Elle avait déposée Kylian près de la cité d’Althaïa puisqu’il voulait revenir chez les rebelles. Elle ne comprenait vraiment pas pourquoi d’ailleurs cela lui importait tant… la dernière fois il voulait être n’importe où plutôt que chez les rebelles et maintenant il y retournait ? Ce vampire était une véritable girouette. Il avait bien de la chance qu’elle n’ait rien d’autre à faire de son temps, surtout en ce moment. Depuis la journée de leur rencontre avec Verith, le monde ne semblait plus fonctionner correctement. Il faisait trop chaud pour les bipèdes, il y avait des catastrophes naturelles dans tous les coins du continent. La magie était extrêmement puissante même pour elle et l’énergie qui coulait dans son corps, de même que la faim intense qu’elle ressentait, ne lui disait rien de bon. Elle n’y pouvait rien hélas, pas plus qu’elle ne pouvait quelque chose pour les pauvres végétaux ignares qui tentaient tant bien que mal de passer non seulement sa cuirasse de guerre mais en plus ses écailles naturelles. Depuis quand exactement les végétaux devenaient agressifs comme cela ? Et bien depuis cette même journée en vérité. Elle avait même essuyé une tempête sur le chemin. Mais rien ne l’inquiétait réellement, sur l’instant. Rien ne pouvait la faire vaciller, elle la mère des tempêtes. A terme cependant, elle craignait pour ce monde. Mais que pouvait-elle faire exactement ? Elle n’avait pas parlé de ses inquiétudes à Kylian, même si celui-ci avait dû les sentir. Aussi forte soit-elle, que pouvait-elle pour le monde en cet instant ? Oh Elle avait bien lancé son esprit vers l’infini, vers les cieux, à la recherche des esprits, de Dracos son frère d’écailles, elle avait appelé, proposé son aide, quoi qu’elle puisse faire mais n’avait pas eu de réponses. Ils n’étaient pas là, ou alors étaient trop occupés. Dans tous les cas elle en était réduite à attendre son bipède pour le moment, et somnolait dans les plaines sans se préoccuper de quoi pouvait bien la voir. Combien de temps resta-t-elle là seule et immobile à juguler son appétit ? Un très long moment sans aucun doute, mais qui prit bientôt fin.

Qui prit fin avec l’odeur d’une mortelle et de l’un de ces animaux qu’ils montaient. Une odeur iodée et magique. Une bête qu’elle avait déjà vu une fois auparavant d’ailleurs à bien y réfléchir. Ouvrant grand les yeux, elle tourna son cou énorme et sinueux pour observer la minuscule petite chose au sol. Approchant son museau surdimensionné, elle huma attentivement cette frêle créature et en déduisit qu’il s’agissait d’une femelle humaine. Une femelle qui portait sur elle un reliquat ancien de l’odeur de Kylian. Tient donc. Etait-ce lui qui l’avait envoyé en messagère ? Si c’était le cas elle allait se vexer et secouer son futur lié comme un arbre jusqu’à lui faire comprendre qu’il y avait des limites à ce qu’elle tolérait, même de sa part. Sa gigantesque paupière cligna et elle releva légèrement la tête, soufflant sur un arbre qui s’apprêtait apparemment à fouetter la femelle d’une branche vicieuse et barbelée. Le végétal tangua fortement avant de frémir et de sembler se calmer. Bien… voilà qui était parfait. < Tu devrais faire attention, petite. La forêt n’est pas très accueillante et tout le monde ne possède pas des écailles comme moi > Sa voix s’insinua comme une caresse distante dans l’esprit de l’humaine, ni mauvaise ni bonne, simplement calme et détachée. Pas une voix humaine, mais un écho ancien portant des mots de bipèdes pour être compris. A nouveau, elle l’huma, puis reprit avec curiosité. < Tu portes l’odeur de mon dragonnier sur toi, humaine. Qui es-tu ? Est-ce lui qui t’a demandé de venir me trouver ? Je ne l’espère pas, ce serait une insulte. Mais si tu n’es pas sa messagère tu es la bienvenue, je m’ennui, seule ici. Et les temps ne me sont pas favorables… >

Un élan amusé fendit l’esprit de la dragonne et se distilla dans celui de l’humaine minuscule qui était venue avec sa monture salée. Elle répondit du tac au tac, quoi que toujours lointaine afin de ne pas la rendre folle avec sa présence. < Ce lieu est tranquille effectivement. Moi aussi j’aime son côté paisible. Continuons donc d’en profiter sans se déranger mutuellement > Elle pétrit la terre de ses griffes pour se réinstaller et reporta son attention sur le reste de la plaine. Cette petite souris ne risquait effectivement pas de la déranger vraiment, elle aurait même pu la manquer dans une autre situation. En l’état, toutes deux pourraient se partager la forêt sans le moindre souci. Il y avait bien assez d’arbres pour deux. Trop peut-être même pour cette enfant, considérant qu’avec les évènements actuels la moindre fougère ou mousse risquait de se transformer en piège potentiellement mortel pour les frêles créatures qu’étaient les bipèdes. Elle risquait sans doute à tout moment d’être empoisonnée, paralysée, ou étranglée… La dur loi d’un monde devenu fou certainement, mais il était dommage de rechercher ce danger quand on pouvait l’éviter. Elle se ré intéressa cependant à la petite chose en entendant son nom. Esmelda Kohan ? C’était donc la femme que Kylian aimait et pour laquelle il avait tant fait ? Rencontre fatidique que celle-ci sans nul doute, mais elle se satisfaisait de la voir enfin et ce sans son vampire autour d’eux pour surveiller. Rapprochant à nouveau son museau, elle la huma à nouveau et s’y intéressa sous un autre angle. Quelles étaient les qualités de cette femelle pour que Kylian fasse tant pour elle… et souffre tant de l’avoir abandonné. Oh oui le vampire était en colère contre elle, et lui en voulait certainement, mais la dragonne n’avait aucun doute quant au fait que son vampire de compagnie souffrait effectivement de sa perte. Un amour ainsi bafoué ne pouvait pas exister sans souffrance hélas. Pas pour les mortels du moins, semblait-il. Il y avait un peu de douleur, dans l’esprit de l’humaine et certainement plus, dissimulée là où elle ne la voyait pas, trop légère dans son contact avec elle.

En la voyant renifler son bras, elle fut secouée d’un rire qui fit trembler la terre et la végétation autours d’elle. Le geste, à ses yeux de dragonne, était vraiment drôle, comme si son pauvre odorat étriqué pourrait sentir les détails de son parfum corporel. Pourtant malgré cette pointe de hauteur de sa part, c’était surtout ce que le geste sous-entendait qui était amusant. Elle s’inquiétait de sentir comme Kylian ? Bah… < Oh ça, ça me paraît évident, sinon l’odeur serait plus forte, petite humaine. Les vampires ont une odeur particulière que je reconnaîtrais entre mille. Une odeur de froid, de mort… Enfin quand elle n’est pas dissimulée par la puanteur d’un vieux sanglier malade > Elle n’oublierait jamais l’épisode de sa rencontre avec le vampire. Enfin elle n’oubliait rien en général mais ça encore moins. Kylian avait tellement pué de cet animal après tout. On faisait mieux comme première approche avec son futur lié. Mais au moins avait-elle un sujet sur lequel le taquiner de temps en temps. A nouveau, elle sembla rire à la question amère de la jeune femme. < Tu trouveras toujours des individus pour se satisfaire du présent quel qu’il soit. C’est une forme de sagesse parfois que de savoir voir le bien dans le mal, même si, dans le cas des bipèdes, cela dérive surtout vers l’opportunisme… > Elle avait une note dure dans la voix en affirmant cela, mais qui disparue bien vite. Ce n’était que réalité et les mortels faisaient ce qu’ils faisaient. S’ils essayaient de se trouver des faveurs à ses dépens ou à ceux de son dragonnier, elle les croquait, le reste lui était égal. < Rompre ma quiétude ? Toi ? Avec cette petite voix à peine audible ? Tu ne risques pas voyons > Elle la poussa légèrement du museau, dérangeant au passage sa monture. Puis elle releva le museau et laissa le silence s’installer dans les bruissements de la forêt.

Un silence que l’humaine finit par rompre d’une question légère, la faisant grogner un brin, en assentiment. < Futur dragonnier, nous ne sommes pas encore liés > Son œil énorme bougea, alors qu’elle la regardait en coin, museau posé sur ses pattes. < Ça n’a pas l’air de te plaire, petite. Je ne suis pourtant pas la cause de votre éloignement, il me semble > Elle laissa un instant planer le silence avant de poursuivre < Ton cœur et ton esprit sont troublés par la peine et la souffrance, est-ce mon vampire qui les a causé ? Désires-tu m’en parler ? S’il a fait quelque chose de mal à ton égard il faut qu’il répare ses torts, je ne souffrirais pas d’un lié qui se permet de traiter les autres avec bassesse. >

Un simple hochement de son énorme tête, un geste très humain d’assentiment, pour signifier que, oui, l’odeur partirait. Elle ne précisa nullement que cela prendrait du temps car ça paraissait évident. Surtout une odeur aussi forte que celle-ci. Mais les humains aussi avaient de fortes odeurs, plus fortes parfois, alors ce n’était pas bien grave. Elle trouverait comment la faire partir si c’était réellement ce qu’elle désirait. Elle conserva d’ailleurs son silence tout le temps que la petite humaine parla, ce qui était salutaire pour l’entendre correctement. Finalement, un grognement de mauvaise humeur. Elle n’aimait pas beaucoup ce qu’elle entendait là il fallait bien le dire. Mettant son museau face à la bipède, elle braqua son regard luminescent sur la minuscule silhouette et entra avec plus de force qu’auparavant dans son esprit. < SON prince ? > Les mots roulèrent dans l’esprit de l’humaine, en écho au grondement d’orage dans les cieux. Elle n’aimait clairement pas la formulation qu’on venait de lui en faire. Kylian n’avait pas de prince, il n’avait aucune autorité supérieure qui aurait pu lui dicter des ordres pour la simple et bonne raison qu’elle ne le tolérerait pas. Son lié ne répondait qu’à elle, c’était déjà bien suffisant et tout naturel. Cependant, quelque chose d’autre l’agaçait plus encore que cela. < Parle, Esmelda Kohan. Quel est cet écho dont tu parles et dont je n’ai pas connaissance. Dis m’en davantage. De quoi s’agit-il ? Je sais qu’il possède un diamant de pureté contenant son propre chant-nom, mais de cet écho, il ne m’a rien dit > Elle l’engloba plus encore dans son esprit, l’irritation pointant sans mal.
< Qu’il te juge seule responsable m’importe peu, je veux savoir ce qu’il a fait, ce qu’il t’a fait et je veux savoir ce qu’il a omit de me dire au sujet de ce briseur d’œufs de Lorenz Wintel > Grognant de nouveau, elle se fit plus douce, se rendant compte qu’elle allait certainement effaroucher le petit oiseau. Caressant l’esprit de la jeune femme comme un voile de soie singulière, elle reprit. < N’ait pas peur de moi, humaine. Je ne te ferais aucun mal, tu n’es pas mon ennemi. Ta brouille avec Kylian ne regarde que vous deux, s’il ne t’apprécie plus c’est son problème pas le mien, tout futur lié qu’il soit. Mais je veux la vérité. Moi aussi je veux voir le briseur d’œufs mort, mais ça ne veut pas dire que j’assentirais à toutes les extrémités pour y parvenir, ce temps-là est loin et il m’a coûté bien trop cher… J’ai vu trop d’imbéciles sacrifiant tout pour assouvir leur soif de sang, ça ne leur a jamais réussi. Parle à présent, je ne désire pas fouiller tes souvenirs moi-même, ma présent te rendrait folle… > Elle releva le museau et changea de position, se couchant face à elle, écrasant au passage plusieurs arbres qui avaient le malheur de se trouver sur son passage.

Il était inconcevable qu’elle ne réponde pas. La dragonne ne souhaitait pas lui faire de mal, n’avait aucune raison de lui en faire… mais elle devait parler quoi qu’il arrive. Elle avait commencé, et maintenant que les mâchoires de la curiosité et de la colère s’étaient refermées sur elle, il lui fallait des réponses. Il fallait qu’elle sache. Un dragon et son dragonnier ne se cachaient rien, c’était ainsi qu’on lui en avait toujours parlé. Et même si elle ne voulait pas forcément en arriver là… Les sujets importants devaient être limpides, eux, aucune discussion n’était possible là-dessus. Et l’humaine parla. Et au fil des mots, la colère se transforma en ire glacée, palpitante, comme un venin rongeant son esprit ancestral. Pendant un bref instant elle renâcla et son premier réflexe, très bipède au demeurant, ce qui ne la frappa pas en l’instant, fut de rejeter en bloc ce qu’on lui disait. Non, ça ne pouvait être la vérité… Elle avait foi en Kylian, elle lui faisait confiance, elle lui avait montré son passé, elle était prête à se lier à lui. Il ne pouvait l’avoir trahit ainsi. Il ne pouvait s’être joué d’elle… pas après les bois sombres, pas après ce qu’elle avait dit à Verith dans les montagnes. Non cela elle ne pouvait nullement le croire. Elle s’y refusait. Pourtant quel intérêt aurait eu cette humaine à lui mentir ? Aucun. Lentement, au fil des mots, la résignation s’installa, faisant couver les braises gelées de sa colère avec plus de dangerosité encore. Blessée oui. Terriblement. Elle avait fait confiance à un bipède, lui avait offert une place aux côtés d’êtres immortels dans leur dignité tels que Tisserêve et Pas-de-loup… et il l’avait bafouée avec des mensonges. Un long grondement prit naissance dans son poitrail, un grondement bas et viscéral, rempli de ces sentiments violents qui bouillaient en elle en cet instant : souffrance, peine, colère…

< Il ne vaincra pas grâce à cette chose > finit-elle par dire, dans un murmure lourd de la lassitude de ses milliers d’années. < Cet objet ne lui causera que des souffrances… et même s’il le modifiait pour l’utiliser comme une arme, il ne ferait que créer une abomination… > L’idée même la révulsait, et d’autant plus qu’elle avait été proche du Fondateur. Que dirait-il s’il voyait ce qu’on faisait de sa magie ? Cela l’attristerait, très certainement. Et la pensée de Dévoreuse le révulsait plus encore. Son instinct se récriait avec véhémence contre la simple idée de l’utiliser. Il ne fallait pas utiliser ce bijou, il n’était que malheur et désolation pour la magie et les dragons. Il fallait le laisser là où il était et l’y oublier, à défaut de le détruire. < Tu as fait le bon choix en lui refusant Dévoreuse. Dans son état ça aurait été la pire chose à faire que de lui remettre… > Elle souffla par les naseaux et se redressa, pétrissant distraitement la terre pour essayer de se calmer. Si la bague était détruite c’était pour le mieux, mais qu’il ait ne serait-ce qu’envisager de l’utiliser… Non cela n’était pas bon et elle ne pouvait l’acceptait. Il l’aurait mise en danger elle, sa futur liée, et le reste du monde, pour sa vengeance ? Même elle, tempête à écailles, ne l’aurait pas fait. Elle était déçue. < Merci de ta sincérité, humaine Esmelda. Je te dois beaucoup > Elle allongea le cou et vint effleurer son front de son museau < Je vais devoir le retrouver et remettre tout cela en ordre, mais sache que tu as gagné mon amitié. Si tu as jamais besoin de moi, n’hésites pas à m’appeler et je viendrais à toi aussi vite que mes ailes le peuvent et que le vent me portera >

Elle s’arrêta un instant, s’interrompant puis, usant d’un langage peu courant pour elle qui détestait ce peuple, reprit. < Mellyn O’Emlyg * … Kylian ne sait pas ce qu’il a perdu avec toi. J’effleure seulement tes pensées mais je peux déjà le voir. Tu es une bonne humaine et tu redores le nom de ta famille à mes yeux > Une idée lui vint, et elle la garda, la jugeant satisfaisante. < Lorsque nous nous reverrons, mon dragonnier sera de nouveau lui-même. Et je souhaiterais alors t’offrir un présent si tu acceptes > C’était une formule rhétorique. Elle lui offrirait de toute façon…. Parce qu’elle le voulait.

* Amie des dragons en elfique

Elle eut un grondement profond mais pas hostile, suivit d’une étrange mélodie… Ses énormes yeux clignèrent. Elle brûlait de s’envoler dans l’instant, et n’attendrait plus beaucoup, très certainement. Elle ne pouvait rester et discuter tant que son vampire serait menacé. Ensuite, pourquoi pas. Il faudrait de toute façon qu’ils reviennent voir cette petite humaine, lorsque Kylian devrait faire amende honorable des offenses infligées. Elle ne tolérerait pas qu’il en fut autrement… et d’ailleurs il n’aurait pas vraiment le choix. Il devrait se plier à ses choix, après les erreurs qu’il avait faites il était bien normal qu’il écoute sa sagesse. Oh que oui, elle allait le remettre sur le droit chemin ! Non mais ! Si elle prit parfaitement conscience que l’humaine souffrirait sûrement de le revoir et ne l’excuserait peut-être pas, elle ne changeait pourtant pas d’avis, il fallait qu’il vienne réparer comme il se devait de le faire. Néanmoins ce n’est pas cela qu’elle affirma car elle escomptait que cette petite sache déjà que cela arriverait un jour ou l’autre… < Mais j’y tiens. Tu ne refuserais pas le présent d’un dragon, j’espère > Bien sûr que non elle ne le ferait pas, et puis c’était de la taquinerie. < Quand à ta mort… je ne l’envisagerais pas encore, jeune humaine Esmelda. On ne sait jamais ce qui peut arriver… > L’instinct parlait, mais il lui semblait que c’était la meilleure chose à dire. La seule chose à dire. Elle se redressa et étendit finalement ses immenses ailes qui couvraient des lieux et des lieux de ciel Relevant le museau elle ajouta finalement. < Je n’ai pas besoin de mortels ou de solutions, tout fils de mon ami qu’il fut… Ne t’en fait plus pour lui, Esmelda Mellyn, je le guérirais et je lui ferais réparer ses erreurs…. La prochaine fois que nous nous reverrons je serais liée. En attendant, va le cœur en paix et avec ma bénédiction… que le vent gonfle tes ailes et te porte loin ! > Et elle décolla enfin dans une énorme bourrasque.

Rp terminé ^^ Merci à toi ♥