Dans les cavernes, on trouve de tout [Pv Matis]TERMINE

--- Fin Mai---

Voilà un moment qu’ils étaient arrivés à destination. Que la rébellion les avait acceptés à Aigue royale et pourtant, ils étaient loin d’être hors de danger. Oh certes, commencer à découvrir les lieux et voir tant d’individus appartenant aux autres races éloignait de son esprit l’inéluctable certitude qu’ils allaient de toute façon tous périr. Il n’y avait aucune autre alternative. Ils pouvaient très bien survivre à l’armé qui approchait mais contre l’implacable destruction qu’imposait Néant au travers de ses sanctuaires, ils ne pouvaient rien… Personne ne pouvait rien, que ce soit le plus puissant des mages ou le plus grand des dragons. Ils allaient tous rejoindre la non existence totale, aspirés par le vide béant de la brume sinistre qui avait certainement déjà engloutis les bois de son enfance. Au début, il avait vraiment cru qu’il était inutile de vivre plus avant, qu’il valait tout simplement mieux mourir maintenant et rejoindre Mort, que de cesser totalement d’être, physiquement et spirituellement. Mais après leur départ des bois, après la découverte du monde extérieur, il était revenu sur cette certitude. Autant vivre au contraire, jusqu’au dernier instant, et tant pis, sans doute, s’ils devaient mourir. Après avoir frôlé sa propre fin à l’intérieur du sanctuaire, il n’avait plus tant peur de périr. Cette partie de lui était anesthésiée. Ne restait qu’une certaine résignation et la volonté de simplement profiter du temps qui lui restait. Au moins aurait-il vu le monde extérieur avant la fin, c’était déjà quelque chose.

D’ailleurs, Aigue royale avait beau n’être qu’un petit fragment de ce monde, mais il y avait déjà tellement à voir que cela lui faisait parois tourner la tête. Auparavant, il aurait certainement répugné à être tout le temps ou presque entouré d’autres personnes, dans le tintamarre constant des différentes cavernes. Même là où les humains pensaient avoir du calme, lui, elfe, ne trouvait qu’une autre forme de bruits, avec son audition beaucoup plus pointue. Il avait même progressivement découvert que son ouïe était terriblement délicate, preuve s’il en avait besoin que la forêt et le royaume elfique étaient des mondes à part. Cependant, il ne rechignait guère à être ainsi imbibé du chaos ambiant des préparatifs de la bataille à venir et de la vie des autres races. Cela le rassurait beaucoup, chassant ses angoisses par la constante présence, apportant plus de découverte qu’il n’en avait faite durant ces dernières années. Il se plaisait à absorber leurs avancées techniques et à les développer, faire sien les idées des humains. Il se plaisait également à les observer. Si sa principale admiration allait aux vampires, il se découvrait peu à peu une affection et une curiosité singulière pour les humains… très différente de celle qu’il vouait aux sangs froids. Mais jamais il n’approchait, son père l’aurait encore regardé de travers et il n’en avait pas envie. Se disputer maintenant avec lui ne lui aurait été d’aucune utilité. Mais de toute façon, le général était en permanence débordé.

S’il avait repris progressivement le goût de ses inventions et de la curiosité, il avait également retrouvé le goût à jouer des mauvais tours aux autres entre deux entraînements. Et c’est justement ce qu’il avait fait en cette journée, observant les résultats de l’embrouillamini qui poussait deux humains et un elfe à se bouffer le nez comme des chiffonniers. Et en voyant s’avancer un nouveau venu droit vers la scène du drame, il ne put qu’imaginer une occasion de mettre quelqu’un d’autre dans la mouise. Il attira donc l’attention des trois ‘dualistes’ et pointa obligeamment dans la direction du nouveau venu encore innocent et qui n’avait rien demandé à personne. « C’est lui messieurs » Et de laisser les trois autres fondre sur leur proie pour lui demander des comptes qu’il serait incapable de fournir. Restant à distance, il regarda avec l’ombre d’un sourire au fond des yeux la façon dont l’homme pourrait s’en sortir face aux trois autres rendus presque sourds par la colère qu’ils faisaient bouillir depuis à présent une bonne vingtaine de minutes. Impossible de savoir exactement comment il les avait lancé au tout début, une insinuation par-ci, une suggestion par-là, une réunion accidentelle… C’était même plus facile qu’il ne l’aurait cru, et affreusement drôle.

Cela faisait quelques jours à peine qu’il était rentré de Gloria, blessé mais en vie. Avec une mission échouée mais deux enfants sauvés des griffes Alayiennes. Alors oui il avait pu réunir une famille, mais avait échoué à en réunir une autre. A ce sujet, il savait qu’il serait attendu au tournant par ses supérieurs voire même par le père du petit qu’il n’avait pu sauver. Le père s’était Korentin Kohan, Empereur rebelle, pas le genre de personne que l’on doit énerver en fait. Et pourtant il savait que lorsqu’il apprendrait ce que le jeune capitaine avait fait, ou plutôt ce qu’il n’avait pas réussi à faire… Disons juste qu’il allait passer un sale quart d’heure, un moment qu’il ne risquerait pas d’oublier de sitôt mais il en était presque habitué maintenant. Ce ne serait que le second ou le troisième Kohan à lui hurler dessus toute sa haine et sa colère. Fabius avait même proposé l’idée selon laquelle il finirait la tête au bout d’une pique. Idée forte intéressante mais qui n’avait pu être menée à bien du fait des actions du jeune homme contre l’empereur « légitime ».

Mais ce qui occupait ses pensées ce n’était pas Korentin, ce n’était pas Fabius, c’était encore moins la guerre ou l’activité intense qui se trouvait dans Aigue. Non, ce qui l’inquiétait, ce qui occupait ses pensées depuis des jours c’était Luna. La petite Luna qui était venu avec lui à Gloria pour sauver le petit Kohan et qui avait été fait prisonnière par le prêcheur en personne. Alors oui, lui avait pu s’en sortir et il avait pu lui laisser un petit mot mais il avait échoué dans sa mission. Et doublement échoué si l’on partait du principe que sa comparse aurait dû s’en sortir. S’aurait dû être lui le prisonnier que l’on torture, pas cette jeune enfant à qui la vie souriait.

Lorsqu’il était rentré à Aigue il n’avait pu voir de sa famille que son père. En effet, une bonne partie de la population d’Althaïa et d’Aigue avait mis les voiles vers des destinations plus chaudes ou tout simplement plus sûre. Il n’eut pas à supporter le regard, les regards plutôt, meurtrier de ses sœurs se demandant où était passé leur amie de tous les jours. Il voyait sur lui leurs regards, leurs questions et leurs peines. Cette scène il se l’était imaginé des dizaines, des centaines de fois dans sa tête alors qu’il rentrait de Gloria. Mais il n’avait plus le choix, un jour il devrait rendre des comptes… Mais jamais il n’abandonnerait la jeune femme à son triste sort. Une fois le problème d’Aigue résolu il ira à Gloria pour l’arracher des prisons impériales.

Il était tellement dans ses pensées qu’il ne vit pas arriver le groupe de trois personnages foncièrement énervé qui lui fonçait dessus après avoir écouté un autre elfe. Machinalement il avait levé la tête en entendant celui-ci dire « C’est celui là…. » Il n’avait pas fait le rapprochement entre lui et ce qu’il se passait autour de lui. Il était tellement perdu dans ses pensées qu’il n’entendit que de loin les paroles acerbes et obscurci par la colère des trois inconnus qui l’empêchaient de passer. Il semblerait que ces gens là n’étaient pas de très bonne humeur, il y avait un elfe et deux humains… Mais qu’est ce qui pouvait bien pousser ce genre de personne à s’en prendre à lui ? Qu’avait il fait et qui pouvait bien être cette personne qui l’avait dénoncé de la sorte ? Encore tout un ensemble de problème à venir…
Gné ? On peut savoir ce que vous me voulez tous autant que vous êtes ? Vous avez trop bu et vous cherchez votre chemin les ivrognes ? Non parce que vous n’obtiendrez rien de moi qui puisse vous aider j’en ai bien peur.

Quoi qu’il puisse dire il savait qu’il aurait du mal à se débarrasser d’eux par la simple parole, mais quel intérêt pour lui d’en venir au main ? Pour le moment il ne savait pas vraiment comment s’en sortir mais il trouverait bien une solution qui contenterait tout le monde. Il jeta un nouveau coup d’œil à l’elfe qui l’avait dénoncé et essaya de comprendre de qui il s’agissait mais pour le coup rien ne lui venait à l’esprit… Il revint cependant à ses trois interlocuteurs pour appuyer ses propres dires.

Vous n’oseriez pas vous en prendre à un officier tout de même… Il pourrais vous arriver des choses pas nettes et pas très sympathiques vous savez…

Un bref instant, son sourcil gauche tressauta et s’arqua sensiblement, sans qu’il ne quitte sa place un peu en retrait, observant la scène sans en perdre une miette. Il était vraiment enrichissant de poser un doigt de pied sur la limite sans jamais la franchir, et de mettre ces idiots dans une situation difficile… parce qu’ils ne pouvaient pas en venir aux mains et le savaient tous très bien. Certains étaient même particulièrement intéressants à observer, comme cet humain barbu et ses menaces sous-jacentes. Ces pauvres créatures ce seraient presque laissées prendre au jeu en plus, quel dommage… Il n’avait vraiment aucun respect pour les simples d’esprit. Cela au moins ne changeait pas depuis le temps et malgré les traumatismes. Il s’esquiva discrètement lors du passage d’un charriot et approcha du groupe, venant s’arrêter entre l’un des humains et la victime actuelle de leur mécontentement. « Allons allons… que voilà de bien discourtois sous-entendus. Je doute que l’Empereur apprécie de tels propos et en particulier envers un elfe, nous qui venons tout juste d’intégrer la rébellion au grand complet. Si c’est là votre manière de contribuer à l’homogénéité et à la bonne entente des différentes factions comme chacun se doit de le faire, vous vous y prenez mal » Il croisa un bref instant les bras

« Oh bien entendu tout dépend de ce que vous entendez par officier, mais il me semble que le grade ne fait pas tout devant un tribunal… surtout après de telles menaces » Le ton était détaché, mécanique quoi que doté d’une légère pointe, particulièrement subtile, de bonne humeur. Se penchant légèrement, il sembla examiner le soldat de plus près et approcha une main vive, pour lui tirer quelque chose de la ceinture. Montrant le morceau de parchemin qu’il venait de tirer aux trois autres, il ne plus que pincer les lèvres devant la réaction violente qu’ils eurent, éructant tout ce qu’ils savaient. Il éloigna l’écrit de leurs mains. « Oh voyons, ne vous conduisez pas ainsi…Vous voyez, je vous l’ai dit » Il finit par le remettre à l’elfe qui eut le bon goût de ne pas lui arracher des mains. « Puisque vous avez retrouvés ce que vous cherchiez, je suppose que vous abandonnerez l’idée de le traîner devant nos empereurs respectifs, n’est-ce pas ? » Agrément de mauvaise grâce mais agrément tout de même, ils n’avaient plus que le parchemin en tête et s’éloignèrent.

Lui soupira distraitement, laissant un instant planer le silence avant de reprendre la parole. « S’ils n’avaient pas été aussi bêtes, ils auraient compris que c’était moi qui l’avait depuis le début. Mais il faut croire que de nos jours, la cupidité aveugle atteint tous les peuples sans distinction… » Son regard vint trouver l’homme, qu’il jaugea sans même sans défendre, ou le cacher. Puis enfin, après cinq bonnes minutes, il cilla enfin des yeux et haussa les épaules. « Cela dit je confirme que vos sous-entendus n’étaient pas non plus les plus malins qui soient. Ils auraient sans doute finis par vraiment oublier qu’ils ne doivent pas en venir aux mains avec les autres… » D’ailleurs c’était la raison pour laquelle il avait arrêté les choses. Malins comme ils étaient, ils auraient pu s’offusquer de ses propres. Mais ça n’avait franchement pas d’importance.

Penchant la tête sur le côté, il continua de l’observer. Un guerrier, ça c’était certain, et maussade d’après l’expression ou le langage si châtié qu’il utilisait. Cela dit il serait sans doute parfait pour ce qu’il avait en tête, et il se redressa donc avec détermination. « Bien vous me devez une fière chandelle tout de même ! Donc vous êtes à moi pour la journée, je vous kidnappe ! » Il croisa les bras, avec une mine le mettant au défi de lui dire non et enchaina d’ailleurs sans perdre de temps, histoire d’enrayer les possibles protestations. « Quel est votre nom ? Si nous devons passer la journée ensemble je préfèrerais savoir comment vous nommer »

[HRP : Si un truc ne te va pas n'hésite surtout pas^^ ]

La situation devenait tendue, comme si elle ne l’était pas déjà avant son arrivé. Mais pour le moment ce fut l’entrée d’une nouvelle personne sur le « ring » qui occupa ses pensées. Il s’agissait d’un elfe, un de ces êtres de grande beauté et stature sur les quels l’âge et les années n’avaient que très peu d’emprise. On les disait calmes, respectueux et réservés tout en ayant en eux la sagesse des temps anciens. Tout le contraire des humains en quelques sortes. Mais celui-là avait quelque chose de plus que les autres, ou tout du moins, de plus que tous ceux qu’il avait déjà rencontré. Même, plus qu’une seule chose. Premièrement il avait sur le visage un air de supériorité bien clair, ou ce que Matis prenait comme tel, comme déjà dit-il n’était pas bon pour définir les émotions des gens. Et deuxièmement, il parlait vraiment beaucoup… Sa dernière connaissance elfique… En y repensant il fut pris d’un élan de mélancolie particulier, comme s’il avait raté quelque chose… Ou pas eu le temps de faire quelque chose avec elle… Pourtant il avait été sûr qu’elle reviendrait pour lui… Il fallait croire qu’il s’était trompé.

Le ton de l’homme maniait la menace et l’humour très léger. En fait on aurait presque cru qu’il eut préparé son texte bien avant l’arrivée du soldat, comme s’il s’attendait à le voir venir et à le mettre dans la panade de la sorte. Alors il choisit de ne rien dire et de croiser les bras en attendant de voir ce qui allait suivre. Quoi qu’il en soit il ne s’était pas attendu à ce qu’il, l’elfe évidement, vienne fouiller dans sa ceinture pour en sortir un papier qu’il n’avait jamais vu ni eu entre les mains. D’où est ce que cela pouvait bien sortir. Ce qui était sûr c’était qu’il s’agissait bien du papier que cherchais l’ensemble de cette petite troupe mais il ne comprit pas tout de suite ce que le dernier arrivant voulait dire par « le trainer devant nos empereurs respectifs »… Est-ce que ce papier avait un réel intérêt ou se faisait il mousser ? Tout simplement ?

Alors ils partirent, et laissèrent Matis seul avec ce nouveau venu. Nouveau venu qui ne tarda pas à lui parler de manière très ouverte et foncièrement étrange. Il avait donc vu juste quand il s’était dit que s’était bien lui l’instigateur de toute cette mise en scène. Il fallait lui accorder le fait qu’il avait là un sens du théâtre bien développé.

Quand ils perdent ce qu’ils chérissent, que ce soit de l’argent ou quoi que ce soit d’autre, les gens ne sont plus les mêmes. La haine, la peur, la cupidité peuvent faire beaucoup de chose à trop de monde. Par les temps qui courent, je serais presque inquiet de ne pas les voir un peu avoir peur… Il soupira et se gratta l’arrière du crâne en réfléchissant. Il est, de plus, nettement plus simple de cacher quelque chose en le mettant devant leurs yeux qu’ailleurs. Néanmoins, la prochaine fois que vous voudrez jouer ce genre de tour, soyez gentils de ne pas m’y mêler. La politique, plus j’en suis loin mieux je me porte.

Il lui parla de ses sous-entendus. Oui il n’était pas quelqu’un de fin dans ce genre de situation, en quoi cela était il un problème ? Jusqu’aujourd’hui il arrivait toujours à s’en sortir que ce soit par la parole ou par l’épée. Même s’il savait avoir quelques limites dans le premier, et ne doutait pas un seul instant que l’elfe le surpassait. Peut être même sur les deux… Se méfier de ceux qui ce dénigrait ou roulait des mécaniques était une seconde nature chez le capitaine, c’était même une des raisons pour lesquelles il était encore en vie, sans doute. Sous-entendu ou pas, je ne menace pas j’informe quels pouvaient être les risque de s’en prendre à moi. J’ai passé des moments très compliqué à Gloria avec le prêcheur alors deux ou trois grattes papiers, fussent-ils les scribes des Empereurs que j’en aurais rien à scier.

Néanmoins, et parce que je suis moins stupide que j’en ai l’air. Si si, je vous assure que c’est possible. Je sais que vous avez raison dans le fond, nous avons suffisamment d’ennemi pour nous en prendre entre nous.

Le reste du discours de l’elfe était étonnant mais il était aussi étrange… Alors que faire ? Il haussa les épaules en lui répondant.

Ais je seulement le choix ? Va savoir quels tours vous pouvez encore me jouer… Je m’appelle Matis et vous ?

La haine, la peur et la cupidité ? Bien des noms pour la stupidité oui, et la faiblesse. Il doutait sincèrement que quiconque ici puisse réellement affirmer avoir ressenti ce qu’était la peur. Oui, elle en particulier. C’était un mot sans véritable sens que tous brandissaient sans en comprendre ni la nature ni la virulence… Avoir peur était une faiblesse naturelle, mais une faiblesse tout de même. Et il était bien difficile parfois, d’être confronté à la réalité de sa propre faiblesse. Il se demandait vaguement comment cet homme réagirait, face à ce qu’était la peur la plus viscérale et la plus profonde qui soit. Parviendrait-il à garder un peu de sang-froid, comme le vétéran qu’il semblait être, ou bien serait-il une loque tremblante ? A moins d’essayer, il n’aurait pas la réponse car aucune réponse volontaire ne serait parfaitement juste. Lui-même aurait affirmé être capable de supporter ce poids-là, avant d’entrer dans les sanctuaires. D’ailleurs il n’y serait pas allé si ça n’avait pas été le cas, autant être logique. Et il s’était lourdement trompé. Son regard braqué sur lui ne cillait toujours pas. Il l’écoutait, mais d’une oreille distraite, quoi qu’il ne manquait pas grand-chose de ce qu’il racontait. Ne pouvait il simplement lui donner son nom comme il l’avait demandé ? Enfin, apparemment les elfes n’étaient pas les seuls à aimer s’écouter parler, ils ne risquaient pas de manquer de conversation. « Nomin » fit-il, simplement, sans mettre le moindre accent sur sa filiation prestigieuse. Il n’aimait pas être reconnu simplement comme le fils du grand général Terendul, surtout quand on savait les relations que tous deux entretenaient. Des relations pour le moins tendues, et qui ne semblaient s’améliorer qu’en raison de l’impossibilité pour Artaher d’être toujours à le faire surveiller ou à se montrer désagréable avec lui. « Et oui, on a toujours le choix. Vous pourriez très bien estimer que disposer de votre temps comme vous l’entendez vaut bien les quelques ennuis que je pourrais vous causer. Cependant, si d’apparence je puis sembler désagréable et j’affirme l’être sciemment, je peux également être de bonne compagnie lorsque je le veux, ou lorsqu’on le mérite. Tout est de savoir si vous aimeriez le découvrir ou pas »

Et ben quoi ? C’était vrai, qu’il pouvait être agréable s’il le désirait. « Enfin je suppose qu’étant un elfe, même mon côté agréable aurait l’air d’être austère pour les humains, j’ai cru comprendre que nombre d’entre vous s’interroge sur la possibilité que ce soit une de nos coutumes que de nous enfoncer un balais dans des orifices non prévus à cet effet » Il haussa légèrement les épaules, semblant à peu près aussi touché par cet avis que par le temps qu’il pouvait bien faire à l’extérieur des grottes. « Cela dit, moi cela m’intéresse, d’examiner un humain. Vous êtes le second spécimen avec lequel je peux entrer réellement en contact et qui n’ait pas l’air de s’afférer comme une fourmi maniaque. Et le premier rebelle d’ailleurs, le précédent était une jeune femme, déserteuse de l’armée d’obsidienne… Maude, je crois. Elle m’intriguait beaucoup, mais je n’ai pas eu le loisir de pouvoir échanger avec elle comme je l’entendais » Sous-entendu, il allait l’examiner lui autant qu’il le voudrait sans se laisser interrompre, cette fois. « Vous dites revenir de Gloria ? » Il n’allait pas relever le fait qu’il pouvait bien appeler ses paroles comme il voulait, il menaçait, et qu’il pouvait toujours se ficher de qui étaient les personnes qu’il frappait, mais que la sentence en ce moment serait la même quoi qu’il dirait, minimum un allé en prison et pour un affront envers une autre race, probablement même une condamnation allant jusqu’à la mort s’il avait compris correctement ce qu’on lui avait dit de la dureté nouvelle des lois martiales de cet endroit. Ce serait tout de même dommage de perdre la tête simplement parce qu’on était de mauvaise humeur. « Qu’y avez-vous fait exactement ? Et au cas où vous auriez dans l’idée de m’affirmer que ce ne sont pas mes affaires, non ce ne sont pas mes affaires mais ça m’intéresse quand même, surtout au ton d’outre-tombe que les souvenirs vous tirent » Bon, essayerait-il quand même de ne pas en parler ? Ça serait amusant tient, parce qu’il n’allait pas le lâcher.

Et cependant, encore une fois, il convint d’un geste d’invitation englobant la caverne. « Mais peut-être sérions nous mieux ailleurs ? Vous alliez quelque part, non ? Rester planter comme des piquets au milieu du passage ne risque pas d’arranger grand monde »

S’il y avait une chose que l’on pouvait penser de cet étrange personnage aux premiers abords, voire même aux seconds, c’était qu’il était honnête. Franchement, qui venait vous aborder en vous mêlant à une sombre histoire de vol, puis en vous kidnappant et enfin en vous avouant être un être désagréable ? A priori pas grand-chose et pourtant… Lui venant de faire les trois en un temps plus que record. Qu’est ce que cela prouvait pour le reste de la journée ? Il haussa les épaules et lui répondit d’un ton nonchalant.

J’imagine que ce choix sera fait. Non plus sérieusement, je vais vous suivre vous me semblez être personne à s’attirer les soucis. Et franchement j’ai pas envie que vous bizutiez d’autres soldats de la sorte. Il le regarda en se grattant le menton avant de poursuivre. Et puis vous m’intriguez Nomin. J’ai rencontré peu d’elfe dans ma vie, mais vous… C’est sûr que j’en verrais pas deux des comme vous.

L’autre continua sur sa profonde désinvolture sans doute liée à une enfance malheureuse ou trop gâtée. A le voir, le capitaine suggèrerait le second choix, mais il n’était pas là pour choisir ou pour chercher comment il avait été élevé. Mais sa phrase concernant les balais le laissa sans voix l’espace d’un instant puis il éclata de rire tout en posant sa main sur l’épaule de son compagnon.

C’est sûr que des comme vous j’en trouverais nulle part ailleurs. Il reprit un peu son sérieux avant de lui répondre calmement. Je n’ai jamais été réellement adepte de cela mais si vos congénères étaient un peu plus comme vous, c’est sûr qu’on rigolerait plus… Ou qu’on souffrirait plus allez savoir.

Nomin lui parla de la jeune femme qu’il avait rencontrée et fut étonné qu’il s’agisse de Maude. Lui-même l’avait rencontré quelques semaines plus tôt, en fait c’était même quelques mois plus tôt. Le temps passait si vite. Il voulait en savoir plus, de quand datait cette rencontre, était-elle encore en vie quelque part ? Avait-elle finie par trouver sa voie ? Mais il n’en dit pas plus que quelques mots. J’ai, moi aussi, eu le plaisir de rencontrer Maude. Une sacrée bonne femme n’est-ce pas ? Mais il n’en dit pas plus car l’elfe voulait déjà en savoir plus sur son retour de Gloria.

Il voulait clairement en savoir plus, il n’y avait qu’à voir ce qu’il dit pour terminer ses dires et l’on ne pouvait avoir aucun doute sur le fait qu’il ne le lâcherait pas sur ce sujet-là. Mais c’était si dur de revenir sur les actions qui avaient été menées à Gloria, il n’y avait là rien de glorieux, bien au contraire. Certes il s’en était tiré vivant, mais à quel prix ? Il secoua doucement la tête avant de répondre à l’elfe qui le harcelait de question.

J’avais entendu parler de la volonté de l’Empereur Kohan de voir libéré son fils, alors je me suis rendu sur place pour essayer de le sortir de là-bas. Mais ce fut un véritable fiasco. Si l’on met de côté que le Prêcheur avait tendu un piège en usant d’autres enfants pour attirer les rebelles ainsi que le fait qu’une brigade entière d’Alayien nous attendait c’était pas si mal que ça. Je m’en suis sortis de justesse mais ma coéquipière n’a pas eu cette chance. Elle doit croupir dans les geôles de Gloria maintenant…

Il passa sous silence le nom de Luna, l’autre en face de lui semblait ou voulait faire croire qu’il avait quelques connaissances… Il n’était donc pas très avisée de balancer sur tous les toits que la protégée de l’Empereur était prisonnière des Alayiens et du Prêcheur qui plus est…

Il revint à lui quand Nomin lui proposa de bouger, alors il hocha la tête en lui répondant. Non je n’allais nulle part, alors si vous voulez visiter un lieu en particulier je vous suis. Pas la peine de créer un autre attroupement ici n’est pas ?

Il n’avait pas envie qu’il aille quoi ? Le mot lui était totalement inconnu et sonnait un peu barbare. Mais enfin, en examinant le contexte, il ne fallait pas grand-chose pour déduire qu’il devait parler du tour qu’il avait joué aux trois autres. Il ne voulait donc pas qu’il en joue d’autres ? Hm… Devait-il comprendre par là qu’il devait considérer ce Matis comme sa victime attitrée qui épargnerait aux autres de finir complètement chèvres ? Quelque chose lui disait que l’humain ne l’entendait pas exactement comme ça, mais c’était drôle de prévoir le coup. Il serait certainement surpris par l’interprétation très personnelle qu’il faisait de sa bonne volonté. Sauf qu’il n’était pas dans l’optique de le faire… il avait eu sa dose et pour le moment c’était suffisant. Mais il le gardait sous le coude, au cas où. Pas deux comme lui ? Ah mais ça c’était normal, il était unique ! Et tant mieux d’ailleurs. Un seul suffisait à tout le monde, comme il suffisait d’avoir un seul Artaher. Mais ça, il n’en fit pas mention… L’autre découvrirait bien assez tôt. Il le laissa d’ailleurs approcher et ne broncha pas au contact pourtant très incorrect que l’autre lui offrait. Chez les elfes, on ne se touchait pas comme ça ! Mais d’un autre côté ce Matis n’était pas un elfe et lui-même n’était pas l’exemple même du sylvain conservateur, donc ça n’avait pas trop d’importance. Heureusement d’ailleurs, ça aurait été quelqu’un d’autre, on aurait entendu la diva outragée dans toute la caverne. Nomin l’observait toujours, fasciné par l’expressivité que l’homme affichait avec autant de désinvolture… C’était quelque chose qui manquait beaucoup à sa propre race, malgré quelques exceptions. Et puis les expressions humaines n’étaient pas exactement les mêmes que les leurs. Elles étaient différentes. Plus grossières, auraient dit certain, sans qu’il parvienne à leur donner raison. Des expressions humaines, tout simplement. La comparaison devenait de plus en plus stupide, à mesure qu’il côtoyait cette race.

Un peu plus comme lui ? Cette fois, il fut incapable de ne pas hausser un sourcil en lui jeta un regard perplexe. Non, ça, ce n’était pas une bonne idée du tout… « La souffrance me paraît un terme adéquat effectivement. Mais s’ils étaient tous comme moi, qui viserais-je de mes commentaires sur les balais ? Quoique… Cela peut effectivement s’appliquer à certains vampires également » Le tout était de suggérer cela loin de leurs oreilles, histoire qu’ils ne fassent pas, eux-aussi, les divas froissées. Bref, ce n’était pas le plus important. En tout cas ça l’était moins que sa curiosité au sujet de cette expédition Glorienne. Fort heureusement, l’humain ne se défila pas, le laissant muet un moment, posant sur lui un regard redevenu d’un sérieux mortel. Ce qu’on lui racontait-là le contrariait d’une façon tout à fait inattendue. Et pour rien au monde il n’aurait parlé de ce malaise. Mais il n’était pas elfe à déborder d’empathie, les malheurs des autres le laissait bien souvent froid, voir même d’une moquerie morbide lorsque l’envie lui prenait. Pourtant avec ses récentes expériences, il ne parvenait plus tout à fait à rester dans cette optique-là… Cette optique de condamner fermement et sans la moindre once de compréhension à l’égard des autres. C’était, il le découvrait, tout simplement impossible. Et cela lui rappelait ce que la créature du sanctuaire lui avait dit, au sujet des différents chemins à emprunter… Mine de rien, il aurait voulu être là, il était certain qu’il aurait tout de suite sentit le piège ! Ce n’était pas un vulgaire serviteur du Néant qui allait être plus malin que lui. Il ressortit néanmoins de son intense réflexion lorsque l’autre parla de changer de lieu de plantation. « Effectivement. Peut-être pourrions-nous commencer par le marché noir ? Je n’y ai pas encore mis les pieds, apparemment je suis suspect… à croire un adolescent elfe tout seul ça ne s’est jamais vu »

Non mais de quoi les autres pouvaient bien se mêler, hein ? Il prit donc la direction appropriée, bien content d’avoir son argument humain pour forcer l’entrée. Sur le chemin, il lui jeta un nouveau coup d’œil acéré et repris. « Cela vous reste sur l’estomac, que votre coéquipière ait été prise, je me trompe ? » Il ne se trompait pas, c’était une question rhétorique, il suffisait de le voir pour le savoir. La question suivante était tout aussi évidente mais la réponse, elle l’était moins. Il ne la posa pas immédiatement, toutefois, et ne comptait pas trop la poser de front. L’autre n’avait pas l’air d’un mauvais bougre. En vérité, s’il devait laisser parler son côté critique, il dirait même que c’était une bonne poire. Mais ça aurait été le vexer que de l’affirmer à haute voix. « J’ai quelques bases en combat mais je ne m’entraîne que depuis peu de temps, vous, vous êtes soldat de métier non ? Vous vous êtes engagez auprès de la rébellion ou vous avez lâché l’armée humaine avant ça ? » Comment ça il n’y mettait pas les formes ? Pourquoi il y aurait mis les formes ? Ça n’avait pas eu l’air de choquer son esclave du jour pour le moment. A l’intérieur du marché, le monde grouillait comme dans une fourmilière et retint de justesse une grimace de dégoût et de mépris. « Bon, voyons voir… » Il lui fit signe et se dirigea vers le coin des artisans elfiques, mains dans le dos, comme s’il venait inspecter une phalange d’armée. En marchant, il reprit le fil de la conversation. « Vous allez participer à la bataille qui se prépare ? Si les rebelles gagnent, ils pourrons probablement pousser hors des cavernes et jusqu’à Gloria… »

Je suis d’accord avec vous pour les vampires, néanmoins il convient de ne pas se trouver proche d’eux pour tenir ce genre de discours. J’ai suffisamment eu affaire à eux pour savoir quoi dire ou ne pas dire devant eux. Vous les elfes, ne les craignaient peut-être pas assez, mais pour nous c’est différent…

Il sourit à sa phrase et ne sut que dire au fait qu’il ne réagit pas à son contact. Sur le coup il avait oublié à quel point les elfes pouvaient être hautains en général. Ils avaient du mal à voir les Hommes autrement que comme des brutes écervelés et sans grâce ni classe. Celui-là était différent de ses congénères et pour le coup c’était rafraichissant. Cela changeait des gens avec qui il avait déjà eu affaire, dans un autre registre même. Rebrylla était elle aussi différente, Médolie l’avait été aussi. Deux elfes qu’il avait appris à apprécier et qui, depuis, était sans doute morte ou tout du moins portés disparu depuis des mois.

Il revint à lui quand l’autre lui expliqua sa venue et ce qu’il lui proposait. Ce qui le bloqua ce fut ses paroles, « Un adolescent elfe » ? Comment ça ? Il n’avait jamais réellement sût mettre des âges sur des visages, alors s’attaquer aux elfes c’était impossible. Mais s’il était si « jeune », et c’était relatif avec les elfes, n’était-il pas sous la surveillance de quelqu’un comme c’était le cas pour ses sœurs ? Et c’est quand il dit cela qu’il comprit à quel point il était parfois facile de s’échapper de ce genre de prison.

C’est d’accord, je veux bien vous y emmener, mais rassurez moi avant tout. Vous n’allez pas m’embarquer dans je ne sais pas quelle historie avec un marchand où un membre de votre garde qui aurait dût vous tenir éloigné de ce lieu ?

Non pas qu’il avait peur de s’en prendre à un elfe… C’était juste qu’il ait suffisamment fait de vague en ce moment et qu’il ne veuille pas en rajouter une couche supplémentaire. Il se faisait suffisamment remarqué en ce moment pour passer inaperçu comme il le souhaitait et ce n’était pas uniquement le cas dans Aigue où les rebelles et certains vampires et elfes murmurait son surnom quand il s’y baladait. Cela commençait à être aussi le cas dans l’Empire en général, déjà, des mercenaires et chasseurs de primes avaient essayés de s’en prendre à lui. Et si cela continuait ainsi il allait être compliqué de mener à bien ses missions… Bien qu’aujourd’hui la subtilité n’était plus de mise, de même que la finesse. Aujourd’hui le combat était de rester en vie et de jouer de sa force pour la cause. Pour la finesse on repassera.

Alors qu’ils marchaient tout deux vers le marché noir, il entendit l’elfe lui poser une nouvelle question sur Luna. Bien sûr il ne savait pas de qui il s’agissait, mais il savait qu’il l’apprendrait tôt ou tard, alors autant lui dire tout de suite.

Non en effet, vous ne vous trompez pas. Son nom c’est Luna, et j’ose croire qu’elle s’en sortira tandis que je bloqué ici. Je ne peux aller la sauver et personne ne souhaite organiser pareille mission. Alors elle ne peut compter que sur elle-même, et qu’elle soit dans cette situation par ma faute me détruit. Il soupira avant de finir de lui expliquer ce qu’il avait sur le cœur. Je ne sais pas si vous avez déjà vécu cela, mais je ne vous le souhaite pas…

Matis resta muet un instant, le temps pour Nomin d’appréhender ce qu’il venait de lui dire et de réfléchir à une nouvelle question. Pour une raison qu’il ignorait il sentait qu’il devait lui répondre sans détour sous peine de se faire harceler. Et il ne s’y trompait pas, car déjà l’elfe attaquait une nouvelle partie de sa vie. L’avantage s’était qu’il était totalement direct, et ça, ça changeait des autres.

Direct et concis. J’aime ça. Mais pour répondre à votre question, j’ai envoyé ma lettre de démission le jour où j’ai sabordé le couronnement de Fabius à Gloria. J’aurais servi douze ans l’armée impériale avant de devenir ce que je traquais pendant tout ce temps-là. L’ironie est complète n’est-ce pas ?

Pure question, qui vous entraine au combat ? Votre père j’imagine non ? A voir votre assurance il doit être bien placé n’est-ce pas ?

Il l’observa se déplacer de stand en stand en observant et scrutant toutes les marchandises à portés de main et d’yeux comme s’il était là en visite officielle. Il n’y avait rien de plus à dire ou à deviner, il n’était pas du même niveau social que le capitaine, c’était clair et net. Un fils noble d’une grande famille elfique ? Pourquoi pas. La comparaison entre les deux hommes étaient étrange, le premier était blasé, fatigué, d’une formation militaire et fils d’un noble qui avait rejoint la cours de Korentin en tant qu’officier militaire et conseillé après avoir œuvré pour le duc d’Elenna. Le seconc semblait hautain, bizarre, franc et dans un sens, attachant. Il était elfe et sans doute de très bonne famille… Etrange couple que voila.

Mais il sortit de ses pensées en écoutant l’elfe lui parler stratégie.

Oui je vais y participer. En tant qu’officier je ne peux pas laisser mes gars et mes filles seuls à l’avant. J’ai toujours mené mes troupes par l’exemple et en tant que Capitaine je dois de faire en sorte que l’exemple soit parfait.

Si nous gagnons, et nous allons tout faire pour, alors nous ne pourrons qu’évacuer ce lieux. Je crains que nous ne puissions pousser jusqu’à Gloria, à moins de mettre une rouste sévère aux Alayiens. La bataille va être très dure, même si nous avons l’avantage du terrain rien n’est encore joué.

Pourquoi ? Vous aviez une stratégie en tête Nomin ? Que feriez vous à leur place pour nous attraper, et que feriez vous pour la défense de ce lieu qu’est Aigue Royale ?

La plupart des objets étaient de facture humaine, ce qui les rendait très étranges et parfois grossier à ses yeux habitués aux finesses elfique. Mais il ne dédaignait pas ce qu’il voyait pour autant, bien au contraire, il y avait là plein de bonnes idées que les siens, trop méprisant des mortels, dédaignaient, à tort. Certaines valaient vraiment le coup d’œil et pouvaient être reprises et améliorées des centaines de fois… Ce lieu faisait bouillir son esprit, lui donnant mille idées différentes. Et pourtant, il n’avait pas plus de mal que cela à poursuivre sa conversation avec son humain de compagnie. La dernière question, ou sollicitation, le fit s’arrêter en bordure d’une allée bondée et active et il jaugea le soldat sans se dissimuler, comme s’il soupesait la portée de la question qu’on lui soumettait. Puis il répondit. « Je ne suis pas maître stratège, néanmoins, tous semblent penser que les alayiens s’engouffreront dans les souterrains pour y combattre. Leur général n’a pas l’air d’un imbécile, lui comme nous savons qu’il n’y a qu’une tactique possible pour combattre dans de si étroits passages et que, s’ils sont bien tenus, ils n’entreront jamais et seront saignés. Aigue-Royale dispose en outre de réserves importantes, et la présence de magiciens permet de subvenir à tous nos besoins à l’exception de celui du soleil. Nous sommes auto-suffisant… pas eux. Et je ne compte même pas les dragons dans l’équation » Il croisa dignement les bras en se tournant complètement pour lui faire face. « Je m’interroge donc sur l’utilité de venir se planter devant nos cavernes, ils savent que nous ne sortirons pas. S’ils pensent réellement pouvoir combattre dedans, c’est qu’ils ont un avantage dont nous n’avons pas conscience. Quelque chose qui leur permettra l’entrée dans les cavernes. J’aimerais bien qu’on me sorte cela de la tête mais je ne peux m’empêcher de penser que la seule chose qui pourrait faire pencher la balance à ce point serait une traitrise… et une traitrise décisive. Laquelle ? J’en ai plusieurs en tête, aucune ne me semble réaliste sur l’instant mais je n’en écarte aucune non plus. Hélas, je ne suis qu’un jeune elfe, je n’ai pas encore le pouvoir de sommer les baptistrels de soumettre tous les rebelles à la question par magie » Il fronça légèrement les sourcils « Même si je ne me gênerais pas pour faire part de mes pensées à Aegnor évidemment. Lui pourra sans doute y faire quelque chose… ou alors il essayera encore une fois d’argumenter avec moi et ne se rendra à l’évidence qu’après coup. Et encore une fois je pourrais dire ‘je vous l’avais dit’ » ça en devenait même légèrement agaçant, quand il y pensait.

Son regard prit une teinte tranchante qui disparue rapidement « Lorsque la magie est devenue folle… je suis allé le voir, je lui ai dit que les elfes devraient quitter la forêt, que ce serait mieux pour nous, que si nous restions nous allions mourir d’une façon ou d’une autre, pris comme des lapins dans un minuscule enclot. Il ne m’a pas écouté, il s’est trouvé de fausses excuses pour refuser. Et finalement nous en sommes-là… Et il a fallu que j’entre dans ces abominables sanctuaires pour ça. Croyez-le ou non, je ne suis pas altruiste mais je veux tout de même le bien de mon peuple, et ça ne me plait absolument pas de voir mes opinions rejetées sous prétexte de ma jeunesse et de mon manque d’expérience quand il apparaît évident que je suis le seul à avoir les yeux au bon endroit » Il soupira soudainement et retrouva son apparence lisse et neutre « Pardonnez-moi… c’est encore récent » Se détournant légèrement, il reprit « J’espère que je me trompe au sujet des traîtres mais… ça semble tellement probable que je crains le pire. Le tout serait de savoir jusqu’où la corruption se sera enracinée. Si c’est en surface, nous avons une chance, si ce n’est pas le cas… » La suite était évidente. Un moment silence, il se permit cependant de reprendre le fil de son discourt avant que l’humain n’ait décidé de prendre de nouveau la parole et revint en amont, n’ayant apparemment rien perdu de ses questionnements, ou de ce qu’il disait plus généralement. « Nous n’avons guère le choix à l’heure actuelle, il nous faut infliger une défaite suffisante aux alayiens pour qu’ils battent en retraite, au moins hors des plaines immédiatement limitrophes de la ville. Hors si nous le pouvons et si nous les avons assez saignés dans les tunnels, il serait bon de ne surtout pas se reposer sur nos lauriers. Une armée la victoire au cœur sera bien plus efficace non ? Même s’ils sont fatigués, la perspective de mettre fin à la guerre, d’écraser les adversaires qui ont envahi nos terres serait une bonne dynamique pour pousser jusqu’à Gloria. Et puis nous avons d’autres avantages, en terrain découvert… la magie par exemple. Lancer un tremblement de terre ou une tornade serait stupide ici, mais à découvert ? » Un léger haussement d’épaule vint ponctuer le tout. « Comme je le disais, je ne suis en rien un expert, même si je me sers plutôt bien de mon cerveau… » Il pencha légèrement la tête en repérant des couteaux de jets qu’il examina de près en se rapprochant du stand.

« Et je ne suis pas entraîné par mon père. Il n’est bon qu’avec une épée et que cela vous vexe ou non je trouve cette arme trop grossière et trop brutale pour moi. Je n’ai pas… ce qu’il faut, dirons-nous, pour manier ça. Non, je suis pris en charge par un officier elfique désigné. Il fait relativement bien son travail même s’il a tendance à me surprotéger. Et certes, mon père est relativement bien placé, mais même s’il ne l’était pas, j’agirais de la même façon » Sa main se figea au-dessus d’un des couteaux et il sembla hésiter un instant avant de lui jeter un regard en coin. « Nous ne sommes pas en très bons termes, en fait. Je ne conviens pas à son idéal elfique et il ne le supporte pas bien, je n’arrange rien à le mettant face à ses manquements…. » Un autre silence poussif, comme s’il semblait rechigner à aller vers la suite logique de ses paroles, puis il se détendit en haussant de nouveau les épaules, semblant retirer toute importance à ce qu’il contemplait. « C’est le général Terendul, le maître de l’armée elfique, enfin de ce qu’il en reste » Son visage impassible sembla s’adoucir, lui rendant la jeunesse qui était la sienne et il lui décocha un coup d’œil pétillant, accompagné d’un petit sourire encore timide. « Vous avez vraiment sabordé le couronnement de l’empereur ? » ça, ça lui plaisait, il aimait ce genre de choses.

L’elfe avait raison dans ses explications, sa réflexion était posée et tout ce qui en sortait était crédible. D’une certaine manière il pensait aussi la même chose, surtout en ce qui concernait la dernière partie de son élocution. La traitrise avait déjà frappée au sein de la rébellion et il était sacrément bien placé pour en parler. Mais cela ne faisait pas tout, il savait pertinemment qu’il faudrait bien plus que quelques trahisons pour mettre à sac cette place forte qu’était Aigue Royale. Mais si les Alayiens arrivaient si confiant c’était, hormis le fait qu’ils avaient leur super dieu pour les aider, qu’ils avaient une arme secrète. Ou, tout du moins, une stratégie pour mettre à mal les défenses Rebelles. Sans quoi ils allaient se faire massacrer car, dans ces grottes, le nombre n’était pas un avantage. Malgré tout cela, la folie de cette action et les nombreuses morts qui allaient forcement en découler, il savait qu’il ne fallait oublier aucun élément. Et le plus important pour lui, c’était le fanatisme de ces gens. Ce fanatisme pouvait sans doute les pousser à agir de manière complètement stupide ou être trop sûr d’eux. Mais, car il y avait toujours un mais, leur chef était loin d’être un incapable ou un crétin, malheureusement pour eux.

La trahison frappera, cela ne fait aucun doute, mais à quel niveau et dans quelle proportion ? J’aimerai ne pas avoir à combattre sur deux fronts dans ces galeries. Néanmoins, et en plus de la stratégie, il ne faut pas oublier que ces gens sont des fanatiques. On ne peut réellement prédire ce qu’ils pourraient faire car leurs stratégies sont étrangères à notre mode de pensée. Sans doute pensent-ils que nous nous rendrons à leur vue, ou qu’ils pourront entrer ici en usant uniquement de la force brute… Qui sait ce dont ces animaux sont capable. Mais il ne faut pas oublier que leurs chefs sont loin d’être des crétins… Que ce soit le Prêcheur ou d’autres officiers… Ce sont d’eux dont nous devons nous méfier, peut être autant que la possibilité d’une trahison.

Il laissa la fin de sa phrase se perdre dans un silence obscur et termina d’écouter le jeune elfe. Ces explications sur la magie l’étonnèrent car il se rendit compte qu’il n’avait pas n’importe qui devant lui. Certes il semblait un peu se la raconter, mais il sentait qu’il était puissant. Ou tout du moins, qu’il avait un énorme potentiel, bien supérieur au sien en terme de magie, et rien que pour ça, il devait se tenir sur ses gardes. Qui savait ce qu’il pouvait bien lui faire ?

A la suite de cela il revint sur les Alayiens, et oui, il avait encore raison. S’ils n’infligeaient pas une cinglante défaite à l’ennemi ici, alors tout serait fini et il pouvait déjà se considérer comme mort.

Je comprends ce que vous dites. Les anciens, que ce soit ceux des vôtres ou des humains, sont souvent certain d’avoir toujours raison. Et quand des jeunes, comme vous ou moi amenons une réalité différente sous leurs yeux, ils font tout pour se la cacher jusqu’au moment final. Vous ne devez pas vous en vouloir pour cela, ce n’est pas de votre faute et c’est tout à votre honneur d’avoir fait cela. Une fois les informations en mains et les menaces connues, s’ils n’ont rien fait cela est uniquement de leur faute.

Concernant nos chers ennemis, disons simplement que nous risquons la mort. Et je ne m’avance pas trop en disant cela, mais si nous ne les battons pas ici alors c’est fini. Mais ça, tout le monde l’a compris je pense, pas la peine de s’éterniser. Néanmoins, si l’on s’en sort, je pense qu’on frappera les esprits et que les gens commenceront à se dire qu’ils peuvent être battu, et là on aura gagné.

Nomin commença à lui parler de sa formation et du fait qu’il avait un officier de l’armée elfique à son service. Oui, il avait bien vu, son paternel était de la haute, bien plus que Matis ne le serait jamais. En même temps quand son père était chef de l’armée Elfique… Disons juste qu’il y avait pire comme boulot. Néanmoins il ne semblait pas en bonne disposition avec celui-ci, sans doute le coup de la jeunesse ? Ou la crise d’adolescence… Qui devait durer des années vu la longévité des elfes, mais ça il le garda pour lui. Toute famille avait ses problèmes et ce n’était pas à lui de s’en mêler.

Sérieusement ? Diantre, avoir un père pour général ça doit pas rigoler tous les jours à la maison. Le mien était aussi général mais pour le duc d’Elenna, pas le même niveau. Remarquez ça ne l’a pas empêché de me former dès mes six ans.

Quoi qu’il en soit, et pour vous répondre, oui j’ai sabordé son couronnement. Je devais me charger de la sécurité durant le siège et je ne me sentais pas à ma place. Je suis un officier de front, pas un gars qui fait des rond de jambe ou des courbettes pour avoir de l’avancement alors me retrouver au milieu de tout le gratin de l’époque c’était vraiment pas génial. Mais je n’étais pas seul pour faire cela, un nordique à essayer de le tuer et je lui ai apporté mon concours. Avec mes gars on s’est battu contre les lames noires et quand on a vu qu’on ne faisait pas réellement le poids, j’ai attrapé le nordique par la peau du coup et nous nous sommes glorieusement replié. A la suite de quoi j’ai fait déserter quelques deux cents soldats de l’Empire et nous avons rejoint la rébellion quelques temps après sa formation.

Jadis j’étais soldat de l’empire, aujourd’hui je suis ce que j’ai toujours combattu, les esprits ont un sens de l’humour assez sinistre non ?

Et vous ? Vous comptez vous destiner à quoi plus tard ? J’imagine que votre paternel veux faire de vous un glorieux soldat ?

Il écouta le récit sans rien montrer de plus, et lorsque les questions revirent vers lui, il était à nouveau neutre et distant. Il se détourna un bref instant et soupira légèrement, un souffle presque imperceptible avant de daigner finalement répondre. « Non, pas vraiment. Mon père a arrêté de nourrir des illusions à mon égard depuis longtemps je pense… » Le ton laconique ne laissait rien transparaître de ce qu’il pouvait personnellement ressentir sur la question. « Mon frère aîné est plus proche de lui, c’est lui, le glorieux soldat. Enfin sans doute serait-il glorieux quand il aura participé à un véritable combat. Il est très doué avec les armes, très fort aussi, il bat même des soldats expérimentés… Il est courageux et déterminé. Un peu colérique, mais personne n’est parfait. Je suis certain qu’il fera un officier fantastique, plus âgé » Il était facile de louer son jumeau, il l’aimait au-delà de tout et de tous. Son autre moitié était tout simplement la plus belle chose au monde, à ses yeux. « Ma sœur est très douée avec la magie, elle a beaucoup de potentiel et elle est formée par le gardien des baptistrels en personne. Je suis certain qu’elle deviendra haut-mage, un jour, peut-être également dans l’armée, même si l’obéissance et la discipline ne sont pas ses points forts. Mais nous ne sommes pas figés dans la pierre après tout, qui sait… elle s’assagira peut-être » De nouveau attentif à l’étal qui se trouvait devant lui, il laissa ses doigts courir sur la lame d’un anneau de lancer. « Moi… et bien c’est sans doute plus compliqué, mais je suis plus complexe qu’eux, alors ça n’a rien d’étonnant. Je dois être le futur conseiller de l’empereur Evanaelle. Mais… » Il arrêta son geste, la pulpe d’un doigt testant le tranchant glacé de l’arme qui attirait son attention, comme une caresse. « Depuis notre exile, je me destine avant tout à la justice. Je veux trouver le responsable de notre misère et je veux le traîner devant la justice de mon peuple, qu’il réponde de ses actes. Et s’ils sont trop corrompus pour reconnaître qu’il doit être puni, je le punirais moi-même... » Il n’avait pas élevé la voix pour un sous, parfaitement maître de lui-même alors qu’il parlait pourtant ni plus ni moins que d’un meurtre.

Son regard caressa à nouveau la silhouette de l’humain « Autrefois je méprisais le concept de justice, je le trouvais idéaliste… et aujourd’hui, je veux m’en faire l’exécutant, je suppose que je goûte la même ironie que vous, Matis » Le pendant était étrange, mais d’un sinistre amusement « Quoi que vous vous trouvez dans le camp des futurs vainqueurs, vous écriez l’histoire et déciderez de qui étaient les ‘gentils’ et les ‘méchants’ même si nous savons sans doute tous deux que ces concepts sont particulièrement surfaits et biaisés. Moi, je vais me salir les mains et faire ce que beaucoup voudraient faire sans en avoir le cran…. » Parce qu’il n’imaginait pas que l’on condamnerait son ennemi. Il avait appris, une fois auprès de la rébellion, qui était à l’origine de l’exile de son peuple et des atrocités commises par Néant. Et il savait qu’aucun politicien ou juge elfique ne condamnerait le gardien… non, personne n’oserait. Il était une figure beaucoup trop importante, élu du dracos, des esprits, amis de l’empereur humain et du prince vampirique. Dragonnier, par-dessus tout. Personne ne toucherait à sa tête… sauf lui. Parce que lui se fichait complètement de ce qu’on dirait de lui dans le futur. Du moins c’était ce qu’il s’efforçait de croire. « Mon père… enfin je suppose qu’il ne m’en voudrait pas de ce choix-là pour une fois. Mais c’est bien du seul. Lorsque j’ai voulu inviter Maude au royaume elfique, afin de le lui faire visiter et de pouvoir lui montrer que Néant avait tort en disant que nous étions des monstres, il nous a fait arrêter et la fait expulsé de la plus odieuse des façons, et non sans mépris. Tout ce qu’il a réussis à faire, c’est sans aucun doute la persuader que les dogmes de son prêcheur avaient raison… Et moi, j’ai essayé d’apprendre la magie vampirique. Ou plutôt devrais-je dire que je l’ai effectivement apprise, en secret… il m’a traité comme un monstre. Pour avoir simplement voulu faire de ma capacité d’apprentissage un atout stratégique et culturel »

Etrange non ? Mais son père était un aveugle sans espoir de guérison après tout. Il lui décocha un coup d’œil critique. « Une petite seconde, attendez moi là… » Il alla attraper le vendeur, impérial, et paya rubis sur l’ongle la somme rondelette que nécessitait l’anneau de lancer vampirique qui lui faisait envie. Sa première arme. Artaher en serait vert de rage, mais tant pis. Il récupéra l’objet et le fit jouer entre ses doigts avant de le lancer adroitement vers Matis. Il lui frôla le crâne sans lui faire de mal, et revint vers lui par magie, lui arrachant l’ombre d’un rire. D’un signe de la main, il l’invita à approcher. « Écoutez, Matis… je pense pouvoir affirmer que vous ne m’êtes pas antipathique, alors je vais vous confier quelque chose… mais pas ici » Le guidant vers un îlot, quoi qu’encore perdu dans la foule, de sorte à ce que l’on n’entende pas trop, il expliqua, avec sérieux. « Je me veux optimiste, en parlant du futur, car j’aimerais faire confiance au reste d’Armanda. J’aimerais pouvoir me dire qu’un miracle est possible. Le problème, la vérité, c’est qu’à l’heure actuelle… que l’on gagne ou que l’on perde ne changera rien, on va tous mourir. Ou plutôt, non… nous allons tous disparaître, emportés dans le Néant » Son regard trouva le sien, franc et direct « Si les elfes ont quittés la forêt c’est qu’elle est l’épicentre de la véritable fin du monde… Néant y a construit trois sanctuaires… et à l’intérieur de ces sanctuaires se trouvent des perles, qui aspirent la matière, et rependent le néant au travers d’une sinistre brume. Cette brume va dévorer absolument tout, tout le monde, toutes les terres… Elle va aspirer la création des Esprits supérieurs et dissoudre tout ce que nous avons connu... »

Matis ne pouvait pas imaginer à quel point la vie du jeune elfe pouvait être compliqué. Etre toujours observé, être toujours surveillé par ses pairs pour savoir si l’on correspond bien à un idéal… Il le sentait comme une bête en cage qui se forçait à être hautain et désagréable pour que les gens n’attendent plus de lui ce qu’ils espéraient. Comportement compréhensible et que Matis aurait sans doute mit en pratique si les situations avaient été inverses. Comme pour confirmer ce qu’il pensait il l’entendit parler de ses frères et sœurs. Chaque fratrie avait ses problèmes mais Nomin semblait avoir beaucoup de respect pour ses frères et sœurs, sans doute devait-il être le dernier de la petite troupe. Celui que l’on attend pour savoir s’il sera au niveau de ses ainés. Une position que le jeune capitaine n’aurait voulu vivre sous aucun prétexte. Mais, sa situation avait été tout de suite claire pour lui, il n’avait pas réellement eut le choix de toute manière.

En écoutant les paroles de l’homme en face de lui, il se rendit compte à quel point il pouvait être à la fois jeune et vieux dans sa pensée. Par moment il laissait ressortir la fouge de son âge, alors qu’à d’autre il semblait la brimer dans une sorte de carcan moral étrange. La justice était un terme très vague pouvant dire tout et son contraire, mais il sentait que la définition de l’elfe pouvait le conduire dans des chemins bien sombres. Parfois il n’y avait plus vraiment de différence entre justice et vengeance pure et simple. Et c’est souvent là que les dangers commençaient à apparaitre.

Vous êtes ce que vous êtes et vous finirez par faire ce que vous souhaitez. Votre famille, qu’importe sa grandeur et son rôle, aura beau tenter de vous museler elle n’arrivera qu’à vous convaincre de poursuivre dans la voie que vous avez choisie. Vous restez, quoi qu’il arrive, mettre de votre destin.

Par contre, et même si la justice est une notion et une volonté très louable, je sais qu’il est parfois difficile de faire la différence entre la justice et la vengeance. Je ne peux pas dire que je comprends votre douleur ou votre perte, mais sachez toujours où se trouve la limite entre ses deux choses.

Il avait l’impression de lui faire la morale, et ça le soulait rien que d’y penser, mais il savait aussi qu’il ne pouvait pas le laisser faire tout cela sans l’aiguiller un minimum. L’elfe expliqua avoir méprisé le concept de justice et tout ce qu’il représentait, mais aujourd’hui c’était complètement différent car il drapait sa vie de la cape de justicier. Ou c’était ce qu’il voulait faire. Sa dernière phrase le laissa un peu perplexe, que comptait-il faire ? Il voulait changer la vie de tout le monde et essayer de faire quoi ? Comment comptait il changer les choses s’il pouvait seulement les changer ? L’Histoire était quelque chose qui, comme les grands fleuves, quittait rarement son court naturel, et il fallait être sacrément sûr de soi pour se sentir capable de le changer.

Vous semblez particulièrement remonté contre quelqu’un… Mais de là à faire couler le sang et répandre la souffrance, sachez être sûr de vous. Sans quoi vous vous retrouver à devenir la personne que vous chassiez précédemment. Et à ce moment-là, vous aurez tout perdu.

Le capitaine savait pertinemment ce qu’il disait.

Une partie de son discours ne le laissa pas de marbre. La magie vampirique, et il en savait quelque chose, était dangereuse quand on ne savait pas la maitriser. Qu’un elfe si « jeune » s’attaque à ce genre de secret était dangereux, mais il était loin d’être assez fou pour le lui dire directement…. Encore que… C’était pas sûr ça non plus. Il comprenait ce qu’il voulait dire par ses propos, mais trouvait cela très dangereux.

Pas le temps d’en savoir plus et l’elfe se lança dans une activité dangereuse. Pour tout dire c’est une sorte d'arme de lancer qu’il lança sur Matis, il ne savait pas bien de quoi il s'agissait si ce n'était qu'elle ressemblait à une sorte d'anneau. Il ne cilla pas quand l’arme passa à quelques centimètre du haut de son crâne, le tout devant les yeux écarquillés du vendeur. Mais il n'eut même pas le plaisir d'attraper l'arme qui avait faillit lui tailler une nouvelle coupe, car déjà elle filait doucement vers le jeune elfe. Il fallait maintenant, une fois de plus même, se tenir sur ses garde qui savait ce que l'elfe pouvait encore lui faire subir. Pour un peu il se sentait transformer en un jouet de bois qui servait de passe temps à un ado en colère. Et c'était sans doute le cas...

Si, en ne vous étant pas Antipathique, vous me lancez des couteaux, qu’est-ce que je risque en m’en prenant à vous. Je n’ose même pas y penser.

Mais l’elfe devint très sérieux et l’attira vers un coin de la grotte pour lui parler de chose très étrange. D’après ce qu’il comprit, néant était en train de mettre en place un plan particulièrement vicieux et malsain visant à la destruction pure et simple de tout ce qui était. L’elfe trouva dans son regard que du questionnement et de la détermination, si ce qu’il disait était vrai, alors ils risquaient bien plus que de vivre sous un régime sinistre….

Vous êtes sûr de ce que vous dite est vrai… Nous sommes vraiment dans la panade… Mais comment avez-vous fait pour obtenir pareille information ? Et pourquoi personne ne nous a prévenu !

Encore des incapables qui gardait des informations uniquement pour eux, voila bien une chose qui énervait matis au plus haut point….

Il resta de marbre face aux questions et à l’agacement de l’humain. Il avait assez de ses propres sentiments à porter sans en plus devoir porter ceux des autres. Les concepts qu’il entretenait étaient les siens propres et rien ne pourrait les altérer, raison pour laquelle il n’avait pas répondu à ses commentaires précédents. C’était un débat qu’il ne souhaitait pas entretenir, sachant parfaitement qu’il ne changerait pas d’avis quoi qu’on lui dise, autant ne pas leur faire perdre du temps à tous deux. Il y avait mieux à faire de tous côtés. Comme lui expliquer la finalité actuelle de tout ce qu’ils pouvaient bien décider d’entreprendre. « A votre avis ? Que se passerait il si, d’un coup, vos dirigeants vous expliquaient que vous alliez tous disparaître, même pas mourir, mais simplement disparaître dans le Néant. Qu’elle serait la réaction des rebelles, ou de n’importe qui, en apprenant que tous ce qu’ils étaient, tout ce qu’ils faisaient n’avait pas la moindre espèce d’importance, que tout était futile et qu’il n’y avait plus qu’à se laisser mourir car rien ne pourrait arrêter ce destin-là ? » C’était facile à imaginer, la plupart ne le prendraient pas bien du tout. Colère, désespoir, peur, panique… Oh, il y en aurait pour tenter de changer les choses et de sauver tout le monde, il n’en doutait pas. Il y en avait toujours. Mais la proportion restait minime. Il haussa à peine des épaules en poursuivant. « Cependant, si cela peut vous rassurer, je ne suis pas certain qu’avec les disputes de chiffonniers des politiciens elfiques, le moindre d’entre eux se soit soucier d’en informer votre roi. Ou alors ils ont simplement occultés ce détail afin de ne pas souffrir eux-mêmes de l’inéluctable… Les hypothèses sont nombreuses. Aucune réjouissante, je dois dire. J’adore voir ces imbéciles payer leurs erreurs, mais cette fois, l’enjeu est bien trop important pour que cela me plaise » Non, pour une fois il aurait préféré que tout se fasse simplement et, avouons-le, de façon fort utopique. Il était trop jeune pour se complaire dans le nihilisme désillusionné. Et sans doute tenait-il encore trop à ce monde, si ce n’était à sa propre personne. Pour avoir déjà sentit le souffle de Néant sur lui, il n’avait franchement pas trouvé cela agréable. Bien au contraire. Sentir instinctivement que vous disparaissiez était la chose la plus horrible en ce monde. Pire que la mort.

« Quant à savoir comment j’ai obtenus ces informations… et bien c’est très simple, directement à la source. Lorsque les nôtres ont découvert les sanctuaires, nous nous sommes interrogés sur eux. Je me suis approché et j’ai réussi, je ne sais comment, à entrer dedans. On m’a dit que Néant cherchait de nouvelles victimes, que c’était pour nous détruire qu’elle nous avait permis l’entrée. Toujours est-il que j’ai vu ce qu’il y avait à l’intérieur. Des corps, par centaines, allongés au sol. Des humains, des elfes… des alayiens aussi, beaucoup. Ils étaient reliés à une espèce de sphère, de perle… je ne pourrais trouver de mots exacts, assez vifs, pour décrire réellement cette chose. Je n’ose même y repenser plus profondément, je ne veux pas me la remémorer. Sachez simplement qu’elle était la plus proche et la plus intense incarnation de l’horreur que quiconque en ce continent puisse voir. Je dis voir, car aucun être ne pourrait imaginer cela. Ça ne venait tout simplement pas d’une pensée de mortel » C’était vraiment tout ce qu’il pouvait en dire pour approcher l’humain de cette vérité-ci « Là-dedans, mes forces étaient aspirées en même temps que la magie qui me constituait. Je me suis sentie mourir, lentement et inéluctablement. Je me suis sentit basculé. Mais alors que nous étions sur le point de nous éteindre, un être est venu nous secourir et nous a ouvert les yeux sur ce que nous avions sans doute compris instinctivement tout en le refusant. Il nous a donné assez de temps pour prévenir notre peuple et le sauver. L’individu qui est entré avec moi s’est chargé de cette tâche, je ne le pouvais pas… et je ne le pourrais jamais, je ne veux pas donner de récit détaillé de ce qu’il y avait là. Je trouve bien assez mal le sommeil sans avoir besoin de rouvrir ces plaies une nouvelle fois » Non, il se remettait à peine, ce n’était pas le moment de faire ressusciter ces horreurs. Le regard subtilement dur, il harponna le dénommé Matis de ses prunelles. « Et vous, Matis, maintenant que vous savez la vérité, allez-vous en parler autours de vous ? Qu’allez-vous faire ? »

L’elfe ne répondit pas à ses questions, du moins pas dans l’immédiat et quand enfin il le fit, Matis resta stupéfait. Pour parler crument il resta sur le cul même, la violence des informations, la noirceur même de ceux-ci… Il n’avait tout simplement jamais pu imaginer une chose pareille, personne un tant soit peu saint d’esprit aurait pu prévoir cela. Mais ce qui l’inquiéta encore plus que le récit affreux de ce qu’il avait vu, c’était l’individu qui l’avait sauvé. S’il avait lui-même survécu à pareille vision d’horreur s’était qu’il devait, soit y être pour quelque chose, soit être sacrément puissant. Et dans les deux cas ce n’était pas du tout rassurant. Alors que faire ? Au plus il essayait de réfléchir à ce qu’il venait d’apprendre, moins il trouvait de solution, car il n’y avait pas tellement de solution quand il s’agissait d’Esprit Majeur.

Du regard, Nomin attrapa Matis en lui demandant ce qu’il comptait faire. Comptait-il colporter cette nouvelle autour de lui ? Qu’allait-il lui-même faire pour empêcher cette sordide histoire de prendre forme. Pour faire simple il ne le savait pas, et s’il y avait eu un tonneau ou quoi que ce soit de capable de le soutenir, il se serait laissé tomber pour réfléchir calmement. Il laissa passer un instant avant de lui répondre, et c’est tout en se grattant l’arrière du crâne. Son mouvement était symptomatique de sa réflexion, une sorte de réflexe stupide qui n’apportait rien d’autre que de la consistance.

Ce que je compte faire ? Vous vous rendez compte de ce que vous me dite là n’est-ce pas ? Je savais que Néant et ses sbires voulaient voir mourir notre mode de vie, mais là, ça va bien plus loin que ça. L’anéantissement total de tout ce qui est, et dans des circonstances on ne peut plus glauque. Alors que dire devant ça ? Que dire lorsque la fin approche ? Devrais-je en parler ? Je ne pense pas, du moins pas tant que la bataille contre les Alayiens n’aura pas été menée à bien. Cette attente me semble, à minima, obligatoire, sinon comment réagiraient-ils ? Vous avez raison quand vous parlez de peur et de colère. Regardez ma réaction quand vous m’en avez parlé, et sans me vanter j’ai un cerveau qui ne fonctionne pas trop mal. Imaginez les autres ou les êtres un peu plus faibles ? Ce serait littéralement la fin du monde… De notre monde.

Il réfléchit un instant, surtout au sujet de l’individu qui avait sauvé Nomin, et il décida de le questionner sur ce sujet.

J’ai rencontré un homme il y a peu de temps, un homme qui cherchait des objets pour réaliser une action d’importance. Ce n’était pas réellement un rebelle, mais il était accompagné d’un dragon. De mémoire on le nommait le voyageur, était ce sous ce nom qu’il s’était présenté à vous ?

Car pour avoir pu vous sortir de cet endroit, devant les horreurs qu’il y avait, il devait être sacrément puissant.

Il ne savait pas quoi dire de plus devant cet acte-là, il ne savait pas comment réagir devant toutes ces informations qu’il venait de porter à sa connaissance. Tout cela, toutes ces choses lui donnait la très mauvaise impression qu’ils allaient souffrir milles tourments. Et tout ça pourquoi ? Pour satisfaire les besoins d’un esprit et de ses fanatiques…

Mais, je reviens sur ce que vous disiez plus tôt. S’il y avait des Alayiens parmi les corps, comment se fait-il qu’ils continuent de se battre pour Néant ? Ils tiennent donc tant que ça à mourir et à tout détruire ? Il soupira en observant l’elfe. Tout repose sur nous alors ? Que pouvons-nous faire contre ça ? Les sanctuaires ? Devons-nous les détruire ? Devons-nous les explorer ? Il nous reste encore des dizaines de choses à apprendre sur ce sujet, et nous manquons cruellement de temps n’est ce pas ?

Et vous ? Que comptez vous faire ? Franchement, je manque d’idée sur ce coup là….

Le pire, c’était que la question était parfaitement sincère. Parce qu’il était pratiquement certain que la majorité des imbéciles de la rébellion seraient allés courir raconter ça à tous les autres et qu’en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, ils auraient tous eut un vent de panique grotesque sur les bras. Pas que la panique soit grotesque en elle-même mais portée à un tel niveau et de façon si inutile… enfin bref, de toute évidence, il avait les pieds enracinés et c’était très bien ainsi. Oh oui il s’en rendait compte, particulièrement parce que, même en ayant la meilleure volonté du monde, il était contraint d’édulcorer son récit pour le rendre descriptible par le langage des bipèdes. Pas seulement des humains, il aurait eu autant de mal avec celui des elfes. Il savait ce qu’il faisait oui… Il s’ôtait un poids des épaules. Silencieux, il le regarda tandis qu’il parlait, se demandant si les mots étaient comme le sang coulant d’une blessure pour soulager et laver… ou s’ils étaient simplement cela, des mots. Oui, c’était la fin du monde. Physique, mental. Total. Irrémédiable. Il savait très bien oui et cela restait quelque chose d’extrêmement effrayant et douloureux malgré ses efforts. C’était normal, non ? Lorsqu’il cessa de parler, lui-même attendit un moment avant de reprendre la parole. « Il ne s’est pas présenté. L’heure n’était pas vraiment aux présentations. Je sais juste ce que j’ai vu de lui et ce qu’il a fait pour nous. Cela me suffit d’ailleurs » Pas besoin d’avoir le nom d’une personne pour dire merci. Il suffisait d’être sincère, un état qu’il ne goûtait pas souvent. Il n’avait pas répondu précédemment, attendant, mais il n’oubliait jamais les bonnes et véritables questions. Le reste, il l’abandonnait de côté sans scrupules. De toute façon, les scrupules ne l’avaient jamais étouffé.

« Je ne pense pas qu’ils sachent vraiment ce qui se passe. Je pense que ces humains ne sont que des pions qu’elle manipule. Mais même si ce n’est pas le cas, je suppose qu’ils n’y verraient pas tant à redire. D’après Maude, toute leur foi est basée sur la mort et la violence et leurs généraux sont des morts réincarnés dans des corps vivants… » Une société toute entière tournée vers la mort, c’était… effarant en vérité. Bon certes on pouvait dire que les leurs également mais pas de façon aussi… crûe, aussi brutale et barbare. Aucun d’eux n’empêchait les autres de dévier librement dans le dogme. Il n’y avait pas cru quand Maude lui en avait parlé, pourtant il fallait bien se rendre à l’évidence, d’après les récits qu’il avait pu entendre… c’était la parfaite vérité. Bien entendu, l’avis des rebelles devait être un peu biaisé, mais pas au point de dévier totalement. « Celui qui nous a sauvé a dit qu’il était impossible de détruire les sanctuaires. Ils sont issus de la magie supérieure, rien de ce que nous pourrions faire ne pourrait les atteindre, de plus… ce sont les terres de Néant, elle y fait ce qu’elle veut. Elle nous ajouterait à ces victimes et utiliserait notre énergie aussi… Non il ne faut pas aller là-bas, cela j’en suis certain. Mais vous avez raison, nous n’avons pas beaucoup de temps. Deux mois pour le royaume elfique, combien pour le reste du continent, puis du monde ? » Il secoua légèrement la tête. « Ce que je compte faire ? Je compte retrouver celui qui a provoqué tout cela, je compte lui faire expier sa faute. Ce ne sera pas très long. Ensuite, je compte retrouver celui qui nous a sortis du sanctuaire. Et si c’est bien l’individu dont vous parlez, je lui demanderais quelle grande tâche il comptait accomplir. S’il nous reste même un reliquat de chance, ses objectifs et les nôtres irons dans le même sens »

Il se posta fermement face à l’humain. « Viendrez-vous avec moi Matis ? Lorsque la bataille sera finie, voudriez-vous m’aider ? Mettre nos dirigeants au courant, trouver le responsable de notre future destruction et tenter d’empêcher celle-ci ? C’est une bien lourde charge à porter seul » Il n’était pas tout à fait seul, il avait sa famille… mais ce n’était pas la même chose. Pas exactement la même. Et avoir l’appui d’un soldat de métier lui plaisait décidément beaucoup. Avec un pâle sourire ironique, il glissa. « Je ne suis pas entièrement désintéressé, vous savez, lorsque je vous parle de tout cela. Partager le poids que je porte me préserve de la folie, même si je dois noyer d’angoisse quelqu’un d’autre. Je ne peux pas être le seul à savoir… » Il perdit son sourire comme s’il s’était évaporé et parla encore, plus bas, et avec une espèce de gêne qu’il ne pouvait réellement appréhender. « Vous savez… si j’avais été humain, je n’aurais eu que quinze de vos années. Moi et ma fratrie avons été protégés loin de ce monde depuis notre naissance. Nous n’avions jamais vu l’extérieur avant d’être jetés sur les routes. Nous n’imaginions pas ce qu’était le reste du continent. Alors être le seul détenteur d’un pareil secret… je vous laisse imaginer, à votre tour… »

Il était vrai que sa question sur le fait que l’homme mystérieux se serait présenté était peut être un peu stupide, il s’en était rendu compte au moment même où les mots traversèrent ses lèvres. Cela lui arrivait parfois, et il se sentait foncièrement stupide dans ce genre de situation, comme s’il avait fait une énorme bêtise. Mais il aurait aimé vraiment savoir s’il s’agissait de cette même personne qui lui avait offert du pouvoir, s’il s’agissait de celui là même qui était venu lui prendre une dague. Mais pour le moment ce n’était pas le moment de parler de cela. Alors, bêtement il haussa les épaules en lui répondant. J’imagine en effet, que ce n’était pas le lieu ou le moment de se présenter. Il en profita quand même pour réfléchir à ce que lui disait l’elfe, et effectivement il pensait bien que l’Alayien moyen n’était pas au courant de ce qui se tramait dans la tête de son Dieu. Néant devait être une cachotière sans aucun doute. Mais il serait tout aussi étrange que ses serviteurs les plus puissants ne soient pas au courant de ce qui se tramait…

Effectivement, je doute que le soldat moyen soit au courant des plans de Néant, mais ses serviteurs ? Ceux qui sont revenu d’entre les morts pour servir sa volonté… Il ne fait aucun doute qu’eux, doivent être au courant de quelque chose. Le Prêcheur doit avoir une certaine vision des attentes et des objectifs de son dieu non ?

Maude m’avait aussi un peu parlé de leur foi, c’est vrai que c’est assez étrange, mais bon. Avoir comme dieu Néant, est en soit même quelque chose de bizarre. Bizarre pour moi en tout cas.

Effectivement, même si la mort avait son importance dans sa culture, elle n’avait pas la place qu’elle occupait chez les Alayiens. Pour lui et ses frères et sœurs, la mort était le début d’autre chose, ils ne l’appelaient pas de leurs vœux, mais elle faisait partie d’un tout. Pour les Alayiens, il semblerait qu’elle soit un fin en soit. Que leur but soit de tout détruire pour satisfaire les besoins étranges d’un Esprit Majeur. Quelque chose que Matis avait du mal à comprendre, oui il faisait ce qu’il pouvait pour satisfaire son totem, oui il essayait de rester « proche » des Esprits Majeurs, mais de là à détruire des civilisations entières uniquement parce qu’un esprit le veut…. C’était tout autre chose… Mais comment réagirait-il si l’un d’entre Eux lui demandait pareille chose ? Il ne savait pas, et il ne voulait pas le savoir alors il chassa rapidement cette idée de son esprit.

Matis écouta la suite des explications du jeune elfe, et Nomin confirma ses pires craintes. Ils ne pouvaient rien faire contre les sanctuaires car il s’agissait de pan entier dépendant du néant. Et pour pouvoir faire quelque chose il fallait pouvoir contrer la magie supérieure, et ce n’était pas un capitaine rebelle tel que lui qui pouvait faire quelque chose. Sans doute, seul les grands mages ou dragon pouvaient faire quelque chose. Il en était donc réduit à un rôle de spectateur devant son incapacité à intervenir directement sur les sanctuaires. Ce qui l’inquiétait c’était le temps, si en deux mois les terres elfiques avaient été réduite en cendre, combien de temps faudrait il pour détruire Armanda tout entière ?

Ne rien pouvoir faire contre ses sanctuaires est pour moi un supplice, mais à mon niveau je pourrais déjà mettre à bas chaque temple édifié à la gloire de néant. Pensez-vous que cela pourrait ralentir le processus de destruction ? Si Néant a moins de fidèle ceci peut-il influer sur sa puissance et son emprise sur nos terres ?

Mais vous semblez connaitre celui qui est la cause de tout ceci, pouvez-vous me dire son nom ? Je pourrais aider à sa traque. J’ai beau n’être qu’un simple humain, je pense pouvoir servir convenablement.

Nomin l’avait devancé car lui-même lui demanda s’il se sentait capable de l’aider. De faire quelque chose contre ce qui pouvait être et devait être la pire des menaces d’Armanda toute entière. Il écouta sérieusement ce que l’elfe avait à lui dire, sans lui reprendre la parole et pouvoir réfléchir à ses paroles prochaines. Et lorsqu’il fini enfin de parler, il se rendit compte à quel point l’elfe pouvait être « jeune ». Il avait beau vécu bien plus que Matis, il n’en restait pas moins un jeune dans son esprit, il n’en restait pas moins un enfant à qui il arrivait des choses affreuses et qui se trouvait bombardé au milieu de la guerre sans être préparé.
Il prit un temps pour répondre, et c’est en regardant autour de lui qu’il le fit.

Comment pourrais je ne rien faire ? Comment pourrais je rester ici à me tourner les pouces alors que tellement de chose se passe et que le monde pourrais être détruit à tout instant ?

Je suis soldat depuis que j’ai cinq ans. On m’a formé à combattre tout ce qui pourrait menacer notre Empire et cette terre qui fut celle de mes Ancêtres. Aujourd’hui, alors que le mal arrive de la plus vile des façons, je ne peu rester en arrière en disant que ce n’est pas mon combat.

Alors, oui Nomin, vous pourrez compter sur moi pour cette quête. Je ferais ce qu’il faut pour survivre à la bataille qui s’annonce et nous irons traquer notre ennemi. Nous ne serons sans doute pas seuls, mais si tel est le cas, je n’en serais que plus déterminé.

Pas besoin d’avoir la sagesse de votre peuple pour comprendre que la situation est grave et que nous devons agir.

Bien… il ne l’avait pas méjugé là-dessus au moins. S’il avait été homme à rester planter sur place sans rien faire il aurait probablement eu beaucoup plus de peine à parvenir à ses fins. Mais fort heureusement, ce n’était pas le cas. Etait-il satisfait ? Instinctivement oui, bien entendu. Il ne pouvait que l’être. Pourtant, en y réfléchissant bien, il aurait préféré ne jamais avoir à être satisfait que quiconque se décide à lui donner un coup de main pour sauver le monde. Mais puisqu’il n’avait pas le choix, il se contenterait de ce qu’il avait. Il le regarda gravement pendant ce qui sembla être une petite éternité. Puis, finalement, il soupira légèrement, impénétrable. « Effectivement, quoi que je ne dirais pas que les nôtres soient réellement sages. Peut-être avons-nous été sages, un jour, mais plus maintenant…sagesse aurait été de s’ouvrir, avant l’inévitable, de garder contact avec le reste du monde et de soutenir nos alliés. Si nous avions réellement tentés de vivre en harmonie avec les humains, peut-être que cet exile ne nous aurait pas rendu si misérables. Peu importe, de toute façon, ça n’a aucune importance à présent, on ne changera pas le passé. Tout ce que l’on peut faire, c’est tenté d’avoir encore un futur » Même si celui-ci devait être difficile, mieux valait en avoir un que pas du tout. S’ils avaient un futur, son peuple pourrait sans doute accéder, justement, à la sagesse qu’ils avaient abandonnée. Il se tut à nouveau un moment, puis repris la parole, avec ce qui ressemblait à un reste de réticence. « Je vous remercie » Il n’avait pas l’habitude de remercier, c’était presque une première pour lui de le faire. Mais cela dit, il pensait que cela valait la peine. L’humain le méritait bien, pour vouloir se jeter dans cette histoire avec lui. Et dire qu’un humain se sentait plus concerné que plusieurs des elfes qu’il avait vus…

« Celui qui est la cause de tout ceci, disons-le clairement, ne sera jamais réellement inquiété. Ils n’oseront tout simplement pas » L’idée même le rendait malade. Simplement parce qu’on avait l’air innocent et intouchable ne voulait pas dire qu’on n’était pas pourri jusqu’à l’os. « Merithyn Shadowsong » Il croisa les bras après avoir lancé son pavé dans la marre « Je n’ai aucun doute quant au fait que beaucoup le savent. Et pourtant, rien. Pas une seule réaction… Pourquoi ? Vraiment, une bonne action n’efface pas les mauvaises. Pourquoi refusent-ils même d’admettre sa culpabilité » Il serra les dents. Il voulait croire qu’un tribunal le condamnerait, mais n’était pas assez dupe pour se raccrocher à cet espoir. A nouveau, le silence se fit et il en profita pour inviter Matis à poursuivre sa route en sa compagnie tandis qu’il laissait à nouveau son regarde aller sur les étals, comme pour s’obliger à rester au présent tandis qu’il triturait son arme nouvellement acquise. Il s’arrêta à nouveau un peu plus loin, observant les objets sans pour autant perdre ce petit quelque chose dans la posture qui suggérait qu’il écoutait et qu’il réfléchissait. Après un temps, il reprit la parole. « Votre idée au sujet des temples n’est pas mauvaise, je trouve. Néant essaye de rassembler toute la puissance qu’elle peut, si nous lui enlevons des fidèles, elle en perdra je suppose, puisque leurs prières sont apparemment l’équivalent de notre magie. Le tout serait de savoir si provoquer la perte de ses fidèles ne l’encouragerait pas à enfermer plus d’individus dans les sanctuaires pour les ponctionner comme une horrible sangsue… »

Ce serait bien dommage qu’ils troquent la peste pour le choléra tout de même. Il fronça un bref instant les sourcils puis jeta un regard en coin à Matis. « Votre équipière pourrait nous aider également, si nous la délivrions » Ce n’était qu’une suggestion, comme cela, mais pas non plus dénuée de sens. Après tout, si la bataille était remportée et qu’ils pouvaient pousser jusqu’à Gloria, il serait non seulement possible de tester la théorie de l’humain sur les temples, mais ils pourraient également libérer les rebelles prisonniers, ce qui n’était pas un mal. Les pauvres ne devaient pas être très frais, ainsi enfermés. « Mieux vaut ne pas être seul, dans cette entreprise… »

S’il y avait une chose de sûre avec Nomin, c’était qu’il en voulait à son peuple. C’était normal quand on savait ce qu’il venait de dire, mais cela ne faisait pas tout, il y avait forcement quelque chose de plus qu’une simple révolte. Il leur en voulait pour bien plus que cela, et il avait dans l’idée qu’il ne saurait pas tout de suite de quoi il s’agissait. Au final, tous les deux en voulaient à leur classe dirigeante pour des raisons différentes, mais leur « haine » de cette caste là était bien présente. En tout cas, elle se lisait dans les paroles du jeune elfe. Et, comme Matis, il voulait faire fi de ces ânes pour construire un futur à son peuple et à sa race. Un point de plus sur lequel il le rejoignait, mais lui était en meilleure position pour mener à bien ce plan. Son père était quelqu’un d’important, sa place le serait donc tout autant, et puis c’était un elfe. Ces gens là pouvait vivre bien plus longtemps qu’aucun homme ne saurait le souhaiter. Il aurait donc tout le temps pour mener à bien son plan et convaincre les siens. Matis lui, il ne lui restait plus qu’une grosse trentaine d’année s’il ne se faisait pas tuer avant durant une bataille.

Mais ce qui le marqua ce fut ses remerciements, première, non seconde fois qu’il entendait un elfe dire merci à un humain. Ca le marqua tellement qu’il en resta interdit pendant un court instant, juste assez pour que l’autre s’en rende compte. Ne me remerciez pas maintenant, on verra cela quand on aura mis fin aux agissement de Néant. Seulement là, vous pourriez me remercier. Effectivement, il était pas du genre à se gargariser des remerciements d’un elfe, mais là quand même. C’était quelque chose d’assez exceptionnel tellement les elfes trouvaient les Humains barbares et insignifiants. Mais il n’eut pas le temps d’y réfléchir plus que cela car Nomin l’avait lancé sur la cause de tout ce qu’il se passait ici.

Il fut étonné quand il expliqua qu’il ne serait jamais inquiété car cela n’avait pas de sens. Quiconque pouvait être la cause, la justice frapperait, quel que soit sa place, quel que soit son sang. Alors pourquoi craignait-il qu’il ne risque rien ? C’est quand il dit son nom qu’il comprit enfin. Merithyn Shadowsong. C’était un être fait de légende et de mystère, un de ceux qui côtoyait les grands en plus d’en être. Il n’avait jamais eu affaire à lui, mais il avait entendu sa légende, il avait entendu parler de ce qu’il avait fait. Et oui, il était sur le cul. Comment un être comme cela pouvait être la cause de ce que Nomin avançait ?

Mais comment ? Comment a-t-il fait pour permettre à Néant de faire cela ? J’ose imaginer qu’il ne l’a pas simplement invité à venir boire un thé n’est-ce pas ? Que c’est-il passé pour qu’il soit à l’origine de tout cela ? J’ose à peine croire qu’un elfe, un des vôtres, puisse être à l’origine de la destruction de votre Royaume. Néanmoins, et s’il s’avérait qu’il était réellement la cause de tout cela, il faudra qu’il paye, qu’importe son rang…

Mais nous devons être sûr de ce que nous allons faire, nous en prendre à lui pourrait être la dernière chose que nous pourrions faire…

Il n’avait pas peur de mourir, loin de là puisqu’il était mort depuis bien longtemps. Mais il voulait au moins que son combat ne soit pas vain. L’elfe reprit son idée des temples, et ce qu’il ajouta avait du sens, mais il ne pouvait pas laisser Néant faire ce qu’il lui plaisait.

Ces temples sont abomination, tant sur le plan culturel qu’architectural. Ils n’ont rien à faire sur la terre de mes ancêtres et je ferais ce qu’il faut pour les abattre quitte à les démolir brique après brique. Oui, Néant pourrait se mettre à user des sanctuaires, mais j’ai comme dans l’idée que nous en prendre à ses temples pourrait nous être des plus utiles. Et puis, entre nous, tout ce qui peut ennuyer un Alayien ou Néant, me redonne de l’espoir.

Quand à ma coéquipière, oui elle voudrait sans doute se joindre à nous. Elle est un peu comme vous vous savez ? La fougue de la jeunesse et l’envie de bien faire pour protéger le peuple et les civilisations. Si seulement mes dirigeants avaient été un tant soit peu occupé par le peuple plutôt que par leurs intérêts…. Nous n’en serions pas là…

Un peu comme lui ? Vraiment ? Heureusement qu’il précisait en quoi, parce qu’il aurait été partagé entre perplexité et légère inquiétude de savoir que quelqu’un d’autre lui ressemblait. Un seul lui suffisait amplement par bien des aspects. Néanmoins, il comprenait ce que lui décrivait l’humain, du moins il le pensait. Il n’aurait pourtant pas usé du terme fougueux pour se décrire… cela ressemblait davantage à Aranël. Son fougueux jumeau, son guerrier en devenir. Lui était réellement fougueux. Ce fut cependant avec neutralité, sans hostilité ni affection particulière, qu’il l’observant en répondant. « Certes, de nombreux politiciens n’ont à l’esprit que leurs propres intérêts. Cependant, je pense que, dans l’ensemble, mieux vaut ne pas porter de tels jugements à moins d’expérimenter et de connaître en détail de quoi il en retourne dans ces sphères. Je me permets de critique les conseillers de mon peuple parce que je connais bien leurs jeux, la politique est un art chez les elfes, au même titre que le chant ou le dessin. Cela dit, ce Korentin Kohan n’a pas l’air d’être un si mauvais dirigeant, si ? » La question était réelle, il ne le connaissait vraiment pas assez pour en juger avec justesse, mais il ne lui avait pas donné l’impression de se préoccuper de lui-même uniquement. Enfin d’après ce qu’on lui avait dit, Gregorist non plus n’avait pas été autocentré. Enfin, ils restaient humains, avec tous les travers que cela pouvait comporter, non ? S’il n’était pas aussi critique que son père, il admettait tout de même que l’histoire humaine était limpide quant à leur culture. Un haussement d’épaule finit par ponctuer le sujet.

« Quand bien même, nous avons nos propres peines, elles sont suffisantes sans que nous ayons en plus à composer avec les manquements des politiciens. Je ne laisserais personne nous interdire d’agir simplement parce que nous sommes de simples civiles et eux des imbéciles imbues de leurs personnes et incapable de retirer la cuillère en argent qu’on leur a enfoncé dans la gorge » Il aurait d’ailleurs pu user de termes moins élogieux encore. « Il nous faut des réponses, il nous faut des éléments pour étayer nos théories au sujet de Néant, et de ce Voyageur autant que de ma… notre cible… » A nouveau, les rouages de son esprits tournaient droit. Il avait tellement de choses auxquels penser. « Recueillir plus d’informations sur les origines des troubles magiques par exemple, ou sur la localisation actuelle du gardien, qui l’accompagne… On ne peut pas s’en prendre à lui sans un minimum de préparations, comme vous l’avez parfaitement énoncé. Je suis cependant certains que nous parviendrons à nos fins, il suffit de s’y prendre correctement. C’est comme traquer un animal violent, il faut savoir comment faire. Non ? Ce n’est pas ainsi que vos ‘chasses’ fonctionnent ? Et c’est pareil pour Néant et pour ses temples… Si nous pouvions en établir un plan ou si j’avais accès aux croquis des architectes je pourrais sans doute concevoir quelque chose pour les faire tomber en un rien de temps » Il croisa les bras. « Et bien si nous parvenons à récupérer votre équipière je suppose que nous n’aurons pas plus de mal à mettre la main sur des plans de ce genre, non ? »

Il finit par décroiser les bras et rangea son arme, l’attachant à sa ceinture de tissus avec application. Une fois que ce fut fait, il regarda les alentours. « Que diriez-vous de poursuivre ailleurs ? J’ai ce que je voulais. Mon père ne me laisserait jamais acheter une arme vampirique… mais j’ai quand même réussit à l’avoir ! » Il eut l’ombre brève d’un sourire. « Cela fait beaucoup à digérer en une seule fois, je pense. Tout soldat endurcis que vous-êtes, je viens tout de même de faire tomber un poids particulièrement lourd sur vos épaules. Je m’en voudrais de vous surmener alors même que nous venons de nous rencontrer »

Les paroles du jeune elfe, il le disait encore et pourtant il était loin d’être jeune, un jeu de l’esprit sans doute. Donc, les paroles du jeune elfe étaient pleines de bon sens, un bon sens que Matis perdait lorsqu’il était en colère, et quand on lui parlait des politiciens il avait de quoi être en colère. Néanmoins, il hocha la tête aux paroles de Nomin car elles étaient vraies. Il savait parfaitement à quel point il y avait des hommes et des femmes qui faisaient passer les intérêts du peuple avant les leurs, mais il restait toujours une minorité bien visible qui remettait en cause tout le reste… Si les paroles de l’elfe avaient été tournées vers la vérité et l’affirmation, la dernière partie de son discours était une question. Et une question à laquelle il avait du mal à répondre. Est-ce que Korentin Kohan était un mauvais dirigeant ? Sans doute pas, mais il pêchait par inexpérience, il avait de la bonne volonté, mais il était sans doute pas totalement à l’aise avec son nouveau poste.

Vous avez sans doute raison. Néanmoins, j’ai connu de nombreux conseillers et gens de la noblesse de mon peuple et je peux vous dire qu’il en existe trois sortes. Les premiers, les moins nombreux et dont ma famille fait partie sont des parvenus. Des gens dons la noblesse de la famille ne remonte qu’à quelques générations et qui ne possèdent peu voire aucune terre. Il s’agit là d’anciens bourgeois ou de marchand ou militaire ayant gagné leurs lettres de noblesse par la «force des choses ». Nous sommes le rebus des nobles, les autres nous considèrent comme des moins que rien qui ne méritent par leur titre et qui dévalorise les leurs, voyez un peu le niveau. Ensuite il y a ceux qui sont affilié à la famille Kohan, de près ou de loin, et les autres qui essayent de s’y affilié. À ce niveau-là, j’ai connu des gens prêts à tout, à vendre père, mère femme et enfants pour y arriver et gagner du pouvoir. Mais il aussi vrai que j’ai rencontré des gens qui avaient le cœur sur la main et faisaient passer les intérêts du plus grand nombre avant le leur. Le duc d’Elena par exemple, mon père l’a servit pendant des années, et son père avant lui, c’est un homme bien, et le fait qu’il soit en prison le prouve…

Quant à Korentin Kohan… Je ne peux répondre à cela, je ne le connais pas. Mon père le sert dans son conseil mais c’est tout et nous n’en parlons que rarement. Pour le reste, il a monté la rébellion, il a monté cette ville. Je pense que la situation aurait pu être pire s’il n’était pas là, mais le temps nous dira ce dont il est capable… Mais j’ai confiance.

Il écouta les paroles de Nomin concernant ce qu’il leur restait encore à accomplir. Oui cela allait être difficile, mais s’ils se préparaient convenablement et s’ils arrivaient à agrandir leur compagnie ils finiraient sans doute par obtenir ce qu’ils cherchaient tant à avoir. La fin de cette crise et la destruction des plans de Néant. Dit comme cela ça fait vachement plus simple à dire qu’à faire, mais il avait confiance. Il était presque devenu un spécialiste des plans perdu d’avance. Question d’habitude.

Oui c’est un peu comme ça, bien que je n’aime pas chasser de la sorte. Préparation, calme, retenue et observation seront sans doute nos seules options pendant un temps certain. Néanmoins, obtenir les plans des sanctuaires ou des temples ne sera pas chose aisée, il nous faudra récupérer un ou une spécialiste des larcins parce que n’escompter par m’envoyer en espion je me ferais capturer en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

Mais le reste du plan tien la route, il nous faudra d’ailleurs un dossier très solide pour pouvoir mettre à mal la défense de ShadowSong… Et ce n’est pas gagné d’avance..

Nomin se permit de ranger sa nouvelle arme et c’est qu’à cet instant qu’il se rendit compte qu’elle était vampirique. Cet elfe venait de mettre la main sur une arme très dangereuse et le capitaine n’était pas tout à fait sûr de l’utilisation que l’elfe en ferait… Mais que pouvait il dire d’autre ? Rien du tout, ce n’était pas son fils et il n’était pas sous ses ordres. Donc il ne dit rien. Pour le moment du moins. Il finit de parler en haussant les épaules.

Je vous suis, mais ne vous en faite pas, avoir des responsabilités et des secrets à garder c’est quasiment mon quotidien même s’il est vrai que celui-ci est d’une sacré taille et pourrait nous attirer pas mal de problème. Néanmoins, cela ne change rien, je resterais pour vous aider.

Autant le dire, il n’y connaissait rien en matière de noblesse humaine. Aussi, les informations et les explications de Matis furent les bienvenus… On ne peut pas espérer être plus malin que les représentants d’un autre peuple sans connaître celui-ci comme il faut surtout quand il espérait un jour obtenir lui aussi une place dans la haute politique. Savoir tout cela ne pourrait que lui être profitable, à tous les niveaux. D’abord parce qu’il existait certainement une façon de s’adresser à certaines personnes, même au sein d’une même classe sociale, ensuite parce que tirer parti de ce qu’un groupe pensait d’un autre était une tactique plus qu’éprouvée… « Je vois » Il fallait qu’il en apprenne plus sur la classe dirigeante humaine, ça ne pouvait qu’aller dans le sens de tout ce qui se passait. Etablir le profil du rebelle noble moyen, ou au contraire les attributs des loyalistes, ce qui pouvait influencer l’un ou l’autre de ces partis. Bref. Il lui fallait travailler là-dessus mais pas aux côtés de l’humain, ça il devait le faire seul. « Chez les elfes, entrer dans la noblesse sans y être nait est inimaginable, les exceptions se comptent sur les doigts d’une demi main. Je ne sais ce qui est le mieux. Une noblesse imperméable aux hyènes cherchant à gagner en pouvoir, ou la possibilité de voir du sang neuf entrer en lice, des individus connaissant réellement la vie en bas, et qui veulent apporter du changement… Je pense que l’évolution des individus à ce niveau-là est particulièrement compliquée. Néanmoins, je comprends effectivement ce que vous me dites »

Il n’insista pas pour autant. Matis semblait clairement être le genre d’homme à avoir à redire sur sa hiérarchie, et s’il était loin d’être incapable de comprendre cette façon d’être, l’expérimentant aussi, mais pour son apprentissage, il préférait ne pas trop s’impliquer là-dedans. Ce n’était pas très important, ils avaient d’autres sujets de conversations de toute façon. Sur le chemin de la sortie, il continua de parler. « Et j’en suis rassuré, cela dit ce n’est pas parce vous avez l’habitude de porter de lourds fardeaux que cela me donne réellement bonne conscience. Ce n’est pas parce que quelqu’un est apte à quelque chose que l’on doit le lui infliger. Cela dit je n’en dormirais pas moins bien, j’en dormirais même mieux. Tout faire tout seul est bien compliqué » Surtout dans un univers devenue subitement beaucoup plus grand, beaucoup trop grand. Vaste et encore inconnu sinon par les connaissances acquises via les livres mais ce n’était plus suffisant, très loin de là. Pour ce qu’il devait accomplir ce ne serait jamais suffisant, surtout face à un adversaire qui en savait bien plus que lui… Son ignorance risquait d’être sa perte. Et cela, il ne pouvait le tolérer. Il lui fallait devenir meilleur… et avoir des contacts et apprendre d’eux, des contacts comme Matis. Ou comme ce Korentin. Il lui fallait le rencontrer. L’étudier. C’était nécessaire. Mais pas tout de suite. Néant d’abord.

« Je sais que je ne peux pas vous demander de voler ces plans, ne vous en faites pas. Votre utilité, si vous pardonnez ce langage, se trouve ailleurs. J’ai l’intention de recruter. J’ai quelques idées de noms, mais je préfère entrer d’abord en contact avec ces personnes… nous verrons ensuite. Une chose après l’autre » Il venait pourtant déjà d’avancer d’un pas de géant.

L’elfe l’avait écouté religieusement jusqu’à la fin de son discours qui, il faut l’avouer, était extrêmement partial. Mais, que voulez-vous, on ne demande pas à Matis de vénérer ses supérieurs, seulement de les respecter pour ce qu’ils étaient… Enfin, même ça c’était difficile pour le jeune homme qui ne pouvait pas respecter quelqu’un sur le simple fait de ce qu’il était et non pour ce qu’il avait fait. Qu’il soit de basse ou de haute extraction, un Homme, un Elfe ou un Vampire ne pouvait être jugé que ce sûr qu’il présentait et ce qu’il faisait pour ses semblables. Sur ce point, Matis était intransigeant, il n’y avait aucun respect à avoir pour une personne hurlant au respect en ne faisait rien pour le mériter et il se savait être loin d’être le seul dans ce cas de figure. C’était surtout le cas chez ses hommes, était ce parce que c’était lui qui les avait formé ? Sans aucun doute mais qu’importe. Au moins ils avaient eu une bonne formation. Et c’est d’ailleurs en écoutant l’avis de l’elfe qu’il se rendit à quel point leurs deux mentalités étaient foncièrement différentes. Mais ça, c’était sans doute dû à l’âge, à la race, à la culture et à l’éducation. Matis était quelqu’un de direct qui se fichait des conséquences de ses actes mais les assumait pleinement, il semblait que Nomin était plus posé dans ses actes. Même s’il semblait être un drôle d’elfe quand même.

Alors il hocha simplement la tête devant ses paroles sans ajouter grand-chose à ce qui avait déjà été dit. Les avis sont différents tout comme les situations et chacun aurait matière à apporter au débat. Hélas ce n’est pas à nous de juger cela n’est ce pas ? Sa question n’attendait aucune réponse car il connaissait déjà la réponse. Non ce n’était pas à eux de juger de cela car ils n’étaient tous deux que de simples personnes même si la haute naissance de l’elfe semblait lui promettre un bon avenir.

Le reste de son discours le marqua un peu car, contrairement à ce qu’il pensait il ne cherchait pas à abuser de lui. Il n’avait pas ce côté hautain qu’avait tant de ses semblables et il trouvait cela sacrément rafraichissant pour une fois. Que les ancêtres et les esprits en soient remercié, il y avait peut être quelques elfes sensés dans ces grottes. C’est d’ailleurs à ce moment là qu’il décida de quitter Matis et de continuer sa quête, il cherchait sans doute à se faire d’autres amis, d’autres compagnons pour le combat qu’il souhaitait mener et il comprenait cela. Matis le soutiendrais du mieux qu’il pouvait dans son combat, cela ne faisait aucun doute qu’ils finiraient par arriver à leurs fins.

Si ceux qui peuvent agir ne le font pas, quel honneur nous reste il ? Quand on peut faire quelque chose nous avons le devoir d’agir, même si cela doit nous entrainer sur un chemin parsemé d’obstacle.

Je vous laisse agir à votre guise. Vous savez où et comment me contacter pour votre quête, car sachez que, quoi qu’il arrive, je vous suivrais dans ce combat.

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