconque façon, dans toute cette lugubre affaire. Ce sera là votre troisième tâche.

Puis, sortant un autre parchemin de sous ses manches...

- Voilà, si vous acceptez ces missions, ce qui vous sera versé en rémunérations. En sus de tout faux frais que vous pourriez avoir à dépenser, bien entendu.

Le silence, oui eh bien si lui était du genre bavard sur ce qui pouvait se passer entre les murs de ce château, Norwen ne l'était pas. Elle se moquait bien de qui pouvait être le coupable de ce meurtre et le pourquoi. Elle ce qui l'intéressait c'était de jouer. De se jouer des autres, de voir de sang couler, la justice ce n'était pas son problème. Elle était une militaire, une ancienne éclaireuse, pas une poissonnière de marché. Mais soit si cela le rassurait. Ce ne serait pas elle qui le ferait plonger, du moins pas par les mots et les racontars. Une perte de temps, rien en valait mieux qu'une dague plantée dans le cœur.

« -A qui pourrais-je bien le dire ? Je ne m'encombre pas de ce genre d'échange futile et dénué de sens. Sachez-le. »

Et son dernier lien avait été brisé quelques années auparavant. Son seul lien. Maintenant, elle faisait cavalier seul. Et cela était bien mieux. Pas de déception. Elle était maîtresse de sa vie et de sa destinée. Plus personne pour penser à sa place et se fourvoyer dans un chemin boueux et engluer pour ce qui devait être la suprématie des leurs. Quand on voit ce que ça donne. Et puis la mante ne lui permettrait pas. Et c'était une chance. Enfin pour elle.

« -Les murs de ce palais son aussi épais que ce qui s'y passe dedans n'y reste que le temps d'une ouverture de portes. Les secrets y sortent bien souvent, dans un courant d'air et même s'ils ne sont que murmures deviennent vite sombre bruit. Mais je pense que vous avez cherché à y remédier. »

Tout comme leur entretien ne sera pas resté au silence bien longtemps. Enfin pour ce que ça pouvait inquiéter la vampire. Ce n'était pas elle qui avait le plus à perdre dans cette histoire.

« -Eh bien, vous faites aussi des visites nocturnes ? »

Un brin d'ironie. Mais cela prouvait une chose. Ce palais était un vrai panier de crabes où le complot pour faire tomber les uns et les autres dominaient chaque heure du jour et de la nuit. La chasseuse jeta d'un geste ample et désintéressé le papier qui se consuma très rapidement dans un feu indolent.

« Bien. Une affaire bien délicate et bien différente de mes fonctions. Non pas que cela me gêne, mais il me faudra des accès que je n'ai pas jusque là. Je me cantonne à sillonner le pays. Pas à profiter de la vie de luxe et trépidante du palais. »

Et Norwen en était bien contente, car le peu de temps où elle avait été au palais, quand Vraorg lui avait ordonné de venir le voir, rien ne lui avait donné envie de rester. Elle était nomade, pas un de ceux qui se cachent dans le palais, à se tourner les pouces et à faire semblant de diriger un faux semblant d'armée ou d'hommes.

« -Et je pense que je fais bien au vue de vos jeux bien étranges et de l'atmosphère qui y règne. Quoique, je vois là que cela fait ma richesse. »

Même si Norwen ne s'inquiétait pas de l'argent et de ce qu'il impliquait. Richesse, pouvoir, force et puissance. Pour quoi. Vivre dans des draps de soie ? Elle ne dort pas à quoi bon. Des robes ? Le peu qu'elle a lui suffit amplement, pas besoin de fanfreluches. Des bijoux, elle se sert sur ses victimes. Une demeure et ses atours, la chasseuse avait spolié l'homme qui se trouvait dans celle qui lui plaisait. Donc, non l'argent ne lui servait à rien. Mais cela l'amusait de s'en jouer, enfin surtout des avares qui y tiennent et laissent peu l'or glisser entre leurs doigts. Même si là, cela ne semblait pas être le cas du vénérable elfe, assis bien droit comme un cadavre rigide sur sa chaise.
Mais avant de se voir remettre un joli petit pactole, il y avait des détails. Anodins mais pas tant que ça. Après tout, une chasseuse de prime se promenant dans un palais, il y avait de quoi se poser des questions. Enfin, si un des courtisans se mettaient à réfléchir. Et cela pouvait arriver. Pragmatique avant tout Norwen demanda.

« -Très bien, et en qualité de quoi serai-je acceptée au palais ?Tous savent que je suis une chasseuse de prime, et même si l'idée de les voir s'inquiéter de savoir sur qui je pourrai me jeter, il me faut une raison pour ne pas faire mettre à la porte par le premier courtisan un peu frileux et couard. »

Et puis, elle n'aimerait pas non plus à devoir répondre sans cesse à des questions idiotes ou bien se faire enquiquiner par un soldat ou un des hommes de la garde sombre. Là, elle se laisserait aller au sang à couler.

Bien, voilà au moins une autre de ses qualités : savoir tenir sa langue et ne rien divulguer. Bien, oui, très bien même. C'était là, selon lui, une bien trop rare qualité. Les courtisans, mais également nombre d'artisans oeuvrant dans ce palais, étaient bien trop bavards à son goût. Et bien trop curieux aussi. Il trouva d'ailleurs l'image qu'elle lui donna du palais, de ses murs et de ses murmures incessants, des plus adaptées. Un fin sourire alors s'esquissa sur ses traits sévères, tandis qu'il répondit, d'une voix basse aux accents conspirateurs :

- Peut-on réellement se targuer de pouvoir contrer des courants d'air ? Non, j'en doute. J'en doute fort même.

Et sa voix se fit plus basse encore. Quand bien même il ne cherchait nullement à cacher ce qu'il allait dire. Après tout, ce qu'il s'apprêtait à "révéler" à la vampiresse n'était qu'un trait fort connu de son caractère et de ses capacités. Il n'était, après tout, pas Haut Juge pour rien.

- Mieux vaut encore tenter de les diriger, de les controler, de donner au vent des rumeurs la direction que vous préférez. L'air est bien trop impalpable pour tenter de le contenir, autant le laisser venter comme il le souhaite, en le laissant porter les murmures que vous souhaitez.

Ce qui signifiait, si elle avait l'esprit assez vif, et il n'en doutait pas, que le murmure qu'ils chantaient actuellement pouvaient être de ceux qu'il souhaitait laisser courir. Ou du moins qu'il ne voyait rien contre qu'il parte sur les vents des rumeurs...

- Pour le reste... Et bien pour le reste, mieux vaut encore aller piailler ailleurs, en d'autres murs, si l'on souhaite éviter les courants d'air de ceux qui laissent passer tout murmure...

Ou comment dire, que, plus tard, sans doute, ils se verraient ailleurs, en d'autres lieux. En un lieu qu'il choisirait lui, cela étant dit.

- Et oui, effectivement il vous faudra des accès. Vous les aurez, j'y veillerai. Vous serez acceptée en qualité de ma Chasseuse personnelle. Ma protectrice. Cela ne paraitra que bien normal que je renforce les mesures de sécurité, après ce qui s'est passé.

Et, finalement, cela n'était pas bien loin de la mission réelle qu'il lui avait confiée. Rumeur et vérité se rejoindraient et empêcheraient tout importun murmurant de savoir le vrai du faux, et de démêler les fils serrés de cet écheveau. Si la conversation présente était écoutée, ce dont il ne doutait guère, et était répétée, chantée en sombres rumeurs décousues, il n'y aurait là finalement rien de bien mensonger. Ni de totale vérité.

- La rumeur de cet assassinat et du corps trouvé a déjà bien couru.

Il y avait veillé.

- Il pourrait se poser la question de pourquoi vous et non un Sombre Garde... mais à cette question il suffira de répondre qu'étant en dehors des affaires du palais, vous êtes la seule à être hors de soupçon. Et par vos qualifications, la plus apte à cette mission.

Il sortit un dernier parchemin de sous son ample manche, et le décacheta. En vérifia d'un rapide coup d'oeil le contenu... sembla hésiter, la sonda d'un intense regard polaire, avant de finalement le lui tendre.

- Ceci devrait vous permettre de faire taire toutes les questions par trop indiscrètes et toutes les tentatives de vous arrêter dans vos investigations.

Un laisser-passer. Un laisser-passer tout ce qu'il y avait de plus officiel, lui laissant tout pouvoir de vaquer où elle le désirait, où elle le jugeait nécessaire dans ce palais.

- Par votre mission de protection, il ne semblera à personne anormal que vous erriez partout, dans mon sillage... et même au-delà. Que vous erriez vers mes appartements, vers les salles d'audience, et en tout lieu où je suis susceptible de me rendre. A savoir fort nombreux. Et pour tout autre lieu qui semblerait litigieux, ce laisser-passer devrait faire taire les inopportunes questions. A l'extrême rigueur, vous pourrez même répondre que je vous ai investi d'affaires magistrales en cours.

Ce qui n'était peut-être pas exclu, d'ailleurs, sous couvert bien entendu de renforcer ces prétextes à sa présence ici.

Il hésita encore un court instant, se doutant que l'idée qu'il allait proposer ne plairait nullement à la vampiresse, mais il se devait de la soulever.

- Pour parfaire à cette image de protectrice, il vous faudra avoir des appartements ici même. Que nous ferions aménagés rapidement pour vous. A mes frais.

Il doutait que les "hautes instances" acceptent cette idée s'il ne prenait pas lui-même tous les frais, tous les inconvénients, à sa charge. Mais cela lui importait peu, à vrai dire. Ce n'était pas, selon lui, des questions qui valaient la peine de s'inquiéter outre mesure.

- Libre à vous ensuite de les utiliser réellement ou non, bien entendu, s'empressa-t-il de rajouter.

Puis, reposant ses deux mains sur ses genoux, posément, il laissa un court instant ses orbes de glace caresser patiemment les traits lisses de la vampire.

- Avez-vous d'autres questions ? Avez-vous des objections quant à ces accords nous liant ?


[HJ : désolé pour le temps de réponse. A voir si cela te va, et si le prétexte trouvé te semble plausible et te convient aussi. ^^]

« -Tout dépend du courant d'air. J'ai une manière très efficace pour certains. Mais il semble qu'ici, je devrai me fondre dedans, n'est-ce pas ? Quitte à en devenir un moi même... »

Une lueur de folie passa dans ses grands yeux clairs. Elle partit aussi vite qu'elle fut venue. Car pour une fois, l'appel du sang devait être tut. Pour une seule fois. Même si ce nouveau jeu pouvait se révéler un bien joli défi à relever, Norwen ne voulait pas devenir une espionne de la cour. Et encore moins à la botte d'un elfe, qui avait peur pour sa sécurité ou bien pour ses petits secrets. Qu'importe. Cela ne changeait en rien la vision de la vampire sur son interlocuteur. Il pouvait être aussi bien marchand à ses côtés, et désirant la même chose, à la fin, elle finirait le chemin seule et de préférence avec son sang dans sa bouche. Car c'était bien là aussi le principal des défis à relever. Devoir suivre les directives d'un elfe, d'un homme... cela sonna curieusement dans son esprit comme une redit qu'elle ne voulait plus revivre, et la mante qui dormait en elle depuis quelques années maintenant, commençait à sortir de son sommeil latent pour lui effleurer l'esprit de sa méfiance et de son envie de piquer.

« -La meilleure façon de voir qui fait souffler le vent et dans quel sens... »

Oui après tout, elle pourrait se servir de cette façon de faire. Ça changerait de la sienne qui était de planter sa dague dans une artère. Plus radicale certes, mais un peu plus contraignante quand il était question de soutirer des informations à un quelconque sujet. Mais cela pourrait être tout aussi amusant de voir circuler une information quelconque et de voir grouiller autour comme des asticots mis à jour les concernés ou pas, cherchant à obtenir plus de quelques mots. Surtout que le palais était bien propice à ce nouveau jeu. Oui, il fallait essayer. Même pour une jeune vampire, le temps qui passe amenait le lassement et il fallait trouver et sans cesse renouveler de nouvelles expériences.

« -Protectrice, rien que cela. Vous savez que beaucoup de toute façon n'y verront que là une chasse de plus de ma personne. Ou bien l'envie de me rapprocher de mes anciennes origines afin de parvenir à un accord sanglant. »

Stupides seraient ces personnes de penser ainsi, mais la stupidité semblait parfois dominer le monde et encore plus le leur en ces sombres jours. Mais après tout ne serait-ce pas un murmure qui pourrait la servir bien plus que de penser à la protection du haut juge. Si en plus, elle pouvait jeter un cadavre dans la mare à défaut d'un pavé cela la rendrait follement joyeuse.

« -Pour une fois... »

Elle serait en dehors de tout soupçon. Ça changerait.

« -J'en ferai un bien bon usage. »

Il pouvait compter sur elle. Et même si ce n'était pas le cas, Norwen n'en userait que pour le plaisir de connaître le fin mot de cette histoire et punir le coupable. Non pas qu'elle soit devenu une justicière prompt à sauver la veuve et l'orphelin. Bien loin de là. Juste le plaisir de la quête d'un savoir inconnu. Oui, elle avait bien fait de répondre à cette demande finalement. Puis le palais était un vivier parfait de proie à dévorer. La mante ne pouvait qu'acquiescer. Puis de cette manière, elle pourrait aussi se faire yeux et oreilles du palais et par la suite s'amuser à un peu remuer tout ce petit monde en laissant quelques rumeurs avec preuve se glisser dans les conversations. Et pourquoi pas augmenter la demande de ses besoins. Oui, le haut juge avait bien fait de laisser entrer le loup dans la bergerie. La vampire allait s'amuser enfin un peu.

« -Comme bon vous plaît. Je verrai par la suite ce que j'en ferai. Pour l'heure, tout me paraît des plus parfaits. Je dois vous rendre compte à chaque trouvaille ou bien, je vous rapporte le coupable par la peau du cou...et en vie de préférence... »

Il n'était pas bien sûr d'apprécier cette étrange lueur qui fusa dans le regard clair de la vampiresse. Il n'était pas bien sûr de savoir l'interpréter non plus. Et s'il y avait bien une chose que Firion détestait, c'était de ne pas savoir. Qu'importait de quoi il pouvait s'agir, il devait savoir, savoir, toujours savoir, prévoir, et agir en fonction de ce savoir. C'était là un besoin viscéral, vital. De ce besoin irrépressible, de ce besoin aussi qui, en l’occurrence, lui assurait sa survie en cette sombre société. Or ce regard-là, qui avait semblé vriller dans d'autres abysses en une fraction de seconde, avant de reprendre sa pâle brillance de froide assurance, il ne le connaissait pas, ne le comprenait pas.

Cette simple constatation suffit à lui arracher un frisson glacial qui courut tout le long de son échine. Grand maitre es apparence, il parvint toutefois à ne rien laisser filtrer de cet étrange et soudain malaise.

- Oui, ou de le faire souffler vous-même, nous-même, alors, susurra-t-il à la place d'une voix mielleuse. Créer les courants d'air pour mieux les diriger là où on le souhaite est un art très utile, vous verrez, chasseuse.

Il força un sourire à s'esquisser sur ses traits pâles et tirés, mais son regard polaire ne parvint à se réchauffer et ne put que briller de sa glace perpétuelle. Non pas de mépris, ni même d'animosité, quand bien même il était en train de pourparler avec une vampire, lui vieil elfe qui pourtant n'avait que sentiments plutôt hostiles envers cette vieille race avilie qui n'avait eu de cesse de souiller le sentier des elfes en les traquant sans fin dans d'éternels bains de sang... Non, quand bien même, aucune animosité ne l'agitait en cet instant. Plutôt un sentiment déroutant d'expectative circonspecte. Une froide observation calculatrice, qui n'était que l'apanage coutumier chez ce vieil elfe manipulateur.

Serait-elle un de ses fils les meilleurs ? Serait-elle un de ses fils solides dont il pouvait tisser la base de sa toile ? Ou ne se révélerait-elle qu'un fil traitre prêt à casser tout lien à la moindre occasion ? Il n'aurait su dire en cet instant, et n'avait su se décider même durant tout l'entretien, ce qui lui laissait un avant-goût de dangerosité qu'il n'était pas bien sûr d'apprécier ou de redouter...

- Vous me rendrez compte quand je viendrai vous quérir des comptes, répondit-il calmement, presque placide.

Toujours paré de ce fin sourire froid et discret.

En d'autres termes, il préférait ne pas la voir venir à lui. Il viendrait à elle quand le besoin s'en ferait sentir, au moment le plus opportun. Et surtout en des lieux plus opportuns que celui-là, dénués de toute oreille inopportune, de tout... courant d'air inopportun... Car, si en l'instant présent, cela ne le dérangeait pas outre mesure d'être espionné et écouté, et qu'il briguait même de se servir de ces oreilles fort mal avisées, il préférait que les découvertes qu'elle pourrait dénicher ne soient pas, pas toutes du moins, entendues, révélées, répétées voire déformées. Il voulait pouvoir ensuite controler savamment chaque révélation, chaque information, et divulguer ensuite les pépiements les plus appropriés pour ces plans tortueux.

- Quant au coupable... Tout dépendra de qui il s'agira effectivement. Nous pourrions même, en fonction, vous laisser...

Il esquissa un autre de ces sourires, cette fois sans cacher le léger dégoût qui pouvait l'habiter.

- jouer avec. Si vraiment...

Le sourire s'effaça, une main se leva, et la porte s'ouvrit.

- Mais chaque chose en son temps.

Un serviteur se courba devant son maitre, en une déférente révérence, et attendit patiemment, en silence, les ordres.

Un geste avait suffi. Ce qui, l'espéra-t-il, suffirait à faire comprendre à la vampiresse que le serviteur écoutait. Ecoutait tout. Avec l'aval, plein et entier du vieil elfe. Ecoutait dans l'ombre d'une alcôve savamment caché derrière une teinture, ou derrière un mur creux à l'oeil et aux oreilles grandes ouverts... Des alcôves comme il y en avait tant et tant encore, en ce sombre palais. Firion espérait qu'il n'aurait pas à expliciter cette petite indication à la vampiresse. Elle lui avait semblé fort intelligente, assurément elle comprendrait l'allusion : les murs ont des yeux et des oreilles. Tous les murs. Méfiance, prudence et vigilance constante étaient donc de mise. En tout temps, en tout lieu, plus encore dans ceux-là.

- Je vous confie à mon serviteur. Il vous indiquera les appartements encore libres, vous pourrez ainsi choisir celui que vous préférez. Vous pourrez aussi lui commander ce que vous désirez pour les meubler comme vous le jugerez nécessaire. Il vous indiquera aussi les lieux utiles et indispensables à connaître. Du moins dans un premier temps.

Et se disant, il hocha la tête vers ledit serviteur en un geste empreint d'autorité. Aucun mot n'avait été nécessaire entre eux.

Déjà le vieil elfe se levait, de sa haute stature majestueuse, mettant ainsi un point final à cet entretien. Un entretien qui s'était révélé fort intéressant. Et fort enrichissant. Un entretien prometteur, l'espérait-il...

Et bien que la fête commence. Norwen sentait ses jambes commencées à trépigner d'impatience et d'envie de se dégourdir dans ce palais. Jouer les curieuses, et les les courants d'air dans le palais du vent.

« -Eh bien j'attends de voir cela. Peut être que cela me plaira au final. Qui sait, je pourrai peut être me reconvertir ou bien ajouter une corde à mon arc.»

Mais Norwen en doutait. Sa patience avait des limites. Très faibles. Et vivre au bout milieu de ce nid de vipères seraient vite un jeu de massacre pour elle.

« -J'espère bien que ces conditions iront en ma faveur. Et que le coupable sera prompt à me satisfaire. Qu'il fasse les choses bien et jusqu'au bout. »

Cela l'arrangerait un peu plus. Une sorte de prime bonus en plus à cet emploi. Mais, elle faisait confiance autant au haut juge partiellement agacé par ce meurtre, mais aussi au criminel pour lui permettre de devenir un temps bourreau.
Mais pour le moment, rien de tout cela, il ne fallait donc pas se réjouir trop vite et attendre que le reste de la mission soit réalisée.

« -Très bien. Et j'attends votre visite. »

Et dans cette attente, Norwen allait s'amuser un peu. Du moins, discrètement. Il fallait arriver à distiller une crainte de sa personne, un doute, mais aussi une certaine assurance de lui parler. Et cela sans qu'elle n'ait à sortir sa dague ou bien ses griffes et c'est là que serait tout le défi pour la chasseuse de prime. Mais elle savait qu'elle y parviendrait. Du moins, elle tenterait, sinon, il lui faudrait en premier trouver un lieu pour cacher un cadavre ou deux.

« -Je vous suis serviteur. »

Norwen se leva gracieuse et un brin hautaine quand elle observa le serviteur du haut juge. Mais très vite sa moue enfantine et un brin boudeuse reprit le dessus. Il lui fallait prendre part dans cette nouvelle partie de sa vie et le luxe d'un nouveau lieux de vie pourrait l'y aider. Irait-elle dans l'extravagance ou resterait-elle simple ? Elle verrait à ce moment à quels jeux préférait-elle s'engouffrer en tant que chasseuse au cœur du palais. Et il faudrait voir avec ce serviteur comment la nourrir, sauf s'il désirait remplir cette charge honorifique ?



(HJ: Voilà petite conclu: tu me dis si ça te va et je fais les demandes. Contente d'avoir fait ce rp avec toi )