30 janvier de l'an 5 d'Obsidienne
Ils vont tenter de s'enfuir...
Cette pensée l'emplissait d'aise, c'était le genre d'intermède plein de folie qui le mettait en joie au milieu de cette guerre usante. Usante oui... Elle le fatiguait. Pas la guerre en elle même en vérité, il n'avait rien contre le carnage entre mortels après tout. Mais affronter les Esprits n'était pas de tout repos, ils étaient plus nombreux que lui et il ne pouvait nier leur puissance. Si il arrivait à les séparer encore... Mais c'était difficile, Océan veillait à leur cohésion, ce sale tourteau des profondeurs !
Un sanglot étouffé retentit tout près de lui, peut-être déclenché par son mouvement d'humeur. Fragile petite chose que les humaines tout de même... Il les brisait en quelques minutes et elles n'avaient ensuite plus de cesse de pleurer jusqu'à ce qu'il s'énerve au point de leur arracher les yeux, c'était presque lassant. Presque seulement. Il s'amusa de cette pensée et claqua des doigts en direction de la malheureuse qui trébucha vers lui, manquant s'étaler dans sa précipitation à le servir. Mais plutôt que de saisir le verre qu'elle lui tendait, il murmura en croisant son regard :
« Tu fais beaucoup trop de bruit. Va donc demander aux gardes à l'extérieur de bien vouloir avoir la courtoisie de t'arracher la langue. »
La pauvrette s'étrangla devant cet ordre abject, mais il était trop tard. Il venait d'implanter cette obligation si profondément dans son esprit qu'elle ne pouvait plus s'y soustraire. Pleurant de plus belle, elle tangua jusqu'à la porte, rendue à moitié folle par l'effort qu'elle faisait pour résister à son influence, puis il l'entendit s'adresser aux gardes qui ne s'étonneraient sans doute pas beaucoup de sa demande. Ils avaient l'habitude... Des pas lourds prouvèrent que l'un d'entre eux emmenait la petite un peu plus loin, et la suite fut laissée à son imagination fort fertile en la matière. Alors seulement il vida son verre tout en réfléchissant à qui aurait l'honneur de lui servir de jouet après celle-ci. Il y avait bien Veren bien sur mais elle ne suffisait pas... Et puis si il l'abîmait trop, il n'aurait plus le plaisir de la voir souffrir. La fille de l'intendant peut-être... Elle était très mignonne. Fort jeune bien sur, elle sortait à peine de l'enfance, mais ça n'en serait que meilleur. En attendant, il avait d'autres chats à fouetter. Il s'étira doucement et ses os craquèrent, ils faisaient toujours ça lorsqu'il était sous forme bipède... Confortablement allongé, il ferma ensuite les yeux et laissa son esprit errer sur son royaume avant de revenir vers un courant de pensée qu'il connaissait bien et qui le mettait toujours en joie. Lorenz... Ce vampire était vraiment fascinant. Il chercha ensuite Kylian et ne fut pas long à le trouver. Sans crier gare alors, il entra dans leurs esprits et donna ses ordres :
« Les prisonniers préparent une évasion. Que nos troupes à l'Est s'interposent entre Morneflamme et le désert, ils ne doivent pas passer la barrière quelque en soit le prix. Commandant, envoyez un détachement vers Elena, ils n'auront d'autre choix que de passer par là une fois qu'ils verront que le chemin le plus direct leur est fermé. Vous avez tout intérêt à gagner ce concours tous les deux... »
Il se détacha d'eux avant qu'ils ne puissent réagir, refusant de leur donner plus d'informations au sujet du concours en question. Ils allaient comprendre très vite de toutes façons à quel point leur maître désirait s'amuser... Car déjà, Vraorg redéployait son esprit et c'est cette fois à tous ses hérauts qu'il s'adressa :
« Avisez la population. Des gueux aux conseillers royaux, je veux que nul n'ignore que je couvrirai d'or et de pouvoirs tout ceux qui m'apporteront la tête d'un prisonnier en cavale. Faites circuler des portraits de Korentin Kohan, Aldaron Triade, Autone Summer, Aramis Thredë, Matis Falkire et Aldakin du Néant dans toutes les villes du royaume. Ceux qui captureront l'un d'entre eux vivants se verront accorder une demande tant qu'elle ne cause pas de tort à notre cause. Morts, leur tête rapportera à son possesseur terres, pouvoirs, et richesse. »
En rouvrant les yeux, il gloussa de satisfaction. L'empire allait s'embraser à l'instant même où ses hérauts proclameraient son annonce... Qui lui rapporterait ses jouets ? Il l'ignorait encore, mais tout ceci allait s'avérer follement amusant... En gobant une olive qui se trouvait sur le plateau à côté de lui, il soupira de bonheur :
« Que la chasse commence... »