Le mercenaire répondit par l’affirmative à sa requête, lui arracha malgré son inquiétude soudaine un superbe sourire. Il était très heureux de savoir qu’il n’aurait pas à chercher des inconnus et qu’il pourrait lui faire confiance pour le protéger durant cette petite mission. Petite qui pourrait s’avérer plus que petite en fin de compte, il n’en savait trop rien. Tout le monde y gagnait au final ! Lui récupérait son Baptistrel fugueur, Rheryn avait la vie sauve, Alford avait du travail… oui bon, les Alayiens eux n’allaient pas être contents mais tant pis. C’était un arrangement parfaitement convenable. « Je vous remercie Alford, je vous dois une fière chandelle ! » La proposition lui fit vigoureusement hocher la tête et il se redressa, s’inclinant devant l’homme et lui proposant de se retrouver un peu plus tard à l’entrée d’Aigue-Royale. Une fois seul, il alla chercher des vivres qu’il installa dans ses sacoches sans fonds. Une fois cela fait, il prit le temps de vérifier ses réserves d’herbes et de potion, rassembla son matériel et s’en alla en avance au point de rendez-vous après un bref passage auprès d’Aléria qu’il mit au courant de son départ. Juste à l’extérieur, il utilisa son sifflet magique afin de faire venir son destrier elfique. Il s’installa sur une pierre, à l’abri des regards car ne souhaitant pas attirer l’attention et se prit à laisser son esprit vaquer au loin. Il se dirigea naturellement vers Shaynar mais celui-ci était bien loin de lui, aussi puissant soit leur lien. Puis, il se prit à penser à sa situation en général, à ce qu’il comptait faire lorsqu’il aurait trouvé Dévoreuse… L’avenir l’angoissait un peu, il fallait bien le reconnaître et il ne désirait pas décevoir quelqu’un. Soupirant, il tenta de chasser ces pensées, de se concentrer sur l’environnement immédiat, le ciel, le vent, la nature… Autre chose que les questions tournant sans cesse en lui. N’importe quoi tant qu’il ne se fixait plus, pour une fois, sur la suite du programme qu’il s’était imposé. Et peu à peu, il se sentit somnolant et manqua fermer les yeux.

Il sursauta, incertain du temps qui s’était écoulé alors qu’il luttait contre le sommeil, et se redressa de la position semi-allongée qu’il avait adopté pour observer Alford qui arrivait à sa hauteur, le chant-nom du guerrier l’ayant sorti de sa torpeur. « Vous êtes prêt ? » Se voyant répondre par l’affirmative, il sourit et prit son courage à deux mains pour faire fi de la fatigue. « Il me faut simplement attendre ma monture et nous pourrons y aller, elle ne devrait pas tarder » Et effectivement quelques minutes plus tard, elle ou plutôt, il, arriva en hennissant, crinière au vent. Merithyn se fit amusé devant le sens du spectacle de l’animal bien plus intelligent qu’une monture classique humaine. Il vint lui flatter l’encolure et lui caresser les naseaux, lui parlant un instant en elfique pour le remercier de sa venue prompte, à tel point que ses flancs chauffaient. Le museau de l’étalon enfoui dans sa chevelure, il se tourna une fois de plus vers l’humain et hocha la tête, indiquant que cette fois tout était bon. Cependant, quelque chose dans la mise de l’humain l’intrigua et il chercha vainement la monture de ce dernier. Une question plus tard, il apprenait qu’Alford n’en possédait pas et il se sentait extrêmement bête. Il lui avait pourtant dit que les temps étaient durs. Les mercenaires ne gagnaient pas des cents et des milles en général mais encore plus dans ce genre de situation… Il s’excusa donc platement, vraiment désolé de sa maladresse et proposa donc de pallier au problème lui-même. « On ira plus vite à cheval et je doute que ma monture nous porte tous les deux, il est habitué à mon poids, sans offense aucune » C’était la simple vérité qu’ils ne pesaient pas du tout la même chose. Du coup, il invita Alford à revenir à l’intérieur avec lui et alla directement voir les marchands du marché noir. Là, il demanda une monture endurante pouvant supporter les batailles. Mais le destrier blanc ne semblait pas convenir du tout à Alford, aussi préféra-t-il choisir le destrier noir, aussi courageux que le mercenaire.

Il paya rubis sur l’ongle, puis attendit que l’on amena la monture et qu’on en tendit la longe à Alford. « Vous saurez monter ? D’après ce que je sais, les dresseurs nordiques ont transmis une partie de leurs habitudes aux marchands de cheveux de la rébellion, on apprend à ces montures à obéir à la voix humaine, comme pour les montures elfiques. Mais je sais qu’il est difficile de s’habituer à monter sans rennes et sans selle… Je peux sans aucun doute vous aider mais à vous de me dire. Dans le cas contraire nous prendrons une selle avec cette digne bête et nous pourrons y aller »

Il ne savait pas quoi dire ? Ah il n’avait pas besoin de dire quoi que ce soit à vrai dire, il sentait son appréciation et ça lui suffisait amplement. Mieux encore, il savourait cet état de fait. C’était reposant, d’une certaine façon, de pouvoir interagir avec quelqu’un sans une intensité née de la tension d’un rapport étrange par bien des aspects, qu’il s’agisse de la politique, ou d’enjeu à la fois plus personnels et plus universels. Il avait beau prendre son courage à deux mains et aller de l’avant malgré les blessures, il y avait un moment où il n’en pouvait tout simplement plus et avait besoin, profondément besoin, d’un peu de simplicité. Et cette simplicité, Alford l’offrait sans concessions, lui soulageant le moral et lui changeant les idées malgré la quête qu’ils s’apprêtaient à accomplir. Aussi sourit-il simplement, l’observant avec douceur. « Vous ne me devez rien voyons, c’est de bon cœur » Et puis c’était aussi sa faute si il avait besoin d’une monture, avec le trajet qu’ils devaient faire. Ce n’était que justice qu’il la lui offre ! Il le laissa prendre possession de son destrier, un superbe étalon sombre fait pour la guerre qui lui servirait certainement au-delà de cette mission. Les humains savaient y faire, pour fournir des montures adaptées à leurs armures et leurs lourds matériaux. Les destriers elfiques étaient plus légers en général et maniable. Quant aux coursiers du vent, ils étaient hors catégorie puisqu’à moitié fait d’air. Mais celle-ci était une belle bête et si elle convenait à Alford alors tout irait pour le mieux. Il hocha la tête. « Essayons » proposa-t-il. Monter comme un elfe n’était pas facile, s’il y parvenait alors tant mieux, si non et bien… il irait acheter une selle, effectivement. Ce n’était pas un souci pour lui. Au pire il lui semblait se souvenir qu’il en avait une en réserve dans ses propres affaires, à Aigue. Elle pourrait convenir, lui n’en avait pas l’usage.

Silencieux, il le laissa s’approcher de sa monture sans le gêner, attendant simplement. Il tenta une première fois et rata, peut-être au poids de l’armure, cela ne devait pas être très simple, de se hisser sur le dos d’un cheval avec ça en plus. Cheval qui ne brochait pas, comme quoi, le dressage était effectivement très bon. La seconde tentative aurait pu être la bonne, mais il rata de nouveau et Meri s’avança légèrement, craignant qu’il ne se fasse mal en glissant. Se mordillant la lèvre, il s’arrêta en le voyant retrouver son équilibre, s’en voulant un peu. Le but n’était certainement pas de tuer son ami ! Il s’en voudrait si l’humain se blessait simplement à cause de lui et d’une stupide histoire de selle. « Ne vous excusez pas, voyons, il n’y a pas de mal » Non vraiment, ça le gênait. Il ne voulait pas vexer en plus Alford. Mais encore une fois, il lui prouva qu’il était particulièrement déterminé quand il voulait accomplir quelque chose et, ni une ni deux, il trouva sa solution. Il le regarda faire, curieux, puis eu un sourire admiratif devant l’ingéniosité. Ce n’était pas commun, comme idée, mais c’était efficace au moins et cette fois il sembla tenir correctement, lui tirant sourire plus large encore. « Bravo » lui dit-il en toute sincérité, content qu’il ait réussit. Il allait se tourner pour confirmer au palefrenier que l’affaire était dans le sac lorsque l’humain se décida à tester les capacités de sa monture. Le vendeur tenta bien de l’avertir, mais ni une ni deux, le destrier emporta Alford avec diligence, comme on le lui demandait. L’elfe sursauta et tendit une main, instinctivement et très stupidement, ouvrant la bouche en le voyant s’éloigner dans la caverne en manquant tomber au passage.

Les rares occupants de la caverne regardaient la scène avec des yeux ronds, se demandant si c’était du lard ou du cochon. Le palefrenier était à moitié mort de rire et écroulé sur sa barrière de bois, et lui-même ne put retenir un très bref début de rire qu’il cacha derrière ses doigts avant de se reprendre. Ce n’était pas poli de rire de quelqu’un enfin ! Il sortit donc également le vendeur de son fou rire et lui demanda où il pouvait avoir accès aux objets en pension. Une fois qu’on lui indiqua l’emplacement, il s’y rendit tandis que l’homme courrait après le cavalier fou qui n’était toujours pas descendu de sa monture pour lui expliquer comment fonctionnait les commandes à la voix, système beaucoup plus précis que celui des rennes. Il demanda à récupérer la selle qu’il avait laissée là avec les rennes et le reste. Acquise à Aldaria, elle ne lui avait jamais servis. Il avait escompté les donner à quelqu’un qui en aurait davantage l’usage que lui et il allait donc pouvoir le faire. Chargé, il revint un peu plus lentement et trouva Alford et son destrier de nouveau présents, le palefrenier se remettant tant bien que mal d’un autre fou rire. Souriant tout de même à ce qui était une bonne humeur presque général et relativement bon enfant, il tendit le tout au mercenaire. « Je me suis souvenu que j’avais déjà ça alors… voilà, comme ça vous serez plus confortable. C’est un harnachement de base mais ça vous servira bien plus qu’à moi » Il se proposa pour l’aider à installer le tout et demanda au passage. « Alors, ces commandes à la voix ? Efficace non ? »

Une fois qu’ils furent enfin parés, ils purent regagner la sortie, récupérer son propre destrier et quitter Althaïa et Aigue-Royal en direction des plaines.