Le soleil n'était pas encore couché, loin de là, et pourtant midi était loin. Ambre était ainsi assurée de n'avoir que peu de chances de voir surgir Lorenz, le soleil restant malgré tout la meilleure arme anti-vampires qu'il puisses exister. Elle voulait profiter pleinement de ces quelques jours de liberté qui lui étaient offerts, savourer le calme dans lequel baignait le Domaine de la Rhapsodie, s'enivrer de la beauté des lieux et graver dans sa mémoire chaque instant passé ici. La compagnie des vampiriques était.... comment dire... disons seulement que la jeune préférait l'éviter autant que possible. Oh, ils ne l'avaient jamais frappé ou blessé, mais cela, elle le devait à son Prince. On ne s'attaque pas impunément à l'esclave de Lorenz.

En baillant, la jeune prisonnière poursuivit son exploration des verts horizons s’étendant devant elle. Elle n'arrivait pas à dormir et s'était levée pour terminer sa visite de ce lieu provisoire de résidence. Mais ici, parmi les chants des oiseaux et le bleu du ciel, elle sentait venir la fatigue. Ne rien faire l'épuisait. Elle préférait de loin la saine fatigue que lui procurait les heures passées à cheval que celle qu'elle ressentait actuellement. Même leur arrivée mouvementée semblait un bon souvenir à présent.

Tout en flânant, Ambre se perdit ainsi dans ses pensées, jusqu'à ce qu'une plante attire son attention. Les yeux pétillants, elle se rapprocha de cette merveille végétale. De la menthe ! Cela faisait si longtemps qu'elle n'en avait pas vu ! Se baissant, elle en froissa délicatement les feuilles entre ses minces doigts, respirant à pleins poumons le fin parfum qui s'en dégageait. De la menthe poivrée, la meilleure. Ravie, la guérisseuse en récolta quelques feuilles, songeant avec plaisir qu'elle pourrait créer ainsi d'apaisantes tisanes et autres potions curatives. Ses parents l'utilisait pour lutter contre nausées et maux de ventre, mais surtout quoi de mieux pour remonter le moral ? Un bol d'infusion au coin du feu en plein hiver, pour lutter contre le froid et l'engourdissement... Quelques souvenirs revinrent à l'esprit de la captive, le visage de sa mère et le parfum de la cheminée. Se redressant, elle les chassa comme on se débarrasse d'une agaçante mouche et se trouva alors devant un ennuyeux problème. Où donc allait-elle mettre sa trouvaille ? Perplexe, la jeune femme contempla les feuilles vertes qu'elle tenait en coupe dans ses mains, se demandant qu'en faire. Elle n'avait rien sur elle qui puisse servir d'attache. Ennuyée, elle finit par glisser quelques feuilles sous son bracelet de contraintes, au creux de son poignet, là où elles seraient le moins visible.
Peut-être pourrait-elle revenir avec un besace, si les vampires acceptaient de lui en fournir une. Il y avait malheureusement plus de chance pour qu'ils l'ignorent ou se moquent, mais peut-être le Prince pourrait-il goûter ses infusions et en apprécierait-il le goût... Elle revint à la réalité brusquement, agacée par ses propres idées : un vampire ne boit pas de tisane.

La menthe était la seule plante qu'elle ai vu, mais cela ne signifiait pas qu'il s'agissait de la seule qu'il y ai. C'est pourquoi la prisonnière recommença à errer dans le domaine baptistrel, jusqu'à ce qu'elle arrive à ce qu'elle pensait être la limite. Là, n'ayant rien trouvé de plus, elle ôta ses chaussures et se laissa tomber dans l'herbe, prenant soin de ne pas abîmer la coûteuse robe dont elle était vêtue. Robe qu'elle aurait d'ailleurs volontiers quitté si elle l'avait put. Elle était trop lourde, trop précieuse, trop... trop. Son maître lui faisait porter d'élégants vêtements, comme une preuve de sa puissance et de sa richesse. Après tout, qui d'autre que lui pouvait ainsi vêtir ses esclaves ? Songea-t-elle en lissant un pli de la coûteuse étoffe bleue. Une simple robe aurait probablement mieux convenu, et Ambre se serait sentit plus à son aise.

Nouveau bâillement, nouveau songe. Elle s'allongea dans l'herbe tendre après s'être assurée qu'elle était seule et fixa le plafond d'azur qu'elle avait face à elle. Du regard, elle suivit le vol d'un oiseau avant d'observer avec fascination les arabesques que formaient les nuages. Ici il formaient un souris, là un visage un peu tordu, partout milles et formes se révélaient à ses yeux enchantés, lui faisant découvrir le monde à leur façon. Les oiseaux étaient-ils donc les seuls à profiter pleinement de ce cadeau de la Nature ? Ah, que n'aurait-elle pas donné pour sentir des ailes lui pousser, profiter du vent et virevolter dans la grandeur, l'immensité des cieux. Elle étendrait ses ailes blanches et irait voir le soleil, montant jusqu'à ce qu'elle puisse découvrir un autre monde.

Ses pensées partir vers le haut, se perdant, se mêlant avec les brumes pâles que constituaient les nuages, et elle resta ainsi dans un état hébétude jusqu'à ce que les sabots d'un cheval ne la tire de sa transe. Elle ne sursauta pas, habituée qu'elle était aux apparitions surprenantes des vampires. Elle se contenta de relever la tête et de voir à qui elle avait affaire.
Se dressant sur son séant, elle remit de l'ordre dans sa chevelure ondulée ; elle n'était jamais vraiment coiffée, mais quelques épingles à cheveux lui dévoilait le visage tout en dissimulant ses cicatrises. Non pas qu'elle tienne vraiment à son apparence, mais malgré elle elle ne souhaiter déplaire à son geôlier, et s'en serait voulue de faire honte au Prince Noir.
Se levant, elle se rechaussa et observa le magnifique animal qui avançait tranquillement, portant sur son dos une cavalière... humaine.
Elle devait faire partie de la délégation humaine arrivée, si la jeune femme avait tout comprit, en même temps que celle vampirique.
A présent qu'elle était plus proche, Ambre commençait à distinguer les traits du visage de la nouvelle venue. Une jeune femme, d'environ son âge, au visage sympathique et transpirant de générosité. Un visage qui ne lui était pas inconnu, et pourtant qu'elle était incapable d'associer à un nom. Voilà qui était pour le moins étrange. Les vampires ne fréquentaient pas d'humaine, si c'était en guise de petit déjeuner ; comment donc pouvait-elle reconnaître celle-ci ?
Le couple que formait l'équidé et sa cavalière s’avança vers Ambre, qui les fixa en souriant, curieuse et un peu intimidée.

La délégations humaines étaient arrivées. Avec la joie de retrouver les siens et la tristesse d'avoir des nouvelles bien mauvaise. Mais l'espoir que tout ceci cesserait bien vite avec les négociations qui commençaient sous peu apportait un peu de réchauffement au cœur meurtri de la princesse. Car oui, même avec un mariage politique qui coulait et sombrait, Esmelda voulait croire en la volonté des peuples elfiques, vampiriques et humains pour éradiquer ce mal qui rongeait le pays. Et vite. Voilà bien là leur seul point commun. Et de là émergerait bien plus vite la fin du massacre de son peuple et de son assujettissement à un esprit de terreur. Peut être pour bien pire par la suite, on savait ce qu'on perdait pas ce qu'on gagnait, mais l'espoir du retour à un équilibre même précaire faisait tenir la princesse.

Alors c'est naturellement, que la jeune femme chercha à se réfugier seule pour réfléchir, au beau milieu de la nature. L'air paisible jouant dans les arbres, le gazouillis des oiseaux, le soleil jouant à cache-cache avec les branches et les pas de son cheval, rien de tel pour clarifier son esprit embrumé. Il y avait tellement gros à jouer, tellement de personnes qui dépendaient de ce simple rassemblement que chaque mot, chaque phrase comptaient bien plus que toutes les batailles qu'ils mèneraient par la suite. Et quand on est princesse, il est difficile d'être seule pour réfléchir. Il y avait toujours une horde de dames de compagnie à s'occuper de vous, des gardes pour vous surveiller ou des conseillers pour aller vous expliquer même comment vous habiller.

D'un pas lent, le cheval arpentait le chemin de terre, ses sabots martelant d'un son lourd et mât. Lui aussi semblait flâner, la tête balançante et les naseaux humectant les odeurs de la campagne essayant de chaparder ça et là quelques brins d'herbes. Les rênes longues, la jeune femme le laissait faire, après tout qu'il en profite lui aussi.

Après une heure de promenade, Esmelda remarqua qu'elle s'était un peu éloignée de ses chemins habituelles de sorti et qu'elle était un peu près du lieu de repos des vampires. Non, pas qu'elle en ait peur, mais il ne servait à rien de tenter le mal et de voir en sa présence comme un signe de mépris ou d'attaque.
La princesse allait faire demi tour quand se dressa face à elle une silhouette, féminine cela ne faisait aucun doute. Les cheveux attachés, la robe volant au vent léger, droite devant elle. Une vampire ? Sûrement pas ? En plein soleil, cela n'était pas du genre des créatures de la nuit. Alors si c'était une humaine que faisait-elle auprès des vampires ? Et surtout, Esmelda n'avait pas vu de femmes arrivées avec la délégation humaine. Suffisamment pour continuer de se rapprocher en pressant les flancs de sa monture. Quand elle arriva au niveau de la jeune femme, il ne faisait aucun doute qu'elle était humaine. Autre certitude, Esmelda ne l'avait jamais rencontrée.

La princesse posa pied à terre en glissant de sa selle d'amazone. En retirant ses gants, la jeune femme fit face à la jeune inconnue. Souriante, Esmelda s'approcha laissant son cheval brouté de l'herbe.

« - Enchantée. » dit-elle d'un voix joviale, laissant son totem donner courage à l'inconnue humaine.
Esmelda baissa la tête en signe de salut.

« - C'est une bien belle journée pour profiter du soleil. » assura-t-elle comme pour essayer de ne paraître pas trop brusque dans le déluge de questions qu'elle rêvait de lui poser.

« - A qui ai-je l'honneur ?? Je connais chaque humain présent sur le sol baptisrel et j'avoue ne pas reconnaître votre visage ? »

Le fin visage, après réflexion, était inconnu. Peut-être un vague souvenir, sûrement une ressemblance quelconque avec une de ses anciennes patiente, car maintenant que l'étrangère était plus près, la guérisseuse était incapable d'associer un son, une image ou un parfum aux traits délicats. Étrange impression que celle de croire reconnaître quelqu'un pour s'apercevoir après coup que ce n'était qu'une illusion.

En voyant s'approcher l'animal s’arrêter près d'elle et sa cavalière en descendre, Ambre se demanda un instant ce qu'elle devait faire. Voyant l'autre incliner simplement la tête, elle en déduisit qu'elle avait affaire à une noble ; mais de toutes les façons, elle ne pouvait pas avoir un rang social inférieur à celui de la jeune esclave. Aussi, tandis que l'inconnue ôtait tranquillement ses gants, la guérisseuse s'inclina devant l'étrangère, exprimant ainsi son respect et indiquant qu'elle la reconnaissait comme d'une position supérieure, bien qu'elle ne sache à qui elle affaire. Après tout, Ambre se moquait de ces histoires de hiérarchie, mais il était inutile d'offenser la première personne qu'elle croisait.

- Enchantée. C'est une bien belle journée pour profiter du soleil. A qui ai-je l'honneur ?? Je connais chaque humain présent sur le sol baptistrel et j'avoue ne pas reconnaître votre visage ?

Se redressant, la jeune femme observa pensivement le visage en face d'elle. Qui était donc cette mystérieuse inconnue, si sûre d'elle et qui semblait connaître tant de monde si ses dires étaient vrais ? Ce qui était sûr, c'est qu'elle avait reçu une éducation de la noblesse. Un port altier, une stature droite qui, bien que fine et délicate, imposait le respect à la guérisseuse. Pourquoi, les deux femmes étaient à peu de choses près de la même taille ; c'est à dire petites et mince. Avec amusement, la jeune rêveuse se fit la réflexion qu'elles se ressemblaient quelques peu : deux lianes minces et délicates, souriant sous le ciel bleu elfique.

-Bonjour, ma Dame. C'est effectivement une magnifique journée.

Le soleil leur réchauffait la peau et les oiseaux enchantaient leurs esprits de leurs chants mélodieux. Que demander de plus ?

-Je m'appelle Ambre Orétoile, ma Dame.

Elle hésita, quelque peu intimidée par l'assurance de son interlocutrice, avant de questionner à son tour :

-Puis-je me permettre de vous demander votre nom ?

Elle avait volontairement ignoré la seconde partie de la phrase de l'inconnue. Il était inutile de lui dire qu'elle était avec les vampires, cela risquait de l'effrayer, et Ambre ne tenait à faire peur à la charmante jeune femme qu'elle avait en face d'elle. Elle était heureuse de voir qu'il y avait quelqu'un de son âge avec qui elle pouvait bavarder. D'autant plus que l'autre semblait également rechercher le calme et la tranquillité, peut-être fuyait-elle les civilités qui l'entourait ? Il y avait fort à parier qu'elle était venue avec la délégation humaine, et devait donc avoir passé ses heures, depuis le début de son arrivée, à faire des courbettes et des risettes en tentant tant bien que mal de dissimuler sa fatigue ou son agacement. La regardant avec compassion, la guérisseuse lui sourit gentillement avant de reporter son regard mais le cheval dont elle venait de descendre. Émerveillée devant la beauté de l'animal, elle lui caressa doucement le chanfrein tandis que son totem agissait de lui même et que l'équidé fermait les yeux avec confiance pour profiter de la caresse.
Puisqu'il semblait être en pleine santé, Ambre en déduisit que sa cavalière en prenait soin ; elle ou ses garçons d'écuries, mais cela importait peu, les serviteurs étaient souvent semblables aux maîtres qu'ils servaient.

-Il est magnifique, souffla-t-elle, aux anges, en attendant la réponse sur l'identité de la cavalière.

Comme s'il l'avait compris, le cheval souffla et se frotta contre le bras de la captive, semblant fortement intéressé par les feuilles de menthes qui dépassaient.

Esmelda n'était pas du genre à se formaliser sur les règles de politesse, bien au contraire, avoir en face de soi une personne qui ne la reconnaissait pas ou bien qui ne se formalisait pas sur son statut était un bonheur exquis. Recevoir tous les jours du « Votre altesse » par ci du « Votre Grâce » par là... rien de mieux que de la voir comme elle était réellement et pas seulement en princesse. Alors la jeune femme se sentit bien plus à l'aise en voyant la jeune femme ne la reconnaissant pas. Souriante, elle lui donna cependant son nom.

« - Oh, je manque à toutes règles de politesse. Esmelda Kohan. Et enchantée de faire votre connaissance Ambre Orétoile.»

Mais il était vrai qu'elle avait bien plus l'habitude de ne pas s'entendre dire son nom. Il en était rarement la peine. Son visage suffisait. Comme quoi, cette humaine était vraiment étrange. Une Baptisrel ?? Elle ne savait pas qu'une jeune humaine l'était. Rherryn ne lui avait rien dit de tout cela. En même temps, depuis combien de moi avait-elle quitté les siens ? Trop longtemps ou suffisamment pour qu'on l'oublie déjà. Un sentiment de tristesse s'empara de son cœur. Non, pas qu'on ne se souvienne pas d'elle, mais qu'elle ne puisse savoir ce qu'il se passe dans son propre pays était un déchirement impardonnable pour la jeune femme. Mais comme à son habitude, elle ne laissa rien paraître. Et c'est avec un certain amusement qu'elle flatta l'encolure de son fidèle compagnon. Galaad son fidèle destrier, cadeau de son frère. Encore. Pourquoi cette fois-ci déjà ? Un énième voyage et on cajolait la petite princesse en lui ramenant un cadeau. Et pourtant la princesse aurait juste voulu un récit. Pas un cadeau qui pour elle signifiait juste, j'ai pensé à toi et on en parle plus. Ne pas parler. Greg n'était pas très bavard, bien plus avec elle, certes, mais il restait cependant discret. Et son frère lui manquait.

« -Merci, allez-y il est friand de câlins, n'en n'ayez pas peur, il est adorable et très doux. Il se prénomme Galaad. »

Blanc comme la lumière et aussi angélique que le blanc de sa robe. La princesse avait eu de nombreux chevaux, mais celui-ci. Il sortait du lot, caractériel, un rien cabotin, mais loyal. Il avait son âge maintenant et bientôt Esmelda le laisserait goûter à la joie d'une retraite bien mériter. Et cela peinait la princesse, encore un proche à partir.

« - Et je crois que ce petit curieux à découvert votre menthe, une chance que ce ne soit pas des pissenlits, il en raffole. »

La princesse rigola en le laissant faire, la jeune femme le pousserait selon son envie, mais surtout bien vite il changerait d'avis pour se concentrer sur l'herbe bien plus appétissante.

« - Vous vous y connaissez en plante ? De la menthe, il y a de nombreuses choses à faire avec ? »

Peut-être que de cette façon, Esmelda en serait plus sur la jeune humaine et le pourquoi de sa présence ici.

« - Peut être voulez-vous une sacoche plus à même de la conserver sans l’abîmer ?? J'en ai une sur l'accroche de ma selle.»

La… par tous les esprits, pourquoi ne l’avait-elle pas reconnu ? Voilà pourquoi  elle reconnaissait ce visage. C’était celui qu’elle voyait sur les affiches quand elle allait en ville. Oh certes, il est était plus jeune, mais le regard était le même. C’était celui d’Esmelda Kohan, la princesse de Gloria et tout le royaume humain.
Effondrée, Ambre s’empressa de la resaluer d’une profonde révérence, quitte à s’assommer sur le sol au passage, au moins n’aurait-elle pas manqué de respect à celle envers qui, plus que le Prince Noir, elle devait allégeance.

-Je… Veuillez me pardonner Majesté. Je ne vous avais pas reconnu.

En relevant timidement le regard, la jeune fille s’aperçut alors que la princesse semblait tout sauf en colère et vexée. A vrai dire, elle semblait plutôt ennuyée par la réaction de la guérisseuse.  Et bien, ne voulait-elle pas être reconnue ? Dans ce cas, il aurait mieux valu pour elle qu’elle s’abstienne de donner son nom. Mais les règles de courtoisie le lui avait imposé.  Et en tant que fille du roi, elle était dans l’obligation de se plier aux dites règles. «  La pauvre, songea Ambre. Si  jeune et pourtant  déjà écrasée par le poids des responsabilités ».  En y prêtant plus attention, elle remarqua quelques signes de fatigue et d’inquiétude sur le beau visage qui lui faisait face. Des cernes pour marquer ses yeux, quelques rides laissées sur le front, symbole de ses tourments. Non, ils n’étaient pas très visibles, peut-être même l’intéressée ne les avait-elle pas remarqué, mais ils étaient bien présent.  Sans doute cette évasion loin de sa cour lui était-elle bénéfique, et son interlocutrice était bien décidée à tenter de lui faire passer un agréable moment qui lui permettrait de se ressourcer.

-Oh, ne vous inquiétez pas, ce n'est pas un cheval qui vas m'effrayer, fit-elle en riant à demi.

Les animaux l'appreciait de par sa douceur et son totem, et elle le leur rendait bien. Et puis il suffisait de voir les montures des vampires pour apprécier ceux des humains. La robe blanche du destrier de la princesse était une agréable touche de douceur après plusieurs mois à ne voir que des chevaux noirs ou, si ce n'était pas le cas, sombre quoi qu'il arrive. L'obscurité pour les méchants, la lumière pour les gentils. Oui, dit ainsi, Ambre aurait elle aussi pensé « quelle banalité ! » mais prisonnière du mauvais côté de la balance, elle trouvait cela, finalement, plus effrayant qu'autre chose. Et la princesse de son peuple était tel un joyau étincelant dans la nuit, un précieux cadeau du ciel qui lui faisait revoir une humaine de son âge, quelqu'un avec qui elle pouvait échanger comme elle le ferait avec une amie. Et quand elle lui parla de plantes... La guérisseuse cru un instant voir le Dracos la saluer gaiement tellement elle en fut heureuse. Incroyable comme un rien pouvait la rendre joyeuse. Non pas qu'elle considère Esmelda comme du rien, non ! Ah, même dans ses pensées, elle réussissait à ne pas être claire. Chassant toute brume de son esprit, elle sourit à la noble dame qui lui faisait face :

-Ah, ma Dame, il n'y a pas meilleur réconfort qu'une infusion de menthe.

Des étoiles dans les yeux, elle commença à énumérer les bienfaits de ce qu'elle considérait comme une des meilleures plantes qui puissent exister :

-C'est un excellent antidépresseur et relaxant, elle permet au corps entier de se reposer et de se détendre. J'ai l'habitude de la conseiller beaucoup à tous ceux qui souffre de problèmes de digestion, mais elle est surtout utile pour réequilibrer l'esprit et le reposer.

Elle hésita quelques instants, rougit et balbutia, espérant ne pas choquer la noble dame :

-Je l'utilise aussi pour des problèmes strictement féminins, et bien que personne ne la considère comme vraiment efficace, j'estime qu'elle est l'un des meilleurs remèdes que l'on puisse trouver si on la fait chauffer dans du lait, avec une touche de miel. Je vous accorde que le mélange est quelque peu étrange.

Pressée de changer de sujet, elle termina par ces quelques mots :

-Sans oublier bien sûr qu'elle donne bien meilleure haleine et que brouillée et frottée sur la peau, elle éloigne les insectes.


Elle se stoppa brutalement, espérant ne pas avoir importuné la Kohan. Celle était d'ailleurs bien trop gentille pour sa propre sécurité, au moins les rumeurs entendues sur elles semblaient-elles fondées, elle n'était de toute évidence pas surnommée « la Généreuse » pour rien.

-Je vous remercie, Es... Votre Altesse
–elle se reprit de justesse, ayant quelques peines à appeler ainsi une jeune femme qui pourrait put être une compagne de jeu. Mais je ne pourrait malheureusement peut-être pas vous la rendre, alors je préfère ne rien vous emprunter.

Elle eu un sourire contrit avant de lui demander avec curiosité :

-Vous intéressez-vous à la botanique ?

Peut-être ne l'avait-elle interrogé que par pure politesse, mais elle semblait vraiment s'y intéresser, pour le plus grand bonheur d'Ambre.

-Si tel est le cas, Princesse, je serai honorée de vous guider dans votre découverte des secrets des plantes. Elles cachent bien plus que leur simple apparence fragile ne le suggère...

Des joyaux, elles aussi. Les joyaux de la Nature, qu'il fallait respecter ; en échange de quoi ils pouvaient vous sauver la vie.

La princesse lui sourit avec douceur quand la jeune femme s'excusa de ne pas l'avoir reconnu. Il n'y avait pas mort d'hommes, mais lui dire bonjour et la saluer comme il se devait semblait être d'une importance capitale. Comme si Esmelda les jugerait et les catégorisera sur cette simple première rencontre. Mais heureusement pour elle, la jeune princesse allait bien plus loin que cette simple convenance du salut. Sinon elle se serait faites avoir un bon nombre de fois avec tous ceux qui lui passait de la pommade, des courbettes à tout va et des mots bien doux flatteur à ses oreilles.
Alors qu'une jeune inconnue ne la reconnaisse pas et s’excuse par la suite, il y avait là quelque chose de touchant et d'innocent.
Esmelda se dirigea vers sa selle, comme pour ne pas rester sur ce départ qui semblait déranger la jeune Ambre, plus que l'amuser comme la princesse. Galaad lui semblait bien heureux qu'on s’intéresse à lui pour le câliner et le laisser aller à ses libres mouvements. Deux fois plus de mains pour le gratouiller.

La princesse décrocha la sacoche bien attachée à sa selle d'amazone. On avait toujours besoin de ce genre de chose, la preuve pour la jeune humaine. D'une oreille attentive et studieuse, elle revint se poster près d'elle tenant la sacoche dans les mains.

Esmelda avait une connaissance basique des plantes. Des principales, et encore, pour la menthe, elle n'en connaissait pas toutes les subtilités avant que sa nouvelle compagne du moment le lui apprenne. Et pourtant des informations bien utiles qu'elle rangea dans un coin de son cerveau. Une si petite plante qui faisait bien beaucoup de choses et guérissait bien des maux. Si la jeune femme avait d'autres bottes plus secrètes, Esmelda en voulait. Il y avait toujours à apprendre pour soigner les autres. Sa grand-mère maternelle était une grande soigneuse. La vieille femme avait commencé à apprendre à la jeune princesse les rudiments des plantes, lui apprendre à les reconnaître, à les apprécier, mais le Dracos la rappela à lui bien trop vite. Cette femme avait été une amoureuse de la nature, elle avait même créée un parc floral ouvert à tous, dans la ville de Lyssa. Esmelda l'avait pleuré et la nature la princesse ne l'avait appréciée que lors de ses promenades à cheval.

Alors avec un brin de nostalgie, la jeune femme avait envie d'en savoir plus. Des souvenirs revenant à sa mémoire, elle regretta de ne pas avoir pu en apprendre plus de sa grand-mère, encore un écart dû à la vie à la court. Tout comme pour sa mère. Savait-elle qu'Esmelda était enfermée ici ? Avait-elle été en accord avec son fils sur ce mariage ?

Esmelda ferma les yeux et se reconcentra sur la guerisseuse.

« - Ne vous en faites pas pour la sacoche. Je l'ai acheté en venant m'installer au pays elfique. Dans un petit village. Une vieille femme récupère de vieux chiffons pour en faire de belles sacoches. Prenez-là, ça me donnera une bonne excuse pour retourner lui en acheter une. Je vous l'offre avec plaisir. »

La princesse proposa d'un geste de la main à la jeune Ambre d'avancer pour lui en montrer bien plus.

« - J'aimerai que vous m'en appreniez plus. Je m'y suis intéressée puis la vie a fait que je me suis concentrée sur autre chose. Surtout que vous semblez bien vous y connaître. Il y a souvent des surprises aux détours des sentiers. Et ce lieu est un bonheur pour les plantes, et les botanistes. »

Vraiment, la princesse était beaucoup trop gentille. Embarrassée, Ambre finit toutefois par accepter la sacoche qu'elle lui tendait, murmurant une série de remerciements à l'adresse de sa bienfaitrice. Elle récupéra la sacoche simple mais pratique qu'on lui tendait et glissa les quelques feuilles qu'elle avait ramassé. Elle allait pouvoir retourner en chercher, et, en même temps, faire découvrir à Esmelda les secrets des plantes. Du moins ceux qu'elle connaissait. Elle espérait que cela lui plairait. La jeune femme avait semblé soudainement bouleversée quelques instants plus tôt, probablement un mauvais souvenir. Il faut dire que la vie à la Cour ne devait pas toujours être de tout repos. Pauvre petit papillon, prisonnier d'une cage en verre. Si elle aimait la nature et la liberté, la simplicité, être princesse devait être pénible.

-Hélas ma Dame, il ne pousse pas tant de plantes guérisseuses que l'on pourrait le croire. Je crois que la forêt en elle même en regorge, mais ici... Le puits rend l'air trop lourd pour beaucoup de ces petites merveilles.

Elle caressa une dernière fois le cheval de la nouvelle venue et, lui faisant signe de la suivre, se dirigea gaiement vers le petit bosquet où elle trouvé sa menthe. S'agenouillant dans l'herbe tendre, sans pitié aucune pour sa robe, elle ausculta rapidement les feuilles, et montra à la Kohan comment repérer celles qui vieillissaient déjà ou étaient malades face aux plus tendres :

-Il ne faut jamais cueillir plus d'un tiers des feuilles tendres, car elles sont le futur de la plante. Les prédateurs, la maladie... Il leur faut de quoi survivre.

Une fois un certain nombre mit dans la sacoche, elle se releva et, avançant à pas lents à la recherche d'autres trésors, demanda avec curiosité à sa compagne :

-Dites-moi, sans indiscrétion, comment est-ce, la vie à la cour ?

N'ayant vécu qu'à la campagne, Ambre ignorait totalement ce qu'était la vie à la cour. Selon sa mère, il s'agissait d'un « nid de vipères ne pensant qu'à l'or et à leur fierté personnelle » et selon ses amies, c'était un paradis où les belles dames côtoyaient les beaux messieurs. Et étonnement, malgré sa nature rêveuse et optimiste, La jeune fille avait toujours cru sa mère plus que ses amis. Il y avait tant d'amertume dans sa voix, lorsqu'elle parlait des nobles et des riches, que l'enfant si sensible était persuadé qu'elle savait de quoi elle parlait.
Et quand à parler de la vie auprès du Prince Noir... et bien elle devait être bien différente de celle que connaissait Esmelda. Plus violente, plu sanglante, sans personne pour faire preuve de compassion, une vie de solitude et de servitude pour le moins désagréable. Lui vint alors à l'esprit qui, pour la princesse, devait paraître simple curiosité, mais qui representait bien plus pour la jeune femme :

-Il y a t il des esclaves à la cour ?

Elle esperait ne pas l'offenser. Parfois les gens prenaient ombrages de bien peu de choses...
Son étude de la société humaine prit brusquement fin quand elle aperçut des baies de sureau. Avec un sourire ravi, elle cueillit quelques grappes qu'elle montra à Esmelda :

-Voyez, princesse, ces sont des baies de sureau noir. Il est comestible, mais il faut le faire cuire pour en supprimer les effets néfastes. On l’utilise principalement en sirop contre les rhumes et les maux de gorge, il est mauvais pour la santé s'il est mangé cru.

Levant un regard grave sur son « élève », elle plongea ses yeux bleus dans ceux, noisettes, de la jeune femme :

-Faites attention, celui-ci est comestible et utilisé dans la médecine, mais de son frère qui lui ressemble tant, on tire des poisons. Regardez. Celui-ci tourne ses fruits vers le sol, tandis que son jumeau maléfique les tourne vers le ciel. C'est principalement ainsi que vous ferez la différence.

Elle glissa sa récolte dans la sacoche, prenant garde à ne pas la tacher. Si elle commençait à salir les rares cadeaux qu'on lui faisait avec gentillesse, il n'allait plus lui en rester beaucoup...

Esmelda suivit la jeune femme dans ses explications. Elle semblait vraiment bien s'y connaître et surtout avoir un respect immense pour la nature. En même temps, si on la connaissant si bien il fallait l'aimer et la respecter. Et Esmelda voyait dans les yeux de la jeune femme l'amour et la passion qu'elle avait pour les secrets et les bienfaits que la nature offrait à qui savait regarder.

« - Pas plus d'un tiers ? C'est une bonne chose de voir que vous pensez à l'avenir, même s'il s'agit de plantes. Beaucoup pense trop que même une chose insignifiante comme une plante sauvage ne mérite pas plus d'attention. Alors qu'elle peut nous apporter tant.  »

Esmelda s'était accroupie pour regarder de plus près les feuilles que lui montrait la jeune guérisseuse. De ses mains fines, elle touchait à peine les plantes, comme pour en capter l'essence même.
Elle se redressa un peu à la questions sur l’esclavagisme. Question, un peu étrange. Pourquoi une telle question ? La princesse regarda un peu décontenancé la jeune femme. Des esclaves, il devait en avoir, peut être dans des régions un peu reculées, ou des prisonniers dans le fin fond des campagnes. A vrai dire, elle n'en savait rien. Mais la princesse se refuserait à une telle chose. Disposer d'une personne, de sa vie, non. Les Hommes naissent libres. Ils sont ensuite responsables de leurs actes. Et la case prison était une autre question.

« - La cour ? Euh.. La vie à la cour est ...ce qu'elle est. Les journées se ressemblent et suivent un programme protocolaire. Suivant votre place dans la hiérarchie de la noblesse, les journées diffèrent. Mais l'essentiel tient aux jeux, aux sorties à cheval, la chasse, la musique, danse, banquets, lecture. Les hommes sont plus autour du conseils et de la politique, les femmes autour des arts. Cela vous plairait-il de venir un jour voir la vie à la cour ? Je vous inviterai avec plaisir. »

La princesse était sincère. Après tout vivre et voir la cour, c'était la meilleure façon de se rendre compte de comment cela se passait. Puis Esmelda avait un statut à part. Comment dire qu'elle avait depuis le petit matin, des personnes qui viennent vous réveiller, vous laver, vous habiller, et vous explique votre journée. Que la plupart du temps, on vous impose des choses inutiles et que chaque moment de bonheur à dévorer des ouvrages, à monter à cheval, à rendre visite aux orphelins ou aux marchands de la vieille ville, sont vus comme non convenables pour une princesse. Oui il fallait juste rester assis à attendre un bon mari et en attendant à faire juste acte de présence au sein de la noblesse. Princesse d’apparat, ce n'était pas pour Esmelda. Cela ne l'avait jamais été, déjà enfant et jeune adulte ça ne changeait pas.
Sauf là...

« -Des esclaves ? Non. Il n'y a pas d'esclaves chez les humains. A la cour, le personnel, les valets, femmes de chambre, cuisiniers ou autre sont libre, payés. Je ne permettrai pas qu'il y ait une personne se sentant esclave au sein du palais de l'empire. »

Et sa voix montrait clairement sa détermination sur ce point.

« - Je peux vous demander pourquoi cette question ? »

Parce que mine de crayon, ça intriguait la jeune princesse.

« - Les plantes sont malines. Bonnes cuites mais pas crues. Macérée ou en infusion. Où avez-vous appris toutes ces choses ? »

Et une deuxième questions qui intriguait aussi la princesse. En espérant seulement que la jeune femme veuille bien lui répondre.

-Les plantes ont tout autant le droit d'exister que nous, Princesse, c'est pour cela que j'y fais attention. C'est d'elle que nous tirons nos sources de réconfort et de guérison, ne pas les respecter reviendrait à ne pas respecter l'art de la guérison. Ceux qui croient pouvoir piller impunément Dame Nature ne sont que des sots.

La réplique avait été faite avec un sourire amusé malgré le sérieux de la phrase. Voir que la princesse approuvait et comprenait ses choix la réconfortait. La douceur, selon la jeune femme, était une chose essentielle pour régner correctement et se faire aimer de son peuple. On ne peut se prétendre roi si le pouvoir a été prit par la force. Un suzerain aimé est bien souvent un bon suzerain. Tel était le point de vue d'Ambre. Peut-être qu'elle n'était pas vraiment placée pour poser une opinion sur la définition d'un bon roi –d'autant plus que le seul exemple que sa jeune vie lui ai permit de voir en direct était vraiment un mauvais exemple– mais en tant que fille du peuple elle savait, pour celui-ci, ce qui était le mieux.
Fille du peuple qui se trouva gracieusement invité à la cour par la princesse elle-même. Les yeux pétillants, la jeune fille eut un large sourire :

-Oh oui, j'en serai ravie Ma Dame. Ce serait un immense honneur !

De toute évidence, aucune des deux ne prenait en compte le bouleversement qui secouait Armanda. Admettre qu'aucune des deux ne pourrait aller à la cour aurait été un signe de mauvais augure, un porte malheur. Hors il n'était pas question de cela. Mieux valait penser à la paix, cela la ferait peut-être venir...

La vie que lui décrivait Esmelda semblait bien loin des journées que passaient Ambre. Elle n'avait jamais connu ce carcan que semblait imposer la société. Seul celui que sa famille lui avait imposé avait joué un rôle semblable, mais à plus petite échelle.
De nouveau, la guérisseuse se sentit pleine de compassion pour la jolie princesse. Elle qui semblait tellement apprécier la liberté, cette vie qui était la sienne devait être bien pénible. Au moins la guerre lui permettait-elle de se sortir de cette prison dorée ; sous quelque chose de sombre se cachait toujours une petite lumière qui rendait la chose plus supportable. Il suffisait de s'enfoncer loin dans les ténèbres pour la récupérer. Et Dracos savait que la petite humaine avait l'habitude des ténèbres.

-Je ne permettrai pas qu'il y ait une personne se sentant esclave au sein du palais de l'empire.

Et bien, voilà qui était agréable à entendre. Cela réconfortait la captive des vampires de savoir que peu de monde subissaient cela. Jetant un regard affectueux et respectueux à la noble dame qui marchait à ses côtés, la guérisseuse préféra toutefois ne pas répondre à la première question. Elle saurait bien assez tôt ce que la jeune fille était. Heureusement, les plantes la sauvèrent une nouvelle fois et la curiosité d'Esmelda joua en sa faveur.

-Mes deux parents sont guérisseurs Princesse. J'ai moi-même étudié l'art des plantes étant enfant pour pouvoir, à mon tour, aider les miens à conserver une bonne santé, tant morale que physique.

Aider les miens... De la bouche d'une autre, il aurait été facile de croire qu'il s'agissait de la famille et des proches de la concernée. Mais de celle d'Ambre, nul n'aurait put douter qu'elle parlais de tout être vivant d'Armanda. Pas seulement les humains ; si elle pouvait, de près ou de loin, aider un animal ou un elfe, elle le ferait sans hésiter. Car pour elle, tout être vivant était sur le même pied d'égalité que les autres. Peut-être certains n'appréciaient-ils pas de se sentir mit au même rang qu'un escargot, mais c'était ainsi.

-Cela vous aurait-il plut, de devenir guérisseuse ? Vous semblez fort aimer la nature et respecter la vie.

Esmelda laissa, songeuse, exprimer son opinion. Ce qui était assez rare en ces instants de négociations où régnait plus un silence non froissant, au cas où. Un mot de travers et la paix pouvait être encore bien plus menacée. Une ligne à ne pas franchir, toujours un pied sur un fil, il était bien difficile de savoir ce qui était bon à dire ou pas.

« - Si seulement tout le monde pouvait penser comme vous. Il est déjà bien difficile de faire respecter son voisin, ou bien ceux d'une autre races, un animal, alors une plante, cela fait partie du décors hélas. Heureusement il existe des personnes comme vous, à les connaître, les respecter et donner envie d'en apprendre bien plus sur elles. »

Ce qui était là la plus grande tristesse de la princesse : savoir s'ouvrir aux autres malgré les différences.

A son invitation, Esmelda fut heureuse de voir que la jeune femme était ravie de se voir accorder le droit de venir à la cour. La princesse ne voyait pas l’intérêt, mais si la jeune femme pouvait l'aider et la rendre heureuse, pourquoi pas. En espérant qu'elle ne soit pas déçue. En même temps la jeune Ambre n'avait pas le même rapport à la cour que la princesse Esmelda.

« -Mais l'honneur serait pour moi. Avoir une jeune femme connaissant autant la nature et la respectant. Je pourrais ainsi vous montrer les plantes qui ornent les jardins du palais. Même si le grand parc de Lysa est bien plus intéressant et dispose d'une vaste composition florale. Ma grand-mère l'a créé pour disposer et montrer aux habitants les merveilles qui composent Armanda. »

Oui, qu'aurait-elle fait si elle n'avait pas été née Kohan ? Guérisseuse. Sûrement. Aurait-elle eut le même caractère, la même détermination à aider les autres ? Seul le Dracos le savait. Mais aurait-elle eut la même force magique et par là la volonté à la mettre au service des autres ?

« - Oui j'aurais aimé. Sans doute si je n'avais pas été princesse. Je guéris, un peu, mais par la magie. Lors de l'épidémie, il y a un an, j'ai pu me recueillir auprès de malades et les soigner grâce à elle. Suite à cela, des dispensaires quotidiens ont été ouverts dans de nombreuses villes, mais j'avoue que de pouvoirs apprendre et ensuite dispenser un enseignement à tous sur les rudiments des guérissons serait une bonne chose. Sans magie, car tous n'ont pas cette capacité. Et même au fin fond des campagnes, il serait possible de se soigner, sans avoir à aller en ville. Ce serait une belle avancée concernant la santé du peuple humain. »

Mais elle était née princesse et coulait dans ses veines une volonté farouche d'apporter au peuple que sa famille gouvernait une vie des plus paisibles et des plus simples possible. Une tâche immense, mais n'était pas empereur ou de sa famille qui voulait. Ce n'était pas de tout repos, elle le concédait bien. Mais jamais elle ne s'en plaindrait, chacun ses responsabilités et Esmelda avait à cœur des siennes.

« - Et comment ne pas respecter la vie quand dépende de vous un bon nombre de personne. Quand à la nature. Elle parle pour elle même. Tant de beauté et de chose à apprendre. »

Dit-elle en caressant une belle fleur d'un orange éclatant. Une couleur que seul la nature pouvait créer avec l'aide du Dracos.
Esmelda se retourna et fit face à la jeune guérisseuse, quand elle vit à son poignet un bijou. Et en femme assez coquette, elle appréciait les beaux bijoux.

« - Oh quel joli et étrange bracelet que vous avez là. Je n'en n'avais jamais vu de tel, simple et élégant. Les miens sont toujours trop... trop, on s'entête à toujours vouloir en faire trop. »

Un jardin royal... Le rêve de tout botaniste à n'en pas douter. Des allées à perte de vue, de fines bordures de pierre protégeant les précieuses plantes des visiteurs indésirables tels que l'étaient souvent les escargots, limaces et autres grignoteurs, de longues feuilles vertes s'enroulant délicatement sur elles même tandis qu'à leur pied poussaient timidement les aromates... Que pouvait donc rêver de plus un guérisseur ? Enfin, une guérisseuse en ce qui la concernait ? Et puis si elle allait à la Cour, peut-être aussi aller faire un tour dans ce Parc de Lysa dont parlait la princesse, dont la famille avait, semblait-il, de bonnes idées...

-Et bien, peut-être pourrez vous un jour me faire découvrir les merveilles de Gloria, Votre Altesse.

Elle espérait ne se montrer trop présomptueuse. Esmelda était une Kohan, une princesse, une femme occupée qui n'avait probablement pas ou peu de temps pour elle, Ambre ne voulait en aucun cas la déranger ou s'imposer en lui faisant promettre une telle chose. Bien sûr, peut-être cela lui permettrait-il de se détendre, une sortie ainsi. Mais rien n'était sûr.

Avançant toujours cote à cote à pas lents, les deux femmes tentaient, du moins pour la guérisseuse était-ce le cas, de repérer quelque chose d’intéressant tout en écoutant l'autre. C'est ainsi que la jeune fille apprit que la noble dame aurait apprécié pratiquer son art, si la vie lui avait permit de le faire.

-C'était un beau geste, d'aller ainsi au contact du peuple. Peu de suzerain l'aurait fait, se mêler ainsi parmi vos sujets pour les aider et les guérir.

Elle s'arrêta un instant pour admirer le tracé d'un oiseau dans le ciel bleu, puis reprit avec un sourire :

-Je fais un peu de magie, mais j'avoue n'avoir qu'un niveau correct. Ce serait pourtant avec plaisir que j'en apprendrais davantage. C'est un art des plus intéressants et des plus incroyables. Bien qu'effectivement, hélas, tous n'y ai pas accès.

Oui la magie était ce qu'il y avait de meilleur en ce monde. N'était-ce pas elle qui avait, en parie, façonné les elfes, ce beau peuple, et les dragons, enfants du Dracos ? N'était pas elle qui faisait que l'air était plus léger et que les étoiles brillaient plus ? Non ? Bon, effectivement, concernant ces deux derniers points, ce n'était pas elle. Elle avait d'ailleurs également créé les vampires, ces suceurs de sang nocturnes, et certains sorts n'étaient pas des plus agréables. Mais Ambre restait toutefois persuadée qu'elle était bonne à la base, et que certaines personnes, certains êtres l'avait détournée et utilisée à des fins des plus horribles.

-N'avez-vous pas des guérisseurs qui pourraient enseigner la base de leur art au peuple ? Ne serait-il pas possible de... trouver de jeunes personnes désirant le devenir qui, dans leur formation, se verrait dans l'obligation de parcourir un certain nombre de villes pour apprendre au peuple à se guérir ?

Bon, ce serait peut-être difficile à mettre en place, mais la jeune fille était persuadé qu'avec le temps, cela pourrait être possible.

Ses réflexions furent interrompues par la question si innocente de la princesse. Sur son visage si expressif passèrent diverses émotions : la surprise, la honte, la colère mais surtout, une infinie tristesse et une immense douleur, avant de finalement afficher un sourire forcé.

-Je... merci. Il m'a été offert par...

Elle s'arrêta, aussi bien dans ses allées et retour que dans ses paroles. Offert par l'un de vos ennemis juré ? Non, pas terrible. Par le Prince vampire, par Lorenz Wintel, par celui qui l'avait arrché à sa famille ? Non plus. Esmelda risquerait de s'en trouver profondément choquée, horrifiée ou troublée. Mieux valait ne rien dire dessus ; elle n'acheva donc pas sa phrase.

-Oui, il est simple, et s'harmonise à toutes les tenues, c'est exact. Mais il n'a aucune valeur, pas même sentimentale.

Elle eut un étrange sourire tordu avant de terminer :

-Ne me demandez pas pourquoi je le met, je ne pourrai pas vous répondre.

« - Cela serait avec un immense plaisir. Gloria regorge de beauté naturelle. Même aux alentours de la ville. »

Esmelda se tut devenant bien plus sombre tout à coup. Pouvait-elle parler de sa ville de naissance encore de cette manière ? Les alayens n'avaient pas déjà tout détruit sur leur passage ? Que restait-il de cette ville que la princesse avait arpenté tant de fois ? L'immense chêne sur la colline avoisinante était-t-il toujours debout ? Et le petit pont de bois surplombant le petit ru, permettait-il toujours de passer d'une rive à une autre ?

La jeune femme eut d'un coup juste envie de crier sa colère et sa haine pour expulser tout cet amas de peine d'haine qui se formaient au creux de son ventre. Mais une jeune femme de sa condition ne devait pas montrer ses sentiments et encore moins les partager. Alors elle sourit tristement avant de passer à autre chose.

Et parler de son peuple, il n'y avait rien qui lui tenait plus à cœur, même si pour le moment, la princesse ne pouvait rien pour lui, à part prier le Dracos.

« - Mais c'est le rôle d'un bon suzerain de se rendre auprès du peuple dont il a la responsabilité. Pour les moments de joies et de fêtes comme dans les malheurs. Pour montrer son soutien, sa peine, sa joie. Alors les aider à guérir était tout naturel. Suzerain ou pas. »

Esmelda ne voyait pas ça comme un devoir ou quelque chose qu'on impose. Pour la jeune femme ça allait de soit. Elle avait les moyens financiers, matériels et magiques pour aider, alors pourquoi ne pas le faire. Pauvre, elle aurait de même, à plus faible moyen.

« - Quand à la magie, je connais celle de la guérison, c'est celle que je maîtrise le mieux. Peut être puis-je par la suite vous en apprendre plus ? Enfin, si cela vous convient ? En échange de vos cours de botanique. »

Après tout, c'était là un échange de bon procédés. Ce genre de chose que la princesse aimait. Donner et recevoir par des simples choses, sans passer par l'argent. Juste par les savoirs, les connaissances, l'Homme pas le matériel.

« - Je pense que cela serait possible. C'est même une bien bonne idée. Mais je vise à long terme, installer des bâtiments de soins plus conséquents et nombreux. Des lieux de maladies cloisonnant les infections en un lieu. Cela réduirait les épidémies. Mais il est vrai qu'il faut développer cet aspect de la guérison en multipliant ceux qui peuvent apporter leurs aides et magiques et botaniques. Une alliance des deux pour le bien de la santé du peuple humain. Ro je parle, je parle, j'en oublie vos conseils et je ne vous laisse pas parler de votre don. Mais ce sujet me tient tellement à cœur. »

La princesse se dirigea vers une plante aux formes étranges et aux couleurs aussi variés que d'une beauté éclatante, quand elle vit que le visage de la jeune femme changea de couleur. Avait-elle touché un sujet sensible ?

« - Vous n'avez pas d'explications à me donner, seulement, je n'en avais jamais vu de tel. »

Esmelda la regarda un instant, elle lui cachait quelque chose mais quoi. Surtout pourquoi. Car elle était la princesse ? Esmelda ne l'espérait pas, mais ne pouvait que comprendre. La princesse ne se révélait pas, mais on lui cachait aussi beaucoup de chose, pensant que cela n'avait aucun intérêt aux yeux de la jeune Kohan. Et pourtant.

Ambre sourit ; elle qui avait vécu dans un des villages entourant Gloria savait à quel point la région pouvait être magnifique. Amaryllis était à plusieurs heures de la capitale, dans laquelle l'enfant qu'elle était alors n'allait que peu, mais elle pouvait y voir, lorsque le soleil brillait, le palais dont les tours étincelaient de loin. Elle avait toujours voulu y aller, mais elle n'était rentrée que dans le quartier pauvre prodiguer des soins à de pauvres malheureux. Sa mère, issue de quartiers plus élégants, s'étaient toujours fermement opposée à ce qu'elle se risque à s'aventurer dans ce monde d'hypocrites et d'avares, où les seules amitiés possibles étaient celles liées à l'argent et au rang. Si Esmelda était toujours aussi sincère, le temps passer bien lentement au milieu de ce triste monde. Et la guérisseuse sentit son admiration elle s’accroître encore davantage. Cette femme merveilleuse ressemblait à ce qu'Ambre aurait voulu pouvoir devenir.

-Beauté naturelle dont vous faites partie, ma Dame , remarqua-t-elle timidement.

Peut-être la princesse croyait-elle qu'elle voulait découvrir la Cour pour ce qu'elle était, mais c'était faux. Ce qui intéressait l'esclave étaient les merveilles que cachait la ville. Elle avait vu les malheurs qui régnait dans la ville pauvre, elle voulait admirer l'opulence des beaux quartiers et s'en offusquer, pouvoir être fière de son petit village où régnait l'entraide et la générosité.

-Des bons suzerains malheureusement, il y en a bien peu. Pour une dizaine de bons s'en trouve des centaines tyranniques, méprisants et méprisables ou bien encore incapables de gouverner avec sagesse malgré toute leur bonne volonté.

Une petite musique résonna soudainement dans sa tête. Elle venait de se souvenir que c'était la famille de la jeune femme qui gouvernait. Elle avait intérêt à se reprendre vite avant que la princesse ne se sente insultée !

-Enfin, c'est du moins ce que nous disent les livres et les histoires. J'ai pour ma part eu la chance de ne connaître qu'un bon roi, j’espère que ça va durer. Il peut arriver bien des choses en tres peu de temps, finit-elle dans un murmure.

De quoi assombrir le moral plus sûrement qu'un jour de pluie. Mais la princesse eu une proposition qui leur redonna le sourire à toutes les deux, leurs permettant de ne pas sombrer dans la noirceur.

-Oh oui ! Ma tante m'a enseigné ses connaissances sur la magie mais il me reste bien des choses à apprendre encore. Vous verrez. L'art des plantes demande tout autant de patience et d'assiduité, mais le bonheur qu'il procure quand on réussit à sauver une vie vaut celui que peut procurer la magie.

Elle inspira un instant l'air pur qui l'entourait avant de conclure avec douceur :

-Je les trouvent tous deux intéressants, bien que la magie soit un moyen plus rapide, bien que plus epuisant, que les potions.

En fait, les deux se complotaient plus ou moins, mais elles en avaient assez parlé.

-Vous n'avez pas d'explications à me donner, seulement, je n'en avais jamais vu de tel. 

-Il vaut mieux pour vous que ce soit le cas, il n'est pas très agréable à porter, mais parfois, nous n'avons pas le choix.

Elle eut un sourire triste en observant la jeune humaine. Peut-être pouvait-elle lui en dire davantage sans dévoiler ce qu'elle était.

-Il contrôle ma magie, m’empêche de l'utiliser. Cela peut paraître bien cruel dit ainsi, mais il me sauve la vie au besoin aussi.

Pas à proprement parler, non. Il indiquait juste aux vampires qu'il ne fallait pas la toucher car elle appartenait à Lorenz. Et en cela, il lui garantissait la vie sauve. Elle fixa la jeune femme à ses côtés avec toute gravité du monde :

-Je ne vous conseille pas de chercher à en acquérir de semblable Princesse, le prix à payer est élevé, très élevé !

Et sa voix indiquait clairement qu'elle n'avait nulle envie d'en parler davantage, bien qu'elle ne tenterait jamais de le faire comprendre explicitement à Esmelda ; son visage, vrai livre ouvert sur ses émotions, parlait pour elle.

Esmelda avait l'habitude des compliments. La princesse Kohan en recevait de nombreux tous les jours et ce depuis toute petite. Toute sorte de compliments, mais la plupart n'était que mensonge, fausse parole et très vite la petite princesse eut le devoir de faire la part des choses entre vérité et léchage de bottes. Mais il était des personnes où la jeune femme n'avait même pas besoin de chercher à savoir le vrai du faux. Cela se voyait, se sentait au fond de leurs yeux ou au timbre de leurs voix. Comme pour Ambre.
Esmelda fut gênée et ne sut quoi dire. On avait beau l'appelé le joyau de l'empire, elle ne se sentait pas moins simple pierre qu'on ornait seulement d'atouts pour la rendre brillante.

« - Je vous remercie du compliment et je ne peux que vous le rendre. Avec sincérité. »

Même si la suite ne fut guère dans la même mouvance de gentillesse. Apparemment la jeune Ambre avait un grief contre l'empereur ou bien les membres de sa famille ou le pouvoir en général.
Cependant la princesse ne put que sourire devant tant de sincérité qui émanait de la guérisseuse. Il n'y avait rien de plus agréables que d'avoir en face de soit quelqu'un qui dit ce qu'il pense, que cela entache la famille royale ou pas. Que cela plaise ou non, du moment que cela était dit avec le cœur et en conscience de toute chose.

« - Le pouvoir est une amie infidèle, et de bonnes épaules et une tête claire et bien remplie ne sont l'apanage de tous les hommes, qu'ils fussent noble, empereur, paysan ou forgeron. L'apprivoiser demande du temps, des erreurs et des réussites. Un bon roi est celui qui ose et qui n'a pas peur de se mouiller les mains. Qui voit par lui même. Et qui réfléchit par lui. »

La princesse redressa sa tête vers la jeune femme, après en avoir détourné un instant la tête.

« - Mais oui, j'espère aussi que cela va durer. Mais il n'y a pas de raisons. Notre empereur est solide et a encore tant à faire. Et je ne dis pas cela car il est mon frère. Mais parce que je le pense. »

Pauvre Greg. Le pouvoir lui tombant dessus. Devenir empereur, il avait préparé cela toute sa vie, mais il ne l'avait jamais voulu. Cela signifiait avant tout la mort de leur père. Ce père aimé, adoré, bon, loyal, juste, droit. Les responsabilités arrivaient de suite alors que la douleur et la peine ne passaient pas avec le temps. Avoir au creux des mains la vie, la responsabilité de tant de personne. Et tout le monde avait l'oeil sur vous. Tout le temps. Le moindre faux pas, la moindre parole. Tout était décrypté.

Mais Esmelda ne voulait pas penser à cela en cet instant. Parler de magie et de plantes, de guérissons et d'apprentissage, il n'y avait rien de plus encourageant pour l'avenir, un espoir, une avancée. Alors il fallait mieux s'attarder sur ces mots, que sur la politique actuelle bien terne. Et puis Esmelda aurait le loisirs d'en parler sous peu lors des négociations et de se baigner dans les faux semblants que la nature et la magie pure n'offraient pas aux âmes sensibles et admiratives de la beauté simple.

« - La magie ne peut être utiliser à bon escient en matière de soin que si elle est compléter par les bienfaits de la nature. L'une et l'autre sont liées. La magie est présente dans chacune de nos activités. Un renfort, une présence, mais rien ne peut remplacer le savoir des choses qui nous entourent. Car la magie est aussi infidèle que le pouvoir. Tout aussi fragile. »

La jeune Ambre revint sur son bracelet. Elle semblait vouloir éviter le sujet comme le besoin étrange d'en parler. Esmelda la laissa faire. Le sujet semblait la troubler et la princesse respectait son choix. Même si la jeune Kohan sentait que ce bracelet n'était pas que joaillerie ou souvenir de famille. Ambre ne voulait pas lui dire le pourquoi du comment mais à demi mot elle se laissait quand même aller à une mélancolie profonde et touchante. La princesse ne pouvait la laisser seule dans son désarroi.
La princesse posa une main douce et compatissante sur le bras de la jeune guérisseuse.

« - Ce prix élevé est votre liberté ??? Libre mais sauve. La magie peut se contrôler, autrement que par le contrôle et emprisonnement de ce que vous êtes. Vous êtes intelligente, posée et réfléchit. La magie qui coule en vous ne peut en être autrement. »

La princesse lui sourit avec douceur et parla avec une tendresse sincère.

« - Nous portons tous des chaînes. Un bracelet, un titre, mais il y a une chose que personne ne peut nous voler, c'est notre volonté à aller de l'avant et à espérer un monde meilleur, pour nous, pour les autres. Il suffit juste ensuite de savoir si on désire voir ce rêve n'être que rêve ou bien réalité. »

Hochant la tête avec grâce, la jeune femme remercia doucement la princesse si sincère. Bien sûr, la courtoisie aurait de toute façon demandé à la noble dame de retourner le compliment, à moins qu'elle ne s'en sorte d'une pirouette. Mais les mots qui sortaient des lèvres fines et bien dessinées vibraient de sincérité. Sans doute était-elle surprise de trouver en la guérisseuse plus d’honnêteté à laquelle elle était habitué, car la jeue fille pensait sincèrement ce qu'elle avait dit. La beauté ne résidait pas seulement dans la grâce des traits —–bien que ceux d'Esmelda, quoi qu'imparfaits, possèdent un attrait et charme qui leur était propre– mais aussi dans l'expression du visage et des qu'il provoquait lorsqu'on l'apercevait. Douceur, affection, sympathie, tels étaient ceux que l'on pouvait ressentir devant le visage de la Kohan. Sa bonté transparaissait sur son visage et faisait d'elle une femme brillante, s'accordant parfaitement avec son esprit fin.

Heureuse de ne pas l'avoir vexé, Ambre hocha pensivement la tête. Le nouveau roi semblait bien jeune, et arrivait au pouvoir en des temps bien troublés. Elle avait cru entendre qu'elle s'en sortait plus bien, mais ne vivant plus sous sa domination, elle n'était pas vraiment au fait des événements.

-Nous verrons ce que l'avenir nous réserve. Malheureusement pour lui, votre frère est monté sur le trône en des temps sombres, puisse le Dracos le guider. Je ne doute pas qu'il parviendra sans peine à gouverner avec sagesse, surtout avec vos conseils et votre soutien.

La vie de roi devait être bien pénible. Devoir rendre des comptes à son peuple à la moindre erreur, sans personne de vraiment digne de confiance hormis la famille ; les autres pouvant n'être intéressés que pour le pouvoir et non vraiment pour la personne qu'il était.
Machinalement, la jeune fille orienta ses pensées vers Lorenz. Il était dirigeant lui aussi, bien qu'il utilise le titre de Prince plutôt que celui de roi. Et pourtant, il ne semblait pas vraiment triste ou harassé. Et même si c'était le cas, les cernes continuelles qui soulignaient son regard ne permettait pas de déterminer son épuisement aussi bien physique que mental. Encore fallait-il savoir si une telle chose lui était déjà arrivé..

Esmelda préféra revenir aux fleurs et à leurs vertus, et c'était tout à fait compréhensible qu'elle veuille s'éloigner quelques instants de la réalité et des poids qui lui pesaient dessus. Elle lui parla du lien qui liait la magie à la médecine des herboristes, et ce fut un vrai plaisir que de voir qu'elles avaient la même vision des choses.

-Je suis d'accord ma Dame. Mais je trouve l'art des plantes plus beau que celui de la magie. Il nous relie directement à la terre que nous foulons, à l'air que nous respirons ; notre vie, nous la devons à ce sol fertile qui nous soigne encore quand nous en avons besoin. Bien sûr ce lien existe aussi avec la magie, mais... il n'est pas aussi apparent.

Elle haussa brièvement les épaules en concluant :

-Ce n'est qu'une opinion personnel, et j'éprouve envers la magie et ceux qui la pratique une profonde admiration, du moins quand c'est pour faire le bien. Elle est souvent précieuse pour sauver des vies, et c'est en cela que j'aime la pratiquer malgré tout.

- Ce prix élevé est votre liberté ??? Libre mais sauve. La magie peut se contrôler, autrement que par le contrôle et emprisonnement de ce que vous êtes. Vous êtes intelligente, posée et réfléchit. La magie qui coule en vous ne peut en être autrement.

Dommage que cette magie ne soit bloquée par l'action du bracelet. Les belles paroles ne suffisaient hélas pas toujours à rendre les choses plus faciles ; et pourtant, elles apportèrent un grand réconfort à Ambre. La princesse la comprenait. Elles partageaient un poids, bien qu'elles ignorent quel était exactement celui que l'autre devait porter.

-Je crains que nous n'ayons pas le choix. Le soleil ne s'est pas encore couché sur nos vies.

Celui du ciel en revanche commençait à le faire. Et si l'esclave ne voulait pas irriter le Prince Noir, elle allait devoir amorcer un demi-tour sans tarder davantage. Avec un sourire d'excuses, elle prit poliment congé de son interlocutrice :

-Veuillez m'excuser Altesse, mais je vais devoir prendre congé. Ce serait toutefois avec grand plaisir que je vous enseignerait mon art quand le temps nous offrira cet instant. Que le Dracos vous protège.

Elles se sourirent, complices. Le plaisir de rencontrer quelqu'un avec qui partager une passion, tout simplement. Et peut-être même plus. Si les choses avaient été différentes, si elles avaient put se revoir, peut-être auraient-elles put forger une amitié, ces deux créatures si douces mais si fortes, si semblables malgré le chemin différent qu'elles avaient chacune emprunté. La saluant avec une profonde révérence, Ambre s'éloigna tranquillement, reprenant le chemin qui la ramènerai près de son maître. Si Esmelda, après être remontée en selle, s'était retournée, elle aurait aperçu la chevelure claire de la jeune fille qui étincelait sous le coucher du soleil, étoile à présent lointaine qui disparaissait dans l'horizon assombrit.