Il se sentait mal, horriblement mal. En plus du fait qu'il avait manqué dégrigoler proprement de son arbre au moment où son totem l'avait traîtreusement lâché, la défection de sa magie le rendait pour le moins nauséeux. Que se passait-il exactement ? Difficile de le savoir lorsqu'on a pas été invité aux négociations, enfin si techniquement il était invité mais il avait simplement oublié de s'y rendre, pour peu qu'il en ai seulement eu l'intention d'ailleurs, l'avait-il eu ? Il ne le savait plus trop lui-même. C'était sans importance, la seule chose qui l'intéressait pour le moment était le fait que le chat ne ronronnait plus en lui, et ça cela le perturbait grandement.

D'un pas mal assuré et après être descendu finalement sans dommage de son arbre (eh quoi, il restait un grimpeur émérite !), il s'était rendu vers les zones plus habitées du sanctuaire afin d'obtenir quelques nouvelles. Cela n'avait pas été des plus faciles car on racontait tout et son contraire, les rumeurs les plus folles courraient et on aller jusqu'à prétendre que les Esprits Supérieurs étaient descendu en ce monde pour parler aux membres des délégations. Ben voyons ! Ce qui semblait beaucoup plus probable par contre c'était le fait que la magie s'était effondrée et qu'une armée Alayienne fonçait à présent droit sur eux. Par le Dracos ! Lui qui aimait l'animation, il allait être servit ! Mais il était à peu près certain de ne pas trouver autant d'intérêt à la conversation avec les Alayiens qu'avec les vampires. A ce qu'il en savait ces gars là embrochaient les gars comme lui sans leur laisser le temps de dire ouf. Bon, il était temps de mettre les voiles.

Pas spécialement froussard mais loin d'être un combattant, Sindar n'avait pas pour habitude de se mêler des guerres et autres batailles qui ne le concernaient pas, sauf lorsque son caractère fantasque l'y décidait tout à coup et pour les raisons les plus invraissemblables. Ce ne serait pas pour cette fois en tout cas, il avait de toutes façons eu l'intention de partir dès la fin des négociations et elles étaient terminées non ? Peut-être qu'en s'éloignant de cet endroit il retrouverait sa magie et, plus important encore, son totem. C'est qu'il lui manquait un peu son félin... Il se sentait tout lourd et pataud tout en sachant pourtant qu'il restait léger comme une plume. Non mais quelle idée aussi de faire s'écrouler la magie, ils étaient complétement fous ces Alayiens ! Restait à espérer que ce serait temporaire et si possible limité géographiquement parlant, il n'avait pas envie de rester ainsi éternellement. Et il n'osait imaginait ce que devait ressentir Merithyn qui... Zut ! Merithyn ! Plus de magie, plus de bapti ? Et son lien de dragonnier ou de machin s'y rapprochant, qu'est-ce que cela allait donner ? Bon d'accord, il mettrait les voiles un peu plus tard... Il restait petit et furtif, il arriverait bien à passer entre les mailles du filet des Alayiens non ?

"Si j'étais le gardien de ce domaine où est-ce que j'irai ?"

Difficile à dire, il hésita un instant entre deux solutions. Meri était lié à l'élément feu et il était possible qu'il décide de tenter de rejoindre le puits pour espérer y retrouver un peu de magie. Mais d'un autre côté le fracas de la bataille qui commençait déjà semblait être plus fort du côté de la clairière de la grande mère. Finalement ce fut la pensée du grand dragon noir qui accompagnait Merithyn partout qui le décida. Difficile d'imaginer Shaynar en train de combattre entre les murs du sanctuaire du feu, il préférerait la marge confortable de manoeuvre que lui offrirait la clairière et le baptistrel choisirait ce qui était le mieux pour son dragon. Chaud devant donc ! Il était bon pour se précipiter en plein coeur de la bataille, en espérant ne pas y attirer trop l'attention si possible, il n'avait pas de boite de conserve pour protéger sa peau délicate. Son arc et ses dagues empoisonnées étaient certes des plus efficaces mais l'art du corps à corps n'avait jamais été son dada. Non mais quelle histoire Dracos, quelle histoire !

Tout en galopant de son pas léger à travers le domaine, Sindar observait les alentours et tendait l'oreille. Un rugissement terrifiant venait de rétentir, cela ne pouvait qu'être Shaynar mais diantre, ce qu'il râlait fort ! Il avait l'air très contrarié, les Alayiens allaient en prendre pour leur grade ! Bien fait pour eux remarquez... Dire qu'ils avaient osé lui voler son chat, infâmant ! Il ne savait même pas ce qui le retenait de piquer une colère monumentale et d'aller botter les fesses de leurs généraux tiens. Peut-être le fait que l'un des généraux en question faisait deux têtes de plus que lui et sans doute pas loin du double de son poids. Moui.. .Cela devait entrer en ligne de compte. Mais d'un autre côté un bon coup de dague bien placé et dont la lame avait été enduite de poison au préalable... Bref... Il arrivait en vue de la clairière et puisqu'il ne voulait pas s'y jeter la tête baissée, une petite prise de hauteur s'imposait.

La tête levée, il eut un sourire en voyant l'énorme chêne qui lui tendait les bras. De là haut il aurait une vue imprenable sur ce qu'il se passait dans la clairière et il pourrait repérer Merithyn, voir même trouver un moyen de se rendre jusqu'à lui. Il n'était pas sur de lui être particulièrement utile dans de telles circonstances mais c'était après tout l'être dont il était le plus proche, pour peu qu'il soit proche de quelqu'un en vérité... Son caprice du moment lui dictait d'aller le rejoindre, et advienne que pourra pour la suite ! Déjà il se lançait à l'assaut de l'arbre, un peu moins adroit que lorsqu'il était soutenu par son totem mais redoutable tout de même dans cet art. Quelques rétablissement plus tard, il posait déjà le pied sur la première branche et continuait ainsi plus facilement son ascension. Très vite la vue se dégagea et ses prunelles d'émeraude purent analyser la situation du côté de la clairière. Un dragon se trouvait bien là, et quel gigantesque dragon ! Il n'aurait jamais cru que ces créatures puissent être aussi énormes, mais aussi fascinant que ce soit cela ne l'aidait pas beaucoup, Shaynar n'était pas là et donc Merithyn non plus... Chou blanc, il allait devoir se diriger vers le sanctuaire du feu du coup !

Quelque peu contrarié par ce contretemps, il s'accroupit sur sa branche afin de se plonger plus profondément dans ses réflexions. Un bruit plus bas l'en tira néanmoins et il se figea, attentif. Le bruit de pas ne trompait pas, il n'y avait qu'une seule personne ! Un Alayien isolé ? Et bien voilà, nouveau caprice du moment, cette sale engeance l'avait décidément mis en rogne et il allait profiter de la malchance de celui là pour payer son tribut à la guerre qui se déroulait. Peut-être même pourrait-il l'interroger pour savoir où trouver Merithyn ? Ils devaient le savoir, le gardien était sans doute l'une de leurs cibles prioritaires. Il ne manquerait plus qu'ils l'aient capturé tiens ! Ou pire ! Cette pensée attisa sa colère et c'est sans réfléchir plus avant qu'il accomplit son nouvel exploit en terme d'actes irréfléchit. Un saut, un seul, et il atterrissait quasiment sur le dos de l'intrus.

Rude choc que celui-ci, ils roulèrent ensembles sur le sol tandis que le petit elfe tirait sa dague préférée de sa cachette pour tenter d'en poser la lame sur le cou qui se dérobait. Allons bon, pourquoi ne voulait-il pas se laisser capturer ? Il avait compté sur l'effet de surprise, il était dans de beaux draps maintenant ! Et voilà qu'en plus des renforts arrivaient, il entendait des bruits de pas dans son dos... Mauvais tout ça... Allez zou, opération poudre d'escampette songea-t-il en tournant instantanément les talons pour déguerpir hors de portée de son indélicate victime...

Au milieu de la forêt , un éclat doré, furtif, silencieux, qui se déplaçait entre les arbres.
Pendant que les délégués de chaque nation étaient occupés à se taper dessus, ou à trouver des solutions, tout dépendait du point de vue, les Alayiens continuaient à progresser à travers tout le pays. La jeune guerrière avait tenté de glaner de ci de là des informations sur les avancés ennemies. N'étant pas invitée à toute forme de négociation formelle, que ce soit chez les elfes ou les humains d'ailleurs, elle ne s'en offusquait pas d'avantage ici. Les réunions politiques, avec les langues de bois, les grandes phrases alambiquées pour ne rien dire, tout ça n’intéressait pas Ninna et elle laissait le soin à sa princesse de reformuler correctement son opinion.
Le regard dépité d'Esme avant même que la séance ne commence avait suffit à indiquer qu'elle n'était pas prête de sortir, et que la journée allait certainement être longue et fastidieuse. Signe pour Ninna qu'elle pouvait prendre tout son temps pour elle, et l'occasion d'aller résoudre un des mystères du domaine des baptistrels : la fameuse barrière magique.
Elle n'avait absolument rien comprit à ce que les elfes lui avaient expliqué... S'agissait-il d'un dôme immense qui couvrait toute la foret ? Pouvait-on le voir ? En arrivant devant, se matérialisait-il en un rideau scintillant aux couleurs chatoyantes ? Avait-il l'aspect d'un mur ou d'un rempart ? Ou bien était-il simplement invisible et s'écrasait-on le nez dessus si on s'y approchait trop vite sans faire attention ? Bref, voilà beaucoup d'interrogation concernant leur seule défense contre l'envahisseur, et notre guerrière avait bien l'intention d'aller voir ça de plus prés pour se faire sa propre opinion. D'ailleurs, elle avait prévu d'entreprendre cette expédition dés le premier jour, depuis qu'on lui avait confisqué ses armes sous prétexte de la toute puissante barrière magique.... Ninna avait décidé qu'elle ne ferait pas partie de tous ceux qui se laissaient endormir par le discours des elfes aussi facilement !

Elle avait eut le temps d'aller un peu plus loin que d'habitude, quand tout à coup, un bruit sourd, suivit d'un grand vide au fond d'elle... Le regard perdu dans le vide devant elle, la main serrée contre son cœur, elle sentit ses jambes céder lentement sous elle. Un vide immense semblait l'envahir, laissant la place au froid. Lui avait-on décocher une flèche dessus ? A son insu ? Impossible ! Elle se tâta la poitrine, aucune faille au niveau de son armure... Elle se secoua et se releva, réprimant un haut-le cœur, rappelant les muscles de ses jambes à l'ordre, et mettant de l'ordre dans son esprit. Que c'était-il donc passé ? Est-ce qu'elle avait mangé quelque chose d 'indigeste ? Ça n'aurait pas été étonnant, malgré le fait qu'elle fasse tout pour manger le moins possible de nourriture elfique. De un c'était parfois plus que suspect, de deux ça ne nourrissait clairement pas son homme de ne manger que de la salade. Et voilà qu'elle en devenait malade maintenant ! Voilà qui lui apprendrait à se laisser embobiner par sa princesse « Mais goùuuute Ninna voyons tu ne peux pas dire que tu n'aime pas si tu n'as jamais goûter ! » lança-t-elle au milieu de la foret en mimant sa princesse d'une voix niaise. « J't'en reparlerait de la sagesse princière moi... » continua-t-elle à grommeler en décidant de suivre son instinct qui lui commandait de faire demi-tour rapidement avant que d'autres symptômes ne se manifeste. Elle reprit sa marche, avec cette désagréable impression d'avoir oublier quelque chose, sans arriver à mettre le doigt dessus....

Au bout de quelques minutes de marche ponctués de grognements et de coups de pieds rageurs dans les cailloux ayant le malheur de croiser sa route, elle s'immobilisa d'un seul coup... Des bruits, ténus, portés par le vent jusqu'à la jeune guerrière, puis plus rien, pendant quelques secondes, il ne restait plus que le souple rapide de Ninna.
Par réflexe, sa main se porta à sa ceinture, cherchant son épée, mais en vain. Lâchant un nouveau juron, elle chercha des yeux quelque chose qui pourrait faire office d'arme, à défaut d'avoir un équivalent par ici... Une chance que Ninna représente une arme à elle toute seule, mais cette grande branche ferait parfaitement l'affaire en attendant... Mieux valait passer pour une paranoïaque que de finir mort ! Une devise simple qui lui avait permis d'arriver en un seul morceau jusqu'ici !
A nouveau des bruits se firent retentirent, cette fois c'était certain, il se tramait quelque chose vers la clairière ! Pressant le pas, les oreilles aux aguets, elle finit par apercevoir un elfe qui courrait dans sa direction. Apparemment il n'avait pas l'air de la voir, ne cessant de jeter des regards apeuré en arrière. Ninna dévia pour venir se planter dans sa trajectoire et l'attrapa au vol l'elfe paniqué.
« Par le Dracos mais qu'est-ce qu'il se passe là-bas ? » demanda-t-elle d'une voix forte.
L'autre la regarda comme s'il ne la voyait pas vraiment et tenta de bafouiller quelques explications sans queue ni tête : il parlait d'esprits, du Dracos, du Néant, des Alayiens dans la cité.... Bref, soit les elfes s'étaient mis à boire devant la possible fin du monde imminente, soit celui-ci faisait partit des simples du village ! Afin de l'aider à remettre des idées en ordre dans son esprit, elle le souleva par le col et le secoua comme un prunier avant de rugir sur lui :
« On se caaaalme !! Je ne comprend rien du tout !! » Avant de le poser sur le sol pour le laisser reprendre son souffle. Son regard croisa enfin le sien, la guerrière pouvait y lire la peur, la vraie frousse ! Il murmura : « Fuyez.... ! » dans un souffle avant de déguerpir aussi vite qu'une feuille dans le vent. Mais qu'est-ce qu'il c'était passé ??
Ni une, ni deux, Ninna se mit à courir jusqu'à arrivée aux alentours de la clairière, ressassant les paroles de l'elfe, se demandant si il y avait quelque chose de vrai pendant qu'au loin lui parvenait des rugissements de dragons, des bruits d'armes qui s'entrechoquaient et des cris , beaucoup de cris... Et une question qui s'imposait dans son esprit : Où était Esme ??
Au moment où elle aurait pu enfin atteindre la clairière, elle n'était qu'à quelques mètres d’après ses souvenirs, bien qu'on puisse facilement se perdre dans ce coin où tous les arbres se ressemblent, elle sentit à nouveau un choc, mais cette fois il ne venait pas de l’intérieur, mais bien de l’extérieur !
Quelqu'un avait bondit droit sur elle ! Certainement tombé d'un arbre au dessus d'elle ! Se faire avoir aussi bêtement, il fallait vraiment qu'elle soit déboussolée ! Voilà que l'autre se tenait perché sur elle maintenant ! Elle se tortilla en rageant jusqu'à ce que l'individu veuille bien aller s'asseoir ailleurs, et qu'elle puisse envoyer sa branche d'un coup sec sur les pieds qui s'enfuyaient, avant de s'apercevoir qu'il s'agissait d'un elfe !
« Par le Dracos ! Mais qu'est-ce qu'il se passe ici non de non !!! » se mit-elle à rager. Si il y avait bien une chose que Ninna ne supportait pas, c'est de ne pas savoir ce qu'il se déroulait autour d'elle, et deuxièmement de s'être faite à moitié assommer par un stupide elfe ! Esme avait raison, cette journée allait vraiment être longue !!

Une nausée brutale et des plus violentes le prit, tandis que vertiges et aveuglement s'amusèrent à jouer de concert. Bientôt ce fut de réels spasmes de vomissements qu le vrillèrent, et, tel un soudain ouragan, une force sembla le ravager de l'intérieur. Le vider de toute force. Le réduire à néant. Néant... Néant volait toute magie ! réalisa-t-il soudain, entre deux affres de douleur. A genoux, suffoquant, perlant de sueur sous l'effort, fermant les yeux et serrant les poings pour ne pas pleinement perdre conscience, il peina à garder ses sens et son esprit pour parvenir à énoncer quelque pensée cohérente. La seule qui parvint à se frayer un chemin dans ce soudain marasme des sens fut "la magie s'envole, volée par le Néant et ses maudits alayiens".

La magie s'envole. Vole, volée, envolée, noyée dans les limbes du monde. Oui, même la magie des baptistrels comme toutes les autres venaient de céder, les barrières effondrées, leur puissance réduite en poussière et les alayiens s'infiltrant dans le domaine sans l'once d'un remord. Il pouvait déjà entendre les cris, des cris de joie ou des cris de peur, des cris de pur plaisir, des cris d'intense effort, mais aussi le cri des armes se fracassant non loin, les unes contre les autres... quand en face d'autres parvenaient à leur faire front. Le vacarme était plus loin et pourtant lui semblait assourdissant, ses sens encore sonnés peinant à tous les comprendre et les saisir. Il dut faire appel à toute sa volonté, pour rouvrir les yeux, et obliger son corps à reprendre possession de ses capacités. Bouger... Il devait bouger. Ou il allait périr. Comme cet elfe qui venait de crier d'agonie. Agonie... Quelle lente agonie que celle de perdre sa magie, pensa-t-il alors qu'il parvenait, enfin, à se relever, chancelant.

Il tourna un temps sur lui-même, cherchant se repérer, à retrouver où il était, quand il était... En vain. Des arbres, une forêt, non loin une clairière... et des cris, toujours des cris. Et des alayiens. Là, soudain devant lui, un alayien lui faisait face. Eliowir se força à rester de marbre, ne pas fuir (à quoi bon ? avec sa lance l'autre en profiterait assurément pour transpercer son dos), le regarder en face. Si cet alayien devait être l'aune de sa mort, autant la sonder en face et aviser ce qu'elle escomptait lui réserver. Une lente et douloureuse agonie ? ou une fin rapide et propre comme rarement une guerre vous offrait ? Mais l'autre ne leva pas même son arme. Non, au lieu de cela, il défit la capuche qui lui cachait le visage, et leva son regard, ce regard vide et béant, pour le toiser de toute sa hauteur. La suite ?

La suite se passa trop rapidement pour lui, pour qu'il parvienne à s'en rappeler et à le conter fidèlement. Des mots furent échangés, âpres mais réellement sincères de chaque côté, étonnamment sincères d'ailleurs, puis le combat. Un combat à main nue, Eliowir parvenant à prendre l'autre par surprise, un temps, juste le temps d'écarter la lance et sa lame traitresse. Malaise fut toutefois plus fort, alors que la lame se rapprochait à nouveau et l'autre, plus fort, prit rapidement l'avantage. Le vieil elfe se retrouva projeté contre un arbre, sonné, assommé... et l'autre le délaissa à trois de ses larbins. Dont deux furent rapidement tués par des flèches elfiques, fiers archers qui avaient réussi à récupérer leurs armes visiblement, tandis qu'il assomma le troisième d'une branche. Et prit la fuite sans demander son reste. Ramassant une arme trouvée à terre, un fouet, dont il ne savait véritablement que faire, peu doué avec cette arme... mais qu'importe ce serait mieux que rien.

Il escomptait maintenant rejoindre le gros de la bataille et voir s'il pouvait épauler les siens. A défaut de pouvoir protéger Galadrielle... Galadrielle... La retrouver dans un tel capharnaüm était peine perdue, il le savait. Il priait intérieurement que le Dracos les mette sur le même chemin et qu'il puisse tenir son serment de la protéger, mais en attendant... En attendant, un combat se jouait à quelques pas de lui. Et il ne pouvait que tenter d'épauler ce combat, aussi maigre soit l'aide qu'il pourrait apporter...

C'est ainsi qu'on le vit courir entre les arbres, en direction de la clairière. Et qu'il croisa sur son chemin un elfe et une humaine en prise l'un avec l'autre... En train de se bagarrer ? Des armandéens se bataillant entre eux alors qu'à deux pas des alayiens décimaient leurs comparses ? Une sourde colère le prit, et faisant fi des coups qu'il pourrait recevoir il bondit entre les deux. Attrapa d'une main forte la jeune femme au collet et la releva, tandis qu'il envoya son fouet valser vers la cheville de l'elfe l'obligeant à stopper. A défaut de réellement tomber.

- Qu'est-ce qui vous prend donc tous deux ? Est-ce temps de se batailler entre nous ? Nous avons un autre combat à mener, au cas où vous ne l'aurez pas remarqué. Vos querelles intestines attendront. Allez oust, fuyez ou combattez, mais combattez donc ces mécréants d'alayiens au lieu de vous combattre bougres d'idiots d'imbéciles heureux !

Et ce disant, il attrapa une branche forte et la ficha entre les mains de l'humaine, lui frappant durement la poitrine dans le même temps.

- Ca devrait pouvoir servir de gourdin. En attendant. Allez, si vous voulez combattre...

Mais il n'eut guère l'occasion de finir sa phrase, que quatre silhouettes firent leur apparition autour d'eux, les cernant. Des alayiens... encore et toujours. Ce sourire... et ces yeux...

Bon les choses ne se passaient pas exactement comme il l'avait prévu... Pour être honnête cela se passait même mal, très mal. Et il n'avait même pas besoin de son sixième sens actuellement absent pour le deviner ! Trop pris par son action il n'avait pas eu le temps de jeter ne serais-ce qu'un coup d'oeil à la personne qu'il avait tenté sans succès de terrasser et alors même qu'il s'apprêtait à déguerpir voilà que le traître lui envoyait un coup de bâton dans les jambes ! Traitresse devait il s'apercevoir la seconde suivante alors qu'il roulait sur-lui même instinctivement pour transformer sa chute en mouvement défensif. L'émeraude de ses prunelles avait pris une couleur venimeuse alors qu'il jetait un regard en arrière tout à l'hésitation de retourner montrer à son ennemi de quel bois il se chauffait et et reprendre sa route pour retrouver Merithyn. La couleur de l'armure de la femme le troublait, tout comme son sexe d'ailleurs. Y avait-il des femmes dans les rangs Alayiens ? Possible... Il n'en savait rien pour tout dire mais ce qu'il savait c'était qu'ils portaient tous des armures en verre noir, et de couleur noire justement. Alors quoi ? Une membre de la délégation humaine ? Et il perdait son temps avec un ennemi qui n'en était même pas un ? Et puis zut, autant la planter là.

Fort occupé à mettre sa décision en application, il n'eut pas le temps de réagir à l'arrivée d'un nouveau venu ni même à la question de l'humaine. Le claquement du fouet lui-même ne le perturba même pas, tiens l'humaine jouait encore de son bâton ? Grand bien lui en fasse, lui était déjà loin ! Ou le serait très bientôt... Sauf si il continuait à se rouler dans les feuilles mortes bien sur... Alors là ça commençait à bien faire !
A nouveau contraint d'amortir sa chute silencieuse, il ne se contenta pas cette fois de reprendre sa route droit devant. Il s'était retourné et foudroyait à présent du regard l'elfe qui osait lui faire la morale. Non mais pour qui se prenait-il ? Comme si quiconque avait pu un jour faire entendre raison à Sindar et comme si, à son âge, il allait se laisser marcher sur les pieds ainsi ! Alors qu'il ouvrait la bouche pour une réplique qu'il prévoyait déjà comme aussi cinglante que spirituelle, l'être se tourna vers lui en le houspillant tout ce qu'il savait. Ses râleries n'avaient toutefois aucun effet sur Sindar déjà parce que cela se passait toujours ainsi et ensuite parce qu'il avait reconnu son interlocuteur. Une lueur perplexe s'alluma dans le vert de ses prunelles et il fronça les sourcils derrière son foulard. Il n'avait pas entendu parler du retour d'Eliowir parmi les siens, et le conseiller n'était-il pas banni depuis bien longtemps? Si la sanction avait été levée alors il serait sans nul doute au courant... Heureusement qu'il n'était pas un elfe au sens du devoir très développé car il n'aurait pas pu laisser passer un tel manquement aux lois de leur bien aimée impératrice. Néanmoins sa légère contrariété le poussa à formuler :

"Vous ne devriez pas être ici Serillëiel"

Simple constatation, il avait déjà bien du mal à respecter lui-même les lois de son peuple sans qu'en plus il doive se soucier de les faire appliquer. De plus il n'avait pas vraiment envie que l'autre le reconnaisse même si le fait de cacher son visage ne suffirait sans doute pas. Sa stature fluette si caractéristique, sa petite taille, l'intensité inchangée de son regard et même sa voix pouvaient le trahir si l'autre avait bonne mémoire. Ce n'était pas son problème principal de toutes façons, son regard méfiant était fixé vers l'humaine armée à présent d'un gourdin et qui était fort capable de le lui briser sur le crâne si il n'y prenait pas garde. Par mesure de sureté il préféra s'expliquer :

"Je vous ai prise pour un Alayien... Je ne suis pas là pour combattre mais pour chercher Merithyn. Bonne chance."

Et de les planter là si il l'avait pu.. Sauf qu'il ne le pouvait pas. Il ne s'était retourné que pour voir arriver quatre Alayiens, des vrais ceux là ! Et cette vision fort désagréable alluma une lueur plus qu'agacée dans son regard vif. Ah mais ils n'allaient pas le laisser tranquille tous ? Il n'avait pas rencontré autant de monde en même temps depuis l'époque lointaine où il était conseiller ! Restait à savoir si ceux là allaient être aussi féroces que ses anciens adversaires politiques, et c'était plutôt bien parti car malgré la hargne de ceux-ci les guerriers d'Alayia avaient pour leur part l'avantage d'être armés ! Sifflant comme le matou en colère qu'il était, il recula de quelques pas agiles et adopta la posture fuyante de profil qui le rendait si difficile à toucher. Dans sa main, la dague empoisonnée brillait toujours. Ah ça il avait bien fait d'aller la récupérer avant toute autre chose ! Elle ne ferait peut-être pas long feu si elle était amenée à parer un coup des grandes épées que tenaient leurs adversaires mais il n'était pas du genre à bloquer comme s'en aperçu justement le premier adversaire qui lui fonçait dessus et qui ne rencontra que... Le vide. Sindar avait sauté suffisament haut pour attraper la branche au dessus de sa tête et retomber derrière le guerrier effaré. La dague elfique faillit faire mouche mais n'éborgna que la solide armure de verre noir, permettant au soldat de se retourner en fouettant l'air de son épée. En vain, Sindar s'était déjà jeté par terre et lui plantait son arme dans le pied droit fort mal protégé par des bottes matelassée mais sans acier. Le poison ferait son oeuvre, et d'un !

Il eut à peine le temps de jeter un coup d'oeil à ses deux compagnons d'infortune en pleine lutte que le quatrième soldat lui sautait sur le dos. Ecrasé sous un tel poids, le petit elfe ne pu que chuter bien plus rudement que les deux premières fois et éviter d'extrême justesse l'arme qui avait manqué lui trancher le cou. Du coin de l'oeil il observa deux nouveaux Alayiens qui entraient dans le combat et se tortilla pour échapper à la poigne ferme de son ennemi du moment. Les choses tournaient mal... Très mal... Et même pas moyen de fuir, il ne voyait pas très bien comment il allait se tirer d'affaire. En attendant de trouver il se concentra sur ce qu'il faisait et se retrouva en train de planter ses canines de végétarien dans la main de l'Alayien. Beuark ! Mais il fallait bien qu'il fasse quelque chose pour éviter de finir étranglé... La poigne se desserra sur un rugissement de rage et il en profita pour piailler à l'attention de ses deux camarades pris pour cibles par les renforts Alayiens :

"Attention derrière !"

Une lame vint gentiment se poser sur son cou alors qu'il criait à peine ses mots et il comprit qu'il était perdu, tout comme les deux autres qui n'avaient que peu de chances de s'en sortir face à deux adversaires chacun... Courageux dans la difficulté, il gronda vers l'Alayien :

"Qu'est-ce que tu attends ? Je ne te craint pas, l'Esprit de la Mort est un vieil ami"

Et ce n'était pas peu dire, il l'avait vu passer assez bien souvent dans sa longue vie...

Comme la forêt cache toujours plus d'un elfe, aprés avoir été agressée par un premier, voilà qu'un second arrivait et qu'elle se sentait soudainement soulevée par le col, tel un chiot ramassé par sa mère pour le deposer ailleurs. Un sentiment qu'elle n'apprecia pas du tout et qu'elle comptait bien ne jamais revivre! Mais à peine voulut-elle mettre un point d'honneur à faire partager son mecontentement et un poing dans la figure du responsable de cet odieux forfait, que dejà ce dernier lui collait une branche entre les mains aprés avoir attrapé son premier agresseur avec son fouet. Le seul point positif de cet étrange elfe d'ailleurs, même s'il l'avait privé de sa vengeance personnelle! L'autre tenta une excuse lamentable pour tenter de se rattraper pendant que Ninna le foudroyait du regard et tentait d'enregistrer son visage pour ne pas le manquer la prochaine fois qu'ils se tomberaient dessus.

Elle inspecta un instant sa nouvelle "arme", si l'on pouvait appeller ça comme cela, mais comme disait son père, il n'y a pas de mauvais outils, juste des mouvais ouvriers. Et Ninna était une guerrère capable de tuer un homme avec une petite cuillère. Alors un gourdin improvisé....
A l'approche des Alayiens, la jeune femme se mit en garde, un regard sur le côté pour évaluer rapidement le terrain et ses "compagnons d'armes" : deux elfes, dont l'un n'étant même pas capable de différencier un alié d'un ennemi, et cet étrange elfe avec son fouet. L'autre l'avait nommer, mais elle n'aurait pas été capable de retenir son nom , elle ne tiqua qu'au fait qu'il n'aurait apparement pas du être là, comme si l'autre l'accusait d'un meurtre où on ne sait quoi! Mais rien qui ne pu occuper plus longtemps l'esprit de la jeune femme à l'approche pressante des quatres Alayiens.
Bien, une rapide analyse lui permettait d'identifier quels genre d'adversaires étaient en train de leur foncer dessus, leurs poids, leurs type de déplacement, les armes et les failles dans leurs armures.
Ni une, ni deux, elle se jetta sur un des plus grands, deviant un plus petit vers le premier elfe. Avec un peu de chance, il ne la laisserait pas seule avec l'autre elfe!! A quatre contre trois c'était jouable, à quatre contre deux et sans arme potable, voilà qui allait être plus compliqué!

Arrivée à un demi-mètre de son adversaire, ce dernier tranchant l'air horrizontalement vers elle avec son épée, Ninna plongea à terre et se servit de son bâton pour faire un croque en jambe au guerrier étonné. Se relevant derrière lui, elle lui assena un grand coup de gourdin derrière la nuque, le vit chanceller, puis finalement tomber, face contre terre. Il n'était pas mort, mais au moins le voilà assomé pour un bon moment! Mais pas le temps de se réjouir que déjà le petit elfe les alarmés : un nouveau groupe de renfort s'approchait dangereusement d'eux. Elle ne pourrait malheureusement pas se servir trés longtemps de son gourdin : les lames alayiennes finiraient par en faire des allumettes si elle s'en servait pour parrer les coups. Elle jetta un coup d'oeil sournois vers l'arme de sa victime qui gisait par terre. Voilà qui ferrait l'affaire! Mais alors qu'elle allait se pencher pour la ramasser, son regard fut attirer par Sindar en mauvaise posture. Elle hesita un instant : il meritait bien de se faire taper un peu, mais peut-être pas tuer, Ninna était rancunière , mais pas à ce point tout de même!

Elle s'approcha comme une ombre, fourbe et rapide, et decocha un enorme coup de gourdin sur le visage de l'Alayien, qui decolla d'un bon mètre dans un horrible crac sonore, loin du corps de l'elfe. Avec un peu de chance, elle lui avait fusioner son casque et son nez, voilà qui devrait le tenir à l'écart quelques instants de plus.
Elle attrapa le bras de l'elfe pour le remettre debout et le tirer vers Eliowir pour rassembler leurs forces.
"Debout l'elfe morbide, il y a encore des invités à acceuillir dans ta forêt!"
Elle finit par ramasser un épée, la soupesa, se laissa une seconde pour admirer le travail effectuer sur l'acier, et cette désagréable sensation de picottement qui lui rappelait l'impression de vide qui l'avait saisit dans la foret plus tôt. Mais au moins, elle serrait en mesure de tuer et pas juste d'abimer leurs ennemis! Inutile de perdre plus de temps ici, elle avait d'autres objectifs que de rester au milieu de la forêt à defendre un arbre...
Campée sur ses deux pieds, elle lança un regard narquois aux Alalyiens qui approchaient...

"Vous ne devriez pas être ici Serillëiel"

Cette voix... Cette voix, il la connaissait. Il ne parvenait encore à mettre un nom dessus, en l'instant même, mais sa mémoire partait déjà dans ses méandres pour identifier cette voix qui la titillait assez. Il l'avait maintes et maintes fois entendue par le passé, dans son passé d'elfe, de haut conseiller même. Un conseiller également possiblement ? L'autre elfe était masqué, les traits de son visage alors quasiment indiscernables, mais... cette silhouette petite, fine, fluette même, cette prestance féline dans chacun de ses mouvements... ses accents si particuliers, presque ronronnant... Oui, il la connaissait. Le nom lui revenait maintenant, en une flopée de souvenirs qui faillit l'immerger sous ce raz-de-marée. Un nom qu'il respectait toutefois. Un nom respectueux et respectable...

Adjectifs dont ne pouvait plus se targuer le sien dès lors. Depuis son acte honni. Depuis son bannissement. Mais étrangement, nul jugement ne vint teinter les mots que lui offrit son ancien acolyte. Non, nul jugement... Une simple constatation, dirait-on. Sans doute cela, plus que tout autre chose, le contraignit à répondre le plus posément que possible.

- Je suis là où je dois être, digne elfe.

Il se garda bien, sans trop savoir pourquoi au juste, de révéler qu'il avait lui aussi reconnu l'autre elfe.

- Notre Impératrice et ses plus proches collaborateurs sont au courant de ma présence. Le reste viendra en son temps et dans les règles de l'art.

Après tout, il était réputé, du temps de son mandat de conseiller, pour être très porté sur les "règles de l'art". Il ne serait pas dit qu'il serait le premier à les enfreindre, autant que faire se pourrait.

Se disant, il ne put toutefois s'empêcher de se draper dans son fidèle manteau tout d'arrogance paré, menton levé, port droit presque altier, malgré les cheveux au vent qui menaçaient de lui cingler le visage, regard acéré et lèvres pincées en une expression fière et presque provocatrice. Seules les balafres qui ornaient depuis peu son visage déparaient quelque peu du tableau. Tout dans son observation de l'autre elfe, Eliowir en avait momentanément oublié la petite humaine...

Ils n'eurent toutefois guère le loisir de s'apesantir sur ses ô si réjouissantes retrouvailles, que d'autres invités décidèrent de s'incruster aux festivités du trio. Et un ballet d'une chorégraphie endiablée se joua alors, chacun improvisant ses pas sans l'once d'une hésitation, guidé par son instinct ne répondant qu'à la mélopée de la survie.

L'humaine se jeta sur un des plus baraqués des alayiens, tandis que le chat s'esquiva avec sa prestance habituelle pour avoir par derrière un des autres. Restait à Eliowir deux adversaires, dont un lancier. Voilà qui était bien sa chance... Au moins il saurait prévoir les attaques de son adversaire. L'autre n'était que poignards visiblement, et devrait donc se rapprocher pour le toucher... S'il parvenait à le tenir à distance, il pourrait se focaliser sur le lancier. Et aussitôt pensé, aussitôt fait. De son fouet, qu'il maniait de façon très maladroite malheureusement, il cingla l'air devant lui, à plusieurs reprises, tout en observant consciencieusement les autres. Etrangement, contrairement aux deux combats qui se menaient à ses côtés, le sien se contentait pour l'heure d'un manège en rond, chacun observant les gestes de l'autre. Les lanciers étaient des guerriers patients, capables de rester en formation de longues et interminables secondes durant et d'encaisser un rude assaut en masse. Les lanciers étaient de ceux à laisser les autres attaquer souvent, avant de répliquer de leur pique acérée ensuite... Et les alayiens ne dérogeaient visiblement pas à la règle.

Heureusement pour lui, les manoeuvres de l'humaine dévièrent le deuxième combattant plus loin de lui, permettant aux dagues de ne plus le menacer de leurs attaques sournoises. Il ne fut plus qu'en tête à tête avec le lancier... qui toutefois venait de profiter de son léger moment d'inattention pour se lancer à l'attaque, pointe en avant. D'un pas de côté et d'un pivotement vers l'arrière, Eliowir esquiva de peu la pointe qui menaça d'embrocher son visage, faisant dangereusement siffler l'air à ses oreilles et battre son sang furieusement à ses tempes. Son fouet fouetta l'air vers le flanc de son adversaire mais manqua sa cible. Le fouet n'était décidément pas son arme de prédilection... Et sa magie qui lui faisait défaut... Et l'autre qui réattaquait déjà, de piques et d'estocs, accélérant sévèrement le rythme, obligeant toujours Eliowir à reculer...

Pestant et voyant que d'ici peu il allait réellement se faire toucher par la redoutable lame noire, il rechercha désespérément un moyen de ruser. Et rapidement, son instinct d'ancien combattant le guida. Un pas de côté, un tournoiement, un énième sifflement de fouet, plus destiné à distraire son adversaire qu'autre chose en l'occurrence, un saut par dessus un corps assommé, il se rapprocha aussi vite que possible de son nouvel objectif. Peinant à conserver son souffle, et apercevant du coin de l'oeil que l'elfe était en bien fâcheuse posture alors que le daguier venait de le prendre pour cible... Et déplorant en son fort intérieur, sa féroce fierté pleurant ses lamentables compétences en pareil combat, d'être le seul à ne pas encore être parvenu à se défaire de son premier ennemi. Le sifflement de la lance proche de son flanc droit le rappela toutefois à l'ordre. S'il ne voulait pas être en tout cas le premier du trio à périr, il ferait mieux de se concentrer sur son duel.

Âpre duel. Heureusement il parvint à atteindre son objectif. Et la lance se ficha dans la belle et solide écorce contre laquelle il venait de se réfugier, alors qu'il esquivait le dernier coup d'estoc. Ce qui lui permit d'user de techniques de combat certes rudimentaires, mais, foi d'elfes centenaires, bien efficaces. Un coup de pied bien placé, un alayien plié en deux, un coup de lapin en pleine nuque... et l'autre tomba à terre. La lance oscillant légèrement toujours fichée dans l'écorce. L'arbre sembla alors presque mourir sous son assaut, son écorce semblant comme se flétrir autour de sa blessure... Ou était-ce son imagination ?

Mais déjà deux autres alayiens approchaient, comme venait de les prévenir Celeborn, l'empêchant d'étudier cette question plus avant. Deux seulement cette fois-ci. Avisant que l'humaine venait de régler la situation précaire de l'autre elfe, il se refocalisa sur les ennemis en approche. Puis, examinant rapidement la lance, et constatant que seule la pointe était en lame noire, il noua le fouet autour de sa taille, histoire de ne pas le perdre, et arracha la lance de toutes ses forces, priant Dracos de ne pas périr par ce geste fou, et la pointa vers ses nouveaux adversaires. Sentant une terrible onde le glacer à ce geste, mais refoulant autant que faire se peut cette désagréable sensation. Il lui fallait une arme qu'il maitrisât un temps soit peu pour combattre efficacement. Et seule la lance lui permettrait de porter aide à ses compagnons d'infortune.

- Pas de blessé ? S'enquit-il rapidement, tandis qu'il détaillait rapidement les nouveaux arrivés. Jeune femme ? Celeborn ? Tout va bien ?

Qui se virent seconder par quatre autres alayiens... Les cernant en cercle. Ils étaient mal partis. Très mal partis. Ils étaient faits, pour tout dire, et allaient mourir... Impossible autrement, n'est-ce pas ? Mais mourir pour mourir, autant qu'ils meurent dans la dignité. Et sur cette pensée, il raffermit sa prise sur la lance, maudissant cette sensation désagréable, et s'approcha à pas de côté des deux compagnons, formant alors comme un triangle avec eux...

Que Dracos leur vienne en aide. Ou ils allaient périr...

- Voyez-vous, ça, ricana l'un des arrivants. Une humaine et deux elfes... deux déchéances. Viens avec nous, petite humaine, rejoins nos rangs. Tu sembles savoir combattre et tu es digne d'intérêt. Rejoins nos rangs, prête serment à notre Seigneur, le Néant, et nous ne te ferons aucun mal.

L'alayien, muni d'un énorme estramaçon, appuya ses propos d'une main tendue vers la jeune femme.

Alors même qu'il se sentait prêt à la mort et qu'il envisagerait sereinement l'idée d'aller demander des explications à l'esprit qui lui avait tout prit, la situation bascula. Quelque peu étonné, l'elfe observa le décollage parfait de son adversaire qui alla s'écraser quelques mètres plus loin, le casque enfoncé quasiment jusqu'au nez. Il allait avoir du mal à s'en débarrasser... A supposer qu'il se réveille un jour. Mais après tout, ne l'avait-il pas cherché ? Sindar avait bon coeur mais certainement pas au point de pleurer la mort d'un envahisseur Alayien qui ne rêvait que de le trucider la seconde précédente.

Il se raidit quelque peu lorsque l'humaine le tira à lui, n'aimant pas beaucoup qu'on le touche. Mais il lui devait la vie sur ce coup là et les circonstances valaient bien quelques concessions. Il lui décerna un regard pénétrant lorsqu'elle lui parla des invités actuellement occupés à se balader dans la forêt et ne pu que parvenir à la conclusion qu'il s'agissait bel et bien d'une guerrière. Il suffisait de voir la maîtrise et la plaisir qu'elle avait à soupeser l'arme dont elle venait de s'emparer. Pas une mauvaise chose quelque part, les baptistrels avaient plus besoin de guerriers que de conseillers pour les soutenir en ce moment. Même si Eliowir ne se débrouillait pas si mal quand il y pensait.. Où avait-il apprit à utiliser un fouet ?

Les prunelles curieuses de l'elfe félin se posèrent un instant sur l'exilé. L'indigne, comme certains l'appelaient. Mais il détestait cette manie qu'avaient les gens de donner des titres à torts et à travers et au gré de leur imagination. Lui-même n'avait rien demandé lorsqu'on l'avait affublé de son petit sobriquet tragique et il était prêt à parier que l'objet actuel de son intérêt n'avait rien demandé non plus. Sindar aurait tout de même donné cher pour voir la tête des plus farouches ennemis d'Eliowir lorsque l'impératrice avait décidé de lever temporairement son bannissement. En faveur des négociations sans doute... Y participait-il ? Ce n'était pas impossible vu sa grande expérience politicienne mais assez étonnant considérant le fait qu'il n'était plus lié à aucun peuple. A moins qu'il n'ai prit du galon dans l'empire humain à défaut de pouvoir rester parmi les siens ? Peu probable, Sindar se souvenait de lui comme d'un être un poil trop arrogant pour daigner se mêler d'un peu trop près à de simples humains. Il pouvait avoir changé bien sur, mais on ne pouvait refaire son caractère, d'autant plus lorsqu'il était appuyé par un totem. Il était lui-même très bien placé pour le savoir.

Pas de blessé ? Jeune femme ? Celeborn ? Tout va bien ?

Encore plongé dans ses pensées, il commença par hocher la tête silencieusement pour préciser que oui, il allait bien. Ce n'est qu'une seconde après qu'il analysa ce qu'on venait de lui dire et qu'il fronça les sourcils avec une sourde irritation. L'autre l'avait reconnu, c'était à prévoir. Il n'aimait pas beaucoup cela, les questions tomberaient sans doute très vite si ils parvenaient à se tirer de ce mauvais pas. Quoique Eliowir n'aurait peut-être pas l'envie et l'intérêt de se montrer trop curieux sous peine de voir Sindar faire de même. Bon d'accord, il serait curieux de toutes façons, c'était dans sa nature la plus profonde. Mais tout de même...

"Je vais bien... Mais la situation se complique..."

Il jetta un coup d'oeil en coin à l'humaine qui ne semblait pas vraiment de son avis. Bien campée sur ses jambes, elle semblait prendre plaisir à ces combats plus ou moins désespérés. Ce n'était pas vraiment le cas de notre elfe qui n'avait décidément aucun goût pour ce genre de mascarade et qui avait franchement autre chose à faire. Néanmoins la façon dont les quatre Alayiens les encerclaient ne permettait pas la moindre fuite. Oh agile et rapide comme il l'était il aurait sans doute pu passer entre deux épées avant que leurs porteurs n'aient eu le temps de dire ouf mais il ne pouvait pas vraiment laisser ses deux compagnons en arrière... Ce serait quasiment un meurtre. Il n'était pas d'humeur à commettre de meurtre aujourd'hui, les Alayiens ne comptant évidemment pas.

"Vous perdez votre temps, elle meure d'envie de vous trancher la tête."

Sa traduction de l'expression de l'humaine n'était sans doute pas très loin de la vérité, ou alors il avait perdu la main dès lors qu'il s'agissait de cerner les gens. Quand à l'insulte, il la laissait passer sans trop se formaliser. Entre les vampires et maintenant les Alayiens, les elfes avaient de quoi s'habituer à ce genre de traitement.

"Qu'elle essaye..." grondèrent-ils quasiment en choeur.

Un lourd et mauvais silence tomba entre eux tous, ils attendaient apparement la réponse de l'humaine avant de passer à l'attaque. Trouverait-elle un moyen de se servir de leur désir de la voir rejoindre leur rang pour les tirer d'affaire ? A moins qu'elle ne les laisse tout simplement tomber ? Il n'y croyait pas trop mais comment savoir, il ne la connaissait pas après tout...

"Le temps est écoulé, que choisis-tu ?"

L'ultimatum ne souffrait apparemment pas de retard, elle devait répondre maintenant ou jamais. Une franche assurance brillait dans les yeux des quatre hommes, assurance qui vacilla tout à coup à la grande surprise de l'elfe. Quoi ? Pourquoi se sentait-il si bien tout à coup ? Si... Agile... Fantasque. Et si entier. La compréhension s'alluma soudain dans son regard et il tourna vivement la tête vers ses compagnons, cherchant à savoir si ils avaient senti aussi le retour de la magie et de leurs totems..

Enfin un peu d'action, voilà qui n'était pas pour déplaire à la jeune guerrière, pensant même que ce n'était pas trop tôt d'ailleurs. Oh certes elle aurait préféré que cela se passe dans d'autres circonstances, mais on n'allait pas chipoter pour si peu... Et voilà que se présentait enfin l'occasion de se frotter à ses fameux Alayiens! Pas si terrible que ça finalement, c'était même étonnant qu'ils aient parvenus à se faufiler si loin dans ce pays et à faire trembler les hautes autorités des trois races jusqu’à les réunir dans cette mascarade de négociation , allant même jusqu'à unir les vampires avec les elfes et les humains! Non, décidément, il allait en falloir un peu plus pour impressionner Ninna.

La venue des nouveaux assaillants ne fit pas disparaître son sourire, si à elle est ses deux elfes ils avaient pu mettre ceux-là en déroute, malgré le peu de maîtrise visiblement du fouet d'Eliow et le peu de ténacité de Sindar, détail que l'épéiste allait largement compensé avec l’acquisition d'une nouvelle arme en bonne et due forme. Un hochement de tête et un bref grognement s'échappèrent de la jeune femme pour confirmer qu'elle allait bien, et qu'elle était prête à en découdre à nouveau.

Ses pensées fusant à toute vitesse, elle se positionna de façon à avoir les deux végétariens derrière elle. Si elle fonçait dans le tas en premier pour disperser le groupe, les deux autres pourraient facilement s'occuper de ceux qui passeraient outre la lame de son épée.
Mais voilà qu'ils avaient l'air de vouloir discuter. Auraient-ils comprit qu'ils n'avaient aucune chance? Sans aucun doute!
Elle analysa l'homme des pieds jusqu'à la tête. Sa première erreur? La traiter de "petite humaine". On ne l'appelait plus "petite" depuis qu'elle avait dépassé le mètre soixante-dix et tabassé l'audacieux qui l'avait interpellé, c'est-à-dire depuis ses quatorze ans.

Si elle avait été un vampire, c'est certainement à ce moment là que ses crocs auraient jaillit de son sourire carnassier.
Rejoindre le néant et devenir comme eux? Cet homme avait vraiment vu le Dracos en couleur! Et cette main tendue, quelle tentation! sa lame la chatouillait, et alors qu'elle allait envoyer une réplique bien sanglante, voilà qu'un des elfe avait trouvé son courage sous un cailloux et se mettait à les provoquer! Quel manque de savoir vivre! Bien qu'il n'ai pas tapé loin quand à tenter d'exprimer le fond de sa pensée... Juste pour le principe , elle aurait volontiers fait semblant de se rallier à eux pour voir la tête de ses compagnons d'infortune se fissurée.

Mais voilà que l'Alayien s'impatientait, lui autant l'occasion de taquiner ses nouveaux amis. Une nouvelle phrase allait jaillir de sa bouche quand elle se trouva à nouveau étrange, plus... complète! La guêpe en elle semblait s'être réveillée et brûlait de faire ses preuves. Voilà qui s'appelait tomber à pic! Une sensation qu'elle ne pensait plus retrouver un jour! Quoi qu'il se soit passé ces dernières heures, c'était à présent finit. Et si ce retour à la normal semblait aussi bien réussit la jeune humaine que ces compagnons elfes, il avait l'air d'en être tout autrement du côté des Alayiens! A la limite de la nausée, ils avaient cependant vite reprit leurs esprits et Ninna comprenait bien que si elle ne se decidait pas maintenant, ils allaient certainement passer à l'attaque sans attendre.

Gonflée d'assurance, si elle pouvait l'être plus encore, elle s'approcha de la main tendue, l'épée pendouillant nonchalamment le long de son bras droit, faisant mine de tendre l'autre main pour accepter la proposition d'alliance :

"Vous ne me ferez aucun mal, j'en suis sûre...!" ajouta-t-elle avec une douce voix mélodieuse, et... Trancha net la main tendue. Elle s'attarda un instant pour savourer le regard étonné et choqué de l'homme avant d'entrer en danse... Une danse aussi mortelle qu’envoûtante.

Quand Celeborn s'amusa à répondre à la place de l'humaine, Eliowir ne put se retenir de grincer des dents. Comment pouvait-il se targuer de savoir ce qu'il en était la concernant ? Certes, elle semblait guerrière et en bonne guerrière aimer les combats. Mais de là à savoir quel combat elle préférait... Un combat contre des alayiens, ou un combat contre des elfes, maintenant qu'elle en avait le choix ? Quelle assurance pouvait donc avoir le vieil elfe quant à cette petite d'Homme ? A moins qu'ils ne se connussent avant cela ? Et alors pourquoi se battaient-ils tous deux tout à l'heure ? Etaient-ils de vieux ennemis ? Celeborn ne serait pas paru aussi assuré qu'elle choisisse leur camp, son camp à lui en somme, si tel avait été le cas... Alors quoi ? Leurs chamailleries dans les herbes rimaient à quoi ? Et s'ils ne se connaissaient pas... En quoi Celeborn pouvait-il présumer des choix de la jeune femme ?

Fort hésitant et l'esprit foisonnant de questions et de doutes, il n'était lui-même pas aussi assuré quant au choix de la jeune femme. Ni même assuré que Celeborn ne les quitte pas tout simplement à leur triste sort. Ou plutôt que Celeborn le laisse lui, l'Infanticide, le Banni, à son triste sort, si jamais la petite humaine jouait les tourne-casaques. Il jeta alors un rapide regard anxieux de part et d'autre, derrière ses épaules, pour vérifier que les deux loupiots étaient toujours avec lui, tentant par là même d'évaluer leurs réactions et possibles intentions à venir. Sans succès. Bon, soit, s'il devait rester seul à combattre... il resterait seul. Et combattrait. Et mourrait assurément. Au moins mourrait-il pet-être de façon quelque peu noble ?

Et soudain, comme pour le rassurer... Il sentit le lion rugir de nouveau en lui et lui prêter sa force. Le lion... Sa magie... Elle coulait de nouveau en lui, par lui et avec lui. Le Dracos ! Le Dracos était de nouveau avec eux, les soutenait de nouveau ! Il aurait donc vaincu le Néant ? Leurs adversaires l'avaient-ils ressenti aussi ? Très certainement... A voir la lueur soudain ternie qui vacilla dans le regard de l'homme en face de lui. Oui, eux aussi l'avaient senti. Oui, eux aussi prenaient peur soudain, tout comme il avait bien failli prendre peur quelques secondes plus tôt. Une peur qui chez lui se transformait soudain en force, au même rythme que pulsait maintenant la magie dans ses veines.

Tout à sa joie, il faillit en perdre le sens de la situation présente, quand un mouvement derrière lui le ramena brutalement à la réalité. La petite humaine venait de s'avancer vers un des alayiens, celui qui lui tendait la main. Allait-elle donc bel et bien la prendre comme il l'avait redouté ? Elle était si proche, si proche... sa main frôlait presque celle de l'autre homme... quand soudain elle la lui trancha. Net, vif, de façon précise. Redoutable guerrière. Redoutable guêpe, oui, comprit-il rapidement, quand il la vit bourdonner furieusement autour des alayiens.

Et sans plus attendre, il se décida à accompagner sa danse, à sa manière à lui, un fin sourire ornant soudain ses lèvres balafrées. Il rejeta la lance au loin, vile lame noire qui lui donnait la chair de poule rien que d'en être si près, laissa quelques secondes sa puissance monter, monter, s'insinuer en lui, et inspira profondément, s'imprégnant de toutes les senteurs et saveurs d'Armanda, quand bien même celles de la guerre, du sang, des larmes et de la mort s'insinuaient aussi avec elles... et enfin il ne fut plus que magie. Mage guerrier soudain qui n'avait qu'une envie, qu'un seul but, défendre son peuple, défendre la vie et défendre Armanda et sa magie.

On aurait pu croire que les alayiens leur faisant face allaient prendre la fuite. Et tel aurait peut-être été le cas si l'un d'eux n'avaient pas proclamé vengeance pour le Néant, en se ruant sur eux. Et soudain tout devint plutot confusion pour Eliowir. Il entendait les gémissements de l'alayien amputé derrière lui, qui toutefois avait semblé quand même reprendre le combat au cri de son compagnon, fanatique qu'il était. Il entendait ferrailler derrière lui et des saut feutrés de l'autre côté. Deux autres alayiens étaient venus se joindre au cortège, grossissant encore les rangs de leurs compères en le portant au nombre de six. Mais ils avaient la magie pour eux, pensa Eliowir, tentant de se concentrer sur le combat. Ils avaient le Dracos avec eux. Il se vit alors jeter sort sur sort, jamais directement sur les alayiens de peur que sa magie ne les manquât, mais préférant une colère de grom créant de petits séismes sous les pas des alayiens, ou un appel de la terre pour prendre les coups à sa place, ou encore une arme dansante pour venir le protéger lui ou Celeborn à qui il permit de dévier un coup ainsi, ou encore en créant des vents violents...

Il se dépensa sans compter et avait tué visiblement une cible ainsi. Il en restait encore une en face de lui et une qui oscillait entre lui et Celeborn. Un rapide coup d'oeil du côté de la jeune femme lui assura qu'elle s'en sortait plutôt bien. Un coup d'oeil vers Celeborn... lui fit voir des éclats d'épées acérées d'un larron alayien qui menaçaient de couper le petit elfe en deux en traitre. Son propre adversaire peinant à se défaire de la prison végétale qu'il venait de lui offrir, Eliowir se permit de lancer sur Celeborn un géant de pierre pour le protéger. A peine le géant para-t-il le coup qu'il disparut aussitôt, libérant instantanément le chat agile.

Et qu'une douleur vive vrilla Eliowir en pleine poitrine, à quelques centimètres au dessus du coeur, vers l'épaule. Une dague, constata-t-il, tout en jurant entre ses dents et sifflant de douleur, tandis que la douleur s'infiltrait en lui. Et une autre sensation étrange... de vide... Lame noire, s'effraya-t-il, tout en arrachant vivement la dague. Lame noire... mais Néant étant défait, quelle était encore son pouvoir ? Il se sentait faible soudain, et ne parvint à se lancer un sort de soin, même le plus simple fut-il... mais peut-être n'était-ce que dû à la douleur de sa blessure ? Et non aux effets funestes et néfastes du verre noir ?

Tout à sa douleur et à son vertige, il se retourna aussi vivement que possible vers son précédent adversaire... pour sentir une autre lame plonger sur lui. Une lame qu'il parvint toutefois à retenir de tout le peu de force qu'il lui restait, force du lion plus qu'autre chose sans doute, avant qu'elle ne s'enfonce trop profondément en lui. Vide.. Il se sentait soudain vidé. Et crut voir défiler l'espace d'un instant les années de sa vie. Passé, présent... et à venir...

La lame fut retirée, il ne sut comment ni pourquoi et son adversaire jura, recula... et s'effondra. Eliowir le suivant presque en s'effondrant lui-même à genou, tête basse, tout en douleur.

Il ne s'était apparemment pas trompé sur l'humaine, comme quoi son instinct presque infaillible ne tenait pas uniquement à son totem ! Un sourire ravit salua à la fois le retour de son protecteur de chat et la prouesse sanglante de sa camarade du jour qui eut pour conséquence de rendre l'un des Alayiens manchot. Ah mais ça allait rendre tout nouveau projet d'étranglement de sa personne bien plus compliqué ça ! Bien fait pour lui, bien fait pour eux tous même ! C'est qu'il pouvait devenir sauvage le félin si on le chatouillait trop...

Les choses s'étaient accélérées à nouveau et la physionomie du combat avait bien changé. Il lui semblait presque entendre l'esprit de la guêpe bourdonnant furieusement et offrant à l'humaine une vitesse et une maîtrise bien au dessus de la condition de ceux de sa race. Eberlués, ses adversaires ne pouvaient que se défendre pas à pas, jusqu'à l'erreur fatale. Eliowir quand à lui utilisait toute la force de sa magie pour compenser la différence de nombre encore aggravée par l'arrivée de deux autres Alayiens. Un maître-mage se souvint Sindar... Ils avaient donc une chance. Comme souvent, la magie changeait tout.

Ce n'était pourtant pas son avantage principal. Son niveau était correct bien sur, mais il préférait mille fois s'appuyer sur les possibilités de son corps et sur les armes que lui offraient son totem. Horripilant d'agilitité, il échappait aux coups et aux bottes des Alayiens avec une facilité absolument déconcertante et il s'en fallu de peu plusieurs fois pour que l'un d'eux ne s'étale piteusement, emporté par son élan et trompé par la pirouette imprévue et ô combien improbable du petit elfe qui semblait s'amuser d'eux. Semblait seulement, Sindar était désinvolte, mais pas au point de prendre un risque de mort imminente à la légère. Ses lèvres fines se serraient périodiquement sur un rictus agressif et il n'attendit pas une seconde pour profiter d'une nouvelle erreur d'un de ses adversaires et lui planter sa lame entre les omoplates. Un sort de glissade relativement bien maîtrisé en fit dégringoler un deuxième et il se proposait fort sérieusement d'en profiter pour aller tenter de l'achever lorsque une sensation provoquée par son sixième sens lui fit tourner la tête. Trop tard, la lame de l'Alayien arrivé en traître était trop proche pour qu'il puisse l'éviter facilement... Il esquissa néanmoins une nouvelle esquive désespérée avant de se retrouver... Emprisonné ?

Surprit et outré, il laissa échapper un feulement frustré tandis qu'un espèce de colosse géant s'emparait de sa personne. Il lui fallut une bonne seconde pour comprendre vraiment d'où il avait bien pu venir et pour quelle raison. Non mais hé, comme si il avait besoin de ça, il s'en sortait très bien ! Après avoir roulé sur lui-même pour s'éloigner de l'agresseur dont le coup venait d'être paré, il releva la tête afin de décocher un regard furieux à Eliowir, juste à temps pour voir la dague s'enfonçer dans son épaule. Et bien voilà... A vouloir être au four et au moulin il n'avait pas pu se protéger lui-même, très malin ça ! Prodigieusement agacé, le petit elfe ne fit qu'un bond vers l'autre Alayien qui tentait et réussissait d'ailleurs fort bien à embrocher l'ancien conseiller. Trop concentré sur ce qu'il faisait, il ne pu éviter la dague de Sindar qui vint se planter carrément dans sa nuque. Encore un de moins, mais cela n'allait pas suffire à les tirer d'affaire et Eliowir était à terre... Sindar lui jeta un coup d'oeil rapide, évaluant les blessures et remerciant le Dracos que le Néant n'accorde actuellement plus sa protection à ses fanatiques. Si les pouvoirs du verre noir avait fonctionné, les trois Armandéens ne seraient déjà plus qu'au nombre de deux pour résister aux ennemis restants. Ce qui n'auraient de toutes façons pas changé grand chose, ils étaient dépassés.

"Dírnaith aeï !"
formation en avant !

Le soulagement incarné... Jamais voix Elfique n'avait semblée si mélodieuse à Sindar qui ne pu réprimer un soupir de satisfaction en voyant la dizaine d'elfes se précipiter vers les derniers Alayiens restants qui ne firent pas long feu sous leurs brillantes épées. Il ne savait pas ce qui avait poussé cette compagnie à s'écarter du coeur des combats mais le moins qu'il pouvait dire et qu'elle tombait à pic ! Libéré de toute cette histoire, il se pencha rapidement vers le blessé sans se préoccuper de l'humaine qui souhaiterait sans doute terminer son combat avant de les rejoindre. Une grimace déforma son visage derrière le foulard lorsque ses doigts effleurèrent l'une des blessures. Celle de l'épaule était la plus profonde mais l'autre plus mal placée l'inquiétait plus. Voyant son blessé s'agiter, il lui posa une main ferme sur le torse :

"Vous êtes en piteux état. Restez calme."

L'ordre ne souffrait aucune réplique mais il n'était pas sur que l'ex conseiller l'écoute très longtemps. Qu'était-il sensé faire à présent ? Il n'était pas un guérisseur, il avait soigné un dragon il n'y avait pas si longtemps de cela mais cela avait été en dernier recours et non sans risques. C'est qu'il allait finir par se former à l'art de la guérison hein... Il en avait besoin de plus en plus souvent ! Et adroit qu'il était dans la conception de poisons, sans doute n'aurait-il aucun mal à apprendre à préparer des potions plus bénéfiques pour la santé de ses cibles... En attendant il releva la tête vers le chef du détachement elfique qui s'approchait :

"L'un d'entre vous est blessé ? Nous avons un guéri... Oh..."

L'elfe s'était interrompu en découvrant le visage du blessé et se renfrognait déjà et immobilisant ledit guérisseur d'un geste.

"Nous l'avons toléré pour ne pas froisser les baptistrels mais l'indigne ne mérite pas nos soins. Quel genre d'elfe êtes vous donc pour l'accepter à vos côtés ?"

Les prunelles émeraudes s'allumèrent d'une lueur furieuse face au ton accusateur et c'est tout juste si la dague que tenait toujours Sindar n'alla pas se planter droit dans le pied du jeune imbécile. Non mais de quoi il se mêlait celui là ? Et qui d'autre qu'un elfe pouvait être assez arrogant pour aller laisser mourir un compatriote simplement par respect des convenances ? Fort contrarié, Sindar l'ignora délibérement pour se tourner vers le guérisseur et ordonner d'une voix calme et basse qui ne lui ressemblait pas.

"Soignez-le."

L'autre ne bougea pas un cil tandis que son supérieur secouait la tête en râlant :

"Pour qui vous prenez vous ?"

Bon cette fois ça y était, il était vraiment en colère. Un seul geste vif lui fut suffisant pour arracher le foulard qui recouvrait le bas de son visage et repousser son ample capuche, déclenchant par la même un mouvement de surprise parmi les troupes elfiques. Sa voix tonna et retrouva un instant l'intensité du temps où il avait été conseiller lorsqu'il gronda :

"Je suis Sindar Celeborn, j'ai six-cent-quatre-vingt-dix-neuf printemps et pas une seconde à perdre avec les enfantillages d'un petit soldat. Vous ferez soigner cet elfe, officier. Ou vous aurez toutes les raisons de vous faire appeler l'Ombre en sanglots à ma place d'ici la fin de cette satanée soirée."

Et la magie opéra. C'était bien la première fois qu'il s'apercevait que sa légende pouvait lui être utile plutôt que de le rendre fou. Machoire contractée, plus sérieux qu'il ne l'avait été depuis bien des années, il observa les gestes du guérisseurs qui agissait avec maîtrise. Le reste de la compagnie s'était rassemblée autour d'eux et lui jetait à présent des regards emplis de curiosité et de ce qu'il savait être de la pitié vis à vis de ce qu'il avait vécu. Si il avait seulement été certain que le blessé serait bien traité en son absence, il aurait quitté les lieux mais il se contenta de demeurer immobile et de subir. Cette impression de n'être plus qu'une bête curieuse était ce qui l'avait poussé à vivre en ermite pendant des siècles, il regrettait à présent cette retraite paisible. Décidé à garder son calme, il se concentra totalement sur les mains du guérisseur et n'entendit pas l'humaine revenir vers eux...

Virevoltant, s'insinuant, esquivant, frappant sans prévenir ci et là, la demoiselle fonçait et semblait ne plus se soucier de ce qu'il se passait en dehors du chant de son arme, ne s'extasiant même pas devant les tours de magie impressionnants qui faisaient rage autour d'eux. Exit ses préoccupations, ses doutes, ses peurs, ses questions, ses inquiétudes sur sa princesse et ses amis. Tout ça était balayé comme un coup de vent par la fièvre du combat. Ah c'est sûr, elle qui se plaignait de l'inaction du pays elfique, la voilà servie ! Les Alayiens surgissaient de partout, poussant comme des pâquerettes ! Et c'était l'heure de la récolte pour Ninna... Sur le pauvre homme en face d'elle, la guerrière projeta sur lui toute sa frustration, sa colère et ses angoisses. Au fur et à mesure, la jeune femme se rendait compte qu'elle avait accumulé beaucoup trop d'émotions, les siennes, mais aussi celles d'Esme et Kylian, mais aussi celle de ses compagnons et amis, qu'ils soient restés à la capital ou qu'ils les aient suivit jusqu'ici...
Se décharger ainsi de tout ce qu'elle avait sur le cœur lui faisait un bien fou ! Et il n'y aurait peut-être pas assez d'ennemis pour satisfaire son besoin de défoulement. Surtout que, en une seconde où elle s'enquit de ce que devenaient ses compagnons d'infortune, elle pu remarquer qu'ils semblaient vouloir lui piquer chacun leur part d'Alayiens...
Mais qu'importe, aux dires des éclaireurs et autres informateurs, les serviteurs de Néant étaient légion ! De quoi rendre la jeune femme presque aussi zen qu'un bapti.... ! Ce qui n'était visiblement pas prêt d'arriver, car voilà les renforts elfiques qui se décidaient à intervenir !

Finissant d'achever comme il faut son dernier adversaire, Ninna se retourna vers ses deux elfes, les mains sur les hanches avec un soupir ravit, un sourire satisfait sur les lèvres, mais qui retomba bien vite en constatant que l'un d'eux était salement blessé... Les armes de Néant étaient connues pour faire de sérieux dégâts sur les êtres magiques comme les elfes, mais même sans lames noires, si les points vitaux étaient touchés, elle ne donnait pas cher de sa peau ! La brunette se rapprocha du groupe, maugréant contre elle-même de ne pas avoir su surveiller ses arrières et de n'avoir mieux protéger les deux elfes...

Se tenant légèrement en retrait, elle écouta le groupe de renfort annoncer avoir un guérisseur parmi eux. Une aubaine ma foi, qui , sans qu'elle n'en comprenne la raison, s’avéra plus compliquée que prévue... Mais pourquoi faire tant de manière ? Cet homme, ou plutôt cet elfe, était clairement en train d'agoniser, et il n'y avait pas une seconde à perdre !
S'étonnant elle-même de l'inquiétude que lui procuré l'état d'un elfe, elle amorça un pas, serrant son épée dans sa main, choisissant sa cible : cet elfe semblait être celui qui commandait. Elle s’apprêta à se faufiler sans éveiller de soupçons et à placer sa lame sous sa gorge pour le prendre en otage et obliger les indécis à agir . Elle n'en eut pas le temps : le petit elfe semblait s'être réveiller ! Le voilà qui se lançait dans un discours pompeux sur elle-ne-comprenait-pas-quoi , mais qui apparemment avait l'air d'être efficace, puisque l'elfe guérisseur se mit à la tâche.

Traversant la foule de badauds, qui s'accumulaient autour de ces deux compagnons, sans prendre de gants , elle s'arrêta devant le blessé qui semblait être bientôt tiré d'affaire d'après le plis sur le front qui disparaissait peu à peu du visage du guérisseur. Voilà un pouvoir intéressant au moins ! Il faudrait qu'elle se penche un jour sur des techniques de soins... Mais plus tard, le moment n'était pas encore venu.
Un regard sur Sindar, elle essuya nonchalamment son arme sur un pan de tissu , en ajoutant :
« Hé ben, si on m'avait dit que les elfes savaient se battre … La prochaine fois on fera mieux ! »
Puis elle se tourna vers le chef du groupe et demanda sans détour , d'un ton qui ne souffrait pas une absence de réponse :
« Qu'est-ce qu'il s'est passé par le Dracos ? Je croyais qu'on était censé être protéger ici ! Et où sont les membres de la délégation ?? »

L'autre la toisa un instant, jugeant certainement la situation : valait-elle la peine de lui répondre , où si la snober ne serait pas suivit de grave conséquence ? De toute manière, ces informations concernaient également l'ancien conseillé alors bon... Il se décida à résumer brièvement la situation, mais ne pu lui répondre concernant la situation de sa princesse, au grand désarroi de Ninna... Plus que jamais, il fallait qu'elle retrouve Esme le plus vite possible !

Douleur. Fourberie et puissance, fut son attaque. Fulgurance et violence, ses atours. Et à travers elle, le vieil elfe semblait perdre tout autre notion, le monde autour de lui ne devenant, l'espace d'un instant, que brumes. Vapeurs éthérées, mouvements fuyant et virevoltant, sons bourdonnant et discordant. Il entrapercevait vaguement l'autre elfe se ruer sur son agresseur et le mettre à bas, il agrippa bien vaguement le regard furibond du chat toujours à l'affut toutes griffes dehors, de même qu'il percevait du coin de l'oeil les coups aiguisés de la guêpe à ses côtés. Mais... tout cela n'était qu'embrumé, perçu bien plus grâce à la magie qui était sienne que par ses sens perdus dans les vagues de douleur qui déferlaient en lui. De même que les ordres elfiques, mots salvateurs bénis, lui apparurent lointains, incertains... irréels. Perdus dans l'immatériel où temps et espace n'avaient plus de prise et n'étaient plus que douce ironie.

Mais quand des doigts effleurèrent l'une de ses blessures, la douleur s'aviva, le foudroya, lui envoyant comme une décharge à travers tout le corps... et étrangement lui offrit une nouvelle prise au temps présent et au lieu qui était le leur. Il se mordit les lèvres presque à sang pour ne laisser aucun son trahir sa faiblesse, maudite faiblesse. Et se maudit lui-même intérieurement pour avoir commis un tel impair en plein combat. Il le savait bien pourtant, l'expérience le lui avait si sévèrement appris : ne jamais perdre de vue son adversaire, ne jamais détourner les yeux. Ou si faire se devait, prendre les précautions nécessaires, se couvrir... il aurait dû se lancer armure ou autre protection sur lui, avant de détourner son attention. Il aurait dû. Mais il ne l'avait pas fait. C'était pourtant d'une manière presque similaire qu'il avait récolté sa pire balafre, celle au visage. A croire qu'il n'avait rien appris. Rien... Et honte à lui, de leur petit groupe, voilà qu'il se trouvait visiblement le seul blessé, constata-t-il piteusement quand il parvint à lever les yeux sur les deux autres.

Au soulagement de les voir sains et saufs, et surtout le petit chat en vie, il sentit une honte sans nom s'y mêler, lui qui n'avait pas su être à la hauteur. A leur hauteur. Grand Maître Mage, peut-être, mais bien piètre mage guerrier, dirait-on. Il tenta toutefois de se relever, foutue fierté mal placée, quand bien même il se sentait aux abords de l'inconscience et qu'il doutait pouvoir tenir debout. Mais une main ferme le força à rester en place. Sage main... à qui il dut concéder cette victoire et obéit sans autre protestation. Du moins le temps qu'il parvienne à reprendre des forces. Peut-être, si Dracos le voulait bien, arriverait-il à se lancer quelque sort sommaire le temps de consulter un véritable guérisseur...

Guérisseur qui semblait vouloir venir à lui toutefois. Enfin avait voulu, remarqua-t-il rapidement, les elfes du détachement approchant semblant s'être soudain figés en le voyant. Lui. Le Banni. Il aurait dû s'en douter. Il connaissait pareilles réactions, y avait déjà eu affaire après tout. Alors pourquoi ce soudain serrement au coeur ? Peut-être parce qu'il réalisait, en cet instant, que malgré tous les beaux plans de Galadrielle et d'Eliwyr, beaux plans bien utopiques visiblement, jamais il ne pourrait revenir. Jamais il ne serait à nouveau un elfe. Jamais... Il l'avait su pourtant, et aurait dû ne jamais l'oublier. A cette sombre pensée, il en aurait alors presque pleuré. Mais sa fierté, encore et toujours, l'en empêcha, avivée soudain plus encore, étrangement, par la scène qui se jouait maintenant autour de lui. Sans lui.

Il se garda bien d'intervenir. Et écouta avec une certaine curiosité avide l'ancien conseiller se réveiller en Celeborn. Il devait avouer qu'aussi petit puisse-t-il paraitre de prime abord, Celeborn en imposait. Cette prestance, cette force, cette volonté... Eliowir, qui savait pourtant en avoir eu tout autant il fut un temps, en fut esbaudi et resta subjugué par la scène, oubliant un instant la jeune humaine qui les accompagnait. Un brin jaloux aussi, du fait que lui, jamais plus, ne pourrait paraitre tel. Jamais... Voilà donc le mot qu'il se devait de retenir : jamais. Ne jamais oublier ce qu'il ne serait plus jamais.

Enfin, sans qu'il ne comprenne tout à fait comment, Eliowir se retrouva avec un guérisseur à ses côtés. Fort peu amène à son endroit, mais gestes maitrisés et savoir faire. Cela était si flagrant, que la magie sommaire, dont Eliowir bénéficia pour soigner ses blessures, ne pouvait s'expliquer par un défaut de compétence. Non, c'était tout autre chose et le vieil elfe savait pertinemment quoi. On ferait son devoir de guérisseur mais avec le strict minimum. Certes les soins étaient suffisamment efficaces pour contrer toute blessure mortelle, pour pallier à toute hémorragie et refermer les plaies... mais pas assez toutefois pour éviter plus tard infections ou autres, ni pour pallier à sa faiblesse actuelle ou à la douleur taraudante. Soit, qu'importait. Cela suffirait au moins pour le moment, et lui permettrait de finir le travail une fois l'accalmie retrouvée. Ou au pire, piètre guérisseur qu'il était lui-même, il demanderait l'aide des baptistrels si vraiment il n'y parvenait pas.

« Hé ben, si on m'avait dit que les elfes savaient se battre… La prochaine fois on fera mieux ! »

Charmante petite guêpe, fut-il tenté d'ironiser. Mais son sarcasme garda silence, comme s'il comprenait qu'en cet instant, il serait fort mal venu.

Heureusement la jeune femme s'était déjà tournée vers le détachement elfique et s'adressait à eux de façon bien discourtoise. L'elfe en lui ne put que s'ulcérer de ces manières bien cavalières. Le compagnon de combat et le banni par contre ne purent que se réjouir de l'air outré qu'arbora un moment le chef du détachement. Ce dernier sembla toutefois rapidement se reprendre et accorda, même si avec force réticence et quelque hésitation, les réponses qu'elle réclamait. Tandis qu'Eliowir tentait, d'un pas un peu chancelant, de se relever après avoir remercié le guérisseur d'un signe de tête et d'un regard longuement appuyé. Seul remerciement qu'il était en droit d'exprimer. Au bas de l'échelle à laquelle il était, il n'était pas censé adresser la parole à un autre elfe sans son consentement, après tout. Il pouvait bien réclamer droit de parole par un long regard, comme il venait de le faire, mais sans être sûr qu'on le lui accorde. Et sans qu'on ne le lui accorde présentement. Soit, il demeurerait muet donc. Du moins jusqu'au départ de l'attroupement.

Et ce fut tête basse, se concentrant pour ne pas chalouper, muet comme une tombe, qu'il attendit ledit départ. Qui ne se fit guère attendre, les elfes offrant à Celeborn une profonde révérence, accompagné d'un regard teinté de ce que le banni interpréta comme de la pitié, déplacée selon lui, avant de partir... et le gratifiant, lui, l'honni, d'un regard mortellement méprisant. Quand ce n'était pas carrément haineux. Il ne préféra pas relever la tête, brimant son lion au maximum de sa volonté, et serrant les poings à s'en faire blanchir les phalanges, pour se contraindre au silence et à l'immobilité totale, et pour ne pas commettre le pire des impairs... à savoir répondre par un sarcasme de son cru ou pire. Non, ce n'était pas le moment, il n'en avait aucun droit, sa place ne le lui permettait plus... et surtout ce serait bien mal remercier son ancien acolyte.

Quand enfin tous trois furent de nouveau seuls, il osa enfin relever les yeux, lentement, très lentement, pour les darder sur ses deux compagnons d'infortune. Il préféra d'abord s'adresser à la jeune humaine, faisant honneur au beau sexe comme la coutume humaine le préconisait parfois, plutôt qu'à la place sociale, comme son instinct d'elfe le lui criait pourtant.

- Jeune... Guêpe, si je ne m'abuse... à défaut de pouvoir vous nommer par votre nom. Veuillez accepter mes plus sincères remerciements et ma farouche admiration quant à vos indéniables talents de combat.

Se disant, il offrit une petite révérence à la jeune femme, tout en lui attrapant délicatement la main pour lui offrir un baise-main, laissant un peu de liberté à son totem lion qu'il avait muselé trop longtemps durant l'intermède précédent, et faisant fi de la faiblesse qu'il ressentait et qui menaçait de réellement le submerger.

Puis, sans attendre de réponse, il se tourna vers l'ancien conseiller, son visage balafré perdant tout sourire comme il avait déjà perdu toute couleur, et ses orbes nuit s'assombrissant encore en se remémorant l'outrage qu'il avait ressenti. Certes, à juste titre, mais cela n'empêchait pas de ressentir honte et douleur toute aussi cuisantes. Douleur bien plus vive même, que celle des deux coups combinés qu'il avait essuyés des lames alayiennes. Oui bien pire encore. Et cette douleur-là, aucun guérisseur ne semblait apte à les soigner.

- Sire Celeborn, fit-il tout en offrant le salut cérémonial à l'autre elfe, et restant incliné autant qu'il le pouvait, attendant que l'autre accepte de le faire se relever comme le voulait la coutume.

Il aurait dû également garder silence, là encore. Après tout, il était censé n'être autorisé à parler que si l'autre lui rendait un salut. Mais... Mais ils s'étaient déjà adressé la parole, lors des combats, et... et il s'agissait de Celeborn après tout. Un elfe un peu particulier, qui n'avait pas toujours suivi les préceptes elfiques à la ligne. pas comme lui...

- Je ne peux que humblement, aussi humblement qu'il m'est permis, ne put-il qu'ajouter, son lion arrogant rugissant rien qu'à ce mot, vous remercier de votre intervention. Je déplore que vous ayez dû vous abaisser à tel manège pour un elfe tel que moi.

"Pour un banni", chuchota une petite voix mesquine et cynique en lui.

- Et plus encore je regrette que vous ayez dû, pour ce faire, vous contraindre à révéler une identité qu'apparemment vous cherchiez à préserver. Je ne saurais comment payer ses deux dettes envers vous, Messire. Mais, dans la mesure de mes moyens... et dans le mesure des promesses que j'ai déjà à tenir, réclamez votre dû et je me ferai un plaisir de l'honorer dès que possible.

Et ce, toujours en restant incliné... malgré le fait qu'il sentait tous ses vieux muscles crier outrage... et qu'il commençait à trembler.

[HJ : tout juste, tout juste... Bon et si quoique ce soit n'allait pas, n'hésitez pas comme d'ordinaire ]

Il mourrait d'envie de quitter les lieux, et il n'avait toujours pas trouvé Merithyn pour ne rien arranger. Tout ceci lui déplaisait au plus haut point, les regards en coin des autres elfes n'étant certainement pas pour arranger les choses. Par chance la guêpe humaine sembla décider que le moment était bien choisi pour venir le tirer de ses pensées en interrogeant fort cavalièrement le chef du détachement. Connaissant le loustic il n'allait certainement pas apprécier de se faire interroger ainsi par une humaine mais après un moment d'hésitation et un regard courroucé il se décida tout de même à répondre. Pas grand chose en fait car il n'avait apparemment pas la réponse à ce qu'on lui demandait, mais au moins resta-t-il courtois. Et encore heureux, il n'aurait plus manqué que cela tiens ! La colère de Sindar couvait encore sournoisement au fond de ses prunelles acérées mais cela ne l'empêcha pas de sentir l'inquiétude que l'humaine semblait ressentir. Cherchait-elle quelqu'un elle aussi ? Ce ne serait pas étonnant avec tout ce fatras...

Son regard se tourna vers le guérisseur qui semblait en avoir terminé. Eliowir avait meilleure mine c'était vrai, même si il n'allait certainement pas remporter le moindre marathon avant un petit moment... Au moins survivrait-il. L'idée que le groupe elfique aurait pu laisser mourir l'un d'entre eux à quelques lieux à peine de leur royaume et sous leur yeux le hérissait terriblement. Pauvre sots qui ne savaient pas apprécier le caractère sacré de toute vie. Qu'importait le passé et même l'avenir, Sindar avait déjà trop sacrifié à l'esprit de la mort pour tolérer qu'on gaspille la moindre parcelle d'énergie vitale. Tout était réparable, à condition de vivre.

Pupilles rétractées, il demeura immobile et réprobateur devant la scène du départ de ses congénères et ne leur accorda qu'un mutisme presque discourtois en guise d'au revoir tandis qu'ils s'inclinaient devant lui. Tout ceci était grotesque, il avait laissé sa place de conseiller et endossé son masque immature dans le seul but de se débarrasser de ces civilités sans queue ni tête et voici qu'il s'y retrouvait plongé à nouveau, coincé au milieu d'une bataille à laquelle il ne voulait prendre part en compagnie d'un banni et d'une femme dont il ignorait tout... Le Sindar fantasque en aurait ronronné d'intérêt de d'amusement, mais le Sindar qu'il avait dû réveiller l'instant d'avant n'en ressentait qu'un ennui profond et une terrible envie d'aller s'isoler pour les quelques siècles à venir. Pouvait-il quitter les lieux à présent ? Eliowir était occupé à remercier la guêpe, ces deux là n'avaient plus besoin de lui et il pouvait disparaître très rapidement si il lui en prenait fantaisie. Il mit néanmoins une seconde de trop à se décider, permettant au lion de se tourner vers lui.

"Sire Celeborn"

Le salut cérémonial lui tira un haussement de sourcil. On l'avait salué plus souvent en quelques minutes que ces dix dernières années réunies. Incapable de déterminer si il était plus gêné ou plus agacé, les deux sans doutes, il resta immobile. La suite par contre ne pu qu'allumer une étincelle curieuse et presque effarée dans son regard perçant et il sembla hésiter un moment entre la possibilité de se mettre à hurler ou bien à rire. A moins qu'il ne décide de pleurer peut-être... Après tout c'était absolument affligeant cette histoire. Lui l'exilé qui n'en voulait pas se retrouvait à subir les honneurs décernées par un banni qui devait pour cela forcer sa nature. Comme si le chat futé qu'il était aurait pu oublier que le totem de son interlocuteur faisait de lui un félin particulièrement fier. Il prit finalement le parti de secouer la tête avec incrédulité tout en lui faisant signe de se relever d'un geste impatient :

"Soyez sérieux Serillëiel. Je n'aimais déjà pas ce genre de simagrée alors même que j'occupais un poste important. Je ne suis plus conseiller et presque autant exilé que vous-même. Ce qui me convient très bien par ailleurs."

Une lueur furtive de dépit s'alluma dans son regard lorsqu'il enchaîna presque pour lui-même :

"Ce c'est même pas le conseiller qu'ils ont salué en moi... Ils n'honorent que ce qu'ils croient savoir de moi..."

Il secoua la tête à nouveau, comme pour chasser ses sinistres pensées et reprit :

"Vous ne me devez rien. Un être vivant ne devrait pas mourir sous les yeux d'un autre, si c'est là l'honneur des elfes alors il ne vaut pas plus que la boue sous ma botte. Ne colportez pas cette scène et je serai déjà très heureux, j'en ai assez des chansons..."

Cela ne suffirait sans doute pas car il savait pouvoir compter sur le groupe elfique à présent hors d'atteinte pour raconter partout l'histoire de l'exilé venu en aide au banni mais tant pis. Le foulard sombre retrouva sa place sur le visage de l'elfe qui rabattit ensuite sa capuche jusqu'à ne plus laisser voir que ses yeux. Il s'apprêta à nouveau à partir mais le souvenir de l'humaine et de l'inquiétude qu'il avait lu dans ses yeux lui revint. Il se tourna vers elle :

"Mon frère elfique a raison, vous êtes une farouche combattante. Je ne sais où se trouve la délégation humaine mais j'ai recherche aussi quelqu'un. Merithyn, le gardien. Peut-être saura-t-il où il se trouve ? Voulez vous vous joindre à moi pour le chercher ?"

Avec hésitation, il tourna à nouveau la tête vers l'autre elfe :

"Et vous Eliowir ? Où allez vous à présent ? J'ignore quels sont vos projets, mais la fin brutale de ces négociations vous met en danger..."

L'écrasante majorité des elfes n'oseraient pas s'en prendre à lui sur les terres baptistrales, mais certains avaient la dent aussi dure que leur cerveau était mou... Conscient tout de même de ne pas avoir utilisé le bon argument pour empêcher le fier lion de faire cavalier seul il reprit plus adroitement :

"Sans compter les Alayiens. Je ne suis qu'un mage et un guerrier moyen, mes atouts résident dans ma discrétion et mon agilité. Seul je m'en sortirai sans mal, mais si je ne le suis pas alors mieux vaut être aussi nombreux que possible... Nous accompagnerez vous ?"

La troupe d'elfe étant repartie, les là à nouveau seuls... Quelle belle brochette de bras cassé que nous avions là! En observant le tableau qu'ils formaient, la jeune femme aurait cru à une toile très originale mais complétement surréaliste si on lui avait montré ce matin!
Sur la droite, une jeune guerrière humaine qui envisageait de se curer les ongles avec une lame alayenne, au centre un elfe balafré et mal en point qui venait de subir une belle dérouillée, et à droite, un petit elfe encapuchonné qui semblait être considéré comme le roi du monde par les imbéciles qui étaient venus à leurs rescousse. A oui, et aussi les cadavres des Alaayens qui les entouraient un peu partout par terre, plus ou moins en un seul morceau, le tout au milieu de cette majestueuse foret elfique. Et le tout, discutant comme s'ils prenaient le thé alors que le bruit des combats faisant rage au loin continuait de raisonner...

Le plus appréciable dans cette scène, fut de recevoir des compliments de la part des elfes sur ses talents de guerrière dans cette histoire. Voilà qui regonfla un peu plus la jeune femme! Elle inclina cependant respectueusement la tête en signe d'acceptation des compliments et les laissa finir d'échanger leurs politesse avant d'enchainer à son tour, souhaitant faire cesser cette manie de s'entendre appeler par son totem, avec cette désagréable impression d'être mise à nue :

"J'ai cru comprendre vos noms,mais du coup je ne sait plus si je doit faire des courbettes où pas.... J'avoue être un peu perdue, mais qu'importe : je me nomme Ninna Galliang, et si mon nom ne vous fait pas même hausser les sourcils je ne vous en voudrez pas!"

Mais elle n'osa pas décliner son identité complète, d'habitude si fière d'être le garde du corps personnel de sa princesse avant même d'être quoi que ce soit d'autre, aujourd'hui elle n'avait même pas le cœur à s'en venter... Car se venter de quoi? Ou était Esme? Elle n'en avait strictement aucune idée! Alors se targuer de pouvoir la protéger, quelle arrogance!
Si, par le passé, elle s'était conformée aux règles, si elle avait fait attention à son comportement à la cour, si elle ne se prenait pas le bec sans arrêt avec tous, même avec l'empereur, alors elle aurait assisté plus souvent aux réunions officielles, peut-être même aux négociations ici! Elle ne l'aurait pas perdue si bêtement!

Quand bien même, elle aurait pu l'attendre devant la porte de la salle des négociations, attendre sagement là, comme un pot de fleur, plutôt que de faire confiance aux elfes et à leur sois-disant super-protection-de-la-mort-qui-tue, elle ne serait pas aller faire un tour si loin, sans arme, sans connaître assez bien les lieux pour être capable de dire : Esme se trouve à deux kilomètres par ici.... Elle n'en avait fait qu'à sa tête, comme d'habitude, et aujourd'hui elle en payerait peut-être le prix fort!

Quand Sindar lui proposa de l'accompagner voir Merithyn, l'elfe qui avait aidé et conseillé Esme et Kylian, Ninna se dit qu'elle n'avait peut-être pas vraiment d'autres choix : après tout, soit elle les suivaient vers un endroit d'où elle pourrait retrouver facilement son chemin, soit elle restait là, seule, à se débrouiller avec sa conscience.

Elle redressa son menton volontaire et secoua ses pensées pour qu'elles se tiennent un peu tranquille :
"J'accepte volontiers, après tout, ça ne peut pas être pire!"
Et tandis que Sindar essayait de convaincre notre estropié de se joindre à eux pour continuer leurs joyeuses aventures, Ninna perçue de l'hésitation dans ses yeux, mais pourquoi donc? Il n'avait pas le choix de toute façon, il ne pouvait pas rester là dans son état, toute fierté confondue, au milieu d'une foret qui grouillait d'ennemis! Ca n'était même pas envisageable de laisser, même un elfe, un compagnon derrière sois. Elle ne lui laissa même pas le temps d'accepter ou de refuser qu'elle s'approcha d'Eliowir avec un grand sourire :

"Bien sûr qu'il va nous accompagner! " Joignant le geste à la parole, elle passa avec plus ou moins de douceur le bras de l'elfe sur son épaule et le soutient par la taille pour qu'il se serve d'elle comme d'une béquille, l'entrainant ainsi doucement mais surement vers.... Vers où d'ailleurs? Elle tourna prestement la tête vers Sindar :
"On vous suit maître Célebon" dit-elle en écorchant son nom involontairement, avec une pointe d'humour sur la formulation pompeuse, l'invitant à passer devant eux pour ouvrir la voie.
Ne perdant pas une seconde, tel un moulin à parole, elle reprit sa conversation avec Eliowir comme si de rien n'était :

"Oui, ça serait vraiment dommage de rater un autre combat ensemble! Il faut vraiment que tu me remontre ce truc là avec le colosse qui sort de nulle part! C'était plutôt impressionnant je suis forcée de le reconnaître! Mais si tu veux mon avis, tu manques de maîtrise au niveau du fouet, c'est un manque d'entrainement mais aussi de connaissance je pense, mais comme il semblerait qu'on ai de la chance aujourd'hui, il se trouve que je suis familière avec tout type d'armes! Je pense qu'il faut savoir en maîtriser au moins une dans la vie, mais aussi un minimum de base sur l'attaque ET la defense! Et que...."
Ses paroles se perdirent dans la foret au fur et à mesure qu'ils avançaient, continuant de parler en essayant de se concentrer sur la conversation et pas sur ses inquiétudes sur tous les gens qu'elle imaginait déjà perdus....

"Presque autant exilé que vous-même"… Voilà de quoi le laisser dubitatif. En quoi être exilé de choix était-il comparable au fait d’être exilé par bannissement ? Non pas qu’il ait réellement volé son bannissement, encore une fois il ne revenait pas sur cette peine qu’il avait jugé lui-même par trop légère antan, quand bien même la vivre dès lors depuis plus de cent ans lui faisait comprendre que cette peine était bien pire que la mort elle-même. Mais il ne voyait pas en quoi Celeborn pouvait bien être "presque autant exilé" que lui-même. Le chat l’avait choisi, lui, ce sort et cette solitude. Pas le lion. Enfin choisi.... l'exil, pas la solitude, se reprit-il intérieurement, se jugeant par trop sévère avec Celeborn, et un peu injuste.

Mais Eliowir devait avouer peiner à comprendre pourquoi Celeborn avait choisi un tel destin. Certes, sa tragédie était terrible, bien plus terrible peut-être que celle du vieux banni qui, lui, était responsable de la sienne, alors que Celeborn ne pouvait qu’endurer une tragédie jouée par le destin en personne. Mais de là à s’infliger, en outre, une solitude pire encore en s’écartant volontairement de ses paires… En abandonnant ses paires, avait-il même pensé un jour, il y a longtemps. Avant de finalement concevoir que, non, Celeborn avait été un elfe de devoir, et l’était toujours en un sens, au fond de lui, comme il venait de le lui montrer à nouveau. S’il s’était écarté ainsi de la communauté elfique c’était sans aucun doute qu’il avait jugé qu’il n’y avait aucune autre possibilité pour lui. Mais même en concevant ceci, il peinait à comprendre pleinement.

Et ce n’était nullement le moment de s’y essayer de toute façon, se morigéna-t-il. Pour toute réponse, il se contenta de se relever en grimaçant, et de douleur, et de scepticisme face à cette remarque. Mais il tint sa langue et brida son lion pour qu’arrogance éhontée ne s’empare pas de nouveau de son cynisme mordant. Ce n’était pas le moment, vraiment pas.

"Vous ne me devez rien. Un être vivant ne devrait pas mourir sous les yeux d'un autre, si c'est là l'honneur des elfes alors il ne vaut pas plus que la boue sous ma botte. Ne colportez pas cette scène et je serai déjà très heureux, j'en ai assez des chansons..."

- Comme vous voudrez, Sire Celeborn, fit-il de sa voix grave et profonde.

S'il acceptait de faire fi de certaines conventions, il ne put parvenir à ôter le "sire". C'était là bien trop lui demander. Un peu, certes, il voulait bien concéder quelques entorses, personne ne lui laissant visiblement trop le choix de toute manière, mais il ne fallait pas trop lui en demander non plus. Pas trop d'un coup... Les vieilles habitudes avaient la vie dure après tout.

- Même si je pense que les elfes qui viennent de nous quitter se feront eux-mêmes l’honneur de colporter la chanson des boues de votre botte, ne put-il s’empêcher d’ajouter, d’un ton un peu trop acide.

Comme quoi, impossible de réellement se contenir. Mais à sa décharge, il détestait qu’on s’attaque à l’honneur des elfes, l’honneur de son peuple. Même si, effectivement, parfois, lui-même s’en trouvait déçu, vu de l’extérieur. Lui qui en avait été si fier… Un peuple déchu. Sur tous les plans. Il s’en désespérait. Toutefois, que lui le pense, en son for intérieur, était une chose, mais que d’autres osent le dire, osent accuser les siens de la sorte, de façon si.. si outrancière… même si l’outrance venait d’un ancien conseiller... non cela il ne le tolérait pas. Il se sentait l'obligation, obligation si bien ancrée en lui par des années de longue et assidue éducation, de défendre son peuple, quoiqu'il advienne, quelques tords que soient ceux du beau peuple.

S’avisant toutefois à qui il venait de répliquer cette pique malvenue, son regard oscilla. Lui, un banni, venait de presque insulter un ancien conseiller, un exilé peut-être, mais un noble exilé, qui était toujours plus élevé que lui en hiérarchie. Il se sentit blanchir quelque peu, avant de prendre sur sa fierté déjà sacrément écorchée pour s’excuser autant que faire se pouvait :

- Je n’aurais pas dû vous parler ainsi, Sire, murmura-t-il les dents serrées, comme si les mots peinaient à les franchir, la voix presque atone sous l’effort incommensurable. Je vous prie de bien vouloir m’excuser pour ces mots malheureux et déplacés. Je maintiens toutefois que j’ai une dette envers vous, que cela vous plaise ou non.

Chasser la nature et elle revenait au galop. Il était visiblement incapable de tenir plus de quelques secondes son lion en laisse. Il en aurait rugi de frustration. Mais au lieu de cela, il s’efforça de ne pas détourner le regard et de garder un calme apparent. Faussement nonchalant.

Heureusement la jeune humaine les sortit quelque peu de ce marasme ambiant, avec la répartie discourtoise si habituelle des humains mais soudain si bienvenue :

"J'ai cru comprendre vos noms, mais du coup je ne sait plus si je doit faire des courbettes où pas.... J'avoue être un peu perdue, mais qu'importe : je me nomme Ninna Galliang, et si mon nom ne vous fait pas même hausser les sourcils je ne vous en voudrez pas!"

- Oubliez donc les courbettes, même si cela m'écorche de vous dire cela. Les humains en sont peu friands, de toute façon, de ce que j’ai pu comprendre après tant d’années à errer parmi vous, et vous avez entendu Sire Celeborn, il déteste cela. Quant à moi… ce temps est révolu, dirons-nous, répondit-il, tout en chassant de la main l’air devant lui comme s’il chassait une mouche gênante.

Il n’avait guère l’envie de s’appesantir sur qui il était vraiment. Elle en avait déjà assez entendu et assez vu à son goût.

Il s’attendait dès lors à ce que les deux larrons partent ensemble, quand la jeune humaine accepta l’invitation du sinueux chat. Il ne s’attendait certainement pas à ce que Celeborn daigne étendre l’invitation au vil banni qu’il était. Et la surprise dut clairement se lire sur ses traits balafrés, avant qu’il ne parvienne à reprendre un masque de fière indifférence. Une fierté qui se hérissa d’ailleurs d’autant plus quand l’autre elfe parla de danger.

Certes il n’était pas le meilleur des guerriers mages, ni des lanciers, mais tout de même ! Il avait survécu après tout à toutes ces années de guerre… Il avait appris à se battre depuis ses années d’errance. Il était loin le temps de cet ancien conseiller tenant une lance qu’il savait à peine manier ! Le lion en lui était outragé des mots du petit félin et n'avait qu'un seul désir en cet instant : en faire une seule bouché.

Avant que ce dernier ne se reprenne. Eliowir n’était pas dupe, il voyait parfaitement clair dans le jeu de l’autre elfe, qui visiblement cherchait à rattraper sa « bourde » et à apaiser l'orgueil du plus vieux si malmené depuis quelques temps. A se demander pourquoi Celeborn prenait soudain toute cette peine pour un vulgaire banni tel que lui…

Il ne savait toutefois que répondre, indécis, oscillant, conscient des risques, mais incapable de plier une nouvelle fois son lion. Il l’avait bien trop bridé ces derniers temps… pour ce que ca lui avait servi d’ailleurs ! Il ferait mieux de le laisser rugir à tout va et au Néant les bonnes mœurs elfiques ! Il n’eut toutefois guère le temps de répondre quoique que ce soit, que déjà l’humaine semblait avoir décidé pour lui. Et de lui prendre le bras et de lui enserrer la taille, et de décider à sa place ! Que ces humains avaient du toupet, cria-t-il en silence, ses yeux parlant pour lui, tandis qu'il la dardait, mi furieusement mi remerciant, de ses orbes sombres.

Il n’eut alors pas le cœur de repousser cette deuxième invitation, et… étrangement se laissa faire. Trop las, trop fatigué pour se battre avec eux, aussi. Après tout… Et puis le contact avec la jeune humaine était des plus chaleureux et il sentait déjà son lion se calmer, s’adoucir… se faire plus ronronnant, quand, enfin, il daigna répondre :

- Puisque vous insistez, gente Dame. Je cherche moi-même notre Impératrice, son Altesse Galadrielle Evanealle. Elle doit sûrement se trouver auprès de votre princesse, elles devaient être ensemble aux négociations en toute logique.

Puis, se tournant vers Celeborn :

- Et je pense que Sire Shadowsong aussi doit être non loin d’elles. Nos chemins semblent aller dans la même direction en effet.

Il accompagna ses paroles d’un léger hochement de tête et d’un regard appuyé vers le chat, comme pour l’inciter à avancer.

Pour rapidement se désespérer du moulin à paroles qui les accompagnait.

- Pas que votre compagnie est déplaisante, bien au contraire, commença-t-il d’une voix qui venait de prendre des accents suaves, sans même qu’il ne s’en rende compte. Mais êtes-vous donc toujours aussi pipelette ? Et pour votre gouverne mon arme de prédilection est la lance, pas le fouet. J’ai juste pris ce que j’avais sous la main. D’ailleurs, mon éducation n'avait pas réellement prévu que je devienne un guerrier mage. Nous dirons… Nous dirons que l’expérience me l’a fait devenir. J’ai conscience d’avoir encore beaucoup à apprendre en ces domaines, mais les leçons devront attendre.

Une soudaine image lui vint à l’esprit, de lui, apprenant de la gamine, et un fin sourire étira son visage balafré.

- Quand bien même ce serait un plaisir, il ne put s’empêcher d’appuyer ce dernier mot dans des accents ronronnant, de prendre de telles leçons de vous, belle guerrière. Et promis, j’apprendrais à maitriser le fouet, s’il n’y a que cela pour vous faire arrêter de crier de frustration.

Il avait choisi exprès des mots suffisamment ambigus en possibles sous-entendus pour choquer l’humaine et peut-être, avec un peu de chance, la faire taire.

Ils continuèrent ainsi leur route, sous le babillage constant de l'humaine apparemment nullement déroutée par les paroles du vieil elfe. Et sans rencontrer nul autre alayien pour leur barrer la route ni nulle autre agression quelqu'elle fut. Pour le meilleur... ou pour le pire.

[HJ : édité^^ j'espère que ca ira, sinon je peux rééditer. Ce rp conclue le tout du coup ? ]