--- Début Mars ---

Encore une fois, il voyageait. Cela devenait une véritable habitude que de ne pas rester au même endroit plus de quelques jours… Il avait entamé un périple quatre ans plus tôt et n’en était tout simplement jamais revenu. Peu à peu, il s’était habitué à cette vie nomade, à ne jamais avoir un chez soi bien défini dans lequel se reposer. Peut-être l’acceptait-il plus aisément parce qu’il savait avoir quelque part où aller si jamais il devait avoir un problème. Ou peut-être appréciait-il tout simplement d’être toujours en mouvement. Cela allait bien avec son élément après tout. Jamais le feu ne restait inactif, il dansait, bougeait, brûlait continuellement… Lui qui était si proche de cet élément le ressentait facilement. Il avait fini par intégrer totalement cette façon de vivre toujours en marche. D’abord au travers du royaume humain, puis avec les vampires, et à présent avec Shaynar. Même durant les mois passés à Tomingorllo il avait été incapable de rester inactif longtemps, et cela tombait assez bien avec tout ce qu’il y avait eu à faire. Et depuis presque trois mois, il sillonnait le sud du continent et le ratissait avec assiduité, portant cette vie de nomade à ce qui semblait être son apogée. Heureusement, les puissantes ailes de son compagnon draconique les portaient tous deux aisément et rapidement, de sorte qu’ils ne perdaient pas plus de quelques jours à chaque fois. Mais dans le contexte actuel, ces quelques jours pouvaient bien être des jours décisifs. Quoi qu’il en soit, il était tout de même content d’avoir quitté le domaine. S’il y avait bien une chose qu’il détestait singulièrement, c’était la politique et plus particulièrement la politique elfique… Il n’était définitivement pas en état de supporter ce genre d’exercices et ne le serait pas avant longtemps avec tout ce qu’il avait sur les épaules. Il devait avouer qu’il avait bien failli claquer la porte au nez du jeune Aegnor quand celui-ci était venu le voir et avait eu du mal à survivre à l’entrevue, ses nerfs à fleur de peau n’attendant que d’exploser sur le premier innocent passant à portée de lui… Ce n’était vraiment pas bon. Il était grand temps qu’il parvienne à aller mieux avant d’abandonner et de s’enterrer dans le désert loin de tout.

Bon cela dit, avoir quitté les forêts était déjà très bien. A croire qu’il ne les supportait plus, tout elfe qu’il fut mais plus cela allait et moins leur tranquillité lui agréait. En compagnie de Shaynar, il avait décidé de retourner à Aigue-Royal, pour prendre les dernières nouvelles et pour voir s’il ne pouvait pas se rendre utile d’une manière ou d’une autre tant qu’il y était. Et également pour vérifier que Lorenz n’avait tué personne entre temps. Même si il était ravi que l’alliance soit faite, il avait quand même un peu peur de retrouver la rébellion en champ de ruine en raison des nerfs du prince vampirique… Parfois, ça avait tendance à être compliqué. Et pourtant, en arrivant à destination, il eut le soulagement de constater que tout était encore en un seul morceau et que rien ne ressemblait à un amas de ruines fumantes. Shaynar ne désirant pas rester en compagnie de ces humains et vampires, ce qu’il comprenait parfaitement, ils se séparèrent et Merithyn entra à l’intérieur des cavernes après avoir montré sa chevalière et avoir énoncé son identité et la raison de sa venue. Bénine cette fois-ci. Pourtant, en apprenant qui il était, plusieurs soldats lui firent part d’inquiétantes nouvelles qui s’étaient déroulées pendant qu’il était absent. Il se trouva donc confus et inquiet, de savoir que la princesse avait été poignardée et que Kylian avait été accusé du crime avant d’être innocenté. Pis encore, c’était à présent Amyelenor que l’on disait coupable, une chose qu’il ne comprenait pas… pas complètement du moins, dévoué comme était le général dragonnier. Pourtant avec sa participation à la bataille contre le Néant, il était fort possible qu’il ait été atteint tout comme lui-même avec sa mémoire disparue. Si l’esprit s’attaquait à ce qui leur était le plus cher, c’était fort probable que cela s’explique ainsi. L’elfe était désolé de n’avoir pas été présent pour pouvoir aider, un tant soit peu… au moins pour soigner Esmelda. Mais il était également soulagé d’apprendre que tout cela se tassait et se résolvait, car c’était là le plus important. Tant qu’elle allait bien et qu’Amyelenor était traité correctement, tout allait bien non ?

Il se résolut tout de même à leur rendre visite, un peu plus tard. En attendant, il devait grignoter un peu et essayer de se renseigner au sujet de ce dont Hyrriena lui avait parlé. C’était donc vers la caverne des songes qu’il se dirigea et demanda s’il pouvait recevoir un peu de verdure, n’en ayant pas emporté après son départ précipité de Tomingorllo. S’installant dans un coin, il grignota les champignons et le morceau de pain qu’on lui avait donné, faisant descendre le tout d’un peu d’eau fraîche, sans toutefois se mêler vraiment à la population de la caverne jusqu’au moment où il aperçut une tête connue, et un chant-nom de même. Sautant sur ses pieds il se mit à trottiner vers la haute silhouette de l’humain en l’interpelant d’une voix chantante. « Messire Gorder ! » Arrivant à sa hauteur sans faire cas des regards qu’il ait pu, ou non, attiré sur son chemin, il lui décochant un grand sourire ravi. « Bonjour à vous messire. Je suis enchanté de vous revoir… votre voyage de retour s’est bien passé ? Vous n’avez pas eu de problèmes ? » Se reprenant en se rendant compte qu’il l’avait peut-être attrapé au mauvais moment il se rembrunit en ajoutant, avec plus de calme et de contrôle de lui-même. « Hm Pardonnez-moi, j’espère que je ne vous ai pas interrompu dans une quelconque activité d’importance… »

Voilà qui lui faisait indéniablement plaisir. Il ne connaissait pas tout le monde personnellement ici, pour tout dire il ne connaissait en réalité pas grand monde… La princesse elfique Orfraie lui était connue, ainsi que la princesse Esmelda, Amyelenor, Kylian, les dragons et quelques autres, dont Alford, Il en connaissait beaucoup d’autres par les chants-noms, mais ce n’était pas une connaissance des plus agréable… c’était une connaissance théorique et profonde de la personne mais qui manquait de naturel et surtout qui n’était pas partagée dans les deux sens puisque les sujets de ses observations n’étaient pas même au courant de ce qu’il faisait. Il préférait bien davantage discuter avec les autres et apprendre à les connaître avec tout ce qu’un lien social impliquait. Et justement, pour le coup, c’était ce qu’il appréciait assez chez le mercenaire qui s’appelait Alford Gorder, qu’il avait rencontré par hasard lors d’un vol dans un petit village de l’est. Ils avaient un peu échangé et l’humain n’avait pas semblé hostile à sa présence ou à discuter avec lui, ce qui, naturellement, n’avait pu que lui plaire et le mettre en confiance. Avec lui, pas de politique, pas de soucis à l’échelle continentale, du moins il l’espérait sincèrement. Simplement la possibilité d’un moment à parler sans cérémonial et sans ronds de jambes. En plus de cela, il avait la possibilité de se concentrer sur un seul chant-nom et d’ainsi se couper du reste des cavernes remplies à raz-bord de vibrations qui l’assourdissait et lui emplissait la tête d’informations sans la moindre coordination tant le brouhaha était impressionnant. La première fois qu’il était entré au cœur de ce réseau de cavernes, il avait cru devenir complètement fou, incapable qu’il était de faire cesser cette cacophonie, de se couper du monde vibratoire pour éviter d’être ainsi agressé. Puis, avec le temps, il avait appliqué un système semblable à celui dont il usait quand il voyageait vers Gloria les années précédentes et se focalisait sur un seul chant à la fois, laissant les autres de côtés, en sourdine.

Et puis, si on devait rajouter un élément supplémentaire en faveur d’Alford, c’était sans aucun doute qu’il était accessible et ne venait pas d’une quelconque famille royale ou noble. Dans tous les cas et à moins qu’il ne se trompe lourdement, le mercenaire avait l’air aussi ravi de le voir que lui en retour, ce qui était particulièrement flatteur. Il n’avait pas vraiment l’habitude, il fallait dire. C’était même plutôt l’inverse, aussi loin que les réactions franches s’étendaient. Pour ce qui était des autres, et bien… c’était encore une autre paire de manche. Balayant ces considérations d’une pensée, il offrit un sourire chaleureux à son vis-à-vis, amusé par l’assaut de questions en retour aux siennes. « Voyons, pourquoi vous en voudrais-je ? Je suis ravi de ne pas entacher votre bonne humeur et vos questions ne me gênent absolument pas. Je dois même avouer être bien aise de pouvoir discuter plus longtemps avec vous, surtout après mon départ précipité avec Shaynar l’autre fois » C’était que l’avoir planté ainsi, sans plus de délicatesse, l’avait beaucoup embêté. « Je suis heureux de savoir que vous n’avez pas eu trop de problèmes sur le chemin du retour. Je me suis un peu inquiété et n’ayant pu revenir vers Aigue-Royale avant aujourd’hui, je n’ai donc pas eu de nouvelles avant cela » Il s’interrompit un instant sur une respiration bienvenue, puis enchaîna, profitant que l’humain semble apprécier de discuter pour s’adonner un peu à ce passe-temps qui pouvait être très agréable avec la bonne personne. « Je ne sais pas si discuter avec moi est un honneur particulier, surtout qu’on me dit souvent que je parle beaucoup trop et trop longtemps, mais je voulais simplement prendre de vos nouvelles et poursuivre l’échange que nous avions eu précédemment. Shaynar n’aime pas beaucoup les cavernes, il est resté à l’extérieur et survole les plaines, mais je suis certain que revoir Isyndar lui fera grandement plaisir. C’est sa compagne après tout »

Ça l’avait surpris la première fois qu’il avait appris cela, surtout que Shaynar avait dit qu’il ne voulait jamais être père. Mais après tout, les individus changeaient au fil du temps, forcément… et il fallait bien perpétuer la race draconique. Voir Shay père l’avait bien fait rire, et avait fatalement vexé son compagnon écailleux. Mais c’était passager. « Shaynar risque d’avoir une petite surprise, en retrouvant Isyndar mais il va bien pour le moment. Et moi… je suis toujours sollicité un peu partout mais ça va, la fatigue est encore supportable. Je reviens d’un voyage vers le domaine de mon ordre, le prince Aegnor voulait me parler… je dois dire que je n’aime pas beaucoup la politique et encore moins elfique, c’est pire que des sables mouvants, je ne suis pas fait pour ce genre de choses, cela demande des qualités qui ne sont pas les miennes » Il soupira légèrement avant de se reprendre « Oh mais, je suis désolé… voilà que je me plains, je ne devrais pas » Avec un sourire d’excuse, il reprit « Et bien nous avons actuellement un nouvel empereur, comme vous le savez peut-être, il se nomme Eliwyr Meraennon et il est allié au seigneur Kohan. Mais le neveu de l’ancienne dirigeante, Aegnor, désir monter sur le trône et changer les mécanismes décisionnel traditionnels. C’est un projet qui est à l’origine de nombreuses tensions bien qu’à mon sens ce ne soit pas une mauvaise idée du tout… J’ai dit que je soutiendrais ce projet de renouvellement des mœurs mais que je ne pouvais pas l’aider du point de vue politique, c’est un peu compliqué, d’autant que, si il parvient à être choisit à la place du seigneur Meraennon, c’est moi qui devrait le couronner et donc prendre la responsabilité de son statut légal… »

Il pencha un peu la tête sur le côté et remarqua après coup qu’il adressait sa voix uniquement à l’humain, de sorte que personne d’autre ne comprenait ce qu’il pouvait bien raconter. L’automatisme l’amusa. « Nous espérons qu’en attendant, un renfort militaire soit envoyé pour soutenir la rébellion. J’ai moi-même demandé à plusieurs de mes pairs de venir officier ici, comme guérisseurs par exemple… Même sans se battre, il y a plein de choses à faire et j’aimerais pouvoir aider tellement plus… les miens, du moins l’ordre, partage ce sentiment entièrement… Tient d’ailleurs, votre prisonnier avait des informations intéressante ? Qu’en avez-vous fait ? »

Les interrogations du mercenaire l’amusaient intérieurement, mais il ne dit rien qui puisse montrer qu’il en avait connaissance. Certains n’appréciaient pas que l’on espionne leur chant-nom et il le comprenait, d’une certaine façon. Mais ce n’était pas non plus comme si il le faisait exprès ! Le chanteur qu’il était ne pouvait pas s’empêcher d’entendre tout cela. On ne se fermait pas entièrement au monde vibratoire, c’était strictement impossible. Et impensable également, de son point de vue. Néanmoins, il essayait de ne pas être trop intrusif et de garder cette manie à son minimum. Il y avait déjà bien assez à voir et découvrir d’un Alford au naturel sans en rajouter, après tout. Et puis il savait assez la réputation que pouvait avoir son peuple. Celle d’individus hautains et méprisants, regardant les êtres humains de haut… lorsqu’ils les regardaient, d’ailleurs. Et restant au loin le reste du temps. Son attitude devait effectivement détonner un peu, mais c’était pour le mieux car il n’avait jamais pu apprécier l’attitude des siens. Ce n’était pas digne d’un peuple censé être civilisé et évolué. Mais il n’y pouvait pas grand-chose, du moins ne pouvait-il rattraper ce qui avait été fait… Mais il n’allait certainement pas les imiter ! Il en serait incapable. Et surtout envers quelqu’un qui était aussi sympathique et agréable. Et qui semblait décidé à supporter ses flots de paroles sans sourciller. Etait-il lui aussi du genre à parler beaucoup ? Dans un sens, il espérait que oui, il se sentirait moins seul comme ça. Au terme ami, il rayonna dans le premier comme dans le second sens du terme, souriant, sa peau dorée adoptant un léger halo de lumière chaleureuse, signe extérieur de sa bonne humeur. Bien sûr qu’il permettait. Enfin ce n’était pas une histoire de permission, il n’avait pas à permettre ce genre de choses, qui était-il pour le faire ? Mais considérer Alford comme un ami lui allait parfaitement. C’était même un honneur.

Et bien, il était content de savoir que tout s’était bien passé pour l’humain. Lui n’avait effectivement pas de soucis de sécurité, grâce à Shaynar et à ses pouvoirs, mais on ne pouvait jamais savoir après tout. Parfois, une menace passait la barrière de vos protections sans que vous puissiez y faire grand-chose. Il espérait simplement que cette menace ne soit pas du verre noir Alayien, ou il serait fichu. D’avoir failli être empalé par une flèche sombre la dernière fois lui avait suffi. Il n’avait pas peur de la mort. Ça, il l’avait laissé derrière lui depuis longtemps. Mais il avait peur de laisser ses missions inachevées, de ne pouvoir aider les autres pleinement le temps de son séjour mortel, avant de rejoindre les bras de l’esprit de la mort. Il fut cependant tiré de ces contemplations-là en entendant successivement les mots dragonniers et héros adressés à sa personne et rougit, exactement comme la fois où le mercenaire l’avait appelé seigneur. Mais enfin ! Il n’avait rien d’exceptionnel ! Il n’avait pas l’étoffe d’un héros… Bon, le titre de dragonnier était infiniment flatteur, car c’était donner à son lien avec le dragon noir la même dimension que possédait une élection à l’éclosion. Et il devait avouer que son cœur aspirait à être vraiment le dragonnier de Shaynar, se montrer digne de lui. Avec un sourire franc, il rétorqua, entre deux répliques de l’humain, de sa voix douce aux inflexions chaudes et vibrantes. « Mais je ne vous suis en rien supérieur Alford, vous êtes mon égal et vous avez votre propre gloire, qui est aussi remarquable que la mienne » L’homme n’avait peut-être pas aidé à la signature de l’alliance et l’avènement des nouvelles générations de dragons, mais il avait aidé l’Empereur humain à s’échapper et avait combattu les Alayiens. Ce qui était également des actes de bravoure qui méritaient d’être reconnus et respectés.

Il eut un léger rire à la mention des caractères très opposés de Shaynar et Isyndar. « Les opposés s’attirent dit-on chez les humains, non ? » Il avait toujours apprécié ce dicton qui prônait à sa façon la diversité. Mais il était vrai que si Shaynar avait dû prendre compagne, il l’aurait plutôt vu avec une dragonne à la trempe semblable à Silarae. Cependant, Isyndar était féroce à sa propre façon et avait d’autres qualités qui viendraient certainement polir le joyau inestimable qu’était le noir à ses yeux. Enchaînant les sujets, ils en virent à parler politique et l’elfe hocha la tête, notant cependant intérieurement qu’il était tout de même moins mal loti que beaucoup d’autres et que se plaindre n’était pas un luxe qu’il devait s’accorder. C’était mal remercier ceux qui souffrait à l’heure actuelle, civiles et soldats de tous bords. « Je me reposerais quand je le pourrais. Fort heureusement, je n’ai pas besoin de beaucoup de sommeil… et puis il y a tellement de tâches urgentes » Comme retrouver Dévoreuse par exemple. Et puis de toute façon il ne parvenait pas à dormir convenablement, il faisait toujours des cauchemars même si moins intenses et ses sautes d’humeurs étaient moins marquées… comme les hallucinations. Seule sa perte de mémoire restait vraiment, comme un verrou sur son esprit. Mais ce serait encore se plaindre que d’en parler et Alford ne devait certainement pas avoir envie d’entendre ce genre de choses également. Un soldat avait une vie bien plus dure que la sienne. Quelle attitude serait-ce que de se plaindre de petits tracas comme cela alors qu’il versait son sang pour la rébellion ? Il se prit à rire de ses commentaires sur la politique elfique, et secoua légèrement la tête en lui décochant un regard amusé.

« Oui nous sommes plutôt fébriles en ce moment. Mais en général ce sont d’interminables dialogues de fonds qui peuvent durer des années pour entériner un seul projet. Ça vous donne envie de les secouer en les sommant de se réveiller… Pas qu’ils apprécieraient mais je l’avoue avec un peu de honte, ça soulagerait grandement. Mais pour ma part si je devais choisir un lieu de vie, ce serait le désert d’Esfelia. Je trouve ses paysages absolument fantastiques, c’est comme un pays fait de velours. Avez-vous déjà contemplé le désert ? En tant que mercenaire, vous avez dû voir beaucoup de lieux différents, n’est-ce pas ? » Il sourit. Ah oui… aider la rébellion était important désormais. « Nous essayons de sauver des vies oui… ce n’est pas toujours facile, mais au moins nos pouvoirs de guérisons prennent tout leur sens ici. D’avoir pu protéger Aigue-Royale des techniques de recherches magiques de Fabius est déjà un bon point, mais ça ne rend pas vie et santé aux soldats qui se battent. Si seulement il y avait plus d’entre nous… Enfin, avec des si on refait le monde. Agir est le début de tout » Pas comme le royaume elfique qui ne fichait pas grand-chose. Bon il y avait les rôdeurs, mais tout de même. Il avait beau comprendre que certaines actions ne nécessitait pas forcément d’aide militaire lourde, il y avait quand même un certain manque à gagner. Bref. N’avoir rien tiré du prisonnier était dommage mais il était admiratif de la fidélité que pouvaient montrer les Alayiens. Cela il le reconnaissait gracieusement. Ils étaient des parfaits exemple de zèle. Si seulement les leurs avaient été semblable…

Il sourit, écoutant à nouveau ce que le mercenaire lui contait avec un intérêt qui était tout sauf feint. Il hocha doucement la tête, ponctuant ainsi ses paroles pour montrer qu’il y agréait, ce qui était parfaitement le cas. « Vous ne m’ennuyez pas du tout ! » dit-il avec sincérité « J’apprécie que vous me racontiez tout cela, au contraire et je comprends que cela puisse être dur » Il avait toujours été très, trop fort, pour comprendre les autres. Lorenz l’en maudissait d’ailleurs. Cela dit il était surpris d’apprendre qu’Alford était devenu mercenaire pour autre chose que pour l’argent. Ce n’était nullement méprisant de sa part, du moins ce n’était pas ainsi qu’il le pensait, pas dans ce but. Il n’avait jamais connu un mercenaire travaillant pour autre chose que l’argent, c’était là la raison d’être des mercenaires, non ? C’est ce qui les différenciait des soldats. Toutefois, il n’était pas très calé sur cet univers-là, aussi en apprendre un peu plus attisait bien évidemment sa curiosité. « Non ça me va parfaitement, je n’ai pas vraiment de lieu à proposer en alternative, je ne connais pas encore très bien ces cavernes » Ils prirent donc le chemin indiqué, l’elfe se laissant guider par Alford. « Vous disiez que vous aviez du mal à trouver du travail ces temps-ci. La rébellion ne vous emploi donc pas ? Je veux dire, ils ne vous paient pas ? Si non il m’a semblé que le marché noir employait des hommes d’armes avec de belles rémunérations. Même si l’argent n’est pas votre principale raison de vous battre, c’est toujours utile d’en avoir un peu, non ? » Quitter la caverne du repos lui fit du bien, à lui et à son crâne qui souffrait d’une légère migraine. Il soupira de soulagement. « Que faites-vous, en dehors de vos missions, Alford ? »

Seigneur Merithyn ? Groumf, mais quand arrêterait-il de l’appeler ainsi ? Ça ne lui allait pas bien du tout, un titre pareil et puis c’était affreusement gênant… Il n’avait vraiment rien d’un seigneur. Sa famille était, certes, bourgeoise, mais de petite bourgeoisie. Une famille humble. Sa mère avait été soldate pendant des années, avant de tomber enceinte. Une grossesse qui, si elle s’était bien passée, avait tout de même épuisée cette femme formidable. Son père, gardien du savoir, officiant dans la grande bibliothèque impériale, l’avait plus souvent pris en charge qu’elle ne l’avait fait. Une grande part de son amour du savoir provenait de là. Il avait très tôt était encouragé à développer ses talents de mage et ses connaissances grâce au puits de savoir qu’était la bibliothèque. Tous voulaient le voir officier dans la magie, d’une façon ou d’une autre. Et lui aussi, d’ailleurs. Il adorait la magie depuis sa plus tendre enfance. Mais cela ne faisait pas de lui un seigneur. Il n’avait pas été éduqué comme un noble ni destiné aux mêmes chemins… Et si il était le Gardien de son ordre, c’était qu’il avait eu l’honneur d’être choisit par ses pairs. Ce n’était pas un titre de noblesse, ou quoi que ce soit de cet acabit, c’était simplement… un pouvoir délégué par les siens. Un pouvoir dont il s’efforçait d’être digne, et qu’il respectait. Jamais il n’aurait même eu l’idée de s’enorgueillir de le posséder, c’était totalement impensable. Non il n’était pas un seigneur, et il ne méritait pas vraiment ce titre. Il y avait d’autres personnes, bien plus capables que lui de le porter. La princesse Esmelda, par exemple, portait parfaitement son titre de princesse. C’était une grande dame, qu’il admirait beaucoup. Enfin bref, le mercenaire pouvait se vanter de savoir parfaitement comment le faire rougir, ça s’était certain. Un autre elfe aurait apprécié qu’on le nomme seigneur… mais non, ça le gênait bien trop horriblement, il n’avait qu’une envie : s’enterrer très profondément. Pourtant il n’allait pas fuir juste pour ça. Ce serait bien impoli de sa part, surtout quand l’humain mettait tant de bonne volonté à lui tenir compagnie.

Shaynar et Isyndar. Un joli couple draconique, très certainement. Mais très opposé dans les caractères, quoi qu’on en dise. Pourtant, ils étaient des dragons, aussi il était bien plus compliqué de véritablement juger pareille chose. Tout ce qu’il savait, au final, c’était qu’il se satisfaisait pour son compagnon de ce lien. Il était heureux que Shaynar ait trouvé une compagne qui lui plaise. Bien entendu il était là, lui-même, mais ce n’était pas la même chose. Lui était un bipède, aussi lié soit-il. Ce n’était pas la même chose qu’avec un autre dragon et encore moins une compagne, tout comme Shaynar n’avait certainement pas été Eliow. Oui il était très content pour lui et cela lui chauffait le cœur. Et encore davantage de savoir que le futur des dragons d’Armanda été assuré. C’était… un rêve devenu réalité. Peu importait les agissements de Néant, devant une telle nouvelle. Malgré les volontés de l’esprit, la magie allait à nouveau prospérer. De nouveaux dragons allaient voir le jour. Qui ne se serait pas réjouis de cela, autour d’eux ? Lui en tout cas bénissait cette alliance, remerciant de tout son cœur en liesse les esprits. Oui, l’avenir se solidifiait doucement, et la magie y avait une place quoi qu’on puisse en dire. C’était merveilleux. Mais il n’allait pas en parler, pour le moment. Il préférait attendre, laisser les choses aller à leur rythme. Souriant à la question de l’humain, il répondit sans détour. « Les dragons sont des créatures plutôt solitaire, même au sein d’une nuée. Il est rare qu’un couple reste en permanence ensemble. Mais dans ce cas précis, je pense tout simplement qu’Isyndar voulait suivre les cheminements de son dragonnier et que celui-ci ne désirait pas rester auprès de nous. Et Shaynar et moi avons aussi des obligations qui nous obligent à nous déplacer beaucoup, il est difficile de former un groupe cohérent dans un cas pareil. Mon élève lui-même ne me suit pas partout, Son lié et lui ont également leurs affaires. Cependant je pense que leur retrouvaille seront bénéfiques »

C’était une de ces nouvelles qui vous reposait le cœur. Mais il était vrai qu’un repos complet, sans guerre, sans fin du monde, sans menaces, serait un véritable rêve et un bienfait. Utopique, sans nul doute, surtout pour eux, mais ça ne faisait pas de mal de rêver, non ? Serait-il même capable de se reposer sur ses lauriers, après toutes ces inquiétudes, ces tensions ? Ou aurait-il tant prit le pli de vivre ainsi que ce repos ne pourrait que le rendre fou, incapable de l’apaiser ? Il espérait bien que non. Il voulait aller s’installer dans le désert, profiter de ces étendues de velours. Ce serait sans doute bien pour Shaynar et Isyndar également, ils seraient tranquilles. Et Roëric ne serait pas agacé par quoi que ce soit. Oui, ce serait vraiment bien. Mais encore fallait-il y arriver et ce n’était pas encore fait. « C’est tout naturel, n’est-ce pas ? Il faut que tout le monde participe, au moins à la hauteur de ces moyens. La rébellion en a bien besoin. Mais je vous en prie, ne vous faites pas tuer… Perdre une vie, n’importe quelle vie, est un désastre et une grande tristesse, mais cela me serait d’autant plus déchirant que de voir s’éteindre quelqu’un d’aussi bon que vous » D’autant qu’il l’appréciait. Bien entendu, penser ainsi lui faisait honte car c’était sans nul doute égoïste que de désirer conserver ses proches avant tout autre, mais il était si loin d’être parfait et donnait tant… ne pouvait-il au moins se permettre cela ? Pour cette fois au moins, il se le permettait et ferait amende honorable en une autre occasion, en espérant qu’Alford ne se vexe pas de le voir être aussi égoïste. L’humain semblait compréhensif, cela dit aussi… peut-être pouvait-il l’espérer. Il sourit à la suite, d’ailleurs, qui le lui prouvait bien. « Je ne pense pas que les humains agissent de moins bonne façon que les elfes. Vouloir la rapidité n’est pas toujours une mauvaise chose je pense. Au contraire. L’immobilisme est bien plus menaçant »

De façon très surprenante, cela ressemblait à la théorie Baptistrale de la loi et du chaos, en moins important, avec un impact moindre. Mais c’était ‘amusant’ de s’en rendre ainsi compte. Il n’allait bien sûr pas ennuyer son interlocuteur avec des débats philosophiques obscurs, mais au moins s’en faisait-il la réflexion. Ce n’était pas le plus intéressant, pour l’instant. Du moins ça l’était moins que de l’écouter parler de ses voyages et des paysages qu’il avait pu contempler. En avait-il vu plus que l’humain ? Il ne savait pas. C’était dur de le dire, mais ça n’avait pas d’importance. Voyager, s’émerveiller devant la richesse d’un monde splendide dont la nature était encore luxuriante. Voilà ce qui était important. « Oui, il est vrai que l’ouest de l’empire est un lieu où il fait bon vivre. Ses campagnes sont verdoyantes et très riches. Si vous désirez le calme et une vie tranquille c’est certainement là un très bon choix de résidence. Il est vrai que les températures du désert sont extrêmement dangereuses pour la plupart des individus…même pour les elfes, en fait peut-être même davantage d’une certaine façon, lorsque l’on connait l’environnement classique de mon peuple. Je suis un cas un peu spécial. Mais au moins avez-vous vu cette beauté. Il le faut, au moins une fois dans la vie. En cela voyager est un bienfait » Pouvoir se remplir l’esprit et les yeux de tant de beauté naturelle était un don des esprits. C’était goûter une liberté bien spécifique. Lui-même ne regrettait nullement ses voyages. « La première fois que j’ai vu les montagnes me restera également, je pense… Voir ces vieux géants, sentir la magie qui en émane… c’est quelque chose d’unique. Elles abritent des pans entier de l’histoire du continent après tout » Des pans oubliés pour beaucoup, d’ailleurs. Comme beaucoup d’individus l’étaient souvent, dans les guerres.

Un peu comme Alford. Oh il ne disait pas que son ami allait être oublié ! Mais la vérité, c’était que beaucoup de soldats, d’hommes, d’elfes et même de vampires, mourraient sans que personne ne se souviennent de leurs actes dans l’histoire écrite d’Armanda. Et c’était vraiment dommage. Evidemment, tout le monde ne pouvait pas trouver une place dans les livres d’histoire… mais au moins avoir une pensée pour ces anonymes, au moins essayer d’écrire leurs noms, quelque part. Peut-être devrait-il essayer de le faire, justement. Cela pourrait faire partie des travaux de son ordre, d’une certaine façon. En tout cas, cela l’intéressait, de l’entendre parler de lui, d’en apprendre davantage, sur tout ce qui constituait l’humain… Et ce qu’il découvrait était de bonnes choses, ce qui le confortait dans l’affection qu’il avait toujours eu pour les humains. Cette pensée en tête, il contempla le lac frais d’un regard à la fois pensif et posé, appréciant de passer du temps simplement à discuter en découvrant Aigue-Royale un peu plus. Pourtant, la question à son sujet le surpris et lui fit tourner la tête, contemplant Alford en clignant un peu des yeux avant de répondre. La flatterie, encore une fois, le gêna, mais ce fut en souriant qu’il s’affirma. « Et bien… je ne sais pas si mes récits seraient vraiment intéressant. Mais quand à la façon dont je suis devenu Baptistrel et pourquoi… Disons que j’ai longtemps étudié les arts de guérisons, et lorsque j’ai rencontré mon professeur, lorsque nous avons discuté et que j’ai pu constater par moi-même ce qu’était le rôle d’un Cawr, j’ai été charmé par l’idée. Et en étudiant, au fur et à mesure, c’est devenu une véritable vocation. Mon apprentissage a duré près de deux cents ans. J’ai été un élève difficile malgré tout. J’ai toujours été profondément charmé par les philosophies Baptistrales, elles trouvaient un véritable écho en moi. Mais je n’étais pas fait pour l’apprentissage théorique… »

Il eut un rire léger. « Un beau jour, l’un des maîtres en titre, un humain, s’en alla rejoindre l’esprit de la mort et il fallut lui trouver un remplaçant. Je fus choisi malgré quelques réticences de la part de certain et la Gardienne de l’époque me soutint dans mon accession au titre. Je lui serais éternellement reconnaissant de ce qu’elle a fait pour moi. En tout cas, j’ai passé ma cérémonie d’ordination et conclu mon chant d’accession. Ce n’est pas particulièrement palpitant, dit comme ça évidemment… pourtant ça l’est, c’est quelque chose de très particulier, que de devenir maître Baptistrel. C’est à ce moment-là que l’on se lie à un élément, entre autres choses » Il sourit, essayant de se montrer le plus clair possible, ne voulant pas perdre Alford dans des explications obscures. Sur cela, l’humain lui parla du lac, lui tirant un sourire supplémentaire. « Non, je ne savais pas » Un monstre, hein ? Et quoi comme monstre ? Il se le demandait bien tient. Qu’est-ce que ça pourrait bien être ? Il n’y avait pas vraiment de monstres sur les terres d’Armanda mais, peut-être, dans certains recoins sombres et inhabités, y avaient-ils des choses que personne ne connaissait et qui passeraient pour des monstres. Qui pouvait vraiment le savoir, après tout ? Curieux, il le questionna. « Ah vraiment ? Pourquoi avez-vous plongé là-dedans alors ? J’imagine que cette eau est extrêmement froide et que la profondeur est grande. Cela ne devait pas être très agréable, ou bien avez-vous trouvé un moyen de pallier tout cela ? » Il se tourna vers le lac « Il est remplit, ce lac ? Je veux dire, il existe une faune et une flore précise ? Il y a beaucoup d’exemples intéressants dans ces cavernes. Les cristaux bleus, par exemple… J’imagine qu’il y a sans doute des choses intéressantes, là-dessous aussi. Même si je ne m’y risquerais pas trop » Ce n’était pas sa tasse de thé, l’eau… Baptistrel de feu oblige, sans doute.

Réfléchissant attentivement, il reprit, dans un creux silencieux un peu après. « Alford ? Vous avez dit que vous tentiez d’aider autant que possible même en dehors d’Aigue-Royale… Est-ce que… est-ce que je pourrais vous demander quelque chose ? C’est aussi au sujet de ce qui m’avait amené dans ce petit village de l’est. J’aurais voulu vous le demander plus tôt mais avec la nouvelle qui m’était venue à ce moment-là je n’ai pas pu. Autant le faire maintenant, si cela ne vous dérange pas, bien sûr… »

Certes, sa langue avait fourchée, mais il était sans doute difficile de passer outre la courtoisie d’usage, quoi que les humains avaient sans doute moins de mal à s’en défaire que les elfes qui vivaient, respiraient et se résolvaient pas elle. Entre autres choses. Ce n’était pas si grave, vraiment, personne n’en était mort. Mais il était simplement gêné, et espérait vraiment qu’il se déferait de cela rapidement. Ça n’avait pas lieu d’être entres amis, non ? A ses yeux en tout cas, c’était le cas. Il avait peu, si non aucun véritable ami… et sans doute pour cette raison, il prisait et chérissait un tel lien plus que de raison, lui attribuant des libertés qu’il n’attribuait pas aux autres formes de sociabilité. Oui, il était moins cérémonieux quel que soit le lien qu’il entretenait, mais plaçait tout de même l’amitié, tout comme l’amour, sur un piédestal. On pouvait bien le dire naïf ou innocent, mais la vérité c’était qu’il avait si peur connu de cette véritable amitié qu’il tenait à la chérir. A bien y réfléchir, il n’avait bénéficié que d’une véritable amitié dans sa longue vie. Une amitié mortelle, bien entendu, avec une elfe. Lyroë, qui, plus encore qu’une amie, avait été telle une sœur pour lui et qu’il connaissait depuis son jeune âge, auprès de qui il avait grandi. Et cette amie, il l’avait hélas perdue. Elle était morte, tuée par son envie de vengeance à l’égard du prince qu’il protégeait en dépit de toute raison commune… C’était triste, en un sens, de se dire qu’il n’avait été véritablement proche que d’une seule âme en dehors de son amant et de Shaynar, qui plus encore que des liens, étaient comme des parts de lui-même. Il s’entendait bien avec de nombreuses personnes, mais n’avait jamais vraiment eu d’amis et très peu de ses connaissances avaient jamais cherchés à se rapprocher effectivement de lui. C’était donc un plaisir complet que de voir quelqu’un vouloir l’appeler ami ainsi, sans qu’il ait rien fait dans ce sens-là, simplement parce que cette personne semblait l’apprécier suffisamment pour cela. D’autant qu’Alford était totalement sincère. Il n’y avait aucune vibration mensongère dans sa voix, confortant son esprit et sa décision. Personne ne pouvait mentir à un Baptistrel, c’était impossible, sa magie l’empêchait. Et ce pouvoir le confortait dans ses relations. Il ne pouvait se tromper sur ceux qu’il côtoyait. Et il ne se trompait donc pas en discutant avec cet homme et en lui confiant tout cela.

En apparence, c’était autant de choses qui n’avaient guère d’importance. Simplement des pensées, des idées, des espoirs parfois. Une discussion tout ce qu’il y avait de plus banal mais en même temps, à ses yeux, c’était loin de l’être, tout simplement parce que, comme l’amitié, avoir l’occasion d’un échange comme celui-ci ne lui était pas donné tous les jours. Pendant quatre années, il avait plus souvent eut l’occasion de s’entretenir avec d’autres de sujets cruellement sérieux et graves que de savourer un instant paisible où l’on pouvait parler de tout et de rien. Et ce, même avec Eliow. Mais c’était-là un cas un peu spécial. Pour l’occasion, donc, cela lui faisait beaucoup de bien que de poser ses bagages et de laisser courir sa langue sur des sujets différents. Oui c’était agréable de savoir qu’il existait encore quelques occasions pour lesquels il pouvait espérer être autre chose qu’un devoir et un pouvoir quelconque. Cette main tendue, il ne pouvait que la saisir, aussi éphémère soit-elle, tant elle représentait beaucoup à ses yeux. D’un sourire, il croqua donc à pleine dent la chance qu’il avait. Elle ne se représenterait certainement pas avant un long moment hélas, d’autant plus que sa quête se devait d’avancer et d’avancer très vite. Trouver Dévoreuse l’empêcherait de goûter à ces conversations si simples mais si précieuses. Autant en profiter. « Il se nomme Elrond. C’est un elfe encore jeune. Du moins plus que moi. Son compagnon est un dragon bleu s’appelant Moëbius. Un peu renfermé et silencieux, mais néanmoins très honorable et bienveillant. Elrond est encore aveuglé par son âge et les certitudes qui en découlent… Il a beaucoup à apprendre mais je suis certain qu’il sera un homme merveilleux, une fois grandit. Son désir est de suivre la même voix que moi et de devenir Baptistrel. J’espère qu’il en aura la chance mais nous ne pourrons le dire avant de très nombreuses années. D’ici-là, la guerre sera terminée j’espère. Si vous avez l’occasion de le rencontrer lorsqu’il viendra à Aigue-Royale, je pense que vous l’apprécierez. Il a des affinités avec les vôtres depuis longtemps lui aussi. D’après ce que j’ai compris, il a vécu plusieurs années aux côtés des humains, sur les routes de l’empire » Un voyage qui était certes très sain et qu’il conseillerait lui-même à tout jeune elfe prêt à quitter la forêt car il permettait d’ouvrir les considérations et perceptions, de voir un autre mode de vie et de s’enrichir personnellement de bien des manières, qui n’avaient rien d’économique.

Oui, les humains avaient beaucoup de qualités. Certaines leur étaient propres, d’autres se partageaient entre les différentes races mais n’était pas cultivées de la même manière, d’où les disparités et les différences. D’une région à l’autre. D’une peuplade à l’autre. Les elfes se montraient particulièrement hautains envers les humains et méprisant, répugnés, par les vampires. Pourtant apprendre d’eux, les observer d’un œil plus impartial, aurait sans doute permis à leur peuple vieillissant de chercher des solutions, de trouver, sinon des remèdes, au moins quelques solutions pouvant contribuer à un mieux quelconque. Car les elfes en avaient bien besoin, de ce mieux, avec leur fertilité vacillante, leur autarcie intérieur et leur pensée étriquée qui n’admettait pas le changement et qui considérait encore leur propre voie comme la seule possible. Ce n’était pas le cas et quoi qu’ils en disent, les hommes avaient leur valeur, bien à eux. Une valeur à ne pas négliger. « Vous avez parfaitement raison. Il ne faut pas les oublier. Mais il est tout de même différent d’honorer ceux qui ont donné leur vie et pousser à ce sacrifice. Tout soldat peut davantage contribuer à la victoire lorsqu’il est en vie… toute gloire acquise dans la mort est définitive et scellée » Il soupira doucement, la voix douce « J’ai trouvé que l’établissement des offices de la caverne du souvenir était, à ce titre, particulièrement délicate et appréciable. Il est toujours difficile de saluer le décès de tous, si j’ai bien compris. Un lieu de recueillement tel que celui-ci s’adresse à tous, même sans noms précis. Bien que, je pense, ce serait un minimum que de pouvoir se souvenir de tous. Utopique, j’en conviens et néanmoins… » Sans terminer sa pensée, il la laissa dériver dans le courant de la discussion, point d’encre sur une page se remplissant lentement. Il ne retenait pas l’échange en un seul point donné, un seul sujet, mais à la place enchaînait sur ceux qui lui venait naturellement avec l’enthousiasme de l’instant. Il était d’ailleurs aidé en cela par Alford qui lui répondait sans rechigner, participant de cet échange agréable et prolixe. « Le paradoxe de la perfection c’est qu’on ne l’atteint jamais après tout » glissa-t-il avec bonne humeur. On ne pouvait guère que le poursuivre en espérant s’en approcher quelque peu. Mais l’atteindre ? Non ce n’était pas possible et c’était en un sens un soulagement car ainsi, on avait toujours un but à atteindre, aussi inatteignable soit-il. Etre dépourvu de but était d’une tristesse absolue après tout…

Comme l’était le fait de n’avoir pas un lieu à appeler chez soit après tout. « Et bien ce sera avec plaisir. Vous saviez qu’il y a des oasis dans le désert, n’est-ce pas ? Je pense que je m’installerais dans l’une d’elle. Il y a un peu d’ombre, de l’eau et de la végétation. N’ayant pas à chasser pour me sustenter je ne nécessite pas grand-chose… et puis je pourrais toujours encourager la végétation à pousser avec mes pouvoirs. Influer un peu sur la nature est très pratique parfois. C’est aussi ce que nous allons pratiquer ici. Les chanteterres vont s’occuper de fournir la rébellion en denrées nécessaires. Nourriture, herbes médicinales… Bien sûr, cela épuisera un peu le sol, mais on peut y pallier facilement, heureusement » Il pouffa un peu « Je digresse. Mais en tout cas, ne vous gênez surtout pas pour venir me voir… Et pas seulement une fois la guerre finie. Si je puis vous aider de quelque façon que ce soit n’hésitez surtout pas » Il savait que certains n’osaient pas et si il avait un peu cerné Alford, il n’aurait sans doute pas l’automatisme de le solliciter au besoin. Pourtant il était disponible pour tous ceux qui désiraient avoir son aide, qu’il s’agisse de soigner, ou d’autres choses. Il espérait donc que le mercenaire accepterait de le mettre à contribution au besoin. Et d’ailleurs, c’était également pour aider les autres qu’il était devenu Baptistrel, comme il l’expliquait en demi-sous-entendus au travers du petit récit de son ordination. « Je pourrais vous en dire plus si vous le désirez » fit-il avec enthousiasme, toujours flatté que l’on s’intéresse à son ordre. « Mieux encore, je pourrais vous inviter sur notre domaine et dans le royaume elfique ! Et si je le peux je pourrais même vous servir de guide et vous montrer les merveilles de la forêt. Il y a beaucoup à découvrir, même pour ses habitants » Et des merveilles que certains ne découvriraient jamais, la plupart des vampires par exemple. Des vampires qui voulaient brûler la forêt, pas la visiter. C’était bien dommage, surtout quand on savait ce qu’elle renfermait. Mais certes, il serait bien difficile de la brûler au final, tant que son ordre serait là pour apaiser l’esprit du feu. Il était ridicule de tenter d’user de flammes, là où l’on les honorait et dansait avec elles comme de véritables êtres. Et justement, voilà qu’Alford lui parlait de vampire.

Avec curiosité, il vint piocher les informations dans son chant-nom, sans que celui-ci ne le sache, souriant doucement. Ah oui…. Elle. Pauvre âme en peine, perdue. Triste âme oui, pour tout l’orgueil et toute la fausse puissance, la fausse connaissance qu’elle pouvait posséder, simples illusions d’un esprit malade et égaré. Triste oui, il avait été triste pour elle. Sincèrement. Il y avait peu de choses qu’il trouvait plus triste que cela… Mais en même temps, il se réjouissait que Lorenz ne fût pas ainsi. Il ne dit cependant rien à Alford, ne voulant pas l’ennuyer ou l’empêcher d’avoir sa propre idée sur la question. « Aucun soucis, je comprends parfaitement » Il pouffa à la suite et répondit à la question avec amusement. « Et bien si j’ai bien compris ce que m’avait expliqué un de mes pairs, il existe une race de chauve-souris ayant absorbée ces cristaux bleus et qui les utilisent dans leur chasses. C’est intéressant en soit car l’assimilation de ces cristaux relève autant d’un acte magique que naturel. Pour l’instant bien sûr c’est encore à l’étude… » Il sourit « C’est intéressant pour nous évidemment, je ne sais pas si ça l’est en général, cependant » Mais plus intéressant que cela était certainement ce que pouvait peut-être faire Alford pour lui. Car s’il pouvait lui donner quelques informations, cela l’avancerait grandement. Il ne pouvait pas continuer de ratisser le reste du royaume humain indéfiniment, à l’aveugle. Il n’avait pas assez de temps pour ça. Plus il perdait son temps plus Lorenz se rapprochait de la folie et donc du point de non-retour. Si il perdait son combat contre la folie, les choses iraient encore plus mal qu’actuellement. Alors toute aide était bonne à prendre. Surtout venant d’un ami, non ? « Et bien voyez-vous… Comme vous voyagez beaucoup il est possible que vous ayez entendu des choses, eut des informations… Je recherche la chevalière du Néant, Dévoreuse. J’ai peut-être un moyen de la trouver et d’écarter deux menaces sérieuses pesant sur nous. L’une d’elle étant cet artefact. J’ai traqué sa première porteuse et l’ait même rencontré mais elle ne l’a plus et a perdu sa trace également. J’ai entendu dire qu’elle avait peut-être été à Gloria un temps proche de l’évasion de l’Empereur Kohan… Mais je ne peux pas vraiment m’assurer de la véracité de tout cela sans aller dans la capitale. Auriez-vous eut des échos concernant cet objet ? »

Son ordre était à la fois connu et inconnu de la grande majorité des habitants du continent. On savait qu’ils étaient-là et qu’ils étaient pacifiques, mais le reste était souvent très flou. Le peuple elfique lui-même ne connaissait les siens que par ce qu’ils avaient vu et expérimentés, ce qui n’était pas toujours complet ou correcte. L’expérience et la vision avaient cela en commun qu’une grande part de ce qui était perçu tenait de l’interprétation personnelle. Quant aux humains… et bien cela dépendait. Certains nobles avaient une bonne connaissance de ce qu’ils étaient, en raison de la présence à la cour de Rheryn. Il y avait beaucoup à dire de son ordre, peut-être même trop et beaucoup de leur mystères étaient insondables même pour les Cawrs. Expliquer l’ordre à qui que ce soit était difficile, même lorsqu’il s’agissait d’ouvrir l’esprit de leur élèves Enwr… Ouvrir le cœur de l’ordre et tout ce qu’il contenait n’était réellement pas simple, bien au contraire même. Malgré cela, il ferait sans nul doute de son mieux pour l’expliquer à Alford le plus simplement possible. Mais certainement que cela prendrait bien plus de temps qu’ils n’en avaient en cet instant. Une journée ? Plus ? Alford pouvait également se lasser de ce qu’il pourrait bien expliquer. Avec un sourire, il hocha légèrement la tête. Oui bien entendu qu’il ferait de son mieux, en espérant que le sujet soit à la hauteur des efforts. La réponse était différente pour chacun. « Oui, nous sommes des mages chanteurs. Notre magie passe par les sons. Des sons que l’on entend, et d’autres que les oreilles mortelles n’entendent pas bien. Je pourrais vous en dire plus et ce serait même avec plaisir…. Mais pas en cet instant. Pas que je ne le veuille pas, mais ça serait tellement long que je préfèrerais le réserver à un autre moment. Et ainsi nous aurions une autre occasion de nous voir pour discuter. Enfin si cela ne vous rebute pas évidemment » Il en doutait mais savait-on jamais après tout. Et puis c’était aussi de la courtoisie que de ne pas s’imposer. Dans tous les cas, il serait ravi de discuter plus avant avec son nouvel ami et même si cela restait un souhait plein de candeur, il y tenait, à lui et à l’humain. Son humain même d’une certaine façon. Il ne le dirait jamais bien sûr, ne voulant pas le vexer non plus mais l’idée l’amusait beaucoup.

Comme ce qu’affirmait Alford au sujet de la forêt elfique, lui arrachant un rire léger. « Non, je ne la connais pas dans son ensemble en réalité » La vieil forêt des elfes était un lieu bien étrange, qui ne se dévoilait pas à tous et pas toujours de la même façon à tous, ou comme on l’attendait. La magie qui l’habitait datait de l’arrivée des elfes et même d’avant cela. Une magie sans commune mesure à présent, subtile, insidieuse, tellement ancrée dans la nature qu’elle en faisait partie, pas uniquement comme une trame, mais comme un écosystème complet et vivant. « Je doute que quiconque puisse prétendre connaître tous les recoins de cette forêt. Pas même nous. Les rôdeurs doivent la connaître le mieux. Ils sont ici en ce moment. Ce sont les troupes d’élites de l’armée elfique. Ils sont aussi bons guerriers qu’éclaireurs ou espions. Aucune personne en dehors de leur ordre n’a le droit de savoir où se situe leur quartier général dans la forêt. En dehors d’eux et bien… les chanteterres sont sans doute ceux qui la connaisse le mieux. Mais ils sont un peu particulier bien sûr, ne faisant qu’un avec la terre, c’est évident… Moi je ne connais que ce que mes balades ont pu me montrer. Beaucoup de cette forêt reste un mystère à mes yeux. Lors de la réunion des délégations au sein du domaine de mon ordre j’ai conduis quelqu’un dans la forêt pour une affaire qui nous tenait tous deux à cœur et outre cette affaire, nous avons découvert par hasard une très ancienne ruine qui renfermait une entrée vers une crypte datant de l’âge de bronze, dans laquelle reposaient de nombreux nobles elfiques enfermés dans la glace ainsi que des corps conservés de dragons et de leurs dragonniers. Les dépouilles étaient plus énormes que le plus gros dragon sortit des œufs Armandéens. Cela dit je doute de retrouver jamais cette ruine. La magie nous a permis de la découvrir pour une raison précise et une fois remplie, nous n’avions plus à y retourner. C’est sans doute mieux, certes, car ainsi les morts resteront en paix. Mais ce n’est qu’un exemple pour prouver qu’il y a bien des choses là-bas, à découvrir. Evidemment il y en a aussi à voir que l’on connaît très bien. Le grand chêne du royaume elfique, le palais impérial et les sanctuaires de mon ordre. L’observatoire céleste, en particulier, est un lieu absolument merveilleux. De l’extérieur il est difficile de le repérer car son architecture s’intègre parfaitement à l’environnement. Il était déjà présent, à l’époque de l’arrivée des elfes en Armanda et ce qui le constitue est inconnu. Rien ne peut le détruire, pas même les griffes et le poids d’un dragon adulte…. Nous gardons certains des plus antiques ouvrages du continent en son cœur afin de les protéger de tout »

Et d’ailleurs, il était impossible d’y avoir accès sans un accord de sa part, même en passant par les chanteciels. Pour les mages, il y avait trop à craindre de ces ouvrages. Pour l’ordre, c’était un puits sans fond d’indices et de récits sur le monde d’autrefois. Chacun avait ses impossibilités après tout. Mais la simple vue du bâtiment était déjà un magnifique panorama. Et pourtant, rien de tout cela n’aurait vraiment d’importance s’il ne pouvait pas conclure sa quête. Ses prévisions, offres, leurs plans… Rien n’aurait la possibilité de devenir une réalité s’il ne parvenait pas à trouver Dévoreuse, la chevalière du Néant. Il se fit des plus attentifs quand Alford lui affirma pouvoir l’aider et pas juste un peu. Vraiment ? Il avait hâte de savoir en quoi, car tout ce qui pourrait l’aider lui était précieux au-delà des mots. Le regardant avec intensité durant toutes ses explications, il finit par rater un battement de cœur et ne put s’empêcher de soupirer de soulagement avant de balayer les alentours des yeux, en clignant légèrement. La nouvelle, d’un seul coup, le déstabilisait presque physiquement. D’un seul coup, en demandant à la bonne personne, sa recherche prenait fin avec une réponse nette. Il avait passé des mois à chercher et même rencontré la précédente porteuse de la chevalière. Aujourd’hui, il voyait se conclure son voyage. Le premier réflexe qu’il eut fut de vouloir bondir et courir vers Fort-espérance afin de voir la princesse. Mais sa raison reprit le dessus et il se força à réfléchir alors que Shaynar s’agitait également. Se reprenant, il revint à Alford, l’esprit bouillant de considérations toutes différentes les unes des autres. « Faire autre chose ? » Il expira d’un coup, dans une ébauche de rire étirant ses lèvres. « Vous venez de permettre de sauver notre continent tout entier Alford ! Vous avez fait beaucoup, et pas simplement pour moi » Il finit sa phrase et inspira de nouveau, avec l’impression d’avoir les épaules plus légères. « La princesse… J’ai cru comprendre qu’elle n’était pas là à l’heure actuelle. Elle est en voyage dans les terres sauvages si j’ai bien compris, pour aller trouver n objet important ? Il va falloir que j’attende son retour ici, je ne voudrais pas la manquer, plus vite j’aurais Dévoreuse plus vite je pourrais la détruire. Il va falloir que je contienne mon impatience je pense » Il éclata franchement de rire, un son joyeux ressemblant à une trille d’oiseau au printemps. « Pardonnez-moi… Mais je me suis inquiété pendant si longtemps que savoir cette quête prendre fin prochainement est un véritable soulagement. Je vous suis infiniment reconnaissant. Vraiment. Si je puis faire quoi que ce soit en retour n’hésitez surtout pas »

Il resta un instant encore frappé par la révélation qu’on lui avait faite. Puis il fronça sensiblement les sourcils et l’observa à nouveau. « Dites-moi… accepteriez-vous de me parler davantage de votre fuite du palais impérial et de ce qui a suivis ? J’aimerais en savoir autant que possible, si vous voulez bien me pardonner cette curiosité… »

Qu’il soit impatient ne l’étonnait guère, qui ne l’aurait pas été en vérité ? Oui bon, certains, il fallait le supposer, ne s’intéressaient pas à ce genre de choses, effectivement. Mais tout de même, l’on parlait ici de lieux peu accessibles aux humains, quoi que le domaine de son ordre soit toujours ouvert à tous, quel que soit la race. Voyager jusque-là n’était pas donner à tout le monde, hélas, et ils voyaient surtout des individus plutôt aisés et lettrés… ce qui était très dommage car parfois il existait des individus ayant des prédispositions ayant vu le jour dans les classes pauvres de la race humaine. Cependant, il n’eut pas l’occasion d’en faire mention auprès d’Alford car celui-ci abordait quelque chose que ses fines oreilles ne pouvaient qu’entendre, même si cela ne semblait pas lui être réellement destiné. « Edwyn ? Qui est-ce exactement ? Et qu’est-ce qu’un Tarenth ? Je n’en ai jamais entendu parler jusqu’ici » Il pencha légèrement la tête de côté, le regard curieux, espérant que l’humain explique le sens de ces paroles énigmatiques qu’il avait surpris. Et oui, l’audition elfique était bien meilleure que celle des humains et celle des chanteurs de son ordre plus fine encore, pour percevoir la plus infime des vibrations. Cela jouait parfois des tours d’ailleurs, lorsque trop d’entre elles étaient réunies avec trop de puissance ou de chaos, comme au sein de ces cavernes de la rébellion, avec tous ces êtres vivants très occupés. Ce n’était pas leur faute, et il ne leur en voulait absolument pas. Mais c’était effectivement désagréable, voir même très désagréable. Mais sans doute pas autant que les menaces qu’ils combattaient tous, que ce soit Fabius, les Alayiens…

Ou Dévoreuse ? Effectivement, ou Dévoreuse, dont on parlait à l’heure actuelle. « A ce point-là, oui » fit-il, affirmant ses dires avec un hochement de tête et un sourire. Ça n’en avait peut-être pas l’air comme ça, mais ce qu’il venait de lui révéler était extrêmement important. « Et non, cela ne me dérange pas, voyons, je pourrais difficilement refuser alors que vous m’êtes d’une si grande aide » Il vint s’installer sur une des roches, repoussant sa cape sur la pierre et s’asseyant, jambes repliées légèrement sur les aspérités de la pierre afin d’être en équilibre. « Dévoreuse est aussi appelée Chevalière du Néant, c’est un artefact que l’esprit vénéré par les Alayiens a conçu, bien que nous ne sachions pas comment. Elle a non seulement le pouvoir de tuer les dragons en absorbant leur magie, mais elle peut également absorber la puissance magique des bipèdes, interdire l’utilisation de la magie dans une zone autours d’elle et la puissance qu’elle absorbe revient à son porteur, tant qu’il la revêt bien entendu. Elle est maléfique, et sa volonté est maléfique… elle corrompt ses porteurs, les transforme en monstre et son utilisation donne de terribles résultats. J’ai lu le grimoire d’Alderick Kohan, l’homme qui la rapporté en Armanda depuis l’Alayia… son utilisation intensive a provoqué la formation du désert d’Esfelia. Et ce n’est qu’un exemple… C’est un objet terrifiant Alford, vraiment. Et le prêcheur Alayien veut la retrouver, lui aussi. Un objet pareil, aux mains de qui que ce soit, serait un danger. Mieux vaut la détruire »

Il soupira. Oui, il valait mieux la détruire, mais après que Lorenz ait été libéré, ça c’était certain. Il devait l’aider à y parvenir, de toute façon. « Voilà de quoi vous nous sauvez. Ce serait un énorme pas en avant dans ce conflit, même si ça n’en a pas l’air. Ça pourrait grandement affaiblir Néant, du moins c’est ce que j’espère… cela et bien sûr le fait de parvenir à lui ôter ses croyants évidemment » Il était convaincu sur ce point et comptait aider à le réaliser depuis le début. C’était l’une de seules choses pour lesquelles il serait un peu utile alors pourquoi pas, hein ? « Apparemment la princesse a décidé de partir à la recherche d’un objet des esprits, je ne sais pas vraiment de quoi il en retour, je ne me suis pas encore renseigné, mais ce serait sur demande de l’empereur pour aider un ‘voyageur’… peut-être que cette aventure pourrait également vous intéresser, non ? » Après tout, Alford était mercenaire et aventurier, la recherche de trésors ne faisait-elle pas partie de ses attributions ? Enfin c’était à lui de voir, il y pensait juste ainsi, parce que ça lui venait et que ça pouvait aider son ami, car Korentin Kohan avait promis une récompense à la clef de cette recherche si elle était fructueuse. Il écouta par la suite le récit que faisait Alford de la fuite de Gloria durant laquelle il avait aidé à sauver le souverain humain, hochant parfois la tête pour montrer qu’il suivait toujours ses dires, et qu’il s’intéressait au récit, ce qui était effectivement le cas car il y avait à apprendre de lui ! Il était impressionnant de voir le cheminement qu’ils avaient fait depuis la bataille à l’extérieur de la ville jusque dans les appartements de l’usurpateur et au-delà… Ils avaient de la chance, mais pas seulement et il n’admirait Alford que davantage.

« Oui je pense que je vois… et je ne peux que saluer une fois de plus votre bravoure, Alford. Je n’imagine absolument pas devoir prendre part à pareille épopée. Et il est heureux que vous ayez réussi à sortir du palais » Il eut un sourire puis contempla le lac paisible. « C’est un récit impressionnant que celui-ci » Il pondéra d’ailleurs le récit en question, le repassant dans le chant-nom de l’humain maintenant qu’il l’avait entendu une première fois de sa bouche, se sentant moins coupable de l’épier autrement désormais. Au bout d’un moment, il revint à son nouvel ami et s’adressa de nouveau à lui. « Cette femme, Sylira, la vampire…. Vous saviez qu’elle vous a mentit au sujet de son identité ? Je le ressens dans votre…. Enfin je le ressens, c’est l’un des attributs de ma magie » Il se sentit soudain gêné mais reprit « Et le vampire ? Enfin l’autre vampire, c’était Kylian Wallam, c’est cela ? ça ne m’étonne guère qu’il ait voulu rester avec Esmelda… » Il eut un vague sourire, mi désabusé mi affectueux à cette idée.

[HRP > Je n'ai pas trop avancé histoire de finir le raccord de la conversation avant d'entamer la suite XD Comme ça on aura pas de mal. J'espère que ça t'ira tout de même ^^ ]

Apprendre l’existence d’un autre peuple était fascinant et excitant et il aurait voulu en savoir bien davantage. Cependant, il ne voulait pas non plus presser Alford et quelque chose lui disait que celui-ci livrait sans compter ses connaissances sur le sujet et c’était déjà un joli cadeau qu’il lui faisait. Des Tarenths, donc… voilà qui était extrêmement intéressant. Un peuple antique ayant de grands pouvoirs, et qui avait été effacé de la mémoire des dragons ? Il se demandait bien pourquoi, car c’était-là un acte qui n’avait rien d’anodin. Mais si ce peuple datait de l’ère de platine… alors il y avait peu de chances pour qu’il reste des traces de leur passage. A moins que l’observatoire n’ait été construit par eux ? Ça aurait été trop beau tout de même… Il faudrait tout de même qu’il s’en assure. Pouvoir en apprendre davantage sur ces individus aurait été appréciable, mais ce ne serait sans doute pas pour tout de suite. Il sourit néanmoins. « Je le saurai si vous mentez Alford, et vous ne mentez pas. Je vous crois et cela m’intéresse beaucoup. Nous en reparlerons donc une autre fois selon votre souhait et je vous écouterai avec plaisir » Sans doute qu’un autre aurait eu du mal à le croire, et il comprenait d’ailleurs pourquoi. C’était une incroyable révélation et le récit complet devait avoir la même teneur. Mais il ne pouvait pas vraiment faire autrement que de le croire. Il savait avec une absolue certitude que l’humain ne mentait pas. En même temps… mentir à un Baptistrel ? Quelle idée stupide était-ce là ? Oh il aurait pu être fou et avoir halluciné, mais il l’aurait remarqué depuis le temps s’il était effectivement fou ! Ainsi, voilà encore une occasion pour eux d’échanger par la suite, il n’allait certes pas s’en plaindre. Bien au contraire. Parler et écouter étaient deux de ses activités favorites après tout ! Certes, les détails restaient inconcevables, mais aussi difficile que ce soit, il le croyait par cette certitude. « Et puis » ajouta-t-il finalement avant qu’il ne soit trop tard « Pourquoi est-ce que je ne vous croirez pas mon ami ? Vous n’avez pas de raisons de me mentir » Non aucune en vérité.

Il sourit de plus belle alors qu’Alford émettait le regret de ne pas lui avoir dit plus tôt qu’il savait où se trouvait Dévoreuse. Certes, les choses auraient pu être plus rapides, mais ce n’était pas sa faute, c’était la sienne. Il n’avait pas pu demander après tout. De là, pas besoin de s’en faire. Cependant au vu de la menace, on pouvait également le comprendre quelque peu. « Et bien certes, mais ne parlons pas du passé, à présent je suis au courant et c’est pour le mieux. La menace n’est pas encore si présente que je sois extrêmement pressé par le temps je pense. Il faut simplement veiller à ne pas la négliger » Négliger Dévoreuse serait une très grave erreur. Elle était terrible et provoquait des catastrophes par simple volonté. Elle avait déjà fait des ravages, pas besoin d’en rajouter. Il hocha distraitement la tête en confirmant l’appellation de Voyageur, un peu inquiet de ce que signifiait la trouvaille de la Chevalière, mais il s’intéressa de nouveau à ce qu’il se disait lorsqu’il fit le rapprochement entre le Voyageur et le fameux Tarenth… Il hocha de nouveau la tête. « Je vois… et bien c’est pour le mieux » Si ce Tarenth voulait aider d’une quelconque façon comme on l’avait clamé, alors tant mieux, ce n’était pas lui qui refuserait. C’était encourageant de savoir que d’autres travaillaient au véritable bien du monde également. Ça changeait agréablement. Et le voir si modeste lui fit faire un grand sourire. Ça aussi c’était bien, que quelqu’un le comprenne. Et tant qu’à avoir un ami, il appréciait pouvoir lui donner un coup de main. « Et bien techniquement moi je peux, il me suffirait de la voir ou de voir l’empreinte de son chant-nom » Oui, c’était simple maintenant, mais pas auparavant, quelques années plus tôt il n’aurait pas été capable de cela… le temps avait affiné ses capacités. Le temps et d’autres choses. Comme Kylian l’avait expérimenté justement. « Oui nous nous connaissons »

Il avait été mis au courant pour l’emprisonnement également, mais là, ce n’était pas de son ressort, il ne pouvait pas être partout en même temps… Il n’aborda pas ce sujet-là cependant et préféra répondre à l’interrogation de son interlocuteur. « Et bien j’allais vous demander si… » Il s’interrompit brusquement, soudain sérieux. « Une petite seconde, pardonnez-moi… » Fermant les yeux, il mit l’oreille en cloche avec une main, écoutant attentivement le message qu’on lui délivrait et qui lui fit progressivement froncer les sourcils. C’était effectivement inquiétant… très inquiétant même quand il y pensait ce n’était pas normal du tout. Finalement, il réouvrit les yeux avec un air préoccupé. Il resta un moment silencieux avant de finalement s’expliquer. « Oui… j’allais vous demander si vous accepteriez de me montrer votre jeu d’épée… mais je crains qu’il ne faille attendre un autre moment. J’aurais en revanche un travail à vous proposer. Je vous rémunèrerais, bien entendu, une vraie mission… » Il eut un sourire un peu plus pâle « On vient de m’informer de quelque chose d’étrange. Un de mes pairs qui officie auprès du souverain a décidé subitement de sortir d’Aigue-Royale pour se rendre à Cendrebourg, un village à l’est… Apparemment quelque chose ne va pas. Le chanteterre qui m’a précédé ici dit qu’il ressent des vibrations chaotiques Alayiennes dans les parages… Je vais me rendre sur place je pense, si mon pair a des ennuis je dois l’aider. Mais… Shaynar est absent, il est parti chassé et il est possible qu’il ne revienne pas avant un moment. J’aurais besoin d’une sécurité physique, au cas où… Accepteriez-vous d’être mon garde du corps ? » Partir à deux était un peu dangereux, mais il ne se faisait pas de soucis. Les compétences d’Alford et sa magie devraient faire assez bon ménage . « Je comprendrais évidemment que vous ne vouliez pas, mais je me sentirais mieux avec un professionnel tel que vous à mes côtés… surtout un ami »

Le mercenaire répondit par l’affirmative à sa requête, lui arracha malgré son inquiétude soudaine un superbe sourire. Il était très heureux de savoir qu’il n’aurait pas à chercher des inconnus et qu’il pourrait lui faire confiance pour le protéger durant cette petite mission. Petite qui pourrait s’avérer plus que petite en fin de compte, il n’en savait trop rien. Tout le monde y gagnait au final ! Lui récupérait son Baptistrel fugueur, Rheryn avait la vie sauve, Alford avait du travail… oui bon, les Alayiens eux n’allaient pas être contents mais tant pis. C’était un arrangement parfaitement convenable. « Je vous remercie Alford, je vous dois une fière chandelle ! » La proposition lui fit vigoureusement hocher la tête et il se redressa, s’inclinant devant l’homme et lui proposant de se retrouver un peu plus tard à l’entrée d’Aigue-Royale. Une fois seul, il alla chercher des vivres qu’il installa dans ses sacoches sans fonds. Une fois cela fait, il prit le temps de vérifier ses réserves d’herbes et de potion, rassembla son matériel et s’en alla en avance au point de rendez-vous après un bref passage auprès d’Aléria qu’il mit au courant de son départ. Juste à l’extérieur, il utilisa son sifflet magique afin de faire venir son destrier elfique. Il s’installa sur une pierre, à l’abri des regards car ne souhaitant pas attirer l’attention et se prit à laisser son esprit vaquer au loin. Il se dirigea naturellement vers Shaynar mais celui-ci était bien loin de lui, aussi puissant soit leur lien. Puis, il se prit à penser à sa situation en général, à ce qu’il comptait faire lorsqu’il aurait trouvé Dévoreuse… L’avenir l’angoissait un peu, il fallait bien le reconnaître et il ne désirait pas décevoir quelqu’un. Soupirant, il tenta de chasser ces pensées, de se concentrer sur l’environnement immédiat, le ciel, le vent, la nature… Autre chose que les questions tournant sans cesse en lui. N’importe quoi tant qu’il ne se fixait plus, pour une fois, sur la suite du programme qu’il s’était imposé. Et peu à peu, il se sentit somnolant et manqua fermer les yeux.

Il sursauta, incertain du temps qui s’était écoulé alors qu’il luttait contre le sommeil, et se redressa de la position semi-allongée qu’il avait adopté pour observer Alford qui arrivait à sa hauteur, le chant-nom du guerrier l’ayant sorti de sa torpeur. « Vous êtes prêt ? » Se voyant répondre par l’affirmative, il sourit et prit son courage à deux mains pour faire fi de la fatigue. « Il me faut simplement attendre ma monture et nous pourrons y aller, elle ne devrait pas tarder » Et effectivement quelques minutes plus tard, elle ou plutôt, il, arriva en hennissant, crinière au vent. Merithyn se fit amusé devant le sens du spectacle de l’animal bien plus intelligent qu’une monture classique humaine. Il vint lui flatter l’encolure et lui caresser les naseaux, lui parlant un instant en elfique pour le remercier de sa venue prompte, à tel point que ses flancs chauffaient. Le museau de l’étalon enfoui dans sa chevelure, il se tourna une fois de plus vers l’humain et hocha la tête, indiquant que cette fois tout était bon. Cependant, quelque chose dans la mise de l’humain l’intrigua et il chercha vainement la monture de ce dernier. Une question plus tard, il apprenait qu’Alford n’en possédait pas et il se sentait extrêmement bête. Il lui avait pourtant dit que les temps étaient durs. Les mercenaires ne gagnaient pas des cents et des milles en général mais encore plus dans ce genre de situation… Il s’excusa donc platement, vraiment désolé de sa maladresse et proposa donc de pallier au problème lui-même. « On ira plus vite à cheval et je doute que ma monture nous porte tous les deux, il est habitué à mon poids, sans offense aucune » C’était la simple vérité qu’ils ne pesaient pas du tout la même chose. Du coup, il invita Alford à revenir à l’intérieur avec lui et alla directement voir les marchands du marché noir. Là, il demanda une monture endurante pouvant supporter les batailles. Mais le destrier blanc ne semblait pas convenir du tout à Alford, aussi préféra-t-il choisir le destrier noir, aussi courageux que le mercenaire.

Il paya rubis sur l’ongle, puis attendit que l’on amena la monture et qu’on en tendit la longe à Alford. « Vous saurez monter ? D’après ce que je sais, les dresseurs nordiques ont transmis une partie de leurs habitudes aux marchands de cheveux de la rébellion, on apprend à ces montures à obéir à la voix humaine, comme pour les montures elfiques. Mais je sais qu’il est difficile de s’habituer à monter sans rennes et sans selle… Je peux sans aucun doute vous aider mais à vous de me dire. Dans le cas contraire nous prendrons une selle avec cette digne bête et nous pourrons y aller »

Il ne savait pas quoi dire ? Ah il n’avait pas besoin de dire quoi que ce soit à vrai dire, il sentait son appréciation et ça lui suffisait amplement. Mieux encore, il savourait cet état de fait. C’était reposant, d’une certaine façon, de pouvoir interagir avec quelqu’un sans une intensité née de la tension d’un rapport étrange par bien des aspects, qu’il s’agisse de la politique, ou d’enjeu à la fois plus personnels et plus universels. Il avait beau prendre son courage à deux mains et aller de l’avant malgré les blessures, il y avait un moment où il n’en pouvait tout simplement plus et avait besoin, profondément besoin, d’un peu de simplicité. Et cette simplicité, Alford l’offrait sans concessions, lui soulageant le moral et lui changeant les idées malgré la quête qu’ils s’apprêtaient à accomplir. Aussi sourit-il simplement, l’observant avec douceur. « Vous ne me devez rien voyons, c’est de bon cœur » Et puis c’était aussi sa faute si il avait besoin d’une monture, avec le trajet qu’ils devaient faire. Ce n’était que justice qu’il la lui offre ! Il le laissa prendre possession de son destrier, un superbe étalon sombre fait pour la guerre qui lui servirait certainement au-delà de cette mission. Les humains savaient y faire, pour fournir des montures adaptées à leurs armures et leurs lourds matériaux. Les destriers elfiques étaient plus légers en général et maniable. Quant aux coursiers du vent, ils étaient hors catégorie puisqu’à moitié fait d’air. Mais celle-ci était une belle bête et si elle convenait à Alford alors tout irait pour le mieux. Il hocha la tête. « Essayons » proposa-t-il. Monter comme un elfe n’était pas facile, s’il y parvenait alors tant mieux, si non et bien… il irait acheter une selle, effectivement. Ce n’était pas un souci pour lui. Au pire il lui semblait se souvenir qu’il en avait une en réserve dans ses propres affaires, à Aigue. Elle pourrait convenir, lui n’en avait pas l’usage.

Silencieux, il le laissa s’approcher de sa monture sans le gêner, attendant simplement. Il tenta une première fois et rata, peut-être au poids de l’armure, cela ne devait pas être très simple, de se hisser sur le dos d’un cheval avec ça en plus. Cheval qui ne brochait pas, comme quoi, le dressage était effectivement très bon. La seconde tentative aurait pu être la bonne, mais il rata de nouveau et Meri s’avança légèrement, craignant qu’il ne se fasse mal en glissant. Se mordillant la lèvre, il s’arrêta en le voyant retrouver son équilibre, s’en voulant un peu. Le but n’était certainement pas de tuer son ami ! Il s’en voudrait si l’humain se blessait simplement à cause de lui et d’une stupide histoire de selle. « Ne vous excusez pas, voyons, il n’y a pas de mal » Non vraiment, ça le gênait. Il ne voulait pas vexer en plus Alford. Mais encore une fois, il lui prouva qu’il était particulièrement déterminé quand il voulait accomplir quelque chose et, ni une ni deux, il trouva sa solution. Il le regarda faire, curieux, puis eu un sourire admiratif devant l’ingéniosité. Ce n’était pas commun, comme idée, mais c’était efficace au moins et cette fois il sembla tenir correctement, lui tirant sourire plus large encore. « Bravo » lui dit-il en toute sincérité, content qu’il ait réussit. Il allait se tourner pour confirmer au palefrenier que l’affaire était dans le sac lorsque l’humain se décida à tester les capacités de sa monture. Le vendeur tenta bien de l’avertir, mais ni une ni deux, le destrier emporta Alford avec diligence, comme on le lui demandait. L’elfe sursauta et tendit une main, instinctivement et très stupidement, ouvrant la bouche en le voyant s’éloigner dans la caverne en manquant tomber au passage.

Les rares occupants de la caverne regardaient la scène avec des yeux ronds, se demandant si c’était du lard ou du cochon. Le palefrenier était à moitié mort de rire et écroulé sur sa barrière de bois, et lui-même ne put retenir un très bref début de rire qu’il cacha derrière ses doigts avant de se reprendre. Ce n’était pas poli de rire de quelqu’un enfin ! Il sortit donc également le vendeur de son fou rire et lui demanda où il pouvait avoir accès aux objets en pension. Une fois qu’on lui indiqua l’emplacement, il s’y rendit tandis que l’homme courrait après le cavalier fou qui n’était toujours pas descendu de sa monture pour lui expliquer comment fonctionnait les commandes à la voix, système beaucoup plus précis que celui des rennes. Il demanda à récupérer la selle qu’il avait laissée là avec les rennes et le reste. Acquise à Aldaria, elle ne lui avait jamais servis. Il avait escompté les donner à quelqu’un qui en aurait davantage l’usage que lui et il allait donc pouvoir le faire. Chargé, il revint un peu plus lentement et trouva Alford et son destrier de nouveau présents, le palefrenier se remettant tant bien que mal d’un autre fou rire. Souriant tout de même à ce qui était une bonne humeur presque général et relativement bon enfant, il tendit le tout au mercenaire. « Je me suis souvenu que j’avais déjà ça alors… voilà, comme ça vous serez plus confortable. C’est un harnachement de base mais ça vous servira bien plus qu’à moi » Il se proposa pour l’aider à installer le tout et demanda au passage. « Alors, ces commandes à la voix ? Efficace non ? »

Une fois qu’ils furent enfin parés, ils purent regagner la sortie, récupérer son propre destrier et quitter Althaïa et Aigue-Royal en direction des plaines.