Cela faisait plus d'un mois Armandéen qu'elle avait quitté le territoire des elfes, non sans mal ! La rencontre avec ces brutes vertes ne l'avait pas laisser sans séquelles, à force de s'enfermer dans leurs bois il n'était pas difficile à comprendre pourquoi le peuple humain d'Armanda leur avait tourné le dos depuis leur alliance avec l'armée Alayienne. Si cet isolationnisme ne leur serait pas fatal, alors c'était qu'ils auraient beaucoup de chance ! Et à ce qu'elle avait vu elle ne leur en souhaiterait pas, sauf peut-être à quelques individus comme ce jeune elfe qu'elle avait rencontré. Elle s'était donc mise en route, direction plein Est, évitant les routes commerciales jalousement gardées par les patrouilles de l'armée impériale appuyée par les soldats Alayiens équipés de leur verre noir habituel si reconnaissable. Le conflit avait fait ressortir les lies de l'humanité, bandits et autres indépendants qui pillaient les caravanes commerciales forçant ces dernières à se faire accompagner par quelques gens d'armes pour éviter de se faire piller alors que la saison hivernale n'aidait pas vraiment à l'appel au calme à cause de la pauvreté engrangée par la guerre.

Elle voyageait seule la plupart du temps, mais ce n'était certainement pas cette solitude là la plus difficile... Aucune de ses prières n'avaient été entendues, aucun signe en réponse à ces dernières alors que son frère restait introuvable, au point qu'elle pensait ce dernier mort et enterré. Elle avait l'impression de l'avoir conduit elle même vers cette mort, et de l'y avoir abandonné froidement tout comme Néant le faisait maintenant avec elle en digne retour de bâton en une punition qu'elle méritait sans doute. Malgré les prières son tatouage n'arborait plus sa main par ses arabesques qu'elle avait porté toute sa vie et les prières n'avaient pas permis à ce dernier de rester plus longtemps et dans cette situation il était difficile de se considérer comme Alayienne. Elle l'était, ses parents l'étaient, elle avait grandit et été éduquée par ce peuple, mais elle leur avait tourné le dos en désertant, Néant l'avait abandonnée et elle n'avait au final plus personne qui l'attendait là bas en dehors de ceux qui chercheraient à la tuer pour sa "trahison". Mais elle n'était pas non plus une Armandéenne, malgré les explications du jeune elfe beaucoup trop de choses restaient obscures sur leur culture bien que le mode de vie en dehors de la religion était semblable à celui d'autres humains malgré leur dépendance maladive à la magie.

Son temps de sommeil s'était affreusement réduit au fur et à mesure de son avancée en territoire inconnu, la disparition accélérée de la marque ayant emmené un stress supplémentaire qui était vraisemblablement la cause des nombreux cauchemars dont elle était la malheureuse victime, mettant tour à tour en scène quelques fanatiques du néant mais également quelques malades mentaux elfiques adeptes de magie et autres créatures fantasmagoriques de ce monde dirigé par trop de magie avec cette sensation oppressante de se sentir surveillée par un prédateur. Le manque de sommeil commençait d'ailleurs à marquer son visage par des cernes sombres lui donnant presque un air de mort-vivant. Après tout qui avait promis qu'une vie de vagabonde recherchée serait de tout repos ?

Le manque de sommeil avait emmené avec lui la fatigue et ses fautes d'inattention, et dans une situation similaire à celles qu'elle était ce genre de faute s'avérait généralement fatal... Comme elle pu en faire une sorte d'expérience... Une simple patrouille nocturne, deux Armandéens et deux Alayiens dont les armures de verre noir étaient dissimulées sous les tabards des gens d'armes de la région désignés à la protection des routes. Son regard se posa sur les deux premiers, qui n'avaient rien d'hostile et la regardèrent simplement passer après un bref signe de la tête. Les suivants par contre ne mirent pas bien longtemps à reconnaitre son visage malgré les marques de fatigue et ne se firent pas prier pour se mettre à hurler des injures portant sur sa désertion et sa trahison au néant, et si sa pauvre génitrice était encore de ce monde elle en aurait également pris pour son grade !
N'écoutant que son courage, ou plutôt simplement son instinct de survie, l'humaine ne mit pas longtemps à réaliser son erreur pour prendre la fuite aussi vite que possible, plus légère que les deux Alayiens la poursuivant elle pu non sans mal mettre une distance correcte entre elle et ces derniers, mais la différence de fraicheur des troupes était visible, si bien que la course poursuite tourna vite fait au désastre pour la pauvre jeune femme. Combien de temps avait-elle couru ? Elle ne le savait même pas, 10 minutes ? 15 minutes ? Peut-être même plus, quoi qu'il en soit cette durée lui sembla être une éternité pleine de douleur.

Elle trébucha, ce fut sa seconde erreur, se prenant le pied dans une racine traitre ou elle ne savait quoi d'autre qui lui apprit simplement à voler l'espace de quelques secondes, dans certaines langues, voler veut dire "tomber moins vite" et le plus dur est toujours la chute ! Ainsi elle percuta lourdement le sol, roulant sur elle-même pour se relever et avoir à peine le temps d'éviter la brute qui lui sautait littéralement dessus toute lame dehors en hurlant qu'il allait éventrer l'impie qu'elle était, ou quelque chose approchant, mais le cœur y était ! Le second quant à lui commençait à la contourner pour lui couper toute possibilité d'une fuite potentielle qu'elle tenta bien évidemment, forçant le choc entre leurs deux armes. Elle était acculée, et tenter de résonner les deux Alayiens semblait comme perdu d'avance à en croire leurs regards fous de rage et de haine, d'ailleurs leur seule tentative de communication furent de lui asséner un magnifique coup dans la tête, lui faisant perdre connaissance pour leur laisser tout le loisir d'en profiter pour lui faire payer sa trahison

La suite fut plutôt douloureuse pour elle, même si elle fut une bonne petite demi-heure plus tard. Ce fut le bruit horrible des os broyés qui vinrent la tirer de la brume dans laquelle les deux soldats Alayiens l'avaient envoyés à grand coup de pied, puis une lame sous sa gorge vint dissiper complètement cette brume pour ne laisser place qu'à la douleur des coups soigneusement administrés.
Elle leva son regard, quelque peu perdue en direction du visage de la personne qui tenait la fameuse lame, se figeant sur ses traits sous le coup de la surprise lorsqu'elle découvrit les crocs aiguisés et apparents de la "chose" devant elle. Elle en avait déjà croisé, de pauvres créatures maudites dirigées par un instinct animal et dangereux mis en elle à cause d'une partie de cette magie encore plus dangereuse et immonde que les autres. Beaucoup exprimaient de la haine pour ces créatures qui ne considéraient les humains que comme des proies ou simplement des esclaves, pour d'autres il ne s'agissait que de victimes, car après tout ces dernières avaient été humaines avant.
Il en fallait beaucoup à la déserteuse pour nourrir des pensées belliqueuses à l'encontre de ceux qui ne lui avaient encore rien fait, préférant éviter ceux qui pourraient lui faire du mal qu'ils soient Alayiens ou vivent par la magie, cette dernière étant une certaine source de crainte pour l'Alayienne déchue après l'avoir vue à l’œuvre lors de la bataille des bois sombres. Son regard quitta le visage du prédateur nocturne pour se poser vers l'origine des craquements sinistres non loin... Et ce qu'elle y découvrit avait cette fois une bonne raison de produire de la peur : une créature à écaille similaires à celle qu'elle avait pu voir lors de sa désertion et qui avait faillit la réduire à l'état de torche vivante pour les derniers instants de sa vie. Elle eut un léger mouvement de recul, que la lame l'empêcha immédiatement de poursuivre plus loin que les quelques millimètres d'amorce.

La surprise passée et ses esprits repris, elle posa en silence son regard sur la créature en face d'elle, comme pour la jauger avec un calme inhabituel pour une humaine dans ce genre de situation comme si elle intériorisait ses expressions. Fallait-il prendre le risque de dégainer doucement ? Celui de l'envoyer balader ? Ou encore celui de tenter de discuter paisiblement ? Les choix étaient multiples pour essayer de se sortir de là, et la plupart des issues se soldaient par une mort certaine comme si rien ne pourrait lui sauver la vie quoi qu'il arrive. Peut-être qu'en essayant de jouer sur le fait qu'elle n'était pas comestible... Ou plutôt qu'elle aurait moins bon gout aux vues des privations qu'elle vivait en ce moment même.

"Repas peut-être, délicieux j'en doute. Après les mois que je viens de passer je ne serai pas très digeste." Il fallait partir du principe que pour cette créature elle n'était qu'un animal, une sorte de poulet ou autre en équivalent humain. Et les humains ne mangeaient que peu les bêtes malades ou affamées. "Ceux qui me poursuivaient étaient certainement mieux nourris et en meilleure santé que moi." Elle désigna la créature monstrueuse qui finissait les corps.

Après tout, ca ne coutait strictement rien d'essayer d'aller sur cette voie tout en gardant un calme apparent. Après tout pourquoi aurait-il pris le risque de la sauver et de défaire ses poursuivants si c'était pour la tuer ensuite ? Ce dernier avait certainement d'autres idées en tête et tentait certainement de lui faire peur pour les obtenir beaucoup plus facilement. En se mettant à sa place en tout cas, dans un esprit sadique et pervers, c'était ce qu'elle ferait pour être sûre de s'assurer de l'obéissance de sa victime. Pourquoi ne pas essayer de jouer au chat et à la souris ? Les prédateurs aimaient jouer, et ça lui laisserait certainement la possibilité de s'enfuir à un moment ou à un autre.

"Pourquoi me sauver si c'est pour en finir ainsi ?" Tenter de prendre par la logique comme si ceci permettrait de lui faire changer d'avis, mais pas que. "Merci de m'avoir sauvé." Elle tentait également par les sentiments, et quoi de plus efficace que de donner un nom à un animal pour ne pas avoir envie de le manger par la suite ? "Maude." Finit-elle simplement.

Elle lui aurait bien tendu une main pour le saluer, mais tant qu'il y aurait la menace d'une arme, autant dire que c'était plutôt compliqué ! Enfin, elle essayait au moins de détendre l'atmosphère !

Paniquer ne servait à rien, il fallait qu'elle garde son sang froid pour tenter de trouver une issue potable à cette situation et il fallait d'abord que le monstre devant elle retire la lame de sa gorge. La première tentative de lier un contact "pacifique" avait été un échec pur et dur, emmenant des insultes de la part de la créature. S'il n'y avait pas de place pour la diplomatie, alors il fallait certainement tenter autre chose, même si cette fois les chances étaient bien plus maigres que la première.
Si elle avait peur ? Dire qu'on a pas peur dans ce genre de situation signifie simplement que l'on est soit fou, soit un menteur. Bien sûr qu'elle avait peur, mais se laisser aller dans cette fantaisie serait signer directement son arrêt de mort, et si elle voulait survivre, elle devrait se battre. Se battre comme elle l'avait fait jusqu'à présent pour garder sa liberté.

La créature finit par ranger sa lame pour la saisir par les cheveux. Elle était sure d'elle, et c'était certainement l'ouverture rêvée pour tenter quelque chose, et ce petit quelque chose n'allait pas tarder à se manifester une fois qu'elle serait sûre que la chose en fasse d'elle ne puisse esquiver sans être obligée de la lâcher ce qui lui permettrait de tenter de fuir, d'autant plus que la créature aurait un peu de mal à la pourchasser dans le meilleurs des cas.

La première réaction qu'eut l'humaine fut d'abord une sorte de couinement lié à la douleur de se faire attraper par les cheveux. La seconde était beaucoup plus simple, sa main se glissa doucement en direction de son arme la plus courte pour la dégainer rapidement et surtout l'accompagner d'un mouvement bref et rapide en direction de la jambe de son agresseur. Si elle allait réussir ? Ça serait une autre histoire, mais dans un tel cas elle ne se ferait pas prier pour s'enfuir à toute jambe dans le passage le plus étroit le plus proche de manière à ne pas pouvoir se faire pourchasser par la créature massive. Contre la seconde, avec une épée à la main ça serait certainement plus simple qu'avec une dague sous la gorge.