¤ Retour au bercail ¤

« ... Mon épée est prête à vous servir, prince Aegnor, comme elle servit Son Altesse Galadrielle avant vous. » La conversation qu'il avait eue plutôt avec Artaher Terendul résonnait encore dans l'esprit du jeune Aegnor, il repassait encore et encore dans son esprit de même que la douleur qui parcourait sa main alors qu'il quittait le terrain d'entrainement pour le rendre à la demeure des Evanealle, le Palais Royal. Luxueuse habitation qui déplaisait souverainement au jeune héritier. Pourquoi ? Parce qu'elle était luxueuse justement, bien trop riche, bien trop remplit du vice de l'avarice. Aegnor rêvait d'une maison bien plus modeste, où il n'y aurait pas une cohorte de majordome, de serviteur pour faire vos quatre volontés, pour vous harceler sans cesse afin de s'assurer que l'on ne manque de rien. La vie de pacha ne convenait pas à prince qu'il était. Oui une maisonnette en bordure d'une clairière, rustique, simple avec qui sait, peut un jour un jeune elfe comme épouse. Oui voilà une vie comme le souhaitait Aegnor, et non pas une vie de roi, où il devrait représenter et diriger un empire, lutter contre d'autre race, s'embourber dans des discutions et politiques interminables. Être entouré de menteur, de vantard, et d'ambitieux aux désirs peu louable, au serpent et autres avides de pouvoir qui composent le conseil. Le pouvoir corrompt et Aegnor avait peur de celle-ci, il avait peur qu'elle ne le change, qu'elle n'altère sa personnalité et son jugement pour commettre quelques actes qui le dénaturaliseraient en profondeur.

Lentement mais surement le jeune prince rentrait chez lui. Vhaleha soigneusement entreposé dans une housse attachée dans son dos. Il l'avait utilisé dans un vrai combat, il allait devoir donc passer le reste de l'après-midi à l'inspecter sous toutes les coutures afin de s'assurer qu'elle n'est subie aucun dommage, et si cela était le cas, il devrait la faire réparer au plus vite. Sa main gauche enfermer dans son autre main, il la pressait, il pressait la blessure afin d'empêcher que plus de son sang ne coule. Il n'était pas des plus doué pour l'art des soins magiques. Il demanderait à l'un des serviteurs du palais de s'occuper de sa blessure. Il aurait très bien pu s'en occuper lui-même, mais il devait la faire disparaitre au plus vite avant qu'un membre de sa famille de viennent l'enquiquiner de quelques questions des plus ennuyeuses. Après un bon moment de marche, le blond arriva sur les marches du palais et y entra tranquillement, l'air de rien pour ne pas se faire remarquer avant de presser le pas pour rapidement prendre sur la gauche se dirigeant vers l'arrière de cette aile pour prendre l'escalier tournant situer tout au nord de celle-ci. Cela lui éviterait de prendre l'escalier principal et ainsi se faire trop remarquer. Finalement il arriva dans sa chambre sans trop d'encombres. S'en savoir que quelques gouttes de son sang avaient suinté du morceau de tissu qui entourait sa blessure, et qu'en suivant celle-ci on arrivait droit jusqu'à sa chambre.

Soupira une fois dans celle-ci, il fit appeler Taraën, un jeune domestique qu'il lui savait fidèle. Le jeune elfe vint rapidement s'occuper de la blessure du prince, l'homme du beau peuple était bien plus doué que lui dans les soins magiques, il fit rapidement disparaitre celle-ci, mais une cicatrice demeura toutefois. Tant pis, il tâcherait de la cacher en attendant de trouver quelqu'un qui pourra la faire disparaitre. Congédiant finalement son valet, lui remettant une lettre qu'il devrait remettre au forgeron de la famille impériale, dans lequel il passait commande d'une pièce d'armurerie, deux gantelets en mithril. Ceux-ci serviraient à protéger les mains du prince, la prochaine fois qu'il tenterait de se saisir d'une épée adverse, le descriptif de la commande et des attentes se trouvaient de toute manière dans la lettre. Une fois le serviteur parti, Aegnor était enfin seul, il s'empressa de sortir sa lance Vhaleha afin d'inspecter que le général Artaher ne l'ait pas abimé avec ses lames. Mais au soulagement de l'elfe, rien n'était venu effleurer la beauté de son arme. Se redressant il vint la reposer contre le mur de sa chambre qu'elle ornait magnifiquement. Juste en dessous se trouvait son bouclier. Aegnor grommela quelques instants. La prochaine fois qu'il partirait s'exercer et pour toutes les prochaines fois, il l'emporterait à coup sûr.

Alors qu'il ressassait le souvenir de son duel du matin, il entendit frapper à sa porte, donnant automatiquement la permission d'entrer.

¤ Quand cela nous retombe dessus ¤

Aegnor grimaça légèrement alors qu'une vive douleur parcourut sa main, jetant un regard en direction de son valet qui s'excusa avant de recentrer son attention sur les soins qu'il prodiguait au prince héritier. Une bien vilaine blessure ornait sa main, mais elle n'était pas bien profonde, si jamais le général Terendul c'était laissé à la retirer fermement alors qu'Aegnor l'empoignait, celle-ci aurait pu être plus grave ? Fort heureusement il n'en était rien. Alors que son valet soignait la blessure de son maître, l'elfe fougueux repensait aux évènements de la matinée, aux paroles d'Artaher, ainsi qu'à leur combat. Celui-ci ne se serait peut-être pas si bêtement terminé s'il avait eu son bouclier. L'Evanealle étouffa un juron avant de frapper l'air de son pied. Il ne devait pas éternellement ressasser cette erreur. La prochaine ce serait différent, car oui, le jeune héritier comptait bien avoir une revanche. Il ne pouvait pas se permettre de rester sur un échec.

Lentement ses pensées divaguèrent, passant de son échec à la promesse qu'il avait faite au général. Revenir sur sa décision, non, la reconsidérer, prendre plus le temps d'y réfléchir, la voir sous un autre angle. C'est en rechignant que l'elfe le fit. Mais il était un homme de parole, alors il le ferait, peu importe ce que cela lui en coûte. La couronne, le conseil, le pouvoir. Brrr, quelles choses affreuses que cela. Trop de responsabilités, il ne voulait pas ressentir le poids du royaume sur ses épaules, il ne voulait pas faire comme sa tante, il ne voulait pas appeler tous les elfes « ses enfants ». Ce n'était pas vrai, ce n'était pas la vérité. Ce n'était pas parce qu'il serait leur souverain qu'il serait leur père. La vérité était qu'il les dominerait, que lui Aegnor Evanealle serait au-dessus d'eux. Rien que d'y penser, il en avait des nausées. Tout cela était aussi bien trop dangereux. L'être du beau peuple aux yeux ardent n'avait pas la moindre envie de plonger corps et âme dans cette fausse à serpent qu'était le conseil. Des serpents avec des poignards entre les dents, voilà bien ce que sont les conseillers.

Finalement sa blessure fut soignée, une vilaine marque restait encore. Il la ferait disparaitre plus tard. Lorsqu’il irait rendre visite à sa tante chez les Baptistrels, il en trouvera bien un fort aimable pour lui ôter cela. Sa tante… L’elfe ne voulait pas y penser, c’était encore trop étrange… il lui fallait du temps pour digérer cela. Au fond de lui, il était inquiet. Lentement il se dirigea vers ses armes qui ornaient le mur avant qu’on ne frappe à la porte. Celle-ci s’ouvrant pour laisser entrer Eliwyr Meraennon, l’actuel empereur, celui qui l’avait soulagé de la couronne, le successeur de sa tante. Il le remerciait pour cela, de porter à sa place un fardeau dont il ne voulait pas. Toutefois, il le dérangeait. Un non Evanealle sur le trône, voilà bien un fait fort déplaisant, et pas que pour lui. Mais surtout, un ancien conseiller sur le trône, voilà un fait encore moins ragoutant. Celui-ci le salua et Aegnor en fit de même. Il se demandait bien ce qu’il lui voulait ? Humpf, question stupide, il savait fort bien pourquoi il était là. Car le jeune Evanealle ne s’était pas rendu à la séance du conseil ce matin. À vrai dire, discuter de l’évolution des relations des elfes avec les hommes ne l’enchantait guère. Ou plutôt, n’y voyait-il point la moindre utilité. Car oui, il n’y avait pas la raison de discuter, ce qu’il fallait fait était pourtant évidemment clair.

« J’ai cru comprendre que tu as d’autres occupations que le Conseil ? »

Aegnor se retourna lentement pour faire face à l’Empereur elfique. Ses yeux de feu passèrent sur lui comme le soleil à son zénith sur la terre un jour d’été, brûlant, ardent, annonçant une réponse des plus cinglantes.

« Et vous avez fort bien compris. Je serais bien venu, mais voyez vous, cette occupation était des plus urgentes… Elle s’est également avérée plus enrichissante. »

Aegnor leva quelque peu sa main blessée, ses yeux se baissant dessus, un léger sourire apparaissant sur son visage alors qu’encore une fois les paroles du général Terendul résonnaient, provoquant rapidement un petit rictus de colère sur les lèvres du blond.

« Comment c’est par ailleurs fini la séance ? Avez-vous pu finalement prendre une décision… ou encore une fois les débats vont continuer ? »

La fin de la phrase du jeune prince sembla finir sur un ton de reproche alors que ses yeux d’ambre retournaient se poser sur l’empereur.

¤ Quand cela nous retombe dessus II ¤

Le nouvel empereur, ainsi il était venu pour bassiner le prince elfique. Pauvre Aegnor, il y avait déjà eu le droit ce matin, à des remarques sur ses choix. Même s'il faut avouer, que pour cette fois, le dénouement avait été des plus intéressant et amusant surtout. Toutefois, le blond était persuadé que la même chose ne produirait pas deux fois de suite, surtout avec cet Eliwyr. Oui, cette séance de remontrance allait tourner au vinaigre, elle allait déclencher un véritable orage dans le palais impérial. Pourquoi Aegnor n'était-il pas venu à la séance ? Sa véritable raison ? La véritable et insupportable raison qui l'avait poussé à faire fit de son ignominie de mentir, le transcendant afin de ne pas déclencher un torrent de foudre destructrice sur le royaume elfique ? Oui, jamais Aegnor ne se serait cru être capable de mentir autant en cette journée, au du moins de dissimuler l'horrible vérité par d'autres prétextes tout aussi vrais. Des occupations urgentes avait-il dit ? En effet, celle de se contrôler afin de ne pas ravager de conseil d'une de ses plus virulentes crises de colère. Quoique celle-ci soit des plus justifiés. Lentement le conseiller fait empereur entra dans la pièce, le blond ne put empêcher son regard de se durcir, il ne peut empêcher la lueur de rage et de colère à son encontre éclaircir ses prunelles. S’il avait cru y arriver, la vérité était qu’il craquerait bien avant la fin de cette discussion. Arriverait-il néanmoins à faire l’ultime effort de supporter celui qui avait engrossé sa tante ?! Oui, si l’impériale héritier ne c’était pas rendu à la séance du Conseil ce matin, ce n’était pas uniquement parce que cela ne fatiguait, ce n’était pas uniquement parce que le sujet dont il débattrait n’avait pas la moindre raison de subir de débat ou même de vote tant sa réponse était évidente. Non s’il n’était point venu en ce jour, c’est parce qu’il ne voulait pas voir le visage de cet elfe, mais également de tous ceux des conseillers qui avaient franchir et de loin de limites du tolérable.

Un sourire de colère et d’arrogance marqua le visage du blond aux premières paroles du Meraennon. Cette pique était une insulte de plus. Plaçant ses mains dans son dos, il vint tenir sa main dominante de l’autre qui tremblait légèrement sous l’envie d’empoigner sa lance et de la lui planter dans le ventre avant de déchainer la fureur de la foudre pour réduire son corps en cendre. Trarandril lui n’en avait rien fait en apprenant la vérité, malheureusement Aegnor n’était pas sur d’être aussi sage pour retenir sa main de telle sorte. Quand bien même il aimait sa tante et respectait ses désirs. Les dents du blond se serrèrent dans sa mâchoire alors que l’ex-conseiller alla jusqu’à avoir l’audace de lui rappeler le fonctionnement du conseil. Voilà bien longtemps que cela ne marchait plus ainsi. Complot et malversation, voilà ce qui dirigeait le si grandiose et suprême organe des elfes. Dire que leur race était capable d’une telle bassesse. Ainsi les trahisons ne surviennent jamais seules dans les royaumes. Les humains avec Fabius, les elfes avec le conseil.

« Mais pour répondre à ta question, oui les débats vont continuer, Aegnor, et cela durera le temps que cela durera. Qu’Artaher Terendul le veuille ou non, nous sommes ce que nous sommes. Ni plus, ni moins. L’avidité et l’impatience ne conduisent qu’au désastre, comme nous l’ont récemment si bien démontré les humains. »

Aegnor le regarda, le fusillant de mille éclairs de colère, restant silencieux, ouvrant légèrement la bouche pour respirer, s'employant à conserver son calme. Finalement un petit rire nerveux s'échappa de lui, au début calme puis plus bruyant avant de s'évanouir dans la chambre.

« Avidité ? Impatience ? Ce n'est pas l'impatience qui mène au désastre, seulement l'avidité. Une chose que vous connaissez très bien vous les conseillers. »

Le prince elfique marcha en sa direction, l'esquivant pour aller de l'autre côté de la pièce où se tenait une balance. Sa coupe droite était remplie de quelques gros poids, alors que celle de gauche seulement de petits poids. La coupe droite était totalement en bas, alors que celle de gauche tout haut.

« Vous n'avez pas besoin de me rappeler les cours de mes précepteurs, je les connais parfaitement. Ce que mes précepteurs m'ont toutefois oublié de mentionner, c'est que le conseil est une fosse à serpent. »

L'orageux Evanealle tira un tiroir, dans lequel étaient disposés de nouveaux poids, plus ou moins lourds.

« J’ai une opinion très claire et très réaliste du chemin que devraient prendre les elfes. Or, je me suis toujours gardé de le dire jusqu’ici. Et vous savez pourquoi ? Car je suis un spectateur. Le conseil me dégoûte souverainement, mais je suis avant tout un spectateur. Et un spectateur ne devient pas acteur. Toutefois, à force de remontrance de la part de mes proches et d’autres conseillers j’ai fait installer cette balance dans ma chambre, chaque argument qui me pousse à rester spectateur ou devenir un acteur est représenté par un poids. La coupe droite pour le premier cas et la gauche pour le second. Comme vous le voyez, elles sont très déséquilibrées, le spectateur a très nettement l’avantage. »

Le bond reporta son attention sur l’empereur. Pourquoi cette démonstration ? Car elle lui permettait de conserver son calme et d’éviter que l’un de ses poings ne soit envoyé en plein visage de ce dernier. Quoi qu’il pouvait bien lui balancer des poids à la figure. Cela restait toutefois une plus sage idée que de rester près de sa lance. Aegnor attrapa quelques poids en mains.

« Vous pensez que je suis allé voir Artaher Terendul aujourd’hui ? À vrai dire, cette rencontre fut tout à fait fortuite, mais je dois avouer que je ne la regrette pas pour autant, elle en effet apporter un nouvel argument et m’a permis de me défouler. »

Tranquillement, le neveu de Galadrielle posa une petite masse dans la coupe de gauche, mais pas encore suffisamment pour faire relever celle de droite qui restait toujours tout en bas.

« Il est dérisoire n’est-ce pas ? Il ne fait même pas pencher la balance. Cependant, j’ai ces derniers jours trouvé de nouveaux arguments. – Le prince commença à jeter des poids suite à son énumération. - Galadrielle, l’honneur de Galadrielle, la volonté de Galadrielle, l’honneur de Trarandril, Valaën et Elÿssia… l’honneur des Evanealle, mon amour pour ma famille… »

Le blond fit une pause alors qu’il attrapait des masses plus lourdes démontrant leur importance. La coupe de droite avait commencé à se lever, mais les deux étaient encore loin d’être à égalité.

« Les complots de conseil contre la famille Evanealle, les complots du conseil contre ma tante, la tentative d’atteinte à ma personne, l’avidité et la stupidité du conseil qui devient un danger pour les elfes. Et finalement vous Eliwyr Meraennon. »

La balance se mit à grincer sous les poids qui arrivaient en masse, les deux coupes arrivant finalement en équilibre. Un seul poids pouvait désormais faire pencher la balance du côté acteur, un seul pouvait déclencher le désastre. Attrapant un dernier poids le blond le serra fermement avant d’avancer vers « l’empereur » avant de lui chuchoter froidement.

« Dit moi Eliwyr vous devez être fier non ? Fier d’être au pouvoir, fier de la façon dont vous y êtes arrivé, fier également d’être père deux merveilleux enfants ? »

Aegnor se recula levant le dernier poids.

« Celui représente ma décision finale au regard de tout cela. Et il s’agit de mon abnégation face à tant de choses que j’ai combattue. Finalement la décision est facile à prendre, quand on a de si tristes arguments… »

Le prince elfique laissa tomber la pièce dans la coupe de gauche provoquant un déséquilibre, celle-ci tombant bien rapidement. Lorsque le spectateur devient acteur…

¤ Franchir le Rubicon. ¤

L’attitude d’Eliwyr l’agaçait, elle ne faisait qu’attiser sa colère, cherchait-il réellement à déclencher ses foudres ? À ainsi le prendre de haut, le traité comme un gamin, ne voir qu’ici les multitudes de caprices dont il avait l’habitude. Il était clair désormais que l’elfe face à lui avait perdu tout contact avec la réalité, n’étant plus à même de ressentir le danger grandissant, n’ayant plus la moindre notion d’honneur. Il semblerait qu’Aegnor est sous-estimer l’arrogance et l’aveuglement des membres aux pouvoirs. Avec dédain et froideur, l’empereur répondait à l’Evanealle. Ayant même l’audace d’ironiser face à lui. Cherchait-il à être tué ? Si Trarandril avait été sage, Aegnor face à tant de désinvolture ne le serait pas. Le Meraennon se pensait-il intouchable maintenant qu’il était empereur ? Pensait-il que son âge avancé par rapport à l’Evanealle avait une quelconque importance dans la discussion ? Le volcanique s’en moquait bien.

« Pensez-vous un seul instant que j'ai béni le nom que je porte ? Vous ne connaissez absolument rien de moi Meraennon, il ne s'agit point là d'un caprice. Galadrielle m'a tout dévoilé. »

L'elfe blond quitta lentement la balance, faisant le tour d'Eliwyr pour se rapprocher de sa précédente position, devant ses armoiries. Serrant les poings pour ne pas céder à sa colère et se jeter sur l'elfe suffisant avant d'exploser.

« Il n'y a point d'amour entre Galadrielle et vous ! Tout ceci n'est que le résultat d'une potion. Sans celle-ci, jamais ma tante n'aurait trahi son époux. Et sans celle-ci vous ne seriez sur le trône. »

Après quelques pas de plus, Aegnor Evanealle arriva devant ses armes accrochées au mur. Lorsque les yeux pétillants de colère du blond se posèrent sur la lame de vrai-argent d'une blancheur des plus pures de Vhaleha, le prince elfique se fit violence pour se retourner afin d'avoir à nouveau en visu Eliwyr.

« Ce que ma tante et vous avez vécu n'est qu’illusion. Vous n'avez fait que, vous et le conseil, profiter de la gentillesse de Galadrielle, rependant votre poison aussi loin qu'il vous en a été possible. Vous n'êtes que des êtres remplis d'une perfidie sans pareille. »

« Pour changer les choses selon ton désir, il te faut le trône. » Ses paroles résonnaient encore dans son esprit, l'étranglant à moitié. Cette chose qu'il haïssait, cette chose dont il ne voulait point. Voilà que soudainement, elle lui paraissait indispensable. Il avait fait le pas de trop, exprimant son opinion alors qu'il se la gardait pour lui jusqu'ici, il s'était obligé par la même à agir pour elle, à la défendre. Le trône, la couronne. Cela devenait maintenant indispensable. Il ne le désirait pour rien au monde, mais Aegnor n'avait plus le choix. Pour racheter l'honneur de sa famille, pour laver les affronts qui avaient été faits, il devait s'en saisir, il devait se saisir des rênes du royaume, afin de tout changer, afin de tout bouleverser, afin de punir ceux qui le méritaient. Car s'il se laissait allé à déclencher ses foudres sans prévoir les conséquences que cela entraînerait, il n'entraînerait que ruine sur le royaume elfique et deviendrait alors pire que les êtres qu'il méprisait.

« Je n'ai jamais aimé avoir le nom des Evanealle, car il me condamnait à la vie que j'ai vécue jusqu'ici et à faire ce que je fais là. J'ai toujours eu une sainte horreur de la couronne, du trône, du pouvoir et voilà que maintenant je vais m'empresser de le saisir après l'avoir autant fuit. »

Aegnor soupira avant de passer son bras derrière lui, pour tirer Vhaleha hors des petites accroches qui la maintenaient au mur. En réponse aux sentiments qui bouillonnaient dans le sein de l'Evanealle, de petites éclaires se mirent à parcourir la lame.

« Néanmoins, vous faites erreur Eliwyr. Je suis un Evanealle ! La couronne et le trône appartiennent à ma famille depuis l'aube de notre civilisation. Et vous, vous n'êtes pas un Evanealle, et vous n'êtes pas non plus un homme vertueux. Vous avez enceinté ma tante qui était alors mariée, portant dès lors atteinte à la famille impériale. Deux bâtards en sont nés, une elfe impuissante, et un vampire ! Et le conseil est mêlé à tout cela, car c'est d'eux qu'est issue la potion à l'origine de tout cela. Le conseil et vous-même êtes donc à l'origine de la trahison envers le royaume elfique, envers la famille impériale et envers l'ancienne impératrice et empereur, Galadrielle et Trarandril Evanealle. Je suis donc l'héritier légitime, celui à qui revient le trône du royaume elfique. Dès lors, tout ce que j'entreprendrais pour ramener l'ordre et punir les traîtres sera légal. »

Le prince elfique soupira avant d'éveiller son totem du hibou, sa voix se chargeant d'une autorité nouvelle.

« Du sang coulera, cela a été rendu inévitable par vos actions et celle du conseil. Il ne tient qu'à vous d'en réduire la quantité. Eliwyr, démettez-vous sur-le-champ, renoncez à la couronne et reconnaissez vos torts. Je me montrerais clément et par égard pour ma tante, je ferais preuve de la même sagesse que mon oncle en ne vous faisant aucun mal. Je vous permettrais de vivre le restant de vos jours en exil. Mais je vous interdirais formellement de revoir ma tante et ses enfants.»

Aegnor serra son emprise sur sa lance, la redressant légèrement en direction du faux empereur, plissant les yeux, se mordant légèrement la lèvre.

« Si vous avez encore la moindre once d'honneur alors vous rendrez les choses plus faciles. Dans le cas contraire... »

¤ Parlez ! ¤

La colère du jeune prince montait à mesure que la lame de Vhaleha se mettait à briller sous les éclairs qui la parcouraient, s'il n'en était des désagréments que la mort que le patriarche des Meraennon provoquerait ainsi que le fait qu'il n'est jamais prit une vie, le volcanique se serait déjà laissé transcender par sa colère et aurait transpercé d'éclair l'elfe qui avait jeté le déshonneur sur la famille Evanealle. Oui si l'extérieur ne montrait que l'assurance du jeune blond, dans son fort intérieur celui-ci était épris de doutes. Pourtant c'était ce qu'il fallait faire, il fallait, il devait châtier cet elfe aux cheveux noirs qui avait engrossé sa tante, donner naissance à deux bâtards, une impuissante et un vampire de surcroit, mais qui en plus avait profité de la situation pour prendre le trône. Oui il devait rétablir l'ordre des choses, pour ensuite châtier les conseillers des complots qu'ils avaient organisés afin de dégager l'empire elfique de tous ces êtres qui le putréfiaient, l'affaiblissaient, le ralentissaient, et ainsi faire agir les elfes, réformer le tout afin de le faire briller de son même éclat d'antan.

Finalement l’ultimatum de l’impérial héritier tomba, celui-ci sembla faire régir pour une fois l’empereur, lui qui semblait plus calme soudainement sortit de ses gonds. Le blond cessa de ses mordre la lèvre pour lancer un regard des plus furieux à son interlocuteur. Ce n’était pas l’envie qui lui manquait de le tuer. Trarandril avait su faire preuve de sagesse et de retenue, mais ce n’était pas le cas du jeune Evanealle. Celui-ci lui rappela le mode du fonctionnement de l’empire, ne l’avait-il pas prévenu ? De ne plus lui faire la leçon ? Aegnor savait parfaitement bien comment fonctionnait le gouvernement du royaume elfique, et c’est à cause de ce mode-là qu’ils en étaient là aujourd’hui ! Le pouvoir décisionnel complètement bloquer, paralyser par une noblesse vaniteuse, orgueilleuse et arrogante ! Une noblesse avide de pouvoir qui n’hésitait pas à s’en prendre à la famille impériale pour espérer prendre sa place à force de la fragiliser en la souillant !

Les humains avaient un pouvoir centralisé, c’était tout à leur avantage, l’avidité des êtres était toujours là, mais le nombre d’adversaires était fortement réduit. Les Kohan n’avaient pas à dépendre des autres familles. « Des clans régit par des alliances et des querelles remontant si loin dans le temps que le pourquoi du comment s’est perdu dans les méandres des siècles. » Les alliances dont il parlait venaient de voler en éclat, bafouer et piétiner au sol par les malversations du conseil, était il idiot en plus d’être aveugle ?!

« À vos yeux, je ne suis peut-être pas l’Empereur, mais je reste le Patriarche du Clan Meraennon, l’un des plus anciens et des plus puissants de la forêt. Nos alliés sont nombreux et forts. Certes moins que les illustres Evanealle, mais sachez tout de même que mon assassinat sera le début d’une longue et sanglante guerre civile. Nous la perdrons évidemment, mais les pertes seront telles que vous ne serez plus que le Roi d’un tas de cendres. »

Au train ou allait les choses, qu’Aegnor agissent en menant le royaume à une guerre entre clans ou laisse ceux-ci gouverner, le royaume elfique deviendrait un tas de cendre fumante, mais au moins éviterait-il le déshonneur de tout le royaume en restant dans l’inaction. Néanmoins le Meraennon avait fait pencher la balance, finalement il ne le tuerait pas, il le garderait prisonnier pour s’assurer l’obéissance du clan de celui-ci.

« Non, le seul moyen que vous avez de me destituer, c’est un procès. Qui dit procès dit Baptistrels. Lesquels sont parfaitement au courant de la situation. De toute la vérité. Et non de vos fantasmes. Je doute que vous vouliez de cela. Pour acquérir le trône sans dommage, je dois renoncer à la couronne en votre faveur. Ce que je suis prêt à faire, non à cause de vos menaces, mais parce que je pense que c’est dans l’intérêt de tous les elfes. Mais jamais, au grand jamais, je ne renoncerai à ma famille. À voir grandir mes enfants et à vieillir aux côtés des êtres que je chéris. Vous avez donc le choix. Prendre la couronne de manière pacifique, mais renoncer à vos velléités de vengeance à mon égard et me permettre de continuer à voir ma famille… ou la guerre. »

L'elfe garda toujours son arme braquée contre l'empereur, les éclairs qui la parcouraient semblant se faire moins puissants. Un procès, voilà une bonne idée, et surtout une bonne façon pour celui-ci de se tirer d'affaire, gagnant ainsi du temps pour renforcer ses positions, prenait-il Aegnor pour un abrutit ? La lame de sa lance passa en surbrillance comme prête à faire jaillir un éclair pour pourfendre Eliwyr. Mais il n'en fut rien, aussi rapidement qu'elle était venue, la lumière disparue s'évanouissant, le prince prenant une voie grave.

« Vous me pensez assez bête pour accepter un procès ? Cela ne vous fera que gagner du temps pour renforcer vos positions alors que vos torts sont déjà établis. Vous dites que les Baptistrels sont au courant de la situation, je n'en doute pas, je le suis moi aussi, car c'est Galadrielle qui m'a tout raconté. Ce que vous décrivez comme fantasmes ne sont qu'issu des mots que ma tante m'a dit. Traiteriez-vous la mère de vos enfants de menteuse ? Allez ! Dite moi donc votre vérité puisque la mienne n'est que fantasme, mais ne vous avisez pas de mentir je le saurais immédiatement, et ne me parlez pas vos sentiments envers ma tante, ce ne sera que le philtre d'amour qui parlera et non vous.»

Aegnor redressa sa lance, mais restant sur ses gardes, prêt à lui en flanquer un coup s'il tentait quoi que ce soit.

« Trarandril a renoncé aux velléités de vengeance, il a fait preuve d'une plus grande sagesse que je ne pourrais jamais en faire preuve, mais malheureusement pour vous, je ne vois qu'ici une ultime et impardonnable atteinte à l'honneur de la famille Evanealle et celle de ma tante qu'il me faut racheter. Moi qui pensais qu'il vous restait encore une moindre trace d'honneur je vois que vous seriez prêt à plonger votre famille et l'empire tout entier dans les flammes pour un simple intérêt égoïste alors que moi je ne souhaite que rendre justice à ma famille, rétablir son honneur et faire resplendir le royaume en chassant tous ceux qui le corrompent et l'affaiblis. Je n'ai jamais voulu la couronne, que j'ai haie et fuis tant de temps me dérobant à la moindre occasion, mais face à cela je me vois dans l'obligation d'agir et dépit de mes convictions si longtemps ancrées. »

Le blond soupira avant de reprendre sa respiration.

« Parlez sur l'heure ou taisez-vous à jamais, si vous voulez que tout ce passe dans le calme vous vous destituerez sur le champ. J'écouterais ce que vous avez à dire, j'irais voir les Baptistrels pour demander leur sagesse, et vous, vous prierez les sept esprits pour que je fasse preuve de la même clémence que mon oncle. Après cela, le conseil devra faire face aux conséquences de leurs actes. Sinon se sera la guerre comme vous l'avez si bien souligner et votre famille tombera dans l'opprobre. »

¤ Consensus ¤

Le regard du jeune Aegnor brulait de colère, un orage aux éclairs flamboyants n’avait de cesse de la parcourir en large en long et au travers, s’ils n’étaient pas le miroir de l’âme, mais un outil magique, il y a bien longtemps que des foudres en seraient sortis pour ravager ce qui se trouvait devant lui. Oui la colère du prince grondait et s’il se risquait à la libérer, elle emporterait tout sur son passage tant ses foudres étaient violentes. Ses mains tremblaient sous la retenue dont il faisait preuve. Lui connu pour ses sautes d’humeur destructrices, se retenaient de ne pas réduire l’endroit en un tas de débris ou de cendre fumante s’il en venait à entrainer Vhaleha là-dedans. Alors qu’il entamait son discours plus semblable à ultimatum qu’autre chose, la réponse ne se fit pas attendre.

« Non, ma famille ne tombera pas dans l’opprobre. Elle sera exterminée. Tout comme la vôtre, et comme toutes les autres. Une guerre civile nous affaiblira tellement que les Alayiens nous détruiront sans même fatiguer. Voilà quel est l’enjeu. »

« Les Alayiens n'ont pas besoin de nos querelles pour nous détruire Eliwyr Meraennon, nous n'avons qu'à nous contenter de ce que nous faisons d'habitude, c'est-à-dire rien. Laissons les à nouveau se masser à nos portes, laissons les à nouveau pénétrer sur nos terres, laissons les à nouveau détruire nos vaniteuses défenses. Oui, laissons-les une fois de plus violer les terres de nos chers amis les Baptistrels sans réagir le moins du monde. La prochaine fois, les esprits ne seront pas là pour nous défendre ou nous venir en aide, et les délégations ne seront pas pour nous faire gagner suffisamment de temps pour préparer une riposte.»

Le ton d'Aegnor était plein de reproches, il n'était pas dirigé vers Eliwyr, pas entièrement du moins. Quand bien même son interlocuteur était plus vieux et sans doute plus sage que lui, il n'en était pas moins plus naïf de se croire encore en sécurité, de se croire le peuple le plus puissant d'Armanda. Les elfes étaient faibles et s'ils n'avaient leur forêt et leurs défenses magiques, s'ils n'avaient pas les humains comme bouclier, les vampires et les Alayiens les auraient depuis longtemps balayés. Ils n'étaient plus sur Sylvaniel, ils n'étaient plus seuls et ce n'étaient pas leurs règles qui menaient la danse.

« Vous savez tout, mais visiblement vous ignorez qu’un philtre d’amour n’a qu’une durée limitée. De quelques heures seulement. Et non de presque un an. Ce qui s‘est passé cette nuit-là était une méprise, une erreur qui vous été destinée. Mais ce qui s’est passé depuis s’est fait avec le consentement des deux partis. Nulle magie là-dedans, si ce n’est, peut-être, la plus ancienne de toutes. Nous avons caché cela à tout le monde. Cependant une grossesse est tôt ou tard découverte. Trarandril était trop vieux pour avoir des enfants, le Conseil a donc décidé la destitution de l’Impératrice. Ils ignoraient notre liaison, ainsi elle m’a demandé de prendre sa suite, pour que nous gardions la main sur celui-ci. Afin d’éviter un scandale en plus de tout le reste, et en ces temps sombres, la vérité a été dissimulée. Le temps a passé, les enfants sont nés, Trarandril est mort. Mais nous ne pouvions pour autant officialiser les choses tout de suite. C’était trop tôt, les conseillers se seraient doutés de quelque chose, sans compter du peuple elfique dans son ensemble. La soif du pouvoir, l’ambition du trône, tout cela est risible comparé au bonheur de créer sa famille. Et je ne la lâcherai pour rien au monde. En revanche, si vous voulez de la couronne, prenez-la donc. Je vous laisse bien volontiers ce fardeau. »

L'Evanealle écoutait avec attention l'empereur, sa colère ne semblant que se décupler à chacun de ses mots. Il aimait sa tante, c'était indéniable, son hibou ne décelait aucun mensonge, mais dans ce cas, il aurait dû se contenter de faire profil bas. Le blond serait les dents autant que sa main renforçait son emprise sur sa lance avant de la braquer à nouveau en direction d'Eliwyr.

« C'est pour cela que je vous déteste, les politiciens. Vous n'êtes que des serpents qui cherchent à vous entre dévorer à la moindre occasion. Faire chuter l'autre pour augmenter la sienne, il n'y a rien de plus pitoyable, hormis dissimuler la vérité. Vous n'avez pas menti Eliwyr, mais quand bien même cette vérité ne fait qu'accentuer ma colère envers vous. »

Des éclairs bleus se mirent soudainement à parcourir Vhaleha qui était braqué vers l'empereur, répondant aux sentiments qui bouillonnaient au sein d'Aegnor.

« L'envie de vous tuer n'est pas ce qui manque, mais je ne toucherais pas à votre vie. Les battements d'ailes du hibou me le susurrent, votre amour envers Galadrielle, Valaën et Elÿssia est véritable et cela ne ferait que les peiner. Néanmoins il y aura un prix à payer pour ce que vous avez fait, Galadrielle était mariée à Trarandril et se lien est des plus sacré. »

L'elfe baissa légèrement sa lance, son visage étant toujours dur, ses yeux orangés traversés d'éclairs.

« Toutefois, vous êtes également une victime dans cette histoire. Et je peux voir cet amour envers ma tante comme une prise de responsabilité. Mais, même si vous n'en voulez pas, je ne vous pardonnerais pas pour autant.»

Oui, malgré cela, malgré la version d'Eliwyr, malgré les battements d'ailes de son totem face à la vérité, la colère d'Aegnor restait immuable.

« Voilà donc ce qui va se passer. Vous allez partir avant que je ne change d'avis et ne vous foudroie sur place déclenchant ainsi une guerre au sein de la nation elfique. Néanmoins, vous vous destituerez et je m'engage en retour de ne pas vous empêcher de voir ma tante et votre famille. »

Aegnor se mordit la joue jusqu'au sang de revenir sur ses positions alors que sa colère hurlait le contraire, mais peut-être était-ce la meilleure solution.

« Toutefois, le conseil devra payer le prix fort pour ce qu'il a fait, pour les complots et manigances. Les choses vont devoir changer, afin que ce qu'il s'est passé jamais ne se reproduise. »