Une bouche se crispa sous le long bâillement qu'un corps fatigué voulut faire sortir. Ne pouvant guère lutter contre, Sighild finit par le libérer, tout en profitant pour s'étirer un peu. Le matin approchait sur l'horizon par l'apparition de ses premières couleurs palotes. La marche avait été longue et silencieuse durant toute la nuit. Le petit groupe auquel appartenait Sighild revenait d'une mission de surveillance sur la frontière qui les séparait des Théocrates. Et toute la nuit, ils avaient marché, autant pour profiter de la fraîcheur de la nuit que pour éviter les regards possibles des espions qui auraient eu l'audace de s'aventurer aussi loin. Car la prudence restait toujours de mise.

Tout en menant ses pieds l'un devant l'autre, Sighild se permit un bref relâchement pour étirer son dos. Qu'est ce qu'elle ne donnerait pas pour s'allonger et dormir immédiatement. Ajustant son arc accroché à son dos, elle sourit brièvement. Une mission se terminait et tout le monde rentrait sain et sauf. Qu'il était appréciable quand on ne perdait pas un seul compagnon. En même temps, il était aisé d'avoir des missions réussis comme celle-là quand les servants du Blanc ne pointaient pas le bout de leur nez. Ils étaient d'ailleurs bien calme de l'autre côté de la limite. Trop calmes. Ou alors ils savaient très bien que les escarmouches menées par les Protégés les harcelaient et réduisaient un petit nombre de leurs forces un peu plus à chaque fois. Une mission de surveillance calme, satisfaisante pour n'avoir perdu personne, mais qui avait été décevante pour l'archère. Elle n'avait eu personne à viser de la pointe de ses flèches. Point d'ennemis abattus pour défendre les siens. Et elle en avait aperçu aucun de ses yeux, ou en fouillant le sol pour trouver d'éventuels traces.

Sighild bâilla encore, s'attirant un sourire amusé de l'aide du chef de groupe. Elle qui était l'éclaireuse du groupe, elle était celle qui était la plus fatiguée au premier abord. Rien d'étonnant quand elle s'était échinée à faire plusieurs tours de garde et à passer son temps à fouiner dans les environs pour s'assurer qu'il n'y avait pas de danger pour les protégés qu'elle suivait.

Une léger mouvement d'air apporta une petite tiédeur contre sa peau. La journée s'annonçait déjà chaude alors que la nuit commençait à peine à être repoussée par le jour naissait. La Glacernoise ne put s'empêcher d'avoir un frisson. Elle n'avait su s'habituer aux chaleurs sèches de cette contrée, elle qui avait toujours vécu dans les fraîcheurs hautes des montagnes. Elle ferma les yeux et marcha en se vidant l'esprit. Ce n'était pas aujourd'hui qu'elle devait encore se rappeler du passé. Quand elle les réouvrit, son chef de groupe agitait son bras pour attirer l'attention de la sentinelle du campement qu'ils rejoignaient. Ils étaient de retour. Enfin.

Le sourire réapparut sur son visage et comme ses autres compagnons, ils pressèrent le pas. Même si le campement paraissait qu'être rustique, elle y retrouvait une certaine ambiance plaisante et vivante. Ce n'était pas pour autant qu'elle se mêlait à tout le monde comme certains Armandéens se le permettaient sans limitation. Les Glacernois se mêlaient guère aux autres, toujours aussi renfermés. Mais cela n'interdisait pas de sourire quand on rentrait là où on vivait ''temporairement''

Le jour ou la nuit? En fait, le moment de la journée n’avait pas d’importance lorsqu’un supérieur vous disait d’aller surveiller la frontière du Protectorat. Les ennemis n’attendraient pas que l’astre soit bien haut pour attaquer. Ils seraient fous avec la température qu’il faisait. Certes, dans les plaines, on ne grillait pas autant au soleil qu’en plein milieu du désert d’Esfelia, mais la fraîcheur des nuits était bien plus agréable. C’est pourquoi, Luna s’était joint à un petit groupe dont le but était de vérifier la présence ennemie sur les plaines, leurs plaines. Les Protégés avaient une bonne avance sur les Théocrates sur ce territoire et ils se devaient de la garder s’ils voulaient avoir une chance de les vaincre un jour. Cela signifiait donc de détecter leur présence rapidement et de leur faire comprendre qu’ils n’étaient pas les bienvenus ici.

Les premiers rayons du soleil chassaient d’ailleurs la voile ténébreuse et Luna ne put s’empêcher de sourire. Leur mission tirait à sa fin et il n’y avait eu aucune altercation. Aucun ennemi n’avait daigné s’approcher de la frontière et il n’y avait pas eu de mauvaises surprises. Tous ses coéquipiers se portaient pour le mieux et c’était tant mieux. Une mission tranquille, monotone et qui ne se terminait pas en bain de sang, ça faisait du bien quelques fois. Leurs traits étaient tirés et la fatigue se lisait dans leur regard. La jeune femme bailla suite au bâillement contagieux d’une Glacernoise à l’imposante carrure comme étaient dignement les gens de son peuple. Ils avaient tous hâte de rentrer et de pouvoir enfin se reposer. Ils l’avaient bien mérité!

Les cimes des tentes de leur campement apparurent sous leurs yeux et sans s’en rendre compte, les soldats accélérèrent le pas. Quelques minutes plus tard, deux hommes poussèrent une exclamation de joie tandis qu’ils y mettaient enfin le pied et se frappèrent dans les mains. Ce geste arracha un sourire à la Larme de Néant, mais elle ne se joignit pas à leur bonne humeur et resta silencieuse. Elle n’était pas suffisamment confortable pour cela et ne les connaissait pas suffisamment non plus. Après tout, on lui avait demandé de se joindre à eux parce que l’un des membres initial du groupe s’était cassé le bras dans un bête accident la veille. Ainsi, elle l’avait remplacé et donc, elle ne les connaissait pas vraiment.

La jeune soldate acquiesça d’un signe de tête tandis que le chef de la mission disait qu’il allait s’occuper de faire le rapport aux haut-officiers et qu’ils étaient maintenant libres pour la journée jusqu’à nouvel ordre. Elle bailla à nouveau. Que comptait-elle faire maintenant? Dormir? Certes, elle était fatiguée, mais cette idée ne lui paraissait pas attrayante. La journée s’annonçait belle, un peu trop d’ailleurs, et son totem pouvait le lui confirmer. Il n’y aurait que très peu de nuages pour cacher les rayons ardents du soleil. Dans quelques heures, il valait mieux être à l’ombre. Peut-être pourrait-elle se trouver un endroit tranquille dans une tente ou sous l’un des rares arbres non loin afin d’y lire ou de jouer de la musique? Sinon, il y avait également l’option de s’entraîner et avec la grenouille en elle, elle pouvait s’arranger pour que les nuages prennent possession du ciel durant cette activité. Que faire?

Pour le moment, elle retira le bouchon de son outre et en but une gorgée afin d’étancher sa soif grandissante. Tandis qu’elle replaçait le bouchon, son regard azuré croisa celui verdoyant de la Nordique. Elle lui sourit gentiment. De tous les membres du groupe, c’était la personne qu’elle avait eu le moins d’interactions puisque cette dernière avait eu le rôle de l’éclaireuse et qu’elle avait été à l’avant la majorité du temps.

- Un peu d’eau? Proposa-t-elle gentiment.

Cédant le geste à la parole, Luna lui tendit son outre. Cette dernière était magique et avait la capacité de se remplir automatiquement d’une eau pure, ce qui pouvait consister en un précieux trésor en ce lieu aride. Elle en profita également pour détailler les traits de la Glacernoise. Si elle voulait la regarder dans les yeux, la protégée de Korentin devait lever légèrement la tête. Elle s’était crue grande avec son approximativement 170 centimètres, mais là, elle avait l’impression d’être minuscule face à Sighild.

- Je ne crois pas qu’on ait eu l’occasion de se présenter avec tout ça… C’est bien drôle qu’on fasse ça à la fin, mais vaut mieux tard que jamais, non? Ajouta-t-elle. Elle avait toujours son sourire aux lèvres. Moi, c’est Luna. Poursuivit-elle doucement.

Ah libre pour la journée, quelle merveilleuse nouvelle. Rien que d'entendre ça de la bouche du chef de leur groupe, elle sentit toute la fatigue qu'elle avait accumulée et dormir tout son soûl était presque le seul désir agréable qui lui monta à l'esprit. Mais avant, elle avait encore quelques petites choses à terminer, avant de songer à aller se jeter dans un rude lit de camp. Peut-être qu'elle n'aura pas un lieu douillet, mais tant qu'elle pourra fermer les yeux...

Elle écarta les bras pour s'étirer, contente de sentir ses muscles réagir à ces gestes. La mission était terminée, la journée était à elle, tous ses compagnons étaient rentrés saufs...Elle se sentit détendue et en sourit. Tant pis si elle n'avait pas eu la chance de planter une flèche dans le ventre d'un Impérial. Rentrer était la plus douce des récompenses. Puis son regard émeraude croisa celui d'un des membres féminins de son groupe. La voyant sourire, elle lui rendit un proche du sien. Elle ne la connaissait que de vue, mais sans plus. Très jeune, elle était apparue aux yeux de la glacernoise comme quelqu'un de fragile. Sans doute à cause de son aspect. Mais bien vite, durant leur mission, elle avait vu que cette jeune fille avait de la volonté et du courage au coeur. Pour une Armandéenne, Luna s'était montrée quelqu'un de résistant. Et brièvement, Sighild avait eu l'impression de se revoir, durant sa longue formation militaire. Un Glacernois aurait flatté l'Armandéen de ''bonne fille'', un compliment à valeur respectueuse.

Cette jeune femme lui proposa aimablement de l'eau. D'un hochement de tête, elle accepta et prit l'outre. L'eau était une denrée précieuse dans la région qui les abritait. Elle but quelques gorgées au goulot, pendant que sa compagne la dévisageait. Il était vrai que Sighild était d'une bonne taille, même si elle était un peu plus petite que les autres femmes de Glacern. Cela était dû à son ascendance. Son père n'était pas natif de la puissante cité des montagnes.

Quand elle eut étanché sa soif et que sa gorge parut être moins sèche, elle rendit l'outre à Luna et toujours avec un léger sourire, elle la remercia.

''Merci bien. Une eau fraîche reste la meilleure des boissons quand on meurt de soif. ''

Sa compagne se présenta. Elle avait un peu raison sur le principe de se présenter, même si cela ne put se faire qu'à leur arrivée dans le camp. Trouvant cela comique, Sighild étira son sourire. Les circonstances en même temps n'avaient guère permis de créer des liens. D'ordinaire, Sighild préférait éviter de se faire des amis, car une fois trop proches, à la perte de ces mêmes amis, la mort de l'un d'eux était toujours une souffrance à combler. Déjà qu'elle en supportait une ancienne et qui n'était toujours pas refermée... Mais avec Luna, il y a comme quelque chose de différent. Peut-être par le fait d'avoir pu observer que cette jeune femme avait enduré cette mission et qu'elle en avait sans doute participé à d'autres. Ou encore qu'elle avait l'impression que Luna avait elle aussi eu un passé mouvementé, rude et impitoyable. Qui sait, son instinct lui soufflait peut-être une impression véridique qui se dévoilerait le moment venu.

Sighild ne perdit pas de temps à lui tendre la main tout en se présentant à son tour.

''Il faut dire que nous n'avons pas eu de moment propice pour faire connaissance. Et oui, faut mieux tard que jamais. Là on en profite non ? ''

Elle sourit. Elle se sentait à l'aise avec elle, malgré son appartenance différente d'ethnie. Luna était jeune, mais aux yeux de la Glacernoise, elle était une femme. Les jeunes filles de Glacern devenaient des femmes très tôt après avoir réussi un rite de passage.

''Moi, c'est Sighild. Ou Epervier, si jamais tu entends un jour qu'on me hèle de la sorte. On dirait que comme moi tu es contente d'être rentrée. On ne peut pas dire que cette promenade était longue à en mourir d'ennui. Je regrette presque de pas avoir pu décoché une seule flèche. ''

Si ce n'était pas à cette mission, cela en serait à une autre. Puis, en plus de se sentir à l'aise en présence de Luna, la curiosité commença doucement à la titiller.

''Tu es une femme qui sait vivre rudement Luna. Pardonne moi cette franchise. Au premier regard, tu ne m'étais pas apparu comme faite pour suivre un groupe comme le nôtre. Je te voyais plus en arrière ligne, pour soigner nos compagnons...J'avoue que je me suis trompée. Au moins, la surprise égaye un peu nos missions. Qu'est ce qu'une femme de ta trempe est venue se perdre comme moi dans ces plaines ? ''

Le terme ''trempe'' était à prendre dans un sens de valeur positive.

Luna lui serra la main avec entrain, toujours aussi souriante. Sighild, c’était donc comme cela que la Glacernoise se nommait. Il y avait quelque chose qui émanait d’elle, qui donnait l’impression à Luna qu’elle était une personne de confiance et qu’elle s’entendrait bien avec elle. Peut-être n’était-ce qu’une première impression ou peut-être que cette impression était modulée par le fait que l’épervier était une jeune femme tout comme elle. Bien que présentes dans l’armée, elles se faisaient toutefois bien plus rares que les hommes. Mais peu importe, elle lui paraissait sympathique, était souriante, semblait encline à vouloir discuter et lui rendait ses sourires. Leur rencontre lui semblait être agréable. Malgré la différence de taille et de carrure, elle n’avait pas l’impression que Sighild la regardait de haut ou la considérait négativement.

- Enchantée! Ajouta-t-elle de sa voix joyeuse. On te surnomme Épervier…? Comme l’oiseau? Tu as gagné ce surnom grâce à ton rôle d’éclaireuse? Demanda-t-elle, curieuse.

La façon dont les gens surnommaient quelqu’un pouvait apporter une panoplie de renseignements et c’était toujours intéressant de savoir comment une personne avait gagné un titre. Dans le cas de la Glacernoise, ça n’avait peut-être pas du tout rapport avec le fait qu’elle était une soldate éclaireuse. Elle ne pouvait pas trop s’avancer sur la raison puisqu’elle ne connaissait pas très bien les espèces d’oiseaux et qu’elle avait peut-être gagné ce nom pour une toute autre raison non liée à l’armée.

- Je peux t’appeler Sig, simplement, dis? Demanda-t-elle gentiment.

C’était plus court et plus simple. Mais la Larme de Néant comprendrait si elle refusait. Après tout, ce n’était pas tout le monde qui aimait qu’on morcèle leur nom.

Elle poussa un soupir de soulagement. En effet, elle était bien contente d’être rentrée. Elle ne détestait pas les missions de surveillance, mais celles-ci lui paraissaient souvent bien longues à parcourir la frontière. S’il n’y avait aucun ennemi, il lui semblait presque que sa mission s’avérait inutile et s’il y en avait, ça ne se terminait pas toujours bien… Donc, oui, elle était contente d’avoir mené à bien ce travail et d’être rentrée au campement avec tous les autres membres de son groupe sains et saufs.

- Meilleure chance la prochaine fois de pouvoir décocher une flèche à des ennemis! Dit-elle avec un sourire moqueur. Ce ne sera pas les occasions qui manqueront, j’en suis certaine! Prépare-toi bien.

Ils avaient été chanceux en un sens de n’avoir croisé personne, mais ce ne serait pas toujours le cas. De plus, il n’était pas rare qu’il y ait des escarmouches dans les plaines et avec un ennemi comme Vraorg, il fallait toujours être préparé au pire…

La franchise que fit preuve Sighild à son égard étonna Luna et elle leva un regard presque frustré sur elle. Ce n’était pas la première fois qu’elle entendait ce genre de commentaires. Il est vrai qu’elle était jeune, inexpérimentée et qu’elle était une femme. Elle avait souvent entendu de la part des autres soldats que sa place n’était pas parmi eux et elle avait l’impression qu’elle avait dû travailler d’arrache-pied pour leur prouver qu'ils avaient tort. Sa place était parmi les soldats et elle ne laisserait personne dire le contraire. Déterminée comme elle était, elle s’était fait connaître et rares étaient maintenant ceux qui lui récitaient le même discours d’antan. Elle ne resta pas fâchée comme la Glacernoise, car la suite de ses paroles était tout le contraire de ce qu’elle avait l’habitude d’entendre. Elle lui répondit d’abord par un grand rire.

- Ah! Ah! Moi, guérisseuse…! Lâcha-t-elle entre deux rires.

Elle ne s’était jamais imaginée être en arrière ligne à soigner les gens. Certes, avec la magie, elle était capable de soigner les blessés, mais ce n’était pas fait pour elle. C’était trop passif… Trop à attendre que quelque chose se passe. Elle était bien mieux en avant à voir l’action et à pouvoir y participer directement.

- Je te promets de te répondre… Mais à l’ombre. Il fait déjà si chaud! Dit-elle lorsqu’elle reprit son calme. Déjà le matin et les rayons du soleil lui semblaient brûlants. Tu viens?

Sans même attendre sa réponse, la protégée de Korentin avait initié un déplacement. Elle se promena entre les tentes, saluant les quelques personnes qui la saluait au passage et ne s’arrêta que sous l’ombre d’un arbre où il n’y avait personne. Elle s’installa confortablement au sol.

- Tu as raison, je n’ai pas la carrure d’une guerrière… Mais j’en ai le cœur et ma place est ici. Je battrai quiconque disant le contraire! Ajouta-t-elle avec un air de défi. Elle sourit à Sighild. Avoir voulu, j’aurais pu faire presque n’importe quoi… Surtout avec mon titre de Protégée de Korentin. J’aurais pu me soustraire à cette vie de dur labeur en épousant un beau noble ou encore être une simple civil qui s’occupe à ramener de l’eau. Peut-être même une artisane qui fait des vêtements, qui sait? Mais j’ai choisi d’être soldate. Dit-elle sur un ton assuré.

Elle fit une petite pause. C’était, en effet, ce qu’elle avait décidé de faire parmi tous les choix s’offrant à elle. Elle avait omis de préciser qu’elle aurait pu œuvrer en tant qu’assassin. Connaissant un certain Corbeau, elle avait eu tout le bagage nécessaire pour ce rôle. Elle plongea son regard dans celui de Sighild et lui sourit.

- Il y a de ceux qui ne supportent pas la violence et qui ne seraient pas capable d’être sur un champ de bataille. Prononça-t-elle lentement, sous-entendant par le fait même de devoir tuer des gens. Elle pensait notamment au gentil Dawan. Si je peux me battre pour que ces derniers n’aient pas à vivre cela, je le ferai. Et je ne resterai certainement pas à l’arrière à voir mes proches se battre à ma place. Je considère que je dois faire ma part.

Elle prit une autre pause.

- Vivre rudement ne me fait pas peur, pas toi? Vous êtes dans l’armée très jeune, vous les Glacernois, je me trompe? Demanda-t-elle finalement.

La bonne humeur de la jeune femme déteignait vraiment sur elle. Pourtant, Sighild avait déjà rencontré des personnes aussi débordantes que Luna. Mais là c'était différent. Comme elle, la Montagnarde songeait à leurs quelques ressemblances communes. Elles étaient toutes les deux des jeunes femmes qui tenaient à apporter leur contribution dans ce conflit et ceux malgré leur condition, qui les rendait plus faible que des hommes. Mais la force physique ne faisait pas tout !

En tout cas, l'enthousiasme de Luna la rendait agréablement enfantine. Peut-être que c'était ce côté là qui manquait au plus profond de Sighild. Mais d'un sourire ravi, elle exprima la réponse quand à l'origine de son nom.

''Oui comme l'oiseau de proie, et de par mon rôle d'éclaireuse. C'est mieux que de porter le nom de fouine ou d'une bestiole moins digne de nom je trouve. L'épervier est un petit prédateur, mais quand on l'observe voler et chasser, il est tout aussi gracieux et impitoyable que le faucon ou l'aigle. ''

Son père le lui avait révélé comme tel jour quand elle s'était extasiée de voir un épervier, qui guettait une proie dans un magnifique vol plané. Elle avait trouvé de la beauté dans la petitesse d'une créature alors que d'autres, taillés plus puissamment pour la même prédation auraient pu eux aussi mérité de l'admiration. Non, elle avait apprécié l'épervier, plus petit. Le monde plus grand donc pour l'épervier ne lui était pas effrayant. Un modèle d'abnégation et de courage.

''Sig ? Tu seras la première à oser vouloir m'appeler par un diminutif. Alors soit Luna. Je te le permets avec grand plaisir. Pour ce qui est de pouvoir toucher un ennemi pour la prochaine fois, je suis déjà prête ! ''

Elle sourit comme une gamine qui était ravie de donner une approbation des plus importantes. Cela lui faisait bizarrement un bien intérieur d'avoir approuver une chose si simple. A un homme, même si elle était venue à apprécier sa compagnie, elle ne lui aurait pas permis une telle familiarité. En même temps, comme personne ne lui avait demandé une telle simplicité de nom à prononcer...

Un bref instant, après avoir évoqué sa ''tristesse'' de pas avoir tiré de flèches, Sighild avait cru un bref instant que sa franchise avait été un peu loin et trop d'un coup. Elle fut soulagée intérieurement de la voir rire doublement, à l'image qu'elle avait cru d'elle au début. Un petit sourire contrit aux lèvres, elle hocha de la tête quand à l'excellente idée de se mettre à l'ombre. Mine de rien, il ne lui fallait pas oublier que le soleil frappait durement, tous les jours qui passaient.

''Je te suis.''

Sans attendre, Luna prit les devants, suivie de Sighild. Quelques personnes croisées ici et là saluèrent Luna, qui leur rendit bien. Sighild se contentait d'un hochement de tête. Puis une fois arrivé sous le couvert ombragé d'un arbre, la Glacernoise imita Luna, s'asseyant en tailleur par terre. Ah, que cela était bon d'être un peu plus au frais. Puis elle écouta Luna d'une oreille attentive

''Tu es une Protégée de Korentin Kohan ? ''

Elle était stupéfaite d'apprendre une telle position chez Luna. d'ordinaire, les gens qui bénéficiaient des grâces, surtout d'aussi hautes, en profitaient plus qu'autre chose. Mais pas Luna visiblement.

''Cela parait étrange d'avoir été mise sous la protection d'un homme aussi important et d'être mêlée aussi simplement à la soldatesque. Mais je suis ravie de voir que tu ne fixes pas à des détails et que tu écoutes ce que ton coeur te dicte. C'est une bonne valeur. Plus encore quand tu veux épargner la vue de la mort à apporter à ceux qui pourraient se mettre eux-même en danger en s'immobilisant d'horreur et de peur devant l'adversaire. C'est une bonne façon de leur préserver leur vie. ''

Elle espérait ne pas se montrer trop franche au point de la vexer. L'exercice de converser avec Luna, en toute sympathie et en pure amitié ne lui était pas courant. Donc il lui étiat guère aisé de trouver des phrases normales et qui ne blessaient pas

''Tout comme moi je ressens ce besoin d'apporter ma contribution, même si c'est légèrement sur une autre voie. Et tant que je pourrai me battre. Et qu'on ne vienne pas m'en empêcher. Nous sommes peut-être femmes, mais nous valons mieux que les hommes sur bien des points''

Son sourire se fit fière et elle le rendit à Luna. L'Armandéenne était plus d'apparence fragile qu'elle, mais son coeur la renforçait et la rendait plus forte que justement de cette apparence. Sighild était contente de tomber sur une femme battante et qui en voulait. Puis après la dernière pause de Luna, Sighild réfléchit quelques secondes avant de répondre.

''Oui, nous commençons dès que nous atteignons la dixième année de notre vie. Que nous soyons filles ou garçons, nous suivons la même voie, pour apprendre à se battre et être unis. ne faire qu'un. Nous apprenons plus encore l'importance d'être soudés au sein d'un groupe, pour parfaire celle de la communauté. Nous apprenons à nous forger dans le caractère de la montagne, qu'elle soit bienveillante ou agressive. ''

Elle cessa d'un coup. Elle parlait comme si cela se faisait encore... Mais la vie en Glacern ne verrait plus jamais ce qu'elle avait fait comme instruction militaire... plus aucun jeune glacernois ne fera ce qu'elle a fait dans les vallées, les cols et autres environnements dignes de la montagne. Elle se pinça les lèvres et reprit. Le passé ne devait pas se mêler au plaisir qu'elle ressentait à parler avec une femme comme Luna.

''Et cela dure dix longues années. C'est pour cela que vivre rudement est comme une seconde nature pour nous. En même temps, les membres de mon peuple ne s'embarrassent pas de certaines choses matérielles comme... hum quel exemple prendre...Comme certains hommes qui chercheraient à s'enrichir sur le labeur des autres.''

Elle tenta de faire un petit sourire d'excuses.

''Je juge hâtivement peut-être mais notre mode de vie est si différent des autres peuples que nous ne percevons pas certains moeurs comme vraiment normaux...mais en ces temps de guerre, les apriori tombent. Surtout pour contrer Vraorg. ''

Il était bien agréable de discuter avec cette Glacernoise. Sig! Luna sourit suite à cette nouvelle permission. Elle avait accepté ce petit diminutif et elle fut surprise d’apprendre qu’elle était la première à l’appeler d’un tel surnom. Soit personne n’avait osé la surnommer autrement qu’épervier, soit ce n’était pas du genre des gens des montagnes ou soit elle n’avait pas eu d’amis proches pour le faire. Elle espérait qu’il ne s’agissait pas de cette dernière option parce qu’il était bien triste d’être seule. Dire qu’il fut un temps, plus précisément à la suite du décès tragique de sa famille et suite à la disparition de Saemon, où la protégée de Korentin disait préférer rester à l’écart et ne pas se lier à quiconque puisqu’elle ne voulait pas risquer d’être blessée à nouveau par la perte d’un être cher. Cependant, Matis lui avait montré qu’elle avait tort de penser ainsi et finalement, elle s’était fait plusieurs amis. Pourra-t-elle considérer Sighild comme telle? Pour l’instant, elle pouvait déjà dire qu’elle l’appréciait bien.

Les deux jeunes femmes s’étaient ensuite mises à l’ombre, continuant de discuter ensemble et de faire plus amples connaissances. Le regard de la Petite Lune s’était assombri lorsqu’elle avait pensé au chef des rebelles qui était maintenant enfermé depuis plusieurs années dans la prison la plus horrible qu’eut connu Armanda. Elle voulait croire qu’il était encore vivant, mais dans quel état était-il? Korentin lui manquait terriblement. Ils avaient toujours eu une relation un peu compliquée tous les deux, lui étant l’empereur légitime et elle qu’une personne provenant du bas-peuple. Il avait toujours été très occupé et n’avait eu que très peu de temps à lui accorder. Mais elle l’aimait énormément et il était actuellement la personne qui se rapprochait le plus d’un père pour elle. Luna acquiesça simplement d’un signe de tête comme quoi elle était la protégée de Korentin. Avec ce dernier absent, est-ce que ce titre valait encore quelque chose?

- La vie de noble n’est juste pas faite pour moi… Je ne suis pas capable de rester à rien faire et de voir les autres agir à ma place. Je crois être à ma place parmi les soldats. De toute façon, avec la venue de Vraorg, les titres de noblesse n’ont plus grand-chose à faire. Chacun doit faire de son mieux et s’impliquer au sein du Protectorat si on veut réussir un jour à gagner. Dit-elle.

Chacun ne pouvait pas être soldat, mais il fallait que chacun soit utile d’une certaine façon. Il était important de s’entraider dans ces moments difficiles.

Un grand sourire se dessina sur ses lèvres. Sighild et elle se ressemblaient énormément sur de nombreux points et toutes deux étaient de jeunes femmes qui se battraient jusqu’au bout, personne ne pourrait les arrêter. Sa nouvelle connaissance était-elle aussi têtue qu’elle-même? Il était fort probable que c’était le cas. En tout cas, elle n’avait pas l’air de quelqu’un qui se laisserait marcher sur les pieds sans répliquer.

La Larme de Néant écouta avec intérêt la façon dont les Glacernois devenaient des guerriers très jeunes. Dire qu’à dix ans, la gamine n’avait jamais pensé qu’elle tiendrait une arme dans sa main pour se battre. Elle aidait sa famille à la ferme du mieux qu’elle le pouvait et elle aidait sa mère à faire les tâches ménagères parce que c’était ce qu’elle désirait. Personne ne s’attendait à de grands exploits de sa part et à vrai dire, elle passait la majorité de ses journées à s’amuser avec les voisins et ses frères. Qu’est-ce qu’elle ignorait tout concernant les difficultés la vie et qu’est-ce qu’elle retournerait à cette période innocente si elle le pouvait.

Luna avait remarqué cette vague de nostalgie envahir sa nouvelle amie, mais elle ne prononça aucun mot et n’essaya pas de la consoler. Elle savait que c’était inéluctable lorsque l’on replongeait dans un passé qui le resterait à jamais.

- Ça explique pourquoi vous êtes si fort! s’exclama-t-elle. Peut-être qu’entendre ce compliment lui ferait le plus grand plaisir. On vient de deux peuples bien différents. J’avais quatorze-quinze ans quand j’ai joint l’armée et jamais je n’aurais pu s’il n’y avait pas eu Vraorg pour tout chambouler. On n’aurait jamais voulu que je me batte! Autant parce que j’étais qu’une jeune fille que parce que j’étais sous la protection de Korentin. Expliqua-t-elle. Mais bon… C’est pas ça qui a su m’arrêter. Je n’ai jamais su tenir en place, j’ai toujours été trop têtue et je n'ai jamais pu accepter une vie qui ne m’allait pas. Ç’aurait été plus simple si on avait bien voulu de base que je sois une soldate, mais il a fallu que je me fraye un chemin détourné pour le devenir et que j'aille me battre sans qu'on le sache. Sans l’avènement de Vraorg, je me demande bien ce que je serais devenue… lâcha-t-elle finalement.

C’était peut-être le seul point positif à toute cette histoire. Avec le besoin de soldats chez les Protégés, on n’avait pas cherché à l’arrêter dans son choix. On lui avait fait comprendre que c’était difficile et qu’elle abandonnerait, mais Luna n’avait jamais eu peur des défis. Démontrer que les gens avaient tort avait toujours été un grand amusement également.

- C’est vrai que vous devez tuer un vampire? Tu l’as fait? Ça a été difficile? Demanda-t-elle, curieuse.

Luna aurait peut-être eu des réponses à ses petites hypothèses concernant la vie de Sighild si elle avait été douée de télépathie. La Montagnarde n'avait jamais vraiment eu de véritables amis, travaillant dès qu'elle le pouvait avec son père ou encore partant en vadrouille durant ses sorties de chasse quand venait la bonne saison et avant qu'elle n'entre en formation. Et même durant cette formation, elle n'avait jamais porté d'intenses amitiés avec les jeunes de son âge. Oh si bien sûr, des relations amicales, elle en avait eu, mais pas au point d'avoir une confidente, ou un ami très proche. Peut-être que la méfiance qui était sienne pour ce type de lien s'était créé indirectement par le fait qu'elle avait un père étranger à Glacern. Pourtant, elle n'a pas été victime de moquerie sur cette partie de son ascendance. Au contraire, elle était de Glacern comme n'importe qui de son peuple. Mais maintenant, les choses étaient bien différentes. Après avoir perdu la cité qui l'avait vu grandir, son père et plus encore, ses a priori avaient bien changé. Peut-être pour cela qu'elle se sentait si à l'aise avec Luna, qui partageait quelques points communs avec elle.

''Porter un titre n'a à mes yeux aucune valeur, sauf dans une hiérarchie combattante. Un noble s'il sait se battre ou s'il n'a pas peur de suer en aidant de ses bras et de ses jambes, alors il vaudra plus que son titre. Il montrera une réelle valeur que celle d'une suite de mots écrits sur une bannière ou sur du parchemin. Si tu es la Protégée de Korentin Kohan, c'est qu'il doit croire en ce que tu es et donc, inversément, il doit avoir quelque chose à dévoiler aux autres pompeux qui se complaisent à babiller et à manger toute la journée, avant de crier comme une truie dès qu'une petite tâche leur tombe sur leur tunique de soie. ''

Elle ne put s'empêcher de rire en imaginant un gros lourdaud couiner comme cet animal pour une simple tache. Ou mieux, en croisant une araignée dans son assiette. De vrais couards ces gens là.

Luna avait perçu le malaise de Sighild, quand elle se rappelait un peu de son passé en parlant de comment les jeunes Montagnards étaient formés. Elle respecta cela et cela toucha Epervier . Et ce fut plus important encore quand elle sut rebondir avec enthousiasme sur le sujet pour évoquer son propre parcours. Sighild écouta son histoire et ne put s'empêcher de sourire. Elle aussi ressentait le besoin de démontrer de quel bois elle était et de bouger ? Qu'elle n'était pas le genre de fille à attendre que les choses se passent ?

''On ne sait pas quel parcours aurait pris notre vie sans certains évènements. Même sans Vraorg, à t'entendre, t'as un caractère qui te pousse à aller au bout des choses, à atteindre un objectif, même si des obstacles se dressent sur ton chemin. Mon peuple est fort c'est vrai, mais il a appris à l'être depuis bien longtemps. Les premiers Glacernois n'étaient pas si différents avant des autres. Mais tout comme moin tout comme toi, il y a quelque chose qui est commun en chacun de nous et si on sait en tirer profit, on est capable d'énormément de choses. La force de caractère... ou la volonté si tu uses plus de ce mot. Après tout, ce n'est de comment nous apparaissons sous le regard des autres, mais comment nous nous percevons nous même. ''

Un brin de fillette qui avait du courage à revendre. Une lynx qui voulait être tigresse et qui en avait gagner l'ardeur et le courage. Luna n'avait pas fini de l'impressionner.

''Ah, tu as entendu parler de nos rites de passages. Oui nous tuons des vampires. Et j'en ai tué un. Du moins, j'ai aidé à l'achever. Quand nous arrivons à l'âge d'être considéré comme des adultes, nous partons à la chasse aux vampires pour montrer notre valeur. Bien avant Vraorg et l'Usurpateur, les vampires étaient des ennemis à abattre sans sommation. Cela était difficile car nous étions encore des enfants. Tuer un être qui ressemble à un être humain, qui avait été un humain autrefois n'est pas rien. Mais cette frontière doit s'abolir pour prouver notre envie d'être adulte. Et même blessé, un vampire reste un vampire. Donc oui les deux que nous avions croisé ont été tué, et ma flèche a achevé l'un des deux. ''

Elle gardait un étrange sourire.

''Jamais je n'aurai cru que ma vie finirait par être aux côtés des vampires qui combattent Vraorg. C'était inimaginable. Les temps changent et il sera difficile de changer certaines vieilles traditions...''

Elle souriait car elle pourra se vanter un jour d'avoir conn une merveilleuse époque, sans soucis, en tout insouciance, luttant contre un fléau suceur de sang. Maintenant, le fléau était Vraorg et personne d'autres. Là où on luttait pour l'Humanité, on luttait maintenant pour l'avenir d'un continent entier...

Luna sourit à la description que Sighild avait faite d’elle et à ses paroles emplies de sagesse. Elles venaient à peine de faire connaissance et elles se parlaient seulement depuis quelques minutes. Or, Luna avait l’impression qu’elles se connaissaient depuis un long moment déjà. Du moins, la description qu’elle avait faite à son sujet lui semblait juste. De son côté, elle semblait pouvoir cerner l’Épervier quant à son tempérament, ses intérêts et ses raisons la poussant à se battre. Nul doute qu’un lien invisible s’était créé entre elles.

La jeune soldate leva un sourcil, surprise d’entendre le récit de la Glacernoise concernant les détails de leur rite de passage à l’âge adulte. Les vampires étaient des créatures effroyables et bien plus puissantes que les êtres humains. Elle-même, elle n’avait jamais eu l’occasion d’en combattre et les seules cibles de ses flèches avaient toujours été que de simples humains. Une flèche bien placée et voilà que ça en était fini. Mais ce n’était pas le cas concernant ces créatures de la nuit et déjà, pour les abattre, il fallait parvenir à les toucher et enfin à les blesser. Une seule flèche était rarement suffisante. Dans le cas de Sighild, il avait en plus fallu réussir à traquer l’ennemi. Au final, elle avait réussi et Luna, bien qu’elle n’eût pas doutée de la victoire de son amie, était impressionnée par l’exploit.

La princesse des lumières répondit à son étrange sourire d’un soupir et d’un haussement d’épaule. Sighild n’avait jamais imaginé vivre aux côtés de vampires tandis que Luna n’avait jamais cru possible que ce soit le cas avec les Alayiens, ennemis d’une autre époque. Au final, c’était Vraorg qui avait permis l’impossible… Mais personnellement, Luna s’en serait bien passé!

- Les Glacernois collaborant avec les vampires et les Armandéens avec les Alayiens. On a aussi les rebelles d’autrefois avec les loyalistes. Ce sera quoi après? Dit-elle d’une voix lasse. Elle fit une petite pause avant de répondre. Les Protégés avec les Théocrates après qu’une plus grande menace que Vraorg se pointe pour annoncer une nouvelle fin du monde…?! Dit-elle sur un ton amer et sarcastique.

C’était un rire jaune qui s’était échappé de sa gorge. Elle avait franchement du mal à s’imaginer coopérer avec les gens qui suivaient ce monstre blanc et qui avaient fait de leur vie un vrai calvaire. Mais en même temps, on aurait dit que la malchance, ou peu importe le nom de la force qui tirait sur les ficelles du monde, avait un malin plaisir à s’acharner sur Armanda.

La protégée de Korentin interrompit son rire au son de pas se dirigeant vers l’arbre où elles se trouvaient. Elle suivit du regard un soldat qui s’arrêta à un mètre devant elles. Il semblait être dans le début de la trentaine. Des cheveux bruns coupés courts ornaient sa tête ronde et ses iris étaient de la même couleur également. Il était plus grand que Luna, mais plus petit que Sighild.

- Oui? Demanda-t-elle.

Elle se demandait franchement ce qu’il leur voulait et il n’était certainement pas là pour observer le paysage! Peut-être était-il porteur d’un message important à leur égard? À priori, elle ne croyait pas qu’il avait de mauvaises intentions. Toutefois, le bénéfice du doute qu’elle lui avait donné s’envola rapidement lorsque l’homme afficha un sourire malicieux sur son visage. Il regarda Sighild et Luna à tour de rôle.

- Mais qu’est-ce que deux jeunes femmes aussi jolies que vous deux font ici? Je dois être le plus chanceux des hommes! Commença-t-il d’une voix charmeuse. Accordez-moi le plaisir de m’installer entre vous deux! Poursuivit-il.

Sans même attendre la réponse, voilà qu’il s’avançait pour se loger une place entre les deux femmes.

Le rire de la jeune femme n'avait rien d'amusant, cela se sentait, surtout quand elle venait d'aborder une hypothèse effrayante : celle d'une menace plus importante que celle de Vraorg. Sighild ne put s'empêcher de frémir.

''Vraorg est plus qu'une menace à ce monde entier. Sommes nous pas au bord du gouffre avec Vraorg déjà ? Ce qu'il fait subir à la vie de ces terres, à ces peuples, à la nature... J'espère que non, que nous verrons pas de nos yeux pire que cela, ou alors nous serons tous en danger de mort. Bien plus que nous ne le sommes quand nous franchissons la frontière protectrice pour aller chatouiller les forces théocrates. ''

Elle n'osait pas imaginer ce qui pourrait être pire que ce monstrueux Blanc. Déjà d'avoir assité de très loin au changement de visage radical de ses montagnes natales...Elle allait répliquer quelque chose quand un soldat se présenta à quelques mètres d'elles. Il stoppa non loin de leur duo et les regardait. Il paraissait chercher quelque chose. Luna le questionna dans la plus simple des questions et le sourire que prit le nouveau venue ne plut guère à la Montagnarde.

Epervier le détailla de pieds en cape et se demanda sur le coup s'il n'avait pas trop bu. Il ne titubait pas, il paraissait clair d'esprit. En même temps, comment aurait-il pu réussir à noyer son esprit dans l'alcool vu que ces breuvages étaient rares depuis bien longtemps à se procurer. A moins de payer très cher une bouteille... C'était un homme banal qui devait se croire plus charismatique qu'il ne l'était en réalité et qui pensait donc avoir des femmes tomber à ses pieds. Elle se retint de le fusiller du regard à sa demande, prenant déjà des grands airs et parlant d'une voix qu'il forçait à être charmeuse. Encore un qui pensait plus avec ce qu'il avait dans le pantalon que dans la tête. Par contre, il ne manqua pas d'air quand il entreprit de s'installer entre Luna et elle sans attendre que l'une d'elles lui permettent de s'asseoir

Quand il entreprit de s'installer donc entre elles, le pied de la Montagnarde se déplaça vers le siens pour faire une légère pression sur la pointe de ses pieds. Le soldat stoppa son geste.

''Dis-moi l'ami, tu crois aller où comme cela ? Si tu étais un tantinet poli, n'aurais-tu pas attendu une réponse de notre part ? ''
''Allez ma belle, faire la rebelle ne peut que donner du charme, mais je sais que toi et ta jolie copine ne dites pas non au fond de votre coeur. ''

Mais ce qu'il insistait le bougre. Sighild fit un sourire presque... mauvais et se redressa souplement, dépassant d'une tête à peine l'importun. Elle tapota la ferme poitrine de l'homme de son index, peu importait l'épaisseur de sa cuirasse, armure ou tunique.

''Il faut vous le préciser en quelle langue pour que ces oreilles bouchées le comprennent bien ? Mon amie et moi n'aimons pas qu'on s'impose à nous. Peut-être qu'à tes yeux, nous paraissons être de frêles jeunes femmes, mais en tant de guerre...''

Elle se tut, haussant brièvement un sourcil et sourit d'une façon différente à son sourire précédent. Elle tourna sa tête vers Luna et lui jeta un regard espiègle.

''Qu'en penses-tu finalement ? On le laisse s'installer ou pas ? ''
Ce genre de type avait besoin d'une petite leçon d'humilité à son idée et deux jeunes femmes qui tombaient sur un seul gars avait de quoi remettre en question les esprits masculins et se croyant très virils...

Si Sighild se retint de fusiller le nouveau venu de son regard, ce ne fut pas le cas pour Luna. Elle le regarda longuement, dégoûtée et estomaquée d’être face à un tel énergumène qui se croyait avoir tous les droits. Sérieusement, pour qui se prenait-il celui-là?! N’avait-il rien de mieux à faire que de les déranger de la sorte? Une tempête faisait rage en elle et elle serra le poing. L’envie de le lui balancer à la figure lui vint en tête, mais elle retint son geste. Tout d’abord parce qu’elle n’avait pas le goût de se battre avec ce soldat et que cela ne ferait que lui attirer des ennuis. Ensuite parce qu’elle ne lui ferait pas aussi mal que ce qu’elle était en train d’imaginer dans ses pensées. Puis parce qu’il s’arrangerait probablement pour tourner cela en sa faveur.

Elle se releva d’un bond lorsque l’homme s’approcha et qu’il voulut s’asseoir entre les deux jeunes femmes. Son amie réagissait également de son côté pour l’arrêter dans son élan. Elle le trouvait franchement pathétique et ses paroles étaient loin d’avoir le charme qu’il croyait avoir. Il s’imaginait quoi au juste? Qu’elles allaient tomber comme des mouches sous ses « avances » qui n’avaient rien de romantiques? Il ne faisait que la rebuter davantage et elle l’exécrait de plus en plus à chaque mot qui sortait de son trou servant de bouche.

- Tu te prends pour qui? Lança-t-elle d’une voix sifflante.

L’homme s’amusait de leurs réactions et il ne le cacha pas. Il fut toutefois surpris lorsque Sighild fut face à lui et qu’il réalisa qu’elle était bien plus grande que lui. Lorsque la Glacernoise posa son index sur lui, il leva les mains en l’air comme s’il se rendait. Il recula également d’un pas et une expression faussement effrayée se dessina sur son visage. Il se moquait et il n’avait pas l’intention d’arrêter.

- Je partirai seulement lorsque vous me l’aurez dit en elfique. Répondit le soldat à la question de Sighild.

Un sourire moqueur était apparu sur son visage et il donnait l’impression qu’il était fier de la réponse qu’il venait de donner. Pitoyable, Luna en perdait son sang-froid. Qu’est-ce qu’il faudrait à la fin pour lui faire comprendre que sa présence n’était pas désirée avec son attitude d’abruti?

- Tye näve an ulyndä. (Tu es le pire des abrutis.) lâcha-t-elle rapidement en elfique d’une voix froide. Voilà. Va-t’en maintenant. Au revoir! Ajouta-t-elle.

Luna le darda de son regard. Il n’avait pas compris qu’elle l’insultait puisqu’il ne réagissait pas et continuait de sourire aussi bêtement.

- Tout doux, mes jolies. Pas de panique! Vous me semblez si stressées. Tout ce que je désire est un pur moment de détente et vous le méritez tout autant que moi. Allez, soyez gentilles. Installons-nous tranquillement au pied de cet arbre.

Luna allait répliquer lorsqu’elle capta le regard espiègle de Sighild. Cette dernière avait le goût de jouer? Il est vrai que s’amuser ne ferait pas de tort et cela servirait peut-être à apprendre une bonne leçon à l’homme. Un sourire taquin apparut sur son visage tandis qu’une étincelle moqueuse venait d’apparaître dans son regard. Pourquoi pas? Il fut un temps où c’était avec une chère elfette qu’elle s’amusait à faire les quatre cent coups à Aigue-Royale. Dans le Protectorat, elle pouvait bien s’amuser en compagnie de cette chère Glacernoise, non?

- Hmm… Murmura-t-elle pensive. J’avoue qu’il a un joli minois et qu’il faudrait se détendre un peu. Tu ne crois pas? Demanda-t-elle à son amie.

Sa voix était devenue douce et chaleureuse. Elle jeta un coup d’œil au soldat et lui afficha un sourire. La princesse des lumières fit un pas vers lui et posa sa main sur une sangle de son armure.

- Laisse-moi t’aider à retirer cette armure, veux-tu? Je suis certaine que tu as de beaux muscles à nous montrer en dessous, n’est-ce pas? Poursuivit-elle.

Avec ce genre d’individu, il suffisait de leur flatter un peu leur égo pour qu’ils s’enflent la tête. Pensait-il que les deux soldates étaient sérieuses? Probablement puisque son niveau d’intelligence ne semblait pas élevé et qu’il semblait plus penser avec ce qu’il avait dans ses pantalons plutôt qu’avec sa tête.

Délicatement, Luna l’aida à retirer sa cuirasse et balança l’armure de cuir plus loin. Elle ne dut rien faire de plus pour que l’homme retire lui-même son chandail, dévoilant son torse nu dont il devait être si fier. Elle tâcha de paraître impressionnée malgré que ce fût tout le contraire.

- Tu dois avoir les muscles bien endoloris avec ce dur travail que tu fais, non? Mais avant de t’installer, ne voudrais-tu pas nous donner ton nom? Prononça-t-elle d’une voix mielleuse.

Elle jeta un regard taquin vers sa complice.

Oh mais il avait de l'audace le bonhomme... Il osait donc reprendre au mot les questions mordantes de la Montagnarde pour se jouer d'elle et donc de ne pas déguerpir. Luna s'était levée, d'un air des plus décidés et sur un air qui contrastait fortement avec son petit minoi de gentillet. Mais ce visage sous cette aspect plaisait à Sighild : Luna était têtue et butée ; il ne fallait pas venir lui marcher sur les pieds et là, cet homme était en train de doucement l'énerver. Ou alors était-ce la présence de la Glacernoise qui lui donnait du courage ? Dans les deux cas, Sighild était ravie de la voir montrer les deux. On était jamais trop de deux dans certaines situations horripilantes.

Quand sa nouvelle ami répondit à la demande du soldat, Sighild se mordit les lèvres manquant de rire. Elle ne comprenait en rien l'elfique, mais à entendre la façon de le balancer à la face du venu masculin, nul doute que cela était insultant. Mais le bougre ne lâcha pas l'affaire, prétendant qu'il avait besoin autant d'un moment de détente qu'elles deux. Non mais il était gonflé celui-là. Quelle méthode puérile d'essayer de caresser dans le sens du poil deux jeunes femmes pour arriver à ses fins ! Et quand Luna croisa son regard, la jeune femme comprit aussitôt où Sighild voulait en venir. Le ton changea. Intérieurement l'archère souriait.

''Il est vrai... comment nous ne l'avions pas remarqué plus tôt. Il a raison, nous sommes trop stressées, nous devrions nous détendre en sa belle compagnie...''

Sans attendre, la voix et l'attitude de Luna changea aussi radicalement que celui de son amie. Elle se montra bien plus mielleuse, l'invitant même à retirer son armure en cuir. Le Soldat était visiblement aux anges à voir son sourire idiot et ses yeux pétillants. Sighild laissa faire Luna, bien meilleure comédienne qu'elle et assura un sourire le plus ravi possible. Nul doute que cela eut de l'effet car l'homme était encore plus souriant encore. Il ne cacha pas d'ailleurs de rajouter une couche quand au souhait ''faussé'' de Luna.

''Rien n'est trop beau pour plaire à d'agréables gazelles... ''

Il s'était donc laissé faire, se tournant même pour leur faire dos. Luna en profita pour retirer les dernières sangles pendant que Sighild alla récupérer vivement ce qu'elle avait repéré non loin de là. Elle revint comme elle était venue, l'air de rien et accordant un clin d'oeil à Luna quand l'homme se retourna, son armure jeté plus loin. Nul doute que son égo d'homme soucieux de son apparence musculaire fut flatté par la demande de la jeune humaine, car il joua intelligemment de chaque fibre de son être tout en muscles. Sighild manqua de pouffer devant cette façon stupide de se vanter devant les femmes. Elle rajouta elle aussi un faux air intéressé quand à l'apparence de leur ''compagnon''

Luna poussa encore plus loin le vis, en proposant de le masser. L'homme tomba dans le piège et tout sourire, il répondit donc :

''Je réponds au nom de Victoro Asdur. Je vous rassure que mon nom est bien réel, ce n'est pas un pseudonyme Et vous nobles Damoiselles ?''

Mon oeil songea la Glacernoise, qui tout sourire répondit

''Retournez vous d'abord, ce serait dommage de manquer un réconfort tactile sur vos petits muscles endoloris...''

Il ne se fit pas prié. Il devait déjà se plonger dans des scènes dont nous passerons les détails. Il attendit donc le doux contact d'une main douce et précise quand il reçut quelque chose de tiède et de gluant, sur la tête, les épaules et le dos. D'une couleur brune et déjà fumante, la Montagnarde avait vidé le contenu d'un seau qui devait sans doute être empli de purin, issue d'un nettoyage de box sans doute... Sighild invita prestement Luna à se reculer. Puis elle ricana tout en se pinçant le nez et en libérant le seau vidé de sa main.

''Mais avant vous devriez aller prendre un bon bain Sieur Asdur, car mine de rien, vous empestez tellement que nos nez délicats froncent. Et vous voulez qu'on soit en votre compagnie ? Rho, mais vu votre pestilence....''

Ah! Les hommes! Si facile à manipuler… Certes, ce n’était pas le cas de tous, mais c’était certainement celui de ce cher Victoro qui n’avait vu que du feu. Comment pouvait-il ne pas avoir remarqué le changement d’attitude drastique des deux jeunes femmes? Il n’était pas une lumière et à vrai dire, s’il avait été moindrement plus brillant, il aurait su comment agir vis-à-vis ses consœurs d’armes. Heureusement que Luna avais été dos à lui en train de détacher les sangles de son armure lorsqu’il les avait comparé à ces antilopes, car elle n’avait pu s’empêcher de lever les yeux au ciel. Sérieusement, il l’exaspérait! Mais elle devait garder son calme et continuer de jouer le jeu de la jeune femme intéressée et émerveillée par le soldat qu’il était.

Ce n’était pas bien difficile et elle se surprit même à être douée pour cela, prenant facilement le rôle qu’on lui avait attribué. La mise en scène l’amusait et du coin de l’œil, elle vit sa camarade de jeu disparaître momentanément. Complice, elle tourna autour de lui afin d’attirer son attention sur elle et s’arrêta en face de lui pour finalement poser son doigt sur la fossette de son menton. Elle lui fit un sourire aguicheur avant de détacher complètement son armure et de la balancer quelques mètres plus loin. Lorsqu’il retira son chandail, elle s’en empara joyeusement avant de le lancer non loin de l’armure et fit mine d’être ébahie par les muscles dont il s’appliquait méticuleusement à faire gonfler. Luna se mordit la lèvre face à ce spectacle pour éviter d’esclaffer de rire. Qu’est-ce qu’il avait l’air idiot! Elle ne pouvait pas croire que des femmes pouvaient vraiment s’enticher de ce genre d’hommes.

Victorrro Asdurr! Ronronna-t-elle. Un nom que je n’oublierai pas de sitôt! Poursuivit-elle doucement.

La protégée de Korentin prononça son nom lentement en prenant la peine de bien rouler chacun des « R ». Voilà! Il suffisait de faire semblant d’être intéressée par toute sa splendeur, de le complimenter un peu et de lui promettre un massage pour qu’il soit aussi facilement à leur merci. Une main délicatement posée sur son épaule, elle glissa dans son dos. D’un commun accord avec la Glacernoise, elle se détacha de l’homme juste à temps pour éviter l’attaque.

La tête qu’il avait faite lorsqu’il avait réalisé que les deux soldates ne comptaient pas répondre à son besoin masculin n’avait pas de prix. C’était à mourir de rire et Luna éclata de rire. Elle recula rejoindre son amie et se pinça également le nez.

- Messire Asdur! Vous n’auriez pas dû en faire autant pour plaire aux agréables gazelles que nous sommes. Regardez dans quel état vous êtes! Dit-elle.

Un sourire moqueur fendait les lèvres de la gamine et elle avait eu du mal à prononcer ces mots sans rire. Le fixant de son regard bleuté, elle passa sa main droite devant son visage et la blondinette fut remplacée* par un homme au torse nu recouvert d’une substance brune et dégoutante. C’est avec la voix d’Asdur qu’elle parla.

- Je suis Victoro Asdur, le seul et l’unique! Regardez comme je suis beau, comme je suis fort! Mais surtout, je suis le roi des idiots et des irrespectueux. Ma couronne est ce beau fumier qui me recouvre! S’écria-t-elle avec tout l’entrain qu’elle pouvait avoir.

Le soldat passa par toute une gamme d’émotions et le visage rougi par la colère, il s’élança de plein fouet vers les moqueuses. Il ne comptait pas faire dans la finesse et brute comme il était, il avait choisi de venger sa fierté en utilisant la force en frappant les deux femmes.

Le voyant arriver vers elle, la princesse des lumières dut rompre l’illusion et s’esquiva de sa trajectoire. Elle jeta un regard complice vers son amie tandis qu’elle levait la main* vers le seau pour le faire quitter magiquement le sol et le transformer momentanément en chapeau pour ce charmant Victoro. Dommage pour lui qu’il soit tellement grand qu’il lui cachait la vue et qu’il contenait encore des déjections d’animaux. L’odeur devait être horrible!

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* [Défensif (illusion)] Métamorphose
Permet à l'utilisateur de prendre l'apparence d'un élément allant de l'arbre au buisson, meubles divers et autres, ce sort ne permet pas de prendre l'apparence d'une personne physique, sous le camouflage, l'utilisateur peut entendre, mais pas parler, ni même user de sort. le délais de transformation varie avec le niveau de l'utilisateur. Plus l'élément est gros, plus il sera difficile d'en prendre l'aspect.

Geste clé : Entrer en contact avec l'élément qui va être copié.

* [Contrôle] Télékinésie
Permet de faire bouger un objet sans le toucher, à n'utiliser que sur de petits objets. Un mage très puissant peut éventuellement en bouger de plus gros.

Geste clé : Paume vers le haut tendre la main vers l'objet.

Sighild avait été loin de s'imaginer sa nouvelle amie aussi douée en improvisation. La comédie qu'elle jouait avait de quoi réussir à convaincre un abruti comme Victoro Asdur. L'éclaireuse avait manqué de pouffer de rire en revenant avec son seau quand elle avait entendu la voix de Luna user d'un timbre trop mielleux pour être vrai, mais l'autre soldat tombait trop dans le panneau. Il devait réellement trop s'y croire pour ne plus avoir aucune méfiance. Les hommes pensaient tellement que les femmes s'extasiaient toujours devant des muscles et des cicatrices.

Par contre, une fois l'acte accompli, à voir la tête surprise et dépité d'Asdur sentant plus guère la rose désormais sous cette boue puante qui le recouvrait, la Montagnarde ne put s'empêcher d'éclater de rire, bien plus que Luna. Au point qu'elle en eut rapidement mal au ventre. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas ri comme cela. Elle lâcha un rire bien plus puissant encore quand elle assista à la métamorphose de sa compagne, qui usant de magie, prit la forme de l'infortuné. Bien que le peuple de Sighild n'appréhendait pas bien la magie et vu la situation hilarante, il était difficile pour la femme glacernoise d'y prêter attention. Elle se bidonna encore plus quand à l'imitation grotesque d'Asdur.

Victoro vit très rapidement rouge. Quand on visait l'égo d'un homme tel que lui, on devait bien s'attendre à une réaction assez... brutale. Mal lui prit donc de vouloir se venger physiquement sur les deux femmes, oubliant un peu à qui il avait à faire. Ou alors il ne se posait pas les bonnes questions. Ce serait plus la seconde solution. Luna fut la première à réagir en lui envoyant le seau sur la tête. Quel dommage qu'il restait encore un petit fond de déjection. Il gesticula les bras dans tous les sens pour rattraper son équilibre chancelante, le saut lui bouchant la vue, en plus de la nouvelle et dernière couche brune et très odorante qui se rajouta sur sa peau déjà souillée. On entendait ses injures en écho et Sighild, bien que ricanante, décida de prendre les choses en main.

''Ce gars oublie un peu que nous les femmes pouvons aussi être terribles....''

La hanse en métal du seau pendait sous le menton d'Asdur. Respirant par la bouche après avoir cessé de bien rire, Sighild l'attrapa et secoua la tête prisonnière dans le seau dans tous les sens. Victoro hurlait comme il criait et la Montagnarde rajouta encore une bonne secousse. Puis elle le tira violemment vers elle, le toisant de son regard à l'éclat vert des plus brillants.

''Non mais tu croyais sérieusement qu'on aurait attendu que tu nous rosses, parce que notre farce ne te convenait pas ? Espèce d'ourse mal léché, tu as de la chance que je sois de bonne humeur et que tu pues trop l'excrément pour que je te corrige. Un homme comme toi mériterait que je le dénonce pour faire les corvées de latrines pendant tout le restant de l'année ! Maintenant déguerpis avant que je me décide à aller parler de ton sale comportement à mon supérieur ! ''

L'accent tranchant de la Glacernoise était aussi percutante qu'un éboulement de rocs dans la montagne. Cela suffit à Asdur pour se sauver dès qu'elle le lâcha et le repoussa.

''Et oublie pas de te laver ! Tu empestes ! ''

Elle se permit de rire et regarda Luna.

''Je te savais pas comédienne. Tu es douée. Et je crois que celui-là se rappelera longtemps de nous. ''

Était-ce mal que de rire du malheur d’un homme qui se faisait replacer par deux jeunes femmes? Si c’était le cas alors Luna était très mauvaise, car elle riait à ne plus pouvoir s’arrêter. Elle avait mal au ventre tant elle se moquait de ce qu’il arrivait à Victoro. Après la pluie d’excréments de cheval, il avait goûté au seau dégoulinant encore de matières malodorantes sur la tête et aux mauvais traitements de la part de son amie. Il criait et s’affolait tellement! La gamine reprit son calme lorsque Sighild parla pour le remettre à sa place. Elle trouvait que ses paroles n’auraient pas eu un aussi grand impact si elle avait continué de rire comme elle l’avait fait. Toutefois, l’amusement se lisait dans son regard azuré et ses lèvres formaient un sourire moqueur. Elle ne se sentait pas du tout fautive vis-à-vis le soldat à l’attitude aussi déplaisante.

Avait-il retenu la leçon? Seul le temps le dirait, mais pour l’instant le soldat Asdur s’enfuyait à vive allure. La princesse des lumières ne rajouta rien puisque tout avait été dit et le regarda courir vers le campement, puis disparaître sous l’une des tentes. S’il racontait ce qu’il venait de se passer, il deviendrait rapidement la risée. Probablement qu’il tournerait l’histoire d’une toute autre façon, par exemple, en racontant qu’il avait glissé en allant aux écuries. Mais peu importe, l’important c’était que les deux soldates savaient la vérité et qu’une complicité venait de naître entre les deux.

Aux mots de Sig, Luna posa l’azuré sur elle et lui sourit.

- Très longtemps. J’espère qu’il aura retenu la leçon! Dit-elle.

Elle le pensait sincèrement. Des hommes comme lui, on n’en avait pas besoin et elle ne pensait pas qu’à l’armée. Elle se permit de ricaner à nouveau en repensant à la scène qui venait de se dérouler.

- Je me suis bien amusée, au final. Poursuivit-elle d’une voix joyeuse. Pour ça, je dois te remercier. Tu as définitivement eu une bonne idée! Et à nous deux, il n’a rien vu venir. Je peux pas croire qu’il a cru mon jeu. Sérieusement… Il est pas vite vite celui-là.

La protégée de Korentin poussa un soupir. Ça l’avait amusée, mais en même, ça l’avait exaspérée.

- Je peux pas croire qu’on doit se battre aux côtés de gens comme lui. Sérieusement! Poursuivit-elle. Heureusement, tout le monde n’est pas comme lui. On fait une bonne équipe toutes les deux, tu ne trouves pas? Demanda-t-elle.

C’était grâce à un effort combiné qu’elles avaient réussi à donner une leçon à Victoro Asdur et il semblait à Luna qu’elles avaient toutes les deux de nombreux points communs. Son regard se posa sur l’armure qu’avait oubliée l’homme dans sa précipitation.

- Il reviendra la chercher lui-même. Dit-elle sans même se sentir coupable de laisser la cuirasse là. Ça empeste ici. Et si on allait ailleurs?

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[ Si ça ne te dérange pas, je propose qu'on se dirige vers une conclusion... ^^" ]

''Oh j'espère qu'il l'aura retenue cette leçon. Non mais pour qui il s'est cru celui-là ? Je te jure, certains hommes, on se demande où est passé leur cerveau.''

Elle s'abstint de préciser le lieu où d'ordinaire, des hommes dans le genre d'Asdur venait à le planquer : droit dans le caleçon. D'ailleurs, elle avait déjà entendu dans des conversations un peu graveleuses de la part de ses pairs masculins que justement, leur cerveau pour l'action était en dessous de la ceinture. De quoi soupirer et lever les yeux aux cieux. Les hommes ! Tous les mêmes si on faisait dans la généralité. Puis elle rejoignit Luna dans son sourire ravi. Une bonne chose de faite finalement, de remettre à sa place un homme un peu trop sûr de lui quand à la connaissance des femmes. Peut-être que grâce à elles, d'autres auront la paix, où gagneront plus de respect quand à une autre approche un peu maladroite. Celle d'Asdur avait été minable. Et en plus, en roulant de ses muscles ! Des muscles pitoyables en plus. Bon en même temps, Sighild avait une référence glacernoise, où les siens étaient plus solidement bâtis.

''Il devait lui manquer une case en effet. Ravie que tu aies passé un bon moment de rigolade. Cela faisait longtemps que je ne m'étais plus amusée de la sorte. A nous deux, on l'a massacré. On forme une bonne équipe on dirait. On a eut tôt fait de réagir dans une belle synchronisation d'actions et de répliques''

Elle lâcha un petit rire bien montagnarde

''Une bonne équipe oui. Et ne t'en fais pas trop. Des bougres comme lui, ils ne courent pas dans le coin. Ils sont quelques uns et heureusement. Certains joueront comme lui, mais rattraperont vite leur sérieux face à un duo implacable comme nous. Qui sait si les prochains nous éviteront pas en nous voyant, je suis certaine qu'on a gagné une bonne réputation d'office. Les prochains réfléchiront à deux fois avant de nous approcher, même séparément''

Puis Luna suggéra d'aller ailleurs. Une bonne idée et ainsi elles pourraient apprendre à mieux se connaître sur d'autres domaines que la blague spécial Asdur

''Et si on allait casser le croûte ? Je suis curieuse de savoir ce que mangent des femmes Armandéennes en général.....''

Oh elle le savait, mais quand on se faisait une nouvelle amie, il était important de connaître certains goûts.

[HRP : merci pour ce rp o/]