¤ Après la bataille ¤

La bataille avait fait rage, aussi bien sur le plan terrestre que l'Astral. Il y a peu encore, Elrond et Möebius accompagnés des autres dragonniers et dragons présents lors des négociations, avaient combattu un esprit. L'esprit du Néant, celui qui menait les troupes Alayiennes contre le peuple Armandéen avec comme unique but de le détruire. Fort heureusement, il avait pu le défaire. Ou du moins, lui infliger une défaite. Mais s'il venait de gagner une bataille, il n'avait pas gagné la guerre. Et pourtant, cette victoire laissait un goût amer à l'elfe rouge. Bien qu'ils avaient tous vaillamment combattu, et que leur affrontement avait été difficile, la manière dont ils avaient gagné lui avait paru trop facile, comme si Néant s'était amusé avec eux. Et pour preuve, à la fin, leur ennemie avait révélée sa véritable forme et les avait balayés d'un simple geste. Pourtant, tous étaient encore en vie...

Elrond, du moins son esprit était troublé. Il avait bien sûr déjà participé à des batailles, mais celle-ci le laissait perplexe. À vrai dire, il n'avait pas envie d'en revivre une d'une telle ampleur. Finalement lorsqu'ils avaient retrouvé leur corps, les combats sur leur plan n'étaient pas finis. Néanmoins, les Alayiens avaient été affaiblis, leurs armes ayant perdu le pouvoir conférer par Néant. Finalement, ils l'avaient peut-être bel et bien touché. Sous l'adrénaline qui parcourait son corps, l'Amarië aurait rejoint avec grand plaisir les troupes qui combattaient, malheureusement, bien que son état lui permettait de bouger sans problème, son lié lui ne c'était toujours pas réveiller. Il semblait seulement inconscient. Après tout, il était celui ayant reçu une attaque de la part de leur adversaire.

Bien que l’envie de rester auprès de lui était forte, afin d’attendre son réveil et de le protéger. Il avait un devoir à accomplir. Aussi mit-il le corps du dragon bleu sous bonne garde avant d’accompagner le Baptistrel du feu et futur maître réactivé les défenses magiques du royaume qui avaient été balayé par l’esprit adverse. Lorsqu’elles le furent, les troupes Alayiennes venaient d’être balayées. Elrond rageait. Si depuis le début, les elfes étaient sortis du bois pour chasser les troupes qui s’étaient massées à leurs portes, ils auraient pu les écraser comme ils venaient de le faire. Ceux qui les dirigeaient n’étaient ni plus ni moins que des incapables arrogants et suffisants ! Et dire qu’il vivait en tant que dragonnier pour eux, pour leur permettre de se nourrir de la magie. Le ressentiment à l’égard de sa propre race se fit plus grand. Mais il n’avait pas le temps d’aller sonner les cloches aux responsables. Non, il avait une tout autre chose à faire. Epuiser par la tâche qu’il venait d’accomplir, il rassembla ses forces pour rejoindre son lié en courant, espérant qu’il s’était déjà réveillé.

Lorsqu'il entra dans la salle des négociations qui n'étaient plus que ruine, il le vit, là, encore allonger et inconscient. Reprenant son souffle il étendit son esprit pour l'appeler par leur lien. Mais il n'y eut aucune réponse en retour. L'elfe rouge se contenta alors de le rejoindre, ignorant les avis des magiciens elfiques qui l'avaient déjà analysé pour s'assurer qu'ils n'avaient aucune blessure, préférant s'en assurer de lui-même. Regroupant la magie qui lui restait, il la fit parcourir dans le corps de son lié, sans rencontrer quoi que ce soit. Son corps était idem, les blessures qu'il avait reçues sur le plan Astral ne c'était pas transposé dans le leur. Il ne devait être que sonné ou épuiser. Il ne fallait alors qu'attendre. Se posant contre lui, Elrond patienta. Épuiser il ferma l'oeil, s'endormant aussitôt. Néanmoins, il ne le resta pas longtemps. À peine son esprit avait sombré dans le sommeil que d'affreuses et horribles images lui étaient apparues. Aussitôt, un mage vint vers lui pour s'assurer qu'il n'avait rien lui non plus.

Au bout de deux longues heures, Elrond sentit avant tout le monde, que Möebius se réveillait. L'esprit du bleuté se réveillant. Il l'appela, mais brutalement, le dragon ferma son esprit. L'Amarië gronda, il détestait cette mauvaise manie qu'avait son liés. L'envie de lui en coller une le prit. Alors qu'il était inquiet, l'autre osait lui bloquer le passage ! Alors qu'il tournait la tête en sa direction, l'elfe indiqua aux gardes de s'éloigner un peu, avant de s'approcher et l'appeler oralement, sans réponse. Möebius avait sur son faciès, la même expression que lorsqu'il était petit. Il ne comprenait pas ce qu'il lui disait. Était il encore assommé au point de ne pas comprendre ce que son lié lui disait ? Soupirant il recommença, mais toujours aucune réponse. Finalement, le bleuté se mû. Au moins son corps allait bien même s'il semblait clairement affaibli au vu de la manière dont il bougeait, son corps tremblant légèrement sous l'effort demandé.

« N’en fais pas trop, reste allonger, attends que tes forces te reviennent. Et ouvre-moi ton esprit ! »

Pour toute réponse, le bleu tourna la tête, ce qui piqua à vif l’elfe blond. L’Amarië se rapprocha alors se retrouvant nez à nez lorsque la tête massive, et aussi grande que lui, de son lié se tournant. Les yeux azurés de l’elfe se plongèrent dans ceux du dragon. Inquiétude et colère se lisaient dans les pupilles du rouge, alors qu’il essayait de déchiffrer ce qui se trouvait dans ceux de l’écailleux. L’elfe resta dubitatif, il n’y retrouvait pas la lueur habituelle.

¤ L’elfe qui rouspétait ¤

Möebius venait de se réveiller, enfin, mais celui-ci, à peine revenu à lui, avait fermé son esprit. Leur lien était toujours présent, mais la conscience d'Elrond et du dragon n'était plus entremêlée. Il ne pouvait ressentir ce qu'il ressentait. Entendre ses pensées et n'être qu'un. C'était assez désagréable comme sensation, celle de ne plus être qu'un. Maudit dragon bleu, il l'avait perturbé lors de leur rencontre, lui qui n'attendait que la mort et à présent celui-ci se permettait de le mettre mal à l'aise en mettant de la friture sur leur lien. L'envie de lui en coller était grandissante à mesure qu'il prenait cette sale manie. Il est vrai que l'Amarië aimait que chacun possède son jardin secret, possède ses propres moments intimes sans pour autant que l'autre ne soit au courant. Mais le bleuté fermait leur lien toujours d'une manière si violente qui faisait hérisser les poils du blond l'agaçant. Oui, il éprouvait un certain énervement à voir son lié une fois de plus lui bloquer l'accès à son esprit. Cet énervement accentué par l'inquiétude qui régnait en son sein depuis qu'ils avaient quitté le plan astral.

Néanmoins, cette fois-ci, il ne savait si la fermeture de l’esprit du dragon bleu était un fait de son comportement excentrique ou du contrecoup suite au choc des blessures reçues lors du combat contre le Néant. Le dragonnier elfique restait perplexe, aussi il décida de prendre sur lui sans pour autant cacher sa contrariété. Aussi lorsque celui-ci ne lui répondit pas, il prit la mouche et monta au contact. Avait-il décidé de le snober pour ne pas avoir su le protéger correctement lors de leur combat contre l’esprit des Alayiens ? Non, le connaissant le bleuté ne lui tiendrait pas rigueur. Grondant quelque peu en son fort intérieur, l’azuré saisit la tête du dragon bleu et blanc avant de se mettre face à lui, approchant son visage près du sien. Dire qu’il en était réduit à cela pour se faire comprendre et communiquer avec un Möebius abasourdi.

Leurs regards se croisèrent, leurs deux regards bleutés. Elrond n’apprécia pas ce qu’il y trouva. Interrogation, incompréhension, perdu. Il avait déjà eu l’occasion de les croisées, mais c’était lorsque Möebius était petit. Le choc de la bataille pouvait-il provoquer cela ? L’elfe fut tiré de ses questionnements alors que son lié se retira, ne supportant plus son regard plus longtemps. L’Amarië recula légèrement tout en le regardant, dubitatif. Le dragon regardait le lieu, l’expression sur son visage, il la reconnut immédiatement. Il y avait trop de monde, trop de bruit, Möebius n’appréciait pas cela. D’ici peu le bleuté bougerait. Celui-ci allait encore se barrer. Mauvaise habitude que cela, qui encore hérissait les poils de l’elfe dragonnier. Tout ce qu’il espérait, c’était que celui-ci ne s’en aille pas en volant.

C’est par la voie terrestre que le dragon partit. Elrond attrapa son arc, qu’il avait récupéré sur le retour après avoir réactivé les protections magiques du royaume, et suivit Möebius. Il l’aurait bien appelé en beuglant, mais il aurait eu l’air risible. Un dragonnier qui ne se fait plus écouter de son dragon. Cet écailleux bleu, il lui ferait payer un jour. Soupirant il le suivit calmement, l’appelant toutefois par moment au travers de leur lien, mais ses paroles venaient s’écraser contre le rempart de glace dresser autour de son esprit. Elrond n’osait pas forcer, prenant plus en compte l’hypothèse d’un contrecoup suite à la bataille que du caractère excentrique de son lié, à moins que cela ne soit autre chose. Non, il ne l’envisageait pas, cela ne lui traversait même pas l’esprit.

C’est alors tranquillement que l’Amarië suivit le bleuté. Lorsque celui-ci vint s’arrêter près d’un bassin du domaine de la Rapsodie, l’elfe s’essaya pour souffler un peu. Son corps était fatigué, non pas que la bataille l’avait grandement épuisé, mais ses réserves magiques étaient au plus bas en raison de la réactivation des barrières. Zyeutant le bleuté regardant son reflet dans l’eau il pesta quelque peu en murmurant.

« Tu préfères t’admirer que me parler, maudit dragon narcissique et excentrique. Pire qu’un gosse… pire que moi qu’en j’étais gosse. »

Lentement la fatigue gagnait son corps et son esprit qui se mettait à s’engourdir. Il aurait pu s’endormir là tout de suite, s’il n’en avait été de Möebius. Elrond devait garder un œil sur lui jusqu’à ce que celui-ci soit revenu à lui et qu’il puisse lui passer un savon pour l’avoir autant inquiété. La terre vibra légèrement, le bleuté se remettait à bouger, ou allait-il aller cette fois ? Tout ce qu’espérait Elrond, c’est que celui-ci ne s’envole pas. Se redressant, il le vit s’éloigner. Une fois de plus il le suivit.

Rapidement l'elfe comprit ce qui poussa son lié à quitter son propre reflet. La faim, et déjà un animal, une biche ou un daim, avait quitté l'abri que lui prodiguait la végétation ambiante. Le dragon dans les parages l'avait sans aucun doute poussé à le quitter pour s'enfuir et se réfugier plus loin. Instinctivement Elrond se prépara à courir étant persuadé que son bleuté allait lui courir après. Mais au dernier moment et à la grande surprise de l'archer rouge, celui s'arrêta pour le regarder. L'Amarië s'approcha lentement, la pensée du bleu ne faisait aucun doute, il voulait qu'il chasse ensemble, néanmoins son regard laissait transparaitre de par son air pensif qu'il ne savait pas comment l'exprimer. Que lui arrivait-il décidément ? Avait-il perdu sa langue, ou avait-il perdu la capacité de s'exprimer ? Ou il avait carrément décidé de le faire tourner en bourrique ?!

Elrond soupira légèrement venant se frotter les yeux avant de passer sa main devant, utilisant quelques restes de sa magie pour matérialiser trois images, celle du gibier, celle de Möebius, et la sienne. Il fit ensuite bouger l'image du dragon et de l'elfe droit vers celle du gibier avant de prendre un air interrogateur.

¤ Les règles de la chasse ¤

En plus de jouer les excentriques et enquiquiner l'elfe aux yeux azurés, le dragon bleu avait décidé de torturer physique son pauvre dragonnier. Il était fatigué, ayant de trop puiser dans ses forces magiques pour la journée, ainsi son corps, ses muscles, chacune des cellules le composaient la ressentait. Elrond n'avait qu'une envie, aller se caler quelque part, fermer les yeux et piquer un petit roupillon. Alors quelle était la force qui l'animait en ce moment ? L'inquiétude, oui l'inquiétude l'empêchait de piquer du nez. Inquiétude provoquée par le comportement non seulement étrange, mais aussi saugrenu de Möebius. En effet, il avait combattu le Néant, lui-même avait été blessé par celui-ci, il était au courant que le royaume avait été attaqué par les Alayiens et celui-ci partait chasser. Oubliait-il qu'il y avait de quoi se nourrir dans leur demeure ? Certes elle ne serait pas aussi fraiche que de la nourriture tout juste chasser mais tout de même. Pourquoi voiloir chasser juste après ces évènements, les gens normaux iraient se reposer.

Le comportement de son lié allait un jour finir par le rendre fou. Alors que l’Amarië s’approchait de lui, rassemblant quelques bribes de magie existant encore en son sein pour matérialiser une image d’eux chassant ensemble, afin de mettre en évidence la pensée de celui-ci. Mais là encore les agissements du dragon ne furent pas ceux attendus par Elrond. Möebius eut la même réaction face à l’utilisation de la magie par son lié, que celle qu’il avait eue alors qu’il n’était encore qu’un petit dragonnet. L’elfe dragonnier plissa légèrement les yeux grondant intérieurement. Se foutait-il de lui ? Ce jeu commençait plus à l’agacer que l’inquiété. Mais déjà, le dragon avait tourné les talons pour commencer la chasse.

L'air réprobateur, l'elfe rouge suivit du regard la démarche du bleu et rapidement son énervement disparu emporter par les souvenirs. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas chassé tous deux. À vrai dire, depuis que Möebius était plus grand et apte à capturer de lui-même de plus gros gibier, l'Amarië lui faisant confiance ne le suivait plus pour s'assurer qu'il ne lui arrive rien. Lentement il passa sa main par-dessus son épaule pour se saisir de son arc et il disparut à son tour dans les fourrés. Son esprit de chasseur s'éveilla doucement, son pas déjà léger en tant qu'elfe était encore moins perceptible en raison de son totem du lynx. En silence il s'avança à la recherche de sa proie.

Levant la tête en direction de son dragon, il entendit le fracas que celui-ci fit. À quoi s’amusait-il, certes utiliser les arbres à son avantage était une bonne chose pour les êtres plus petits. Il lui avait d’ailleurs appris quand celui-ci n’était encore qu’un dragonnet. Mais à présent, au vu de la taille que celui-ci avait atteint, cela ne paraissait pas la technique la plus adéquate. Prenant sur lui, il nota dans un coin de sa tête qu’il devrait redonner des leçons à son lié pour chasser. Car oui la chasse était un art qui avait ses propres codes et règles à suivre. La première était par exemple de toujours rester concentrer, la deuxième était d’être discret.

Elrond enfreint les deux, son attention portée sur son lié ne lui fit pas voir la racine sur laquelle il manqua de s’emmêler les pieds. L’elfe rouge se rattrapa de justesse, mais fit malheureusement du bruit dans son mouvement. Mouvement qui fut perçu par le daim qui ne manqua pas de se mettre à courir. Dans un éclair, l’Amarië pesta et se saisit d’une flèche qu’il encocha dans son arc, se mettant à tendre la corde. Jamais celle-ci ne lui parut aussi difficile à tendre. Était-ce la fatigue dans ses bras qui l’empêchait de manier son arme avec son aisance habituelle ? Forçant il banda son arc avant de décocher sa flèche qui atteint tout de même sa cible.

Soupirant il sortit de sa cachette s'approchant de l'animal. Celui-ci devait être mort, ou alors n'allait-il pas tarder à l'être. Dans tous les cas, il fallait abréger ses souffrances au plus vite. Portant une main à sa taille il s'apprêta à se saisir de sa dague quand en levant les yeux il vit le dragon bleu sauté de son perchoir pour atterrir sur la bête. Le sol trembla légèrement à l'impact.

« Quelle brute, ce n'est pas comme ça que je t'ai appris à chasser. Fin si, mais ça, c'est quand tu étais petit. »

L'Amarië soupira légèrement et remit son arc dans son dos avant de s'approchant de Möebius et de la bête, se penchant il récupéra la flèche qu'il avait lancée, mais qui était malheureusement brisée. Ceci était sans aucun doute dû à l'atterrissage de son lié sur l’animal. Le dragonnier elfique soupira et la lança derrière lui.

¤ Cauchemar ¤

L’arc fut tendu, le bruit sourd de la corde qui est tirée, celui du frottement de la flèche contre l’arc alors que l’on se prépare à tirer, puis le son provoquer par le décochage. Les vibrations de la corde qui retourne brutalement à son état normal ? Suivit du sifflement de la flèche qui fend l’air. La pointe métallique ouvre le passage, tranchant le souffle du vent avant de s’enfoncer dans la chair de l’animal. Brutalement elle percute le daim, la force cinétique doubler du tranchant de la pointe la fait traverser la peau de la bête. L’attaque est propre et précise. Le sang gicle sous la pression, des gouttes venant tacher le sol. L’animal pousse un léger râle avant de s’affaisser. Le daim tombe lourdement au sol alors que la vie l’abandonne. L’éclat dans ses yeux, la lumière qui l’habite lentement s’évanouit. L’esprit de la bête s’en retourne vers les jumeaux, la mort et la vie.

De ses yeux azurés, Elrond assiste à la scène. Combien de fois y a-t-il assisté ? Les elfes ne chassaient pas puisqu’il ne se nourrissait pas de viande, lui pourtant parmi son peuple était une exception. Non, il ne se nourrissait pas de chair, mais s’il chassait c’était pour ceux qui s’en nourrissaient. Il l’avait fait lorsqu’il était au royaume des hommes et maintenant il le faisait à nouveau pour le dragon auquel il était lié. Celui d’ailleurs tomba peu de temps après sur la proie l’achevant. C’est avec un grognement que le bleuté l’accueillit alors que le rouge s’approchait pour récupérer sa flèche qui malheureusement avait été brisée par le dragon. C’est avec un air réprobateur qu’il accueillit le grognement. Voilà une chose qui ne changeait pas au moins, Möebius avait toujours été égoïste quant au gibier chasser, et ce depuis la fois où ils avaient tous deux rencontrer le couple d’or et d’argent.

Néanmoins, le rouge trop occupé par sa flèche ne lui répondit pas, par ailleurs, ce grognement était inutile puisqu’il ne se nourrissait pas de viande. Alors pourquoi avait-il grogné ? En raison de la fatigue qui parcourait son corps, la capacité de raisonnement de l’elfe dragonnier était à son minimum. Il n’avait pas faim, aussi l’Amarië ne chercha pas à trouver quelques fruits qui pouvaient pousser sur tels ou tels arbres ou quelques baies qui pourraient se trouver dans tels ou tels buissons. Non, le rouge se contenant de regarder le bleuté manger. Il en profita également pour souffler quelques instants, se doutant que Möebius allait encore le trainer pendant un moment avant de s’accorder une pause.

Et à peine le bleuté eut-il englouti sa proie qu'il se remit en route. Les jambes flageolantes Elrond le suivit sans un mot, il n'avait plus la force de protester. Celui-ci d'ailleurs le regarda un moment avant de venir s'allonger. Avait-il enfin décidé d'arrêter de faire sa mauvaise tête ? Soupirant de soulagement, l'archer rouge s'approcha de lui. Déposant son arc et son carquois le fils d'Arelinnon s'adossa contre le flanc droit de l'écailleux et s'endormit presque aussitôt une fois avoir fermé les yeux.


À peine eut-il fermé les yeux, que le blond aux oreilles pointues se retrouva projeter dans le monde de ses rêves. C’était toujours le même. Il apparut de nulle part au milieu de ce gigantesque lac. Son être se tenait debout sur cette surface aqueuse. De légères oscillations se formaient sous ses pieds. L’endroit était toujours rempli de brume, une brume qui empêchait de voir le rivage. Celle-ci formait un cercle autour de l’elfe et se déplaçait en même temps que lui de façon à toujours masquer ce qui se trouvait au loin face à lui. Soupirant légèrement, l’homme du beau peuple vint s’allonger sur l’eau sans pour autant s’enfoncer. Ses yeux azurés s’ouvrirent et se mirent à regarder le ciel. Il était sombre, voiler d’obscurité, un léger vent frais s’en dégageant. Au milieu de cette noirceur, une petite étoile bleue scintillait. C’était Möebius. Il ne le voyait pas, car celui-ci devait toujours lui fermer son esprit, mais il restait toujours présent. Tranquillement, envelopper dans cette douce fraicheur, l’elfe se mit à contempler cette petite lumière bleue dans le ciel de son monde des rêves.

Il ne se doutait pas que dans l'eau un mal rôdait, attendant patiemment le moment venu. Concentrer sur son lié, Elrond ne remarqua cette chose tournée autour de lui, s'approchant à chaque fois qu'elle finissait un tour. Finalement, sans prévenir, l'Amarië qui, il y a encore quelques secondes se tenait sur l'eau, s'enfonça se faisait happer par une chose inconnue. Aspirer sous l'eau, l'elfe sursauta et se mit à se débattre. Qu'est-ce que c'était que cela ? L'eau était sombre, il n'y voyait rien. Donnant des coups au hasard, cherchant à attraper ce qui l'entraînait dans les profondeurs, l'elfe lentement gaspillait son air, cherchait-on à le noyer ? Cela ne lui était encore jamais arrivé. Alors que l'air se quittait ses poumons, il sentit quelque chose contre son visage.


Elrond qui dormait encore s'agitait, tournant légèrement, son corps étant parcouru de quelques spasmes. Möebius, souffla contre son visage, passablement agacer par les sursauts de son lié. Le contact de l'air chaud contre son visage l'extirpa violemment de son cauchemar. Haletant, cherchant son souffle alors qu'il était sur le point de se noyer dans son rêve, l'Amarië retrouva doucement son calme. Frottant ses yeux puis ses tempes le blond porta son regard sur le dragon bleu puis sur le ciel. Il n'allait pas tarder à faire nuit. Un orange crépusculaire nappait l'ouest du ciel, alors qu'un bleu-nuit profond naissait à l'est.

Soupirant un peu, le sylvain essayant de se redresser, mais retomba aussitôt contre son lié alors qu’une vive douleur traversa son crâne pour ensuite s’adoucir et se loger dans l’arrière de sa tête. Il ne manquait plus que cela, qu’il ait un mal de crâne. Tournant la tête en direction de son lié, il passa sa main contre le flanc où il était adossé pour le caresser doucement. L’esprit de celui-ci était toujours fermé. Il était peut-être temps que cela cesse.

Fermant les yeux concentrant son esprit sur leur lien ainsi que les forces qu’il avait pu recouvrer, Elrond appela Möebius. Celui-ci avait peut-être fermé son esprit, mais en utilisant leur lien il pourrait toujours l’interpeller. Il tambourinerait à la porte jusqu’à ce que celui-ci lui ouvre.

°Möebius !°

¤ La manière douce ¤

Rapidement le corps de l'elfe fut tel qu'il était dans la réalité, faible, vider de toute énergie. Dans son rêve l'elfe blond voyait sa force petit à petit disparaitre, étant aspiré pour aller vers... vers il ne sait ou. Dans un même temps, une plus violente fatigue s'emparait de son corps. Il manquait d'air, celle-ci petit à petit s'échappait de sa bouche sous forme de bulles alors qu'il s'enfonçait de plus en plus dans l'eau, attirer, saisit par une force invisible qui de toute évidence ne lui voulait pas du bien. Jamais un rêve ou plutôt un cauchemar ne lui avait paru si réaliste. Il avait conscience qu'il se trouvait dans un rêve. Depuis le décès de sa mère à chaque qu'il s'endormait, son esprit toujours conscient était aspiré dans ce monde fantomatique plonger dans une stase, dans une prison, jusqu'à ce que son corps ne se réveille. Il ne pouvait que patienter et se laisser aller aux rêveries de son être qui matérialisait dans cet espace qui lui était propre. Lentement la panique prit le pas sur lui alors qu'il se débâtait, mais au bord de la noyade il se réveilla, se retrouvant brutalement projeter dans le monde réel. Les évènements actuels, la bataille sur le plan astral, la bataille du bois sombre et l'épuisement de ses ressources magiques l'avaient tant affecté que cela ?

Beaucoup de choses étranges étaient survenues depuis son retour du monde des esprits. Et ce en très peu de temps, attirant lentement le regard du jeune elfe, ouvrant son champ de questionnement et de possibilité de réponse plus farfelus.

Une vive douleur parcourra le crâne du dragonnier elfique lorsque celui-ci se redressa. Elrond eut l’impression de sa tête allait exploser, ou même qu’elle allait être soudainement écrasé comme si un étau la compressait. C’était étrange comme sensation, elle n’était pas normale, jamais il n’en avait ressenti une comme ça. Mais ses inquiétudes rapidement se dissipèrent. Jamais il n’avait mené de telle bataille et jamais il ne s’était retrouvé dans un tel lieu. Peut-être que cela était dû au changement de plan ? Oui c’était le plus probable pour Elrond qui souffrait silencieusement serrant violemment les dents.

Lentement la douleur s'estompa, venant s'endormir dans un coin du chef de l'Amarië qui soupira d'apaisement. Mais son calme fut de courte durée, il était en effet brusquement retombé sur Möebius qui ne semblait pas avoir apprécié, à moins que cela en soit sa caresse, et c'était aussitôt redresser pour s'écarter, faisant tomber son lié au sol. Le rouge faillit se cogner la tête, il grommela légèrement à l'idée de se blesser à cet endroit. Comme ci ce qu'il venait d'éprouver n'était pas suffisant. Regardant le ciel un instant de ses yeux azurés, il se noya un instant dans celui-ci. Le soir tombait lentement. Ils ne devraient pas trop tarder à rentrer. Oui il disait bien ils.

Se redressant lentement pour se mettre debout, Elrond appela son lié un peu plus fort de manière à cogner contre la barrière de glace qu’avait érigée son lié autour de son esprit. La réaction que cela évoqua chez son dragon le surprit. Lorsque son appel s’écrasa contre la paroi glacée, Möebius sursauta se mettant à rechercher dont cela pouvait provenir, crainte et inquiétude se trouvait dans son regard avant que celui-ci ne s’arrête sur lui, émettant un grognement de mécontentement plus féroce. Elrond sursauta de surprise et se mit légèrement en garde, jamais Möebius ne lui avait fait cela. Bien rapidement l’elfe souffla et se repositionna normalement. Était-ce normal pour un dragonnier d’avoir peur de son dragon ? Non.

Observant son lié, celui-ci se mit sur ses pattes arrières, il prit un air sévère plein de reproches. Quoi ? Il lui reprochait quelque chose maintenant ? C'était plutôt lui qui devait avoir la tête que son dragon tirait. Après tout c'était lui qui l'avait snobé depuis son réveil. Se retenant de pester, le blond se contenta de regarder le bleuté qui ne cessait d'agir étrangement depuis tout à l'heure. Son agacement et sa colère n'avait fait que croitre depuis le début en raison des agissements qu'il jugeait égocentrique de son lié, ce qui avait altéré son jugement et sa perception. Rapidement, il ressentit du stress provenant du dragon. Möebius ? Stresser ? Il devait y avoir une erreur, c'était une blague. Lentement l'elfe observa la posture de celui-ci. Il n'était pas simplement assis, il était sur ses gardes, prêt à se défendre, prêt à combattre. Quoi ? Il le jugeait comme une menace ? Qu'est-ce que c'était que ce délire ?

L'elfe blond hésitait entre énervement et retenue. Devait-il lui crier dessus ou alors essayer de chercher plus loin que le bout de son nez et comprendre ? Jusqu'à présent le rouspété n'avait rien donné, peut être fallait-il tenter une approche différente ? L'Amarië scruta du regard son bleuté, s'interrogeant, faisant travailler ses méninges réveillant par la même occasion la douleur dans son crâne qu'il supporte malgré sa faiblesse encore apparente. Elrond passa en revue tout ce qui s'était passé. Depuis l'arrivée dans le plan astral jusqu'au moment présent. Il se rendit compte que quelques passages étaient troubles dans sa mémoire, que c'était-il passé après avoir vaincu le Néant ? Ils n'avaient pas aussitôt réintégré leur corps. Non, il y avait quelque chose. Fichtre, l'elfe n'arrivait pas à mettre le doigt dessus et pourtant il avait l'impression que quelque chose d'important s'était produit. Quelque chose d'important...

Reposant ses yeux sur Möebius, mettant en évidence son comportement, le fait qu'une bataille sanglante ait eu lieu non loin et qu'il est subi un coup du Néant dans l'autre plan, l'opinion d'Elrond penchait pour un syndrome post-traumatique. Le stress qu'Elrond ressentait était sans doute dû à cela. C'était ce qu'il y avait de plus évident à ses yeux... mis à part peut-être de cette chose dont il ne se souvenait plus sûr l'heure.

Soupirant, l'homme du beau peuple ferma les yeux et leva lentement la main en direction de son lié. Lentement Elrond étendit son esprit autour d'eux. Lentement, il l'étendit dans leur lien dragon-dragonnier. Doucement son esprit tel une vague vint s'étendre sur la berge qu'était la barrière de glace entourant l'esprit de Möebius. Délicatement il fit parcourir des sensations. Questionnement, inquiétude, calme, amour, rappelant le lien sacrer qui les unissait. Toujours lentement, Elrond commença à faire pression contre la barrière de glace. Peut-être que Möebius comprendrait qu'il voulait lui parler calmement.