Une nuit aux alentours du 15 mars

Rien n'allait plus à Aigue Royal. Et pas uniquement à Aigue d'ailleurs, c'était le monde entier qui ne tournait plus rond depuis que Dévoreuse avait été détruite et Néant blessée. Les effets bénéfiques qu'il avait espéré ne s'étaient pas montré, et les catastrophes s'accumulaient sans discontinuer comme si tout l'univers avait décidé de se lier pour bien lui faire comprendre qu'au final son idée n'avait pas été si bonne que cela. Bien sur cela n'enlevait rien au fait qu'elle avait été indispensable, ne serait-ce que pour le débarrasser de la malédiction, mais ils y perdaient bien plus que prévu il fallait l'avouer...

Il ne s'en voulait pas vraiment. Pas tout à fait, il l'aurait refusé de toutes manières. Le remord était un sentiment idiot, à quoi bon regretter ce qui était fait et ne pouvait être défait ? Avec le recul il se disait qu'il aurait sans doute mieux fait de garder la bague et de tenter sa chance avec même si elle le répugnait. La détruire avait déséquilibré sérieusement le monde, et attaquer Néant par dessus le marché n'avait fait qu'empirer les choses. Sauf qu'ils n'avaient pas vraiment eu le choix. L'aînée des Esprits ne se gênait par pour les attaquer, elle. Alors il fallait bien qu'ils se défendent... Donc non au final il n'avait pas eu tort. Les effets qu'ils devaient tous supporter n'étaient que le résultat d'une action qui s'était avérée obligatoire, au même titre que le meurtre du dragon blanc et que l'ingurgitation de son sang. Il fallait croire qu'il était condamné à payer éternellement le prix d'actes qu'on le poussait à accomplir sans lui laisser véritablement d'autres alternatives. Alors soit, il les assumait sans sourciller.

Les vampires n'étaient pas ceux qui en souffraient le plus de toutes façons. La chaleur ne les incommodait pas vraiment, ils étaient assez costauds et rapides pour survivre aux catastrophes climatiques les moins importantes et il avait prit des mesures pour éviter les plus graves accidents dues à la magie et aux totems. Ces deux derniers points étaient de loin les plus incommodant mais il ne doutait pas que la situation finisse par revenir à la normale d'une manière ou d'une autre. La trame avait pour tendance naturelle à revenir à son état initiale quoi qu'il arrivait, il le savait depuis longtemps. Quand aux autres problèmes mineurs comme le soudain accroissement de leur appétit, c'était plus embêtant pour les autres que pour eux-même. Achroma avait géré plutôt efficacement l'incident diplomatique résultant de toute cette pagaille, Lorenz pouvait s'avérer relativement satisfait de la façon dont les choses se déroulaient.

Sauf qu'il ne l'était pas. Pas du tout même. Il était d'une humeur absolument fracassante depuis quelques jours, et plusieurs de ses interlocuteurs en avaient fait les frais. Les vampires les plus malins rivalisaient d'ingéniosité afin d'éviter le plus possible de le croiser, ceux qui se retrouvaient convoqués pour une raison ou pour une autre recevaient un regard de quasi commisération de la part de leurs petits camarades pourtant pas du tout habitués à ce genre de sentiments. Il était irrité, frustré, au bord de l'explosion en permanence et même le grand contrôle qu'il avait sur lui en temps habituel n'y pouvait rien. Il avait besoin d'un exutoire, et de façon urgente.

C'est dans cet optique qu'il avait brutalement chassé le dernier vampire qui avait prétendu s'entretenir avec lui. Celui-ci n'avait pas demandé son reste et le prince s'était retrouvé libre de sortir enfin des appartements qu'il occupait à Aigue. Il n'aimait pas cet endroit, il n'aimait pas vivre sous terre et par dessus tout il n'aimait pas savoir qu'Ambre n'était pas loin. Elle était mieux ici qu'au campement, c'était plus confortable et sécurisé, mais mieux valait aussi qu'elle se trouve loin de lui après ce qui s'était passé entre eux. Sous-jacente, la fureur qu'il ressentait encore à son encontre refusait de s'éteindre, mêlée à un étrange sentiment de perte et de peine douloureuse sur laquelle il ne voulait surtout pas s'attarder. Elle n'était pas prête, elle ne le serait sans doute jamais. Il ne pouvait plus perdre son temps inutilement, d'autant plus que c'était vraiment trop difficile à vivre.

Il traversait les galeries à présent, remontant vers l'air libre et pas aussi frais qu'il l'aurait dû, de la surface. Il devait faire nuit noir à cette heure, le parfait moment pour aller chasser comme il se proposait de le faire avant de rejoindre le campement des vampires établit un peu plus loin à l'Est. Les alentours d'Althaïa lui fournirait un très bon terrain, de nombreux petits villages y étaient implantés et il y avait toujours un trainard ou deux sur les routes obscures. Moins bien sur dans la conjoncture actuelle, mais un seul était suffisant pour un vampire aux sens acérés.

Il la croisa pile à la sortie du quartier général rebelle. L'attendait-elle où s'y trouvait-elle pas le plus grand des hasards ? Mystère... Il avait envoyé promener ses gardes trop heureux de ne plus avoir à le suivre lui et ses sautes d'humeurs, il était donc seul et la vision de la vampiresse immobile en cet endroit lui rappela une promesse passée depuis déjà un bon moment. Pas d'hésitation dans l'acier de ses prunelles, pourquoi après tout l'aurait-il dû ? Elle était là, elle était belle, et il n'avait pas uniquement soif de sang. Il n'avait pas de raison de faire taire plus longtemps ses intincts, aussi lui fit-il signe d'approcher.

"Bonsoir Norwen. Que fais-tu ici seule ? Tu rejoignais le campement ?"

Ou l'attendait-elle ? Il n'était pas tout à fait dupe de l'attention constante dont il faisait l'objet de la part de l'officier supérieure de son armée. Et pourquoi ne pas y porter plus d'attention lui-même justement ? C'était ce qu'il aurait fait sans aucun scrupule quelques mois plus tôt, et il n'avait plus de raison de ne pas le faire. Attentif à ses réactions, il interrogea :

"As-tu soif ?"

Il n'avait pas réellement besoin de poser la question. Les signes de la soif était bien visibles sur un vampire, ses traits à lui étaient plus tirés que d'habitude, le venin inondait plus facilement sa bouche et son regard se faisait plus incisif à mesure que son besoin de sang grandissait. Il avait besoin de se nourrir, et puisqu'elle avait du mal à le quitter ne serait-ce que d'une semelle, elle n'avait pas dû étancher sa soif non plus. Bel exploit pour une jeune vampiresse, à ce qu'il en savait elle ne devait guère avoir plus de 150 ans...

Le temps était à l'orage, et pas que à cause de la chaleur de l'air extérieur. L'orage était aussi présente dans le camp vampirique. Le prince était d'une humeur massacrante et il aurait été bien sot de faire ce qui allait à l'encontre de sa volonté. Mais cette dernière semblait un peu oscillante et changeante en ce moment. Sans trop savoir pourquoi. La destruction de la bague ? Norwen ne le pensait pas, à ses mots leur prince avait l'air des plus heureux, plus de malédiction du dragon pour lui, plus de bague appartenant au Néant, une magie boostée, certes mais elle était là et il suffisait de savoir vite s'adapter à ce fonctionnement. Tout comme aux étrangetés de la nature, mais des trois races, les vampires étaient celle qui s'adaptait le mieux et de façon très ordonnée et sans rechignée.

Le prince avait une fois de plus claqué la porte de leur conseil militaire et stratégique, dans un regard de foudre qui laissa tout le monde dans un silence morbide. Quoi faire du coup. Attendre le prince ou bien reprendre des activités. Voir s'il avait encore besoin d'eux. Mais la réflexion d'un des commandants et la tension ambiante amena, Norwen à aller calmer ses nerfs en dehors avant de croquer cet imbécile utile, malheureusement. La colère, la faim ensommeillée mais là, la tension, bref il lui fallait sortir.

La vampire fut surprise de voir son prince là. Elle était en pleine réflexion béate à savoir si elle devait ou pas y aller, sortir chasser, si proche de la ville, des factions alayennes qui avaient été vues dans les alentours quelques jours plus tôt. Rien de bien conséquent mais tout de même, il aurait été idiot de ne pas s'en méfier. Mais elle avait tant à faire ici, et elle aurait pu croquer un alayen prisonnier ou se servir sur un esclave, mais les denrées venaient à manquer et les vampires devaient se montrer raisonnable et parcimonieux dans leur repas. Puis, elle se devait de rester là dans le cas où son prince avait besoin d'elle. Malgré sa colère des derniers jours, Norwen faisait tout pour se rendre utile. Et discrète. Alors quand elle entendit sa voix, elle se raidit avec un mélange de crainte et de contentement.

« -Mon prince ? »

Dit-elle en baissant sa tête dans un signe de respect envers son prince.

« -Non, Seigneur, je... je cherchais de quoi satisfaire ma frustration des derniers temps... »

Elle hésita un instant avant de dire le fond de sa présence en ces lieux. Mais pourquoi lui mentir, déjà, car il le saurait, il lisait si bien en elle. Mais aussi parce qu'elle se refusait à lui omettre des informations. Et vu sa fureur des derniers jours la vampire devait bien mieux dire une vérité dérangeante qu'un mensonge honteux qui se saurait un jour et dont les conséquences seraient funestes.

« -En effet mon prince. Elle me tiraille depuis plusieurs jours. Plus la soif de la chasse que la soif de la faim. »

La jeune femme baissa les yeux, un peu honteuse, gênée, comme une enfant prise en faute lors d'une petite bêtise. Peur de se faire gronder et envoyer au coin ou bien pire, comme les quelques rares souvenirs qu'elle avait eu de son père, homme violent, qui lui tapait dessus avec son ceinturon, comme pour laisser passer sa frustration d'homme pauvre et miséreux. Elle se tut un instant avant de reprendre de sa petite voix de petite fille coupable, toujours tête basse. Mais oui, la faim tout de même était là, même si pour l'instant, elle arrivait encore à gérer, à gérer ses crocs, mais cela devenait de plus en plus difficile. Mais plus que tout, elle ne voulait pas passer pour une vampire faible face à son prince. Elle n'avait pas mangé à sa faim depuis l'alayen et l'épisode de l'elfe stupide.

« -Je sais ce que vous avez dit mon prince, de nous modérer, et nous suivons vos paroles et ordres, mais cela devient de plus en plus difficile, même pour les vampires comme moi. »

Pour une fois, sa voix l'avait laissé finir son discours sans railler et devenir désagréable pour son interlocuteur. En espérant que cela ne se produise que peu face à son prince. Cela était drôle pour les autres, mais pas pour lui. Non, Norwen ne trouvait ça pas drôle.

Il l'observait avec plus d'intensité qu'à son habitude, laissant son regard acier s'éterniser sur les courbes féminines et les traits harmonieux de la jeune vampiresse. En lui s'éveillait un appétit qu'il avait muselé depuis quelque temps, obnubilé qu'il était par une petite humaine... Sombre idiot qu'il était, à quoi bon perdre son éternité et les délices qui y étaient associés si c'était pour être reçu comme il l'avait été ? Elle ne voulait pas de lui ? Grand bien lui en fasse ! Elle ne savait pas ce qu'elle perdait, et d'autres pourraient en profiter. Pour son propre plaisir en premier lieu évidemment...

Le choix de ses mots l'amusa. Elle cherchait de quoi satisfaire sa frustration ? Qu'est-ce qu'il devrait dire lui alors ? Voilà qui rapprochait, même si elle ne l'avait certainement pas fait exprès. Elle semblait hésiter sans qu'il sache vraiment pourquoi et les prunelles acier s'étrécirent à mesure que sa lourde attention se focalisait uniquement sur elle et sur ce qu'elle pouvait bien lui cacher. Elle cracha enfin le morceau, l'amenant à pencher la tête avec intérêt devant sa gêne. Amusant comme elle pouvait passer sans transition d'un comportement à un autre, pleine d'assurance à un moment et semblant comme intimidée l'instant d'après. Etait-ce uniquement lui qui lui faisait cet effet ? L'idée lui plaisait assez.

D'un mouvement silencieux, il se coula vers elle et attrapa son menton pour arrêter son geste au moment où elle baissait les yeux. De même, il coupa ses paroles alors qu'elle tentait de s'expliquer en déposant un doigt autoritaire sur ses lèvres et prit la parole à son tour d'une voix plus basse et enjoleuse qu'il ne l'utilisait en général pour ses vampires faussement réprobatrice, plus basse et enjoleuse qu'il ne l'utilisait en général pour ses vampires :

"A quel moment ai-je dit qu'un vampire devrait tolérer d'avoir honte de ses besoins légitimes ?"

Il fronçait les sourcils, comme agacé par cette idée. Mais la flamme joueuse qui brillait dans l'éclat dur de ses prunelles détrompaient cette impression. Elle disparu cependant tandis qu'il se faisait plus sérieux en articulant soigneusement comme pour faire en sorte que les mots s'impriment plus profondément dans l'esprit de la vampiresse :

"Nous sommes des prédateurs Norwen. Un peuple supérieur. La soif seule ne doit pas nous guider, mais nous ne devons pas non plus en avoir honte. Sois fière de ce que tu es..."

Elle l'était, il n'en doutait pas. Mais il était toujours bon de rappeler des faits aussi importants. Aucun vampire, important ou insignifiant, ne devait oublier à quel point il valait mieux que n'importe quel elfe ou humain de ce monde.

Il n'avait pas vraiment été surprit par les crissements parfois désagréables de sa voix. Il n'ignorait pas son totem et il avait prit soin de repertorier rapidement les effets indésirables qui touchaient chacun de ses vampires. Lui même ne se déplaçaient plus sans les gants qu'ils portaient désormais au main. Brûler ses adversaires par simple contact c'était bien gentil, mais c'était un peu dommage de ne plus rien pouvoir toucher sans risquer une catastrophe. Avec de l'entraînement il était parvenu à faire baisser un peu sa température, il lui suffisait de rester concentré. Mais cela demeurait douloureux pour ceux qui touchaient ses mains. Il ne savait pourquoi mais sa chaleur corporelle semblait se concentrer dans ses paumes. Ce n'était évidemment pas pratique du tout... Il fallait espérer que cela s'améliore avec le temps comme il le pensait.

Il ne retira pas sa main pour autant, préférant la baisser jusqu'à effleurer son dos et finalement s'y poser pour mieux la pousser doucement mais irresistiblement vers la sortie :

"Allons. Je te dois une partie de chasse..."

Il n'avait pas oublié, il n'oubliait jamais rien. Et ça l'arrangeait bien pour le coup. Ils sortirent ensembles sous le regard faussement désintéressé des gardes humains et l'air pur de la nuit vint aussitôt chatouiller leurs sens vampiriques. Emoustillé par cet atmosphère, Lorenz leva le nez pour mieux humer les senteurs particulières à cette heure et porta le regard sur la ville d'Althaïa visible au loin. Il fallait s'en éloigner pour éviter les gardes impériaux gênants. Et plutôt se diriger vers les petits villages aux alentours. Il leva un sourcils vers Norwen, lui laissant le choix :

"Nord ou sud ? Où seront-ils meilleurs à ton avis ?"

Il blaguait évidemment, il n'y aurait pas de différence dans le goût de leurs victimes qu'ils habitent plus au sud ou plus au nord. L'important était qu'ils ne possèdent pas d'anneau, si ça pouvait être des Alayiens alors c'était encore mieux. Et le plus intéressant restait la difficulté de la traque, rien n'était plus frustrant qu'une chasse qui se terminait trop vite...

En cet instant, si Norwen avait été humaine, son cœur aurait raté quelques battements ou bien se serait emballé à toute vitesse. Que se soit par la proximité de la présence du prince vampirique, ou bien son regard perçant qui se posait sur elle avec intensité. A moins que ce en soit son souffle quand il parlait si près d'elle. Oui, son cœur se serait emballé, à moins que ce ne soit son visage qui se serait empourpré de cette présence proche et délectable au possible. Ro oui, Norwen se délectait de cette présence, même si son regard de petite fille semblait dire le contraire. Avoir le prince rien que pour elle, dans un moment tel que la chasse. Mais avant elle se devait de lui dire, de lui expliquer ce qu'il semblait prendre comme une honte d'être vampire. Oui si le sang lui montait encore au visage, la vampire serait rouge confuse. Mais ce ne serait rien en comparaison avec la présence de la main du vampire sur la peau de son menton. Elle plongea un regard presque confus dans le regard clair de son souverain. Elle faillit défaillir quand il posa ses lèvres sur ses lèvres. Elle inspira avec difficulté. Et ses mots n'étaient que douces caresses pour ses oreilles, il ne lui en voulait pas, bien au contraire, mais elle devait quand même lui expliquer. De sa petite voix fluette, bien loin de celle arrogante et aboyante de la générale, elle se justifia.

« -Je le suis mon prince, n'en douter pas un seul instant. Mais il devient difficile ici de savoir qui est qui, appartient à quoi. Et commencer une partie de chasse par montrez moi votre doigt, pour voir l'anneau de la rébellion n'est pas la meilleure des approches. »

Elle continua en s'excusant presque.

« -Il m'est plus facile quand je vais rejoindre les factions arrières. Par là bas, il n'y a qu'un choix illimité et non relié à nos concessions actuelles. Et m'éloignez seule actuellement de la ville sous terre pour une chasse nocturne est risquée. J'aime la chasse, mais j'aime encore plus pouvoir en faire un au côté des miens quand nous devrons combattre les alayens.»

Mais quand son prince descendit sa main le long de son dos pour l'accompagner à sortir, elle ne put que répondre dans un souffle :

« -Oui mon Prince... »

Ils sortirent dehors sans un regard ou à peine à l'égard des gardes à l'entrée. Une chance pour eux d'être à ce poste. Savaient-ils ce que les deux vampires allaient faire la nuit. Sûrement mais ils n'en dirent rien. Mais enfin l'air de la nuit vinrent les délivrer de l'enfermement et éveiller des sens trop longtemps mis en berne. Elle inspira à pleins poumons un air inutile dans un geste qui l'était tout autant. Mais au combien plaisant quand on est enfermé ainsi sous terre. Quelle direction prendre, qu'importe, du moment qu'ils assoiffent leur envie de chasse, mais un détail vient raviver l'instinct de la vampire.

« -Allons au nord, nous aurons au moins le vent en notre faveur. »

Un détail anodin mais qui pourrait avoir un impact positif à un moment ou un autre. Surtout avec ce qui se passait actuellement dans le monde extérieur. Puis ils prirent la route au travers des plaines dessertes des alentours de la ville romantique. Le vent chaud balayait leur peau fraîche, bien qu'un peu réchauffer par l'air ambiant d'une nuit étoilée. Un temps idéale pour une chasse avec le prince qu'elle vénérait. Norwen se faisait discrète, le suivant comme une fidèle alliée qu'elle était, désireuse de bien faire. Il marchèrent quelques temps avec le seul silence de la nuit comme compagnon. Un silence bénéfique dans le brouhaha de la ville sous terre, dans le tumulte de la vie de la rébellion. Un silence bénéfique pour les chasseurs qu'ils étaient. Norwen appréciait de le partager avec son prince. Au bout de quelques longs moments, un petit campement se fit entrevoir au loin. Un feu au centre réchauffait les voyageurs, commerçants, soldats, ou bien de simples civiles cherchant une meilleure vie ailleurs, les deux vampires le sauraient bien vite, mais en attendant dans une question banale, presque cocasse annonçant simplement qu'elle était prête à se délecter de leurs trouvailles, Norwen interrogea son prince.

« -Mon Seigneur, avez vous une préférence pour le sang des hommes ou des femmes ?»

Les femmes étaient souvent bien plus délicates et leur sang et chair plus fins. Mais Norwen savourait bien plus les hommes, de voir ces masses qui se prenait pour des forces de la nature ployer sous sa force à elle. Une réminiscence du passé. Mais un spectacle dont elle aimait être l'actrice principale.

La réponse de la vampiresse lui avait tiré un haussement d'épaule peu convaincu. Ce ne serait pas tout à fait de leur faute après tout si ils tuaient quelqu'un parce qu'ils n'avaient pas vu son anneau ? Si ? Bon il ne doutait pas un seul instant qu'on viendrait aussitôt lui en faire le reproche, mais ils n'avaient qu'à choisir un signe plus pratique pour les vampires, du parfum par exemple... Entre ceux qui n'avaient pas le réflexe de montrer leur anneau et ceux qui le planquaient carrément au fond de leur poche, ça ne facilitait franchement pas les choses. Mais tant pis, il fallait bien faire avec et si ils devaient en venir à faire mourir de peur un rebelle parce qu'il n'avait pas le réflexe de montrer son anneau assez vite et bien tant pis pour lui.

Il avait hoché la tête, plus compréhensif quand à ce qu'elle avait dit ensuite. Lui non plus n'aimait pas prendre de risques inutiles, et la non vie était devenue risquée depuis que les Alayiens avaient débarqué sur le continent. Mieux valait chasser en groupe que seul, et encore cela ne suffisait pas toujours à éviter des rencontres fâcheuses. Combien perdaient-ils de vampires imprudents chaque semaine ? Il ne savait pas trop au juste, et c'était assez irrégulier mais il était satisfait de voir qu'au moins certains d'entre eux avaient un peu de cervelle et ne commettaient pas d'imprudences idiotes. Etre conscient de sa supériorité était une chose, se faire détruire par son excès d'assurance en était une autre.

Ils sortirent ensembles donc, non pas qu'elle avait vraiment le choix et il était à peu près certain qu'elle n'aurait de toutes façons pas refusé son offre même contre un empire. Lui aussi huma l'air sauvage de la nuit, heureux de cette liberté retrouvée, et la décision de la vampiresse alluma une lueur mortelle dans son regard. La chasse allait commencer... Depuis combien de temps n'avait-il pas véritablement chassé ? Il ne savait plus très bien, mais c'était bon. Leur pas silencieux prit la direction du nord et le vent vint effectivement chatouiller leurs visages, transportant leurs odeurs dans la direction contraire de ce qui aurait pu sauver leurs proies. Bien sur les humains n'avaient pas l'odorat assez développé pour sentir les vampires, mais ils étaient d'une race qui s'appliquait toujours à mettre toutes les chances de son côté. Et puis tant qu'à tomber sur un vampire, il valait toujours mieux être celui qui surprenait que le surprit, même si lui-même ne craignait pas grand monde. A quoi bon prendre des risques encore une fois ?

Ils marchèrent un petit moment, silencieusement complices dans cet art insulaire qu'était la chasse. Leurs sens frémissaient, à l'affut, et le venin qui inondait leurs bouches éveillait plus encore leur appétit de plus en plus féroce. Ombres terrifiantes dans la nuit, ils se fondaient en elle avec le naturel nonchalant de deux prédateurs parfaitement à l'aise dans leur élément. Ils arrivèrent finalement en vue d'un petit campement peu éclairé, et d'où l'odeur humaine leur venait très clairement. Isolé comme il l'était, cet endroit allait singulièrement leur faciliter la tâche ! La voix basse de Norwen vint le tirer de sa réflexion, une question étrange à laquelle il accepta tout de même de répondre franchement :

"J'aime les femmes. Les jolies femmes. Mais plus pour l'amusement qu'elles peuvent procurer avant la fin du jeu que véritablement pour leur goût..."

C'est qu'il avait passé plus de temps à chasser d'une toute autre façon que ce soir qu'à se mettre en traque plus conventionnelle. Mais ce n'était pas ce qu'il recherchait à l'heure actuelle et il le souligna, ouvrant tout un champ de possibilités ambigües que la vampiresse ne manquerait pas de repérer :

"Mais je suis fatigué des humaines. C'est leur sang que je veux ce soir, et certainement pas leur médiocrité."

Il n'avait pu empêcher une légère vibration mauvaise de se faire entendre dans sa voix sur les derniers mots. Sa colère était encore là, tenace. Assez dure pour lui faire dire des choses qu'il ne pensait pas tout à fait, et qu'il regretta assez rapidement. Médiocrité n'était pas un mot qui seyait à Ambre, elle était bien des choses mais elle n'était pas médiocre. Qu'est-ce qui lui prenait de se laisser ainsi guider par ses émotions à chaque fois qu'elle était concernée ? Fou d'amour ou fou de rage, le fait était qu'elle excellait dans tous les cas l'art de le rendre fou. Et ça l'agaçait, beaucoup.

Il secoua la tête pour chasser ces pensées irritantes, et ne lui rendit pas sa question. Sans doute préférait-elle les hommes un peu pour la même raison que lui, c'était très vampirique ça que d'être plutôt attiré par le sexe opposé dès lors qu'il fallait se nourrir. Mais ça ne l'intéressait pas, il ne l'avait pas emmenée pour qu'elle lui fasse penser à Ambre mais plutôt pour en être distrait. Il avait désespérement besoin de se la sortir de la tête, et il pensait savoir comment y arriver. C'est donc un regard des plus enjôleur qu'il lui décerna, un regard à faire trembler la plus frigide des servantes du Néant de ce monde tandis qu'il ouvrait le bal :

"En piste..."

Ainsi soit-il aurait pu dire la servante du Néant en question en voyant leur avancée inexorablement silencieuse vers le campement. Ils étaient en route pour un massacre, autant le dire carrément. Lorenz avait un très fort besoin de se défouler, et il ne doutait pas que Norwen aussi. Le tout si possible sans magie, voir même sans armes, c'était ses crocs qu'il voulait planter dans la chair tendre, ses mains qu'il voulait transformer en armes pour entendre craquer et finalement se briser les os des humains qui se trouvaient là. Combien étaient-ils ? Pas très nombreux, moins d'une dizaine au vu du nombre de tentes. Certains vampires criaient au gaspillage lorsque le sang touchait le sol sans abreuver aucun membre de leur race mais Lorenz n'avait jamais eu ces scrupules, les humains se reproduisaient trop vite pour que ce soit vraiment un problème. Et tuer, c'était le privilège des sangs froids.

Le visage d'Ambre ne vint pas le déranger au moment où il saisit brutalement l'homme de garde par derrière. A peine si il pensa à elle au moment où ses crocs se plantèrent dans la nuque offerte, elle serait horrifiée devant une telle scène mais après tout il venait justement de lui reprocher son côté rêveur et naïf. Elle lui avait reproché ce qu'il était, s'en servant comme d'une barrière entre eux. Alors soit... Il n'allait pas non plus changer sa nature profonde pour ses beaux yeux, un vampire était un vampire.

L'homme était mort en silence, sans un seul gémissement. Lorenz l'avait achevé d'un mouvement sec qui lui avait quasiment retourné la tête sur les épaules, il ne voulait transformer personne ce soir là. Satisfait de lui-même, il tourna la tête vers Norwen et les deux vampires échangèrent un regard empli d'une intense jubilation en tournant lentement leur attention vers les tentes dont les occupants dormaient toujours à poings fermés. Ils ne se réveilleraient plus jamais... Qui étaient-ils ? Pas des Alayien au vu de leur équipement et de leur manque de professionnalisme, ce n'était même pas des soldats. Des commerçants plutôt, ils avaient l'air de transporter beaucoup d'objets plus ou moins précieux dans leurs carriole. L'homme qui était mort était sans doute leur guide, voir un mercenaire chargé de veiller sur leur sécurité... Amusante idée.

Il en tua quatre autres. Deux femmes, un homme, un petit garçon. Il laissa Norwen s'amuser avec le reste pendant qu'il se nourrissait au nectar juvénile du dernier. Les deux premières n'avaient même eu le temps de crier, l'homme s'était débattu quelque peu et il s'était amusé à lui briser quelques os en surveillant du coin de l'oeil le gamin qui avait tenté de se cacher dans une des charettes. Il l'avait alors rejoint tranquillement, le soulevant sans douceur et le faisant hurler de terreur jusqu'à ce qu'il lui coupe le souffle de sa poigne cruelle. Il avait pourtant relâché sa prise avant de l'étrangler tout à fait, une fois s'être bien assuré qu'il n'y aurait plus de résistance inutile et c'était un pantin quasiment désarticulé qu'il avait mordu, le vidant ensuite lentement de son sang et remplaçant la teinte bleue des lèvres de l'enfant par une pâleur dangereuse, et finalement mortelle.

Le ventre plein, et l'esprit plus calme, il reporta alors son attention sur le restant du campement dévasté et sourit en entendant un cri atroce résonner dans la nuit. Norwen n'avait pas terminé... Il restait un survivant, mais il n'allait sans doute pas faire long feu. Secouant la poussière sur sa chemise vierge de toute trace de sang, il se décida à se diriger d'un pas lent vers la source du bruit et parvint ce que seul un autre vampire pouvait faire, c'est à dire surprendre la vampiresse en arrivant discrètement derrière elle. Quand il ne fut plus qu'à quelques centimètres dans son dos, il l'emprisonna dans ses bras et posa le menton sur son épaule afin de murmurer à son oreille :

"Moi aussi j'adore jouer avec la nourriture, mais il y a des moments où il faut savoir passer à d'autres formes de jeu..."

Séductrice, sa voix s'était faite assez charmeuse pour faire ouvrir de grands yeux horrifiés à l'humain sur le point de mourir. Les vivants étaient souvent assez outrés de voir leurs tortionnaires au sang froid mêler leur meurtre au plaisir et au bonheur, mais c'était pourtant ce qu'ils ressentaient dans ces moments là... De plus en plus émoustillé par cette scène, l'ancestral plongea son regard brûlant dans celui du pauvre homme tandis qu'il ordonnait à la vampiresse :

"Tue le..."

Ses canines brillèrent quand il nuança :

"Pas trop vite..."

Il la relâcha doucement, caressant ses formes au passage et tirant rien que par son habitude un nouvel hurlement de frayeur à la pauvre victime... Un hurlement qui résonna comme une douce musique à ses oreilles tandis qu'il admirait la mortelle efficacité de sa camarade de jeu...

Norwen regretta presque d'avoir posé la question. De savoir que son prince n'aimait les humaines que pour ce genre d'amusement... il y avait de quoi rendre la vampire verte de jalousie. Mais un brin de satisfaction lui chatouilla quand même l'auto-satisfaction et calma la colère sourde qui grondait en elle. Le prince semblait amère contre les humaines. Toutes les humaines, donc la sienne, la brave et gentille Ambre. Le prince s'en était lassé. Normal. Il y avait de quoi. Trop polie, trop lisse, trop fade. Une humaine qui mourrait bien vite avec le temps, une fragilité et une arrogance à toute épreuve. Rien à voir avec la constance des vampires, leur résistance, leur force. Pour preuve, il en était fatigué des humaines. Fatigué de leur manière. Enfin le prince revenait à la raison. Ambre avait cessé son influence néfaste sur l'esprit et le cœur de cet homme. La mage avait cessé de distiller son venin. Une chance. Sûrement dû à son totem qui la rendait muette. Ses paroles enjoliveuses avaient finit de rendre aveugle le prince des vampires. Enfin, Norwen retrouvait son prince, sa force de caractère, ses convictions. Joie immense qui lui donna encore bien plus envie de chasser à ses côtés.

« -Alors mon Prince vous serez servi en cette soirée. »

Et la médiocrité des humaines seraient à voir dans la dernière étincelle de vie au moment où les crocs déchireraient les chairs. Ce dernier cri pitoyable et agaçant.
Mais pour l'heure, l'avancée vers le camp se faisait aussi rapidement que silencieusement. Tels deux félins près à attaquer les gazelle ou souris, regroupés autour d'un feu, bien à l'abri profitant de la chaleur de la nuit. Quelle douce satisfaction de les savoir encore là, innocents, dans leurs discussions futiles, plein de vie, ne sachant ce qu'ils allaient leur arriver. Norwen en salivait presque. Même si elle se rassasierait vite. Pour l'heure, elle avait juste besoin de chasser, de se sentir encore vampire et pas gentille jeune fille bien polie à attendre son repas servi sur un plat avec des couverts. Non, d'être ce qu'elle est : une tueuse et une sacré bonne.

Dans un mouvement ample et silencieux, elle sauta sur un des deux hommes qui leur tournaient e dos. Son prince s'occupa du premier qui tomba en un rien de temps. Norwen ne laissa guère plus de chance au second homme qui ne comprit pas ce qui lui arriva. Il n'eut guère le temps. En un rien de temps elle lui avait planté ses crocs dans le cou rompant ses chairs, sa peau et lui brisant la nuque dans un geste un peu trop enthousiaste. Qu'importe. Quelle joie !! Intense satisfaction et bonheur. Elle observa son prince un instant. Un regard qui rempli la générale d'une joie intense, instant complice. Très vite elle regarda les tentes. La vampire comprit. Elle s'occuperait de la tente de droite, laissant celle de gauche pour son prince. Il n'aurait guère trop de mal. Ce ne semblait pas être des soldats. Quand bien même. Cela ne leur aurait donné qu'un peu plus d'exercice. Pas un mal par les temps qui courent. La vampire entra dans un silence, tel le vent qui soulevait l'entrée de la tente. Quatre personnes dormaient. Norwen s'avança féline, telle une ombre funeste qui se poserait bien vite sur la première personne proche d'elle. Elle ne sentirait rien dans son sommeil. Même pas le sang qui coulerait sur son cou s’étendant sur son drap. Mais des cris extérieurs réveillèrent les autres. Enfin un peu d'action. Norwen se glissa rapidement derrière une des femmes. Il ne valait mieux pas qu'elle voit le reste et la fin d'un père, d'un amant ou un frère. Non Norwen ne lui imposerait pas cette vision et d'un geste vif elle lui brisa le cou. Les deux hommes tentèrent de prendre leur armes. Pour quoi faire ? Face à elle ? Même armés, ils ne restaient que des pantins désarticulés face à elle. Des épouvantails.
Le premier lui sauta dessus avec une épée qui finit son voyage dans la tente, pour en déchirer un bout de la toile. Norwen en profita pour lui envoyer un énorme coup sur la nuque qui se brisa aussi. Un de plus. Quand au dernier, il menaçait la vampire avec une lance dont on voyait qu'il devait la tenir pour la première fois de sa vie dans ses mains tremblantes et la menaçant comme si cela allait la faire sortir. Norwen s'avança vers lui sans crainte, le regard flamboyant, un peu de sang sec sur le coin de sa lèvre qui vibrait de ce délice qui s'offrait à elle. Enfin elle redevenait elle. Elle se saisit de lui en écartant la lance d'un geste vif la faisant valser à l'autre bout de la pièce. S'en était presque trop facile. Norwen soupira en prenant une fausse voix désolée.

« -Ne t'en fait pas, tu ne sentiras rien ou presque. »

D'un petite rire hystérique, elle le saisit à la gorge, quand son prince entra dans la tente. Elle tourna la tête vers lui avant de revenir vers sa proie qui se débattait. Son prince s'avançait vers elle pour finir la l'enserrer de ses bras. Norwen se raidit de surprise. Mais fondit de bonheur quand elle entendit sa douce voix lui murmurer des mots tendes à l'oreille. Chaleur suave et délicatesse sans nom. Norwen fondait d'un plaisir absolu. Surtout lors de cette supplique « tue-le ». Ses désires étaient des ordres.

« -Bien mon prince... »

Norwen approcha ses crocs affilés et remplis de venin près à se délecter du flux si précieux de l'humain. Mais pas trop vite, cela serait difficile. Elle n'était pas très délicate. Empressée. Mais les mains de son prince sur son corps la fit se redresser et calmer ses ardeurs, pour en réveiller d'autres. Tout aussi fougueuse et animal. La vampire planta en douceur ses crocs pour laisser filer le long de ses lèvres un filet de sang, laissant l'homme se vider doucement de son sang. Elle le relâcha et demanda d'une petite voix, mélangeant un air de petite fille ingénue et celle de la chasseresse qu'elle était.

« -De cette façon ?? »

Il n'avait plus du tout soif, s'étant abreuvé plus que gloutonnement tout à l'heure et sachant que cela suffirait à le satisfaire pour un petit moment. Pourtant le venin lui monta à nouveau à la bouche devant le spectacle qu'elle lui offrit. Sa monstrueuse et pourtant gracieuse efficacité dans le meurtre, l'odeur délectable de la terreur glaciale qui paralysait leur proie, l'écarquillement soudain de ses prunelles lorsque la douleur terrible de la morsure le saisit... Tout ceci était terriblement excitant et ce n'était pas l'acier brûlant de ses prunelles qui allait témoigner du contraire. Il l'observait avec la même attention fixe qu'il avait eu un peu plus tôt pour ses proies. Finalement il était encore assoiffé, mais le remède était autre.

L'homme s'était écroulé, les muscles douloureusement raidit par le venin qui couraient à présent dans ses veines. Il n'aurait pas le temps de se transformer de toutes façons, il se vidait lentement mais ça restait tout de même juste assez rapide pour provoquer sa mort bien avant que sa transformation puisse le sauver. Et tant mieux. Lorenz n'avait absolument pas l'intention de s'encombrer d'un nouveau-né à cet instant... Mais vraiment pas la moindre...

« -De cette façon ?? »

Ton ton nuancé de sa voix l'amusa mais la flamme qui dansait dans son regard était trop acérée pour s'adoucir même par jeu. Il était devenu terriblement sérieux tandis qu'il la déshabillait du regard, s'attardant sur chaque courbe de son corps sans se presser ni même chercher à cacher son désir. Il la voulait ici et maintenant, et il n'entendait pas se voir opposer un refus. D'ailleurs elle n'en avait aucun droit, il était son prince, et elle aussi le désirait. Sans Ambre nul doute qu'ils n'auraient pas patienté aussi longtemps.

Le souvenir de la petite humaine l'effleura un instant, assombrissant son regard et durcissant ses traits, avant qu'il ne chasse férocement son image et ne se reconcentre sur l'instant présent. Délicieux instant qui mêlait le sang, la mort, et une tension toute autre. Une tension choquante sur une telle scène, sauf que c'était justement ce qui pimentait cette situation et la rendait si excitante...

"Exactement..."

Il avait soufflé tout contre elle, oublieux de la situation de l'humain de toute façon en pleine agonie silencieuse. Une flaque sombre s'élargissait lentement sous lui, d'autres cadavres gisaient tout autour, emplissant leurs narines d'une délicieuse odeur de sang frais et lui ne pensait qu'à une seule et unique chose : comment allait-il pouvoir s'approprier cette superbe créature au sang froid sans lui faire bouillir le sang au sens propre justement ? Il était parvenu à contrôler son totem suffisamment pour que seule la peau de ses paumes reste assez brûlante pour blesser ceux qu'il touchait mais il n'était pas certain de pouvoir garder ce contrôle envers et contre... Et bien envers et contre tout. Quand bien même il se débrouillerait pour ne pas la toucher avec ses mains, ce qui était déjà bien ennuyeux même si ça pouvait se régler en ne retirant par ses gants, il n'était pas certain qu'il parvienne à museler son totem. C'était trop tard malgré tout, elle l'avait aguiché volontairement ou non et il n'était pas du genre à refuser une invitation imaginaire ou pas. Si elle se brûlait à sa flamme eh bien... Ce ne serait simplement pas de chance.

Il la caressait, sans trop savoir si elle était consciente du risque qu'elle prenait. Elle devait sentir distinctement sa chaleur même à travers le tissu qui recouvrait ses mains, et même si par miracle ça n'avait pas été le cas elle aurait eu bien du mal à ne pas sentir celle de ses lèvres se promenant dans son cou. Sans se presser, sa main descendit jusqu'à l'échancrure de son col et plus bas encore tandis qu'il ronronnait à son oreille :

"Et tu aime cette façon de faire ?"


Une douce chaleur s'était installée dans la tente. Sa peau à lui était à la limite de température entre le confortable et le douloureux, il la contrôlait sans hâte et sans se laisser détourner du principal objet de son attention. Elle minauda quelque peu et il prit soin de faire fondre ses réticences avec la maîtrise née de siècles et de siècles d'expérience. Et quand enfin ils se laissèrent tomber, enlacés sur la couche désertée de l'une de leurs proies, elle n'eut plus aucune réticence. Non, vraiment aucune...





Enfin entièrement et délicieusement repu des deux manières possibles, il étira souplement les muscles noueux de son corps vampirique et jeta un regard en coin à la vampiresse voluptueusement étendue à ses côtés. Il ne l'avait pas brûlée finalement... Ou pas assez pour qu'elle proteste. Cela devait faire un effet bizarre de s'ébattre ainsi avec quelqu'un en sachant qu'il pouvait vous réduire en cendre en quelques secondes par simple accident. Appuyé sur son coude, il joua un instant à effleurer sa joue de sa main cette fois non couverte. Aux réactions involontaires de sa peau, il su qu'il la brûlerait si il la touchait vraiment et il s'en amusa :

"Es-tu seulement consciente de ce qui aurait pu t'arriver ?"

Il ne lui semblait pas qu'elle en soit inconsciente, elle avait donc choisi de prendre le risque. Non pas qu'il lui aurait tout à fait laissé le choix en vérité... L'aurait-il pu ? Hum. Non. Sans doute pas. Il avait eu envie d'elle presque douloureusement, et il n'était pas du genre à se faire du mal bêtement alors que l'objet de son désir n'attendait que d'être cueillit. Un bref instant de silence avant qu'il ne l'observe, curieux :

"Depuis combien de temps me voulais-tu ?"

Pas de faux semblant ici, il n'avait absolument pas été dupe de l'attirance qu'il exerçait sur elle. Il n'y avait pas répondu tout de suite mais elle l'avait tout de même flatté comme elle aurait flatté n'importe quel mâle normalement constitué et comme le flattait toujours ce genre de petites victoires bien particulières. Il cessa son jeu enfin et éloigna sa main de son visage, mais l'attention tranchante de ses prunelles demeura fixée sur son visage tandis qu'il attendait sa réponse...

Visiblement cette façon de tuer en douceur sa proie semblait satisfaire le prince vampirique. Quelques gémissements et soubresauts au sol attestaient de la lente et cruelle agonie de l'homme, tandis qu'une tâche rougeâtre s'agrandissant formant bientôt une mare visqueuse. Norwen n'avait certes plus faim, et depuis le premier cadavre qui gisait plus loin sous la tente. Mais, la vampire en pouvait que se sentir comme triste à chaque fin de repas ou de dégustation. Cela allait toujours trop vite. Un regain d’excitation, d'adrénaline et de force qui retombait d'un coup, d'un seul, la laissant dans une sorte de torpeur maussade. A quand la prochaine chasse. Rien qu'à l'idée d'une telle pensée elle se sentit presque ressaisit d'un aplomb. A moins que se ne soit le regard que portait sur elle son prince. Et bien vite le dernier souffle rendu par l'homme au sol, mort de sa blessure bien plus que du venin que la vampire ne laissait jamais aller jusqu'au bout de la transformation, ne fit plus qu'un ancien souvenir laissant place à une toute autre partie de chasse. Et ce n'était pas la générale vampirique qui allait refuser cette dernière.

Les yeux de son prince se faisait présent sur chaque partie de son corps. Et Norwen ne chercha pas à jouer les fausses pudeurs face à lui. Déjà, car cela n'était pas dans son caractère, même si cela avait dû l'être dans une autre vie. Mais surtout parce qu'elle ne désirait que cela. Qu'il la regarde autrement que comme une vampire parmi tant d'autres, une simple militaire, un membre de son peuple. Non, la jeune femme désirait que son prince ne voit en elle qu'une femme, une amante, une confidente, une force qui ferait un tout. Se léchant le coin de la bouche du bout de sa langue pour ne pas gâcher le reste du précieux sésame humain, Norwen se mit à faussement respirer, se jouant avec la vie alors que ne régnait dans la pièce que la mort. Le sol immaculé de sang rappelait ce fait. Mais la mort n'était qu'une vision éphémère de la vie pour les humains. Ils étaient vampires, la mort ils la côtoyaient chaque jour comme une douce amie. Le repas frugal au sol n'était que le prélude à un dessert des plus délectables.

La distance qui séparait son rôle de générale à celui d'amante s’effaça au même instant que le prince posa ses lèvres chaudes tout contre la peau froide de son cou. Une différence de température qui ne fut pas des plus désagréable, du moins au départ, mais la tentation était bien trop forte et comme le papillon, Norwen alla se brûler les ailes contre le corps de son prince. Elle le laissa faire, ne sachant trop comment réagir, bien plus par peur de le vexer si elle se montrait entreprenante. Après tout il semblait aimer les fausses ingénues avec l'humaine. Ou bien devait-elle jouer les femmes n'ayant pas peur de mener aussi la danse de façon autoritaire, voir dans son cas quasi bestiale.

« -Oui mon prince, j'aime votre façon de faire. »

Murmura-t-elle dans un souffle chaud, avant de se laisser guider en arrière vers une des couches laissées vide par son occupant. Plus rien d'autre ne comptait que la présence de son prince contre elle, ses mains sur sa peau et l'étreinte ardente de leurs corps. Non, là, elle n'était plus la pauvre petite humaine misérable qu'elle fut avant dans ce même genre de situation, non, elle était désireuse et désirante.

Étendue sur le côté, Norwen effleurait du bout des doigts lascivement le bras de son prince. Elle grimaça un peu quand il bougea, lui laissant ressentir les quelques douleurs des brûlures qui parsemaient tout son corps. Une change qu'elle fut vampire. La générale pouvait compter sur sa régénération due à son statut de vampire pour que se ne soit plus que mauvais souvenir d'ici peu. Puis le jeu en valait la chandelle. Même si elle aurait pu lui être funeste. Puis cela rendait quelque par cela encore plus excitant. Tout comme ses caresses du bout des doigts.

« -Oui Altesse, mais qu'importe, le risque... J'étais prête à le prendre. »

Et elle le serait encore, sans l'ombre d'une hésitation. Tout comme pour répondre à sa question. Il serait stupide de mentir. De plus Norwen ne s'en était jamais vraiment cachée. Elle n'était pas du genre à se parer de faux semblants encombrant et inutiles. Sincère elle lui dit.

« -Depuis... depuis longtemps... Mais je peux vous poser une question ? »

Et il serait encore loin de la vérité. Le vampire lui fit un signe comme quoi elle le lui permettait. Une barrière était peut être tombée, mais il n'en restait pas moins son prince et Norwen savait à quelle place elle était. Du moins, quelles limites ne pas franchir.

« -Je pensais que vous aviez pris l'humaine en tant que compagne ? Et...je ne comprends guère ce changement ? Certes ô combien plaisant.»

La jeune femme se redressa un peu laissant glisser un drap plus encombrant que réchauffant sa peau dans la nuit, laissant ainsi dévoiler le haut de son corps nu et parsemé de petites plaies rougeâtres.

« -Mais peut être que cela ne me regarde pas et je m'excuse si cela est le cas. »

Après tout, il pouvait tout aussi bien l'envoyer paître maintenant. Mais Norwen ne serait pas du genre à ne pas sauter dans le feu si cela lui permettait une place de choix au côté de son prince. Et de l'audace elle en avait. Il en avait fallu pour gravir les échelons auprès de son prince. Elle n'abandonnerait pas maintenant.

Sa grimace ne lui avait pas échappé. Il l'avait bel et bien brûlée même si pas gravement. Cette constatation le laissa perplexe, il n'était pas vraiment habitué à ne pas avoir un total contrôle sur sa magie et même si jusque ici il avait presque toujours fini par éliminer sans remords les compagnes éphémères de sa vie, il n'aimait pas pour autant leur faire mal. Ou pas tant qu'il ne s'en était pas vraiment lassé, et c'était très loin d'être le cas de celle-ci. Elle venait de lui démontrer fort agréablement qu'elle était très douée dans l'art de lui changer les idées, et c'était tout ce qu'il lui demandait...

Sa réponse lui tira un demi sourire cynique. De la témérité... C'était une chose qui l'amusait même si lui ne l'était pas du tout. Il n'aurait pas prit un tel risque, d'ailleurs il ne prenait que rarement le moindre risque. Tout devait-être assuré du mieux possible avant qu'il ne se décide à agir. Néanmoins il croyait comprendre ce qu'elle voulait dire. Parfois un risque calculé était indispensable, et elle avait tout à gagner à se rapprocher et à graviter autour de celui qui détenait le pouvoir. Etait-ce cela qu'elle recherchait ? Voulait-elle l'utiliser comme une certaine Eileina l'avait tenté il y avait de cela quelques années ? Bon certes elle n'avait pas uniquement voulu monter en grade et gagner en pouvoir elle mais c'était un peu le même type de tentative. Norwen recherchait-elle uniquement cela ? C'était possible, mais il n'y croyait pas tout à fait. Elle semblait bel et bien s'être irrémédiablement entichée de lui. Après tout pourquoi pas, si ça pouvait lui être utile...

Il hocha la tête paresseusement lorsqu'elle lui demanda l'autorisation de l'interroger. Il était de bonne humeur, qui ne le serait pas après ce genre de scène ? Pourtant il faillit laisser échapper un grognement irrité lorsqu'il s'aperçu qu'elle voulait l'interroger sur Ambre. Bon bien sur il aurait dû s'en douter mais avec tout le mal qu'il avait déjà pour ne pas penser à elle il aurait préféré qu'elle oublie de lui poser cette question. Malgré tout c'était sans doute mieux de la régler rapidement, comme on arrache une aiguille de sa chair afin de lui permettre de cicatriser sans s'infecter. Bon d'accord, cette comparaison ne lui plaisait pas du tout... Mais c'était celle qui venait à son esprit à l'instant présent, et tant pis.

Il resta silencieux un moment, cherchant comment répondre au mieux pendant qu'elle s'excusait. Drôle de comportement pour une vampiresse, mais elle cherchait ses marques. C'était compréhensible quand on venait d'être catapulté du rang d'officier de l'armée à celui de... Qu'était-elle ? Sa compagne ? Il lui jeta un regard en coin, encore incertain quand à ce qu'il voulait d'elle. Son corps uniquement ? Mais si c'était le cas alors il avait eu ce qu'il avait voulu, il n'avait plus qu'à partir en la plantant là... Non. Ce n'était pas uniquement ce qu'il voulait. Il voulait une diversion, quelque chose qui l'aide à oublier Ambre et ce de façon agréable. Si il fallait pour cela effacer complétement la petite humaine en s'affichant aux côtés de la vampiresse et bien... Il en passerait donc par là. Son peuple serait ravi de le voir revenir à une attitude moins excentrique. Cela ne lui laissait qu'un goût amer dans la bouche, mais c'était la stricte vérité. Il avait tout à gagner à laisser Norwen prendre place à ses côtés, au moins tant qu'elle ne le lassait pas. Il se décida donc à répondre d'une voix calme :

"Tu t'apercevra rapidement que je m'irrite facilement, et que je me lasse encore plus facilement. Ambre m'a irrité. Et lassé. Peut-être feras-tu mieux qu'elle... Non. J'en suis certain."

Elle avait déjà fait mieux qu'elle quand il y songeait... Elle s'était donné à lui sans hésitation et sans retenue. Pourquoi alors n'était-il pas entièrement satisfait ? Il le savait déjà. Norwen n'était que la suite logique de cette interminable liste de conquêtes qu'il avait faites tout au long de sa non-vie. Ambre était différente. Elle était la suite logique à Enelya... Et voilà qu'il y repensait. Ne pouvait-elle pas s'effacer de son esprit une bonne fois pour toute ? Tout serpent qu'il était il ne pouvait pas effacer facilement ses propres souvenirs, c'était dangereux.. Trop dangereux. A moins que ce ne soit qu'une excuse de son subconscient pour ne pas en venir là justement.

Il l'embrassa soudainement. Sans retenue et avec cette sauvagerie typiquement vampirique à laquelle il n'aurait jamais pu laisser libre court si il avait été avec la petite humaine. Il fallait qu'il cesse de penser à elle, qu'il prenne en compte uniquement le bien de ses projets et de son peuple. Norwen était meilleure pour lui, et c'était tout. Qu'importait ce que son coeur glacé pouvait bien en penser. Ravalant ses propres doutes, il murmura :

"Je ne veux plus que tu en parle, plus jamais. Ce sujet m'ennuie, et il n'est pas question que je perde une seule seconde à m'ennuyer lorsque tu es à mes côtés."

Il mentait effrontement, à elle d'abord et à lui même ensuite même si il en était conscient. Mais c'était ainsi qu'il avancerait. Une inquiétude soudaine lui vint néanmoins à l'esprit et il préféra préciser :

"Je ne veux pas pour autant que tu la touche. C'est une immunisée, elle est précieuse. Elle va sans doute projeter ou projete déjà de quitter notre peuple, je la ferais suivre si c'est nécessaire. Je t'interdis de t'en mêler."

Un ordre clair et indiscutable, elle perdrait très gros si elle décidait de s'y soustraire. Son regard se fit moins dur quand il eut mit les point sur les i à ce sujet et il changea de sujet en jetant un coup d'oeil ennuyé à l'extérieur de la tente :

"Le matin ne tardera plus... Combien de temps crois-tu que les troupes d'Altaïa mettront à trouver ce campement ? Aucun de ces gens ne portait la bague de rébellion, mais j'ai dans l'idée que le duc se plaindra tout de même à cet idiot de roi rebelle... Qui se plaindra à moi. Aucune règle de l'alliance n'a été enfreinte mais il couinera quand même et me tendra le bâton pour le battre..."

Il haussa un sourcil à cette idée, mi amusé et mi ennuyé par cet incident diplomatique à venir. Un de plus ou un de moins...

Il lui avait répondu. Il n'était pas obligé et il était même bien rare qu'il le fasse. Comme il était bien rare qu'elle lui demande une explication. Mais pour une fois il l'avait fait. Et rien que ce fait rempli de joie la générale vampirique. Et quand il l'embrassa avec fougue et ardeur, elle se laissa faire sans broncher bien au contraire et elle y répondit avec autant de sauvagerie et de fougue. Se laissant encore un peu plus brûler les ailes. Mais qu'importe. Et laisser glisser ses mains sur son corps brûlant lui fit plus l'effet une braise attisée que pincement de douleur sur sa peau morte. Lui murmurant à l'oreille.

« -Merci de votre confiance, je suis sûre aussi de faire mieux. Beaucoup mieux.»

Norwen passa à califourchon sur le vampire, laissant un instant sa moue de petite fille pour que parle la femme sûre d'elle et aguicheuse. Dans ses yeux luisaient la sincérité, même si au fond, elle devait faire taire un tout autre sentiment.

« -Et je vous promets de ne plus en parler. Ni de la toucher. De plus, j'ai bien mieux à faire quand je suis à vos côtés. »

Une promesse sur laquelle il était inutile de revenir. Même si la jeune femme préférait voir cette nigaude morte, une sûreté de ne pas la revoir gravité dans l'entourage de son prince. Qu'elle ne revienne pas glisser son poison et ses idées d'humaine. Car elle n'était pas dupe, elle devait avoir fait quelque chose de déplorable pour un tel changement. La lassitude ? Oui pourquoi pas, elle était souvent existante chez les vampire et encore plus chez un vampire qui avait tout ce qu'il voulait quand il voulait. Mais son sang ne faisait pas tout et elle ne lui devait pas la vie, même si en cette période une immunisée avait de quoi être précieux. Mais il ne la ferait pas surveiller en cas de fuite. Pas suivre. Ré-emprisonné ou pire. Non, Norwen ne devait pas penser à cela. La générale avait bien mieux à faire et ce soir en était la preuve. Exit la petite humaine et c'était elle qui était dans la couche du prince. Se rapprochant de nouveau de lui, elle colla sa peau froide un instant sur son corps chaud, comme un signe encourageant à cette escapade nocturne sur le point de finir à cause du soleil se levant. Que ne donnerait-elle pas pour qu'un jour il cesse de se lever.

« -Avec leurs rondes, je dirai peut de temps. Mais pour notre défense, la bague était garante de la sécurité des humains et elfes à Althaia. Rien n'a été dit sur Althaia et ses habitants, non ? »

En même temps avait-il besoin de quelconque justification ? Il était le prince des vampires.

« -Et puis comme vous dîtes j'aimerai bien voir l'empereur des hommes venir se plaindre de ce meurtre devant vous ? Mais malgré mon aversion pour cet homme que je trouve bien faible pour être un seigneur, il n’est cependant pas totalement stupide. Il est même peut être plus malin que son cousin sur le trône. Car on n'attend rien de lui. »

Et c'était là le piège, car c'était bien souvent ceux dont on attendait rien qui arrivait à se glisser en lenteur vers le sommet. Puis sa dragonne a ses cotés était un signe de méfiance suffisamment grand.

« -Mais mon prince à votre décharge, cette escapade nocturne n'est que le fruit de ses règles. L'elfe hautain est en vie et il la doit à cette charmante soirée. »

dit-elle en finissant de se mordre la lèvre inférieure et se recollant à lui pour, pourquoi pas, reconclure cette nuit et cette chasse par un énième affront à ce lieux.

L'acier brûlait dans ses prunelles et donnait une intensité mi terrible mi fascinante à son regard. Il la détaillait en silence avec la calme assurance du légitime propriétaire analysant sa possession. Leur baiser s'éternisa, féroce, et il gronda de satisfaction en entendant son murmure. Sur ce point, il voulait bien lui faire confiance...

Elle s'installa sur lui tout à coup, le fixant d'un air aguicheur et s'attirant un haussement de sourcil goguenard, il aurait pu la maîtriser en deux secondes et elle le savait parfaitement. Le jeu l'amusait néanmoins, aussi demeura-t-il immobile, satisfait de sa réaction. Il n'aurait pas toléré une discussion sur ce sujet, et il n'avait pas envie de briser cet instant intéressant. La conversation roula sur autre chose et il laissa l'ombre d'un sourire narquois étirer ses lèvres minces :

"Oh il se plaindra... Je n'en doute pas un seul instant. Korentin Kohan a quelques talents de diplomate et de rassembleur mais il n'est qu'un humain, et un humain au coeur sensible. Il gouverne avec ses émotions, il va accourir tout frétillant d'indignation dès que tout ceci lui sera parvenu aux oreilles."

Si ça le dérangeait ? Pas vraiment... Il était d'humeur joyeuse comme déjà dit, et la perspective d'envoyer l'empereur rebelle sur les roses une fois de plus ne lui déplaisait pas du tout. Si il tenait à cette alliance ? Oui, en quelque sorte, elle lui était utile. Mais il avait respecté les règles n'est-ce pas ? La vampiresse était de cet avis en tout cas, et nul ne pourrait lui faire admettre le contraire. D'ailleurs ce n'était de toutes façons pas sa préoccupation première à l'heure actuelle...

L'aube allait venir, mais elle patienterait bien assez longtemps pour satisfaire aux caprices des deux vampires et plus particulièrement à celui de l'ancestral qui venait de refermer ses bras sur le corps de la créature aguicheuse. Maîtrisant à peine sa température corporelle, il la fit basculer autoritairement sur le dos et profita de sa position dominante retrouvée pour goûter à son tour à la lèvre qu'elle se plaisait tant à mordiller. Son goût sembla lui plaire, et l'aube patienta... Patienta longuement jusqu'à ce qu'enfin les deux tueurs se décident à quitter le lieu de leur sacrilège et ne s'évanouissent subrepticement en profitant des rares ombres nocturnes qui survivaient encore...

Longtemps après, alors qu'il venait à peine de retrouver ses appartements, l'ancestral laissa échapper un juron dans sa langue natale. Un objet vola, et s'enflamma finalement. Pourquoi donc avait-il fallu qu'il laisse le dernier livre qu'il avait étudié avec Ambre dans le cadre de son apprentissage de la langue elfique sur son bureau ?