¤ Une question de goût ¤

Juillet avait filé, puis Août pour en arriver jusqu'à la moitié de ce mois torride. Non la chaleur ne dérangeait pas le dragon, après tout, même la canicule ne l'avait pas dérangé. Un être de flamme ne pouvait être atteint par la chaleur ou par le feu. Du moins, c'est ce qu'il pensait et rien n'était venu contredire sa pensée jusqu'à ce que Feu ne lui inflige une brûlure lorsqu'il était venu en aide à Alford Gorder. Ainsi aucun feu ne pouvait atteindre la race draconique, sauf qu'en celui-ci était nourri par la magie spirituelle. Voilà encore une leçon amère que le rouge avait apprise. Néanmoins, il ne regrettait pas son geste. Il était venu en aide à celui qui était le bourreau royal et il le referait même s'il devait à nouveau défier la volonté des esprits. Il avait placé le mercenaire sous sa protection. Ce n'était pas pour lui faire faux bond. Son honneur en dépendait. Quoi qu'il en soit, les journées avaient filé aussi rapidement que le colérique filait dans les airs. Rester stationner à Aigue un bon bout de temps pour finalement arpenter le continent à la recherche d'Edwyn Ruddy, ce maudit Tarenth.

Toutefois, le rouge n'avait plus le temps de trainer. Son regard devait maintenant se tourner vers un autre bipède que le Tarenth. L'intérêt de l'aveugle devait pointer vers celui dont il avait détruit la dague. Fabius Kohan. Celui que la rébellion appelait l'usurpateur. Le fils de l'orage se moquait bien des querelles puériles des bipèdes. Une bataille entre membres d'une même famille et ceux pour le pouvoir. Un cousin en tuant en autre pour lui ravir une couronne hideuse. Si Verith pouvait comprendre le désir d'obtenir du pouvoir, il ne pouvait comprendre que l'on s'en prenne à ceux qui portent le même sang que nous. Du moins, il pensait ne pas pouvoir le comprendre, jusqu'à ce que sa mère ne se lie à un vampire et ne fasse naitre des ressentiments profonds chez le maudit. Le colosse grenât le dit et le redit à nouveau, les bipèdes sont un véritable fléau pour toute chose.

Si Verith se moquait des querelles entre bipèdes, ce n'est pas pour autant qu'il ne s'intéressait pas au sort de certains d'entre eux, ce qui n'est jamais bon signe en général. Fabius Kohan, même s'il ne l'avait jamais rencontré, Verith le détestait déjà et l'envie de le tuer ne lui manquait. Pourquoi de tel ressentiment alors que ses yeux ne s'étaient encore jamais penchés sur lui ? À cause de ce qu'il avait fait. Il avait utilisé Dévoreuse. Il avait utilisé Dévoreuse à l'encontre d'un dragon. Disloquer le corps de ce ver de terre couronné ne serait pas pour déplaire Verith. D'autant plus que ce dernier avait fait alliance avec les Alayiens. Autant de raison suffisante pour l'avatar de l'ire n'en vient à souhaiter la mort de celui-ci. Alors pourquoi ne laissait-il pas libre cours à son envie ? Le sort et les esprits semblaient se régaler à se jouer du colosse de flammes. Même s'il le désirait, sa malédiction l'empêcherait d'éventer ce dernier. Mais là n'était pas le plus drôle. En effet, le salut du dragon se trouvait en la personne de ce méprisable individu ! Parce qu'il avait détruit la dague du passeur, Verith avait permis à Vraorg de libérer son esprit et ce dernier était venu s'insinuer en lui et en Alford. Et le seul moyen de se libérer de l'emprise de l'arrogance-blanche était lié à ce bipède.

Si Verith avait adoré détester Edwyn, ce ne serait sans doute pas le cas de cet individu. Et même se dire qu'il n'avait pas le choix ne faisait que l'enrager davantage. Comment allait-il devoir s'y prendre ? Allait-il devoir capturer l'empereur des hommes, l'amener dans les montagnes et attendre que le moment arrive pour qu'enfin l'emprise de Vraorg ne puisse être levée ? Où au contraire allait-il devoir attendre auprès de lui ? La première solution lui ressemblait parfaitement tandis que la seconde lui était d'emblée insupportable. Néanmoins, le rouge avait le pressentiment que ce n'est pas en faisant les choses à sa façon qu'il parviendrait à ses fins sur ce coup-là. Soit ! Sa colère à sa libération n'en serait que plus grande.

Mais où pouvait bien être ce bipède ? Il ne l'avait jamais rencontré, il ne connaissait pas son odeur, il ne pourrait le pister comme l'on piste un gibier. Il n'empêche que d'autres moyens plus simples existaient pour trouver un bipède aussi connu sur ce continent. Trouver l'empereur ne serait pas le plus difficile, ni l'approcher surement. Le supporter et pouvoir rester serait une tâche plus ardue. Le Verith allait devoir se montrer moins... Moins Verith justement. Y parviendrait-il ?

Ainsi le colérique finit par connaitre l'emplacement, ou du moins celui présumer, du Kohan. Non il n'était pas à Gloria. Il se rendait à Aldaria, l'une des autres villes humaines qui défiguraient Armanda. Pourquoi Aldaria, voilà une question que se posait le rouge, non pas qu'il s'y intéressait réellement. Le maudit s'attendait plutôt à que celui-ci se trouve à Gloria. N'était-ce pas la capitale du royaume après tout ? D'après ce qu'il avait pu tirer en laissant son esprit vagabonder dans les plus petits villages, celui-ci s'y rendait pour des festivités. Ça ou autre chose. Quoi qu'il en soit, le colérique savait où se rendre. Impatient comme à son habitude il se mit en route. Les bipèdes étaient lents, il les rattraperait sans doute avant que ces derniers n'entrent dans la ville.

Volant haut dans les cieux, son esprit sondait la terre en dessous de lui. Fabius Kohan était un empereur, il devait surement se déplacer avec nombres d’autres bipèdes pour assurer sa protection. Il lui suffisait juste de trouver un amas anormal d’humains. Survolant les chemins et campagnes séparant Gloria et Aldaria, il finit par trouver ce qu’il cherchait. Lentement le rouge s’inclina pour amorcer sa descente. Le sol se rapprochait sous ses pattes alors que son ombre grandissait. Verith ne put retenir un léger grondement quand il sentit les humains au sol commencer à s’alarmer et à s’armer. Les fous. Néanmoins le branlebas de combat s’amenuisa, alors que certains semblaient vouloir calmer le trouble naissant. Virant légèrement, le dragon décida d’atterrir de l’autre côté du lac. Il était inutile de faire monter la pression dans l’esprit limité des humains.

Tournant son museau vers le point d’eau, Verith s’y pencha pour venir boire un coup tandis qu’il repliait ses ailes dans son dos. Envoyant son esprit en direction du groupe d’humains il parla de manière de se faire attendre de tous.

« Stupide bipède. Que pensez-vous faire avec vos armes de métal ? Pensez-vous qu’elles pourront vous protéger ? Pensez-vous qu’elles pourront m’atteindre ? La seule chose qu’elles sachent faire c’est m’offenser et attiser mon ire, augmentant la probabilité que je fasse de vous mon repas. »

Redressant le museau, Verith vint faire peser son esprit sur chacun d’entre eux avant de s’avancer dans le lac. Celui-ci n’était pas suffisamment profond et ne lui arrivait qu’au trois-tiers des pattes. Lentement il vint vers le groupe de bipèdes sur l’autre rive.

« Les vampires sont peu ragoûtants. Les elfes et leur régime à base de verdure me donnent des maux d’estomac. De tous vous êtes ceux qui ont la chair la plus agréable. »

Le rouge s’arrêta une fois arriver sur le bord de l’autre rive. Sa patte gauche venant se poser sur la terre ferme, ses griffes d’ébènes s’enfonçant dans le sol, creusant un peu le lit du lac. La présence de Verith se fit finalement moins lourde, celui-ci se contenta de vagabonder autour des êtres en présence, cherchant celui pour lequel il était là.

« Mais vous ne valez rien en comparaison des bêtes que vous montez. À l’avenir, gardez-vous de lever des armes à mon encontre. »

Le dragon couleur grenât tourna le museau en direction de Fabius Kohan que son esprit venait de reconnaitre en comparant les souvenirs qu’Ashy avait partagé.

« Que vos hommes retiennent cette leçon, empereur des hommes. »

¤ Toi qui désire une réponse, je t’en donne une ¤

Être dévoré. Une sensation que seules les proies pouvaient connaitre. La peur d'être mangé, un sentiment que seul le gibier pouvait ressentir. Se faire ingurgiter, les bipèdes n'en ont que très peu conscience, mais cette peur est de loin la plus terrible des peurs. Se savoir devenir nourriture pour un autre. Se savoir faible, se savoir relayer à un échelon inférieur de la chaine alimentaire. Il n'existe en vérité pas plus grande terreur que celle-ci. Se faire manger. Voir sa chair déchirer par les crocs d'une bête. Voir son sang flatter le palais d'un prédateur. Seuls les gibiers connaissent cette terreur. Et de tous les bipèdes, les humains sont ceux qui y sont le plus sensible. Inconsciemment bien entendu. Cela n'est nullement en raison de leurs caractères, mais de leur histoire. Lorsque les vampires n'avaient pas encore été repoussés aux confins de l'est d'Armanda. Cette peur de servir de nourriture pour une créature de la nuit aux dents longues, elles avaient imprégné leurs esprits lors de l'ère d'argent. Et bien que les années aient passé, celle-ci demeure au plus profond d'eux-même. Il suffit juste de leur rappeler. Le rouge ne s'en priva pas, l'exploitation de cette peur lui convenait à merveille. Elle permettait ni plus ni moins de rappeler le fossé existant entre leurs races respectives. Eux les bipèdes, vulgaire troupeau de gibier bon à remplir la panse des sublimes créatures volantes cracheuses de feu, les dominants en tout point.

L’esprit du rouge rôdait encore parmi les humains, invisible, mais bien présent. Les observant dans l’ombre, tel un prédateur guettant sa proie, prêt à s’abattre sur lui. Il les surveillait, s’assurant qu’ils abaissent leurs armes. De toute manière celles-ci ne leur serviraient à rien. Verith sentait l’honneur bafouer de ces humains à qui il venait de rabaisser sans le moindre scrupule. Il connaissait cette sensation désagréable, et celle-ci venait vers échos en lui au travers de sa malédiction, il rappelait l’humiliation subit face à Vie, et Vraorg. Celle de l’impuissance. Ignoble sentiment que celui-ci. Et pourtant le rouge semblait tirer un certain plaisir à le rappeler la qualité d’insecte, aux bipèdes. Quand bien même cela devait le faire souffrir. Une forme de masochisme ? Verith n’était pas plus sage qu’un humain en réalité, voir sans doute plus. Sa tête était incroyablement dure et il était difficile de le faire changer d’avis. Il fallait du temps.

« Vous savez donc qui je suis, mais moi, j'ignore toujours qui vous êtes, dragon. »

L’esprit de l’empereur des hommes était tout bonnement … répugnant. Digne d’un bipède en réalité. Le rouge prendrait grand plaisir à planter ses griffes dans le corps de cet humain. Même s’il avait dit aux dragons liés qu’il n’était pas capable de faire la différence entre les bipèdes, que pour lui ils étaient tous mauvais, il voyait en ce jour qu’il pourrait tout de même opérer de lui-même une certaine distinction.

« C'est toujours un honneur que de rencontrer vos semblables, mais il me semblait que votre race ne me portait pas dans son cœur et pourtant... je suis toujours là, bien vivant. Et vous, vous êtes là, en face de moi. J'ai peine à croire que tout cela ne soit qu'une coïncidence. Il y a une raison en toute chose, et j'aimerai connaître celle de votre présence en ces lieux. Que me voulez-vous ? »

« Je suis Verith de l’ire. »

Un léger grondement secoua les écailles du rouge, alors que sa voix spirituelle résonnait dans l’esprit des hommes autour de lui.

« Quelle arrogance. »

Le rouge recula la patte qu’il avait sortie hors de l’eau, venant se déplacer lentement le long du bord du rivage.

« Mille et une raisons expliquent la haine que les miens peuvent te vouer. Mille et une raisons justifient néanmoins ta survie. Tu peux te dire qu’il y a ici un équilibre. Mais cet équilibre est précaire et ton sarcasme pourrait venir le perturber. En ta faveur ou en ta défaveur, cela je ne le sais pas encore. Tout dépend si je l’apprécie ou non. »

La queue du rouge fouetta l'eau avant de redevenir calme, tandis que son museau glissa en direction du groupe d'humains, donnant l'impression qu'il les observant dans son ensemble. Ce que son esprit faisait. Finalement il ramena celui-ci à Fabius pour ne parler qu'à lui et à lui seul.

« Non ce n'est pas une coïncidence. Tu désires connaitre la raison de ma présence. Tu désires sauvegarder ta vie. Tu désires pouvoir manipuler les gens à ta guise. Tu désires être un marionnettiste tirant des ficelles pour que les pantins articulés que sont ceux qui t'entourent agissent selon ton bon vouloir. »

Le colérique laissait résonner sa voix dans l'esprit du souverain, retenant toutefois cette dernière pour ne pas en venir à blesser celui-ci.

« Tu aurais tort de vouloir tenter de même avec moi Fabius Kohan, car tu pourrais amèrement le regretter. Je ne suis pas venu ici pour être ton ennemi, tu ferais donc erreur de me traiter de la sorte. Mais ne crois pas non plus que je suis ton ami. Je ne peux être ami avec un bipède comme le font ces dragons domestiqués par le lien. »

Verith retira son esprit de celui de l’empereur afin que tous puissent l’entendre.

« Tu as trahi Armanda et tu as trahi la magie en t’acoquinant avec les dévots agissants aux ordres d’un esprit corrompu. Sache que les esprits n’ont pas apprécié cela. Leur sœur est venue jouer une fois de plus dans leur terrain de jeu, et l’une de leurs créations lui est venue en aide en permettant à ces pions de pulluler. »

Le rouge dodelina de la tête tandis que des petites flammèches sortirent des naseaux du rouge alors qu’il continua.

« Je te dirais bien de les envoyer balader. Mais ils sont très mesquins. Il est déconseillé de les contrarier. Si je suis ici, c’est pour vous annoncer cela Fabius Kohan. Et vous apportez mon assistance si vous envisagiez de vous racheter auprès d’Armanda, de la magie et des esprits. »

¤ Toucher là où ça fait mal ¤

Verith essayait de monter une histoire de toutes pièces pour celui qui se réclamait empereur des hommes. Une histoire de toutes pièces ? Non pas réellement, il y avait du vrai dans ses paroles, mais il y avait du faux également. Mais surtout des hypothèses et des hyperboles. La dague que Verith avait « détruite » avec Alford était destinée à Fabius Kohan. Et cette dague était un cadeau des esprits. Il avait donc bel et bien un rôle un joué, un rôle que lui avait donné par les esprits même si celui-ci l’ignorait. À vrai dire, il ne savait si le rôle que celui-ci avait à jouer était encore d’actualité ou non depuis la destruction de la dague. Le rouge supputait que oui, la destruction de la dague ne l’avait pas totalement écarté. Après tout Edwyn, quand bien même il lui apportait peu de crédit, a dit que c’était cet homme leur « dernière chance de salut ». Il devait donc avoir un rôle à jouer vis-à-vis de Vraorg. Quoi qu’il en soit, cela suffisait à l’avatar de l’ire de choisir avec parcimonie ce qu’il devait révéler à l’humain et ne pas lui révéler. Il ne fallait que le statu quo reste en sa faveur. Il ne supporterait pas qu’un bipède ait à nouveau l’ascendant sur lui.

Si les paroles provoquèrent une sorte de crispations chez les sujets du roi, l'intéresser lui se mit à rire. Ce bipède ne semblait pas l'avoir cru, ou peut-être ne souhaitait-il pas le croire. Ou alors il était simplement plus intelligent qu'il n'en avait l'air pour un bipède.

« Je crains que vous ne frappiez à la mauvaise porte, Ô Verith de l'Ire. Je ne suis pas en charge d'Armanda, du monde, des Esprits ou des autres races. Seulement de l'humanité. Il n'y a qu'elle qui m'intéresse. Si cela ne convient pas aux Esprits, ma foi, il leur suffit de me faire disparaître. J'ai un cousin qui sera ravi de prendre la relève. En attendant, je ferais comme je l'entends. »

Le rouge ne dit rien, sa cuirasse grenat tremblant sous un soupir intérieur. Qu’allait-il bien pouvoir lui répondre ? Sans doute, continuez de le mettre en garde et peut-être flatter l’égo de celui-ci ?

« De toute évidence, il est dans votre intérêt de m'utiliser, pour une chose ou une autre, qu'importe. Mais je ne fais pas la charité, je ne me soumets pas et rares sont les esprits suffisamment retors pour pouvoir me manipuler. Alors si vous avez besoin de moi, il va falloir me donner quelque chose en retour. »

Le museau du dragon de l’ire resta pointé en direction du monarque, ses paupières toujours closes. Semblant paraitre étrangement calme.

« Moi avoir besoin d’un bipède ? »

Un premier cri s’éleva en provenance d’une des lames noires qui prit sa tête entre ses mains, se crispant avant de s’effondrer au sol en se contorsionnant.

« Moi devoir donner quelque chose à un bipède ? »

Un second cri s’éleva, en provenance d’une autre lame noire qui s’effondra au sol elle aussi.

« Ne m’insulte plus jamais. »

Les deux bipèdes agressés par l'esprit du rouge finirent par se taire, venant de perdre connaissance. Verith avait enserré la conscience de ces derniers comme on aurait serré une gorge. Il aurait pu les briser, les faire atrocement souffrir, mais sa malédiction l'en aurait empêchée. Il s'était contenté de les bousculer violemment jusqu'à leur faire perdre conscience sans leur causer de dommages.

« Si je voulais te manipuler, il suffisait que j'influe sur ton esprit comme je viens de le faire avec ces deux-là. Mais je ne suis pas ici en tant qu'ennemi. Ni en tant qu'ami ce qui signifie que je ne tolèrerais pas de manque de respect envers ma personne.»

Le rouge s'assit dans la rivière comme de rien n'était, levant une patte pour venir se gratter les écailles au niveau de son cou. Il espérait avoir été suffisamment clair avec l'empereur.

« Au contraire je frappe à la bonne porte, empereur des hommes. Les elfes ne sont plus qu’une poignée, la rébellion de Korentin Kohan est aussi faible qu’un nourrisson, les vampires sont isolés et les Alayiens ne sont presque plus. Tu es l’unique superpuissance bipède restante. Tu pourrais ancrer la suprématie de ta race sur les deux autres. Et même pacifier Armanda. Il serait dommage que cette chance qu’a l’humanité disparaisse parce que leur empereur n’a pas fait preuve de suffisamment de sagesse, s’aliénant les esprits et la magie. »

Verith expulsa quelques flammèches par ces naseaux.

« Tout le monde est en partie en charge Armanda, Fabius Kohan. Chaque individu sur ce continent à une part de responsabilité sur le devenir de ce monde. Il tient à chacun d'augmenter sa part de responsabilité dans sa destruction, ou dans sa survie. Tu pourrais amener ton peuple à jouer un rôle décisif dans la survie de ce monde et faire jaillir sur lui la gloire. Ou tu peux continuer, comme tu l'as fait en aidant les Alayiens, à augmenter la part de responsabilité de ton peuple dans la destruction de ce monde et jeter l'opprobre sur les humains. Je connais ma part de responsabilité dans sa destruction. Mais pas celle pour sa survie. Peut-être est-elle de venir te prévenir de cela, de te convaincre. »

Un léger sourire apparut sur les lèvres draconiques du rouge, dévoilant ses crocs.

« Je suis au courant de l'apparition de monstruosités tentaculaires dans les villes humaines, notamment à Gloria. Si tu te prétends sage, tu dois savoir qu'elles sont des signes avant-coureurs de quelque chose de bien plus grand. »

¤ Ce que je veux ¤

Verith avait besoin d’un bipède, combien de morts et de ravages devrait-il causer pour laver par le sang cet affront. Edwyn, il aurait mieux fait de le fuir le jour où il l’avait rencontré. Par sa faute il se retrouvait maintenant maudit par un esprit et contrôler par un autre dragon qui avait perdu tout honneur. Son seul espoir pour s’en libérer se trouvant apparemment dans la personne de ce misérable et odieux personnage. Dire que s’il n’y avait pas eu ce fait, ses griffes laboureraient la chair de cet individu. Non, il ne pouvait le tuer. Ce n’était pas à lui que revenait ce droit. C’était à Ashy de prendre sa vie ou non. Dire qu’il n’allait avoir d’autres choix que de faire en sorte que ce Kohan ne meure pas pour le moment quitte à le protéger. Grotesque, tout simplement grotesque. Une fois cette désagréable histoire terminée, sa vengeance serait terrible. Rien de pire qu’un dragon de l’ire ne pouvant exprimer sa colère lorsqu’elle éclate. Lorsque le jour de sa libération viendrait, ceux dont ils voulaient la peau n’auraient nulle part où se cacher et nulle personne ne pourrait les protéger.

« Le respect va dans les deux sens. Vous n'obtiendrez jamais le mien en malmenant mes hommes. Et encore moins en proférant de vaines menaces. »

La queue du rouge fouetta violemment l’air. Ce misérable semblait s’amuser de la situation. Ainsi donc il ne mesurait pas le danger de la situation. Le fait qu’il s’en soit pris à ses hommes ne l’éclairait pas ? Et il se disait un homme sage. Pfeu, un bipède sage ça n’existe pas. Et n’existera jamais. Verith lâcha un grondement, le jour où il respecterait un bipède l’océan tout entier disparaitrait pour être remplacé par une étendue de feu liquide. L’esprit du rouge se porta sur les gardes royaux de Fabius, ils semblaient particulièrement stresser à la suite de l’effondrement de deux dès leurs. Sans doute comprenaient-ils que malgré tout leur dévouement ils ne pourraient rien faire face à lui. Le comportement de leur suzerain ne devait sans doute rien faire pour arranger leur état, celui-ci continuant de provoquer le rouge.

« Même si je veux bien admettre que tu sais sur le sujet des choses que j'ignore... je préfère mettre les choses au clair. Je ne crois pas et ne serais jamais assez stupide pour croire que tu es l'envoyé des Esprits. Ces derniers sont suffisamment puissants pour me faire savoir leur volonté. Ils n'ont besoin de personne, fût-ce un dragon. »

Verith rugit furieusement déployant ses ailes pour lever une bourrasque tandis que la voix du dragon résonna dans l’esprit de l’empereur.

« Je ne me souviens pas avoir permis une telle familiarité te permettant de me tutoyer ! »

Après cet accès de colère, le rouge replia ses ailes dans son dos, il espérait avoir été clair. Finalement l’enfant de l’orage lâcha un léger rire sombre. Cet homme était décidément d’une arrogance sans pareille.

« Penses-tu que ton nom, ton titre ou ta personne a de l’importance pour les esprits ? Penses-tu qu’ils te baiseront les pieds comme tes gardes ? Pense-tu que parce que tu es empereur ils viendront directement à toi sans passer par un intermédiaire. Penses-tu que tu as un quelconque droit accordé à ta naissance qui te permet légitimement de penser que les esprits s’adresseront directement à toi en personne. Quelle arrogance ! »

Le rouge leva soudainement sa patte droite avant de venir l’écraser au sol avec brutalité, faisant trembler la terre. Des écailles noires semblant avoir fondu lézardaient ce membre avant droit.

« Aucun feu ne peut atteindre un dragon, aucun. Et pourtant mes écailles elles-mêmes ont été frappées et altérées par les flammes. Feu lui-même est intervenu envers ma personne. Oh toi l’arrogant, sache que les esprits ne s’adressent à nous que pour infliger des punitions. »

Verith expulsa des flammes par ses narines avant d’approcher sa tête massive de l’empereur.

« Tu ferais mieux de prier pour qu’ils n’aient jamais à s’adresser de manière directe à toi. Leur châtiment n’en serait que plus sévère. »

Le dragon rouge se redressa, reculant sa patte blessée, reprenant.

« J'ai délivré le message que j'avais à délivrer. Si tu continues à te complaire dans ta suffisance et à refuser l'offre qui t'est ici faite, je n'y pourrais rien. Je ne fatiguerais pas davantage mon esprit pour un bipède. Puisque tu sembles tant y tenir, les esprits eux-mêmes se chargeront de ton cas. Sur l'heure de mon côté je vais me contenter de rester dans tes alentours dans le cas où tu changerais d'avis. »

Le colérique ouvra légèrement la gueule dévoilant ses crocs acérés.

« La brume de l'ouest progresse, des choses pires que les monstruosités tentaculaires feront leur apparition. Néant se chargera elle-même de te faire changer d'avis ... lorsque ton royaume commencera à être englouti. Tout comme les elfes, c'est lorsque tu seras dos au mur que tu comprendras qu'il te faut agir. »

Verith tourna de nouveau son museau en direction de l'empereur des hommes

« Ce que je veux donc, c'est que l'ensemble des forces sous ton contrôle baisse les armes en ma présence, ne cherche pas à m'attaquer, ni à se mettre en travers de mon chemin. Dans quel cas les conséquences pour celles-ci seraient catastrophiques. Après tout, je ne suis pas ici en tant qu'ennemi ... tant que l'on ne commet pas la bêtise d'attiser mon ire. »

¤ Un accord ¤

Au final le rouge n’avait pas à se prendre la tête. Pourquoi s’était-il embêté à vouloir parler avec un bipède ? Il était un dragon, il était une créature supérieure à tous ces asticots. Armanda est la terre des dragons et les écailleux sont libres d’aller où ils souhaitent, quand ils le souhaitent. Et si jamais quelqu’un avait la stupidité de leur dire le contraire, il les écrasait et puis voilà. Verith aurait dû faire cela depuis le début au lieu de s’embêter à vouloir discuter, à mentir, et à passer par des chemins détourner pour essayer de manipuler un bipède. Il avait simplement à s’imposer ni plus ni moins ! Imposer sa présence, imposer son désir, imposer sa volonté. Sa malédiction et l’afflux des émotions des bipèdes l’avaient plus troublé qu’il ne le pensait, il commençait à dévier. Cela il ne l’accepterait pas. Il était temps de redevenir ce qu’il était. Rappeler le fossé existant entre ceux qui rampent au sol et ceux qui volent librement dans les cieux.

Verith ne s'en priva pas. La requête du dragon n'était pas une demande. Mais bien une faveur qu'il faisait à l'empereur en le prévenant de son attention pour lui permettre de prendre les mesures adéquates s'il ne souhaitait pas voir ses soldats souffrir inutilement. L'enfant de l'orage avait uniquement besoin de Fabius et d'aucun autre. Il pouvait très bien le capturer là maintenant et l'emmener dans les montagnes au plus haut des pics, sans avoir à se soucier de quoi que ce soit, et attendre patiemment le moment où il serait débarrassé de Vraorg. Au lieu de cela il avait préféré de jouer une carte plus subtile. Après tout, il avait fait une promesse à Ashy, il se devait de la tenir. Autant faire une pierre deux coups.

L’humain sembla toutefois comprendre que la discussion ne mènerait à rien si elle continuait sur la voie dans laquelle elle était engagée. Il avait beau être empereur, son interlocuteur était un dragon. Et contrairement aux liés, Verith était fier et n’avait pas l’intention de se courber pour faire jouer les courtisans ou alors faire des pirouettes et autres tours distrayants.

« Veuillez accepter mes excuses Ô Verith de l'ire. Je crois que nous sommes partit du mauvais pied. Probablement que votre impressionnante apparence m'aura fait perdre la tête momentanément. Oublions ça, voulez-vous ? »

Oublier le manque de respect dont avait fait preuve le borgne ? Et puis quoi encore. Malheureusement, le rouge se devait de jouer le jeu. Cela l’arrangeait également. Plus vite cette affaire était conclue, plus vite il pourrait se préoccuper de la suite. Suivre Fabius serait déjà une épreuve en soi. Mais rester dans la ville où celui-ci serait stationné en serait une autre. Le rouge allait avoir besoin d’y préparer son esprit pour faire face à la malédiction de Vie qui transporterait les sentiments de milliers de bipèdes jusqu’à lui. Il ne pouvait se permettre de laisser ceux-ci atteindre son cœur et le souiller.

« J’accepte tes excuses bipèdes. Je peux comprendre que mon apparence en trouble plus d’un, après tout vous n’êtes que des bipèdes. »

Le rouge ne se gêna pas pour profiter de la situation. Se montrant particulièrement suffisant, faisant d’un constat une insulte à peine voilée, avant de reprendre rapidement.

« Ta proposition n’est pas une insulte. Tu veux rappeler à ton peuple la supériorité de la magie sur l’obscurantisme Alayien. Alors je me dois, moi qui suis un pont permettant à la magie de prospérer en Armanda, d’y participer. Je pense aussi que les Esprits seront fiers de la quête que tu tentes d’accomplir. »

Le colérique dodelina de la tête avant de faire mine de passer son regard sur les humains en dessous de lui, alors que ses paupières étaient encore et toujours closes.

« Je ne peux te promettre ni la prospérité sur ton royaume ni celle sur ta personne. Je suis simplement venu t’apporter mon assistance pour te racheter auprès d’Armanda, de la magie et des esprits. Si prospérité tu en tires, dit toi qui ne s’agit là que d’un supplément ou d’un caprice de ma part dont je te laisse volontiers l’orgueil d’en jouir. En revanche, soit certain que je m’efforcerais de te soutenir et de te garder en vie au moins le temps que tu accomplisses la tâche pour laquelle tu es destinée. Après, cela ne dépendra peut-être plus de moi. »

Verith pointa à nouveau son museau en direction de Fabius.

« Il me semble donc que nous sommes tombés d’accord. Occupons-nous donc de ta ville, bipède. »

***