Il avait appris la nouvelle avec autant de stupeur que tous les autres. Impossible de faire autrement d’ailleurs après que les gardes royaux aient trouvé le vampire et le dragonnier en train de se battre auprès du corps ensanglanté… Il était le premier général de la rébellion et membre de l’entourage de l’Empereur, être au courant lui était obligatoire. D’autant qu’il était, en compagnie de Morheris, l’instigateur de la sécurité général d’Aigue-Royal. La nouvelle l’avait frappé comme un coup de tonnerre ou de marteau. Comme une impossibilité. Il n’aimait pas beaucoup Farkstein mais celui-ci ne l’avait pas semblé pour autant être un incapable dénué de capacités de réflexion. Le vampire en revanche, il ne l’avait pas senti depuis le départ.

Cette créature vicieuse n’aurait jamais dû avoir la possibilité de se balader librement dans l’enceinte des cavernes de la rébellion. En fait aucun vampire n’aurait dû pouvoir se balader librement ici… Ils n’étaient pas dignes de confiance. Ils n’étaient pas dignes d’être vu comme des alliés, ces monstres sanguinaires qui ne savaient pas se contenir et qui attaquaient sans distinction tout ce qui avait le malheur d’avoir un cœur battant encore dans la poitrine. Voilà tout ce que l’on gagnait à leur tendre la main. Il espérait bien que Korentin se le fourrerait dans le crâne une fois pour toute. S’allier avec les vampires était une erreur impardonnable qu’ils payaient dès à présent. Oh c’était bien beau, de dire qu’ils se contenteraient de se nourrir des Alayiens, mais en attendant c’était Esmelda qui en payait le prix et après ? Qui d’autre ? Pensaient-ils vraiment qu’ils se contenteraient de cela ? Bien sûr que non. Ils se retourneraient contre eux c’était certain. Et même les Alayiens, quand on y pensait un peu plus… ils n’étaient que des hommes, avec d’autres croyances et allégeances certes mais des hommes. Et eux ? Eux les condamnaient comme si ils n’étaient rien de plus que des animaux, tout ça aux profits de leurs véritables ennemis qui n’attendaient que ça et n’étaient que d’une aide factice qui disparaîtrait le moment venu… C’était pitoyable.

Il était furieux. Furieux en raison de ce qui était arrivé à la princesse qu’il désirait protéger et qu’il appréciait tant, furieux parce qu’il se sentait pleinement responsable de ce qui était arrivé, pour ne pas avoir davantage insisté sur des mesures de sécurités renforcées à l’égard des vampires… Furieux parce que cette politique d’ouverture d’esprit était ridicule et qu’elle ne conduisait à rien d’autre qu’à des menaces supplémentaires et des attaques. Comment pouvait-on faire confiance aux vampires ? Qui pouvait être assez fou pour en arriver là ? Assez fou ou assez désespéré… Les mots qu’avait eu Aldakin envers lui revenaient à sa mémoire, comme des chuchotis de mauvais augure, comme des confidences empoisonnées. Ils avaient portés trop juste, avaient frappés exactement là où il le fallait pour le faire douter. Cette attaque ne faisait qu’alimenter le brasier du ressentiment et de l’amertume. Peut-être aurait-il réellement dû se trouver dans l’autre camp, avec les Alayiens… au moins, là, sa princesse n’aurait pas eu à subir pareilles blessures. Ces damnés vampires, créatures maléfiques par excellence, des créatures contre lesquelles il combattait depuis son plus jeune âge et qu’on lui avait appris à haïr. Il avait dû prendre sur lui pour les accepter dans la rébellion mais là c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase.

Le vampire incriminé était dans les cachots, Esmelda entre les mains des guérisseurs… Il ne pouvait qu’attendre, impuissant, de savoir comment elle s’en sortirait. Si elle s’en sortirait. Il était réduit à tourner en rond comme un fauve et à bouillir intérieurement en maudissant sur des centaines de générations ceux qui avaient eu l’idée de faire venir ce monstre au monde. Encombré d’envie de violence et d’un besoin pressant de se défouler, il avait pris à partie un certain nombre de recrues et de soldats sur le champ d’entraînement afin de croiser le fer. De nombreux nordiques aux prises avec les mêmes sentiments avaient acceptés, créant ainsi une véritable mêlée générale dont le fracas retentissant couvrait à peine le bruit du sang à ses tempes. Ils étaient peut-être les seuls à réagir ainsi mais c’était ça où il se précipitait dans les prisons et étripait le vampire à main nue… Il n’avait aucune idée de la portée atteinte par la nouvelle ni de quoi que ce soit d’autre. Tout ce qu’il savait c’était qu’il lui fallait se calmer. D’ici quelques heures, une exécution aurait lieu… mais en attendant….

Dans cet univers, seule la danse du métal était la seule qui importait. Son arme dansant dans ses mains, devant lui, s’entrechoquant avec celles de ses adversaires, les coups qu’il évitait avec aisance ou endurait, lorsque cela lui permettait une ouverture. Le contact n’avait rien d’effrayant, bien au contraire d’ailleurs, c’était une impulsion supplémentaire qui transformait la rage primaire et inutile qui bouillonnait dans son esprit et dans son corps en une force et une énergie qu’il incluait dans le combat, le rendant plus prenant encore… La défense n’était pas à l’ordre du jour, il lui préférait l’offensif. Sans doute un duel contre un véritable adversaire à sa hauteur, tel qu’Emeril, ou encore Dessay, aurait été meilleur… plus égal et plus fatiguant pour lui qui ne semblait jamais s’arrêter un seul instant, conduit et soutenu par une endurance redoutable ayant pris naissance autant dans son état d’esprit que dans ses années de vie. Aucun adversaire présent n’était à sa mesure, ils n’étaient que des amateurs, des bleus… Enfants de l’été ou même enfant tout court, aucun n’avait jamais vécu tels que lui pas même ses pairs nordiques. Voilà pourquoi il était le roi du froid, et eux ses soldats. Néanmoins ils participaient, s’améliorant, parfois même sans le savoir. Ils avaient la même rage en eux, le même désir de combattre. Ils ne s’arrêtaient pas aux considérations hermétiques des politiciens. C’était des soldats, des hommes d’armes et en cela il les respectait à minima même si les sudistes portaient et porteraient certainement indéfiniment une grande part de mépris de sa part. Mais tout cela pour l’instant se résumait simplement à des passes d’armes… Et c’était déjà très bien. Il vaincrait la mêlée, sans le moindre doute. Pourtant la véritable victoire, qu’ils soient capables de le voir ou non, était ailleurs. S’il parvenait à se calmer, tout irait très bien et ce serait grâce à eux.

Pour l’instant les choses étaient trop tendues. Les nordiques voulaient la tête de tout vampire qu’ils croisaient et entraînaient une part des sudistes dans leur haine. Les vampires naturellement le ressentaient et se tenaient sur le qui-vive… En moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, cette alliance soit disant providentielle menaçait de faire d’Aigue-Royal un piège de haine raciale. Belle réussite… ou belle défaite. Ça ne faisait que renforcer ce qu’il pensait. Et, sachant qu’on allait attendre de lui qu’il tienne ses hommes, il préférait se calmer un peu avant d’oser leur dire de ne pas s’en prendre aux morts-vivants… Ces mots-là seraient une véritable torture alors si en plus il devait les prononcer en étant aussi en colère, il risquait bien de déraper et de leur ordonner le contraire. Ce qui serait bien malheureux pour leurs objectifs actuels. Voilà également pourquoi il combattait. Voilà pourquoi il préférait laisser parler son épée avant de devoir cracher des mots qui allaient à l’encontre de tout ce qu’il pensait et ressentait. Korentin lui devait beaucoup, à ce sujet. Si le souverain détestait les vampires du fait de l’éducation raciale et naturellement par pure logique, il n’avait pas avec eux le contentieux que lui-même portait… ce n’était pas un torchon qui brûlait entre lui et eux, c’était un véritable incendie ravageur qui n’avait pas de fin. Cela c’était certain, ça ne changerait jamais. Il ne laisserait pas cela changer d’ailleurs même si c’était possible… Trop avait été joué, trop avait été fait. Pour l’instant il combattait les Alayiens, mais son véritable ennemi était ailleurs et ne s’en cachait même pas. Ce n’était pas une alliance de circonstance qui changerait la profondeur de l’inimité entre eux. Eux tous. Son esprit se clarifiait, lentement, alors qu’il échangeait les coups, prouvant une fois encore qu’il ne parvenait à se réaliser pleinement que sur un champ de bataille.

Le beuglement soudain de son nom lui fit tourner son pâle regard sur la silhouette d’un guerrier sans que son visage n’arbore la moindre expression tandis qu’il envoyait à terre un adversaire supplémentaire. Le meilleur épéiste ? Drôle d’idée ça, depuis quand le qualifiait-on de meilleur épéiste ? Emeril devait vraiment se faire discret pour qu’on puisse lui donner pareil titre à lui. Son compère à l’épée flamboyante était bien meilleur encore et il le lui cédait avec humilité sur ce point-là. Cela dit, ce n’était pas vraiment son problème à lui si un quelconque soldat se prenait à penser qu’il était le meilleur, la désillusion ne serait pas la sienne. Puisqu’il voulait combattre, il allait combattre. Jamais il ne refusait pareil défi et attaqua à l’instant même où l’autre se lançait également. Il para sans le moindre mal les coups gourds de l’autre, lui laissant finalement l’attaque un bref instant avant de se servir d’une ouverture dans le rythme de son jeu pour retourner la situation et prendre la main. Il commença par tester les capacités de l’autre, y allant relativement calmement et sans vraiment se donner sérieusement, préférant le cerner avant d’agir. Il le poussait et le menaçait un peu, mais sans plus, avant tout pour voir ses réactions. En le voyant subitement le pousser, il campa simplement son poids sur ses jambes et bougea d’à peine un pas ou deux, ne semblant pas particulièrement affecté par le mouvement et laissant simplement l’autre se saisir de l’opportunité de reculer légèrement et de récupérer son souffle. Il semblait pourtant que ce précieux souffle, il ait décidé de le gaspiller… tant pis pour lui. Clignant simplement des yeux pour toute réponse, il reprit son avancée en restant prudemment sur sa découverte du jeu adverse.

Il le piqua à droite, feinta à gauche, le fit travailler de tous côtés, autant en bas qu’en haut, testant sa réactivité, son jeu et son usage de l’espace et de l’arme qu’il avait dans les mains. L’autre ne se défendait pas mal. Il ferait un bon défouloir, c’était certain. A nouveau, il s’arrêta, le laissant regagner quelques pieds sur lui et cessa de le harceler méthodiquement un bref instant, son intense regard singulier rivé sur lui. « Je peux te tuer » fut tout ce qu’il consentit à dire sur cet échange, d’une voix neutre dépourvue de fioritures. Une simple constatation de la vérité. Il pouvait le tuer s’il le désirait. Ce n’était cependant pas le cas. Puisqu’il avait pu cerner de quel bois était fait son adversaire d’un temps il se fit plus sérieux et l’entraîna dans un échange haletant sans lui laisser un seul instant la possibilité de faire autre chose que se défendre, enchaînant les coups en alternant les styles, l’empêchant de se reposer sur un cycle bien définit et le gardant à feu vif, attaquant comme il l’aurait d’un duel à mort et cherchant le sang. A la première entaille cependant, il lui laissant enfin l’opportunité de souffler, alors même que le combat faisait encore rage autour d’eux. Silencieux dans un premier temps, il garda l’opportunité de l’attaque mais consentit enfin à briser son mutisme en se défaisant à l’occasion du choc des lames de quelques conseils bien sentit pour améliorer son jeu, sans jamais faire montre de la moindre trace de mépris.

Il refusait souvent d’offrir son expertise en tant que professeur, n’ayant jamais vraiment eu la patience de se consacrer à l’éducation martiale de qui que ce soit. Certes, il avait enseigné à son fils, et, au titre d’épéiste émérite, il avait été contraint de servir d’instructeur aux jeunes de la cité… mais les gamins ne le gênaient pas trop. Il n’était pas forcément très à l’aise avec eux, pas toujours du moins, mais il les appréciait davantage que la majorité des adultes qui avaient une nette tendance à lui casser souverainement les pieds. Les adultes étaient biaisés, tout simplement… et lui n’avait pas le temps de jouer à ce petit jeu. Pas le temps, et souvent pas les moyens. La politique n’était pas faite pour lui. Trop rustre, trop entier, trop brutal. Il le savait parfaitement et cultivait sa personnalité avec fierté. Néanmoins, pour l’occasion et puisqu’on lui offrait un adversaire sur lequel se faire les dents qui ne semblait pas rechigner à prendre des coups, il faisait un petit effort. Presque par caprice mais qui allait s’en plaindre ? Certainement pas son vis-à-vis, qui pourrait toujours utiliser un ou deux bons conseils. Il les prodiguait avec parcimonie, ciblant les défauts principaux qu’il voyait dans le jeu du sudiste, ceux qui lui feraient immanquablement défaut sur un champ de bataille et possiblement en duel. L’affaire du duel, c’était qu’on ne le pratiquait pas si souvent que cela… Qu’on soit seigneur, soldat ou mercenaire, dans une guerre, sur un champ de bataille, on était rarement réduit à du face à face en raison des mêlées. Cela dit, lorsqu’effectivement duel il y avait, il valait en général la peine d’user de toutes ses capacités. Aucun soldat ne l’avait jamais mis à mal comme Dessay avait pu le faire, par exemple… Tout simplement parce que, dans un duel pareil, il n’y avait plus rien d’autres qu’eux et leur capacités. Un peu comme dans une chasse au vampire. Lorsqu’on s’attaquait seul à la bête. Il n’y avait plus que soi même pour faire la différence. Mais ce qui servait dans l’un pouvait également servir dans l’autre.

Il hocha simplement la tête aux remerciements, et l’observa jeter son épée au sol en haussant brièvement un sourcil. Fort bien, si il voulait d’une arme à deux mains, qu’il la prenne, ce n’était pas lui qui allait l’en empêcher. Il aurait pu tout aussi bien se munir d’un gourdin pour tout ce que ça lui faisait. Il méprisait toutefois l’ouvrage vampirique, de bien piètre qualité comparé aux créations nordiques… mais après tous les vampires n’avaient jamais été connu pour être de bons artisans, au contraire même, peu d’entre eux étaient capable d’utiliser leurs deux mains pour autre chose que la destruction. Voir un homme se servir d’une arme comme celle-là, créé par des rebus, ne lui plaisait pas… et si il avait tenu son adversaire en relative estime jusque-là, il venait à présent de faire un plongeons vertigineux vers des abysses encore peu connue du genre humain. Un humain se servant d’une arme vampirique ne méritait rien moins que son mépris et sa froideur, et pour le coup, il ne jouait plus du tout. Pourquoi aurait-on besoin de l’aide de ces monstres, hein ? Celui qui avait forgé cette grossièreté s’était sans aucun doute vanté de sa qualité, laçant ses propres d’une pique prononcée envers les créations humaines, hypocrite créature qui pourtant se savait bien inférieure. Qu’il détestait cette simple idée… mais pas autant que l’idée de voir un être vivant s’abaisser à quémander auprès d’un non-mort, ça c’était certain. Il pressa de nouveau son attaque, déterminé et sans plus de courtoisie, enchaînant cette danse sans paraître le moins du monde perturbé par le changement de style de son adversaire auquel il s’adaptait immédiatement. Si l’autre comptait la jouer à l’endurance, il aurait le dessus immanquablement… C’était l’erreur commune de tous ses adversaires sudistes, de croire qu’il se fatiguerait en premier. Et immanquablement, ils en étaient pour leurs frais, puisque, soutenu par le loup de son totem, il pouvait supporter n’importe quel combat. Il ne sourcilla pas vraiment, porté par sa colère renouvelée et poursuivit le duel.

La petite idée de l’autre ne lui vint pas tout de suite, tout simplement en raison de son style personnel qui consistait à accompagner les coups adverses plutôt que de les parer pied à pied. Il se servit tout simplement de la force supplémentaire qu’il mettait dans ses coups pour le déséquilibrer et ainsi s’offrir de l’ouverture en bougeant. Cependant, quand enfin il commença à entre voir ce qu’il essayait de faire, une lueur mauvaise vint se glisser un bref instant dans son regard. Il prit une courte distance, le laissant rattraper son équilibre, et confia son arme à un soldat non loin, qui ne participait pas à la mêlée dont ils avaient gagnés le pourtour. A la place de l’arme d’entraînement, il prit son organix, dont les lames luisantes faites d’un alliage de mithril, sourdaient. S’il tenait tant que ça à tenter de briser son arme, qu’il essaye donc avec celle-là, pur produit du nord et bien meilleur que n’importe quelle arme vampirique. Repartant à l’attaque dans un tourbillon qui n’avait plus rien d’amical, cette fois, il poussa l’autre à bout, n’hésitant pas à encaisser cette fois-ci, les coups qui venaient, et s’en servant même pour s’offrir quelques coups bien placés de son côté. Un espadon était plus pesant bien que plus puissant qu’une épée, et si son organix offrait une protection accrue et un rythme d’enchaînement des attaques difficilement égalable, il misait également sur son adaptabilité et sa capacité à bouger. Sans merci, il poussa le combat à son plus haut niveau, entraînant un adversaire qui encaissait plutôt bien et qui se défendait relativement adroitement… mais qu’il n’allait pas laisser passer. Finalement, à l’opportunité d’une parade parfaitement réalisée de la part de l’autre, il se désengagea en se jouant à nouveau du poids de l’arme, et vint trancher au niveau de la chair tendre de la mâchoire, lui laissant une entaille sanglante mais bénine car parfaitement exécutée. Il désolidarisa les deux morceaux de son arme, rencontra l’espadon avec la première, pointa l’autre sur l’homme.

« Voilà pour vous » lâcha-t-il, avant de relâcher la pression, mettant clairement fin au duel. Se détournant, refroidit, il compléta avant de s’éloigner. « Pour tout le bien que cet armement peut vous faire » Il n’avait rien de plus à ajouter pour pareil individu, lançant un regard mauvais à l’espadon avant de retourner sur le bord de la lice, déposant ses armes pour pouvoir boire un coup…

Après coup, cette histoire d’espadon le mettait moins en colère que le sort de la princesse. C’était de l’huile sur le feu mais pas le feu principal, fort heureusement pour le propriétaire qu’il aurait certainement plus qu’esquinté dans le cas contraire. Après le coup de sang immédiat que cela représentait, ça lui laissait davantage d’amertume que de colère… Il en voulait énormément à cet homme de lui prouver une fois encore que le prêcheur avait raison. Lui, général de la rébellion, aurait dû pouvoir se récrier, réfuter tout ce qu’il avait pu dire, le traiter de menteur… Pis même, il aurait dû avoir le culot de lui accoler l’étiquette de maléfique, sans plus aucun regard pour les nuances de gris qui paraient indéniablement le monde. Pourtant il en était totalement incapable et au contraire, se trouvait en proie à la plus grande détresse en voyant le moindre mot de ce discourt qui l’avait tant marqué vérifié encore et encore comme un cycle vicieux. Et plus il vérifiait tout cela, plus sa rancune et son amertume se faisaient tenaces. Et il y avait des blessures, des offenses, plus virulentes et profondes que d’autres, bien évidemment. Que Kedrildan agisse comme le monstre sanguinaire et malsain qu’il était, c’était presque normal aussi terrible que soit ce terme… mais qu’un humain se sente le besoin de se reposer sur un de ces monstres justement et qu’il s’attache à lui de la moindre façon alors que cette chose se retournerait contre lui pour l’abattre comme un porc dès qu’elle en aurait l’occasion, ça, ce n’était pas normal. Ni normal, ni acceptable et encore moins encouragé. C’était pire que de la folie. C’était désavouer les moindres capacités que pouvait avoir l’humanité. Ces monstres, ces créatures inhumaines, n’avaient pas besoin d’aide pour mépriser les leurs, alors pourquoi en rajouter en apportant de l’eau à leur moulin. Les siens s’échinaient depuis des générations à inverser la balance en place, ou au moins à l’équilibrer, et des sudistes comme cet homme venaient détruire tout leur ouvrage et leurs efforts avec une candeur outrageante…

Comment était-il censé réagir, hein ? Bien peut-être ? Et bien mauvaise pioche, il n’était pas de ces individus-là, à tout prendre avec le sourire. C’était même l’inverse. Aussi, en voyant l’autre approcher de nouveau, il lui décocha un regard mauvais de ses prunelles pâles, montrant clairement qu’il n’était pas très ouvert à la discussion. Pour autant, il ne le frappa pas, et ne le coupa pas, n’ayant jamais eu d’aisance pour parler et encore moins pour ce genre d’exercice. Visage fermé, il observa l’importun sans même cligner des yeux. L’avoir ménagé ? Un peu sans doute mais pas de beaucoup. Il serra les dents, chassant un instant l'intrusion de son esprit, avant qu'on ne la reporte à son attention. L’applaudissement manqua carrément le vexer une nouvelle fois, et il resserra les yeux, ressemblant réellement à un loup pour le coup. Qu’est-ce que c’était que ça encore ? On se moquait de lui ou quoi ? Mais il n’avait pas fini de tomber des nues… Pourquoi lui tendait-il la main exactement ? Ce n’était pas un geste que les nordistes utilisaient et il n’avait pas envie de céder le moins du monde aux us du sud. Aucune ne lui avait été digne d’un quelconque intérêt. Fusillant la main du regard, puis le visage de l’autre, il pinça les lèvres en une expression hermétique au possible avant de daigner répondre enfin. « Je déteste la fausse modestie.... c'est une forme d'hypocrisie.... Je ne vous ai ménagé qu’au début et j’ai donné ma mesure. Vous vous êtes bien défendu malgré ça. Nous n’avons certes pas le même niveau, mais vous vous en sortez très bien, aucun besoin de me glorifier, je n’ai fait que ce que je savais faire, et ça n’a pas lieu d’être un sujet de compliments » Sa respiration sèche ponctua les mots froids et amers « En combat réel je vous aurais tué et je n’ai jamais glorifié la mort d’un membre de ma race » Il avait nombre de trophées de vampires morts, mais d’hommes ? Jamais de la vie. « Qu’ils soient Armandéens ou Alayiens » Se détournant, il ôta ses protections légères, l’air ambiant étant déjà trop chaud pour son métabolisme habitué aux grands froids.

Faisant jouer l’agilité de ses mains pour en détendre les ligaments, il ajouta, après un silence douloureux qui semblait vouloir s’éterniser. «Pourquoi voudriez-vous boire avec moi ? La plupart des sudistes dans votre genre nous regarde de haut en nous traitant de barbares mal dégrossis et trop sérieux… »

Mais pourquoi tenait-il tant à… et bien lui tenir la jambe justement. Dingue ça tout de même ! Le reste d’Aigue-Royale avait déjà compris depuis longtemps qu’il n’était pas sociable et encore moins avec des sudistes. Encore moins d’ailleurs en pareille situation. Il n’avait aucune raison de vouloir faire ami-ami avec qui que ce soit. Il n’avait jamais d’ailleurs porté une réelle attention à la notion d’amitié, elle n’entrait pas vraiment dans le modèle de son existence. C’était même passablement impossible à réaliser. Mais il avait beaucoup de compagnons d’armes au demeurant, ce qui n’était pas moins appréciable. Cela dit, son dilemme n’allait pas disparaître comme ça. Qu’est-ce qu’il était censé faire de cet espèce de tête de bois qui ne voulait pas le laisser tranquille ? Un tapis de bain ? Mouai non, le dépeçage d’humains ce n’était franchement pas une discipline qu’il prisait… C’était même passablement révoltant. L’empaillage ? Une belle tête de sanglier sur son mur ? Hmmm non plus, il serait capable de penser que la tête en question continuait d’afficher cet imperturbable sourire qui l’agaçait profondément. Il ne savait franchement pas quoi faire, surtout quand le planter sur place aurait également signifié quitter les lices et se passer de la satisfaction de surveiller la mêlée. Il se retint de grogner à l’entente de ses paroles. S’il avait survécu une dizaine d’années déjà avec une arme à la main c’était qu’il n’était pas manchot. Le reste ? Bah ! Il n’y avait guère plus à en dire et il n’irait certainement pas contredire l’autre dans sa certitude qu’il tuait déjà des vampires avant sa naissance… D’ailleurs quel âge avait-il, cet hurluberlu ? Il n’avait pas l’air grisonnant, on pouvait penser qu’il était donc dans la force de l’âge. Sa carrure soutenait ce fait, entre autres choses. Beaucoup d’autres hommes de son âge, quel qu’il soit, s’était déjà retrouvé étendu au bord d’un chemin les tripes à l’air, il ne fallait pas être un génie pour comprendre qu’il avait un minimum de capacités et de savoir-faire.

En revanche quand on lui accola l’étiquette de sympathique, il décocha un regard profondément ironique au bretteur. Sympathique hein ? Rien que ça ? Pourquoi pas chaleureux aussi ? Il fallait soit être profondément hypocrite, soit vraiment optimiste pour le croire sympathique. Le reste, c’était le cas… mais sympathique ? Parmi tous les adjectifs existants ? Choix tout de même incroyable et… inquiétant en fait, en y réfléchissant bien. S’il le trouvait sympathique, lui, le nordique ne voulait pas voir ce que cela donnait avec d’autres. Il était bizarre ce type… Détournant une nouvelle fois les yeux, il s’occupa de récupérer de quoi se remettre d’aplomb après l’entraînement, ignorant les coups d’œil curieux qu’on lançait dans leur direction et qui pour la plupart provenaient de nordistes surveillant eux aussi l’évolution de la mêlée. Silencieux un moment, il prit le temps de relever sa crinière qui décidément le gênait beaucoup depuis son arrivée au sud et qui n’aidait pas la chaleur des lieux. Finalement, il consentit à s’exprimer. « Usuellement je ne porte pas les mercenaires en haute estime, mais cela n’a rien à voir. Vous faites l’affront à toute votre race de nécessiter un objet venu d’un vampire pour vous battre, et vous me demandez encore ce que vous avez fait de mal ? Faut-il vraiment que des individus comme vous nous poussent encore plus bas que terre aux yeux de ces monstres ? Vous ne trouvez pas qu’ils nous méprisent déjà bien assez ? Tsh… » Il n’attendait pas vraiment de réponses de sa part, en réalité. « Aucun humain ne devrait à faire l’aumône auprès de ces monstres. N’attendez pas de moi qu’on insulte un pair et que je l’accepte en souriant » Il eut une grimace de colère et d’hostilité à la simple idée de devoir demander une arme à un vampire. En cela, il avait parfaitement choisit le métier de forgeron. Au moins n’avait-il pas besoin de quiconque d’autre.

« Quand à cette mêlée elle est là pour empêcher la rébellion de s’entre déchirer. Mes hommes ont parfois encore moins de patience que moi lorsqu’il s’agit de vampires, si ils ne canalisent pas leur énergie ce sera la guerre dès l’instant où ils croiseront l’une de ces… créatures » Il observa les hommes « Et parce que j’avais également besoin de me calmer. Quel sorte d’hypocrite serais-je si je leur demander de conserver calme et patience en montrant ouvertement que je n’ai qu’une envie, celle de tuer ces bêtes ? Et en dehors de ça, parce que je ne m’occupe pas de l’entraînement, d’habitude, tout simplement… »

Si c’était ce qu’il voulait ? Et puis quoi encore ?! N’avait-il donc aucune dignité pour vouloir plaire aussi outrageusement à n’importe qui ? N’avait-il donc aucun crédit à donner à ses propres actions qu’il les dénigre si aisément et si rapidement ? Si c’était ce qu’il voulait ? Non certainement pas ! Ce qu’il voulait c’était qu’on cesse de se comporter comme une carpette auprès de ces monstres suceurs de sang ! Et qu’on lui fiche la paix accessoirement. Des excuses ? Tss… ça n’avait pas la moindre valeur ! Ce n’était qu’un bout d’os à ronger pour éviter la confrontation. Et en plus de ça il avait le culot d’oser prétendre ses excuses sincères ? Aucune excuse n’était sincère si elle nécessitait que l’on demande l’agrément d’un autre. Les excuses étaient une repentance naturelle, un acte désintéressé de s’incliner devant un autre. Pas…. Pas ça ! Il n’y avait rien de sincère dans ses mots. Et après il voulait lui faire croire qu’il n’avait rien mendié ? Mais c’était exactement ce qu’il faisait ! Et il continuait en plus de ça ! Braqué il manqua le renvoyer sur les roses immédiatement. S’il avait pu avoir des armes comme les siennes ? Le prenait-il en plus pour un imbécile ? L’insulter à répétition était le nouveau jeu en vogue chez les sudistes ? Histoire de voir jusqu’où il irait avant d’exploser littéralement de colère ? C’était pitoyable. « Vous m’insultez, si et vous continuez de le faire » Qu’il aille donc voir n’importe lequel des forgerons humains, qui fournissaient des armes et des armures sans rien demander en retour aux soldats de la rébellion, avant de lui affirmer n’importe quoi. Les hommes de Glacern avaient tous un second métier afin d’être plus utiles à la communauté, mais ils étaient avant tout des soldats et assurer le service était naturel chez eux. La rébellion n’était pas assez riche pour se permettre de faire payer ses membres comme des commerçants normaux et n’importe qui ici le savait pertinemment. Enfin tous sauf cette énergumène de toute évidence. « Je crois être particulièrement bien placé pour savoir ce qui est ou on possible, je suis l’un de ces forgerons » Des armes reforgées selon les techniques de sa ville et avec des matériaux réellement résistant, il en avait fournis, à de jeunes hommes et même à des vétérans. N’avait-il pas d’ailleurs promis à la princesse Esmelda de lui forger lui-même une armure complète spécialement adaptée à elle ? Sa princesse… elle devait absolument vivre. Jouant de la mâchoire il jaugea le mercenaire une fois de plus, froidement. « Bien sûr, pensez donc à notre échange et tirez-en les conclusions nécessaires, vous m’obligeriez » Il se détourna de nouveau, au moment où un de ses gardes loups approchait, apparemment pressé, pour lui donner les dernières nouvelles et la stabilisation de l’état de la princesse, comme en réponse à sa prière. Avec un soulagement palpable, il soupira et se détendit avant de demander à l’homme de transmettre l’information, afin de calmer les esprits alentours. « Je suis appelé ailleurs. Je suppose que nous nous recroiserons » Et avec de la chance pour cet individu, il éviterait de lui remettre sous le nez cet espadon, ou il le lui ferait avaler de force.

[HRP > Je suis partie sur une conclusion du coup ^^ à voir si tu veux reposter ou pas, si non je ferais la demande et le reste ! Merci beaucoup pour ce rp, me suis bien amusée o/ ]