Ils avaient réussit... Et cela n'avait pas été une partie de plaisir, loin de là. Une perle dans un temple... Bon bah, il n'y avait plus de temple maintenant ! Et ce n'était pas plus mal. Brrr... Ces choses étaient vraiment immondes. Heureusement qu'ils avaient réussit à se débarrasser de celle-ci. Bien qu'un combat avait été gagné, la guerre était toujours d'actualité hélas... Et déjà, on les appelait à retourner à Aigue : bien qu'ils avaient fait le ménage au Lac avant d'aller à Gloria, ils leur fallait maintenant retourner au Royaume Vampirique où un nouveau combat les y attendait. Cela faisait des années déjà qu'ils se battaient et la lassitude commença à envahir le roux qui peinait à reprendre des forces : il lui fallait une gorge vivante et chaude, palpitante entre ses crocs pour vraiment retrouver de sa superbe. Mais à part des outres de sang, ersatz sans saveur bien que nourrissant, il n'était pas possible à Kedrildan de rassasier son appétit... A moins qu'on l'autorisait à croquer plusieurs prisonniers ? Hmmm à voir, il ne dirait pas non : plus ils sont jeunes et sportifs, meilleur était leur sang.

Mais il devait avouer que l'échauffourée du jour d'avant avait été très amusante... Ça lui avait donné un de ces coups de fouet dans les veines ! A vous remuer le cadavre sur des charbons ardents ! Mais là, il s'était assis dans un coin et regardait les humains agir et bouger entre eux, les analysant en silence alors que sa Liée semblait satisfaite pour il ne savait quelle raison. En fait, la parade nuptiale humaine était des plus déconcertante... Même en période critique, de guerre et de mort, ils trouvaient le moyen de se tourner autour, de se renifler les fesses et de copuler dans la moindre botte de paille à l'horizon. C'était dingue quand même... Au bout d'un moment, sur le son d'un violon très timide, le mâle invita la femelle à s'enlacer et se mettre à se dandiner, à se trémousser avec lenteur. Le pire ? Elle semblait conquise en plus la donzelle.

… Et s'il dansait avec Dawan, cela le ferait-il tomber dans ses filets ?

Oh intéressant tout ça... Mais à qui il pourrait demander une chose pareille ? Pas à Achroma, il devait sûrement roucouler dans les bras de son elfe qui était sûrement devenu la récompense aux morts des perles. Oh l'humaine ! Après tout c'était une fille de la haute non ? Bon c'était lui qui lui devait une faveur jusqu'à la mort de la brune et elle semblait avoir tiré un trait sur le fait qu'il avait faillit la planter, donc... Il ne risquait rien à lui demander après tout non ? Fort de sa détermination, il remonta vers les hauts quartiers où se trouvaient les dignitaires toujours en train de respirer et demanda à un petit page d'aller trouver la princesse... Mince c'était quoi son petit nom déjà ? Ah oui ! Esmelda Kohan ! Donc oui alors s'il pouvait la trouver et lui dire qu'un dragonnier vampirique, Kedrildan Maralawë, souhaiterait l'entretenir au sujet de... Euh... De son état de santé ! Pas besoin que le continent complet soit au courant qu'il a besoin de cours de danse non plus ! Par Dracos en caleçon !

Patientant tranquillement, il s'amusa à faire peur aux autres petits pages et autres donzelles en jupon, juste pour le plaisir de rire un peu. Il était clair qu'il n'aurait jamais levé les crocs vers eux, ça aurait été très stupide de sa part... Un bruit de pas se dirigeant vers eux, Kedrildan oublia bien vite les bébés sang-chaud pour se tourner vers les arrivants, une moue innocente au visage avant de s'incliner en reconnaissant la brune.

« Votre Altesse, un plaisir de vous retrouver en des temps un peu plus paisibles que précédemment. Comment se porte votre santé ? »

Le roux se redressa, un éclat malicieux dans ses yeux alors qu'il regardait autour d'eux, se rapprochant un peu pour que sa demande reste très discrète, il avait son orgueil le dragonnier !

« Hmmm je suis venu vers vous parce que j'ai besoin d'un petit coup de main princesse... En fait heu... J'ai besoin d'apprendre à danser pour séduire quelqu'un et je m'étais dit que vous pourriez m'aider sur ce point... Qu'en dites-vous ? »

Un peu nerveux, il se dandina et serra ses bras autour de lui en la regardant du coin de l'oeil. Est-ce qu'elle allait accepter ? Après tout, un vampire demandant de l'aide à une humaine... Une humaine qu'il avait menacé par le passé ! Mouais finalement ce n'était pas forcément une si bonne idée que ça de la trouver pour ce genre de demande débile... Elle allait se moquer de lui, c'était évident !

Avec impudence et nonchalance, malgré la nervosité qui lui faisait tressauter l'estomac en putréfaction, Kedrildan s'élança à l'assaut du palais impériale. Dracos... Il allait se rendre ridicule, c'était évident : un vampire légèrement fêlé du bocal demandant de l'aide à une humaine qu'il avait menacé. Il était évident qu'elle allait le renvoyer péter sur les roses ! Mais il était trop tard, il était déjà dans la place... Aussi, histoire de se détendre et aussi juste pour le plaisir de faire peur, le dragonnier s'amusa à montrer les crocs et les faire claquer, souriant en voyant les visages blêmes et les yeux débordant de larmes, les corps frissonnant de terreur. C'était tellement drôle ! L'arrivée de l'escorte et de la princesse coupa court à ses petites farces, mais il semblait finalement que son masque de pur innocence n'avait pas réussit à le couvrir. Bah tant pis, il n'avait croqué personne après tout hein ?! Toussotant sans démentir les propos de la belle brune, il haussa les épaules, un signe de la main alors qu'il passa à autre chose : c'était que des blagues après tout.

« Ma santé se porte relativement bien, même si le sang bien vivant me manque... Boire dans un verre n'est pas forcément génial, m'enfin, faut ça si on veut être bien perçu ici. »

Une moue frustrée aux lèvres, il haussa de nouveau les épaules alors qu'une suivante blanchissait en l'entendant. C'était vrai quoi ! Comment pouviez-vous apprécier le repas et ses nutriments quand il s'affadissait dans un quelconque récipients tout ça parce que les sac de sang étaient sensibles. N'importe quoi... Mais bon, là n'était pas le but de sa visite dans ce sublime palais. Très vite, il finit par lui confier discrètement le but de sa visite dans son domaine et il semblerait qu'elle se serait attendue à tout sauf à ce qu'il venait de lui demander... Et il devait avouer qu'une telle demande alors que le monde était en guerre à l'extérieur, ça pouvait paraître déplacé, mais bon : c'était tellement rare qu'il trouvait des astuces pour séduire sa petite pousse de soja.

Mais son angoisse s'évapora rapidement quand elle accepta, se remettant rapidement de sa déstabilisation. La suivant avec l’œil curieux, il observa la décoration et les pièces avec curiosité, limite les mains dans les poches en sifflotant d'un air guilleret. A votre avis, est-ce que ça rend plus dangereux le prédateur quand il paraissait aussi nonchalant ? Ah on ne se refaisait pas avec le temps et, malgré le sérieux de sa demande, il appréciait toujours inspirer la crainte et l'angoisse. C'était flatteur pour son ego. Cependant, il oublia ses petits plaisirs quand il entra dans la salle de balle. Il siffla, impressionné, tournant sur lui-même.

« Mazette... Z'avez des goûts de luxe, princesse. »

C'était chic, c'était beau, c'était classe. C'était tout à fait dans les goûts du vampire. Kedrildan sourit de contentement avant de trottiner vers la jolie brune.

« Absolument pas. En fait, avant très récemment, ça ne m'avait jamais vraiment intéressé ce genre de frivolités... Cependant j'ai rencontré quelqu'un et il faut dire qu'avec mes manières et mon histoire, bah ça... Euh... Ça l'impressionne un peu on va dire. Du coup, je cherche des trucs et des astuces pour l'apprivoiser et le charmer, et j'ai vu que la danse semblait très concluante dans votre système de reproduction. Alors je me suis dit que ça pouvait être pas mal... Enfin voilà. Comme vous êtes une princesse, j'me suis dit que ça faisait forcément partit de votre éducation de bien danser et comme on a été... Très intime, dirons-nous, il n'y a pas très longtemps, je me suis dit que je pouvais vous trouver pour voir si vous pouviez m'aider. »

Nonchalant et un peu grossier, en fait Kedrildan était très gêné et nerveux, se dandinant de nouveau sur ses pieds.

« Finalement... Même si j'ai essayé de vous planter il y a quelques années... Je vous trouve vraiment gentille... Et mignonne. Donc bah j'vous aime bien... »

Se grattant le nez, le roux lui fit un petit sourire avant de lui tourner autour, un peu plus joueur et malicieux.

« Alors ? Par quoi commençons-nous ? Qu'est-ce que vous allez me montrer ? Je dois me déshabiller ? Mettre une tenue spéciale ? »

Curieux et un peu impatient, le dragonnier avait un peu de mal à tenir en place.

En même temps l'éthique et la morale humaine hein... Il n'y comprenait rien : à quoi cela servait de se prendre le chou pour de quelconque valeurs puérils et stupides sérieux ? Le raisonnement de Kedrildan était complètement simple, d'une simplicité enfantine même : il a faim, il voit un humain, il le mange, et c'était bien. Y'avait que les humains pour se prendre à ce point la tête quand même...

« Vos sujets trouvent ça très bien pour séduire et s'accoupler avec les femelles qu'ils visent en tout cas. »

Le roux haussa les épaules avant de la fixer attentivement : il avait fait le premier pas vers elle et elle faisait le second... Donc un échange de bons procédés, c'était ça ? Elle ne devait pas se fendre la poire très régulièrement la belle brune... Trop de sérieux. Il fallait qu'elle prenne exemple sur lui : il satisfaisait ses besoins premiers, vivait quasiment au jour le jour, n'était pas si rancunier dans le fond et oubliait aisément les désagréments qu'il avait pu causer par le passé. Ce qui était fait, était fait non ? Alors pas besoin de se mettre la rate au court bouillon en ressassant encore et encore. C'était quand la dernière fois que la petite humaine c'était mise à rire simplement en faisant des bêtises hm ? Sûrement une éternité vu l'absence de rides sur son petits visages juvéniles...

Bref. L'heure de la leçon commença. Attentif, le roux prit place à ses côtés comme elle le demanda, la regardant faire avec attention pour pouvoir réussir à imiter ses gestes. Le plus parfaitement possible bien entendu parce qu'il était clair que le vampire était merveilleusement parfait, cela allait de soi.

Au centre de la pièce, Kedrildan obéit aux consignes de la princesse, regardant droit devant lui avec sérieux alors qu'il essayait de voir avec sa vision intérieur s'il faisait les bons mouvements. Alors elle a dit un pas à droite et encore un mais avec le pied gauche... Euh le pied gauche il va où ? Couillon avec la jambe un peu en l'air, le dragonnier hésita, la balançant un moment avant de la placer... Devant ? Un bruit dans les servantes lui fit plisser le nez d'un air boudeur et il recula prestement la jambe en arrière, l'air de rien. Alors euh hn ensuite... Ensuite ? Euh... Ah ! Les bras ! Alors les bras, les bras, les bras... Ah oui : alors une arabesque. Comment on faisait une arabesque ? Ah oui, comme elle avait fait. Bon... Vu les sourires moqueurs des autres bipèdes, c'était pas aussi gracieux que les gestes de la princesse.

… Oui bon ça va ! C'était sa première fois ! Forcément ça ne pouvait pas être parfait aussi !

Une moue frustrée aux lèvres en les fusillant du regard, Kedrildan se recentra sur la princesse et refit les gestes avec elle pour bien les comprendre, essayant de paraître un peu plus gracieux qu'à son premier essais. Au final, c'était un peu plus mieux mais guère plus non plus hein.

« Vous êtes vraiment très belle comme ça. J'aurais presque pu vous aimer si je n'étais pas déjà prit avec quelqu'un et que vous étiez humaine... Mais c'est dommage que les excréments de macaques que sont ceux qui vous ont forcé n'aient pas eu l'intelligence de vous faire aimer cela. Au final, c'est un exercice des plus intéressantes quand on s'amuse avec quelqu'un : moi en tout cas, je m'amuse bien en votre compagnie. Et puis vous êtes très charmante à regarder. »

Un clin d’œil vers elle, il recommença une troisième fois les même gestes avant de sursauter quand il entendit les premières notes de musique. Ah oui c'est vrai qu'il faut aussi faire ça sur de la musique... Ça voulait dire qu'il allait devoir l'enlacer comme les paysans dans la ville basse ? Une telle intimité... M'enfin, ils l'avaient déjà été par le passé, certes. Heureusement que son vampire domestique ne rôdait pas sinon il lui aurait arraché les mains pour lui apprendre à les poser sur son humaine à elle.

« Et un deux trois, un deux trois... »

Marmonnant, concentré à fond, Kedrildan eut enfin le bonheur de réussir les premiers pas qu'elle lui avait apprit, et ce, parfaitement s'il vous plaît !

« Génial ! C'est tout ce dont j'ai besoin pour le séduire alors ? C'était rapide ! »

Écarquillant les yeux, le dragonnier fixait la jolie petite brune à ses côtés avec naïveté, un sourire gentil aux lèvres malgré les crocs dépassant.

Oh oh intéressant... Alors comme ça c'était la musique qui conduisait à la fusion des corps ? Si avec ça il emballait pas Dawan dans ses brais ! Youhou ! M'enfin la danse, c'était pas non plus une activité de couverture... C'était sportif et sacrément technique tout de même ! La preuve, il avait faillit louper plusieurs de ses pas et n'avait dû son rattrapage qu'aux gloussements moqueurs et discrets des suivantes de la belle brune. Tsss pitoyable de vouloir se venger comme ça... Mauvais joueurs !

« Penser à être moins rigide... J'sais pas encore comment mais j'vais travailler ça. Et puis, j'suis content que vous aussi vous vous amusiez avec moi, sinon ça aurait été dommage... »

La regardant danser à ses côtés, Kedrildan s'efforça de l'imiter en se détendant le plus possible pour paraître aussi naturel et gracieux que le cygne à ses côtés. Bon c'était encore loin d'être comme ça mais la princesse avait bien raison, seul le temps l'aiderait à devenir plus souple s'il tenait à séduire correctement son elfe des montagnes.

« Hmmm j'ai beau essayer, j'suis désolé princesse, mais j'peux pas avoir le regard comme vous dites pour l'instant. J'arrête pas de guetter vos mouvements pour vous imiter, c'pas trop grave ? »

Inquiet, le dragonnier plissa les yeux en espérant que ça gâche pas l'apprentissage de la technique avant de plonger les yeux vers leurs pieds, un petit bout de langue dépassant de ses lèvres serrées sous l'effort de concentration qu'il vivait. Alors, quatre pas côte à côte, on s'arrête et on se tourne, on fait ça deux fois, puis trois pas, révérence, on la laisse faire puis on fait pareil... Pfiou !

« Dracos, y'en a tellement des mouvements... Je suis impressionné par votre prouesse princesse, c'pas vraiment évident de tout retenir comme ça sans s'emmêler les pinceaux et se faire des croc-jambes. »

La musique retentissant, le roux se remet à l'imiter scrupuleusement, toujours raide entre ses doigts.

« J'ai dû mal à me décrisper... J'comprends pas pourquoi j'y arrive pas rapidement, vous êtes pourtant une délicieuse créature, donc bon... »

Il essaya de se montrer plus souple tout en la suivant, s'appliquant à bien la suivre... Quand le silence prit place dans la salle de balle, Kedrildan s'arrêta et s'inclina devant la belle et d'hausser un sourcil en la fixant, même pas essoufflé.

« Alors ? Qu'est-ce que vous en pensez ? C'était mieux ? J'ai bien retenu les mouvements ? J'ai été moins raide ? »

Il avait cru en débarquant comme un prince qu'en deux coups de pinceaux il aurait tout apprit et retenu des danses, et qu'il aurait pu mettre la main sur Dawan dès le début de soirée pour faire sa parade nuptiale. Sauf que cela faisait quand même plus d'une heure et il avait toujours l'impression d'avoir un balai dans le fondement quand il dansait avec la princesse... C'était pas comme quand lui et Aldaron s'étaient embrassés, il était beaucoup plus à l'aise avec la petite brindille à ses côtés. Mais ça l'agaçait de ne pas avoir de suite la technique souple lorsqu'il dansait... Et il n'avait pas l'intention de paraître aussi rigide que le marbre avec l'elfe entre les doigts sinon bonjour la réussite de la séduction hein ? Non mais sérieux, qui accepterait de se laisser charmer par un piquet ? Personne, soyons réaliste.

« Dites voir, est-ce que vous avez apprit à votre vampire domestique l'art de la danse ? Parce que, c'est peut-être propre à notre race d'être rigide non ? Quoique quand on se bat on reste souple... »

Il avait beau continuer de danser avec Esmelda, il continuait de se poser des questions. En même temps, le roux était extrêmement impatient alors dur dur de rester raisonnable et patient.

Certes elle n'avait pas tort, il fallait avouer qu'avec tout ce chaos et ces guerres, il était bien dur de trouver de quoi s'amuser. Sauf pour le roux, le dragonnier s'amusait d'un rien, il était insouciant, un vrai gamin. Mais cela avait sûrement son charme, il n'en faisait aucun doute pour lui. Continuant à s'appliquer dans les mouvements, fort était son désespoir que de constater qu'il avait beau réussir à apprendre la technique, il lui manquait toujours autant cette souplesse qui saurait rendre beaucoup mieux la parade nuptiale. Entraînement, entraînement, entraînement... Il semblerait qu'il n'y ait aucun autre remède miracle pour effacer ce défaut des plus exaspérant.

« … Je ne pensais pas que je mettrais autant de temps pour réussir à le séduire... Des mois ? Vous êtes sérieuse ? Et, c'est pas possible, juste avec cette séance-ci ? »

Haussant un sourcil, Kedrildan en profita pour lui demander si ce n'était pas entre autre la faute aussi de leurs caractéristiques raciales mais c'était guère crédible alors qu'ils étaient d'une souplesse impressionnante quand ils se fendaient en estoc et parade lors des combats. M'enfin, au moins aura-t-il eu le mérite de dérider le visage de la princesse avec ses bêtises.

« Eh bien j'aurais moins essayé hein ? La persévérance paie parfois après tout. »

Il haussa les épaules en répondant les sourcils avant d'attraper sa main d'une des siennes, la seconde s'enroulant autour de la taille fine, vif comme l'éclair avant de la faire tournoyer dans une valse pas très réglementaire. Mais cette danse toute timide commençait à l'exaspérer et il voulait un peu plus de contact : comment séduire quelqu'un quand vous n'étiez pas assez proche de lui hein ? Bon, certes, peut-être que ça marcherait avec Dawan au final, le romantisme et la délicatesse, le côté fleur bleu, oui ça lui irait bien en effet. Cependant, là tout de suite, Kedrildan avait une envie d'énergie et d'un peu plus d'action au risque de finir par s'endormir.

« Dites voir princesse, nous avons donc acquis que je connaissais par cœur les pas de danse malgré mon manque évident de souplesse. Et si nous faisions une pause des plus méritée, qu'en dites-vous ? On pourrait peut-être s'amuser et faire des bêtises pas du tout dignes d'une princesse impériale, cela vous semble-t-il possible ? Après tout, vous l'avez dit vous-même que c'est rare de pouvoir s'amuser ces derniers temps. Alors aucune raison de ne pas provoquer ces occasions non ? »

Souriant, malicieux, il la fit tournoyer entre ses bras avant de recommencer la valse peu conventionnelle, l’œil brillant.

« Allez princesse, détendez-vous ! Montrez vos jolies mollets et vos jupons ! Courez dans les couloirs ! Lancez des pignes de pins sur les soldats ! Escaladez les arbres ! »

Amusé, il glissa ses mains autour de la taille fine et la souleva pour la faire tournoyer dans les airs avant de la reposer à terre, s'inclinant. C'était la fin de la danse. Levant ses yeux vers elle, son regard pétillant des feux de la malice, ses petites canines pointant sur ses lèvres pleines. Ils avaient déjà bien travaillé tous les deux, ils méritaient bien une pause après tout non ? Qu'allait répondre la délicieuse petite princesse quelque peu échevelée par l'audace du vampire.

C'était clair que c'était bien plus complexe qu'il n'y paraissait. Hélas... Non mais sérieusement ? Des mois ?! Mais il y avait une guerre mondiale hors de ces murs ! Avec une importante possibilité de destruction du continent ! Il n'avait pas des mois pour séduire sa pousse de soja ! Et puis, bon, peut-être qu'il fallait aussi éventuellement avouer, mais à demi-mot hein !, que hypothétiquement Kedrildan était quelqu'un de très impatient... Mais il ne le reconnaît pas facilement ! D'ailleurs, en fait, c'est le monde qui est incapable de suivre sa vitesse et richesse de raisonnement ! Un point c'est tout ! Et puis il enviait aussi fortement que la princesse soit plus magnifique que jamais en train de parader autour de lui avec sa grâce de cygne alors que lui ! Le roux majestueux ! Avait autant de souplesse d'un vieux croûton de canard boiteux et édenté ! Injustice ! Et puis, des mois, c'est long...

Une moue un peu boudeuse aux lèvres, il finit par éprouver une pulsion énergétique, poussant l'étiquette avec un bon coup de pieds bien sentit dans le fondement avant d'emprisonner la princesse dans une étreinte audacieuse, frisant atrocement l'incident diplomatique. Mais ce n'était pas quelques humains qui allaient le faire reculer. Eh quoi ! Il était là pour danser ! Ça se voyait quand même qu'il ne l'avait pas embrigadé dans une parodie amoureuse mortelle ! Non ? En tout cas, pour être exalté, ça il était exalté notre vampire tout feu tout flamme ! Ce qui n'était pas non plus le cas de la princesse... Décidément, les humains ne savaient pas non plus vivre... Bon, donnons à Dracos ce qui est à Dracos : la brunette était une dragonnière, donc elle relevait forcément le niveau de sa race, ce qui était à son honneur. Mais, enfarinée dans le protocole, elle était comme une gorge se faisant entraver : elle étouffait.

« Mon Maître, Achroma, m'a apprit que chez les vivants, la royauté était l'image du peuple. Euh non... Ah ! Que la royauté était le peuple : si vous allez mal, le peuple va mal, etc. Moi, ce que je vois, c'est une belle plante qui se dessèche : vous n'avez plus les rides des sourires, l'oeil qui pétille à pein... J'suis désolé princesse mais sérieusement : vous êtes malade là. J'suis d'ailleurs surpris que votre vampire en laisse ne l'ait pas vu... Tutututut. »

Mais, dommage pour le rouquin : la princesse n'en démordait pas. Et son alternative n'était hélas pas assez juteuse... A moins que...

« D'accord, sortons un moment alors. Les vôtres doivent régulièrement respirer de l'air frais pour s'hydrater le cerveau et réfléchir avec plus de justesse. »

Faussement innocent, il tendit son bras à la demoiselle et la suivit dans les jardins, tout aussi faussement appréciateur de l'agencement et des plantes. Lui, le jardinage, c'était très loin d'être sa tasse de thé. Nonchalant, le pas long, il médita à ce qu'il allait bien pouvoir lui dire pour la convaincre de mettre un peu de piment dans sa vie.

« Dites voir, princesse, nous avons été des plus intimes tous les deux il n'y a guère longtemps... Pas que cela soit vraiment un souvenir agréable, bien entendu. Quoique, avoir votre sein palpitant de vie contre mon cœur si mort soit très agréable, je dois l'avouer. Cependant, je me sens étrangement peiné de vous voir dans ce cocon d'acier et d'or ici. Soyons vrai, je suis un adolescent trop spontané et énergique, qui prend grand plaisir à faire des bêtises, et vous voir... Non, je ne peux me résoudre à vous percevoir comme une de ces roses qui se fanent. Cela serait triste... Qu'attends votre vampire pour vous boire ? Cela résoudrait tellement de souci : vous apprendriez la joie, les bêtises, la puissance, la liberté, plutôt qu'être un petit moineau dans sa cage de bambou. »

Haussant un sourcil, il continua la promenade dans les petites allées, méditant à haute voix et parfaitement conscient des gardes qui ne cessaient de se crisper en l'entendant parler.

« Comprenez-moi bien princesse : je ne cherche pas l'incident diplomatique et encore moins de pique-niquer dans ce faste impériale qui ravis mon côté précieux. Je vous propose sincèrement de vous mordre pour vous voir renaître : vous pourrez toujours porter vos jupons et vos franfreluches, toujours à vous soucier de votre peuple même si vous avez les dents pointues. Vous vivrez éternellement avec l'élu de votre cœur et vous serez débarrassée de ceux qui osent vous mettre des entraves. »

S'arrêtant, il se tourna vers elle, attrapa ses mains en lui souriant gentiment, le regard sérieux.

« Voulez-vous que je vous rende ce service ? Après tout, je vous dois une dette éternelle et commencer par vous rendre votre liberté me paraît être un bon début. »

Tranquillement, malgré la menace implicite des gardes autour d'eux, Kedrildan ne s'intéressa qu'à la jolie brune entre ses doigts. C'était peut-être dur à croire ou difficile à appréhender mais il était sérieux et sincère dans sa démarche. Pire : il était gentil et altruiste en cet instant.

D'après les critères humains, ce que proposait Kedrildan relevait du crime de lèse-majesté et d'incident diplomatique par excellence. Cependant, du point de vue du rouquin, c'était une proposition tout à fait sérieuse et réfléchie : quand on basait sa connaissance de l'humain sur son vécu, ce qu'on pouvait en tirer comme leçon faisait force de foi et il était vraiment altruiste, vraiment sincèrement inquiet pour elle.

Sauf qu'un petit bémol se glissa dans la conversation et son regard chaleureux se glaça progressivement, à mesure que les propos de la princesse s'imprima dans sa mémoire.

« … Ne pas être vous... »

Il se sentait blessé et insulté, vexé d'un tel jugement de la brune qu'il avait pourtant pensé vraiment agréable, qui relevait le niveau humain. Mais il semblerait que sa gentillesse n'était pas pour la race des canines...

« Savez-vous ce que j'étais avec d'être vampire, princesse ? J'étais un humain, un fils, un rat, un détesté. Pendant plus de vingt ans j'ai été un vivant que son village ne supportait pas à cause de l'influence de l'homme puissant du moment, mon père, le boucher. Il ne me reconnaissait pas parce que je n'étais pas l'héritier qu'il désirait et ma mère m'étouffait parce que j'étais tel qu'elle souhaitait... Je n'avais qu'elle contre une petite centaine de personne. A force, on commence à se rendre compte que les humains ne valent pas grand-chose dans ce monde, surtout quand on a rien pour soi... »

Polaire et inamicale, Kedrildan était tranchant et accusateur, toujours blessée par ce qu'elle avait dit.

« Quand un vampire de passage et affamé est passé dans la forêt près de chez moi, il m'a trouvé errant parce que la plus belle fille du village m'avait humilié publiquement en plein bal populaire. Savez-vous ce que cela fait, l’apothéose d'une vie où l'on vous juge comme un moins que rien, où l'on vous montre tous les jours que vous n'êtes pas désiré, où l'on voudrait vous voir là où est votre place, dans le purin avec les rats. »

Acide, le regard colérique en se souvenant de ces parcelles de mémoire, Kedrildan serra les poings avant de se détendre, de nouveau impassible et polaire.

« Même mon père vampirique me jugeait indigne de ce qu'il m'a fait mais il avait trop besoin de sang... Cette nuit-là je suis mort mais je suis aussi revenu à la vie. Mon moi humain, comme vous dites, est devenu vampirique : plus fort, plus rapide, plus puissant, plus agile, plus intelligent. Un merveilleux cadeau que l'on m'a fait là et que mon village a très vite pu constater. »

Un petit croc pointa hors de ses lèvres dans un petit sourire de satisfaction, le rangeant rapidement en entendant le cliquetis des épées dans les fourreaux.

« Si je vous raconte ceci, ce n'est pas pour attirer votre compassion, votre pitié ou votre peine. Cela ne m'intéresse pas, bien au contraire : je suis très heureux d'être un moi meilleur. Si je vous dis tout ça, c'est pour bien vous faire comprendre à quel point vos propos me blessent profondément : je suis toujours moi, je suis un moi bien meilleur même mais je suis toujours là, je suis toujours le rat de mon passé. Je ne suis pas quelqu'un d'autre, je suis moi. »

Toujours aussi fâché et distant, Kedrildan finit par s'incliner d'un air raide, impassible.

« Je vous remercie pour ce cours de danse, je garderais vos précieux conseils en tête. Je vous souhaite la bonne journée, Princesse Kohan. »

Refusant de la regarder, le roux s'éloigna pour faire demi-tour, impatient de sortir de ce coffre qui tuait ce moineau devenu si méchant : il était lui, il était lui, il n'était pas quelqu'un d'autre, il était lui... Pourquoi on ne le voyait pas ? Il était là, il était lui. Il fallait qu'on le voit, il était là, il n'était pas quelqu'un d'autre mais lui...