¤ Salvateur ¤

Sa route avait croisé celle de Fabius Kohan et le dragon avait réussi à faire en sorte de rester auprès de celui-ci. Du moins « rester » était un bien grand mot. Le rouge n'allait pas le coller du lever du soleil jusqu'à son coucher et inversement. Il le gardait à l'oeil, passait non loin de lui temps à autre pour rappeler sa présence aussi bien à lui qu'aux gardes qui étaient censés le protéger. Il était là et il n'avait pas l'intention de partir. Sa présence demeurerait jusqu'à ce qu'il en ait fini avec lui. Mais surtout la protection de cet empereur devait s'habituer à sa présence. Mais si les voir aux aguets tremblotant dans leur armure grotesque était amusant, Verith pouvait risquer de s'irriter de les voir brandir leurs armes ou poser leur main dessus lorsqu'il s'approchant. Prenant leur geste comme un geste de défi ou encore d'irrespect devant sa personne. Il était un dragon et eux des verres de terres. Qu'espéraient-ils pouvoir faire ? Leurs illusions hérissaient l'ire du colosse de flammes.

L’enfant de l’orage avait suivi l’empereur dans son périple jusqu’à Aldaria où il devait rassurer son peuple. Leur vendre quelques belles paroles, leur cracher des mensonges à la figure, se pavoiser dans son arrogance et voir cette bande de vermines applaudir et acclamer leur roi. Et lui que faisait-il ? Il prenait part à cette pitoyable mascarade. À ce spectacle qui pourrait faire pleurer de rire le grand rouge tellement il était risible. Les bipèdes. Son dégoût pour cette race était croissant de jour en jour. Venant gonfler sa colère restée depuis trop longtemps silencieuse. Incapable de s’exprimer. Museler par la malédiction de Vie. Quelle hâte, quelle hâte qu’il s’en débarrasse. Quelle hâte, quelle hâte que son règne de destruction reprenne. Qu’il puisse punir ceux vers qui son ire grondait.

Le rouge ruminait tandis qu'il volait dans les airs, c'étant éloigné du groupe de l'empereur qui se déplaçait aussi vite qu'une limace. Planant paisiblement dans les hauteurs célestes, loin de la terre, au-dessus des nuages. Une mer blanche et pure sous lui. Une blancheur qui l'agaçait, lui rappelant l'arrogant qui était venu s'immiscer dans son esprit et le priver d'une partie de sa liberté déjà bien entamer. Mais alors qu'il se déplaçait dans les airs, une voix retentit au plus profond de lui. Le rouge interpelé se concentra pour savoir de quoi il s'agissait. Cette voie était lointaine. Lentement le dragon perdit de l'altitude pour passer en dessous des nuages avant de mieux entendre. Une fois de plus il perçut la voix. C'était appel. On l'appelait lui. Une troisième fois la voix se fit entendre. Il s'agissait de Saemon. Il se servait de son cadeau pour l'appeler. Que lui arrivait-il ? Lors du quatrième appel, il sentit une détresse profonde émanant de lui. Le colérique gronda avant de virer pour prendre la direction de celui-ci, accélérant son vol. Il n'était pas trop loin, pour un vol de dragon. Il devrait l'atteindre au bout de plusieurs minutes.

Les appels continuaient, incessants. Au moins tant qu’il continuait de l’appeler c’est qu’il était toujours en vie. Verith n’était pas encore assez proche pour savoir de quoi il en retournait exactement. Et l’humain braillait tellement qu’il ne laissait pas le temps au dragon d’en placer une. Ses paroles se perdraient surement dans la trame. Après de longues minutes, le dragon survolait finalement la plaine d’où l’appel de son protégé provenait. Au-dessus des nuages, celui-ci ne le verrait pas arriver, ni la chose qui pouvait potentiellement l’agresser. Le rouge balayait le sol sous lui, à la recherche de ce qui affolait le Corbeau. Mais le dragon ne trouva rien. Il n’y avait rien mis à part lui et une autre bipède. Une autre bipède dont la souffrance émanait et que sa malédiction capta bien vite, venant le frapper. Elle semblait mal en point. Était-ce pour cela que le Corbeau l’avait appelé ? Lui aussi était faible, mais pas blesser. Sa magie était faible, sans doute avait-il tenté de soigner celle qui lui était inconnue. Plausible théorie.

Les nuages au-dessus d'eux s'enflammèrent soudainement avant qu'un rugissement puissant ne fasse trembler les cieux, annonçant son arrivée. Verith avait le don pour soigner sa mise en scène. Par la suite, des nuages il jaillit soudainement, les déchirant comme il serait d'une feuille de papier. Déployant largement ses ailes il amorça une descente rapide. La situation se faisait plus nette déjà, de même que la douleur et les sentiments qu'il captait des deux humains. Verith souleva la poussière alors qu'il s'approcha du sol, battant furieusement des ailes pour stopper sa vitesse avant de se poser, provoquant une légère secousse. Lentement il pointa son museau en direction de la petite humaine puis de son protégé donnant l'impression de le regarder malgré ses paupières closes.

« Tu m’as appelé Corbeau. J’ai entendu ton appel. J’ai senti ta détresse. Je la sens encore maintenant. Tout comme la douleur de cette humaine. »

Le rouge baissa son énorme tête en direction de celle dont il ignorait le nom. Son esprit était faible. Saemon lui avait apporté des soins, mais ce ne serait pas suffisant. Ses blessures étaient profondes et importantes. Le Corbeau lui ne semblait pas avoir de blessure. Il empestait le sang, mais il s’agissait du sang de la gamine. Verith renifla la bipède, ancrant son odeur dans sa mémoire. Après tout, elle n’allait pas mourir aujourd’hui. Et quand bien même, le colérique n’avait pas le choix.

« Je sais Corbeau pourquoi tu m’as appelé. Tu souhaites que je la sauve. Tu es mon protégé, pas elle. Je n’ai aucune obligation de lui venir en aide. Cependant… »

Verith redressa son museau, semblant regarder l’humain. Usant de son esprit et de sa malédiction pour connaitre ses sentiments. Cette petite, il y tenait. Il y tenait fermement. Et il semblait s’en vouloir profondément de ce qui s’était passé. De ne pas avoir réussi à la protéger. Saemon était son protégé, il n’était plus un « bipède » désormais comme Verith pouvait tous les considérer. Il pouvait se permettre de se montrer plus ou moins sensible et de se laisser aller à d’autres raisonnements moins fermer, moins obtus … moins radicaux.

« Elle t’est chère n’est-ce pas ? La perdre serait un déchirement. Je ne te souhaite pas cela. »

Le maudit se souvenait de la sensation lorsqu’il avait appris la mort de son frère. Certes les émotions ressenties par un bipède et celles ressenties par un dragon n’étaient pas les mêmes en raison de leur intensité. Du moins selon le rouge. Mais il ne la souhaitait pas vraiment à son protégé. Certes pour lui sa souffrance et la tristesse se transformaient en colère et en haine qui à leur tour se transforment en force, néanmoins il ne pensait pas encore son protégé capable d’une telle prouesse.

« Je vais la sauver Corbeau. Aie l’esprit tranquille et reposes-toi. Tu es affaibli toi aussi. Elle ne guérira pas en un instant, la magie de soin des dragons est plus lente que la vôtre, mais le résultat est garanti. »

Verith rangeant ses ailes dans son dos avant de venir s’asseoir sur ses pattes arrière. Baissant le museau il observait la gamine. Il commença par projeter son esprit contre le sien. Il fallait l’empêcher de partir. L’esprit du dragon s’enroula autour d’elle, la magie spirituelle de sa malédiction également, venant ponctionner la douleur qu’elle pouvait ou pourra ressentir en revenant à elle.

¤ Je te vol à Mort, bipède. Parce que le Corbeau le désire. Néanmoins, sache que cette vie et cette mort que j’arrache m’appartiennent désormais. Ta vie est mienne. Ta mort est mienne. Ne laisse personne te tuer, car désormais seul moi possède ce droit. En échange de ta vie tu me devras un service, que tu accompliras quelque soit celui-ci. Entends mon nom Gamine. Je suis Verith de l’ire. ¤

Le destructeur devenu l’espace d‘un instant salvateur ouvrit la gueule et souffla légère sur l’enfant, faisant virevolter ses cheveux d’or. Le rouge insuffla la magie dans le corps de la petite, celle-ci venant étreindre les blessures de cette dernière, commença à la soigner. Sachant que cela ne serait pas suffisant, le rouge envoya une partie de sa force vitale à l’intention de Luna. Elle reprendrait conscience rapidement.

¤ Le chemin du dragon d’ire ¤

Verith s'appliquait à soigner la fillette que le son protégé lui avait imploré du regard de sauver. Il n'avait pas la moindre obligation envers cette gamine. Et la protection qu'avait accordée le rouge au Corbeau ne comportait pas de sauver des personnes qui étaient importantes à ses yeux. À vrai dire , voir cette bipède mourir ne lui ferait ni chaud ni froid. Non en réalité il en aurait été content. Voir un bipède mourir était toujours une source de contentement. Un nuisible de moins sur ce territoire draconique déjà bien trop souillé par leur présence. Alors pourquoi le colérique faisait-il cet écart ? Réponse longue et difficile. Alambiquer et complexe pour les autres, mais évidente pour le dragon dont l'esprit sauvage ne raisonnait pas comme les autres. Certaines raisons pouvaient ressembler à des excuses qu'il se donnait. D'autres encore pouvaient paraitre contradictoires avec ce qu'il était, avec ce qu'il pensait. Mais tout avait un sens. Sinon il n'agirait pas de la sorte. Parce que tout penchait en faveur de sauver cette gamine, le rouge avait agi. Dans le cas contraire, sans doute aurait-il regardé celle-ci mourir et son protégé être rongé par la douleur. Mais cela n'en était pas ainsi.

L’intervention du dragon, même si le rouge laissait transparaitre qu’elle émanait de bons sentiments de sa part, n’était pas gratuite. Loin de là. Tout avait un prix et la gamine se devait de le payer. Qu’elle soit d’accord ou non à vrai dire. Le Corbeau voulait la voir vivre, alors il avait pris cette décision pour elle sans qu’elle ait son mot à dire. Se retrouvant dès lors avec une dette envers l’enfant de l’orage. Néanmoins la petite blonde semblait s’en accommoder. Après tout, qui désirait mourir ? Qui n’avait pas peur de la mort ? Hormis les fous.

L’esprit du dragon rouge englobait celui de Luna, l’arrachant du chemin qui la mènerait vers l’esprit de la mort.

* Verith de l’ire, je vous dois la vie et je vous en suis reconnaissante. Je prends conscience de tout ce que cela implique… Mais je souhaite vivre plus que tout. Je vous donne ma parole. Moi-même, Florence Beauchamp, vous servirai lorsque le temps sera venu. Je vous le jure. *

Le rouge dévoila ses crocs en un rictus qui pouvait ressembler à du contentement de sa part. Vivre, vivre plus que tout. Peu importe que votre corps soit en lambeaux, tant que vous continuez à vivre il reste une chance, un espoir de tout changer, d’accomplir ce que vous souhaitez accomplir. Alors que la mort est tout bonnement la fin. L’abandon de tout espoir, de toute possibilité.

Florence Beauchamp, étrange, le Corbeau semblait la nommer Luna. Cela n'avait au final pas la moindre importance. Les noms de bipèdes n'importaient pas pour Verith. Il les jugeait sans la moindre importance en comparaison de ceux des dragons. Ainsi le colérique n'utilisait pas celui de Saemon Methus pour s'adresser à son protégé, mais celui de Corbeau. Comment nommerait-il donc cette petite blonde ? Peut-être pouvait-il continuer comme il avait commencé, « Gamine ». Mh, cela lui siérait pendant un temps, mais les bipèdes grandissent. Peut-être devrait-il lui en trouver un plus adéquate. Ironique situation, voilà qu'au lieu de détruire les bipèdes, il les sauvait et leur cherchait même un nom. Comme s'ils devenaient de simples animaux de compagnie. Risible situation. Dénotait-elle d'une évolution ? À défaut de les tuer, il les amassait et les soumettait à lui au travers de dette et promesse. Sans doute était-ce tout ce qu'il avait trouvé pour montrer sa bonne foi à Ashy qui semblait tant s'acharner à vouloir le faire changer. À moins qu'il fasse cela pour sa malédiction ? NON ! Impossible ! Jamais il ne ferait cela pour un vil esprit. Mieux était encore de mourir que de salir son honneur de la sorte.

À l'aide de son esprit, Verith observait la scène et les lamentations de son protégé. Y étant plus ou moins sensible. Non pas en raison de son empathie, mais du statut de protéger de l'humain face à lui. Le rouge lia son esprit à celui de Saemon pour lui envoyer les paroles de Luna. Celle-ci lui demandant de ne pas s'inquiéter.

« Elle va s'en tirer. Je l'ai dévié du chemin de la mort comme tu le désirais. Et je l'ai amené vers moi. Elle est désormais reliée à moi un peu comme toi. En échange de sa vie, elle me devra un service. Quant à sa mort, celle-ci m'appartient tant que je n'en ai pas décidé autrement. Je lui ai interdit de se faire tuer. Seul moi possède ce droit. »

Le colosse de flamme retourna à présent son attention en direction de la gamine que Saemon venait de recouvrir de sa cape, avant de s’adresser à nouveau au Corbeau.

« Tu es un destructeur Saemon. En tant que destructeur tu côtoies la mort et la souffrance à chaque instant. Que cela soit celles que tu causes, celles qui touchent tes proches, ou celles qui te touchent. Tu dois en faire ta force et ne pas te laisser accabler par elles. Elles doivent te nourrir. Que ce qui est arrivé à cette gamine te renforce. Rebelle-toi contre cela. Haïe le, condamne-le. Que de cette souffrance découlent ta colère et ta haine. Laisse celles-ci t’apporter ces bienfaits. De la souffrance découlent l’ire et l’animosité. Et de celles-ci nait la force. Cette force qui te sera nécessaire pour protéger cet enfant. C’est un chemin difficile, un cercle de douleur et de colère. Chemin qui ne connait que deux issus. La mort … ou l’annihilation de cette souffrance qui t’a rendu puissant. »

Verith était né dans ce cercle. Cette coquille qui refusait de se briser. Cette coquille injuste qui refusait de le laisser sortir. Cette coquille indue qui l'avait blessé en refusant de se briser. Il s'était abandonné à la colère. Il avait détruit sa coquille et était sorti. Cette colère, tant dénigrer, lui avait permis de vivre. Lui avait permis d'acquérir sa liberté. Le rouge s'était par la suite engouffré dans ce cercle éternel. Sa faiblesse l'avait fait souffrir. Il avait haï cette faiblesse et son ire avait répondu à son appel le rendant plus fort. Il souffrait du malheur qui avait été causé par sa race sans que justice ne soit rendue. Son ire répondait à sa demande et le renforçait chaque jour depuis la découverte de cette souffrance. Douleur qui ne cesserait qu'une fois qu'il aurait détruit l'origine de cette dernière.

Un cercle éternel qui se répéterait encore et toujours jusqu'au moment l'ire et l'animosité rattraperaient la souffrance qui leur donne naissance et ne la détruise avant qu'elle n'apparaisse. Un jeu du chat et de la souris qui ressemble presque à une course jusqu'à l'horizon. Une quête qui peut sembler vaine. Mais qui aux yeux du rouge à tout son sens et est réalisable. Il n'était pas un simple destructeur voulant ravager tout ce qui le contrarie ou qu'il juge méprisable. Il est un dragon souhaitant détruire l'origine de la souffrance. Empêcher que celle-ci ne survienne. L'empêcher en massacrant les êtres qui viendraient la causer avant sa réalisation.

Connectant à nouveau son esprit à celui de Luna il lui parla.

¤ Gamine, qu’elle est l’origine de tes blessures ? Montre-le-moi ¤

Tout en faisant cela, il établit un pont entre l’esprit de Saemon et celui de la petite bipède. Elle pourrait lui parler si elle le souhaitait, lui répondre, Verith se chargeant de retransmettre les paroles de chacun.

¤ Le chemin du dragon d’ire II ¤

Comment s’était-elle fait ces blessures. Comment le Corbeau avait lui aussi des blessures. Oui, le rouge était intrigué. Que s’était-il passé pour qu’ils se retrouvent dans un état aussi pitoyable. En particulier le bipède femelle. Elle avait été littéralement broyée comme un vulgaire fétu de paille. Oh, Verith n’ignorait pas la fragilité des bipèdes. Après tout, il s’était lui-même amusé à en broyer et démembrer quelques uns avant sa malédiction. Amuser ? Oui on pouvait dire cela. Mais il ne l’avait fait que contre des Alayiens. Lorsque ceux-ci sillonnaient Armanda comme si de rien était. Y avait-il pris du plaisir ? Effectivement, après tout il hait les bipèdes pour ce que leur espèce a fait. Alors il en tirait un certain plaisir de les voir mourir. Encore plus si c’était de ses pattes. Mais le colosse s’égarait. Qu’est-ce qui avait bien pu causer pareil blessure ? Un dragon ? Non, il n’y avait pas d’odeur de dragon sur eux. Seulement une odeur nauséabonde, en dehors de celle peu agréable naturel des bipèdes, qui devait provenir de la créature qui leur avait fait cela. Une créature que le rouge ne connaissait pas.

* L’origine de mes blessures…? Je n’ai pas été assez forte! *

Oh, il n’y avait rien de plus désolant que sa propre faiblesse. Mais le fait que la gamine soit capable de le reconnaitre était déjà exceptionnel. Elle n’était qu’un bipède après tout. De la force, le rouge pouvait-il lui en offrir ? Ou plutôt lui proposer la force qui était la sienne ? Mh, non, elle n’était pas encore prête… quoi que.

* La perle? A-t-elle été détruite? Que s’est-il passé?! *

Verith fut écarté de la découverte qu’il venait d’effleurer par les alarmants sentiments de la jeune humaine. La perle ? Le rouge piocha sans mal l’image de ce à quoi elle faisait référence Florence Beauchamp. Oh une perle. Oui cela lui revenait. Les perles du Néant, il en avait entendu parler. Ainsi voilà à quoi ressemblaient les abominations qu’avaient pu crée cet esprit blessé. Pauvre Väsà. Toutefois, le rouge ne pouvait tolérer l’existence de ses choses sur Armanda, la terre des dragons, même s’il avait une affaire plus urgente pour le moment. Mettre la main sur Fabius Kohan. Le pont de pensée entre Luna et Saemon avait été créé et les paroles de la petite pouvaient atteindre le Corbeau désormais. Et celui-ci ne mit pas longtemps à parler, lui relatant la situation. Ainsi ils s’étaient attaqués à cette chose. Mh, pourquoi l’assassin ne lui avait pas demandé son aide ? Il n’avait entendu aucun appel de sa part. Peut-être voulait-il s’en charger seul pour prouver sa force. Cela avait raté, dommage. Ce fut au final un animal qui détruisit la perle. C’était comment dire … hilarant. Des bipèdes qui échouaient là où un simple animal réussissait. Une preuve de plus de la médiocrité de cette espèce. Mais ! Cela ne valait que si le rouge m’était les deux pattes sur une échelle supérieure à celle des animaux. Cela était fluctuant à vrai dire. Il devait forcément leur reconnaitre une supériorité sur les bêtes en raison de leur conscience … mais au même titre que celles-ci, ils n’étaient au final que des proies, de la nourriture pou un dragon tel que lui. De la nourriture avec un goût médiocre, mais de la nourriture tout de même. Quoique, les humains étaient plus goûteux que la viande avariée que sont les vampires… ces espèces de steak de plantes que sont les elfes. L’un comme l’autre, ils donnaient des maux d’estomac si Verith venait à en abuser.

« Oh si, tu aurais survécu Corbeau. Je ne t’aurais pas permis de mourir. »

Le ton du rouge était dur et impétueux. Comme s’il allait laisser l’un de ses protégés, une chose lui appartenant de mourir sans son accord. Folie que cela.

« Mais le plus important est que vous alliez mieux tous deux. »

La gueule du rouge se gorgea de flammes alors qu’il décrivit un arc de flamme sur le côté, mettant feu à la végétation pour créer un « feu de camp » draconique. Les bipèdes étaient par nature faibles et peu résistant aux températures. À la chaleur comme au froid. Puisque les deux étaient particulièrement affaiblis, le mieux était d’améliorer leur condition pour le moment en attend qu’ils se rétablissent.

« Repose-toi Corbeau. Tu es faible toi aussi. Je veillerais. Je vois que vous avez pris un risque en vous attaquant à cette créature. Je ne saurais dire si cela peut-être qualifier de courage … ou de folie. Peut-être aurait-il mieux fallu que tu m’appelles. Je m’en serais chargé seul sans encombre. Après tout, si une création de Néant menace cette terre qui est celle des miens, je me dois d’intervenir pour le détruire … même si j’ai une affaire plus urgente pour le moment. »

Le dragon d’ire retourna son attention vers Luna et la chose qu’il avait découverte un peu plutôt, en pensant ne pas pouvoir la mettre sur la voie qui était la sienne. Celle de la colère et de la haine. L’esprit de la gamine était faible, aussi n’était-elle pas capable de lui opposer de résistance. Quand bien même elle l’aurait fait, Verith n’aurait pas eu de mal à écraser cette résistance. Sans gêne, il fouilla dans la mémoire de la petite humaine.

¤ Je sens beaucoup de colère en toi, gamine. Je sens beaucoup de haine également. Permes-tu que je me baigne dedans ? ¤

À vrai dire, ce n’était pas une question, il le ferait, peu importe son consentement. Le rouge s’immisça plus profondément dans l’esprit de la petite et dans l’origine de cette colère, de cette haine. Et à l’encontre de qui elle était dirigée. Rapidement un nom lui vint. Néant. Ainsi toute cette colère qui semblait faire tache au beau milieu de cette jeune fille était dirigée à l’encontre de Väsà. Un autre nom vint bientôt au grand rouge. Celui du prêcheur… Aldakin du Néant. Forcément, si Väsà était là, son laquais devait forcément y être lié. Verith avait désormais des noms. Mais cela ne lui suffisait pas. Il devait savoir pourquoi. Le rouge fouilla donc un peu plus l’esprit de la jeune humaine. Sans doute sentait elle sa présence dans son esprit, en train de chercher dans parmi ses souvenirs comme un enfant chercherait quelque chose dans son coffre à jouets.

Au bout de quelques instants, il finit par découvrir ce qu’il cherchait. Premièrement, ce fut durant l’attaque d’Aigue-Royal. La gamine semblait avoir été prise de folie et s’en était prise aux autres avant d’ouvrir la voie à un groupe armé d’Alayien. Mh, c’était étrange pourquoi Luna avait-elle agi ainsi si elle n’était pas une dévote de l’esprit corrompue. L’explication vient plus tard. Le prêcheur avait joué avec elle, il l’avait brisé afin de pouvoir la manipuler. Un grondement de colère échappa au rouge, retentissant dans l’esprit de la gamine, tandis qu’il assistant aux souvenirs. Finalement, lorsqu’il eut fini, le rouge se retira des souvenirs de la petite humaine. Toutefois, le colosse sentit la volonté de Luna qui souhaitait que ce secret ne soit pas révélé à Saemon. Aussi le colérique ne partagea pas cette découverte. De la compassion peut-être ? Envers elle, ou envers le Corbeau qui n’avait pas besoin de cela ? Aller savoir. Peut-être garderait-il cette carte pour plus tard. Il attendrait que l’ire de Saemon bourgeonne un peu avant de la déchainer en lui révélant ce fait.

¤ Tu as vécu une grande souffrance petite. Tu souffres encore aujourd’hui, je le sens, je le sais. Tu t’en veux pour ce qui s’est passé, tu t’en veux d’avoir cédé et tu t’en veux d’avoir obéi à Néant. Tu t’en veux d’être à l’origine du massacre qu’il y a eu au sein d’Aigue-Royal. C’est compréhensible. Tu étais faible. Tu l’es toujours d’ailleurs. Faible et pitoyable. Mais tu as le mérite de reconnaitre cette faiblesse. ¤

Un léger résonna entre leur esprit alors qu’il continua.

¤ Moi aussi je fus faible étant jeune. J’ai moi aussi pris conscience de ma faiblesse. Mais en prendre conscience ne suffit pas. Il faut quelque chose de plus pour l’anéantir. Il faut quelque chose de plus pour nous aider à vaincre cette faiblesse. Cette chose je l’avais en moi dès ma naissance. Cette chose tu l’as également en toi. Mais elle est née depuis cet évènement. ¤

Verith sembla caresser l’esprit du bipède, venant caresser la colère de celle-ci avec la sienne. Incommensurable. Comme si une mère caressait son petit. La ravivant au sein de Luna.

¤ Je ne peux que te montrer la voie. Comme je l’ai montrée à Saemon. La colère, la haine. Si tu les acceptes, elles te feront devenir plus fortes. Elles t’aideront à ravager cette faiblesse qui est la tienne. Ton animosité… ton ire naissante … Nées de la douleur … nées de la tristesse. Nées de cette plaie béante dans ton cœur … elles vont se renforcer… tu as juste à les laisser faire. ¤

¤ Celui qui veille ¤

Décrier … mal juger … considérer comme une mauvaise chose … considérer comme un sentiment obscur et porteur de malheur. L'ire. Pourquoi tant de haine à son égard alors qu'elle est si semblable à l'amour. Elle aveugle comme elle. Elle peut faire souffrir comme celle-ci. Elle rend également fort. Tant de faux jugements à son égard. L'ire n'est pourtant pas bien différente des autres sentiments que certains jugent bénéfiques et sains. La colère envers un être amène la même sorte de fascination pour l'origine de celle-ci que l'amour. Elle est juste plus virulente alors que l'amour est douce. Et encore, cela ne s'applique pas toujours. Si elle existe, c'est bien qu'elle a une utilité, c'est bien qu'elle est « bonne » au même titre que les autres. Après tout, les esprits les ressentent également. L'ignorance rien de plus. Il suffit juste de savoir l'apprivoiser et de la connaître tout comme l'amitié et l'amour puis l'on se rend compte qu'elle n'est guère différente des autres.

Verith laissait rôder son esprit autour de la petite blonde. Il suffisait simplement de montrer la voie à cette bipède pour qu’elle s’y engouffre. Encore, fallait-il qu’elle ait le courage de le faire. Saemon semblait l’avoir, mais emprunter la voie et s’y maintenir était deux choses différentes. Se maintenir sur une voie envers et contre tout. La poursuivre jusqu’à la toute fin. Voilà ce qui pouvait être qualifié de courage et de force de conviction. Il est si facile de changer d’avis, de défaillir. Mais il est si compliqué de rester fidèle à ses convictions lorsque l’on rencontre la première embuche.

Avec attention, le rouge écouta les paroles de la gamine. Il tirait un certain contentement de ce qu’il entendait là. La force de conviction de cette petite, il la sentait. Même si elle n’était qu’une bipède, un certain intérêt naquit en lui, celui de savoir jusqu’où cette Florence Beauchamp pourrait aller. Tuer le prêcheur. Verith avait presque envie de la laisser faire, ou même de lui offrir pour qu’elle le tue de ses propres mains. Et si elle s’amusait avec avant de porter le coup de grâce à cette créature, cela en vaudrait encore plus la peine. Le colérique y réfléchirait. Il ne pouvait plus tuer à son grand regret. Alors peut-être devait-il apprendre à déléguer. C’était une option à creuser. L’enfant de l’orage sentit l’esprit de la gamine faiblir, elle allait bientôt sombrer dans le sommeil. Il lui souffla ses mots avant de perdre le contact.

¤ C’est la bonne mentalité, continue ainsi jeune fille. ¤

Par la suite je le rouge reporta son attention sur Saemon et sur ce qu’il avait pu dire. Lui ami avec un bipède. Voilà une chose bien impossible et même insultante. Mais sur l’heure, s’il plaisait au Corbeau de se considérer ainsi il n’avait qu’à le faire. L’humain n’était de toute manière pas en étant de se faire rabrouer par le dragon. Le Corbeau n’était ni plus ni moins qu’un protégé. Qu’un bien de Verith. Cet état lui permettait certaines ouvertures d’esprit de la part du rouge, mais de là à considérer un bipède comme un ami. Non il était encore trop tôt. Non, c’était même impossible. Le dernier bipède à dire être son ami était Edwyn … et pourtant il l’avait trahi. Après tout seuls les amis peuvent nous trahir. Non, il ne se ferait plus avoir de la sorte.

« Il ne coûtera rien de m’appeler. Mais cela vaut mieux que de ne rien faire. Les perles sont un fléau qui frappe cette terre qui est celle des miens. Toutes choses qui mettraient en péril cette terre méritent que je m’atèle à sa destruction. »

Puis l'humain vint s'endormir à son tour. La situation était assez ironique pour Verith. Lui le dragon de l'ire qui méprisait les bipèdes, qui ne désirait rien d'autre que leur annihilation pour la préservation de sa race, était en ce moment même en train de veiller sur deux de ces créatures qui dormaintt. Ironie, ironie… Celle-ci n'avait de cesse en ce moment. Mais une plaisanterie qui n'était pas au goût du rouge. Après tout, qui aimait qu'on rie à ces dépens. Vie devait être bien en train d'en profiter depuis son plan d'existence. Nul doute que s'il avait l'occasion de le détruire il le ferait tout comme Edwyn. Peu importe les conséquences.


Le colosse de flammes avait veillé sur les deux êtres pendant longtemps, se contentant de rester planter là, se couchant par moments, profitant de ce calme et du relatif silence de sa malédiction. Son esprit couvrait une large zone, chassant toutes créatures qui osaient s’en approcher en leur faisant peur, envoyant dans leur esprit de sinistres images. Le premier des deux à revenir à lui fut Saemon. En même temps, il était le moins amoché des deux. Il le prévint qu’il partait récupérer des biens lui appartenant et qu’il avait dû abandonner dans la précipitation. Qu’il fasse, il était dans un état suffisamment bon pour qu’il le laisse partir, même si le rouge devait avouer qu’il préférait le voir se reposer encore une heure ou deux afin de faire face convenablement si un danger se présentait. Il garderait pendant ce temps la petite humaine. S’employant à accélérer un peu les soins.

Le Corbeau revint un peu plus tard. S’il était parti faible, Saemon était revenu plus fort. Peut-être pas physiquement, toujours affaibli, mais mentalement du moins. Un petit rictus imperceptible de contentement vint légèrement étirer le coin de la lèvre droite du dragon. Oui, il était content de ce qu’il voyait et il était content de son protégé. Il avait appliqué les conseils qu’il lui avait prodigués. Mais ce n’était que le début. Il avait encore fort à faire, la première embuche n’était pas encore apparue. Il ne s’agissait que du commencement. Verith baissa légèrement le museau tel un hochement de tête approbateur.

C’est peu de temps après que Luna décida de se réveiller, revenant à elle. Verith pointa le museau dans sa direction donnant l’impression de la regarder en dépit de ses yeux clos. Elle appelait Saemon, semblant le chercher et celui-ci n’attendit pas longtemps avant de lui répondre.

« Son corps est encore faible, qu’elle y aille doucement. »

¤ Väsà et Vraorg ¤

La jeune bipède était faible, elle allait devoir vivre au ralentit pendant encore un moment avant d'être aussi dégourdie qu'avant. Si elle forçait trop, elle risquerait juste de se blesser à nouveau ou alors d'aggraver ses blessures. Ce qui n'aiderait pas beaucoup la magie qui lentement mais surement était en train de la guérir. Que la femelle bipède se repose et reprenne des forces pour refaire ses forces vitales et magiques afin d'accélérer sa guérison et son rétablissement. C'est tout ce qu'il y avait à faire pour le moment. Rien d'autre qu'attendre. Les bipèdes étaient décidément bien faibles. Les dragons aussi pouvaient être blessés, mais c'était plus difficile. Le rouge laissa son esprit vagabonder, tandis qu'il levait son museau faisant mine de regarder autour de lui, captant les sons et les odeurs. Captant la conversation des deux bipèdes qui continuait plus bas. Luna semblait remercier le corbeau pour lui avoir ramené un objet. Les objets, c'était bien un truc de bipède ça. Les dragons n'en avaient nul besoin. Néanmoins, le colérique ne pouvait nier le certain degré, bien que médiocre à ses yeux, d'ingéniosité des bipèdes. Pallier leur faiblesse par des objets. Néanmoins, cela les rendait toujours plus pitoyables à ses yeux. Lui un dragon qui avait une cuirasse pour le protéger et des griffes affutées pour attaquer. Un être normalement constitué n'avait besoin de rien d'autre.

« Qu’aviez-vous… prévu… maintenant…? »

Verith ramena toute son attention sur la gamine qui venait de poser la question. Cette question était tout aussi bien adressée à Saemon qu'à lui. Qu'allait-il faire maintenant ? Eh bien ce qu'il avait prévu. Mettre la main sur Fabius et l'amener à faire ce qu'il devait faire avant de le guider à Ashy pour remplir la promesse qu'il lui avait faite. Voilà tout. En espérant que tout se passe bien. Que Vraorg se tienne tranquille et se laisse tuer bien gentiment. Peut-être était-ce trop demander...

Le Corbeau ne semblait pas savoir quoi faire à présent. Il lui restait toujours la liste de noms qu'il lui avait donnés. Retrouver ces êtres et les éliminer comme le bon assassin qu'il était. Même si sur l'heure, il ne s'agissait pas de la préoccupation première de Verith. Il y avait bien plus grave au menu.

« Que pouvons-nous faire contre Väsà, respectable Salvateur? Sinon réduire ses suivants à Néant… Enfin… Tuer ses fidèles? Je ne laisserai pas pareille insulte impunie… Je ne laisserai personne s’attaquer à Luna ou à moins… Esprit supérieur ou pas… »

Le colosse de flamme ne répondit pas immédiatement à la question. Que devait-il lui répondre ? Devait-il lui livrer les informations qu'il possédait ? Certaines ou toutes ? Ou à l'inverse ne rien leur dire pour les tenir éloigné de cette histoire et du danger qu'elle englobait. Tout en croisant les griffes pour que tout se déroule bien comme prévu, que Fabius tue Vraorg et mette fin à ce volet de l'histoire. Un grondement sourd s'échappa de l'avatar de la colère tandis qu'il gardait toujours le silence pendant de longues minutes. Avant de finalement se mettre à parler.

« Väsà … n’est pas importante. Ce n’est pas l’ennemi dont il faut se préoccuper. Elle n’est qu’un esprit malade qui cherche désespérément ce qui lui a été volé. »

Le colérique se replaça, s’allongeant à nouveau avant de déployer ses ailes pour les étirer avant de le plier à nouveau dans son dos.

« Je vais vous raconter une histoire, petits bipèdes. »

Finalement il avait son choix. Ils avaient le droit de savoir, ils pourraient s’avérer utiles à l’avenir. Et si jamais tout ne se déroulait pas comme prévu, au moins auraient-ils la connaissance nécessaire pour savoir ce qu’ils devraient combattre.

« Il y a très longtemps une créature, une infâme créature a trompé l’esprit du néant. Les sept frères avaient déserté Armanda suite à la folie … la trahison … la jalousie d’une de leurs créations qui a monté les siens contre eux. Mais avant de partir, ils bannirent cette espèce d’Armanda, laissant les dragons pour seul occupant de ce continent. Le regard des sept n’étant plus braqué en direction d’Armanda, l’esprit du néant s’y est rendu. C’est alors qu’elle fut captivée par un dragon. Un dragon blanc qu’elle a côtoyé, un dragon blanc dont elle est tombée amoureuse. Un dragon qui lui rendu son amour en retour … ou plutôt qui a prétendu. »

Le ton du dragon s'assombrit alors que son museau continuait d’être braqué en direction des deux bipèdes à qui il contait cette histoire … cette honteuse histoire.

« Ce dragon a trahi l’amour de Väsà et lui a volé son cœur. L’esprit du Néant frôla la destruction, mais ses frères sont intervenus. Ils enfermèrent le dragon blanc dans les tréfonds d’Armanda, dans une cage de laquelle il ne pourra jamais s’échapper. Mais le mal était déjà fait, car le dragon blanc possède toujours le cœur de l’esprit du Néant. »

Verith souffla légèrement par les narines, expirant, avant de reprendre sa respiration.

« Väsà n’est que l’ombre d’elle-même. Un esprit dont le cœur a été arraché. Elle doit sans nul doute le chercher. Elle cherche, elle cherche celui qui a dérobé son cœur. Devrait-elle tout détruire qu’elle s’en moquerait, tant qu’elle parvient à retrouver ce cœur que Vraorg l’arrogant lui a volé. »

Le rouge redressa son cou, dodelinant de la tête.

« Vous, vous allez vous tenir éloigné de cette dangereuse histoire qui est malheureusement vraie. Moi, je vais m’occuper d’amener celui qui doit récupérer le cœur de Väsà pour lui rendre vers son destin et l’y aider. Vraorg a jeté l’opprobre sur l’ensemble de la race draconique. C’est donc à un dragon de le tuer pour réparer la trahison commise. »