Elle avait laissé Tomyn seul pour quelques jours. Il en avait l'habitude, cela lui arrivait souvent de la voir disparaître… elle avait parfois besoin d'espace. Fille de l'air, elle aimait à vagabonder et suivre ses toquades. Et cette fois-ci, cela signifiait qu'elle allait visiter un petit village humain, qu'ils auraient dû contourner dans d'autres circonstances. Les alayiens avaient envahit l'empire humain, ce qui signifiait qu'elle était en danger en s'approchant des villages et des villes humaines. Se promener avec une capuche sur la tête et en dissimulant ses oreilles, ce n'était pas ce qu'elle appréciait le plus au monde. Au contraire, elle se sentait très étouffée et donc grognonne même si elle ne le montrait pas pour autant. Peut-être laisserait-elle tomber la capuche si elle ne voyait pas d'alayien dans les parages. Enfin en attendant, elle entrait et passait les premières maisons en regardant autours d'elle avec curiosité. Sortir de la forêt, elle ne l'avait fait qu'à quelques rares reprises et n'avait jamais vu ce genre de lieu, c'était donc une nouveauté totale. Mais d'après ce qu'elle pouvait voir, ce n'était pas une toute petite communauté, d'une dizaine de maisons. Non, c'était plus grand… pas aussi grand que Lyssa, qu'elle avait vu une fois, mais grand quand même. Pittoresque, d'une certaine façon. Oui, une jolie petite bourgade pleine de vie malgré la guerre.

De ses yeux brillants, elle regarda passer une charrette pleine de fourrage et eut subitement envie de se jeter dedans et de s'y enfouir. Mais son attention fut attirée ailleurs rapidement, et elle se mit à avancer de curiosité en curiosité, en papillonnant avec ravissement. Qu'est-ce que c'était que ça ? Et ça ? Oh ! Et encore ça ? Elle adorait, il y en avait de partout… Tomyn aurait dû venir avec elle ! Ça ne le passionnait sans doute pas, il était habitué à tout ça, il connaissait, mais pas elle ! Et elle aimait partager ses découvertes ! L'activité d'un menuisier l'attira particulièrement et elle resta un moment à observer l'artisan sans rien dire. Puis, lorsque son regard se fit trop dérangeant et qu'il l’interpella, elle s'en alla simplement sans rien dire, le laissant à son œuvre. Ce fut au tour d'un herboriste de l'intriguer, et elle passa un moment avec lui également, en lui donnant quelques conseils sans arrogance, simplement pour échanger avec lui. Lorsqu'elle repartie, ce fut en grignotant une racine qu'il lui avait donné. Joyeuse, elle passa en revue encore quelques bâtisses avant de s'arrêter brusquement en observant une silhouette énorme. Et bien, il avait dû en manger, de la fougère, pour devenir aussi gros ! Enfin pas gros gras, gros… gros…. Bref elle se comprenait c'était déjà pas mal !

Et soudain, une idée lui vint. Une idée toute Lindo-esque. Avec un sourire malicieux, elle se mit à courir, ses pieds ne produisant aucun bruit alors qu'elle se rapprochait, sautait sur une barrière, lestement, et atterrissait sur le dos de l'humain dont elle ceignit le cou de ses bras en riant aux éclats. Cependant, alors qu'elle serrait pour rester en place, la sensation rugueuse d'une barbe sur son bras nu attira son attention et elle se pencha pour venir l'observer de côté, le ventre sur son épaule, capuche lui tombant de guingois, des mèches de cheveux s'en échappant… « Une barbe ! » Et elle se mit à frotter sa paume sur un bout de barbe en roucoulant joyeusement, toute contente.

En entendant son perchoir se mettre à parler, elle cessa momentanément de frotter sa paume sur la barbe et cligna des yeux, l'observant de sous une mèche avec curiosité. Bonjour ? Hm, mais comment devait-elle prendre ça ? Enfin ça n'avait pas tant d'importance que cela ! En tout cas sur le coup, ça lui importait moins que la rougeur qui semblait monter aux joues poilues de l'humain et qui lui tira un nouveau petit rire et une moue amusée. Et bien ! Il était sensible celui-là, pourquoi rougissait-il ainsi tout d'un coup ! Enfin pas que le rouge ne lui aille pas, hein, mais il ressemblait à une jolie écrevisse de rivière ! Il fallait espérer qu'il sache nager aussi bien que l'animal. Lui donnait-elle si chaud que cela ? Enfin c'était vrai qu'il faisait excessivement chaud… Pourquoi d'ailleurs, c'était une grande question. Ce n'était pas mortel, mais c'était parfois éreintant… Il devait effectivement avoir chaud dans cette armure, mais ça n’expliquait pas qu'il soit rouge à ce point. Elle continua de l'observer, penchant davantage la tête sur le côté pour montrer son interrogation. « Ah ? Donc on vous saute dessus plutôt à la seconde ? » Alors qu'il tentait de se tourner, elle s'accrocha davantage pendant un instant avant de le relâcher et de lever le nez pour le regarder. N'étant pas forcément très grande, pour une elfe comme pour une humaine, elle ne s'étonnait guère de voir des individus la dépassant largement, c'était d'ailleurs plutôt drôle car ils étaient toujours de meilleur perchoirs.

Elle croisa les bras, nonchalamment, et continua de l'observer attentivement, sourire aux lèvres. Sa ronchonnerie précédente s'était finalement totalement envolée. « C'est toujours drôle une barbe ! Vous êtes la seconde personne que je vois en porter, je trouve ça amusant, c'est râpeux et ça donne un petit air. Ça ne vous va pas mal du tout en fait ! » Il avait l'air de ne pas savoir où se mettre, ni de savoir quoi dire d'ailleurs. Ça aussi ça l'amusait beaucoup. Cependant, d'un seul coup, elle sembla se souvenir de quelque chose et décroisa les bras, se redressant. « Ah mais attendez, je vais rétablir les choses... » Et elle s'éloigna, trottant souplement et gracieusement jusqu'au centre de la rue avant de revenir… et de lui re sauter dessus. « Voilà ! Cette fois c'est la seconde fois que je vous rencontre, donc je peux vous sauter dessus sans que cela vous gêne, pas vrai ? » Logique ultime d'après elle. Et bien ? C'était ce qu'il avait dit non ? Que personne ne lui sautait dessus à la première rencontre. Et elle n'allait certainement pas le mettre mal à l'aise, surtout un homme à barbe. Ça, elle ne se le pardonnerait pas. S'accrochant aisément sur sa grande silhouette, qui paraissait énorme en comparaison de la sienne, elle reprit avec un air enjoué.

« Bon quand à savoir ce que je voulais, pas grand-chose, je vous ai juste vu et je me suis dis qu'il serait amusant de vous sauter dessus! C'est que vous faite une sacrée taille tout de même pour un humain ! » Cette fois-ci, elle lui serra le cou de sorte à pouvoir le regarder dans l'oeil, souriante. « Je suis Lindorië ! Lindorië Valasar ! Mais Tomyn m'appelle Lindwë, j'aime bien ce surnom. Alors si vous voulez, vous pouvez l'utiliser!Et vous qui êtes-vois exactement ? » Ce qu'elle n'avait pas remarqué, c'était qu'en attendant, sa capuche était tombée, révélant ses oreilles pointues, et que les personnes les plus proches, attirées par son exubérance, c'était mises à les observer tous deux, parfois en chuchotant, parfois curieux, et parfois même un peu mal à l'aise. Mais Lindorïe ne l'avait pas du tout compris, concentrée qu'elle était sur ce qu'elle faisait et sur la curiosité que représentait cet homme. « Dites, vous vous laissez la barbe volontairement ? Ça ne vous chatouille pas quand elle pousse ? Vous la lavez souvent ? »

E ? Bien ! Demain on apprenait le F ! C'était déjà bien, une lettre de plus chaque jour conduisait fatalement par arriver à un alphabet complet, que demander de mieux ? Elle lui fit un sourire d'encouragement, sincère. Il allait y arriver ! Il suffisait d'un peu d'enthousiasme ! Elle l'aimait bien, cet humain, c'était décidé. Totalement arbitraire, mais décidé. Il lui plaisait. Quelque chose dans sa façon d'être un peu gauche et dans son faciès si laid en comparaison des visages elfiques. Mais il y avait souvent autre chose qu'une beauté physique. Et ce visage là avait la beauté de la sincérité, de la franchise qu'elle aimait tant. Elle l'imaginait loyal et un peu bourru. Instinctivement, elle sentait pouvoir lui faire confiance. Hors elle se trompait rarement sur les gens. Oh ça arrivait hein, mais pas souvent… ou peut-être était-ce qu'elle n'avait pas l'habitude d'avoir tant de monde dans son entourage. Au choix. Cela dit elle s'en fichait pas mal, elle avait décidé quelque chose et c'était ainsi. « Merci ! » fit-elle, enthousiaste, en réponse au compliment, sans pour autant y voir une raison de crâner. Elle prenait la gentillesse comme elle venait, mais ne la déformait pas. Et de toute façon elle était bien trop occupée à le regarder perdre ses rougeurs. Ah il avait moins chaud ? Bien ça ! Elle ne savait pas trop comment il réussissait à se ventiler là dedans mais elle aurait donné cher pour connaître son secret, ça devait être utile de pouvoir faire ça ! Tomyn aurait sans doute été ravis d'en bénéficier.

« Hm, je ne sais pas si intéressant est vraiment le mot vous savez. Moi je ne le trouve pas très palpitant en tout cas. Vous n'imaginez pas comme c'est monotone, de voir uniquement des visages tout lisses et sans reliefs » C'était dit avec détachement, sans méchanceté ni agressivité. Que son jugement porte à conséquence ne l'effleurait absolument pas parce qu'elle s'en fichait. De son point de vue, c'était simplement rétablir la vérité face à la curiosité de cet humain sur quelque chose qu'elle estimait ne pas valoir de curiosité, tout simplement. Elle ne pensait absolument pas à mal en disant cela. D'ailleurs elle rangea déjà la question au placard alors qu'ils poursuivaient cet échange quelque peu étrange. « Ravie de vous rencontrer aussi Alford ! » répondit-elle dans une trille, accrochée à son cou sans en éprouver la moindre gêne. Pour cause, elle ne mettait absolument aucun sous-entendu dans le geste. Il n'y avait rien d'intime ni de sexuel dans son toucher, elle était simplement tactile et naturelle. Elle faisait ce qui lui plaisait, simplement et sans compromis. Et cela l'amusait que de se pendre à son cou. Surtout quand il faisait une tête pareille ! Décidément rien que pour ça, elle pourrait bien continuer de jouer les berniques ! Surtout que la définition de rocher lui allait bien, avec son armure et sa carrure. Malheureusement, dès qu'elle s'amusait, la notion d'espace vital disparaissait totalement de ses capacités cognitives.

Un mercenaire donc ? Hm oui. Il combattait contre de l'argent. Un peu comme elle et Tomyn, sauf qu'il faisait ça à plein temps, contrairement à eux. Et pour la servir, hein ? Il valait mieux faire attention avec ce genre de formulations, elle était capable de le prendre au pied de la lettre. Mais elle avait surtout plein de questions supplémentaires, alors qu'il lui répondait. Elle fit pourtant une mine surprise en le voyant s'arrêter d'un coup. Et bien quoi ? Qu'est-ce qui lui arrivait ? Sa capuche ? Elle ouvrit des yeux ronds, ne comprenant pas immédiatement. Quand elle comprit, cependant, elle fit un petit « oh » surpris. Elle se laissa serrer contre lui et accueillit le retour du tissu sur sa tête sans trop rechigner. Oups ! C'était vrai… elle ne pouvait pas être vue et découverte ou les méchants alayiens la croquerait. Elle coula comme elle pu un regard vers la foule, puis revint vers l'humain qui lui parlait. « Oui je suis une elfe » fit-elle avec douceur. Elle ne comprenait pas bien ce qu'ils avaient tous avec sa race, mais la proposition lui allait néanmoins, et elle sourit une fois de plus. « Ce n'est pas prudent de me dire quelque chose comme ça, je pourrais y croire ! Mais d'accord, allons y ! Enfin, où voulez-vous aller exactement ? Parce qu'en dehors de ce lieu, je ne vois que la campagne. » Elle le suivit néanmoins avec insouciance.

Une fois qu'ils furent hors de vue, elle retira de nouveau sa capuche et pencha la tête. « C'est très gentil à vous de vous souciez de moi vous savez ? Je veux dire, en général, les elfes décrivent les humains comme des rustres égoïstes et incapables de la moindre délicatesse. Mais vous semblez bien différent de cette description. Remarquez, moi ça ne me dérange pas, bien au contraire j'en suis très contente. Mais dites moi, à part sauver des jeunes elfes en détresse, qu'est-ce que vous faites ici ? Vous chercher du travail ? Parce que si c'est le cas, je peux peut-être vous accompagner ? Après tout, moi aussi je me fais mercenaire de temps en temps. Oh juste pour aider Tomyn, et pour m'amuser, je ne suis pas une professionnelle comme vous. Mais je me débrouille relativement bien » Main dans le dos, elle se balançait d'avant en arrière « Vous êtes rebelle ? Parce que j'ai cru comprendre que seuls les rebelles étaient ouverts avec nous maintenant. Enfin quoi qu'il en soit je vous aime bien. Vous et votre barbe ! On ne dirait pas comme ça mais dans une relation ça peut faire toute la différence ! » Se rapprochant d'un arbre, elle grimpa sur l'une des branches et s'y installa lestement, le regardant avec des yeux pétillants. « Bon et maintenant ? Vous avez dit que vous feriez tout ce que je veux, donc il faut que je trouve quelque chose ! »

En entendant dire qu'il ne savait pas grimper aux arbres, elle prit une mine catastrophée. Comment ça il ne savait pas monter aux arbres ? « Quoi ? Mais c'est horrible ! » De son point de vue d'elfette amoureuse de la nature et des exercices en hauteur, ne pas savoir grimper à un arbre, c'était absolument impensable. C'était presque avoir raté sa vie. Lui qui avait l'air d'un si gentil humain, elle ne pouvait pas le laisser ainsi ! Elle sauta au bas de l'arbre, se rattrapant souplement sur ses jambes. « Vous voulez que je vous apprenne à grimper ? Enfin il faudrait enlever votre armure pour ça, elle est trop lourde à mon avis, mais si vous le faite je vous montrerais » Elle lui fit un éblouissant sourire. « Comme ça vous pourrez observer les choses de plus loin en plus ! » C'était toujours utile, pour repérer des personnes au loin ou pour dormir à l'abri. Elle enchaîna cependant sans attendre véritablement, puisqu'elle ne lui avait pas répondu jusque là pour le reste de ses questions. « Tomyn est mon mari. C'est un humain comme vous. Avant il était messager pour le roi Gregorist, mais Gregorist est mort, et Tomyn voulait des informations, sauf que les autres elfes ne lui en donnait pas alors il s'est énervé et à cassé le nez d'Artaher et après ça on a été obligé de s'en aller. Ah oui parce que moi aussi, je lui ai frappé le nez. Le pauvre ours doit l'avoir en truffe ou en groin maintenant ! » Et ça la mettait dans une joie forcenée. Peu de choses la mettait en colère. Mais qu'on s'en prenne à son époux, ça ça la mettait hors de lui. Hors c'était ce que le général avait fait.

« Il doit se trouver à plusieurs lieux après le village pour le moment, il ne m'attendra pas, je le retrouverais facilement quand je voudrais retourner auprès de lui » Il lui suffisait de se servir de la nature pour ça, après tout. Et de son instinct. Il allait beaucoup moins vite qu'elle, donc ce ne serait pas difficile. Elle s'étira. « Il est plutôt doué pour grimper aux arbres, lui, même si ce n'est pas ce qu'il préfère. Il aime bien nager aussi. Vous savez nager, vous, Alford ? » Elle aimait bien nager, elle aussi. « Cela dit… je suis prête à vous aider dans votre mission, sans problèmes ! J'ai fais partie de l'armée de mon peuple après tout, je sais bien me battre ! Vous voulez tester ? » Elle se mit en garde, feignant de se préparer au combat, mais rit une nouvelle fois. « Je plaisante ! De toute façon avec cette armure, je n'aurais pas envie de vous taper dessus. Je pourrais éventuellement vous avoir, mais rien que le bruit que cela provoquerait me mettre mal à l'aise. Vous pouvez me faire confiance pourtant, vous ne risquait pas de le regretter » Elle se fit curieuse, croisant les bras dans son dos et sautilla autours de l'humain, penchant la tête de ôté « Alors ? Dites moi donc qu'elle est cette mission ? Après tout si je dois vous aider, il faut que je sache de quoi il retourne, non ? Et puis j'ai toujours été affreusement curieuse, alors je crois que je ne parviendrais pas à poursuivre ma route ou vous accompagner sans savoir. »

Et oui, elle était mariée à un humain. Ça semblait surprendre tous le monde décidément. Pourquoi donc ? Enfin d'accord ce n'était pas courant mais tant que deux personne s'aimaient c'était le plus important, non ? Elle adorait ton Tomyn. Pour elle, ce n'était pas un humain, enfin si, il l'était pas sa race ne lui importait pas. C'était simplement l'homme qui était à elle. Enfin elle ne se vexait pas non plus qu'il soit surpris. C'était plutôt amusant. Elle hocha la tête une première fois, une seconde fois pour corroborer qu'elle avait effectivement cassé le nez d'Artaher, pas forcément par amour pour Tomyn mais surtout parce que le vieux jouait les imbéciles et qu'il ne comprenait pas quand on parlait. Et comme elle, elle ne parlait pas l'ours, fatalement… « Surprenante est mon second prénom, le troisième c'est agaçante » Fit-elle, tout aussi aimablement. Tomyn aussi, elle le surprenait. Elle en faisait même un art. Elle y mettait un point d'honneur. Et en plus ça l'amusait aussi. Donc tout le monde était content ! Enfin sauf peut-être l'ourst mais ce n'était pas très grave ça. « Je vous remercie mais non je ne l'entend pas souvent, voir pas du tout. En même temps tous le monde pense que ce que nous faisons est contre-nature alors ça n'est pas très étonnant. C'est drôle que vous le preniez autrement d'ailleurs, vous aussi vous êtes surprenant. Ou alors vous ignorez totalement les règlements ? Enfin je ne vais pas vous en blâmer, je fais la même chose »

Après avoir simplement dit qu'elle aimait nager, sans pour autant faire suite immédiate à sa proposition de baignade ils enchaînèrent sur la mission, de nouveau. L'idée de l'accompagner lui plaisait décidément. Cela la changerait. Ça faisait un moment qu'elle n'avait pas prit elle-même une commission. « Je suis plutôt douée à l'arc et avec des armes de lancés. Et je suis également pugiliste » Contre les humains, c'était bien plus efficace. Non seulement parce que la plupart de leurs armures n'étaient pas de bonne facture, mais qu'en plus parce qu'ils étaient terriblement fragiles en comparaison de son propre peuple. Elle avait déjà manqué brisé des os à Tomyn en voulant jouer sans faire trop attention, et pourtant son tigre était solide. Elle ne méprisait pas les humains pour autant. Quand une plante était délicate, elle développait souvent d'autres atouts, et bien eux c'était pareil et ils en étaient souvent fascinants. Et plus amusant que les elfes si figés dans leurs traditions et leur façon de penser. Enfin bref. Pour le moment elle ne comptait pas briser des os à cet humain-ci, elle comptait écouter ce qu'il avait à dire au sujet de cette fameuse mission. Croisant les bras, elle le laissa donc avec la possibilité de développer tout ça.

« Hmmm » Une fois qu'il eu finit, elle se pinça la mâchoire, pensive. « Je pense que je vais vous accompagner » Elle lui fit un petit sourire en l'entendant lui proposer qu'il apprenne à grimper avant cela. Elle se pencha sur le côté en observant ses armes. « Vous êtes épéiste … Pourquoi pas oui. Je n'ai jamais particulièrement touché à une épée. Je ne pense pas que ce soit vraiment une arme qui me convienne, elle demande un type de délicatesse et de technique que je n'ai pas. Mais je vous admire de parvenir à en utiliser une » Se redressant elle poursuivit « Je vais vous aider à enlever votre armure si vous voulez ! » S'il acceptait, elle ferait, sinon, elle attendrait, en allant et venant à son rythme. Dans le même temps, elle demanda. « C'est un peu étrange tout de même, non ? Je croyais que les humains de Gloria étaient les alliés des alayiens ? Pourquoi votre employeur a peur que son fils soit capturé par eux ? A moins que ce ne soit un mage ? Et pourquoi son fils est-il parti ? Il en avait assez d'être enfermé ? Que faisait-il par ici ? Un voyage ou une mission ? Il ressemble à quoi ? »

Une trille allègre et charmée retentit pour toute réponse. Amusante elle ? Et bien c'était flatteur au moins ! Quoi qu'il ne se serait pas non plus ennuyé si elle l'avait agacé. Mais bon, ce n'était pas son but donc c'était aussi bien ainsi ! Elle n'était pas du tout du genre à se formaliser, prenant les choses comme elles venaient. Et bien si elle était amusante les choses seraient moins désagréables certainement. De toute façon elle ne changerait pour personne, donc mieux valait effectivement qu'on prenne bien son comportement sinon, comme certains elfes, les humains se rendraient malades tous seuls en la voyant arriver. Elle n'épilogua pas, cependant, pas plus qu'elle n'épilogua au sujet de la vision qu'avaient les humains de son couple. Il était très mignon de penser aussi bien, mais de toute façon qu'on approuve ou non sa façon d'être, elle ne changerait pas non plus. Tomyn était la seule chose à laquelle elle tenait, en plus de sa liberté. Il était son seul trésor, la personne dont elle était amoureuse. Elle se fichait de tout le reste, tant qu'il était là et qu'elle était avec lui. Pas forcément physiquement au même endroit, mais leurs cœurs allaient de pair et leurs esprits aussi. Il n'y avait rien de plus à ajouter, le faire serait s’embarrasser de mots inutiles, lorsque beaucoup de ceux prononcés l'étaient déjà. Elle ne revenait pas sur un sujet quand elle en avait fait le tour, mais quand elle avait quelque chose à dire, elle le disait, effectivement.

Et justement, là ce qui l’intéressait c'était cette histoire de mission. C'était bien des humains pour être aussi tordus. Non mais sincèrement, à quoi ça rimait toutes ces histoires ? Ça leur servait à quoi ? Ils avaient des vies tellement courte qu'amasser des richesses et faire des coups fourrés ne servaient à rien. Ils auraient été vampires, encore, ou même elfes ! Elle aurait alors pu comprendre même si elle ne soutenait pas ce genre de choses, mais là ? Ça paraissait simplement insensé ! Alors qu'elle aidait l'humain à s'extirper de son armure, elle soupira. « Les vôtres sont vraiment de curieuses créatures. Je crois que je ne parviendrais jamais à vous comprendre totalement. Pourquoi mettre tant d'énergie à tout cela alors que ça ne sert à rien ? » Secouant la tête, elle revint devant lui en posant l'une des plaques de métal. « Je vais vous apprendre, n'ayez aucune crainte ! » Voilà, pourquoi tous n'étaient pas comme cet humain, capable de mettre leur énergie dans quelque chose de constructif. Avec une patience qui jurait complètement avec le reste de son caractère , elle lui fit une démonstration en expliquant comment faire. Elle n'avait aucun mal, pour sa part, à se hisser sur les plus hautes branches, mais elle se cantonna aux plus grosses et basses pour lui, afin d'éviter un accident. Redescendant, elle sauta à terre et vint l'aider, en lui expliquant plus en détail chaque partie.

Une fois qu'elle lui eut donné ses conseils pour bien s'accrocher et choisir ses prises ainsi que comment user de la synthétique de son corps. Lindorië était une professeur enthousiaste et dynamique, qui n'abandonnait pas à la première difficultés. Et d'ailleurs elle s'amusait bien alors pourquoi ne pas continuer !

Au moins ça la rassurait un peu de savoir qu'elle n'était pas la seule à trouver leur attitude étrange. Si même d'autres humains étaient perplexes, ça voulait bien dire que ce n'était pas normal. Enfin, que tous n'étaient pas de ce genre-là. C'était bien, si tous les humains n'étaient pas ainsi, parce que ça aurait vraiment été dommage. « Vous avez du mérite de vivre avez, tout de même » fit-elle remarqué, parce que c'était ce qu'elle pensait. Elle-même n'aurait sans doute pas pu s'en dépêtrer si bien. C'était tellement, parfaitement, incompréhensible à son esprit qu'elle n'aurait pas été capable d'en faire quelque chose. Elle ne pensait déjà pas souvent comme une elfe classique, encore moins en humain le plus souvent, alors, ça en plus ? Impossible ! Pour le coup, elle lui faisait totalement confiance et à juste titre, puisqu'elle ne pouvait pas vraiment se faire sa propre idée. Et il s'y connaissait certainement bien mieux qu'elle en plus. Tant qu'il n'était pas aussi pourri, ça lui suffisait. Ça aurait été dommage qu'un mortel ayant l'air aussi aimable se fasse tourner la tête par une broutille comme du pouvoir ou de l'argent. C'était tellement… inintéressant, inutile, l'argent, le pouvoir… on ne l'emportait pas avec soit auprès de Mort. C'était insignifiant et ça disparaissait tellement vite. Mieux valait choisir des choses plus durables. Mais ce n'était que son humble avis et puis, pourquoi discourter là-dessus maintenant.

Il y avait plus intéressant pour le moment, comme de regarder ses tentatives pour apprendre à grimper correctement. D'en bas, elle l'encouragea avec chaleur, bien loin de critiquer les mouvements pourtant patauds de l'humain. Tout simplement parce qu'elle ne voyait pas ce fait là. Ce qu'elle voyait, c'était ses efforts pour arriver imiter ce qu'elle lui avait montré, ce qui était très honorable. Il s'y prenait relativement bien en tout cas ! Ça ne devait pas être simple, de hisser toute cette masse tout de même ! Applaudissant avec enthousiasme, elle l'encouragea à redescendre ensuite. La question la fit rire. « Oui c'est une option. Sans doute la meilleure pour le moment. Allez ! N'hésitez pas ! Ça va aller vous réussirez ! » Elle n'en doutait pas. Il était bien monté là non ? Alors il parviendrait à redescendre. Il fallait bien ! Et puis il avait l'air solide, ça ne devrait pas poser de soucis, il serait juste un peu secoué. Elle serait toute prête à le soigner au pire du pire. Mais non, de toute évidence ça allait. C'était très bien. S'approchant, elle le félicita avec sincérité, très contente qu'il se soit montré si bon élève. Ce n'était peut-être rien en apparence pour lui, mais pour elle c'était beaucoup ! Elle était réellement contente. « Trop mal ? Oh mais non ! Pour une première, vous vous en sortez très bien ne vous en faites pas ! »

La suite du programme lui fit hocher la tête. Ça lui allait très bien, aucun soucis pour elle. Enfin, sauf à bien y réfléchir. Il n'avait pas tort, de tels marchands ne courraient pas les petits villages, c'était somme toute logique. « Non, votre proposition me paraît sensée. A un détail près, mais vous pourrez sans doute me dire ! Nous avons quitté ce village parce que vous craignez que je sois en danger, ce ne sera peut-être pas une bonne idée que j'y retourne, non ? Enfin moi toute seule ça ne me dérange pas vraiment de faire grincer des dents, mais ça ne mettra pas forcément les autres humains dans les meilleurs dispositions du monde pour vous donner des informations. Vous préférez que je vous attende ou est-ce que cela ne vous embête pas ? » Si c'était ce qu'il pensait être le mieux, ça ne la dérangeait pas le moins du monde, après tout, ils étaient sur son terrain à lui. Il s'y connaissait. Quelle que soit la réponse, la suite immédiate était son nouvel essai de grimpage, aussi l'assista-telle et elle grimpa avec lui, se perchant sur des branches près des siennes en lui indiquant parfois gentiement une meilleur prise, ou simplement en lui tenant compagnie.

Elle avait décidée qu'elle aimait bien apprendre des choses aux autres. Bon certainement pas à tout le monde, mais en général, si tous se montraient aussi agréables que cet Alford, elle ne se montrerait pas avare en conseils et petites leçons en tous genres. Les yeux pétillants, elle hocha la tête franchement, faisant jouer ses mèches empourprées contre son visage. « C'est flatteur de votre part ! Et c'est une bonne façon de penser ! De vouloir s'améliorer, j'entends » Elle n'était pas la meilleur acrobate du monde non plus et sans doute ne le serait-elle jamais. Mais elle se défendait bien à ce jeu-là. Et oui, c'était une bonne façon de faire que de chercher à émuler et concurrencer, si cela était fait positivement. Mais à le voir, on se doutait bien que ça ne pouvait qu'être fait positivement. Elle le voyait mal faire quoi que ce soit de négatif en même temps. Elle n'était pas particulièrement douée pour cerner les gens mais lui, il n'était pas difficile de deviner qu'il était franc comme du pain blanc et de bonnes intentions. Bien sûr elle ne le lui dit pas, et se contenta de le relancer à propos du contrat, en réponse à sa proposition. Elle l'écouta lui répondre, ayant du mal à tenir en place.

Clignant des yeux, elle lui jeta un regard curieux. Les elfes étaient des créatures magnifiques ? En quoi ? Qu'est-ce qui faisait que les humains se pensaient moins beaux ? Qu'est-ce qui définissait la beauté ? Quels en étaient les critères ? Pouvait-on seulement, honnêtement, lui en donner ? Ce n'était pas parce que les siens étaient imbus de leur apparence qu'ils pouvaient se dire beaux, ou qu'ils pouvaient écraser les humains en les disant laids. Ils étaient tous des êtres naturels, et ça s'arrêtait là. Mais enfin, elle comprenait tout de même où il voulait en venir avec cette histoire. Elle n'était pas certaine de savoir vraiment comment en jouer, mais elle verrait bien comment les choses auraient lieux. Ça ne la dérangeait pas vraiment de le faire après tout. Complètement inconsciente du fait qu'il parlait par expérience, elle le laissa poursuivre. Ah oui… ses oreilles. C'était pour ça qu'elle portait une capuche, mais elle détestait devoir se cacher, ce n'était pas dans sa nature. Elle était plutôt du genre exubérante, comme une fleur colorée et parfumée qui resplendirait sous le soleil pour le plaisir des yeux.

En le voyant soudain parler de couverture, elle cru tout d'abord qu'il voulait la dissimuler sous un tissu complet et manqua protester. Ah non hein ! Une capuche c'était déjà bien assez, on allait pas en plus la transformé en papillote ! Il lui fallut la suite pour qu'elle remette l'affirmation dans le contexte. « D'accord, ça ne me dérange pas du tout. Je devrais peut-être utiliser un nom d'humaine, non ? Si je me présente sous mon nom elfique, ça sera bizarre, vous ne pensez-pas ? » Elle réfléchit pendant quelques secondes, puis reprit. « Lucia ? C'est un nom humain ça je crois, j'ai entendu une de vos femmes appeler sa fille comme ça. J'aime bien ! Va pour Lucia ! » Et elle éleva la main joyeusement, avant de la laisser retomber, semblant parfaitement contente de sa trouvaille. Ils reprirent l'escalade pendant encore un moment et il reprit la parole depuis une branche. Sa proposition était sensée, bon elle qui était un peu impatiente aurait sans doute du mal à tenir en place encore une fois, mais ce n'était au final pas très grave. Elle allait répondre lorsqu'il voulu sauter en bas et la soudaine prise sur sa jambe lui tira un cri.

Elle se rattrapa de justesse à sa propre branche et cligna des yeux. « Oh… oumf ! » C'est qu'il était relativement lourd, accroché comme ça à elle. Elle allait l'attraper et le ramener les deux pieds sur sa branche lorsqu'un sourd craquement retentit. Une minute plus tard, ils plongeaient tous deux vers le sol, après que la branche eut céder. Heureusement, ils ne tombaient pas d'assez haut pour se faire terriblement mal… mais par malchance, elle atterrit sur lui, s'étalant involontairement en avant. Dans un premier temps, elle éclata simplement de rire, les cheveux en bataille et des mèches lui bouchant la vue. Puis, quand elle comprit qu'il était entrain d'étouffer dans sa poitrine, elle daigna se redresser et le regarda par en dessous, pas plus gênée que ça. « Désolée ! » Elle se releva et s'installa sur son torse, confortablement assise, et entreprit de rejeter consciencieusement la crinière qui n'avait plus de forme et de la refaire tenir dans une simple lanière de tissu. Une fois son travail accomplit, elle croisa les bras sur sa poitrine, façon chasseur victorieux et s'adressa de nouveau à lui. « Alors messire Alford ! On ne fait pas attention et on essaye de me faire tomber ? » Mais c'était plus taquin qu'autre chose, et elle finit par sauter sur ses pieds pour l'aider à se relever.

« Il faut faire attention, un mauvais mouvement pourrait vous coûter. Heureusement nous n'étions pas assez haut pour mourir de la chute ! » Elle sourit « Mais quand à votre proposition, nous pouvons attendre la soirée effectivement, et comme ça vous aurez l'occasion de désespéré sur ma façon d'user d'une épée. Cela vous va ? »

Elle fit la moue et haussa les épaules, ayant l'air de sous-entendre qu'elle était tombée de bien plus haut que cela, ce qui n'était pas faux. Elle avait l'habitude, ce n'était pas très important. Pour apprendre il fallait d'abord tomber un certain nombre de fois. Et puis elle n'était pas en cristal pour qu'on s'inquiète de sa santé après chaque bobo. Contrairement aux femmes humains, elle était résistante. Ce n'était pas leur faute en même temps mais c'était la vérité, difficile de le dire autrement. Quand elle voyait des humaines, elle était souvent peinée, car elle avait l'impression de pouvoir les tuer juste en parlant trop fort. Et puis elles ne pourraient jamais se battre si on ne leur faisait pas confiance. Hors il lui avait semblé que les mâles humains ne faisaient jamais vraiment confiance à leurs femmes avec des armes… mais bon, chaque peuple avait ses façons de faire après tout. Ça les regardait. Souriante, elle l'aida à se relever. Il ne fallait pas se formaliser de la situation, ça aurait été bête après tout. Mieux valait en rire ! Et puis ils n'allaient pas rester à se lamenter, il y avait quand même mieux à faire que cela, non ? « Oh mais je vous en prie, ça ne me gêne pas » Pas du tout même, tant qu'il ne devenait pas intrusif. Et ce n'était pas le cas après tout, donc bon, elle n'allait pas fuir en hurlant et en jouant les prudes. Elle trouvait ça horripilant comme idée.

« Oh oui, vous vous en sortez bien pour une première fois ! » Toujours voir le côté positif des choses ! Parce qu'à faire l'inverse, le monde déprimerait encore plus, et elle n'aimait pas la déprime. Même la tristesse ne devait pas être permanente. C'était un état passager, comme la pluie venant rafraîchir la végétation. Il tenta de faire un peu d'humour pour la détendre au sujet des cours à l'épée, et elle eut un fin sourire matois. « Ah et bien je dois être pire, je ne savais pas qu'une épée avait plusieurs manches... » Mais là encore, il était très clair qu'elle plaisantait. Elle confirma son analyse d'un signe de tête. Oui, elle était du genre à taper dans le tas. Oh elle pouvait être subtile quand elle le voulait, mais avec ses compétences de combat, ce n'était pas trop ça. Mais elle le vivait bien aussi, c'était qui elle était, un point c'était tout ! Souriante, elle croisa les bras en attendant de savoir ce qu'il pensait pouvoir lui convenir. L'arme en question était… grosse, on ne pouvait le nier. Un espadon, si elle se souvenait bien. Ah effectivement, on ne pouvait pas dire que ce soit très subtile, pas comme les lames de son peuple quoi mais ça lui allait fort bien… peut-être effectivement que cette arme conviendrait mieux. « Hmmm effectivement » Elle devait avoir la force nécessaire pour cela, surtout pour une arme humaine.

Le regardant faire quelques mouvements avec l'espadon en question, elle penchant la tête en examinant l'arme. Quand enfin il lui tendit, elle fit une drôle de tête mais la prit tout de même. Ne sachant pas trop comment mettre les mains sur la garde, elle la prit un peu comme cela venait, et la lame penchait dangereusement, avec un angle de scie angulaire nordique. Pas gênée pour autant par le sacrilège qui devait retourner tous les maîtres bretteurs humains et elfiques dans les bras de Mort, elle fendit l'air plusieurs fois l'air avec raideur, déstabilisée par le poids de l'arme. Son équilibre, elle l'avait enfoncé dans ses habitudes, hors une épée n'en faisait pas partit du tout. Un moulinet un peu volontaire manqua la faire tomber au sol et décapiter l'humain au passage. Elle parvint à éviter le second, mais fut contrainte du coup de subir le premier et finit sur les fesses. « Ah j'ai l'air belle tient ! » Avec une moue, elle se releva et se tourna vers son professeur de fortune. « Hm… dites, si je ne vous désespère pas trop, un petit coup de main ne serait pas de refus »

Ah oui il était là pour ça, c'était lui qui avait voulu lui enseigner après tout ! Sans lui, elle ne risquait pas d'aller très loin avec cette drôle de chose, au vu de ses talents dans ce domaine. Hochant la tête, elle attendit qu'il s'exécute. Il passa dans son dos et vint lui tenir les mains. La proximité ne la fit pas vraiment réagir, elle n'était pas du genre à vraiment s'outrer de ce genre de choses sachant qu'elle-même n'avait pas de sens de l'espace privé. Ou alors si elle en avait un, il était vraiment étrange. Enfin pas à ses yeux à elle évidemment. Elle le laissa donc faire. Et puis si ça voulait dire qu'il lui montrait, comme cela semblait être le cas. Même si elle n'était pas convaincue de parvenir à se faire au jeu d'épée, elle n'était pourtant pas du genre à ne pas prêter attention à ce qu'on lui disait quand on lui dispensait un cours. Elle regarda attentivement ce qu'il changeait dans sa posture ou son accroche. Jusque là ça allait, elle pouvait suivre sans trop de problèmes. Il suffisait de retenir et d'éviter de passer immédiatement sur ses habitudes et son confort personnel. Sinon elle n'y arriverait jamais. Enfin bon, mieux valait rester concentrée. C'était difficile pour elle de se laisser guider comme ça. Pas à cause du contact physique, mais parce qu'elle avait quelques tendances hyperactives et que restée ainsi figée n'était pas trop son habitude. Elle se contint néanmoins de son mieux en maudissant un peu sa belette.

Du coup, quand il se mit à lui montrer quelques passes, elle fut bien contente et les fourmis cessèrent de lui chatouiller les membres. Elle suivit, la langue coincée entre les dents, dans une expression de concentration enfantine. Enfin… c'était difficile à croire que balancer une épée puisse être aussi compliquer quand même. Elle n'avait pas tort en disant que c'était subtile, même avec un gros gourdin, oups, espadon. Heureusement, il recommença deux ou trois fois, histoire qu'elle parvienne mieux à se les mettre en tête. Lorsqu'il s'éloigna enfin, elle se redressa sensiblement en examinant attentivement la lame. Elle allait lui montrer ce qu'elle avait retenue quand il lui demanda d'attendre, et elle pencha la tête, curieuse de savoir ce qu'il pouvait bien avoir en tête cette fois. Ah oui, une cible, pourquoi pas. Ça pouvait aider un peu effectivement ! « Ah oui je comprend parfaitement l'idée, mais je me contenterais de me concentrer je crois ! » Sinon elle allait lui faire peur. Envers ceux qu'elle n'aimait pas, elle n'était pas douce du tout après tout. S'exécutant, elle fit un premier mouvement et vint couper le bâton, manquant simplement encore d'équilibre sur la toute fin, mais elle prit sans trop de problèmes le rythme. Elle fit quelques mouvements comme il lui avait montré, même si elle ne visait pas toujours bien. C'était une chose de viser avec un arc ou ses poings, c'était une autre d'avoir un tel outil entre les mains.

Au bout d'un moment elle s'arrêta, et lui fit un sourire. « Alors ? Est-ce que c'est mieux comme ça ? » Elle enfonça l'épée dans le sol et rejeta une mèche de cheveux. « C'est particulier, d'avoir une arme comme ça entre les mains. Le pugilat ce n'est pas du tout pareil et l'arc je n'en parle même pas… mais c'est moins inconfortable que ce que je pensais. Vous voulez poursuivre ? »

Elle n'était pas particulièrement perfectionniste, mais elle aimait le travail bien fait en tout cas. Pour elle, il était évident qu'elle ne pouvait pas réussir parfaitement surtout du premier coup, il y avait sans doute beaucoup à améliorer. Normal. Ça ne la vexait pas le moins du monde, mais enfin il fallait toujours pousser les choses à l'extrême pour la vexer. Et l'humain n'avait franchement pas l'air d'avoir ce qu'il fallait pour ça donc c'était parfait, elle n'avait pas envie de s'en prendre à lui. C'était le soucis aussi quand on était du genre à avoir besoin d'un extrême pour réagir… on réagissait à l'etrême aussi, souvent, enfin en tout cas c'était ce qu'elle avait pu en voir, elle ! « En même temps j'espère bien que ça ne vous déplaît pas, c'est vous qui m'apprenez ! » Elle eut un rire en poursuivant « A moins d'être le genre d'individu à tirer un plaisir malsain de l'échec des autres afin de s'auto valoriser… mais ça ne colle pas avec votre trogne » En même temps il avait la trogne d'un gentil mercenaire humain un peu naïf, ce qui était mignon. Mieux valait qu'il ne change pas. Enfin autant que possible parc que de toute façon les humains changeaient énormément. Beaucoup plus que les elfes. Même elle ne changeait pas tant que cela au final. Elle serait certainement encore la même quand Tomyn la quitterait… bref.

Il lui montra une autre astuce, en lui expliquant l'utilité de celle-ci. Elle le laissa faire, attentive, hochant parfois la tête. Elle s'exécuta à son tour lorsqu'il la laissa faire. Elle ne s'y prenait pas très bien, sans doute effectivement parce que c'était compliqué comme il le disait. Mais tant pis, ça servirait toujours, ou pas, mais elle le garderait en tête. Et ça lui ferait un jeu pour s'entraîner au besoin. Ils ne tardèrent pas trop cela dit, car effectivement le ciel s'assombrissait. Elle lui rendit son arme, récupéra ses effets à elle, et remit, à contre coeur, sa capuche. Ils ne marchèrent pas si longtemps pour advenir de nouveau dans le village qu'ils avaient quittés… A nouveau, la curiosité la prit et elle oublia sa perplexité quand à la réaction possible des humains à son égard. Après tout elle avait fait une entrée plutôt remarquée. Mais sur le moment, ça n'avait plus d'importance, elle regardait de nouveau de tous côtés, essayant juste d'éviter de perdre l'humain de vue. Lorsqu'ils passèrent devant la forge, elle finit tout de même par s'arrêter encore une fois, fascinée, et ce ne fut que l'éloignement des pas de l'humain qui l'alerta. Elle le rejoignit aisément, fort heureusement et lui décocha un regard en coin.

« Alors ? Par qui voulez-vous commencer ?" Elle était obligée de suivre pour le coup, car elle ne savait pas du tout comment s'y prendre. Elle faisait plutôt des missions de gardes d'habitude.

Par quoi ? Il voulait séduire quelque chose ? Il voulait séduire quoi exactement ? Ça se séduisait les choses ? Elle n'était pas au courant et le regarda un instant de travers. Finalement il était peut-être bizarre, cet humain. Enfin plus que ce qu'elle avait cru. C'était singulier de vouloir séduire un objet quand même. Même elle n'en avait pas eu l'idée. Peut-être parce que les objets ne réagissaient pas beaucoup en règle générale, tout simplement. Ou simplement parce qu'il n'avait pas finit de s'exprimer. Roh mais il ne pouvait pas le dire tout de suite qu'il voulait aller à la taverne ! Mais enfin c'était bien des gens qu'il voulait interroger dans la taverne, non ? Pourquoi dire quoi alors ? La langue commune était bizarre parfois. Souvent en fait quand elle y pensait. Ou bien était-ce simplement sa logique ? Bon en fait ça n'avait pas d'importance, elle n'aimait pas s'interroger sur des choses comme ça. Ça ne servait franchement pas à grand-chose puisqu'au final ils avaient finit par se comprendre. « Comme vous voulez, vous vous y connaissez certainement mieux que moi »

Ils s'y rendirent donc et elle fronça légèrement le nez lorsqu'ils entrèrent. Ça puait, il n'y avait pas d'autres mots pour ça. Elle savait déjà que les humains ne sentaient vraiment pas bon, mais là, ça dépassait tout… Ce n'était pas des odeurs naturelles d'humains. Celles-ci, elle les supportait sans trop de soucis, habituée depuis le temps et ne s'en formalisant pas beaucoup. Mais là c'était différent. Ça puait littéralement et elle n'appréciait franchement pas ça. Ses sens étaient beaucoup trop fins pour qu'elle puisse se sentir à son aise dans un lieu pareil. Les vapeurs d'alcool, de fluides humains, la chaleur et l'odeur des graisses et viandes, et d'autres choses qui dénotaient la crasse… Et puis tout était cloisonné, fermé. C'était tellement triste. Pas un endroit pour elle. Si elle avait pu fuir elle l'aurait fait sans se retourner, mais hélas ce n'était pas le cas. Alors elle prenait sur elle tant qu'elle pouvait pour ne pas gêner. Après tout ils n'étaient pas là pour le plaisir. « D'accord » fit-elle simplement, la voix assourdie. Elle préférait qu'ils restent loin d'elle, elle n'était pas du genre prud' mais si on l'approchait d'un peu trop près avec une haleine aussi pleine d'alcool et des mauvaises intentions, elle y mettrait une bonne droite.

L'homme que désignait Alford avait l'air d'une épave. Elle avait déjà vu une épave, une fois… un petit navire Lyssien échoué sur la côte. Et bien cet humain le lui rappelait énormément. Immanquablement, elle ressentit un mélange de dégoût, pitié et mépris pour le soudard. Elle ne s'approcha pas moins et s'installa près de lui en essayant de capter l'attention de l'autre. Malheureusement, il semblait bien qu'ils n'allaient pas en obtenir grand-chose. Il était trop aviné, ou trop… trop elle ne savait quoi, mais il l'était. Cette créature n'avait besoin que d'une chose : un bon repos et de revoir sa santé. Néanmoins, loin d'être le seul poivrot de la salle, il y avait encore largement de quoi faire et elle se retrouva bientôt entourée de plusieurs hommes plus ou moins ivres qui tentaient de lui plaire et à qui elle posait des questions plus ou moins raccordes avec le sujet de leur venu. Certains semblaient effectivement avoir conscience de la personne qu'ils recherchaient, mais leur tirer des remarques cohérentes était franchement difficile.

Au final, l'individu en question n'avait pas séjourné longtemps ici, sans doute simplement de passage, vers une ville plus intéressante qu'une simple bourgade de campagne isolée. Néanmoins, quand enfin ils eurent le bon filon, l'un des ivrognes trouva intelligent de se mettre à la coller d'un peu trop près….

Elle l'avait sentit venir, mais avait aussi espéré qu'il finirait par se prendre les pieds dans une chaise ou autre chose et ne parvienne pas à faire ce qu'il voulait apparemment faire. Hélas, il y était arrivé et du coup, elle ne pouvait pas faire autrement que de lui en coller une. Enfin elle l'aurait fait si Alford n'avait pas subitement attiré son attention, et elle réprima un ricanement en voyant le soudard tomber assommer. Elle croisa les bras, et se dit que, finalement, elle n'allait pas en rajouter une couche, les pauvres hommes en avaient déjà bien assez reçu comme ça simplement parce qu'ils avaient le nez au fond de leur chopine. Inutile de se montrer cruel gratuitement. Elle esquiva un humain qui se lançait sur l'un des autres et regarda la bagarre d'auberge se répendre en soupirant. Elle aimait bien les humains, mais ceux là étaient malheureusement bien pathétique. Dommage… pour une fois qu'elle approchait d'un village, à moins qu'ils ne soient tous ainsi et qu'elle soit éternellement déçue ? En tout cas elle remerciait Dracos que Tomyn ne soit pas autant porté sur la boisson. Elle n'aurait pas finit de le jeter dans toutes les rivières qui passaient pour le faire revenir à de meilleures façons.

« Pas grave, je ne vous jette pas le pierre » Elle aurait frappé de toute façon alors bon au final il avait sans doute épargné de longs mois d'immobilisations ou de sévères lésions à ces hommes. La proposition de sortir lui allant parfaitement, elle hocha la tête et prit les devants en esquivant les projectiles. Sur le pas de la porte, cependant, elle fit la moue. « J'ai beau penser que les deux autres ont eu ce qu'ils méritaient, je ne me vois pas laisser tous le monde se taper dessus comme ça » Se retournant, elle fit appel à la magie pour créer une fleur soporifique qui répendit son parfum lentement dans l'auberge, en faisant s'écrouler un à un les ivrognes. Satisfaite, elle referma enfin la porte et accorda un sourire à l'humain qui l'accompagnait avant de proposer qu'ils s'éloignent de nouveau de la ville, milice oblige. C'était certainement le mieux à faire et puis en pleine nature, ils ne risquaient pas de perdre leur potentiel informateur. Ce fut donc un chemin inverse rapide qu'ils effectuèrent pour quitter la zone de 'danger' immédiate et trouver un coin tranquille où ils pourraient interroger l'ivrogne. Enfin ivrogne… il semblait quand même beaucoup plus alerte que les autres donc soit il tenait mieux soit il avait moins bu.

Une fois qu'ils furent posés, ils purent poser tranquillement des questions à l'aviné plus si aviné que ça. Mais en même temps, elle aussi aurait dessaoulé si elle s'était faite ballottée comme un sac de salades sur l'épaule d'un homme. Pour essayer d'aider au mouvement elle vint s'installer près de lui et lui fit un joli sourire. « Aller, on a simplement quelques questions à vous poser et vous pourrez repartir sans problème. On est pas chics ? »

Faire parler un homme, ce n'était pas quelque chose qu'elle savait vraiment faire. En revanche faire un beau sourire et le câliner, ça elle savait, et tant pis s'il s'imaginait des choses pas nettes. Dans le pire des cas, elle l'assommerait et puis voilà. Elle laissa donc la main à Alford, et après tout c'était bien normale puisqu'il savait certainement mieux qu'elle les informations qu'il souhaitait obtenir. Loin d'être inactive pourtant, elle aida et soutint de son mieux, quand l'humain semblait en avoir besoin. Fort heureusement, leur 'proie' ne semblait pas offrir beaucoup de résistance, et bientôt, ils eurent un début de piste sérieuse. Ça l'étonnait, aussi, qu'un marchand sensément plus riche que le petit-peuple se balade dans un village aussi réduit. Oh elle n'avait jamais au grand jamais vu de grande ville humaine, elle n'en avait pas eut l'occasion de toute sa vie, mais ce n'était pas grave, ça n'empêchait pas pour autant d'être logique. Hors la logique si on connaissait juste ce qu'il fallait les humains, c'était que les personnes 'riches' – elle avait encore bien du mal à concevoir les idées mortelles dans ce domaine-ci – se nichent dans les villes ou les bourgades d'importance, pas de petits lieux tels que celui-ci.

En revanche, elle trouvait le bon Alford un peu tendu subitement et pencha la tête en laissant finalement tomber l'ivrogne plus si ivrogne que ça pour le moment. Curieuse, elle demanda, de sa voix chantante, sans paraître plus gênée que cela de mettre les pieds dans le plat sans même essayer de ne pas en avoir l'air. « Dites c'est bizarre, le corniaud dont il parle il a le même nom que vous. Enfin le nom de famille, parce que le prénom est à pleurer de rire. Non mais sérieusement, vous en avez déjà entendu parler de ce… Ayrichhhh ? Aine-richt ? Dracos me soit doux, je n'arrive même pas à prononcer ça correctement… enfin bref ça n'a pas d'importance, vous le connaissez ce truc ? » Bah oui, truc ! Elle n'arrivait même pas à prononcer son fichu nom alors par vengeance, ce serait 'truc' jusqu'à ce qu'elle décrète quelque chose de différente. Mais la question méritait d'être posée non ? Il le connaissait le truc en question ? Non parce que si c'était le cas il suffirait d'aller le trouver et de lui demander courtoisement – et bah quoi ? Oui elle pouvait être courtoise ! - s'il n'avait pas vu leur affaire passer par là. Ou par ici, bref quelque part tant qu'il l'avait vu.

D'ailleurs elle le lui transmit. « Si vous le connaissez cet oiseau-là, on pourrait aller lui poser la question, voir s'il a trouvé notre fils de marchand. Et puis s'il ne l'a pas trouvé mais qu'il le cherche, un pourra toujours l'assommer et le ligoter dans un coin pour qu'il ne nous vole par notre 'cible'. Qu'en dites-vous ? » Pendant qu'il cogitait là-dessus, elle se détourna pour observer l'ivrogne qui se relevait et secoua la tête avant de le doucher d'un sort bien placer pour terminer de le dégriser. Il cria, jura, et elle rit légèrement en le voyant se trémousser comme un asticot qu'on aurait dérangé. Tordant ! Et bien plus drôle que quand il était ivre en plus ! Mais le sortilège lui rappela quelque chose et elle émit un « Ah mais ! » surprise par ses propres pensées. En s'adressant de nouveau à Alford, joyeuse, elle proclama « Je crois que je pourrais peut-être le retrouver avec ma magie ! Je peux discuter avec la nature après tout, alors je pourrais lui demander si elle n'a pas vu passer l'un de nos gugus... enfin après avoir ramené celui-là, là-bas ! »

Compliqué ? Compliqué comment? Pourquoi compliqué ? Ses prunelles vertes pétillaient de ses questions, parfaitement inconsciente de ce qui pouvait bien se tramer dans la tête de l'humain. Mais l'eut-elle su qu'elle aurait sans doute éclaté de rire. Pour l'instant cependant, seul un léger sourire flottait sur ses lèvres. Et bien c'était amusant que de le voir aussi gêné, peut-être qu'elle devrait le gêner un peu plus pour voir s'il devenait encore plus amusant ! Dommage qu'ils n'aient pas vraiment le temps pour jouer, autrement elle s'en serait fait un plaisir. Mais enfin il fallait bien se concentrer sur le principal et puis elle avait bien envie de demander à monsieur nom imprononçable pourquoi justement il avait un nom imprononçable. Non mais c'était vrai ! Quand on voyait les noms elfiques, ils étaient beaucoup plus simples à prononcer, c'était même de la poésie même si les siens s'en rengorgeaient sans doute beaucoup trop. Enfin bref tant pis, en attendant elle allait voir ce qu'elle pouvait faire par magie.

Elle tourna de nouveau la tête vers lui lorsqu'il précisa qu'il s'agissait de son père et sourit simplement avec un « d'accord » absolument pas gêné. Et bah ? Oui c'était son père, et alors ? Elle n'allait pas hululer comme une chouette tachetée en s'enroulant dans un jambon. Et ça ne changeait rien au fait qu'elle lui trouvait un nom franchement imprononçable. On ne choisissait pas sa famille non ? Elle le laissa donc questionner un peu plus l'ivrogne, observant les environs pour voir quel serait le meilleur coin pour utiliser son sortilège. Elle mit un instant à comprendre qu'il s'adressait de nouveau à elle et elle cligna des yeux en lui jetant un regard interrogateur. Elle ne comprit d'ailleurs pas bien où il voulait en venir. « Mais je ne comptais pas le juger » fit-elle, clairement de l'air de quelqu'un n'ayant pas vraiment compris ce qu'on lui voulait « Je vais simplement lui demander s'il a effectivement trouvé notre marchand. On s'en fiche qu'il l'ai détroussé ça ne nous regarde pas, votre contrat ne porte que sur sa vie après tout et on peut détrousser sans tuer »

Et les histoires d'argent humaines ne l’intéressait fichtrement pas ! Elle lui fit signe puis attrapa l'humain qu'elle balança sur son épaule encore plus brutalement que ne l'avait fait Alford un peu plus tôt. « Haut les coeurs ! » Et elle se dirigea vers la ville d'un pas assuré, ne s'arrêtant qu'à la vue des premières maisons. Là, elle transmit le paquet à Alford en expliquant que, si elle devait jouer l'humaine, elle ne pouvait pas se permettre de transporter un homme adulte comme elle le faisait, sur une épaule et sans même suer un peu. Elle attendit donc là qu'il dépose son paquet où il le voulait et lorsqu'il revint, elle utilisa enfin le sort de murmure naturel pour se repérer. Il lui fallut un long moment, presque une heure révolue, pour avoir quelque chose. C'était, en effet, lointain, pas du tout dans le village et même pas sur sa route à elle. Elle transmit donc la direction et les informations qu'elle avait récoltée et lui donna à peu près la distance où se trouvait l'homme en question.

« Vous voulez aller voir alors ? »

Il voulait y aller, et bien, bien ! Elle n'avait rien contre ! Au pire elle courrait après Tomyn, si vraiment il la dépassait… pour une fois que ce serait lui qui la devancerait ! Elle hocha donc la tête, pas du tout embêtée même si ce n'était pas exactement sur son chemin. En y pensant bien, ça l'intriguait aussi, après tout, pourquoi une mine ? Ce n'était pas un endroit pour un marchand de tapis même si elle savait que les humains avaient des mœurs étranges. Déjà, elle avait du mal avec le concept de mine, vouloir creuser un trou pour trouver des roches et faire mal à la nature pour rien, ça la laissait bigrement perplexe. Non mais vraiment qu'est-ce qu'ils y trouvaient ? Ce n'était même pas amusant ! Les hommes des mines, si elle avait tout comprit, étaient sales, en danger et souvent très fatigué, et à travailler dans un trou, ils ne voyaient pas souvent la lumière du jour en plus ! Et puis Terre ne devait pas beaucoup apprécier qu'on creuser en lui. C'était aussi ça le soucis… ils avaient déjà essayé de se creuser un trou dans les flancs pour voir si ça les amusaient ? Étrangement elle n'y croyait pas trop, alors pourquoi infliger ça à ce pauvre esprit. Des roches et des minerais il y en avait déjà beaucoup à l'extérieur sans avoir à creuser pour en trouver ! Elle resta donc silencieuse pendant le trajet, toute à ses réflexions et ses questionnements intérieurs. Il allait falloir que Tomyn lui explique tout ça un de ces jours…

Lorsqu'ils arrivèrent, néanmoins, ce fut pour découvrir que les lieux étaient déjà occupés. Sauf que les humains là-bas n'avaient pas du tout l'air de mineurs, ni de marchands d'ailleurs. Des soldats ? Ou, sans doute, des bandits. Enfin tant qu'il ne s'agissait pas d'alayiens, tout allait bien non ? Laissant Alford aller de l'avant seul, elle resta là où elle se trouvait, pas du tout gênée par la distance pour entendre ce qui se disait. Vive l'ouïe elfique dans ces moments-là ! Bon il aurait sans doute pu éviter d'aller à l'intérieur, elle était bonne archère mais il valait mieux ne pas trop en demander non plus, ses flèches ne passaient pas au travers de la roche ou du sol. Boudeuse de le voir faire, elle ne bougea pas pour autant, sachant très bien que certains de ces gugus-là l'observaient. Elle resta attentive à ce qu'elle entendait, mais n'écoutait que d'une oreille, ce qui était déjà bien suffisant. Pendant ce temps, elle se mit à se tresser les cheveux, les attachants avec des lanières végétales et les repoussant sur sa nuque tresse par tresse, pour avoir le visage dégagé. C'était qu'il faisait bien chaud par ici hein ! Une fois que ce fut fait, et que son œuvre d'art fut renforcée par une lanière de cuir qu'elle avait chipée à son mari, elle resta à se satisfaire de la nature environnante.

Alford ne tarda guère à revenir, et elle se tourna vers lui avec nonchalance, installée contre un rocher sans paraître le moins du monde gêné ni inconfortable. Elle l'écouta en balançant un pied de gauche à droite, bras croisés sur la nuque et arc resté dans l'herbe. Ce qu'il lui apprit lui tira un haussement de sourcils perplexe. Un bandit ça avait une parole ? Non parce que ce n'était pas vraiment ce qu'elle en savait elle hein, dette ou pas. Elle resta un instant silencieuse à l'observer puis se redressa, s'asseyant en tailleur, les mains sur les jambes et une mèche solitaire et rebelle lui traînant devant un œil. « Hmmmm » Fronçant les sourcils et avec une petite moue pensive elle répondit « Et bien je ne sais pas je dois avouer. C'est bizarre quant même qu'il vous propose ça, ce gugus. C'est quoi la récompense de ce concoure là ? Et puis je ne suis pas certaine qu'on me laisse y participer, et je dois dire que je comprendrais d'ailleurs, ça ne serait pas équitable vu que je suis bien meilleure que les humains. Et puis je ne suis pas un homme, je suis une femme, il me semble que votre peuple est plutôt à cheval là-dessus. Moi je m'en fiche sur le principe mais bon »

ils risquaient de ne pas pouvoir s'inscrire, tout simplement. Après un instant, elle pencha la tête sur le côté « Comme vous voulez je dirais, c'est votre contrat, moi je ne suis là que parce que ça m'amuse et que j'ai envie de vous aider. On peut très bien aller voir ce concoure si c'est ça qui vous paraît le mieux, mais dans le cas où vous auriez des doutes, je peux aussi très bien utiliser ma magie, endormir tous le monde et on ira récupérer notre marchand tout simplement. L'un comme l'autre me va amplement. Je vous aurez bien proposé d'attendre aussi que Tomyn arrive mais malheureusement je ne sais pas trop quand ce sera alors…. » Elle prit son arc, se redressa d'un souple mouvement et l'installa de nouveau dans son dos avant de vérifier ses gants de combat, dont la magie était désactivée pour le moment puisqu'elle ne combattait pas. « Alors, qu'est-ce que vous décidez ? Et quelle genre d'arme émoussée utilise-t-on d'ailleurs dans ce concoure ? »

De bonne foi, elle essaya de s'imaginer ce que représentait 300 pièces d'or pour les humains, mais eut franchement du mal. C'était une chose que de comprendre que cette somme était importante, s'en était une autre de visualiser ce que cela signifiait vraiment, en pratique. Elle n'avait aucune visualisation de cela. Non seulement parce que son peuple n'avait pas du tout la même notion de l'argent, mais aussi parce qu'elle était elle-même, et qu'elle y tenait encore moins, à cette notion en particulier. Mais elle essaya quand même, au moins pour faire plaisir. Lui en tout cas savait exactement de quoi il parlait, aussi ne chercha-t-elle nullement à discuter. Si c'était beaucoup, alors pas étonnant que les bandits veuillent l'avoir, cette récompense. Mais ce serait très dommage de la leur donner alors qu'elle pouvait aller à quelqu'un, sans doute pas meilleur, mais au moins d'un peu plus honnête. Et ça, l'honnêteté, elle connaissait ! Elle connaissait même un peu trop bien vu que ça lui jouait souvent des tours. Pas que ça la dérange vraiment, elle ne changerait pour rien au monde. « Ah ? » demanda-t-elle simplement à son affirmation qu'il y avait sans doute effectivement quelque chose à faire. Et bien ? Qu'était-ce donc qu'ils pouvaient faire ? Mais il semblait bien qu'elle n'aurait pas la réponse. Tant pis, ce ne devait pas être important alors.

Les informations sur la mine étaient beaucoup plus importantes dans l'immédiat, aussi écouta-t-elle avec attention, alerte. Une trentaine de personne. C'était un petit paquet effectivement, même pour elle. Sans doute faudrait-il qu'elle fasse pousser plus d'une fleur somnifère, histoire d'être bien certaine qu'ils soient tous atteints et que ce soit plus rapide. Et il ne fallait pas que tout ce beau monde se réveille subitement alors qu'ils étaient encore là, ce serait vraiment gênant voir pire. Et il y aurait des pièges et à se repérer oui, aussi effectivement. A bien y réfléchir, il serait sans doute bienvenu qu'elle utilise une fois encore sa magie pour interroger la nature, histoire de savoir à l'avance ce sur quoi ils allaient tombés et se simplifier la vie. En revanche quelque chose la laissa un instant perplexe dans le plan qu'il exposait. « Ah je n'ai rien contre votre plan, mais pourquoi attendre la nuit ? Je peux très bien utiliser la magie pour les faire dormir comme je vous l'ai dis. Enfin dans le pire des cas je peux aussi le faire de nuit évidemment. Dans tous les cas ça règlera votre soucis de discrétion, un sommeil magique ça ne se brise pas facilement. Bon n'allez pas danser avec toute votre ferraille non plus s'il vous plaît, évidemment »

Elle pondéra tout ça un instant puis conclut « En fait oui, attendons la nuit. J'utiliserais ma magie pour les faire dormir, et nous nous glisserons à l'intérieur. En attendant que la nuit tombe, je vais de nouveau communiquer avec la nature et je ferais en sorte de connaître exactement ce qui nous attends à l'intérieur, la position de l'humain que nous cherchons et quoi que ce soit qu'il soit bon de savoir pour notre virée nocturne » Décidée, elle lui fit signe puis rebroussa donc chemin. Une fois bien hors de vue, ils se cachèrent dans un fourré qu'elle dénicha sans trop de mal et qui les couvrait totalement. Là, elle s'adonna, comme elle l'avait dit, à la magie, prenant bien son temps puisque de toute façon il fallait attendre. Elle ne fut donc pas très causante. Mais en contre partie, elle apprit beaucoup. Ça valait bien son silence, non ? De toute façon que ça plaise ou pas c'était comme ça et pas autrement, donc autant s'y faire. Une fois qu'il fit bien noir et qu'elle se fut reposée un moment, ils approchèrent de nouveau, elle lui montrant comme se faire un peu plus discret. En vue des bandits et de la mine, elle invoqua les fleurs somnifères, et les laissa faire leur œuvre une première fois.

En voyant les humains tomber par terre comme des mouches, elle eut un petit sourire enfantin et se releva. « Aller » chuchota-t-elle « Allons y ! » Et elle s'approcha de l'entrée de la mine, prête à faire de nouveau usage de ses fleurs s'il le fallait. Arrivée à mi-chemin, elle s'arrêta et l'observa un instant en ajoutant « Si je dois en appeler une autre, essayez de ne pas respirer, vous seriez atteint vous aussi »

Bien. Il était prévenu à présent, tout allait pour le mieux. Ce serait tout de même particulièrement dommage s'il venait à respirer le parfum et tombé endormi. Elle pourrait toujours l'emporter, mais cela l'empêcherait alors d'aller chercher leur cible. Donc toute l'opération n'aurait servie à rien. Elle aimait faire des choses qui ne servaient à rien au quotidien, mais des choses d'une autre teneur que celle-ci. Là tout de suite, elle n'avait pas du tout envie de faire quelque chose pour rien, donc il fallait faire en sorte que tout se passe bien. Concrètement ça ne serait pas très dur évidemment, il suffisait de suivre le plan et de ne pas respirer les fleurs. Enfin leur parfum. Ils reprirent finalement leur marche et entrèrent ensemble dans la mine. Elle allait devant, souple et leste, son pas ne faisant aucun bruit qu'une oreille humaine pourrait percevoir. Les pièges présents, elle les évitait, dansant autours sans trop s'en inquiéter. Ce n'étaient que de petites choses, de petites créations grossières qui ne représentaient pas de danger quand on savait où elles se trouvaient. Elle les observait parfois en souriant un peu, puis s'en détournait. A l'intérieur aussi, ils dormaient, terrassés par sa magie. Elle en était très satisfaite, au moins ils ne causaient pas de problèmes. Quand ils arrivèrent en vue de la salle intérieure droite, elle utilisa une nouvelle fleur avec un succès semblable et s'amusa à compter en combien de temps les bandits tombaient. Un peu plus longtemps, car la fleur avait un peu de mal à percer à l'intérieur, mais guère davantage tout de même.

Encore une fois, du bon travail donc ! Elle vit Alford se tourner vers elle, et allait l'écouter quand elle entendit le sifflement du carreau. Immédiatement, elle attrapa son arc et le banda, encochant une flèche en cherchant le tireur des yeux. Fort heureusement, il n'eut pas le temps de donner l'alerte, rendu muet par l'humain. Ah bien, donc il savait se servir d'un peu de magie, c'était rassurant, elle avait un moment cru avoir affaire à un impuissant. Elle laissa Alford se mettre à courir, visa pour sa part, et traversa l'une des jambes du bandit d'une flèche bien placée qui la fit sourire. Moui, ça allait encore, ce n'était pas le plus dur. Ainsi, le mercenaire pourrait le rattraper et s'occuper de lui. Elle-même les rejoignit plus posément et, une fois qu'il fut hors d'état de nuir, ils purent reprendre leur route. Heureusement, ce bandit-là semblait l'un des seuls à lui avoir échappé. Quand ils en trouvaient un autre, ils s'en occupaient aussi. Et ainsi desuite jusqu'à ce qu'ils arrivent enfin à l'endroit où se trouvait le fils du marchand, qui fut endormis à son tour avec les bandits présents. Celui-ci récupéré et juché sur son épaule, ils repartirent dans l'autre sens, puis quittèrent la mine. Ils s’arrêtèrent à quelques distances et elle observa l'humain. « Bien, je crois que nous avons réussit ! Ce n'était pas particulièrement difficile mais vous avez été d'une sacré aide, je me suis bien amusée ! Vous savez, je ne suis pas intéressée par l'argent, avoir passé le temps me suffit. Allons simplement chercher votre récompense, puis je reprendrais ma route »

Elle hocha énergiquement la tête. Ah oui oui, elle était sûr d'elle, elle ne voulait rien. Elle avait déjà bien assez d'or et ne savait pas quoi en faire, inutile donc de se charger plus encore. Et puis lui saurait bien plus qu'elle quoi en faire, donc autant être pragmatique. Elle n'avait besoin de rien d'autre que de son mari et de son arc après tout. Elle regarda un instant la main qu'on lui tendait, se demandant pourquoi il la lui montrait de nouveau, puis se souvint et la serra en évitant de lui broyer la main au passage. Ça aurait été franchement dommage. Elle oubliait parfois ce geste propre aux humains, comme elle pouvait parfois très bien s'en souvenir, tout dépendait de la situation. Pour le coup elle n'avait pas eut la tête à y penser, d'autant qu'ils allaient encore faire un bout de chemin ensemble et qu'elle n'associait ce geste qu'à une salutation. Mais bon s'il voulait la saluer de nouveau aucun problème, elle lui ferait plaisir sans le moindre soucis. Il en faut peu pour être heureux, non ? Bon il se montrait un peu cérémonieux tout de même elle ne lui avait pas non plus sauvé vie et famille. « Et bien nous verrons si nous nous recroisons ! Jusque là tâchons simplement de dire que nous avons appréciés de travailler ensemble ! »

Quelques jours de marche semblait raisonnable, aussi n'avait-elle rien à y redire. Elle aimait bien marcher dans la campagne de toute façon alors si on pouvait allier l'utile à l'agréable. « Oui contournons donc » Elle pouffa un instant à l'idée d'y retourner. Le pire ? Elle y serait allée, elle. Mais bon s'il voulait du calme, pas de problèmes elle n'était pas … pas trop… contrariante. « Vous voulez apprendre la magie elfique ? Oui je peux toujours vous montrer mais vous aurez beaucoup de mal à produire quoi que ce soit au début, il faudra que vous vous accrochiez ! Ça prendra sans doute des mois, mais vous verrez que ça en vaux largement la peine » Et avec un sourire, elle ouvrit la marche.