--- Début Mars --- Suite de ce rp

Ils avaient réussis à quitter Aigue-Royale au final et avaient voyagé à un bon rythme même si pas le plus rapide qui soit. S’habituer à voyager à dos de dragon n’était vraiment pas une bonne idée en réalité, à présent il avait l’impression de se traîner sur le dos de son destrier. Fort heureusement, avec l’aide d’un peu de magie, ils pouvaient tout de même parcourir une bonne distance rapidement. Le voyage se passait bien, d’ailleurs. Alford était de bonne compagnie, ils discutaient pendant de longues périodes, restaient silencieux à d’autres moments et évitaient les patrouilles Alayiennes en nombre. Pas qu’il doutait forcément de pouvoir s’en occuper avec l’appui solide du mercenaire, mais il ne voulait tout simplement pas perdre trop son temps, craignant vraiment ce qui arriverait à son pair si ils n’arrivaient pas à temps. Son inquiétude allait d’ailleurs croissante, au fur et à mesure qu’ils approchaient de leur destination. La bourgade était de taille moyenne, comme de nombreux villages du royaume humain. Elle se situait dans l’est et était rattachée à Althaïa pour le duché. Lorsqu’ils parvinrent en vue du village, il stoppa sans monture. La plaine était légèrement vallonnée et bordait un petit bois de taille moindre où l’on allait certainement chercher du combustible. De loin, en cette fin d’après-midi, le hameau était l’image même d’un rêve paisible. Le soleil déclinait lentement à l’horizon sur un ciel un peu gris. Les habitations étaient situées en bordure d’un confluant de la Wylorel, et l’on entendait vaguement le bruit de l’eau alors que la fumée d’une cheminée épaississait quelque peu l’air. De loin, donc, il ne semblait rien y avoir de mal à cette bourgade. Se tournant vers Alford, il prit finalement la parole. « Voici Cendrebourg. D’ici tout semble normal, je ne saurais pas même dire pourquoi Rheryn voulait venir ici… Mais vu qu’il semble avoir des soucis et au vu du nombre de patrouilles que nous avons été contraints d’éviter, je pense qu’il vaut mieux ne pas manquer de prudence »

Il descendit de monture et mena son destrier, une main sur l’encolure, dans un abri constitué de plusieurs arbres anciens. Caressant la robe pâle de la bête, il reprit à l’adresse de son ami. « Peut-être faudrait-il contourner le village pour s’assurer de la présence possible d’alayiens avant de faire quoi que ce soit, mais avec la rivière qui nous entrave je ne sais pas si nous le pourrons sans mal ni si nous pourrons éviter de contourner » Il fronça un instant les sourcils, continuant ses réflexions « Nous pourrions également nous faire passer pour de simples voyageurs. Je peux me camoufler moi et ma monture sans mal grâce à la magie et ce lieu est assez reculé pour qu’on ne vous reconnaisse pas immédiatement, surtout en vous grimant un peu, mais je ne saurais dire avec une absolue certitude hélas » Il resta un instant silencieux, se déplaçant pour pouvoir observer la ville de nouveau. « Nous pourrions également essayer de rejoindre une unité rebelle proche d’ici, si je peux en trouver une. Mais je ne sais pas si quiconque s’est aventuré dans un endroit aussi reculé. Je suis même surpris de voir autant d’habitations, proches de la frontière avec les marais » Son regard coula d’ailleurs en direction des marais en questions. Se pourrait-il que la solution s’y trouve ? Hm il ne savait pas vraiment en vérité… Il fallait voir, mais d’abord, il fallait attendre. « Vous êtes bien plus expérimenté que moi pour ce genre de choses, que pensez-vous que nous devrions faire ? Nous pourrions également attendre la nuit, maintenant que j’y pense, elle est proche après tout à quelques heures près. Nous serions alors dissimulés pour nous glisser dans le village, en espérant que personne ne nous remarque… » Ce qui risquait d’être difficile si il n’usait pas encore une fois de sa magie d’ailleurs.

S’il commençait bon grès mal grès à connaitre au moins un petit peu les rouages de la politique et la façon de fonctionner des états et des cours, assez du moins pour dignement représenter son ordre et les idées qu’il véhiculait ; il en était d’une toute autre manière pour ce qui était de la stratégie politique. Surveiller des agissements, faire attention à ses mots et trouver les mensonges d’autrui étaient plutôt simple, surtout avec ses capacités mais quand il s’agissait de définir la meilleure façon de résoudre un souci militaire et de ramener une personne à sa charge en vie, il était encore pleinement novice et préférait donc naturellement s’en remettre à quelqu’un qui avait bien plus que lui l’habitude de ce genre de choses. L’avis d’Alford était donc fortement attendu et c’était avec intérêt que Merithyn l’écouta de bout en bout, en hochant parfois la tête pour signifier qu’il l’écoutait bien et qu’il comprenait ce que l’humain lui racontait. A peu de choses près, il confirma donc ses pensées. Mais s’il n’avait fait que cela, l’intervention n’aurait certes pas eu vraiment beaucoup d’importance et l’elfe se serait retrouvé à son point de départ sans savoir comment départager ses options. Maintenant cependant, il pouvait non seulement les départager mais également les liées entre elles, chose à laquelle il n’avait pas tout de suite pensé. Il observa le mercenaire en souriant alors que celui-ci entreprenait de se raser, mais se trouva un peu désarçonné lorsqu’il lui tendit sa lame pour qu’il lui coupe les cheveux. Avec précaution, il la prit et l’observa un bref instant avant de détourner le regard, un peu gêné. « Pourriez-vous… vous baisser quelque peu, je vous prie ? » C’était toujours un peu étrange de devoir demander de l’aide dès qu’il s’agissait de faire quelque chose sur quelqu’un, mais le mercenaire était beaucoup plus grand que lui et il ne voulait pas le rater ou devoir se fatiguer en tendant outrageusement les bras alors que le faire se baisser un brin était plus aisé pour tout le monde. Il indiqua une grosse racine sur laquelle l’humain pourrait se poser pour être relativement à l’aise et il se hâta derrière lui pour pouvoir enfin s’exécuter.

Il prit soin de les peigner de ses doigts fins avant de faire jouer la lame pour les couper courts et proprement. Il n’était certes pas barbier mais il pouvait faire un travail convenable sans cela fort heureusement. En souriant, il lui confia. « Je vous aiderais à faire repousser tout ça, une fois que nous en aurons finis, ça n’est pas très difficile et ainsi vous n’aurez pas à attendre en vous sentant mal » Il changea l’angle de la lame afin de continuer son ouvrage, ne se pressant pas pour éviter de le blesser sans le vouloir. Dans le même temps, il reprit la parole. « Une fois que j’aurais finis de vous couper les cheveux, je vous ferais de nouveaux habits, il faudra simplement me dicter ce que vous voulez, les matières ou la coupe, pour le reste je n’aurais pas de problème. Mieux vaut déjà s’habituer à ces déguisements au cas où. Ensuite nous contournerons donc le village de notre mieux pour l’étudier sous différents angles, jusqu’à la nuit tombée. J’espère repérer entre temps une unité rebelle qui pourra nous renseigner. Si nous en trouvons une, nous unirons nos forces avec eux, dans le cas contraire nous nous en remettrons à une première incursion de nuit. Si vous désirez y retourner ensuite de jour seul, alors nous ferons ainsi » Il acheva de lui raccourcir la tignasse puis le contourna pour lui remettre la lame. « Et voilà c’est fait. Passons aux habits à présent ! » Il attendit que Alford lui donne ses indications et préférences et il entreprit d’utiliser le chant de création afin de pouvoir tirer de leur environnement ce qu’il lui fallait. Fort heureusement, ses connaissances naturelles lui permettaient assez de transformer le nécessaire, même si cela nécessitait pour lui de tirer de l’énergie de la trame en plus de son propre corps. Lorsqu’il eut finit, Alford possedait une nouvelle mise prête à être enfilée et lui s’assit à même le sol, les plis de sa tunique et de sa cape auréolant le sol proche de lui.

Un soupire de fatigue lui échappa. « C’est toujours plus complexe que je ne pense… je n’utilise pas souvent un tel sortilège. Donnez-moi un moment, au moins le temps pour vous d’essayer tout cela, je vais régénérer mon énergie » Il inspira longuement et posément, absorbant l’énergie du soleil déclinant comme une pierre solaire. Le rayonnement s’introduisit en lui et l’emplit doucement de bien être, tandis que son feu intérieur puisait là la force de se faire de nouveau vif. Il se sentit rapidement fort à nouveau et sourit, remerciant intérieurement la nature de son précieux don. Se relevant avec légèreté il annonça finalement. « Et voilà… beaucoup mieux, je vais pouvoir utiliser mon déguisement sans soucis » Le sortilège d’illusionniste fut donc appliqué prestement, et à la place de l’elfe se tint alors un humain. Sa taille réduite n’avait pas changé, de même que sa corpulence, même ses traits étaient humains quoi qu’encore très beaux. Ses oreilles n’étaient plus effilées, et sa peau ne dégageait plus qu’un très léger halo doré de chaleur. Ses cheveux blonds étaient devenu plus pâles, ressemblant moins à des traînés d’or en fusion et beaucoup plus à un blond humain, doux comme le froment. Il observa un instant ses mains puis hocha la tête, satisfait. « Cela devrait être bien ainsi » Curieux, il releva son regard vers l’humain. « Et vous ? Est-ce tout vous va ? Si oui nous pourrons repartir »

Il était heureux de l’avoir rencontrer et ne le dirait jamais assez ? Voilà qui avait de quoi le flatter infiniment et qui colora une fois de plus ses joues d’une légère lueur mordorée aux nuances carmines. Peu de monde avait jamais dit être content de l’avoir rencontré. Content de son travail, de ses soins ou des connaissances qu’il apportait oui bien entendu, mais content de le voir lui en personne, non ce n’était pas souvent le cas effectivement. Il ne s’habituerait jamais à ce que ça arrive, sans aucun doute. Mais en même temps cela restait si rare qu’il n’avait aucune chance de pouvoir réellement s’y habituer. Cela resterait certainement quelque chose de partiel et de bien réservé à certains individus, comme ce mercenaire. Etait-ce pour autant un mal ? Il n’en était pas convaincu. Sans doute cela valait-il mieux en réalité, ainsi il serait toujours incapable de prendre la grosse tête. Ça le perturbait de s’imaginer faisant preuve d’un ego plus important pour quelque raison que ce soit. Il n’avait rien répondu à cela, mais était cependant reconnaissant, intérieurement, des mots d’Alford, qu’il chérissait. Cela faisait un peu de bien dans tous les cas. Comme la présence de cet homme franc et entier, si solide sur ses pieds. La suite le lui prouva encore davantage d’ailleurs. Il était gentil, à ne pas vouloir lui mettre la pression, même si lui-même se la mettait tout seul comme un grand, sans avoir besoin de qui que ce soit pour cela, comme souvent d’ailleurs. Il n’avait pas non plus besoin d’aide quand il s’agissait de se flageller et de s’apitoyer à s’en torturer l’esprit sur ses erreurs réelles ou imaginaires. Comme l’avait découvert Lorenz, il ne lésinait pas quand il s’agissait de s’en vouloir et ne se pardonnait guère la moindre chose. Ce qui expliquait en partie pourquoi il voulait à tout prix éviter de blesser qui que ce soit. Il ne pouvait pas se le pardonner, parce qu’il était précisément censé éviter de telles blessures et souffrances. C’était sans nul doute incompréhensible pour les autres, mais pour lui cela coulait de source comme la plus limpide des choses à faire et à penser. C’était ainsi.

Néanmoins il prit son temps car cela était grandement nécessaire. Une fois tout le déguisement en place et les deux compères prêt à partir, Alford souleva un nouveau détail qui, en effet, avait son importance. De nouveaux noms. Une bonne idée, le sien ne sonnait franchement pas humain. Il pouffa de rire aux noms qu’il venait d’énoncer, les trouvant cocasses et plus amusant qu’autre chose. Néanmoins, cela servirait parfaitement. « Très bien ! » fit-il avec un sourire « Après tout on ne choisit pas son nom ! » ça ajoutait quelque chose de plus léger au côté stressant de la mission d’infiltration. Il monta finalement à cheval, laissant la tête de leur petite expédition et adopta un rythme lent, laissant sa monture suivre simplement celle du mercenaire transfiguré sans la pousser davantage que cela. Il observait le paysage avec grande attention, cependant, alors qu’ils changeaient d’angles de vu au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient de la rivière. Dans le même temps, il essayait de repérer les vibrations d’une potentielle patrouille ou unité rebelle grâce aux anneaux de la rébellion, à l’image de la chevalière de Vie appelée Offrande. Cependant, arrivés à la rivière, ils furent bloqués, exactement comme il s’y était attendu. Perdu dans ses pensées, tentant d’évaluer la puissance du courant et sa rapidité, il laissa l’humain s’avancer vers le barrage de castor qu’il avait aperçu. Il revint finalement à lui et l’observa, le laissant faire avec une certaine inquiétude… d’autant plus grande qu’il y avait également les chevaux à faire passer sur l’autre rive. Il fronça les sourcils en le voyant s’avancé en essayant de passer sur le barrage. Celui-ci tint bon pendant quelques instants avant de grincer et craquer dangereusement, manquant faire perdre son équilibre à Alford. L’armure… elle était très lourde, et il n’imaginait pas ce que cela donnerait avec le destrier.

Il mit finalement pied à terre avec détermination. « Attendez un instant ! Je vais renforcer le barrage, pour m’assurer qu’il vous soutienne » Avec la même magie du chant créateur qui avait construit les habits d’Alford, il solidifia l’ensemble afin qu’il puisse passer puis lui fit un signe de tête bref comme agrément. Là au moins l’humain était certain de ne pas finir au fond de la rivière à se noyer… parce qu’il aurait du mal à l’en tirer si on devait en arriver-là. Cependant user de sa magie pendant la traversée l’angoissait un peu, surtout si des Alayiens pointaient le bout de leurs armes de verre noir. Ce ne fut heureusement pas le cas et une fois Alford sauf de l’autre côté du fleuve, il soupira et laissa retomber sa magie créatrice, ayant à nouveau besoin de se ressourcer dans la lueur solaire les entourant. Il fit porter sa voix directement dans l’oreille de l’humain pour lui parler sans attirer possiblement l’attention alentours. « Je vais user d’un autre moyen pour les chevaux, je ne pourrais pas tous nous faire passer ainsi cela me fatigue trop, c’est loin d’être l’une de mes spécialités. J’aurais besoin de vous pendant la traversée, si vous voyez qui que ce soit approcher ou susceptible de nous voir ou de nous ralentir de la moindre façon mettez moi au courant ou tâchez de l’empêcher, s’il vous plait… finir à l’eau ne me tente pas vraiment » Ni de voir la rivière s’évaporer d’ailleurs en parlant de ça. Il prit les rennes des deux montures puis fit appel au chant de l’eau afin de rendre la surface de la rivière passable à pied. C’était un peu délicat mais heureusement le courant n’était pas assez fort pour vraiment le désavantagé s’il si prenait mètre par mètre comme il comptait le faire. Il s’y prit très lentement et avec beaucoup de précautions afin de ne pas se fatiguer trop vite, à devoir supporter la présence des chevaux en plus de lui. Ce fut donc un pas après l’autre qu’il avança sur la rivière…

La sensation de cet exercice était particulière, singulière. C’était étrange oui, de se retrouver à flotter au-dessus des eaux alors que ce n’était pas là ce qu’il faisait exactement. C’était étrange que de sentir la pression inversée de l’eau le gardant à la surface, presque aussi dure que de la pierre quand il posait le pied dessus. Tête baissée, il ne regardait rien d’autre que la rivière, les traces de ses pas s’estompant rapidement, comme de petites lames blanches d’écume éphémère. A chaque fois qu’il levait le pied, la pression qui le soutenait retombait et il la sentait réapparaître exactement quand il le fallait. Il sentait d’abord son pied se poser dans le vide, manquer traverser la surface aqueuse, puis la pression le stabiliser fermement, lui permettant de poser son poids… ainsi en allait-il de même pour les chevaux, bien que ceux-ci ne soient pas très à l’aise avec une telle marche de patience lente et délicate. Le noir en particulier. C’était un fougueux destrier de guerre qui avait besoin de bouger et de dépenser son énergie inépuisable. Il était rétif et seule la douceur de son chant le calmait assez pour qu’il se tienne à peu près tranquille. Sa propre monture, elfique, était un peu plus facile à vivre fort heureusement et son intelligence naturelle lui permettait de fort bien comprendre qu’il valait mieux ne pas s’écarter ou aller trop vite. Il était pour l’instant aveugle au reste du monde, car cet exercice magique était particulièrement difficile, dans une autre sorte que le chant de création. Ici, c’était un travail d’une subtilité totalement différente, singulière… Son seul avantage était que l’élément de l’eau ressemblait assez à celui du feu, qu’il maîtrisait totalement, il n’avait donc pas à manier une puissance trop imprévisible pour lui. Heureusement d’ailleurs car il n’avait pas envie d’aller faire trempette sur le moment. Avec le courant, il était pratiquement certain qu’il aurait été emporté. Sans parler des chevaux. Il faisait confiance à Alford pour l’avertir d’un possible danger, et gardait simplement une demi oreille sur lui au besoin. Le mercenaire savait sans doute bien compris à présent que ses pouvoirs étant liés aux sons, il lui suffisait dans produire un suffisant pour l’alerter. Ce ne fut pas le cas cependant. Oh il l’entendit marcher, parler, mais rien ne véritablement frappant qui aurait pu lui mettre la puce à l’oreille. Il continua donc tranquillement sa traversée, ne voulant prendre le risque de relever la tête ou d’interrompre son chant sans le vouloir si ce n’était que trois fois rien. Pour le coup, le jeu n’en valait certainement pas la chandelle.

Il se désintéressa des vagues bruits du côté de Alford pour terminer correctement sa traversée. Bientôt, il sentit la fermeté différente de la terre sous ses pieds, le stable du sol et le tendre de l’herbe ployant sous son poids léger. Il releva finalement le regard avec un soupire de satisfaction, et en lâchant les rennes de la monture de l’humain, il tourna la tête alentours pour le repérer. Et fut surpris de constater qu’il s’était non seulement éloigné, mais qu’il n’était pas seul. De toute évidence, il y avait eu effectivement un problème pendant sa traversée et Alford n’avait pas réussis à le prévenir. Enfin fort heureusement il s’était débrouillé pour que rien ne vienne le troubler et il lui en était reconnaissant. « Et bien… » fit-il en s’approchant, accompagné par sa monture apparemment curieuse. « On dirait que j’ai raté quelque chose, mais bravo, vous faites un splendide travail, je ne pourrais être mieux accompagné » Il lui dédia un sourire puis croisa les bras en penchant la tête, observant les deux alayiens qu’on lui mettait sous le nez. « On ne peut pas les garder quelque part, s’il y en a d’autres ils vont se demander où leurs compères sont passés. Je vais les persuader que nous étions une hallucination et qu’ils se sont cognés la tête en tombant de cheval… Il faudra m’aider à les disposer quand j’en aurais fini avec eux » Il s’accroupi près des deux hommes et s’assurant d’abord qu’ils n’aient rien de grave. Puis, quand il fut certain, il usa de sa magie pour les convaincre jusque dans leurs os que lui et Alford étaient des produits de leurs imaginations. Cela lui demanda un bon moment supplémentaire pour cela, durant lequel il eut la forte et durable impression de s’être transformé en un perroquet n’arrêtant pas de se répéter en boucle. Mais au moins quand il eut finit il fut plus que certain que rien n’était allé de travers. Il se redressa, aida l’humain à les mettre en place puis alla chercher leurs montures. « Mieux vaux que l’on reparte rapidement, ils ne vont pas passer des heures inconscients » Il remonta donc en selle et leur fit prendre la direction qui avait été à leur au départ afin de continuer leur tour de village. Fort heureusement, ils n’eurent pas d’autres soucis dans la plaine en elle-même.

Il faisait presque nuit lorsqu’ils arrivèrent à l’orée du bois, qui s’étendait au final des deux côtés de la rivière. Un pont de bois vieillit enjambait le cours à cet endroit. En approchant du couvert du bois, l’elfe arrêta une fois de plus sa monture. « Et bien voilà qui ne m’inspire pas plus confiance… c’est le lieu rêvé pour une embuscade, ou pour nous envoyer nager dans l’eau encore une fois… Ce pont n’a pas l’air de dater d’hier, j’imagine mal des charriots le traversant, ni des personnes d’ailleurs. Je me demande si les habitants ne s’étendent que sur l’autre rive de la rivière où s’ils ont un autre point d’accès… » Il se tourna vers le mercenaire. « Peut-être devrions-nous continuer un peu plus loin, pour voir ce qu’il y a au-delà de la forêt… «

Il y avait quand même quelques avantages au rôle de baptistrel, tout de même. Si l’impossibilité de mentir était une sacrée entrave aux yeux de nombreuses personnes, de même que l’impossibilité de tuer ou d’attaquer dans un monde plutôt hostile. Pourtant, effectivement, il y avait des bons côtés, car sa magie était extrêmement polyvalente car tirée d’une puissance ne possédant aucune forme, et les possédant toutes, tout à la fois. Toutes choses étaient imprégnées de vibrations. Ainsi toutes choses tombaient sous le royaume de sa magie, si ce n’était les pouvoirs de Néant car contraire de la nature. Mais sans doute, comme pour toutes choses, c’était avant tout l’imagination et la maîtrise du mage qui prédominait. Il vivait avec la magie de l’ordre depuis assez longtemps pour la connaître presque sous tous les angles, fort de l’expérience du Fondateur. Dès qu’il s’agissait de trouver le moyen d’épargner des vies, il développait des trésors d’imaginations. Aussi, au compliment d’Alford, il se contenta d’un sourire. Ce n’était pas grand-chose, mais il remerciait toujours les puissances de la nature de leur aide quand il maniait la magie Baptistrale. Car c’était grâce à elles qu’il pouvait faire tout cela, parce que la nature l’avait reconnu comme maître. Elles pouvaient tout aussi bien lui retirer ses pouvoirs, s’il ne se montrait pas digne du devoir qui était le sien. Ces Alayiens avaient beau ne pas aimer la magie et les esprits de la nature, ils étaient tout de même des créatures naturelles. Des humains et des vies précieuses. Mais des vies qui avaient choisies le mauvais camp. En ce jour, elles étaient épargnées mais elles risquaient des périr plus tard et il ne pouvait pas l’empêcher. Cela aussi faisait partie de ses devoirs.

Les Alayiens penseraient donc à une hallucination, et eux étaient partis et aux prises avec un nouvel obstacle, un pont et la rivière, dans l’autre sens, cette fois. Il eut un sourire à la réflexion du mercenaire. « Effectivement, il n’a pas l’air très solide. Allons plus loin… » Il fit faire un détour à sa monture et ils longèrent la rivière sous le couvert ombré. L’idée s’avéra bonne, puisqu’ils tombèrent sur un fortin, et un pont en meilleur état. « Je suppose que l’autre pont était l’ancien lieu de traversée et que celui-ci a été bâti pour le remplacer. Il a l’air en meilleur état » Alford lui fit un rappel et il eut un sourire en acquiesçant. Effectivement. Le problème étant qu’il ne pourrait absolument pas appuyer cette affirmation devant les gardes s’il était contraint de parler. Ce serait mentir et un Baptistrel ne pouvait mentir. Et justement, quand le garde arriva, il se retrouva dans une impasse. Appuyer d’une quelconque façon sur l’histoire d’Alford serait effectivement mentir. Rien que d’entendre le mercenaire mentir était douloureux pour lui-même s’il ne montrait rien. Il resta un moment silencieux et un malaise s’installa. L’homme était de plus en plus méfiant et il n’eut d’autre choix que d’user à nouveau de la magie Baptistrale. Le ton baptistral vint s’insinuer fermement dans l’esprit de l’humain. « Vous n’en avez pas besoin, vous n’avez pas à vous méfier de nous » Il sentit une légère résistance, l’homme était plus coriace qu’il ne l’avait imaginé, mais finalement il céda. A son grand soulagement. « Je n’ai pas de raison de me méfier, non » Bon il était un peu absent mais rien de très grave heureusement.

Merithyn jeta un regard perturbé à Alford, puis décida de pousser sa chance puisque le reste des gardes ne s’intéressaient apparemment pas à eux. « Messire Sarloc, gardien du guet, j’ai une question à vous poser » L’homme sembla surpris qu’il connaisse son nom mais la puissance de la magie l’empêcha de se méfier. « Auriez-vous vu ou parlé avec un homme, un mage, venu ici il y a une semaine environ » C’était osé mais après tout… Et il eut la mauvaise surprise d’une réponse affirmative. « Ah oui, l’homme aux cheveux blancs… Une saleté de mage ! On l’a capturé pour l’interroger ! Il disait être venu aider une femme à mettre son enfant au monde, quel menteur… » Une ombre passa dans le regard de l’elfe « Où se trouve-t-il ? » Il le redoutait un peu en réalité. « Le camp est dans le petit bois, là-bas. Mais à mon avis il est déjà mort à l’heure actuelle, ça fait un moment ! » Il se mordit la lèvre, serrant les crins de sa monture entre ses doigts et entonna un long chant de sommeil qui plongea tous les gardes dans une lourde torpeur. Grave, il baissa la tête un instant et se força à se reprendre. « Traversons et trouvons un endroit sûr… Je crois que nous avons plus besoin de chercher… »

Il s’inquiétait énormément… Rheryn, dans quel état le trouverait-il, après être passé aux mains des alayiens ? Les chanteurs des étoiles étaient des créatures terriblement délicates et précieuses, il n’osait imaginer ce que l’humain avait pu endurer. L’idée même lui serrait le cœur. Etait-il seulement en vie ? Oui certainement, il l’aurait sentit s’il était mort… l’harmonie des douze aurait été brisée. Il était en vie donc. Mais ça ne voulait rien dire tant qu’il serait prisonnier. Installé dans un coin tranquille avec Alford, le regard dans le vague, il ne pouvait s’empêcher d’avoir peur de ce qu’il découvrirait. C’était idiot, il ne savait même pas comment il allait faire pour entrer dans le camp en question de toute façon… La voix d’Alford le tira de ses sombres pensées, et il posa ses prunelles perlées sur la silhouette de l’humain. Surpris. C’était stupide, il savait son ami présent, mais il s’était tellement enfoncé dans ses pensées que… enfin bref, ce n’était pas foncièrement grave. Ôtant sa mâchoire de l’appui d’une main à plat, il soupira en changeant son assise sur le rocher qu’il s’était choisi.

« J’ai peut-être une idée mais… vous serez obligé de faire une grande partie du travail je le crains, et cela serait dangereux » Finit-il par dire, une fois Alford terminé. « Je doute qu’une cellule rebelle ait eut l’idée de venir par ici, il est évident que cette ville ne représente aucun intérêt à un conflit comme celui-ci » Il secoua légèrement la tête « Si nous voulons trouver une cellule rebelle il faudrait aller voir plus à l’ouest et qui sait si Rheryn ne sera pas mort entre temps…. Non j’ai une idée. Audacieuse… ou folle pourrait-on dire » Il pinça légèrement les lèvres et observa l’humain avec attention. « Vous pourriez vous faire passer pour un loyaliste. Dire que vous m’avez capturé. Il suffirait ensuite de sortir en emportant Rheryn avec nous… Enfin, suffirait, oui je sais ce que vous allez dire, c’est tout de même déjà un énorme exploit à réaliser, mais je crois en vous. J’ai peut-être même une idée de distraction qui pourrait déclencher un peu de tumulte le temps de s’éclipser »

Il se mit à faire les cents pas, réfléchissant. Il avait laissé tomber le déguisement d’humain pour le moment puisque personne ne les regardait et c’était tant mieux. Il avait besoin de toutes ses facultés. « C’est osé, mais je ne vois pas comment faire autrement, quitte à me faire prendre des coups. Tant qu’ils ne décident pas de me faire goûter à une arme en verre noir je n’aurais aucun problème réel. Et je doute qu’ils pensent à me bâillonner si vous ne me présenter que comme un mage de la rébellion. Une fois à l’intérieur, je serais forcément mis avec le reste des prisonniers, si mon pair s’y trouve alors nous aurons trouvé. Pour sortir enfin… et bien oui il faut un bon tumulte afin que vous puissiez entrer dans le camp. Ils vous feront probablement entrer une fois pour vous poser quelques questions ou vous récompenser, non ? Donc ça permettra déjà d’avoir une vue d’intérieur de la structure du camp. Pour l’alarme je pourrais lancer un sortilège illusoire et leur faire croire à une attaque de vampires depuis les marais de l’est, nous sommes proches après tout. Je pense que vous aurez tout de même à vous battre, mes illusions ne pourront pas vous dissimuler. Est-ce que cela vous paraît réalisable ? Est-ce que j’oublie quelque chose ? »

L’idée d’approcher des Alayiens de cette façon, de risquer rien moins que sa vie et son intégrité, ne lui plaisait pas vraiment. Pas pour lui ! Il avait été depuis longtemps confronté à sa propre mort mais c’était autre chose quand il avait encore un but à atteindre, une mission à accomplir. Il ne pouvait pas mourir tant qu’il n’avait pas réussi à libérer Lorenz… et à sortir Dévoreuse de la scène. Il le fallait. Au moins cela, si ce n’était encore davantage. « Et bien j’ai plusieurs options, je peux user de magie, ou appeler ma monture à moi. Cela dépendra. Si je peux le soigner rapidement je le ferais, sinon et bien… je ferais en sorte qu’il ne soit nullement un poids » Il eut un sourire léger et encourageant. Non, il ne serait pas une gêne pour son ami humain, cela c’était hors de question. Il n’avait jamais voulu être une gêne pour personne au départ, mais c’était devenu une véritable obsession depuis son passage chez les vampires… Il ne pouvait absolument pas se séparer de cette habitude désormais solidement ancrée. Quand on vivait chez les êtres de la nuit, on se pliait à leurs règles et celles-ci étaient claires. Les fardeaux ne survivaient pas et il n’avait pas été différent d’eux, compagnon d’un dragonnier ou pas. D’ailleurs il n’aurait pas voulu être traité autrement, même si cela pouvait être douloureux. Il avait eu le loisir de connaître ce peuple bien mieux qu’aucun autre mortel du continent, et ce n’était pas en restant éloigné d’eux. Il avait fini par s’y habituer, d’où le fait qu’il avait tendance à faire tout le travail, même en ayant payé quelqu’un pour le protéger. Chasser le naturel il revient au galop comme on dit… « Allons y oui, il est plus que temps » Et il se dirigea vers la sortie après avoir repassé son déguisement d’humain. Un mage humain serait d’abord interrogé, mais un elfe serait tué immédiatement. Dès l’instant où ils furent proches du camp ennemi donc, ce fut entièrement à Alford de jouer et malgré la confiance qu’il plaçait en son ami, il avait beaucoup de mal à rester inactif et simplement maître de son rôle de prisonnier. C’était affreux d’être réduit à ce point… Alors c’était cela qu’on ressentait dans un cas pareil ? Même lorsque Lorenz s’en était pris à lui, il avait toujours été maître de ses propres décisions, y compris celle de ne pas riposter. Mais là ce n’était pas le cas, il n’y avait qu’une seule ligne possible, sans échappatoire… Et l’elfe était particulièrement soulagé d’être capable de voir la profondeur d’une âme, sans quoi jamais il n’aurait permis cela ainsi.

Trop docile ? Hm peut-être mais vu la différence de carrure, il serait étrange qu’il gigote trop. Même en usant d’un sort d’illusionniste, il ne pouvait changer sa corpulence, du moins pas sans faire un effort supplémentaire, en s’handicapant pour la suite. Et puis un mage pur et dur avec une forte carrure ? Cela semblerait étrange non ? Il s’échina cependant à avoir l’air d’un vrai prisonnier… Apprendre que son faux homonyme était relativement célèbre dans les environs le surpris, cela risquait de les mettre en difficulté si jamais le véritable Poppin réapparaissait. Mais bon, au pire il n’y avait pas de raisons qu’ils restent assez longtemps pour que les chances d’une telle rencontre deviennent si hautes qu’on ne pourrait plus les ignorer. Est-ce que ça allait réellement marcher ? Il n’avait pas vraiment la tête d’un voleur ou d’un… dévergondé. Néanmoins, il n’eut pas le temps de véritablement s’en inquiéter car les mensonges d’Alford le torturaient particulièrement, de si près. Il avait l’impression qu’on lui infligeait un œil du dragon particulièrement long. Poussé en avant de l’épée, il trébucha et manqua s’étaler par terre. Parvenant cependant à ne faire que tomber à genoux, il grimaça et se releva avant qu’on ne puisse le frapper et il fut enfermé dans une cage. Là, à quelques distances, dans une autre de ces prisons portatives, gisait effectivement Rheryn. Le cœur du chanteur se serra en le voyant ainsi, allongé de côté, si blême et si frêle. La légère lueur qu’il dégageait, blanche et froide, le faisait ressembler à un mort. Merithyn dû lutter contre le besoin irrépressible de lui venir en aide là tout de suite. A la place, il décocha un long et douloureux regard à Alford qui aurait pu passer, de l’extérieur, pour un reproche. Puis l’humain s’en fut avec un garde et il fut soudain ‘seul’ dans sa cage, l’esprit travaillant à toute vitesse. Allait-on l’interroger tout de suite ? Il semblait que non. Pourquoi ? Aucune idée et il ne cherchait pas, les vibrations lui faisait mal à la tête ici… Fermant les yeux, il se concentra uniquement sur son pair et le constat immédiat qui lui vint le glaça. Rheryn allait mourir si on ne l’aidait pas très vite. Il n’avait pas besoin d’une coupure au verre noir pour être en danger. Ce lieu était trop souillé de chaos pour sa pureté, tout simplement. Pourtant il fallait encore attendre.

Ce ne fut que lorsque la nuit vint qu’il se décida à effectuer l’entrée de son sortilège d’illusion. Il connaissait très bien les vampires, leurs façons, leurs formes, leurs armes… il pouvait les recréer facilement, plus que des humains en tout cas. Et il s’en donna à cœur joie.

Les illusions n’étaient pas son point fort, au départ. Mais il y avait beaucoup de choses qui n’étaient pas ses points forts et qu’il devait tout de même accomplir, depuis déjà longtemps. De base, il n’était qu’un artiste et un guérisseur, pas autre chose. Pourtant, d’humble guérisseur, il était devenu rien moins que le chef de son ordre, la voix des Baptistrels, le Fondateur, protecteur des siens, et d’une harmonie menacée… Il était devenu acteur des changements du continent, participant de la résurrection de la race draconique en ces terres, instigateur d’une alliance improbable et très bientôt destructeur de Dévoreuse et ennemi attitré de Néant. Oui, il avait pris l’habitude d’être ce qu’il ne désirait pas forcément être. Il ne s’en plaignait pas plus qu’il ne râlait de devoir accomplir des actes qu’il aurait préféré se voir épargner. Tout ce qu’il espérait, c’était de réussir son coup, car le pari était tout de même particulièrement osé. C’était leurs vies qui étaient en jeu. S’il se ratait, alors ils seraient condamnés… du moins lui et Rheryn au moins, Alford pourrait tirer son épingle du jeu et s’échapper ensuite pour retourner chez les rebelles. Aussi prit-il son temps, créant son sortilège dans le plus grand détail et le chuchotant en subphonique, de sorte que l’on n’entende rien et que ses lèvres bouges à peine. Les vampires étaient parfaitement crédibles, car ils étaient inspirés de ceux qu’il avait observés durant ses années auprès d’eux. Ils paraissaient parfaitement réels et il avait même poussé le vice jusqu’à leur donner la capacité d’agir à peu près intelligemment face aux guerriers d’Alayia. Tout pour les occuper et les détourner de leurs prisonniers. Et cela semblait marcher, fort heureusement. Il poussa un léger soupire et tourna son regard vers le chanteciel une fois de plus… Il n’allait vraiment pas bien, mais pas le temps d’essayer de le soigner hélas. Alford revenait, en compagnie de deux guerriers alayiens. Il avait déjà eu une petite visite un peu plus tôt, mais fort heureusement, il n’allait pas être bousculé davantage puisqu’ils seraient occupés avec les faux vampires.

Inquiet, Merithyn suivit les deux hommes restant du regard, n’ayant pas du tout envie de devoir intervenir davantage pour éviter la mort à son pair. Ce ne fut pourtant pas le cas et il se fendit d’un sourire en voyant l’expertise de l’humain. Il avait bien fait de lui demander de venir. « Bravo Alford » fit-il, en le voyant approcher, avant de se taire pour le laisser se concentrer sur sa libération. Inquiet cependant de l’état du camp, il tendit oreilles et sens pour s’assurer que tout continuait de fonctionner. Une fois libéré, il remercia l’humain de son aide et sortit de sa cage en grimaçant. Il s’étira légèrement avant de reporter immédiatement son attention sur le chanteciel. « Oui je pense que… » Il n’alla pas plus loin, interrompu par des troubles fêtes. Son cœur bondit, rata un battement, tandis que l’angoisse le gagnait avant de laisser place au calme profond des situations difficiles. Il ne jeta qu’un bref coup d’œil au groupe de 4 que constituaient ce qui semblait être un capitaine et trois gardes. S’approchant rapidement de Rheryn, il laissa les hommes en question à Alford, s’occupant de revigorer l’autre baptistrel… Mais hélas, il advint vite que cela serait impossible. Serrant les dents, il changea d’idées et, sans se préoccuper plus longtemps de cela, revint à sa véritable apparence. « Alford, je ne peux pas le soigner ici, je vais le transporter par magie jusqu’à ce que nous soyons en sûreté. En attendant je vais soutenir votre corps pour vos combats, si vous le permettez » Tant pis pour la discrétion, il fallait à présent avancer au plus vite. « Respirez à fond ! » Chantant à nouveau, bas, il en appela au vent, tout d’abord pour soulever et faire flotter le corps de Rheryn, puis pour s’insinuer dans Alford afin de soutenir sa vitalité, oxygéner ses muscles, soulager son souffle et le rendre plus vif et léger. Rien que les alayiens puissent annuler avec leur verre noir. Dans le même temps la puissance du vent vint chasser un autre effet qu’il imposa à leurs ennemis… la chaleur.

Il fit grimper la chaleur, gênant les autres combattants, mais produisant aussi une lueur qui faisait mal aux yeux. C’était tout ce qu’il pouvait pour l’aider en l’instant, aussi recula-t-il, se mettant sur un chemin sûr pour sortir du camp.

Encore une fois, il se félicita de l’avoir embarqué dans cette aventure-là. C’était un très bon guerrier, pour un humain. Et il était certainement bien meilleur que lui. Et il se félicitait tout autant d’avoir développé sa capacité à user des sorts de soutient baptistraux… cela allait peut-être confirmer l’avantage qu’ils avaient sur leurs opposants. Il restait en retrait, concentré sur ses sorts pendant qu’Alford combattait contre les quatre alayiens qui tentaient de les empêcher de partir. Il vit l’astuce du mercenaire, lorsque celui-ci se mit à tirer sur l’arme de l’un de ses adversaires et, souriant, en se déplaçant, il vint ameublir le sol pour le rendre un peu plus glissant, juste de quoi rendre la chute un poil plus brutal encore. Cependant, cela attira à nouveau l’attention sur lui et il grimaça en voyant l’épéiste foncer vers lui. Que faire ? Il ne pouvait pas l’engager à l’épée, il n’avait pas son arme et même si ça avait été le cas, il lui aurait été difficile de combattre un guerrier rôdé comme cela… Le verre noir rendait le tout encore plus dangereux. Courir, lui disait Alford… Mais il pouvait difficilement courir dans un camp duquel il ne savait rien, avec un ennemi aux trousses. Serrant les dents, le cœur battant, il passa en revue les options qui lui venaient sur l’instant. Et puis il ne voulait pas le laisser là, lui… L’homme se rapprochait rapidement et il réagit plus par instinct qu’autre chose. « Arrêtez-vous ! » Portée par la puissance du ton baptistral, l’ordre magique s’insinua dans l’esprit de l’homme et s’y ancra profondément, le faisant s’arrêter sur place, juste devant le baptistrel tremblant. Celui-ci recula d’un pas, puis sortit de sa sacoche le sifflet magique qui lui servait à appeler sa monture. Il était grand temps de filer, et aussi vite que possible d’ailleurs…

Il attendit avec anxiété, observant à la fois les environs, et le duel de son ami qu’il soutenait de nouveau après la défaillance due à l’épéiste. Puis soudain, le hennissement caractéristique de son cheval lui vint à l’oreille et il trouva l’équidé proche de lui, peu à l’aise dans cet environnement. Il entreprit de ficeler Rheryn sur son dos, grimpa puis talonna sa monture. Les alayiens étaient en grande partie massé du côté des plaines, à se battre contre les illusions… aussi, il ne fut pas très compliqué de retrouver le cheval d’Alford et de le ramener avec lui. Entre temps, l’humain avait réussi à vaincre son adversaire. « Montez, vite… » Jetant toujours des regards un peu partout, il attendit qu’il soit en selle et piqua des deux, laissant son compagnon à quatre pattes retrouver la route qu’il avait emprunté pour le rejoindre, Alford sur les talons. La sortie fut un peu difficile, confrontés qu’ils étaient à quelques alayiens encore dans cette partie du camp, mais ils réussirent finalement à sortir du camp et à disparaitre dans la forêt. Elle n’était cependant pas très dense et une fois sur la plaine, il fut contraint de faire descendre une brume épaisse sur les lieux afin de couvrir leur retraite loin du théâtre des opérations. Débarassé de son sort d’illusion, il se trouva plus en forme et insista pour s’éloigner le plus possible et trouver un autre bosquet où ils pourraient se dissimuler. Ils en trouvèrent un, certes, mais il était à plusieurs lieux et il leur avait fallu un très long moment pour l’atteindre. Là, il déposa Rheryn sur le sol et s’échina à préparer une couche purifiée pour son repos. Une fois que ce fut fait, il passa plusieurs longues heures à tenter de soigner son pair.

Ce ne fut qu’aux environs de midi qu’il s’arrêta finalement et se redressa, regardant les alentours d’un œil morne. Soupirant, il se retourna et adressa pour la première fois de la journée la parole à son mercenaire d’ami. « Je reviens, je n’en ai pas pour longtemps… » Et sur cette affirmation, il retira la plupart de ses effets : sa cape, son armure, sa veste ignifugée et ses gants de même matière. Cheveux lâchés, il s’installa au soleil sur une petite rondeur de terrain et s’y ressourça un moment, sans bouger et sans parler, baignant simplement dans le soleil. Puis, lorsque ce fut fait, il revint, semblant plus serein, moins accablé. Et il rompit de nouveau le silence. « J’ai soigné son corps, il n’a plus de blessures mais… Pour son âme je ne peux rien, il y a quelque chose irrémédiablement brisé en lui » Il parlait avec calme, comme s’il avait déjà fait la paix avec cet état de fait, quand bien même la douleur lui remuait les entrailles. « Je crois qu’il… enfin qu’il espérait être sauvé. Je crois qu’il voulait simplement attendre pour partir dans un lieu paisible. Il s’en ira ce soir… » Il soupira et se passa une main dans les cheveux. « Je suis désolé Alford… je pensais que nous arriverions à temps pour le tirer entier de ce mauvais pas et voilà que… Je suis désolé… »

Il s’en voulait… cette constatation le fit tomber des nues mais surtout, elle l’attrista profondément. Il n’avait rien fait qui méritait pareille contrition. Bien au contraire, c’était grâce à lui qu’ils avaient réussi à tirer le chanteciel hors du camp alayien et ce en restant en vie et en bonne santé. Il avait parfaitement rempli son contrat. Non le seul à être responsable, c’était lui sans aucun doute, pour ne pas avoir réagi plus tôt… pour ne pas avoir été là plus tôt. Il n’y pouvait plus rien hélas, ce qui était fait était fait. L’ancien adage lui revint en cet instant, qu’il avait pourtant complètement occulté pendant plusieurs mois ou années et, observant l’humain, il eut finalement un triste sourire. « Non Alford » dit-il, calmement, mais fermement, sans perdre de sa douceur. « Vous n’êtes en rien responsable de cela. Vous avez rempli votre part avec brio et je vous dois certainement la vie. Je ne vous en veux pas, bien au contraire, je vous suis très reconnaissant de l’aide que vous m’avez fournie. Ne vous tourmentez pas… » Il se détourna, regardant vers l’extérieur, vers la lumière de la journée, y prenant ses ressources, psychologiques cette fois-ci… Il avait besoin de cela, besoin de pouvoir croire en cette lumière. Il avait besoin de ce qu’elle transmettait, cet espoir que, quoi qu’il se passe, le lendemain pourrait toujours être meilleur. Que lui restait-il, sans cela, en un temps pareil ? Pas grand-chose, fondamentalement. Inspirant doucement, il s’entoura de ses bras, pensif… Puis reprit la parole, après un moment. « D’une certaine façon, je pense que l’on peut affirmer l’avoir effectivement sauvé… Il n’aurait pas été bon qu’il périsse entre leurs mains. Même si cela me peine énormément, même si j’ai le sentiment d’avoir échoué, même si je préfèrerais qu’il vive… Il n’empêche que nous pouvons lui offrir le luxe d’une fin choisie, digne et paisible, et c’est déjà beaucoup. Combien de soldats n’ont pas même eut le loisir de bénéficier de cela, je me le demande. Qu’ils soient Armandéens ou Alayiens d’ailleurs. Cette guerre a fait autant de victimes connues qu’inconnues. Non, nous n’avons pu conserver sa vie, mais nous n’avons pas complètement échoué non plus… » Il essayait de se convaincre, de prendre du recul. Mais c’était vraiment très dur. Envisager sa propre mort était beaucoup plus simple que de penser à celle des autres. Silencieux, il attendit, tout simplement… Il partagea le repas avec Alford le midi, et il passa le reste de la journée à s’occuper comme il le pouvait, accompagnant Rheryn et préparant le passage dans la soirée. Il construire un bûché relativement large mais pas trop encombrant et chantant, il créa de la végétation alentours de quoi orner ce dernier repos pour le baptistrel.

La nuit se coucha finalement, et avec elle, les étoiles apparurent dans le ciel. Merithyn continua de veiller le chanteciel, alors que la vie le quittait enfin… Le corps de Rheryn fut entouré d’une douce lueur argenté, pâle et lancinante. Sa respiration se fit plus lente, très lentement. La mort dans l’âme, le Gardien entonna, sans instrument, le chant de passage qui accompagnait les morts dans les bras de l’esprit supérieur… Sa voix mélodieuse contant Rheryn, la nostalgie et la langueur des étoiles, leur pureté et les jours anciens. Etait-ce une heure ou bien davantage ? Au bout d’un temps n’ayant plus de consistance et dans lequel les étoiles brillaient avec plus de force, semblant pulser en accord avec le cœur de celui qui allait les rejoindre. Finalement, l’humain ouvrit les yeux et sourit, d’un sourire triste, avant de fermer ses prunelles pour la dernière fois. Son corps cessa de briller et Merithyn changea de chant, adoptant le chant du vent, qui détache l’âme du corps. Une fois que ce fut fait, il fit brûler le corps dans les flammes pures de son feu et le laissa se consumer. Alors seulement, il reparla. « Il est parti et en paix… Reposons nous un peu, et nous repartirons dans la matinée…. » Il eut un profond soupire, étrangement apaisé à présent. Souriant, il remercia une fois de plus Alford puis se rappela de quelque chose. « Ah je vous dois votre paie également… je vous la donnerais demain si cela vous va » Un peu de repos ne ferait pas de mal. Après s’être mit d’accord, il prit le premier tour de garde, regardant les flammes qui crépitaient encore, enhardie par sa présence.