--- 6 Juillet ---

Il ouvrit brusquement les yeux, une onde de douleur lui traversant le corps et lui crispant les muscles. Il s'arqua sur sa couche et parvint à rouler au sol avec un hoquet de surprise et de souffrance, attérissant à genoux au sol en haletant frénétiquement. Son esprit bouleversé cherchait ses repères et ses sens baptistraux s'étirèrent aussi loin que possible pour tenter de trouver ce qui venait de le réveiller en sursaut et dans une telle angoisse. Une angoisse qui lui étreignait le coeur et les poumons et l'empêchait de respirer correctement. Il lui fallut de très longues minutes pour s'apaiser, son corps tressaillait encore et il avait l'impression qu'un horrible froid lui pénétrait les os. Pourtant, il parvint progressivement à reprendre son souffle et il ferma les yeux, tentant de faire logique de ce qu'il venait d'expérimenter. Pourquoi cette attaque sur ses sens ? Qu'est-ce qui l'avait ainsi perturbé ? Il dormait paisiblement, en pleine reprise du rythme vampirique, se reposant et évacuant sa fatigue… et tout d'un coup, voilà que son rêve se transformait en cauchemar. Quelque chose était advenu. Mais quoi donc ? Il ne parvenait pas à savoir exactement, il savait simplement que quelque chose venait de secouer la trame d'équilibre précaire que le monde possédait encore. Ce n'était pas comparable aux perles, ce n'était pas comparable aux bois sombres, c'était autre chose… de plus terrible. De semblable à la présence de Néant mais encore différente. Il ne parvenait pas à se faire une idée précise de ce qui venait d'advenir mais cela le terrifiait même à présent, malgré tout… une catastrophe.

Il fallait qu'il se calme et qu'il réfléchisse. En parler immédiatement à Lorenz ne serait pas une bonne idée. Il fallait qu'il mène une petite enquête avant, mais il ne le pourrait pas là tout de suite. Il fallait qu'il reprenne d'abord des forces. Et puis il ne pouvait pas alarmer tout le monde simplement à cause de son instinct et de ses sens qui devenaient dingues… sa mort avait affiné ses perceptions à un point qui devenait pénible, parfois. Se relevant finalement, il s'épousseta et soupira en chassant les cheveux qui lui tombait sur le visage et entreprit de se rendre présentable. Il devait toujours passer chez les intendants des ressources, cela lui changerait certainement les idées le temps de se remettre d'aplomb. Enfilant sa longue cape de brume, il sortit de sa tente dans le camp qui s'éveillait. Sans s'émouvoir un seul instant, il entreprit de se frayer un chemin vers le lieu où les marchands vampiriques tenaient leurs échoppes et où il pourrait sans doute trouver ce qu'il cherchait. Si ce n'était pas le cas, il devrait s'éloigner du campement afin de se servir lui-même comme il pouvait… Pas que cela le dérangea, mais il lui faudrait faire attention à ne pas trop s'éloigner afin de ne pas gêner son frère. Sans vraiment y prendre gare, il évita pensivement un groupe de cavaliers vampiriques sortant du campement pour traquer les groupes d'alayiens en fuite. Ils en avaient attrapés quelque uns la nuit précédente, mais il était resté loin d'eux…

Chemin faisant, il salua plusieurs vampires qu'il commençait à connaître, sans que ceux-ci le saluent vraiment en retour, ou, quand ils le faisaient, c'était toujours soit du bout des lèvres, soit dubitativement. Mais lui s'en fichait. Cela dit, il se ficha moins de manquer rentrer dans un vampire justement… Allons bon, mais quoi encore ? « Que se passe-t-il exactement ? » Il n'était pas franchement d'humeur à se faire titiller. Le réveil en fanfare lui avait suffit, et il était encore fatigué et déphasé de retrouver sa vie habituelle après ces longs mois avec la rébellion. Alors qu'allait-on encore lui mettre sur les bras ? Bon certes, il ne pourrait guère dire non si c'était important, mais dans le cas contraire, ce serait sans lui…

@Nathan Erven

Il ne savait pas exactement ce que c'était que cet embrouillamini, mais ça lui donnait déjà la migraine. Cela dit, mieux valait en rire qu'en pleurer… et puis la tête du vampire à côté de lui était bien trop drôle pour qu'il ne se laisse pas attendrir. Le sang-froid avait une figure à faire cailler du lait frais. Se faire rentrer dedans une première fois, ce n'était déjà pas à son goût de toute évidence, mais le fait est qu'il ne pouvait pas lui faire de remarques, à lui… en revanche qu'un jeune humain réitère l'exploit une seconde plus tard, ça devait faire grincer des dents, il était d'accord. Encore un et ce serait un véritable complot. Cela dit, l'enfant poussa le vice encore plus loin et il ne put se retenir de pouffer un peu de rire, une main gantée dissimulant délicatement ses lèvres mais ne trompant personne… Finalement, il ne pu se retenir et éclata littéralement de rire. Le son mélodieux emplis l'air alentours, attirant immanquablement les regards si ce n'était la convoitise que cette voix d'or recelait, magie obligeant. Il mit un long moment à se calmer, des larmes douloureuses s'évaporant de ses yeux tandis que le vampire semblait se faire de plus en plis grisâtre… Doux Dracos, il avait beau savoir qu'il le vexait, il ne parvenait simplement pas à se calmer. Effaçant les larmes brûlantes, il inspira profondément, et se força à se maîtriser. Souriant malgré tout, il s'adressa au vampire. « Allons, allons, ne faites pas cette tête… ce n'est qu'une simple méprise, rien de méchant. Je vous en prie, reprenez vos occupations et laissez moi m'occuper de tout » Son regard sombre rencontra celui du vampire, et malgré la douceur de sa voix, son regard était de pierre, défiant l'autre de contrevenir à sa parole. Il ne tuait pas, mais ce n'était pas pour cela qu'il n'avait pas les moyens de le forcer à faire ce qu'il désirait.

L'autre finit par obtempérer et le Baptistrel se tourna une nouvelle fois vers le jeune homme. C'était bien beau de dire qu'il s'occupait de cette affaire, mais franchement, qu'es-ce qu'il allait faire de lui ? Il n'avait pas besoin de petites mains et de toute façon, son peuple était formellement contre l'esclavage. Il ne pouvait le libérer et ne le ferait pas s'il le pouvait, car il savait ce qu'il représentait pour les vampires. Soupirant légèrement, il replaça une de ses mèches dorée dans la masse de sa tresse. Le mieux serait déjà de lui répondre… oui ça serait déjà pas mal. « Commence déjà par te relever, d'accord ? » Il n'aimait pas voir quelqu'un s'agenouiller devant lui. Ça le mettait mal à l'aise. Terriblement mal à l'aise. Il n'était pas un seigneur et encore moins un vampire. Son ordre prônait la liberté et la dignité des individus. Jamais il ne se sentirait à l'aise avec de telles choses. Il repoussa sa capuche, laissant la lueur chatoyante de sa peau et de ses cheveux se rependre alentours. « Est-ce que j'ai l'air d'un vampire, d'après-toi ? » Il ne se vexerait pas s'il lui affirmait que oui mais douterait tout de même un peu de la clarté de sa vision. Personne ne pouvait le confondre avec un vampire. Le jeune humain était même plus grand que lui, le forçant à relever légèrement le nez pour pouvoir lui parler, une fois l'autre debout. « Tu ne me dérange pas vraiment, d'autant que ce n'est pas moi que tu as bousculé… mais de toute façon, même si c'était le cas, ça ne regarde que toi et moi, pourquoi, et à qui, voudrais-tu que j'en parle ? » A Lorenz ? Allons, il avait mieux à faire que de se soucier de ce genre de choses. Bien mieux à faire, il le savait parfaitement et jamais il ne l'aurait dérangé.

« Mais puisque je viens de te décharger de tes responsabilités, je vais devoir te garder un peu avec moi. Ça évitera en plus à ton détracteur de revenir pour te corriger... » Il se mit à réfléchir et mit plusieurs minutes avant de se décider. Hochant la tête pour lui-même, il affirma. « Bon… je dois voir l'intendant, tu n'as qu'à m'accompagner, pour commencer. Ensuite nous verrons bien. Est-ce que ça te va ? Comment t'appelles-tu ? »

Quelle curieuse créature que celle-ci. Réussir à sourire encore, alors qu'on était esclave des vampires, c'était une bonne chose. Tous n'y parvenait pas. A raison sans doute, et pourtant rester de bonne humeur était sans doute la meilleure façon de rester sain d'esprit lorsqu'on vous privait de votre liberté. Il ressemblait beaucoup moins à un vampire, effectivement. Le jour où on verrait un vampire comme lui, ce serait étrange. Et puis aucun vampire n'émettait chaleur et lumière comme lui le faisait… « Oui, tu es pâle » Ses sourcils se froncèrent légèrement sous le soucis. Était-ce sa complexion naturelle ou était-ce dû à sa vie auprès des vampires ? Quand un corps était privé de lumière, il ne produisait plus une teinte de peau foncée et même les cheveux avaient tendance à s'éclaircir. Du moins quand on était vivant évidemment. Il étendit ses sens magiques et l'examina plus avant, puis se rassura. Il était en relative bonne santé, ce n'était donc effectivement qu'une coloration naturelle. Il se promit néanmoins de le garder à l'oeil… frêle comme il l'était, on ne pouvait jamais savoir, et les semaines qui allaient arriver ne serait pas des plus tendres, en particulier pour lui.

La mention de Cendremont lui tira une grimace mais dégoûtée mi sourire. « Ylan Cendremont n'est pas ici voyons, il est retenu prisonnier par la rébellion. Et puis pourquoi irais-je donner à ce sadique maniaque et méprisable une raison supplémentaire de jouir de la souffrance d'autrui ? » Lui ? Pas aimer le maître des esclaves ? En même temps, il était tout ce qu'il détestait et pas parce qu'il était vampire, mais bien parce qu'il était un esclavagiste qui se complaisait dans la destruction de la chair là où lui-même avait apprit à tirer plaisir de sa guérison. Il n'irait pas provoquer une esclandre avec lui, mais ne lui offrirait rien non plus. Brutaliser et terroriser des individus n'apporterait rien aux vampires, il était persuadé que Lorenz serait d'accord avec lui, au moins au sujet de ses esclaves. Les bracelets de contrainte étaient suffisant pour les garder en place, ils étaient même faits pour ça ! Et puis Cendremont n'était pas là, de toute façon, et ne reviendrait probablement jamais, donc pourquoi se soucier de ses avis ? Après ce qui s'était passé avec la rébellion, l'autre ne risquait pas de réapparaître….

Ils se mirent donc en route pour achever le petit trajet vers la tente de l'intendant. « Je me nomme Merithyn Chantelombre, mais ne me donne pas du 'Monsieur', je n'ai pas vraiment la stature pour ce genre de titres » L'idée même le fit à nouveau rire, quoique plus légèrement, et plus fugacement. On le prenait souvent pour un enfant, quand on ne le connaissait pas, alors se faire appeler Monsieur… Enfin, c'était mignon, de le voir si poli. En revanche la suite planta une dague glacée dans son coeur et dans son âme, venant torturer le vide qui avait prit place dans son être depuis qu'Edwyn avait rompu son lien et lui avait ôté Shaynar. L'abominable douleur manqua lui faire perdre l'équilibre, et il s'arrêta un bref instant, son regard se faisant vitreux. Il avait beau savoir parfaitement que jamais la souffrance ne disparaîtrait jamais, il était tout de même prit en traître… Inspirant et expirant profondément, il chercha à visualiser l'image qu'on lui avait offerte du futur de son compagnon à écaille, heureux sur les terres sauvages, auprès d'une famille unie. Il ne devait jamais l'oublier… mais c'était terriblement difficile, même en sachant qu'il serait en vie et sauf.

« Je... » Il se secoua, tentant de faire fit de son coeur soudain en lambeau, et lui dédia un triste sourire. « Oui, j'ai vu des dragons… J'ai été lié à l'un d'entre eux également » Les mots lui semblaient fait de plombs, tailladant encore plus profondément son être. « J'ai longtemps habité dans les forêts, mais il y a cinq ans, j'ai été chargé de retrouver l'un des œufs de dragon offert par le Dracos, et depuis, j'ai accompagné plusieurs dragonniers, avant de moi-même… enfin, d'avoir la chance d'être lié à l'un d'eux. J'ai effectivement beaucoup voyagé, trop sans doute, je suis heureux d'être revenu chez moi, maintenant » Pas un seul instant, il ne se fit la réflexion qu'un elfe appelant le camp vampirique chez lui puisse sembler étrange. Pour lui, ça ne l'était pas, c'était simplement la vérité. La logique. Cela l'aida d'ailleurs à se reprendre. Il était à la maison, auprès de sa famille. « Il y a beaucoup de belles choses, en ce monde. Et beaucoup de terribles choses également… tu aimerais voyager, toi ? »

Nathan n'avait pas eu le temps de lui répondre qu'il soupirait lourdement et roulait des yeux. Et bah tient, leur petit 'camarade' était allé cherché du renfort. Il aurait dû s'en douter. Méprisable créature qui pensait sincèrement qu'en allant chercher plus gros que lui, il aurait gain de cause. En voilà un qui ne savait pas ce qu'il faisait. Quoi qu'il n'avait pas forcément envie de chercher des noises aux vampires, Merithyn n'avait pas non plus l'intention de se laisser faire. C'était ainsi que cela fonctionnait, ici, il le savait parfaitement et été tout à fait prêt à user de ses talents pour conserver sa place. Il n'allait certainement pas embarrasser Lorenz. Enfin, pour l'instant, il se tourna vers les nouveaux venus sans rien laisser paraître, impassible et le regard lisse. Les paroles du tigre lui firent hausser un sourcil. C'était un impressionnant vampire, et il sentit Nathan trembler derrière lui. Du moins pensait-il l'avoir sentit trembler. Ce ne serait guère étonnant, même lui aurait été intimidé, s'il n'avait pas tant l'habitude et s'il n'avait pas passé sa vie à subir le pire du pire. A la place, il l'observa de son regard noir et énonça avec calme. « Si par le rappel qu'il avait quelque quelque chose d'autre à faire et qu'il ne s'agissait que d'une méprise, vous entendez que je l'ai tourné en ridicule, libre à vous. Cela dit c'est votre analyse, ou la sienne, qui est d'un ridicule ubuesque. Quand à vous remettre l'esclave, non, ce n'est pas envisageable. Votre subordonné n'avait pas l'intention de boire, et j'étais tout aussi concerné que lui par les actes de ce jeune humain, ce qui me rend tout aussi, si non davantage, qualifié pour m'occuper de lui »

Il ne s'abaisserait pas à rappeler le soutient de Lorenz à moins d'y être forcé. Et si le tigre voulait se battre, alors fort bien. Il le sentait déjà bien avide de se jeter sur lui. Et s'il ne pourrait pratiquement rien contre sa force et sa vitesse, il pourrait toujours faire face d'une autre manière, et tant pis pour les coups. Mais il doutait qu'ils en arrivent là. Si Alec n'était pas si intelligent que cela il n'était tout de même pas stupide non plus. Et il avait son instinct. « Cela dit, Alec Eldan, je ne savais pas que vous faisiez dans l’œuvre de charité. Un vampire qui se fait tourner en 'ridicule' comme vous le dite, c'est un faible incapable de se défendre lui-même, selon la vision vampirique non ? Un vampire qui a besoin de l'aide de son supérieur pour faire valoir ses intérêts auprès d'un petit elfe comme moi, c'est votre vision d'une élite ? Et bien ce n'est pas la mienne. A vous de voir, vous pouvez poursuivre sur votre lancé et avoir également l'air ridicule en vous pliant à cette mascarade, ou alors vous pouvez agir en vampire. Depuis quand réglez vous les conflits des autres ? » Croisant les bras, il attendit de savoir ce que l'autre allait répondre à ça. Parce qu'il avait raison. Depuis quand un vampire prenait-il la défense d'un de ses pairs ? Il ajouta même… « Quoi ? Êtes-vous donc un disciple de Kylian Wallam pour vous comporter comme une mère poule avec vos soldats ? »

Son arc de sourcil s'accentua encore davantage, son regard trahissant sans ambiguïté ce qu'il ressentait. Facile à dire lorsqu'on été protégé du prince noir ? Parce qu'il… avait besoin de protection ? Après tout ce qu'il avait fait ? Vraiment ? Enfin, Eileyna aussi, l'avait cru sans défense, et elle avait faillit rôtir. Peut-être devrait-il le faire rôtir lui aussi, histoire de lui rentrer dans le crâne ? Il avait parfaitement cerné l'animal et se doutait déjà qu'ils devraient passer par une démonstration de force. Le tout était de savoir à quel point il devrait sévir pour conserver sa place et sa tranquillité. « Sans doute oubliez-vous qu'en qualité de prince, mon frère accorde plus d'importance encore que vous à la force. Vous pensez sérieusement qu'il m'aurait accepté si je n'avais pas la force nécessaire pour prétendre à cette place ? » Il semblait bien en fait. Une pointe ironique vint troubler la perplexité de son regard. Son interlocuteur – si on pouvait vraiment l'appeler ainsi, au vu de son peu de raisonnement – était vraiment de mauvaise foi et il le savait pertinemment puisqu'il absorbait son chant-nom sans le moindre problème. Il se cherchait à lui, mais aussi à son subordonné, des excuses fumeuses bien loin de la fierté vampirique, et il préférait l'insulter et tenter de s'auto persuader. En même temps, cela collait avec sa personnalité. S'il avait été sincère et de bonne foi, il se serait posé de sérieuses questions.

En mentionnant Kylian, il le testait presque ouvertement. Et il fut parfaitement satisfait de la réaction, même si le coup qu'il reçu fit effectivement très mal. Il lui avait brisé le nez et fait tombé en arrière, au sol. La différence de carrure se sentait terriblement bien. La douleur le fit grimacer un instant, mais ce n'était vraiment rien du tout, comparé à la douleur de son âme et elle lui fut même salutaire, car elle effaça l'autre pendant un moment, le remettant les deux pieds bien dans la réalité. Il se redressa en souriant, essuyant d'un revers de manche le sang qui coulait de son nez qu'il soigna d'un bref sort, comme si de rien n'était… « Vous n'auriez pas dû... » S'il était si porté à prendre son temps, c'était que le pauvre Alec était dans de sales draps, et qu'il s'y était mit tout seul comme un grand. Sa paume chauffait, de plus en plus, brûlait, rongée lentement par la chaleur qu'il avait récoltée en touchant la peau de l'âme de feu. Et sa présence, à lui baptistrel de feu, ne faisait qu'amplifier, et alimenter, l'énergie qui motivait la brûlure qui le rongeait à présent. Et le pire ? C'était qu'il n'y était pour rien, et qu'il n'y aurait aucune conséquence pour lui, si ce n'était l'envie de lui venir en aide et de le délivrer de la douleur qui se ferait peu à peu totalement intolérable, abominable. Fort heureusement pour lui-même, il avait apprit à se durcir et juguler son besoin d'aider les autres.

« Alors ? Satisfait ? » Il l'observa un instant, savourant un peu coupablement sa déconfiture. Néanmoins, cela lui servirait de leçon. La suite aussi, certainement. « Tu refuses de me voir comme un égal, tu me supportes juste ? Tu dis que j'ai besoin de la protection de mon frère ? Tu me penses hypocrite, lâche ? » Dans sa voix monta le ton baptistral, roulant comme un tonnerre « Alec Eldan ! A genoux ! » Cela le déprimait de devoir en arriver là, mais il fallait bien qu'il remettre les choses en place. Il ne voulait pas jouer à ce jeu-là, mais il était chez lui et il défendrait sa place bec et ongle… ou magie et feu, s'il le fallait. En attendant, la puissance de persuasion de sa voix ne laissa guère de chance au vampire bestial. Même à genoux, le tigre était à sa taille, ce qui était parfait. Il s'avança jusqu'à se tenir devant lui, plongeant dans ses yeux, son regard rendu abyssal par la mort. Un regard dur, lisse. Non accusateur, mais loin d'être compréhensif comme il en avait l'habitude. « Regarde, si j'ai besoin de protection... » Il se mit à chauffer chauffer, l'atmosphère devenant irrespirable, intenable, alors que de véritables flammes s'élevaient de son corps, irradiant d'énergie redoutable. En quelques instants, la scène fut baignée d'une lueur orangée et dorée, cataclysmique, volcanique.

Il savait que la brûlure de la paume du vampire devait avoir gagné l'intégralité de son corps à présent, le torturant profondément, viscéralement… mais il se força à attendre encore, sachant que son petit effet de pyromane allait accélérer le processus. Ce ne fut qu'une fois qu'il risqua d'en mourir qu'il relâcha enfin la pression de sa magie, s'éteignant sans un son, et venant le soigner, restaurant son corps comme si rien ne s'était passé. Pourtant, il ne pouvait toujours pas bougé. « Dois-je vous faire vous aplatir à mes pieds ? Cela aurait-il le moindre intérêt à présent ? Mais regardez… regardez donc votre subordonné… il ne vous ai pas venu à l'aide, lui. Serait-il donc plus vampire que vous ? En attendant, j'ai fais fait en sorte de ne pas attirer l'attention du reste du camp… vous n'avez qu'un moyen pour que votre déconfiture reste entre nous…. »

L'instinct attaqué par le totem avait effectivement peur, c'était viscéral et il ne pouvait l'empêcher. Mais il gardait un parfait contrôle de lui-même, refusant de laisser la peur dicter ses réactions. S'il devait la ressentir, ce serait intérieurement. Aussi posa-t-il un regard lourd sur le vampire. Imperturbable. « Tu ne me donnes pas d'ordres » Fit-il d'une voix de plomb et cette fois sans hésiter sur le tutoiement. Ce vampire, il venait de le mettre plus bas que terre. Il n'y avait aucune chance qu'il lui donne des ordres. Il n'en avait aucun auparavant, encore moins à présent. Il y avait peu de chances qu'il laisse qui que ce soit lui donner des ordres, Lorenz compris, mais c'était encore celui de qui il les accepterait certainement. Il serra les yeux, laissa un douloureux moment passer puis ajouta. « Tu vas me demander humblement de te libérer. Comme devrait le faire celui qui a perdu. Et alors seulement, je te libérerais » A nouveau il attendit. Sachant que c'était un ordre magique qu'il lui avait donné, il y avait peu de chance qu'il fasse le contraire, aussi le relâcha-t-il ensuite. Il le regarda, l'abysse de ses prunelles le mettant au défi de ne serait-ce que le frapper à nouveau. D'essayer. Le vampire le haïssait, le détestait de tout son être. Il le savait pertinemment. Il aurait voulu le tuer. Cela aussi il le savait. Et malgré tout, il ne l'attaquerait pas, parce que maintenant, il savait ce qu'il risquait. Et il ne réagit pas davantage lorsqu'il exécuta le second sang-froid, malgré le dégoût que lui inspirait le geste et sa part dans cette histoire. Laissant son souffle s'échapper de son nez lentement, il se vida les poumons sans quitter des yeux celui qui était désormais son inférieur.

Et après un nouveau silence, il finit par se décider sur quelque chose. « Puisque tu détestes tant Kylian Wallam, je vais te diriger vers lui. Je ne le porte pas forcément dans mon coeur, aussi je ne vais pas me mettre entre vous. En revanche toi… tu devras le retrouver. Alors écoute bien... »