La nuit enveloppait la générale vampirique de son manteau sombre. Malgré le temps très clément de cet été chaud, quelques nuages jouaient à cache cache avec la lune. Un avantage pour cette ombre galopant sur son fidèle destrier. Se fondant dans le noir, se pressant de regagner ce qui était les siens, Norwen galopait bride abattue. Gwaërin de son galop léger et aussi discret que l'air environnant avalait les distances avec avidité. Le temps pressait maintenant qu'elle était de nouveau libre de ses mouvements. Un temps bien loin de son Prince, de son peuple, qui avait permis une belle pagaille au sein de son peuple. L'ancienne éclaireuse ne voyait pas comment les vampires pouvaient continuer à avancer sans péricliter si la nature des dires du traître de dragonnier se révélaient vrais. Mais cela ne pouvait. Du moins pas ceux concernant l'humaine et son rôle au sein du peuple vampirique. Son Prince n'était pas stupide à ce point. Une humaine à la tête de leur empire pas encore établit. Il risquait une guerre interne ou pire : la perte de confiance et de motivation de ses troupes, des luttes internes et un retour en arrière, laissant les ennemis muets d'hier reprendre enfin parole, quel crédit pourrait-on lui accorder après cela ? Non Norwen ne le permettrait pas. Ils avaient ce rêve commun, elle empêcherait cette manipulatrice de le briser. Après tout normal pour une humaine. Cela devait être grisant et plaisant pour elle de les domestiquer comme les chevaux qui semblaient tellement l'apprécier. Et ce n'était pas le moment. Pas quand ils pouvaient enfin mettre à mal les elfes errant, les humains divisés et les alayens en fuite. Reconstruire une armée pouvait se faire bien plus vite que les autres races. Le vent soufflait pour eux dans la bonne direction, enfin.

Il ne fallut guère plus de quelques jours et heures de voyage pour que la vampiresse approche du camp fraîchement implanté des vampires. Outre les indices laisser par les éclaireurs à l'intention des leurs, Norwen ne pouvait passer à côté d'un pareil déplacement sans que son œil expert en la matière ne puisse détecter les signes. Un déplacement tel de personnes qui plus est vampire laissait quelques traces. Même si la discrétion était de mise. Ses sens aux aguets ne lui avait guère permis de passer à côté du moindre indice. Non, l'envie de revenir près des siens était bien trop grande. Tout ce temps perdu auprès de ce traître de dragonnier. Comme une salissure sur sa peau. Même si son voyage à Lyssa l'avait grandement amusée. Surtout le combat contre cette perle du Néant. Une satisfaction de savoir qu'elle avait porté le coup final contre cette chose appartenant à cet esprit qui désirait la voir morte. Et un pied de nez à celui qui fut le double royal de son prince. Une satisfaction bien loin de partir. Même si sans l'intervention de Océan, Norwen barboterait avec les poissons et leur servirait de nourriture.

La générale vampirique entra dans le camp, droite et fière sur son ombrageux destrier. Des regards et des murmures s'élevèrent sur son passage. Son retour ne passait pas inaperçu. Mais Norwen s'en moquait bien.
Un de ses capitaines arriva à sa hauteur quand elle mit à terre se satisfaisant de la revoir auprès d'eux. Attendait-il une promotion ou bien était-il sincère ? Une sincérité qui l'inquiéta encore plus.
Norwen lui fit un signe de tête en lui tendant les rênes de sa monture. Elle avait bien mieux à faire pour le moment que de discuter avec ses Hommes. La vampiresse se dirigea vers la tente de son prince. Se stoppant devant, elle demanda aux gardes audience auprès de prince des vampires.

La générale attendit l'autorisation de rentrer auprès de son souverain qu'elle salua avec respect un genou au sol.

De la satisfaction... Non.. De la joie. Du bonheur carrément. Pourquoi se cacher la vérité ? Il était heureux depuis le retour d'Ambre. Entre elle et son frère, sans compter la vie trépidante de nomade qu'il avait enfin retrouvé, c'était tout simplement parfait. Il aimait cette vie, cette liberté teintée d'ambition. C'était comme une parenthèse parfaite dans sa non vie, il savait parfaitement qu'elle ne durerait pas mais ça ne l'empêchait pas d'en profiter. Les nuits avaient défilé sans même qu'il s'en aperçoive, heures trépidantes partagées avec son elfe de frère. Les journées s'étaient accélérées tout autant, pleines de la chaleur sensuelle de ses constantes retrouvailles avec la petite humaine. Bien sur il n'avait pas changé d'attitude, il demeurait le même aux yeux de tous. Mais l'acier de ses prunelles brillait d'une lueur discrète mais bel et bien présente pendant toute cette période. Sa nuit éternelle connaissait une interruption des plus lumineuses...

Mais c'était terminé... Il avait sentit le vent tourner déjà depuis quelques jours. Ses préparatifs se terminaient, il ne pouvait plus remettre son départ à plus tard. Il avait attendu tout de même quelque peu... Il lui fallait un déclic, un signe qui lui démontrerait que le moment était venu. Et ce déclic était là... Sous les traits bien connus d'un certain général d'armée... Le retour de Norwen lui avait été annoncé depuis déjà quelques temps, elle avait été repérée par un éclaireur. Mais ça ne l'en rendait pas moins perplexe, et même méfiant. Ses capacités d'officier étaient précieuses, mais sa jalousie à l'égard d'Ambre risquait de poser problème... Néanmoins il préférait la savoir de retour alors qu'il était encore là, plutôt que plus tard après son départ.

Songeur, il baissa le regard sur elle tandis qu'elle le saluait et la laissa se relever d'un simple signe de tête. Malgré tout il garda le silence quelques minutes, immobile comme une pierre et la fixant comme pour mieux réfléchir. Enfin il se décida et sa voix résonna avec le calme maîtrisé dont il avait l'habitude :

« Tu as mis le temps Norwen... Où étais-tu ? Quel mot n'as-tu pas compris dans mon ordre de revenir vers moi au premier signal ? »

Une nuance d'ironie... Légère... Voir même presque imperceptible mais elle ne s'y tromperait pas. De nombreuses choses avaient changé depuis son départ et il était tout à fait possible que son retour ne se passe pas parfaitement bien. Tout dépendrait de ce qu'elle répondrait, du contenu et du ton de son rapport. Elle allait devoir se montrer prudente, mais il ne doutait pas qu'elle le serait. Il reprit avant qu'elle ne réponde :

« On m'a prévenu de ta capture, mais nous t'avons perdu de vue rapidement. Tu n'étais plus à Aigue... Je veux un rapport complet. »

Une directive qui ne souffrirait pas d'attendre, il n'aimait pas beaucoup naviguer en eaux troubles et il n'entendait pas le faire. Un instant, son regard s'égara vers un recoin plus sombre de sa tente, il n'y avait eu aucun bruit mais quelque chose l'avait attiré. Ankmär était là, immobile. Ses prunelles brûlantes fixées sur la vampiresse. Pressentant sa surprise, l'ancestral haussa les épaules :

« Ne t'occupe pas de ça. Répond. »

Aussi attentifs l'un que l'autre, le spectre et le vampire attendirent qu'elle se décide...

Norwen celui qui était son prince. Du moins, la générale l'espérait encore. Que les mots du traître n'étaient que vent, futilité et stupidité de la part de celui qui cherchait à mettre le trouble dans son esprit. Que cela ne pouvait. Ses grands yeux clairs le dévisageaient, cherchant le moindre détail preuve d'un changement possible. Pour le moment rien. Même sa façon abrupte de parler et de demander des explications à quelques choses dont il avait déjà eut source dans ses moindres faits et gestes. De sa rencontre avec Aldakin, sa chasse avec le nouveau-né elfique à la bataille de la perle. Mais le prince noir aimait entendre la version du principal intéressé. Une aptitude certaine, il fallait l'avouer et qui n'enlevait en rien la qualité du travail des espions de son armée. Mais les détails n'avaient pas la même importance pour tous. Un mot, un fait pouvait ne rien signifier pour un espion et bien plus pour leur prince. A moins que se ne soit une façon de jauger sa générale, de savoir si elle avait changé de camp, si elle avait encore sa place dans son armée. Cela dépendrait de lui. Car non Norwen n'avait pas changé de camp. Bien au contraire. L'hégémonie des vampires était son désir le plus profond, mais pas sous certaines conditions.

La générale ouvrit la bouche et parla brièvement, sans un mot de trop ni un plus haut que l'autre. Et elle n'hésita pas à lui répondre avec l’aplomb qui pouvait la caractériser.

« -Tous. Ils étaient clairs et limpides. Mais parfois les mots ne suffisent pas. Surtout quand un de vos ennemis vous tient entre ses griffes sans le moindre trou de souris par lequel se faufiler pour lui échapper. »

Vivre et subir ou mourir pour sauver son honneur. Pour Norwen, la première solution était la meilleure et la moins stupide. Pas forcément la plus noble, mais la plus utile et la plus pragmatique. Mourir était bien plus facile que de vivre et lutter. Et la vampire n'aimait pas la facilité.
Elle continua à exposer son récit de sa capture. Cette fois, Norwen passa sur son passage vers Lyssa et sa bataille contre la perle.

« -Le traître de conteur a tenu à ce que je le suive pour aller détruire un perle du Néant. Celle de la ville de Lyssa. Je n'ai eu nul autre choix que de le suivre. De combattre et de vaincre. Nous y sommes allés avec sa bête à écailles, une humaine et son nouveau vampire de compagnie. L'elfe beau parleur.»

Là aussi, la générale vampirique économisa ses paroles en allant à l'essentiel. Concis sans un mot de trop pour parfaire le récit de ce combat rondement mener. Puis elle glissa aussi sa propre victoire. Au passage, l'air de rien. Mais il ne fallait pas le négliger, puis cela était véridique. Elle était celle qui avait mis le coup fatal.

« -Un combat qui amena la destruction de Lyssa, grâce à l'esprit de l'eau. Destruction de la perle aussi, par mes soins. Peut être est-cela qui le fit me libérer ou bien un sentiment de bon sauveur suite à la mort des habitants restés, qu'importe. Depuis ce moment, je n'ai cesse de vouloir revenir. »

Mais, Norwen n'était pas venue pour parler de son passé, de sa capture qu'elle aimait oublier. Cela ne serait pas le meilleur moment de sa vie, mais elle s'en était sortie plus forte et avec plus de détermination.

« -Car votre ancien double royal a éveillé ma curiosité, à moins que se ne soit mon scepticisme face à ses mots. Des questionnements quand à vous ? A votre nouvelle destinée ? A notre nouvelles destinées ? Celles des vampires.»

Et le regardant, elle attendait, elle aussi, des réponses.

Aucun signe sur son visage ne démontra qu'il avait entendu sa réponse, mais elle le connaissait et ne serait sans doute pas dupe de sa totale concentration. Il ne faisait pas que l'écouter, il soupesait chaque mot et analysait chaque tournure de phrase ainsi que le ton avec lequel elles lui étaient servies. En somme il attendait simplement de voir si il allait ou non la prendre en défaut... Ce qui ne l'empêcha pas de grogner avec un certain dédain :

« Il me semblait pourtant que nul ne possédait de griffes aussi longues que les tiennes... »

Il attendit la suite néanmoins, pas tout à fait surprit lorsque l'identité de cet ennemi lui fut dévoilée. Il le savait déjà bien sur mais la confirmation n'était pas de trop. Pourquoi Achroma avait-il jugé bon de capturer Norwen ? Quel but poursuivait-il ? Comme souvent, les rapports entre lui et l'ancien se muaient en un étrange dialogue à distance où le premier tentait de percer les mystères des agissements du second, et vice versa. Lorenz rumina quelques instants sur ce sujet, notant au passage qu'une des perles avaient été détruite. Ainsi c'était de là que venait les rumeurs folles qui couraient sur la ville de Lyssa... Il avait envoyé des messagers lui confirmer tout ceci mais ceux-ci n'étaient pas encore de retour. Quand au vampire beau parleur, il voyait de qui il s'agissait et ne s'étonnait pas vraiment sur ce coup, Eliowir appartenait à Achroma désormais... Enfin ce n'était qu'un détail. Il haussa les sourcils légèrement :

« Ainsi Lyssa a vraiment été détruite ? Je ne sais pas si nous devons vraiment nous réjouir de la décision que semblent avoir prit les Esprits de se mêler de cette guerre... Ils pourraient bien nous causer autant de dégâts, sinon plus, que Néant... »

Songeur, il détourna le regard afin de mieux se plonger dans ses réflexions. Il se fichait pas mal de la destruction d'une ville humaine, mais le message d'Océan était clair. Les petites constructions des mortels n'avaient pas d'importance à ses yeux, de même que leurs vies. Si il fallait raser tout Armanda pour mettre fin à ce qui les avaient fait entrer en guerre alors les Créatures ne se gêneraient sans doute pas, ce n'était pas une bonne nouvelle... Pas du tout même. Quand au fait qu'elle ai été relâchée, ça n'en était pas une non plus. Il y avait forcément une raison derrière ça, Achroma n'agissait jamais à la légère. De plus en plus pensif, il reporta son attention sur la vampiresse en cherchant à deviner les objectifs de son adversaire. Le retour de Norwen pouvait déstabiliser le peuple vampirique, ainsi que sa propre position par l'intermédiaire d'Ambre. Mais il pourrait régler le problème très facilement en l'éliminant, et Achroma le connaissait assez bien pour savoir qu'il n'hésiterait pas une seule seconde. Peut-être y avait-il donc un autre sens caché à tout ceci... Si c'était le cas, il lui échappait pour le moment, mais ça ne durerait pas.

La suite le ramena toutefois à l'instant présent. Venait-elle vraiment de l'interroger ? Elle n'ignorait pas à quel point il détestait qu'on fasse ça, il ne tolérait pas qu'on renverse la situation lorsqu'il exigeait des explications. Mais elle lui avait répondu, et si ses interrogations lui avaient été glissées par Achroma alors il serait sans doute plus prudent de les gérer tout de suite... Il haussa donc les épaules :

« Ma destiné n'a pas changé, même si il ne serait actuellement pas très indiqué de chercher à soumettre un monde qui semble tout prêt à s'écrouler. Au cas où tu ne l'aurai pas remarqué, Armanda est au bord de la destruction... »

Bon si elle avait affronté une perle il y avait de fortes chances qu'elle soit au courant, mais mieux valait mettre les points sur les i... Il continua donc :

« Nos objectifs actuels concernent les Alayiens, nous devons les détruire. Mais nous ne pouvons pas non plus ignorer Néant et ses intentions, pas plus que ce Voyageur et sa prophétie. Ces objectifs militaires te sied-ils ou dois-je changer mes projets afin de te plaire ? »

Polaire, son ironie ne se cachait plus et se teintait d'une note de danger qu'elle ne manquerait pas d'identifier...

Il ne faisait aucun doute que son prince n'appréciait guère sa façon de s'exprimer et encore moins les mots qu'elle employait. Là encore, elle ne cesserait pas. Même si c'était pour mieux s'enfoncer.

« -Les griffes non, mais la magie assurément. Votre ancien double royale a balayé d'un souffle la moitié de l'armée qui me suivait et a assujettis l'autre. Et je pense que cela l'amusait de tenir sous sa merci votre générale. Autant pour l'humilier que pour le plaisir qu'il doit avoir en pensant à cette discussion. Que je vous narre dans les moindres détails les différents points de sa traîtrise, dont certains doivent être aussi faux que d'autres seront véridiques. »

oui, il devait jubiler dans son coin. Le vil traître. Un jour il le paierait. Oui, Norwen s'en ferait une joie de lui rendre la pareille. Avec supplément.

« -Il ne reste que les débris de ce qui fut la ville navale. Ainsi que quelques cadavres de ceux qui n'ont pu fuir à temps. Une bénédiction ou pas, l'intervention de l'esprit de l'Océan nous a tout de même permis de vaincre cette perle. Quand aux dégâts, toute guerre a ses dommage, Lyssa en a fait partie. Tant que cela s'en tient à se genre d'aide.. Mais les esprits sont frileux d'interventions. Depuis quand ne les avions pas vu ? L'arrivée alayenne semble bouleverser leur ordre établit. Ils tentent d'en remettre un sens. Après tout n'est-ce pas la faute d'un des leur ? »

Mais les Esprits, allez savoir à quoi ils pensent ou jouent. Peut être s'ennuyaient-ils ? Pour la générale, ils étaient encore si loin et tellement irréels dans son esprit, même après la bataille de Lyssa.

« -En effet, notre monde semble s'écrouler mais sur bien d'autres aspects. Il est peut être pas judicieux de poursuivre en cet instant critique la voie que nous nous sommes fixés, mais il en est tout autre mon Prince que de partir en sens inverse. Car ce monde en chaos aujourd'hui ne le sera plus demain et certaines conséquences ne pourront cependant pas être effacé. »

Comme le fait de garder son humaine près de lui et l'élever au même rang que bon nombre de vampires, voir plus et lui donner des guides pour diriger leur empire. Une folie, comment pouvait-il penser que les vampires accepteraient ? La peur, il y avait pire à leurs portes aujourd'hui, des voix s'élèverait puis des personnes. Une scission, non Norwen ne pouvait y penser et le tolérer. Certains seront trop couards pour ne pas le lui dire, rongeront leur frein pour mieux insinuer une scissure dont les vampires n'avaient nullement besoin. Leur unité sera leur seule planche de salut pour vaincre les autres peuples.

« -La question n'est pas de savoir ce qui me plaît ou pas. La chute des envahisseurs et de leur Esprit ou leur asservissement n'est qu'un état de fait, une suite logique ou une obligation pour rétablir un ordre certain. Quand à ce voyageur venu dont ne sait où, je me méfie de ses dires et de ses attentions. Prophétie ou pas il n'en reste pas moins que nous ne savons rien de lui. Les événements récents vont en son sens, mais justement. Raison garder il faut, et je pense que votre raison est troublée en ces tristes moments pour notre peuple. »

Il n'apprécierait pas. Mais Norwen n'était pas là pour le brosser dans le sens du poils, ou du cheveux. Non, elle voulait qu'il ouvre les yeux sur sa fausse route. Même si cela devait se faire dans la douleur. Elle ne pouvait le laisser aveugle quitte à le rendre en colère.

[HJ: désolée, je n'avais pas vu que tu avais répondu. J'allais même te demander si tu ne m'avais pas oublié ]

HJ : aucun soucis, j'ai tardé aussi ^^'
Un peu trash ma réponse, mon perso ne peut pas prendre bien le "votre raison est altérée" est bah c'est Lorenz quoi.. Si ça te pose un soucis dis le moi et j'éditerai pour essayer d'adoucir un peu, mais ça restera dur. D'autant que là du coup je met fin au rp du même coup. Sauf si tu veux mourir


Si elle pensait que la suprématie magique d'Achroma sur elle pourrait lui servir d'excuse à ses yeux, il se trompait. Une défaite était une défaite, il n'avait cure des explications qui pouvaient aller avec. Néanmoins connaître les détails de la capture et de ce qu'avait pu faire l'ancien pourrait être utile, tout ce qui concernait ce dangereux ennemi l'intéressait, car il n'ignorait pas que c'était dans l'information que se nichaient bien souvent les chances de victoire. Non pas qu'il s'inquiéta tout à fait d'un possible affrontement avec son ancienne ombre, il savait pertinemment qu'il sortirait vainqueur d'un combat frontal mais c'était justement ce que celui-ci allait vouloir éviter, et dans d'autres domaines il était plus dangereux encore...

Ruminant ses pensées, l'ancestral ne rata pas pour autant l'expression de colère de la vampiresse. Elle en voulait à Achroma... Il rangea cette intéressante information dans un coin de son esprit et demeura silencieux tandis qu'elle parlait. Comme désintéressé par ce qu'elle disait, il étira doucement ses muscles avant de s'autoriser à faire quelques pas dans l'espace de la tente. Marcher aidait toujours à réfléchir, mais en vérité il n'avait pas vraiment besoin de réfléchir à cet instant. Il savait déjà ce qu'elle allait dire, et il savait que ça n'allait pas lui plaire, pas plus que sa réaction à lui lui plairait. Tout ceci était d'un ennui mortel... Ne pouvait-elle pas s'en rendre compte par elle-même ? Ne pouvait-elle s'arrêter avant que l'irréparable ne soit commit ? Elle le connaissait mieux que beaucoup de vampires, alors pourquoi se fourvoyait-elle ainsi en pensant s'en tirer sans dommages ? Ou peut-être justement ne le pensait-elle pas... Oui, elle était consciente de ce qui allait se passer, et elle agissait quand même... Cette pensée le crispa, l'ombre d'une moue dégoûtée passant sur son visage par ailleurs impassible tandis qu'il la laissait finir, et dépasser finalement la ligne comme il l'avait prévu depuis le début...

« Norwen... »

Il avait prononcé son nom à voix basse, le regard tourné vers l'extérieur de la tente où les activités des vampires se faisaient plus calmes à mesure que le jour approchait. En fait sa voix n'avait consisté qu'en un filet, un petit soupir à peine esquissé qui démontrait à quel point il était déjà agacé de toute cette conversation. Après quelques secondes, il se décida à se retourner vers elle et nul autre que lui n'aurait pu démontrer un masque aussi dur que celui qu'il lui opposa à cet instant. Son visage était calme, illisible. Ses prunelles tranchantes brûlaient d'un feu patient qui semblait apte à faire fondre l'acier qui les composaient. Dressé de toute sa taille et comme taillé dans le roc et l'obsidienne, il la toisait avec l'assurance glaciale et la suprématie qui avait fait de lui un prince. Ses lèvres se retroussèrent lentement sur ses canines tandis qu'un grondement venu du plus profond de son être venait rouler dans sa gorge et il interrogea avec une terrible acuité :

« Est-ce que tu m'accuserai de sombrer dans la folie, Ullylan ? Est-ce ma propension à suivre mes plans plutôt que les tiens qui te rend furieuse au point de m'insulter ou bien est-ce plutôt parce que je me suis détourné de ta chair ? »

Inflexible, il l'écrasa de toute la violence de son regard et plutôt que la fureur c'est un véritable et profond mépris qui passa dans ses yeux tandis qu'il se détournait finalement d'elle sans le plus petit regret :

« Tu n'es rien pour moi, tu n'as jamais été autre chose. Mais tu es un général passable. Sors d'ici sans un mot et tu pourra reprendre une place honorable au sein de l'armée à défaut d'avoir encore une place dans ma couche. Ouvre encore la bouche maintenant ou plus tard pour contester mes décisions et tu n'aura plus jamais l'occasion d'ouvrir tes cuisses à quiconque. Et si par un malheureux hasard il devait arriver le plus petit malheur à ma compagne, sache que je t'en tiendrais pour la première responsable, dusse-t-elle s'être coupé le petit doigt avec une page de grimoire. Dehors. »

Il avait mit tout le dédain et toute la cruauté gratuite dont il était capable dans ses paroles, et ce n'était pas peu dire... C'était nécessaire, la coupure se devait d'être nette et profonde afin qu'elle comprenne bien qu'elle n'était plus en droit de lui donner son avis à tort et à travers. Peut-être même allait-il devoir la tuer ici et maintenant, la balle était dans son camps à elle. Où elle avalait la vipère et sortait en ramassant les morceaux épars de son orgueil, où elle finissait sa non vie ici, dans cette tente. Dans tous les cas, elle était désormais trop dangereuse pour qu'il ne s'arrange pas pour se débarrasser d'elle à la première occasion. Dommage tout de même... Ou pas. En vérité, tout ceci ne le touchait pas.

La tension était palpable et la chaleur de la pièce grimpait autant avec la colère des deux protagonistes que de la journée avançant vers le zénith du soleil qui commençait à caresser de ses rayons la toile de la tente du prince vampirique.
En son centre, le propriétaire des lieux, étrangement calme, malgré tout, même si ces yeux indiquaient le contraire et quiconque serait venu lui demander audience serait reparti aussitôt sans demander son reste, à moins qu'il soit suicidaire. Cela pouvait être une option. Un peu comme devait l’être Norwen en cet instant. A défier le prince, du point de vue de celui-ci, de le remettre en place du point de vue de la générale. Ce qui devait revenir au même au final. Mais il fallait parfois faire preuve de folie, de persévérance, d'absurdité et d'audace pour se rendre coupable de vouloir ce qu'il y a de mieux pour soit, pour son peuple, pour celui qui fut votre Maître, votre Prince, votre guide. Même quand tout semblait perdre sens, que le monde se mettait à tourner à l'envers, que toutes vos croyances s'en trouvaient chambouler, il ne fallait pas perdre de vue cette ligne fixée. Et Norwen la suivrait quoiqu'il lui en coûte. Même la vie.

La jeune femme ne bougea pas, ne fuyant pas du regard celui face à elle. Malgré tout ce qu'elle pouvait y voir. La haine, le mépris, l'indifférence, la colère, un ciel d'orage traversait le regard azuré du prince vampirique. Une étrange sensation s'empara de la générale vampirique. Ce n'était pas celui d'avoir été trop loin et de honte d'avoir outre passé son devoir ou ses droits. Ce qui aurait été le cas, quelques jours ou mois auparavant. Mais pas là. Plus aujourd'hui. Et cela la déstabilisait. Qu'est-ce qui avait changé ? Sa foi en la victoire de son peuple ou bien envers celui qui elle devait suivre pour y parvenir. Par le magnétisme des mots qu'il avait implanté dans son esprit. Cette ferveur qu'il avait su faire naître en elle au point d'en faire une soldat de l'ombre parfaitement assuré à sa cause. Mais Norwen n'était pas prête à tout endurée. Pas à être humiliée par une humaine manipulatrice. Il pouvait être berné par ses charmes, Norwen ne l'était pas. Et qu'importe les menaces, cette humaine paierait un jour. Peut être pas demain, mais dans un mois, un an, dix ans. Elle se le promettait. Pour elle, pour son peuple.

La jeune femme n'ajouta pas mot et sortit de la tente, sans attendre son reste. Quelque chose de nouveau émergeait au creux de son ventre. Cette chose qui n'avait cessé de croître depuis son départ de Lyssa. Et les derniers mots du chef des vampires venaient comme un écho à cette chose encore dansante et à peine palpable, dont elle ne saisissait pas encore le sens. Mais une chose était sure. Elle devrait réaliser ce rêve sans celui qui devenait à ses yeux incapable de gérer le peuple vampirique. Et sa sortie debout en était la preuve.
Norwen se dirigea vers ce qui avait été son passé, vers ses hommes et glissa comme une vipère le venin des paroles d'Achroma le traître, qui devait jubiler de pareilles choses, comme s'il les attendait depuis des siècles. Le retour fut rapide, elle devait fuir et vite. Ce qu'elle fit, avec une poignée d'Hommes, qui comme elle, refusaient la domination humaine. Elle n'était pas seule à gronder en silence, comme un orage lointain. Certains s’écraseraient continuant à être passif et attendre, sortant un jour de l'ombre, ou pas. D'autres suivraient y trouvant leur intérêt grandissant, se moquant bien de cet aspect. Mais Norwen savait vers qui aller, même si avant toute chose, elle devrait fuir la mort d'avoir désobéit.