¤ Dans un monde illusoire ¤

Un peu de moins de cinq mois venait de s'écouler, et cela d'une manière presque aussi rapide qu'un simple battement de cils. Et pourtant, cette longue période ne fut pas vide, bien au contrairement même. Celle-ci était plutôt bien remplie, mais pas forcément que de bons moments. Pendant le premier mois, Elrond fut torturé par la malédiction du Néant, les cauchemars de plus en plus violents le frappaient à chaque fois qu'il fermait un oeil, dire qu'il s'était plaint du mariage qu'on avait voulu lui imposer et qu'il s'était retrouvé en plein désarroi, cette épreuve-ci était nettement plus difficile. Alors qu'il se mit à avoir peur du sommeil, refusant de dormir, se retrouvant sans cesse plonger dans un monde où la violence de ses rêves montait crescendo, l'Amarië n'eut finalement d'autre choix que d'accepter ces mauvais songes et d'y résister un maximum de les combattre. Mais cela ne fut pas des plus aisés.

Les songes passaient encore, car oui, s'il était torturé la nuit, le jour n'était pas des plus reposants. Une douleur s'emparait sans cesse de son crâne, comme si quelqu'un s'amusait à le frapper d'une masse, un mal qui ne cessait lui aussi de croitre, si bien que l'elfe crut à plusieurs reprises que sa tête allait exploser sous l'insoutenable douleur, ou alors qu'il allait se l'ouvrir à l'aide d'une hache pour la faire sortir. Combien de jours Elrond fut incapable de sortir de son lit, torturer par une pointe qui semblait percer son crâne ? Ainsi torturer hurlant au moindre mouvement ou bruit qui faisait vibrer sa boite crânienne. Toutefois, alors que la douleur était à son paroxysme, elle disparaissait soudainement. S'évanouissant totalement. La première fois, l'Amarië crut qu'il était mort sous cette douleur. La seconde fois il pensa être devenu fou au point d'en oublier la douleur. La troisième fois il supposa l'existence d'un cycle. Ce n'est qu'au bout de la sixième fois, pendant un repas, lorsqu'il se rendit compte qu'il mastiquait sa fourchette, qu'il rendit compte du troisième mal qui le frappait. Lorsque la douleur s'évanouissait, elle laissait place à une hallucination, celle-ci durant plus ou moins longtemps et dont l'intensité ne cessait d'osciller. Si la première fois sa fourchette était devenue son dîner, la seconde fois c'était la forêt elfique tout entière qui avait foutu le camp.

Lentement, le dragonnier elfique apprit à vivre avec cette désagréable compagnie. Dans ses moments paisibles, il découvrit que le cycle durait deux semaines. La première se passait tranquillement, la douleur dans son crâne grandissait à mesure que ses cauchemars devenaient plus virulents, lors de la deuxième les choses se gâtaient. S’il pouvait se permettre de se mouvoir les deux premiers jours, le rouge était toutefois contrait de rester enfermer chez lui pour le reste de celle-ci, agonisant lentement jusqu’à ce que le cycle se termine. Et ce jour-ci marquait la fin d’un nouveau cycle.

Dans la clairière égarée où vivait Elrond, des cris de douleurs de temps à autre perçaient le calme des lieux. Dans son lit, en sueur, tendu, ses doigts légèrement ensanglanter à force de déchirer les draps et le matelas, un elfe en proie à la douleur agonisait attendant avec impatience sa délivrance. Un petit morceau de bois était entre ses dents, il le mordait avec une férocité impropre à un elfe. Celui-ci craquait légèrement sous la force de la mâchoire qui ainsi le maltraitait. Mais rapidement dans la douleur, la libération eut lieu. Un soulagement faible retentit dans la maisonnette alors que le dragonnier elfique se laissa retomber à bout de force. Celle-ci reviendrait bien vite, il fallait juste attendre, souffler et profiter de cette douce éclaircie entre deux orages.

Les traits tirés, torturer, fatiguer, l'Amarië se redressa finalement après quelques heures à rester immobile, fixant le plafond. Aucune hallucination n'était encore venue. Celle-ci ne tarderait sans doute pas. Il fallait rester prudent pour éviter de se blesser bêtement comme la fois où il était rentré dans un arbre. Tenant un profiter un maximum de ce moment paisible ou aucune aiguille de douleur ne se frayait un chemin dans son crâne, l'elfe se prépara avec hâte, mangeant et se purifiant, il avait déjà une meilleure mine, même si d'épais cernes siégeaient en dessous de ses yeux, son teint étant aussi blanc que celui d'un malade en phase terminale.

Si depuis Elrond avait trouvé l'origine de ce mal, l'ignoble Väsà qui, en représailles, les avaient frappés, eux les couples dragon-dragonnier pour lui avoir botté les fesses dans le plan astral, aucun moyen ne lui était encore parvenu pour se libérer de cette malédiction. Après tout, il s'agissait d'un mal envoyé par un esprit lui-même, peut être que jamais celui-ci ne pourrait s'en aller ? L'elfe n'y croyait pas une seconde, ce qui est fait peut-être défait, il suffit simplement de trouver une puissance équivalente pour rompre celle-ci. C'est pourquoi encore une fois l'elfe rouge s'en remettait entre les mains d'Océan.

Aussi à peine fut-il fin prêt qu’il fonça en direction d’un Tomingorlo, une fois encore, pour aller prier ce dernier à la fontaine vif-argent. Alors qu’il traversait la forêt, se rendant au domaine de la Rhapsodie, il ne se rendit pas le moins du monde, que l’hallucination avait déjà commencé. Le chemin menant à la fontaine fut occulté, et celui-ci vers l’observatoire céleste modifier. Le dragonnier elfique emprunta le mauvais chemin. Alors qu’il arriva sur les lieux, la fontaine qui apparaissait à ses yeux bientôt se mit à se flouter, les lieux changeant pour prendre l’apparence de celui de l’observatoire céleste. Restant immobile un moment l’elfe soupira, il n’avait pas remarqué à quel moment cette illusion avait commencé, aussi se demandait-il, s’il se trouvait bel et bien dans la réalité ou si son esprit était plongé dans un brouillard illusoire.

¤ L’art de passer pour un idiot. ¤

Le jeune elfe blond d'un pas précipité venait de faire son entrée dans le domaine de la Rhapsodie, plus précisément, à l'observatoire céleste. Du moins c'est ce qu'il croyait, en effet, quelque seconde plutôt, il y avait des arbres ici et là et juste en face de lui se trouvait la fontaine vif-argent. Mais à présent, après de légères ondulations dans les airs, le sanctuaire de l'esprit Océan avait disparu, les arbres également. Une imposante bâtisse avait pris place désormais. Le jeune dragonnier mis un moment avant de reconnaitre le lieu, il s'agissait du sanctuaire des deux esprits jumeaux : l'esprit de la vie et l'esprit de la mort. Les yeux perdus, le regard fatiguer l'un des vainqueurs du néant cherchait en vain un élément, une faille à laquelle il pourrait s'accrocher afin de savoir s'il était dans la réalité et que tout jusqu'ici n'avait été qu'illusion. Oui si, au contraire, il en ce moment même en plein tripe hallucinogène. Maudit Néant, oh maudite malédiction. Qu'est ce qu'il ne donnerait pas pour lui flanquer un coup d'épée. Respirant lentement, Elrond s'accroupit, touchant le sol, alors que son regard se promenait dans une recherche désespérée d'un moyen d'identification. Cependant rien ne venait à lui. L'air était empreint des effluves habituels qu'il avait pu sentir jusque-là. La terre s'effritait sous sa main, l'herbe était douce. Non absolument rien ne lui permettait de distinguer le réel de l'irréelle. Que devait-il faire ? Attendre ? Attendre que cela passe, si tant est que cela ne dure pas des lustres. Ou alors il pouvait foncer droit vers l'un des murs de l'observatoire céleste. S'il passait à travers c'était une hallucination, s'il se cognait c'était la réalité. Amèrement, le blond se redressa, fermant les yeux se préparant à courir. Soudainement la terre trembla, lui manquant de lui faire perdre l'équilibre. Il ouvrit les yeux et une nouvelle secousse manqua une fois de plus de le faire tomber. Une voix raisonna alors dans son esprit.

« Toi... Qu'est-ce que tu viens faire ici ? Et où est Möebius ? »

Tournant lentement la tête, le regard azuré du rouge rencontra l'ombre géante qu'était Shaynar le dragon noir aux yeux de rubis. Avec un air ahuri, le dragonnier elfique dévisagea le dragon noir sans dire un mot, ne répondant pas à sa question. Trop de questions l'envahissaient. Lui aussi était-il issu de ses hallucinations ? Si c'était le cas, c'était réellement bien fait, car le blond ne ressentait aucune malfaçon à laquelle il pourrait s'accrocher pour distinguer une fois de plus le vrai du faux. En toute franchise, il n'avait réussi cela qu'une seule fois. Peut-être que la malédiction avait pris note de ceci pour se renforcer ? Le dragon noir continua de parler, mais l'Amarië ne l'écoutait qu'à demi-mot. Levant les yeux, faisant un pas sur la gauche, pour regarder le flanc gauche du dragon noir, puis un pas sur la droite pour regarder le flanc droit du colosse d'ombre, l'archer s'arrêta sur les dernières paroles proférer par celui-ci.

« Tu vas pouvoir te rendre jusqu'à eux ? Dois-je aller les chercher ? »

« Aha ! Le vrai Shaynar n'aurait pas montré autant d'attention à mon égard après que je l'ai offensé la dernière fois. Cela dit, l'illusion est vraiment très réaliste, cette hallucination-ci a failli réussir à me berner totalement. Bon, si tu permets, je vais m'empresser de te faire disparaitre. Si je ne m'abuse, la fontaine est juste à côté, même si je vais me retrouver le bec dans l'eau, je vais me dépêcher de me cogner contre elle pour rompre tout ceci. Ça semble être le seul moyen de s'en débarrasser sans attendre des lustres. »

Le dragonnier elfique soupira avant de tourner le dos à ce qu'il pensait être une illusion pour se diriger vers un coin à deux trois pas ou selon lui la fontaine vif-argent se trouvait. Courant il traversa l'endroit où était supposé être l'objet dissimulé par l'un des effets de la malédiction. Sans réussite toutefois, il regarda à droite et à gauche agitant les bras.

« Ah bah voilà ! Je l'ai perdu, comment je fais pour sortir de là ?! »

Se retournant vers le dragon noir, le blond aux yeux azuré revint vers, le regardant l'air songeur. Portant une de ses mains à sa bouche pour la mordre violemment espérant rompre le charme par la douleur. Cela resta toutefois sans effet, le presque lié, l'observatoire céleste étaient toujours présents et le sanctuaire d'Océan n'était pas encore réapparu.

« Est-ce que par hasard, je dis bien par hasard, tout ce que je vois... n'est pas issu d'une hallucination ? »

¤ Väsà ¤

Le réel et l'irréel. Où était le vrai, où était le faux ? Elrond Amarië en cet instant semblait incapable d'en faire la distinction. La fatigue de sa douloureuse agonie secouait encore son être, même si celle-ci était des plus largement supportable. L'elfe espérait au fond de lui que personne ne souffrait autant que lui. Après tout, personne ne peut souhaiter une telle chose à quelqu'un. Quoi qu'il en soit, le rouge semblait en pleine démence, s'affichant comme un fou, un dérangé dont l'esprit se serait profondément embrumé. Convaincu d'être autre part, cherchant désespérément la fontaine vif-argent qui selon lui était occultée. Malheureusement la supposée place de celle-ci ne contenait rien d'autre que de l'air. Agitant malhabilement les bras, comme un aveugle cherchant mur auquel se repérer. Mais seul le vent, seul le vide venait à la rencontre de ses paluches. Il aurait pu passer des heures à agiter ses bras dans le vide à la recherche de la fontaine, il en avait conscience aussi ne fit-il pas ce choix, car si l'hallucination gagnait en puissance il pouvait très bien finir par se mettre en danger. Non, il tenta autre chose, il se mordit férocement la main. Cette méthode, du moins celle d'une violente douleur avait fonctionné, peut-être remarcherait-elle ?

Mais rien ne se produisit... mis à part une vive douleur émanant de sa main, sur laquelle apparaissait maintenant visible, une rougeur et la marque des dents de l'elfe dragonnier. Finalement, tout ceci, tout ce qu'il voyait, n'était pas une hallucination, mais tout bonnement la réalité. L'Amarië se sentait perdu. Alors que celui-ci demandait des éclaircissements au dragon noir, il sentait la colère et la rage monter dans celui-ci, les yeux rubis du quadrupède semblant lancer des éclairs en sa direction. Finalement il eut une réponse des plus claires. Un rugissement Draconique vint faire trembler la zone, surpris, le blond en perdit l'équilibre tombant durement contre son derrière, légèrement ébahi, il était bel et bien de retour dans la réalité.

« Je te semble encore irréel ? Je te préviens, si tu m'insultes encore cela va très mal se répercuter sur ta santé... Et pas seulement mentale... »

Ses oreilles elfiques, résonantes encore du rugissement, le rouge vint les masser lentement, était-il obligé de crier de la sorte. La tradition veut que l'on se pince... Quoique... était-ce vraiment plus raisonnable venant d'un dragon ?

« C'est bon, tes arguments m'ont convaincu. Je dois être projeté dans les brumes depuis l'instant où j'ai passé le palier de ma porte. Hey, pas mal, je ne me suis même pas pris un seul arbre avant d'arriver ici. »

L'elfe leva les yeux rencontrant le regard réprobateur de Shaynar, peut-être ferait-il mieux d'arrêter de plaisanter, celui-ci semblait vraiment colère. Il faut dire que le blond aux yeux azuré venait une fois encore de lui manquer de respect en remettant en doute son existence. Mais après tout, il était frappé d'une sévère malédiction, on pouvait au moins lui pardonner cela. Préférant rester assis, soufflant légèrement, son corps étant encore secoué par le cri de la grande ombre. L'elfe avait l'impression d'être aussi fragile qu'une feuille morte.

« Depuis combien de temps ? Depuis notre retour du plan astral je crois bien. Cela a commencé avec des maux de tête et des cauchemars qui se font de plus en plus violents pour finalement aboutir à des hallucinations, avant de recommencer encore et encore. Ça doit faire la huitième ou neuvième fois que mes sens me lâchent.»

Tout en regardant le dragon, celui-ci semblait être empreint d’une colère des plus vives. Ce dragon était décidément de plus susceptible… un peu comme Möebius… à moins que cela ne soit propre à tous les dragons ? Qui sait. Peut-être devrait-il lui présenter ses excuses pour la dernière fois au plus vite… Mais aussi pour cette fois-ci. Après tout il allait être près de lui pendant un long moment puisque Merithyn allait lui enseigner l’art Baptistral, l’Amarië n’avait pas la moindre envie de rester en froid bien longtemps avec un dragon.

« Oui, durant les laps de temps où je suis capable de bouger, je me suis informé de cela. Estimons-nous toutefois heureux, nous avons combattu un esprit supérieur et nous nous en sortons avec une malédiction. On aurait très bien pu perdre la vie là-bas. »

Un léger soupir s'échappa de l'elfe alors qu'il afficha une mine réprobatrice quand le colosse d'ombre mentionna le nom de Möebius. Celui-ci était sans doute atteint d'un plus grand mal que lui.

« Möebius rôde dans la forêt... lorsque je ne suis pas à l'agonie, je tente de l'approcher, mais celui-ci me fuit ou lorsqu'il accepte ma présence se contente de me regarder avec la même tête qu'il me faisait lorsqu'il était encore un dragonnet. Il ne se souvient plus de moi, ne comprend pas et ne semble pas capable de communiquer, ou du moins, le peu de fois où j'ai réussi à établir un contact ce fut des plus laborieux. »

Tous les dragons et dragonniers, ayant participé au combat contre Väsà, se sont vus affliger d'une terrible malédiction. Lorsque Shaynar mentionna Merithyn, l'Amarië se demanda comment pouvait bien se porter le Baptistrel, il ne pouvait espérer qu'il ne subisse pas les mêmes tortures que lui. Et Shaynar, lui comment se portait-il ? À première vue, il avait bien meilleure mine que lui. L'elfe avait entendu parler d'incident sans savoir de quoi il en retournait. Peut-être valait-il mieux lui demander.

« Et quant à vous ? Comment se porte Merithyn, tu m'as dit qu'il était malade... Et toi Shaynar, j'espère que le mal qui t'afflige n'est pas des plus virulents. »

¤ Excuses pour un orgueil froissé ¤

Pourquoi ne devrait-il pas s'estimer heureux ? Décidément ce Shaynar ne semblait jamais content et prendre grief de tout. Ils avaient combattu un esprit tout de même, ce n'était pas rien, mais surtout ils avaient gagné, du moins, ils avaient remporté cette bataille, la guerre elle était une autre histoire. Il est vrai que Väsà les avait frappés d'une malédiction, donnant l'impression que si elle l'avait réellement voulu, dès le début, elle aurait pu les détruire, mais était-ce vraiment le cas ? Elrond s'interrogeait, ne voulant pas se montrer trop défaitiste, ni trop optimiste. Il est vrai qu'ils n'avaient pu repousser qu'un instant l'esprit du Néant et ses sbires, mais ils avaient ainsi permis d'éviter la chute d'Armanda, car oui, si cette bataille, la bataille du bois sombre n'avait été remportée, la défaite d'Armanda aurait été total. C'est ce que du moins l'Amarië pensait. Quand bien même Shaynar pouvait rouspéter, l'elfe s'estimait tout de même heureux. Car il en avait appris un peu plus. Premièrement, il avait pu visiter le plan Astral, qui pouvait s'en vanter ? Deuxièmement, il avait pu voir de ses propres yeux les huit esprits. Mais aussi et surtout leur victoire avait eu plus de répercutions que certains pouvaient penser. À l' instant où Väsà avait été repoussé par les couples dragon-dragonnier, la puissance des Alayiens s’était envolée, dévoilant à quel point leur faiblesse était grande. Cette force était leur orgueil, retirer la et ils sont nus, ils se mettent alors à fuir, remettant tous leurs principes et croyances en question, quittant le front les jambes à leurs coups. Au final, malgré leurs nombres cette force donnée par Néant est leur unique et véritable atout. À moins que dans l'ombre quelque chose de plus gros ne soit dissimulé.

Mais la chose la plus importante était le message envoyé par les sept esprits mâles à Väsà. Peu importe sa puissance, elle ne vaut même pas la peine qu'ils se déplacent pour la stopper, de simples mortels suffisant à la corriger, ne représentant pas une menace suffisamment grande pour briser leur serment. Ainsi l'action de l'esprit du vide d'agir directement sur le plan des mortels fut réprimandée avec la plus grande sévérité, mais en même temps, avec un profond dédain. Shaynar pensait que tout serait bientôt à refaire, Elrond lui pensait que c'était, la seul et unique fois, qu'ils foulaient le plan Astral, Väsà ne se risquerait pas à agir à nouveau de la sorte et ainsi se voir à nouveau ridiculiser par ceux qu'elle méprisait. D'autant plus que tous les dragonniers et leurs dragons n'étaient pas présents.

Shaynar évoqua par la suite le mal qui le frappait lui et son presque lié, restant étonnamment vague, laissant le blond aux yeux azurés perplexe. Il savait qu'il ne l'appréciait guère, mais tout de même. Peu importe, il irait rendre visite à Merithyn pour avoir plus d'information quant à son état lui-même. Toutefois, leurs malédictions respectives semblaient de moindre importance que celles qui touchaient le couple bleu et rouge. Tant mieux.

« Je suppose que parler moi-même à Möebius n'apportera rien de plus... Il faut que vous trouviez par vous même le moyen de vous libérer de cette chose, c'est ce que Merithyn dit à notre sujet. Même si je ne vois pas trop comment y parvenir... »

« C'est une malédiction provenant d'un esprit, elle n'est en aucun cas comparable à celle venant d'un dragon qui peut être brisé par mon peuple... Même si cela ne fonctionne pas toujours... Mais je pense que pour défaire ce qu'une puissance a fait, il faut une puissance égale. Je m'en remets donc aux bons soins d'Océan pour briser le mal qui pèse sur nous. Après tout ce sont eux qui nous ont choisis comme champions pour défaire leur soeur et sauver le Draco... Mais s'il n'agit pas, cela voudra dire qu'un autre moyen existe pour se défaire de celle-ci, une façon accessible au mortel que nous sommes... Dans ce cas, la puissance dont dispose Väsà peut être remise en question par ceux qu'elle méprise et pense inférieure, elle aura du souci à se faire. »

L'elfe resta pensif un instant alors qu'il venait de faire sa déclaration. Toujours assis, il décida toutefois de se redresser, assez maladroitement, étant plus faible qu'il ne le pensait. À vrai dire, le hurlement de Shaynar l'avait retourné, lui qui n'était qu'un fétu de paille à cet instant.

« En attendant, je crois que tu ferais bien de rentrer chez toi. Ou d'aller voir les baptistrels éventuellement. Je ne dévore pas les elfes malades, mais je n'ai pas oublié nos discordes. »

« Mh, je n'ai que très peu de jours avant de me retrouver à nouveau à l'agoni, je préférerais, faire quelque chose de plus constructif que me reposer. Mh, dans ce cas peut être vaut-il mieux pour moi que je reste dans cet état, afin de garder loin de moi la colère et la rancoeur que te porte à mon égard. »

L'elfe blond sourit légèrement avant de fixer le dragon aux yeux de rubis dans les yeux, donnant une petite tape dans le sol avec son pied.

« Au fait, je tenais à te présenter mes excuses pour la dernière, fois, je n'aurais peut-être pas dû me montrer aussi ... mh ... offensant dans mes propos. Et aussi, désoler pour tout à l'heure d'avoir douté de ton existence, j'étais persuadé d'être sous le joug d'une hallucination. »

¤ Quant-à l’avenir ? ¤

Fixant le dragon, rubis contre saphir, ravalant sa fierté face à celle, qui ne devait sans aucun doute ne connaître aucune mesure, du dragon noir Shaynar, Elrond Amarië présenta ses excuses pour son manque de respect de la dernière fois. En y repensant, l'elfe blond n'avait fait que donner son avis, comme le lui avait demandé le presque lié. Mais en y réfléchissant c'est vrai qu'il n'avait peut-être pas choisi les bons mots, sans doute aurait-il du modéré ses propos avant de ne pas caresser à rebrousse écailles le premier-né. Au moins le serait-il pour la prochaine fois, lui qui n'aimait pas prendre de gant voilà qu'il allait devoir s'en vêtir. En même temps son interlocuteur n'était pas un simple humain, vampire ou même elfe avec lesquels il pouvait aisément rivaliser. Oui les quadrupèdes étaient une autre histoire. D'autant plus, que mourir dévorer ne faisait pas partie des « belles » morts qu'il préférait subir. Dans un sens, c'était par un dragon, cela possédait une certaine beauté.

L’elfe releva toutefois que malgré l’apparente dureté et fierté que le dragon noir reflétait, il était à même de répondre à ses petits traits d’humour. Même si, la perspective de se faire manger n’avait en réalité rien de très amusant. Alors que les excuses du dragonnier elfique résonnaient encore dans l’air frais du matin, Shaynar n’y avait pas encore dit un mot, semblant peser celles-ci… ou les apprécier, avant de juger celle-ci acceptable. Décidément cet écailleux était un orgueilleux de compétition. L’elfe aurait bien soupiré, autant pour montrer son soulagement que son désagrément, mais de peur de froisser la grande ombre il n’en fit rien. Bien au contraire il se contenta de le regarder alors que celui-ci le mettait encore en garde contre sa colère, et celle de tous les autres dragons en raison de son comportement déplacé, ou du moins de sa langue offensante. Combien de dragons avait-il rencontrés jusque-là ? Shaynar le dragon noir, Möebius son lié de glace, Atalos le doré. Ce n’était certes pas les seuls qu’il avait croisés, mais c’était les seuls avec lesquels il avait entretenu une conversation. Il était étonnant de voir à quel point Atalos et Shaynar étaient différents.

« J'en prends bonne note et je tâcherais d'éviter que se désagrément n'ait lieu. »

En y repensant, ce n'était pas la première fois que l'éventualité de se faire croquer par un dragon se présentait. Oui, voilà quelques mois, avant qu'ils ne soient projetés dans le plan Astral, l'Amarië avait rencontré le dragon d'or Atalos. Une discussion sur son avenir en tant que Baptistrel pour lui et son lié en avait suivi, et Elrond avait conclu sur la possibilité que celui-ci aurait à le manger si son choix entraînait un quelconque désagrément pour Möebius. Et si au fond l'elfe aux yeux azuré cherchait à se faire dévorer. Cette pensée lui fit froid dans le dos, vouloir, de lui-même, se faire manger ? Folie que cela.

« Que comptes-tu faire à présent ? Merithyn et moi allons bientôt voyager... Je sais que tu te proposes de devenir bientôt son élève. Attendras-tu la guérison de Möebius ? »

La question jeta un froid à l’Amarië, lui qui voulait devenir Baptistrel, voilà que son maître partait, mais son dragon lui souffrant de sa malédiction demeurait bloquer dans la forêt elfique. Voilà un terrible dilemme qui déchirait Elrond. Cependant la question était de toute évidence. Aussi ne fit-il pas attendre Shaynar bien longtemps.

« Merithyn m’offre une chance d’être son élève, et je ferais un bien piètre élève si je ne le suivais pas. Cependant, je serais un bien piètre dragonnier si je laissais mon lié seul en proie à une malédiction, ne faisant rien pour l’aider. Cela est bien pire. Je vais m’efforcer de le libérer de celle-ci, ou du moins de raviver certains de ses souvenirs. Je vous rejoindrais une fois que cela en sera possible. C’est la seule et unique solution qui s’offre à moi. »

Le dragonnier fit une petite mine désappointée, il est vrai que cette malédiction avait bien choisi son moment. Était-ce là, la confirmation de la loi de l’embêtement maximum théoriser par l’elfe Mürfiel ? Aller savoir. Cependant, une question revint brûler les lèvres de l’elfe. Mais pouvait-il la poser ? Shaynar accepterait-il de lui répondre ? Qui sait peut-être.

« Shaynar, j’aurais une question, tu n’es pas obligé d’y répondre bien entendu, peut-être ne pourras-tu pas, mais, j’aimerais savoir une chose. Merithyn est un Baptistrel, est-ce que son serment a une quelconque influence sur toi ? Remarque, peut être pas, puisque tu me menaces de me manger. »