Retrouvailles inespérées [PV Galadrielle] TERMINE

Galadrielle, du beau peuple douce reine,
Ta grâce n'a d'égal que l'éclat du soleil,
Astre qui t'a donné sa splendeur sans pareil,
La destinée des elfes, en ton cœur, est tienne.

Le bonheur de ton peuple toujours tu souhaites,
Au détriment du tien, savamment étouffé,
Sur l'autel du devoir, souvent sacrifié.
Mais son lent déclin, si sombre destin, t'inquiète.

Ta force et ta volonté tu lui as dévoué,
Ton âme entière dans cette lutte acharnée.
A l'amour de ton peuple en retour condamnée,
Son soutien indéfectible tu as gagné.

Belle Galadrielle, ma si douce reine
Ne laisse pas nos cœurs de noirceur se troubler,
A toi, à jamais, je serai le chevalier
Ordonne-moi, et ta volonté sera mienne.

Lumière de nos jours, étoile bien aimée,
Illumine mon sombre et funeste chemin,
Que ta puissance ensoleille nos lendemains,
En ton nom alors, haine sera désarmée.

Mais même si l'agonie gagne et nous fait sienne,
Tu ne seras pas seule, en ces derniers instants,
Jusque dans la mort, jusque les pires tourments,
Oui, je te suivrais ma soeur, mon amie, ma reine.

Quatrième jour- Après midi

Eliowir venait de finir son repas dans une des salles communes prévues à cet effet. A son plus grand désarroi, il n'avait pu éviter de se retrouver mêlé aux autres invités de la communauté elfique, du moins à ceux qui n'étaient pas des hauts gradés, toutes les salles se retrouvant plus ou moins occupés. Il avait beau avoir choisi la moins occupée, il avait quand même dû faire face aux regards, aux chuchotements, son surnom honni se murmurant jusqu'à ses oreilles. On ne se gênait plus pour lui offrir ces murmures de visu, et non plus seulement dans son dos. Il ne savait s'il devait s'en réjouir ou s'en désespérer, mais au moins il savait à quoi s'en tenir, ce qui n'était sans doute pas plus mal. L'infanticide banni était de retour. Voilà qui était dit et annoncé, par les quelques uns qui l'avaient reconnu ou par ceux qui connaissaient la sombre réputation de son histoire.

Il aurait certainement pu prendre son repas dans sa chambre, quand il avait posé la question les premiers jours on lui avait proposé cette option. Mais rester constamment enfermé... Certes la chambre n'était pas vétuste, loin de là, mais il n'était plus habitué aux espaces étriqués. Et puis... Il n'alalit tout de même pas fuir ! Son but premier était bel et bien d'éventuellement retourner au royaume, et d'offrir ses compétences au conseil, à l'impératrice surtout, en ces temps troublés où un elfe seul au dehors n'était plus d'aucune utilité... Ces murmures, ces racontars, ces regards le jugeant, le toisant de tout leur mépris... assurément il y aurait droit tôt ou tard. Valait mieux alors s'y habitué tôt plutôt que tard, tenta-t-il de relativiser.

C'est sur ces pensées qu'il acheva son repas. Double ration. Comme toujours depuis qu'il était arrivé. Il avait beau se morigéner et se sentir quelque peu honteux de cette gloutonnerie, il ne pouvait s'en empêcher, affamé qu'il était. Affamé de tout d'ailleurs. Les baptistrels, dans leur générosité sans faille, lui avaient assuré qu'il devait manger à sa faim, et qu'il ne se prive surtout pas. Toutefois Eliowir songeait, depuis la veille déjà, à proposer... quelque chose en échange. Il n'avait peut-être pas de quoi payer, et était quasiment assuré que les baptistrels refuseraient d'ailleurs tout paiement, mais il pouvait bien proposer ses services ? Oui, certainement même. Il devait bien être capable de faire quelque chose d'utile pour la communauté qui l'accueillait ainsi, le nourrissait et le logeait si gracieusement. Certes, il n'était pas doué pour les taches domestiques, mais au pire... il apprendrait s'il le fallait. Oui, voilà, il irait proposer ses services dès qu'il le pourrait à un baptistrel apte à prendre des décisions. Voire à Merithyn Shadowsong lui-même, dès que le temps lui serait moins compté...

Fort de cette résolution, qui le ragaillardit et lui fit presque perdre conscience des regards et murmures réprobateurs, il se leva souplement. Enfin aussi souplement que son corps fatigué le lui permettait. Il ne savait sur quel compte mettre sa fatigue : les tortures subies par le prince des vampires ? la longue chevauchée harassante en compagnie des créatures de nuit ? Son âge avancé qui peut-être le menaçait de vieillesse prématurée ? Il était normalement encore dans la fleur de l'âge pour un elfe, mais allez savoir... Chassant rapidement ses pensées parasites, son regard avisa rapidement la coupelle de fruit qui trônait devant lui. Il avait certes bien mangé... mais il ne dirait pas non à un dessert. Si la faim ne le tenaillait plus vraiment comme au premier jour, un instinct lui disait de prendre ce qu'il avait avant que tout cela ne disparaisse. Oui, profiter, chaque instant, chaque journée... chaque repas... avant que tout ne soit plus et que sa vie d'avant, sa vie d'errance, ne le rattrape. Chaque repas pris sera toujours cela de gagné...

Se pensant, il s'empara prestement d'une pomme, dans laquelle il croqua avidement. Il était pour s'éloigner de la table quand... il se décida d'en prendre une autre. Puis une troisième encore. Un autre instant d'hésitation. Moui, trois pommes c'était pas mal. Non, quatre peut-être... Oui, trois pommes pouvaient tenir dans sa main gauche... Pouvait-il tenir quatre pommes dans une main ? Non, visiblement non... Tant pis, il ne prendrait donc que trois pommes supplémentaires, conclut-il dans un haussement d'épaules, cette fois-ci s'éloignant définitivement et sortant de cette salle dont les murmures semblaient avoir quelque peu enflés. Certainement de nouveau réprobateurs face à son comportement glouton. Mais était-ce de sa faute s'il avait toujours faim, et faim de tout ?

C'est ainsi qu'il se dirigea dans les couloirs, au gré de ses pas, sans même véritablement prendre garde au chemin qu'ils prenaient, savourant sa pomme, et anticipant déjà la douce saveur des trois autres qu'il tenait dans l'autre main. De tous les fruits, ce n'était peut-être pas ses préférés, mais il devait avouer que celles-ci étaient gouteuses... Tout à sa ballade, il ne se rendit pas compte qu'il avait atteint les appartements des invités de marque... et surtout les jardins intérieurs qu'ils entouraient. Eliowir aperçut par une fenêtre grande ouverte, les somptueux jardins, qu'il n'avait encore jamais osé visiter. Lui en voudrait-on s'il s'y rendait ? Non, peut-être pas... s'il se montrait discret. Et puis au point où il en était... Il doutait qu'on puisse lui en vouloir davantage encore pour être honnête. Autant profiter alors de ce petit plaisir simple. Le soleil chatoyait dans les branches de quelques arbres, et les fleurs pullulaient en certains endroits dans une harmonie de parfum et de couleur à vous couper le souffle. Eliowir fut si subjugué par cette vue qu'il en resta un instant ébahi au seuil du petit chemin qui bordait cette magnifique tapisserie vivante.

Il lui fallut plusieurs minutes avant qu'il ne se décide enfin à violer l'intimité des lieux paisibles. Marchant toutefois doucement, aussi silencieusement que possible, ne souhaitant pas rompre la quiétude de ce petit paradis. Il pouvait entendre un oiseau lancer une petite trille de joie, alors qu'un de ses compagnons venaient de se poser sur une branche. Une abeille non loin butinait une fleur, profitant alors du nectar offert... Oui, un véritable paradis, songea-t-il, tout en reprenant la dégustation de sa pomme. Et alors qu'il avisait un arbre, à l'ombre duquel il pensait aller paresser, comme il avait pris l'habitude de le faire ces derniers jours, il aperçut une silhouette.

Sa silhouette. Elle. Ici. Il l'aurait reconnue entre mille. Il la connaissait trop bien. Même à cette distance, le doute n'était pas permis. Oui, c'était bien elle. Si altière, si belle, si reine...A cette vue, son coeur sembla soudain partir dans une course effrénée, son souffle alors bloqué se fit erratique, manquant de le faire suffoquer, ses mains tremblaient, menaçant de tout lâcher... Oui, c'était bien elle. Son impératrice, sa reine, son amie... Oui, dans son coeur elle était encore et resterait toujours son amie. Peut-être n'en était-il plus ainsi la concernant, vis à vis du banni qu'il était dès lors, mais, quoiqu'elle puisse penser de lui, quoiqu'elle puisse le renier, pour lui elle resterait toujours son amie, celle avec qui il avait grandi, celle avec qui il s'était maintes fois disputé aussi, parfois par politique, parfois par taquinerie. Son impératrice, sa presque soeur, aurait-il osé. De tous, il n'aurait pensé la revoir là, si sereine, si paisible, presque... somnolente. Il n'avait pas imaginé leurs retrouvailles ainsi.

Non, pas ainsi, songea-t-il. Et alors, il eut l'envie de fuir. Une envie si prenante, si puissante, que sans même y penser, il reculait déjà. Mais Dracos avait encore décidé de jouer contre lui, et son pied trébucha sur une branche traitresse, faisant craquer le bois lourdement dans l'air, son écho résonnant soudain bien durement à ses oreilles. Ce qui suffit à définitivement alerter la belle Galadrielle. Oui, belle Galadrielle, se répéta-t-il alors qu'enfin, elle se dressa non loin de lui.

Fuite n'était plus possible. Ne lui restait plus qu'à affronter ses retrouvailles. Qu'à...

Et sans prévenir, il se jeta à genoux, offrant le salut cérémonial à son impératrice, mains croisées devant sa poitrine, tandis que les pommes brutalement lâchées tombaient et roulaient à terre.

- Votre Majesté, murmura-t-il dans un souffle à peine audible, restant savamment agenouillé dans cette révérence empreinte de respect et d'appréhension mêlées.

Huit mois de grossesse... Galadrielle se demandait comment les humaines arrivaient à tenir de cette manière. Chaque jour, elle lui semblait gonfler toujours plus, perdant de sa grâce pour devenir pataude, peut-être même grotesque malgré les murmures des autres déclarant qu'elle paraissait toujours plus épanouie que le jour précédent. Étaient-ils donc aveugle par Dracos ?! Tssss... Ça aussi ça la perturbait, ces changements d'humeurs, tellement imprévus et sans contrôles : elle pouvait passer du rire aux larmes en un temps record sans que quiconque ou même elle ne comprenne le pourquoi du comment de la chose. C'était vraiment déroutant et cela la fatiguait encore plus que sa prise de poids conséquente et douloureuse : elle ne savait pas si elle devait mettre ses articulations douloureuses sur le compte de sa vieillesse grandissante ou sa grossesse. Elle dormait aussi de plus en plus, ses nausées ne lâchaient pas son frêle estomac et le pauvre Zaphirel, elle avait de moins en moins la force de faire durer leurs promenades et leurs conversations alors qu'il avait tellement besoin de compagnie. Sans compter que lorsqu'elle ne dormait pas ou n'avait pas le cœur au bord des lèvres, l'impératrice ressentait des envies étranges pour se sustenter, réclamant des mélanges choquant le conservatisme aiguë des elfes qui n'étaient pas du tout habitué aux grossesses.

Outre la perspective de voir ses enfants venir au moins, l'assurance de retrouver la stabilité normal d'avant sa gestation était somme tout une perspective alléchante.

Mais elle avait promis à Merithyn de continuer de bouger un peu, de continuer à faire un peu d'exercice parce que ça ne pouvait être que bénéfique le jour où elle devra accoucher. Et le terme était si près... Cela lui faisait un peu peur en y réfléchissant et, comme elle avait conscience que cela serait très difficile ce jour-là, elle avait encore plus peur. Alors, pour ne pas penser ce qui arriverait plus tard et pas si loin que ça, Galadrielle s'efforçait de quitter son lit ou son fauteuil pour marcher un peu, prenant appui sur les murs pour assurer sa démarche, son autre main soutenant son ventre, avant de s'échouer avec grâce comme une baleine sur une plage dans le long divan qu'on avait eu la gentillesse de placer sous l'un des arbres du jardin privatif des appartements des invités de marques. Rien que le fait d'avoir marché de son lit où dormait toujours son époux jusqu'à son siège l'avait éreinté et elle s'y assit avec précaution avant de s'y allonge, se pelotonnant contre les oreillers et souriant de bonheur en entendant le chant de ravissement de l'arbre qui semblait content d'avoir un peu de compagnie.

Inconsciente de ne pas être seule dans le jardin, Galadrielle se redressa quelque peu et cala confortablement les coussins contre son bassin endoloris avant d'ouvrir sa besace sans fond pour en retirer des rouleaux de soie et de coton de la meilleur facture que l'on pouvait trouver, caressant rêveusement les matières avant de fredonner un léger chant en imaginant ce qu'elle voulait avoir, à savoir des vêtements pour ses enfants à venir. Et c'est donc sous son regard satisfait que des petits vêtements prirent forme sous ses yeux, enchantant ses instincts maternels au point de faire naître un sourire éblouissant sur ses lèvres. Ils étaient si petits et si beaux... Un rire cristallin pétilla sur ses lèvres alors qu'elle resserra sa houppelande bordeaux autour d'elle pour la garder au chaud et dissimuler son ventre distendu avant d'attraper une aiguille et de fil pour broder les habits qui venaient d'être créé, et très vite des motifs de fleurs et de lierres, des arabesques et des oiseaux se virent broder sur les tissus. Une activité qui détendait agréablement l'esprit et la fit doucement somnoler sur son divan. La tranquillité des lieux, la douce chaleur, le ciel bleu et le soleil éclatant, le murmure bienheureux du jardin qui lui comptait milles et une merveilles... Galadrielle se sentait vraiment bien.

CRAC ! Le bruit résonna comme un coup de tonnerre et brisa le calme si doux des lieux, réveillant et faisant sursauter l'impératrice qui se piqua le doigt et la fit couiner de surprise douloureuse.

- Qui est là ? Demanda-t-elle en se suçant le doigt, écartant son travail pour se redresser et regarder autour d'elle.

Et elle le vit... Cela faisait combien de temps qu'elle ne l'avait pas vu ? Une éternité sans nulle doute... Ébahit et les larmes remplissant son regard, c'est en silence qu'elle le regarda se jeter à ses pieds et la saluer comme l'indiquait le protocole. Mais à vrai dire, elle était beaucoup trop sous le choc pour tenir compte de s'il respectait ou non les usages : que faisait-il ici...

- E... Eli ? Bredouilla-t-il en le dévisageant du regard, ne semblant pas y croire.

On avait finit par lui dire qu'il était mort durant son bannissement, trop brisé par le chagrin d'avoir perdu des êtres qu'il aimait encore plus que vivre ou respirer. Alors elle n'avait pas pu lui offrir le pardon impérial comme elle aurait aimé le faire... De toute évidence, c'était encore une magouille de ces vieux hiboux. Dracos qu'elle était heureuse de s'en être délestée ! Souriant de bonheur, elle écarta houppelande et couture avant de se laisser glisser avec précaution à terre pour enfin se jeter dans ses bras de tout son poids plus conséquent que coutumier, enroulant les siens autour de son cou et se pressant contre lui en souriant de bonheur, pleurant à chaude larme en respirant son parfum et sa présence. Son meilleur ami, son ami d'enfance... Son frère qu'elle n'avait jamais eu et qu'il avait toujours incarné... Eliowir était là !

- Je suis tellement heureuse de te voir Eli ! Comment vas-tu ? Que t'est-il arrivé pendant tout ce temps ? Pardonne-moi de n'avoir rien pu faire lors de ton jugement... Je suis tellement désolée de ne pas avoir pu protester ou d'être seulement venue à ton aide... Pardonne-moi, je t'en prie... Je suis tellement navrée pour tout ce qui t'est arrivé... Murmura-t-elle contre lui en s'enfouissant dans ses bras, pleurant doucement en s'accrochant à lui : elle ne voulait plus qu'il disparaisse, elle avait besoin de lui plus que jamais en ce moment et était prête à tout pour se faire pardonner de leur passé.

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{hrp: j'ai pas osé trop m'avancer donc à toi de voir où tu veux qu'on parte dans ce rp :p il y a la grossesse, les vêtements qu'elle cousait, les pommes, le pourquoi de sa venue dans ses lieux à elle et à lui, le jugement d'Eliowir dans le passé, etc... A toi de voir ^^}

- E... Eli ?

Ce petit surnom... Ce fameux surnom qu'il avait tant détesté étant petit, puis qu'il avait appris à apprécier, parce qu'il venait d'elle, il n'était que pour elle, parce qu'il était si doux dit par elle. Cela faisait longtemps qu'il ne l'avait plus entendu. Des décennies, des siècles selon lui. En fait presque un siècle et demi plus précisément... Cet vingt-huit longues années. Cent-vingt huit... Une éternité....

Elle l'avait reconnu. Malgré toutes les années, malgré les balafres qui couturaient dès lors son visage, des balafres qu'il n'avait pas encore à son départ et qu'il avait acquises sur les champs de bataille, comme toutes celles qui zébraient sa peau en d'autres endroits, malgré son changement de morphologie, à la fois plus maigre et tout en musculature ascétique... malgré tout cela, elle l'avait reconnu. Comme lui l'avait aussi reconnue.

Quelle fut sa surprise cependant quand il la vit s'agenouiller devant lui et se jeter littéralement dans ses bras. Il n'y avait bien qu'elle pour faire fi de tout protocole (un de leurs vieux terrains de mésentente d'antan d'ailleurs) et pour accueillir ainsi, à bras ouverts, un vieux banni. Choqué par cette réaction, il mit un temps à réagir... avant de finalement répondre à son étreinte. Doucement. Lentement. Par gestes tendres et précautionneux, comme s'il craignait de la blesser. Ce qui n'était pas loin d'être le cas. Elle était enceinte. Enceinte, par le Dracos ! Et presque à termes, dirait-on, s'il en jugeait par la proémninence de son ventre. Galadrielle enceinte ! A son âge ! Cela était une magnifique bénédiction mais aussi un grand danger pour elle... Et Eliowir craignit soudain de ne provoquer le danger. De lui porter malheur, de la souiller de sa propre malédiction...

Il n'eut le coeur de la repousser toutefois, et au contraire l'entoura délicatement de ses bras vigoureux. Oh oui, elle lui avait manqué, sa presque soeur. Et quand il sentit les larmes de la belle elfe couler sur sa peau, il ne parvint à retenir les siennes, silencieuses, traitresses, qui lui chatouillaient alors ses vieilles cicatrices.

- Galadrielle. Ma petite Gala...

Oui, bon d'accord, ce n'était pas une façon de parler à son impératrice que de l'appeler "petite Gala". Mais c'était ainsi qu'il la nommait quand ils étaient enfants. Et même après d'ailleurs, quand le conseil leur laissait quelque intimité de vieux amis. Petite Gala... Elle avait après tout deux ans de moins que lui, n'est-il pas ? Bon, ce n'était que pure futilité que ces deux petites années de différence. Mais qu'importe, elle restait pour lui la plus jeune, la petite soeur qu'il avait voulu protéger, sa petite Gala...

- Je n'aurais jamais cru pouvoir te revoir un jour. Tu m'as manquée... Tu...

Mais quand elle lui demanda pardon, il ne put la laisser ainsi se morfondre. Pas pour quelque chose dont elle n'était en rien responsable. Il l'écarta doucement alors, ses deux mains appuyant sur les épaules de Galadrielle pour la forcer à s'écarter un peu et pour mieux la regarder droit dans les yeux. De ce regard si triste et si heureux à la fois, un regard où valsait mille et un sentiments. Nostalgie, profonde tristesse, âpre mélancolie, grande joie de retrouver ainsi son amie, soulagement de la savoir en vie, mais aussi regrets amers, vive douleur toujours aussi intense... immenses remords et dégoûts sans fin de lui.

- Il n'y a rien à te pardonner Galadrielle. Rien. Tu n'es en rien responsable de tout cela. Le seul responsable ici, c'est...

Un sanglot menaça de lui couper la parole mais après une rapide inspiration, il parvint à reprendre plus bas. Plus chuchotant.

- C'est moi. Tu as bien fait de ne pas intervenir. On te l'aurait reproché. A raison d'ailleurs. J'ai mérité cette peine, oui, je l'ai amplement mérité. Je... Après...

Non, là, il ne pouvait prononcer ces mots, il ne parvenait à en parler. Pas là, pas avec elle. Alors qu'il était parvenu à évoquer ces douloureux souvenirs avec des inconnus, elfes et vampires d'ailleurs, il ne se sentait pas capable d'y faire face devant elle. Il sentait qu'avec elle, toute sa peine se déverserait. Et pour rien au monde, il ne voulait gâcher ces retrouvailles par des pleurs.

Il approcha alors doucement sa main du beau visage de l'impératrice, et délicatement, de son pouce, alla effacer les traces de larmes qui avaient osé souiller ces traits si délicats. Si beaux. Si purs.

- C'est moi qui suis désolé Galadrielle. Pardonne-moi... Non, tu ne peux me pardonner ce geste terrible. Rien ni personne ne pourrait pardonner cette... abomination.

Se disant, il baissa la tête en signe de reddition et de résignation.

- Mais... pourras-tu me pardonner de t'avoir ainsi abandonnée à cette bande de loups affamés ? J'espère qu'ils ne t'en ont pas trop fait voir, ajouta-t-il, en parvenant à y associer un fin sourire, tout en relevant son sombre regard.

Puis ses yeux dévièrent sur le ventre rebondi. Il approcha une main tremblante vers lui... puis se ravisa vivement, réalisant ce qu'il allait faire. Ce qu'il avait failli oser faire. Un tel geste, presque intime, et surtout un tel affront venant de lui, l'Infanticide...

- Je vois que tu attends un heureux événement, croassa-t-il, sa voix rauque chargée de nouveaux sanglots menaçant de ressurgir. Comment te portes-tu ? Ta grossesse se passe bien ? S'enquit-il l'inquiétude perlant clairement dans ses timbres graves. Quel merveilleux cadeau que le Dracos te fait là...

Et se disant, il ne put s'empêcher de caresser une mèche de cheveux de la belle elfe, qu'il repoussa derrière son épaule. tout en caressant doucement sa joue, d'un geste tendre, amical, plus même, réellement fraternel.

(HJ : j'ai omis volontairement de répondre à ce qui lui était arrivé tout ce temps J'espère que ca te plaira, si soci, ne pas hésiter surtout )

Croyez-vous que la grossesse, en plus d'être douloureuse et d'offrir la nausée, pouvait créer des illusions aussi belles et réelles que maintenant ? Parce qu'après tout, le Conseil ne lui aurait tout de même pas mentit n'est-ce pas ? Eliowir était officiellement mort alors comment se pourrait-il qu'il se tienne contre elle, sa chaleur se fondant dans la sienne ?! Remarquez, après ce qu'ils lui ont fait, un petit mensonge comme celui-ci ne l'étonnerait pas... Mais était-il vraiment là au moins ? N'était-elle pas plutôt en train de rêver, son fil et son aiguille à la main ? Cela ne pouvait être ! Et pourtant... Pourtant quand il la surnomma comme avant, « ma petite Gala » elle sut, elle le reconnut et une vague de bonheur et de culpabilité la noya alors qu'elle s'enfouissait de plus belle contre ses bras, souriant de joie en sentant ses bras se resserrer autour d'elle et pleurant en lui demandant de lui pardonner ce qu'il s'était passé par le passé, de lui pardonner son inaction envers lui alors qu'ils l'avaient jugé sous ses yeux : la loi était la loi, aussi dure et cruelle pouvait-elle paraître, mais elle aurait aimé avoir le pouvoir de la changer pour qu'il reste à ses côtés.

Sa voix rauque et douce comme un velours un peu râpé, ses bras la tenant avec fermeté et délicatesse contre lui... Il avait toujours été un chêne contre lequel elle prenait plaisir à se reposer, il était l'un des piliers avec son époux qui l'avait toujours aidé à tenir bon et ne pas se laisser manipuler par les autres conseillers.

- Toi aussi tu m'as manquée Eli... Se revoir ici, en ce terrain neutre... C'est un don de Dracos et je ne le remercierais jamais assez de m'offrir cette possibilité de te retrouver... Dit-elle en souriant, ses yeux brillants de larmes de joie avant de s'assombrir. Mais je m'en veux tellement... Je suis sûr que je pouvais faire quelque chose pour toi, ce n'était pas de ta faute si ta famille s'est éteinte ! La loi aurait dû être plus clémente ! S'exclama-t-elle avant de se mordre la lèvre, l'écoutant avant de baisser les yeux. Ces vieux hiboux et leurs protestations, cela ne m'intéressait pas et ne m'intéresse toujours pas Eli... Je n'aurais jamais dû te laisser subir tout ça, j'étais l'impératrice du royaume sylvestre, j'étais la mère des elfes, je suis sûr qu'il était en mon pouvoir de te venir en aide... Continua-t-elle à voix basse, frissonnant sous ses doigts qui effaçaient ses larmes en le regardant avec une profonde affection, profondément têtue et déterminée.

Il n'empêche que s'il avait fait attention, il aura noté le « j'étais » dans ses propos et ce, à juste titre. Cent vingt huit ans... Beaucoup de choses se sont passées depuis son départ et beaucoup continuaient d'avancer dans le temps à présent qu'ils se retrouvaient tous les deux ici, à Tomingorllo. Soupirant doucement, elle lui offrit un brave sourire et s'appuya sur lui pour se relever, tanguant un instant avant de se rasseoir sur son divan en s'emmitouflant dans sa houppelande. Elle rangea ses affaires avant de plier ses jambes sous elle et de l'inviter à l'y rejoindre en tapotant doucement la place à côté d'elle.

- Tu connais le conseil mon ami, ils n'ont aucunement changé depuis ton départ, figé dans leurs pensées et leurs projets... Grogna-t-elle avant de poser une main tremblante et protectrice sur son ventre, pâlissant en repensant à toute cette histoire. Une heureux événement oui et cela se passe bien, le baptistrel Merithyn suit de près ma santé pour être paré le jour de l'accouchement, d'ici deux ou trois semaines environ... Mais elle n'a jamais été prévu cette famille que je désirais tant... Souffla-t-elle à voix basse, la gorgée serrée malgré la douceur des doigts d'Eli dans ses cheveux. Tellement de choses se sont passés depuis ton départ... Tu avais bien vu que Thran commençait à vieillir avant ton départ et aujourd'hui il est en train de mourir, sa conscience s'éteint peu à peu et son corps plonge toujours plus vers un sommeil définitif... C-ce n'est plus qu'une question de semaines à vrai dire avant qu'il n'ait sa place dans le Jardin des Souvenirs avec ta femme et ton fils... Expliqua l'impératrice d'une voix étranglée, une larme roulant de nouveau sur la soie pâle de sa joue.

Ça devenait dur de tout raconter...

- Et pour eux... Oh Eli... Jamais je ne regretterais de les porter en moi, je les aime déjà mes petits jumeaux ! Mais... Rien que d'y penser comment ils ont été conçu... Ça me donne la nausée ! Pleura-t-elle de nouveau en serrant ses bras autour de son ventre comme pour bercer ses enfants à naître. Pour fêter mon retour au pays parce que j'étais allée au royaume humain avant de les aider à contenir une étrange maladie, une soirée a été organisé et ça chantait, ça dansait, ça riait... Mon peuple était tellement insouciant et heureux comme ça, sourit-elle en y repensant avant de s'assombrir. Et, bien entendu, j'avais remarqué plusieurs membres du conseil tourner autour d'Aegnor, tu sais mon neveu, alors j'ai finit par l'envoyer danser à ma place... Et puis j'ai finit par... Par me sentir étrange alors je suis sortit prendre l'air et... Et il y avait quelqu'un pour qui j'avais de l'affection... Et alors... E-et... On s'est unit physiquement sous les yeux de Dracos, à l'abri des regards dans le bosquet magique, sur un lit de mousse, raconta-t-elle à voix basse sans cesser de pleurer, son cœur pesant aussi lourdement en elle qu'un bloc de marbre, effondrée. J'ai d-découvert que j'en suis tombée enceinte et que c-c'était une potion d'amour qui avait ét-té versé dans le verre d'Aegnor, afin de le piéger et moi par extension... Sauf que c-c'est moi qui l'ai bu... J'ai tenu quatre mois avant que le conseil de découvre mon état... E-et ils m'ont destituée de mon statut d'impératrice et banni conformément à nos lois mais de façon officieuse pour ne pas affoler le peuple qui souffre déjà a-assez à cause des Alayens qui envahissent nos terres et tuent sans distinction et p-pitié... Sanglota-t-elle en racontant vaille que vaille ses « aventures ». Mes elfes avaient encore besoin de toi mais le conseil, qui désirait m'évincer depuis tellement de temps et m-mettre à ma place un pantin, a sauté sur l'occasion... Renifla-t-elle en frottant ses joues pour essuyer ses larmes avant de pouffer de rire légèrement, fière d'elle sur le point qu'elle allait lui confier. Mais je les ai prit de cour et j'ai placé quelqu'un de confiant à ma place que j'ai présenté de façon officielle... Il est plus jeune que moi et plus à même de les contenir, j'étais trop âgée et épuisée pour continuer ma tâche de toute manière même si j'aurais aimé quitter mon trône une fois le temps de paix régnant sur Armanda... Je suis encore impératrice mais je le forme alors dès qu'il sera prêt, je ne serais plus qu'une elfe comme les autres et on rayera mon nom de l'histoire à cause de ma disgrâce... C'est le Conseiller Eliwyr Meraennon qui gouvernera à ma place à présent... Finit-elle d'une voix beaucoup plus douce et attendrit : il était le père de ses enfants après tout, c'était lui l'être avec qui elle s'était unit physiquement devant Dracos.

Elle avait finit par dire toute la vérité, elle se sentait légère mais désemparée, sans attache et gelée jusqu'à la moelle... Mais au moins avait-elle pu confier son lourd secret... Allait-il être dégoûté ? Allait-il partir à son tour quand il comprendrait sa disgrâce alors qu'elle se devait d'être parfaite jusqu'à sa mort ? Dans un sens, elle comprendrait s'il s'éloignait d'elle après toute cette vérité : le symbôle de l'impératrice se devait d'être sans tâche et elle n'avait pu l'aider lors de son jugement... Oui elle comprendrait... Même si ça lui ferait mal d'être de nouveau seule... Même si elle perdrait définitivement son meilleur ami, son pilier, son frère...

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{hrp: bon j'ai beaucoup parlé de Gala ^^' Un peu trop peut-être x'D si tu as un souci fais moi signe okay? :p j'espère que ça te plaira ^^}

- Mais je m'en veux tellement... Je suis sûr que je pouvais faire quelque chose pour toi, ce n'était pas de ta faute si ta famille s'est éteinte !

Ces mots le poignardèrent en plein cœur. Non seulement que quelqu'un, que sa petite Gala surtout, puisse penser que la mort de sa famille n'était pas de sa faute à lui, mais aussi qu'elle s'en veuille en outre de n'avoir rien pu faire. Mais qu'aurait-il pu faire en tout honnêteté ? Et surtout... aurait-il été juste qu'elle fasse quoique ce soit ? Selon lui non. Sa peine était amplement méritée, et il aurait mérité mille outrages pires encore. Rien ne pouvait ramener son fils et sa femme. Rien ne pourrait effacer cet instant maudit. Rien. Non il devait payer, autant qu'il pourrait payer. Plus encore même si cela était possible.

- Je n'aurais jamais dû te laisser subir tout ça, j'étais l'impératrice du royaume sylvestre, j'étais la mère des elfes, je suis sûr qu'il était en mon pouvoir de te venir en aide...

- Chuuuut, chuchota-t-il doucement, tout en continuant à effacer les larmes du bout de ses doigts un peu rugueux. Encore une fois tu ne pouvais rien faire. Et... Non, tu as tord. Tout ceci est bel et bien ma faute. N'oublie pas...

Un sanglot menaça de le rendre définitivement muet, mais il parvint à dénouer sa gorge pour que les mots se fassent entendre entre eux.

- J'ai tué mon fils, Gala. Je l'ai tué... Je ne voulais pas, mais... Il n'en reste pas moins que je l'ai tué. Et que j'ai tué alors ma femme de chagrin, ce qui l'a conduit à se donner la mort ensuite. Non, Gala, tout ceci est mérité. Plus encore. Ne rejetons pas la faute sur ces vieux hiboux, qui, en ce cas présent, n'ont fait que leur devoir. J'aurais...

Un autre instant où il manqua de peu de laisser les larmes traitresses l'étrangler.

- J'aurais fait de même très certainement à leur place.

Et soudain, un mot tilta dans son esprit. "J'étais l'impératrice du royaume sylvestre", avait-elle dit... cela voulait-il signifier que... qu'elle ne l'était plus ? La question fut si forte dans son esprit qu'elle s'imposa à haute voix. Et alors elle lui raconta. Tout. Ou presque. Tandis qu'ils se réinstallaient assis, l'un à côté de l'autre, elle parlant doucement, de cette voix qu'il avait tant aimée, et lui l'écoutant avidement, patiemment. Avec une empathie qu'il n'avait jamais offert qu'à elle, lui caressant paresseusement les cheveux dans un geste se voulant apaisant, comme il le faisait souvent antan.

Il ne pouvait que compatir quand elle lui parlait de ses inquiétudes quant à cette grossesse tardive et donc dangereuse, ou quand elle évoquait le déclin du vieux Thran. Quand le millénaire partira, Galadrielle et lui deviendraient alors certainement les plus vieux elfes existant encore. Lui potentiellement l'aîné du peuple elfe... du moins à sa connaissance... Cela lui donnait soudain un sacré coup de vieux, en fait. Mais bien vite ses pensées furent ramenées aux paroles de l'elfe à ses côtés.

Il eut mal en la voyant pleurer et aurait aimé pleurer avec elle. Mais les quelques pleurs qu'il avait laissé déjà échapper précédemment, quand le choc de revoir son ancienne amie l'avait saisi, étaient déjà de trop pour lui. Il n'avait plus ce droit. Les pleurs ne lui étaient plus permis. C'était là une consolation trop douce pour lui... Il retint donc ses propres larmes et se contenta d'apporter à Gala tout ce qu'il pouvait : présence, qui se voulait rassurante, écoute, silence plein d'empathie, force aussi qu'il lui offrait sans une once d'hésitation... oui, qu'elle décharge donc son fardeau sur lui, s'il pouvait alors l'aider à le porter. S'il pouvait même l'en débarrasser...

S'il fut surpris de l'annonce qu'elle attendait des jumeaux, il ne le manifesta pas oralement, préférant ne pas la couper dans son élan. Des jumeaux ! Elle était donc bénie par le Dracos ! Il était si rare de pouvoir compter des enfants elfes déjà... alors des jumeaux... Mais quand la détresse sembla happer son amie, Eliowir ne put se contenir davantage et la serra contre lui, drapant ses frêles épaules d'un bras pour l'attirer vers lui, contre lui, faisant fi de toutes les convenances. Qu'importe en cet instant qu'on puisse les voir. Et ne venait-elle pas de lui avouer qu'elle n'était plus l'impératrice des elfes ? Et que son époux se mourait ? Le temps n'était plus aux convenances de fait. Pas alors que détresse semblait vouloir noyer les cœurs des êtres chers.

Cependant, il ne prononça toujours aucun mot, la laissant s'épancher, en un flot continu de ce qui semblait des aveux. Mais qui n'était au final que la narration d'une horrible duperie. Qui en était à l'origine ? Ces vils conseillers, encore et toujours, ces vieux hiboux, plus jeunes qu'eux toutefois, qu'ils avaient si souvent combattus... et qui semblaient au final vouloir les évincer un par un. Lentement mais sûrement.

Les paroles que lui avait offertes un jour une jeune archère, nommée Lyroe, lui revinrent alors en mémoire. Vieux savoir et jeune fougue, main dans la main... Oui, le peuple elfe avait besoin de cela, et non pas de vieux hiboux comploteurs et rétrogrades, pour se construire un avenir. Mais il semblait que les vieux hiboux se montraient plus forts et déterminés ces temps-ci. Eliowir émit alors le vœu, fou et silencieux, que ce temps soit révolu et que les elfes dénoncent ces conseillers qui les menaient à leur perte. Oui... que les elfes prennent leur propre destin en main, et chassent ceux qui les ancraient dans un passé dévasté et stérile.

Eliowir réprima toutefois difficilement un mouvement de raideur quand le nom d'Eliwyr s'abattit entre eux. Eliwyr, ce vieil Eliwyr... un conseiller contre qui il s'était souvent battu... mais qu'il respectait par ailleurs pour sa loyauté. Un instant, bref, et fugace, l'idée que le piège avait été formenté avec le concours d'Eliwyr lui traversa l'esprit, mais bien vite, il la chassa. Non, Eliwyr avait maintes et maintes défauts, mais pas celui-là. Quant à savoir s'il ferait un bon empereur...

- Tout ceci n'est en rien de ta faute, ma petite Gala, murmura-t-il enfin, toujours la serrant contre lui, et la berçant presque. Tu as agi comme il le fallait et pris assurément les bonnes décisions. Tu es forte Gala, tu l'as toujours été, et tu leur montreras que, impératrice ou non, tu ne les laisseras pas gagner, souffla-t-il à son oreille, tout en lui déposant un chaste baiser sur ses cheveux, tel le frère de cœur qu'il avait toujours été. Tu seras plus forte qu'eux. Leur temps sera bientôt révolu, je l'espère. Ou sinon le temps des elfes le sera avec eux. Mais je sais, au fond de moi, que tant que tu seras là, le peuple elfe aura encore un espoir, un possible avenir...

Oui il en était soudain convaincu. Au final qu'elle ne soit plus Impératrice pouvait être une bonne chose, car enfin elle pourrait se déclarer et affirmer ses véritables convictions... Ce ne serait en rien facile, mais... Les elfes auraient peut-être bien un avenir. Et il était persuadé que la belle Galadrielle ravirait déjà la fougue et la loyauté des jeunes elfes... Peut-être même que ce vieil Eliwyr arriverait à faire courber le conseil dans cette direction, même si plus difficilement...

Cependant elle aurait maintes obstacles alors à franchir. Maintes difficultés et maintes combats. Douleur pourrait être son lot. Mais elle ne sera pas seule, décida-t-il dans un soudain élan. Et sans crier gare, il se leva, pour se mettre à genou devant elle, courbant d'abord la nuque, avant de relever les yeux vers elle, solennel et grave. C'était là l'ancien conseiller fidèle, le soutien indéfectible qu'elle retrouvait en cet instant, après avoir retrouvé le frère et l'ami de toujours.

- Non Galadrielle, ne te morfonds pas. Rien de tout cela n'est de ta faute, et le Dracos t'en est témoin, lui qui t'a béni de deux jumeaux. Le titre ne fait pas une Impératrice. Tu es l'avenir de notre peuple. Tu es son essence. Et il te suivra. Oui, il te suivra. Tout comme je te suivrai. Je t'en fais le serment, ici, là, maintenant, sur ma vie, mon âme, même souillée, et sur mon cœur : je serai à jamais ton fidèle ami, ton frère éternel et ton plus fervent serviteur. Ordonne-moi, et ta volonté sera mienne. Jusque dans la mort, oui, je te suivrai ma soeur, mon amie, mon Impératrice.

C'était là un serment bien plus fort encore que celui qu'il avait prêté quand il était devenu conseiller, et il sentait ses mots faire echo en lui, au plus profond de son être. Oui, ce serment-là à jamais le lierait, même au delà de la mort.

Ses hormones de femme enceintes accentuèrent les effet de la culpabilité qui lui serrait la gorge mais elle sentait les bras d'Eliowir et là... Là son angoisse et ses remords se dissipaient pour laisser place à une douce chaleur chaleur rassurante envahir son être si frêle. Que c'était bon de ne plus se sentir seule dans ce domaine et ce, malgré toute l'affection et la prévenance de ces habitants à son encontre. Après toutes ces années, Galadrielle était vraiment ravit de retrouver son meilleur ami à ses côtés, son « frère », comme avant... Tirant un mouchoir de sa petite bourse, l'impératrice tamponna ses joues et ses yeux avant de faire de même sur le visage marbré de cicatrices, son pauvre visage... Toujours peinée, la blonde passa une main douce sur l'une d'elle, l'effleurant du bout des doigts en soupirant lourdement : il avait été tellement beau par le passé... Oh maintenant il l'était toujours, une beauté différente, mais elles étaient la preuve de ce qu'il avait dû subir dans son exil... Oh Eliowir....

Ce qui lui était arrivé à son fils et sa femme, ce qui lui était arrivé à elle... Les temps n'avaient pas été clément avec eux et pourtant il ne lui avait pas semblé qu'ils avaient fait d'ignobles fautes envers Dracos pour une telle avalanche d’événements. A moins que cela avait une visée bien plus loin dans le temps, favorable à une certaine conjoncture qui créerait un fait particulier dans l'aide tous contre ses guerres ? Les paroles de Dracos étaient impénétrables... Mais les siennes, sa vérité aussi drapée dans sa dignité qu'elle pouvait, étaient facilement décryptées et criantes de sincérité, de lourds sanglots étreignant sa gorge de concert avec la culpabilité, un torrent de larme s'écoulant paresseusement sur ses joues : elle qui avait déjoué tellement de plan de ce conseil insensé, voilà qu'elle s'était fait avoir comme une jeune pousse. Elle se fustigeait mentalement d'une telle naïveté, d'avoir eu l'idiotie de baisser un tant soit peu ses barrières : elle était impératrice que diable, elle se devait d'être parfaite et toujours alerte ! Et lui qui disait qu'elle était forte, comme tous les autres... Galadrielle n'en avait aucunement la conviction, parce qu'elle avait eu l'audace de se laisser un bref instant, elle s'était laissée piéger aux intérêts du Conseil. Il y aurait au moins un heureux : Aegnor n'aura plus à monter sur le trône, ni à subir un mariage arrangé... Nul doute que lorsqu'il saura, il bondira de joie.

- Peut-être qu'avec cette guerre, nous en finirons avec ce Conseil... A moins que Eliwyr ait déjà décidé de le dissoudre : il en a le pouvoir après tout, je ne suis plus qu'impératrice intérimaire et tutrice impériale désormais, dit-elle doucement en restant cachée dans ses bras, sa tête sur son épaule. Dès qu'il aura apprit tout ce que je sais pour bien gouverner, il sera déclaré officiellement empereur et je sombrerais dans l'anonymat la plus totale... Rajouta-t-elle en murmurant faiblement.

Bien que ce soit une tâche lourde, voire même écrasante, veiller au bien-être de son peuple avait été sa tâche depuis tellement de siècle... Galadrielle se sentait perdue d'être cloisonnée ici, loin de ses enfants et de ses responsabilité, enceinte et sur le point d'être veuve, son corps ne lui appartenant plus vraiment. C'était vraiment dur de se sentir étrangère de son propre corps, une dualité qui angoissait parce qu'on ne reconnaissait plus ce qui était à soi, et là elle était morte de peur parce que c'était un événement qu'elle ne pouvait pas contrôler comme elle aurait pu le faire sur un problème économique ou politique, sans compter qu'elle se sentait de plus en plus faible à mesure que le terme approchait. Elle doutait fortement de cette force qu'on lui attribuait... Plongée dans ses pensées et états d'âme, la blonde sursauta de surprise en le sentant s'éloigner d'elle pour se mettre à ses pieds, le regardant avec une telle gravité qu'elle crut défaillir : que se passait-il ?! Étonnée, subjuguée même !, elle écouta ce serment qu'il lui fit en pâlissant devant ce que cela signifiait : leurs âmes seraient liées pour l'éternité.

- Relève-toi, Eliowir Serillëiel... Je te remercie profondément pour un tel dévouement envers ma personne, pour ton écoute et ton soutient... Que Dracos m'en soit témoin, je serais toujours ta sœur et ton amie pour le reste de l'éternité, je serais toujours là pour toi, dans la joie et le bonheur ou la peine et la douleur ; je ferais toujours de mon mieux pour t'aider et te soutenir, autant que tu le fais pour moi... Prêta-t-elle serment en lui offrant un doux sourire remplit de chaleur et de joie, une larme brillante de bonheur roulant sur sa joue alors qu'elle attrapa sa main pour enrouler leurs petits doigts l'un à l'autre, lui offrant un clin d'oeil amusé.

Elle bénissait mille fois Dracos de lui avoir rendu Eliowir...

- Reviens à côté de moi, j'ai quelque chose pour toi mon ami... Dit-elle avec une pointe de malice mais surtout sereine, décrochant leurs mains pour le tirer vers elle et, une fois qu'il fut correctement placé, elle garda sa main dans la sienne, le regardant avec douceur alors qu'elle posa ses doigts sur son ventre, lui offrant le privilège d'écouter le chant des petits cœurs rapides des enfants à venir, de sentir leur chaleur et présence en elle. Hm ! Couina-t-elle quand l'un des deux décida de donner un vigoureux coup de pieds sous la main d'Eliowir : ils sont vraiment impatient de sortir pour explorer le monde ces deux-là. Une fille et un garçon... Vu comment ils ont l'air d'être énergique, je gage que la paix de ce domaine soit troublée par mes deux petites boules d'énergie, rit-elle en regardant son ventre, le frottant doucement comme pour les apaiser. Mais je n'ai aucune idée de nom... Le terme approche de plus en plus, dans deux ou trois semaines environ, et je ne sais même pas encore comment je vais bien pouvoir les appeler... Soupira-t-elle en fronçant légèrement son nez, mordillant sa lèvre en méditant.

En finir avec le Conseil ? Un Conseil plus que millénaire qui avait survécu à toutes les épreuves, à tant de vies, tant de tourments, tant de guerres même ? Un Conseil qui prenait racine parmi les plus anciennes familles elfiques, de ces familles qui avaient foulé les premières ces si belles terres d'Armanda ? Celles qui avaient traversé la colère des océans depuis leurs terres lointaines pour trouver cet havre de paix, du moins ce qu'ils en avaient espéré ? Celles qui avaient bravé mille et uns dangers alors pour leur offrir, à eux, leurs enfants, leurs héritiers, cette deuxième chance, ultime chance de survie face à l'ignominie qui les menaçait ?

Non, au fond de lui, Eliowir doutait fortement que l'on puisse réellement s'en passer, du moins totalement. Qu'on parvienne à en réduire le pouvoir, l'influence, à en nuancer du moins l'autorité en introduisant en son sein d'autres générations et surtout d'autres souches sociales, oui peut-être. Oui, que le Conseil s'enrichisse et ne reste pas seulement constitué de ce petit cercle fermé de vieilles familles qui s'enracinaient si bien dans les traditions et qui, en ces temps troublés si changeants qui demandaient des prises de décisions rapides et décisives, risquaient d'enliser leur peuple dans son lent déclin. Ca oui, cela lui paraissait faisable, envisageable et même plus de nécessaire...

Et dire qu'il y a un peu plus de cent ans, il était de ces vieilles familles qui prônaient ce sectarisme étriqué, aussi bien social que racial, et qui criaient scandale à de trop grands changements... Dire qu'il était allé, il fut un temps, jusqu'à proposer de partir, de quitter Armanda pour de nouvelles terres, de reprendre les bateaux... Qu'il avait changé alors. Oui, beaucoup changé. Même s'il gardait des idées assez arrêtées sur les autres peuples, même si il peinait à se défaire totalement de son sectarisme si sévère, d'avoir cotoyé les Hommes et récemment certains vampires hors du commun l'avait fait évoluer d'une certaine manière. Evoluer vers une autre vision des choses, des peuples... et de leur avenir. Une autre vision de l'avenir des elfes, qu'il commençait tout juste à entrevoir, à frôler du bout du doigt, depuis sa toute récente rencontre avec un certain Achroma. Oui, beaucoup changé alors... Mais ce n'était sans doute pas un mal, songea-t-il soudain lucide sur ses propres erreurs passées en tant que conseiller.

- L'anonymat te fera sans doute bizarre, mais parfois... parfois, il est assez doux à porter je pense, répondit-il d'une voix douce.

Oh oui, qu'il bénirait l'anonymat lui-même. Tout plutôt que ces regards, ces murmures dans son dos, ce surnom, abject, qui le poursuivait même après plus d'un siècle d'absence...

Et soudain vint le serment. Un serment qu'il n'avait ni répété ni préparé, mais qui lui était venu spontanément. Intuitivement. Comme si le Dracos lui-même lui en soufflait les paroles et lui insufflait la force de l'offrir, là, devant sa reine. Il ne s'était toutefois nullement attendu à ce qu'elle lui offre quasiment pareil serment en retour. Voilà qu'ils venaient de sceller leurs deux âmes. Plus encore que leur étrange destin qui les avait fait naître à deux ans d'écart à peine, les avait fait grandir ensemble, évoluer ensemble, un destin qui les avait liés au sein d'un Conseil, tantôt en parfaire harmonie politique, tantôt en désaccord houleux, même s'il finissait toujours par se ranger de son avis à elle, son Impératrice. Et par se plier aux décisions du Conseil, quand elle-même le faisait. Mais là, plus encore, ce serment venait de les lier tout autrement. Tout aussi fortement qu'un serment de mariage, même si différemment. Oui, pour toujours et à jamais.

Et ce serment qu'elle lui donna si sereinement, si sincèrement, lui réchauffa le cœur. Oui, il l'avait retrouvée. Il avait retrouvé sa petite Gala. Et il espérait bien ne plus jamais la perdre. Il ne put donc qu'obéir aveuglément, se laissant simplement guider, quand elle le fit asseoir à ses côtés. Et qu'elle lui fit toucher le cadeau béni des Esprits tous réunis.

La vie. Là, sous sa main. Une vie naissante, bouillonnante. Non, deux vies. Deux vies puissantes, qui déjà se manifestaient sans ménagement. Vies magnifiques, ô délicieux cadeaux. Qu'importe le scandale au cours duquel ces vies avaient pu être créées. La vie était cadeau, bénédiction salutaire. La vie ne pouvait être offense. Et ces vies-là, même si par duperie, avaient été créées tout de même dans un certain amour. En tout cas, l'amour d'une mère, il en était assuré.

En cet instant, peu importait l'avenir incertain, le destin aux fils si fragiles et éphémères qui ne cessaient de se lier et se délier au gré des caprices de Dame fatalité. Oui, qu'importait tout cela. En cet instant, ne comptait que le beau sourire de Galadrielle, et la vie qui courrait en elle, la faisant vibrer d'une magnificience nouvelle.

Eliowir sentait sa main trembler. Et les larmes reprirent leur chemin sur ses joues pâles sans qu'il ne parvienne à les retenir. Magnifique. C'était...

- Magnifique, fit-il à haute voix.

Oui, magnifique. Et elle lui permettait, à lui, l'Infanticide, comme on le surnommait encore dans le pays des elfes, de sentir ces vies palpiter ainsi ? N'avait-elle donc pas peur ? Peur de lui, peur de ses ténèbres qui l'habitaient, ces fameuses ténèbres qui avaient condamné son fils dans un geste de rage ? N'avait-elle donc aucune crainte de ce qu'il pourrait faire ? De sa folie ? Non, visiblement non. Cela le troubla alors grandement, le touchant au plus profond de son cœur ravagé, qu'il peinait à contenir.

- Mais je n'ai aucune idée de nom... Le terme approche de plus en plus, dans deux ou trois semaines environ, et je ne sais même pas encore comment je vais bien pouvoir les appeler...

Lui demandait-elle à lui de les nommer ? Ou du moins de lui proposer des noms ? C'était là un grand honneur. Immense honneur, même. Et qu'importe qu'elle ne choisisse pas au final les noms qu'il lui proposerait, elle lui faisait en cet instant un immense cadeau. Il en resta un moment cois, ébahi encore qu'elle fasse fi de ce qu'il était. Cela dut d'ailleurs se lire dans son regard, mais il n'osa pas évoquer tous ses doutes à haute voix. Il n'osa pas prononcer tout haut ce surnom honni, Infanticide, qui pourtant résonnait si fort en lui. Il préféra les taire et répondre à l'honneur ainsi tendu.

- Je... et bien... Ces deux vies trépidantes semblent effectivement fort prometteuses, parvint-il enfin à articuler d'une voix nouée, les larmes se calmant un peu.

Mais ses yeux embués rivés sur cette source de vie révélaient pour lui toutes les pensées qui se chamaillaient son attention. Il eut encore un petit moment de silence, s'efforçant de réfléchir posément aux noms possibles. Aux noms que lui aurait aimé donner un jour. Aux noms qui l'avaient fait vibrer et qu'il aurait rêvé d'entendre de nouveau.

- Pour ta fille, belle étoile du jour, il pourrait y avoir Lalwendëa. Et pour ton fils, étincelle de nuit, Silaerslë. Ou sinon Sirelëa et Sirindyë. Numyë et Iscëel, aussi, comme dans les belles épopées lyriques que l'on nous chantait petits. Ou encore en l'honneur des deux jumeaux d'une si belle famille maintenant éteinte : Valaëstrya et Valyëel... Il y a aussi Aryawaë et Aleliwin peut-être...

Il leva enfin son regard étincelant vers elle et lui offrit un pâle sourire.

- Voilà les maigres idées de noms que j'aurais à te proposer, ajouta-t-il alors, contrit, un haussement d'épaules venant appuyer ses excuses et son soudain sentiment d'impuissance.

Impuissance à faire face à tout cela, impuissance à être à la hauteur de cet ultime honneur, impuissance à l'aider dans cette tâche délicate que celle de leur trouver un nom digne d'eux.... Impuissance qui lui vrilla les tripes et le réduisit au silence, attendant soudain le verdict.

[HJ : et voilààà^^ En espérant que cela te plaise, sinon j'édite sans souci. Pour les noms, ils sont presque tous inventés, même si fortement inspirés de certains noms elfiques vus ici ou là. Remodelés ensuite pour chanter, et certains remodelés par du latin ayant une certaine signification ou par des mythes et légendes diverses... Dans ma tête, ces noms ont une signification en tout cas ]

Son regard ne cessait de s'abreuver de la vision d'Eliowir à ses côtés, comme avant, gardant ses mains dans les siennes comme pour l'empêcher de disparaître. Elle craignait de se retrouver seule à nouveau alors que sentir la chaleur du roc qu'était son ami... Elle était sûr que cela venait de lui cette force qu'elle ressentait de nouveau, plus confiante et assurée, même l'avenir paraissait un peu plus radieux alors qu'elle savourait sa présence à ses côtés. En tout cas, elle ressentait un peu plus de courage face à ce qu'elle vivait et l'espoir de voir Eliwyr changer ce conseil pour faire de nouveau rentrer la vie et la nouveauté dans la politique.

Oui, elle en était certaine. Tout irait pour le mieux à présent qu'elle n'était plus seule.

- Ne plus à avoir à penser et diriger son peuple, réfléchir sans fin pour son bien-être, prendre des positions risquées et précaire, déjouer les plans officieux du Conseil pour me mettre des bâtons dans les roues et gagner plus d'influence à mon détriment... Oui... D'un côté, être seulement Galadrielle, une elfe qui s'occupe de ses enfants, est assez plaisant à imaginer, dit-elle en souriant rêveusement avant de soupirer, son front se plissant des rides d'inquiétudes. Mais j'ai passé tellement de temps à régner sur ce peuple que je m’inquiéterais sans cesse du bonheur de mes elfes même si je suis sûr que tout se passera bien avec Eliwyr, émit-elle en se mordillant la lèvre, ne notant pas le ton de voix familier et doux qu'elle venait d'utiliser.

Mais bien vite, ce qu'il fit chassa son angoisse et c'est avec surprise et bonheur qu'elle l'écouta : il liait son âme à elle pour l'éternité. Plus jamais elle serait seule ou démunie, il sera toujours là pour veiller sur elle et ses enfants... Comme le grand-frère qu'il avait toujours été à ses yeux... Oh oui ! Acceptant son serment, elle fit de même, lui jurant d'être toujours là pour lui, de tout faire pour qu'il ne soit jamais seul ou malheureux : elle aussi liait son âme à la sienne et cette fois, elle ne l'abandonnerait plus comme par le passé. Lui, l'Infanticide et elle, la Déshonorée. Laissant rouler des larmes de joie sur ses joues, elle le guida pour l'asseoir à ses côtés, remontant sa houppelande sur ses épaules avant d'attraper une de ses mains entre les siennes pour la faufiler à travers les replis du velours épais : elle voulait qu'il entende le bruit des battements de cœur de ces étincelles de vie à naître et qui grandissait en son sein. Et il en pleura de joie... Pleurant avec lui, l'impératrice le laissa caresser son ventre sans restriction, sans aucune crainte, alors qu'elle lui tendit un mouchoir arachnéen pour essuyer les petites perles de cristal liquides, faisant de même en lui offrant un sourire éblouissant.

Elle avait toujours eu et aurait toujours en lui une confiance aveugle, et cela avait une symbolique particulière à ses yeux que son « frère » prenne conscience de ce qui grandissait en son ventre. Et elle était convaincue que cela ne pouvait lui faire que du bien de ressentir le bruit de ses petits cœurs... Histoire de faire stopper ces épanchements, elle lança le sujet des noms et elle le regarda avec tendresse et une pointe de honte : ne pas penser à leurs donner de noms alors qu'ils étaient si près de naître, espèce de péronnelle Galadrielle ! Et pour la punir de ses paroles, les bébés tapèrent contre son ventre, choquant la peau juste en dessous de la main d'Eliowir.

- Prometteuses et vigoureuses, pouffa-t-elle de rire en le regardant avec un air complice.

Posant sa tête sur son épaule en se blottissant contre lui, elle inspira profondément son parfum et sa chaleur en souriant de bien-être : il ne manquait plus que son mari et son amant pour que le tableau soit vraiment idéal. Bercée par les battements de cœur d'Eli et de ses jumeaux, Galadrielle l'écouta en souriant : apparemment il avait quelques idées mais aucune n'avait trouvé d'écho.

- De maigres idées, peut-être, mais beaucoup plus d'idée que moi en tout cas vu que je n'ai trouvé aucun noms, rit-elle doucement, plissant malicieusement son nez en lui jetant un coup d'oeil contrit face à l'oubli dont elle avait fait preuve. Mais je ne sais pas... Quelque chose de plus court... Avec des « a » et des « v » peut-être ? Ou en « lyn » ? Je ne sais pas... Grommela-t-elle boudeusement, comme une enfant capricieuse, baissant ses yeux vers son ventre comme si les jumeaux allaient lui donner la réponse.

Sentir les petits bouger dans le ventre de leur mère, le coup irradiant sa main encore présente, lui envoya une décharge électrique en plein cœur. La vie. Voilà ce qu'il ressentait soudain. La vie. Là, juste sous sa main, une vie florissante, puissante, irradiant du bonheur d'être couvé par sa mère. Oui vies prometteuses et vigoureuses, ne put-il qu'acquiescer, en silence, sa gorge bien trop nouée pour parvenir à prononcer d'autres mots.

Et ceux-ci convenaient si bien au final.

- De maigres idées, peut-être, mais beaucoup plus d'idée que moi en tout cas vu que je n'ai trouvé aucun noms.

Était-ce lui, ou elle semblait s'en vouloir de ne rien avoir trouvé ? Certes, la plupart du temps, dans l'euphorie de cette nouvelle vie à venir, les elfes trouvaient souvent un prénom avant même que les premiers mois de grossesse ne soient passés. Il était rare en effet que de petits elfes n'aient pas encore de noms alors que quinze jours à peine les séparaient encore de leur nouvelle arrivée en ce monde. Mais... Ce n'était pas là raison pour s'en vouloir. A la décharge de Galadrielle, la nouvelle n'était pas vraiment voulue non plus. Et elle avait eu d'autres préoccupations.

- Ne t'en fais pas. Tu trouveras, répondit-il, tout en lui caressant doucement le visage, puis d'une main douce l'enjoignit à reposer sa tête sur son torse. Tu trouveras. Qu'importe le temps que cela prendra, je doute qu'ils t'en veuillent pour tenter justement de leur trouver le nom le plus juste et le plus beau qui soit pour eux.

Hum, quelque chose de plus court, avec des « a » et des « v », disait-elle. C'est qu'en plus elle avait quelque idée précise. Lui qui déjà n'était pas bien doué pour les prénoms.

- Hum... Il y aurait... Alysta. Alyanna. Ilyana. Ivanya. Aslyvae, Lyvae. Pour le garçon... Arslyn, Erslyn. Varslyn, Valyiel, Elavslyn, Evlanlyel, Erslyniel... Mais je repars dans mes travers de longs prénoms, désolé. Je n'ai jamais été très doué pour cela. Pour...

Pour le nom de son fils, allait-il dire. Mais les mots s'étaient soudain bloqués. Tout son corps se crispa soudain et il se sentit un moment tétanisé. Sa main qui caressait les doux cheveux de Galadrielle se stoppa dans son geste, tandis que l'autre, qui était encore présente sur son ventre rebondi et plein de vie, glissa doucement loin de lui. Les sanglots menacèrent de reprendre et de l'étouffer, mais il les chassa bien vite, ravalant sa salive et ses mots, ravalant sa peine comme il avait si bien su le faire ces années durant. L'enfouissant en lui, au loin, très loin, au plus profond de son âme, l'enchâssant dans une gangue de glace dans son esprit, tout comme le corps de son fils était prisonnier de sa gangue de glace dans la forêt elfique. Ne pas pleurer... Il n'en avait pas le droit. Il ne l'avait plus, plus depuis... Il avait perdu ce droit il y a longtemps.

- Je suis désolé, reprit-il vivement, cette fois relevant le beau visage de Galadrielle pour planter son regard nuit dans le sien. Pour... C'était elle - sa femme, voulait-il dire- qui avait choisi.

Cette fois les larmes montèrent à ses yeux. Mais ne s'écoulèrent pas. Il les retint savamment, ravalant son sanglot, inspirant profondément... Puis se leva soudainement, souplement, tel un lion bondissant au loin, rompant ce soudain contact entre eux deux. Un contact qui menaçait de le perdre, de lui faire perdre tout sens commun, toute raison et toute maitrise. Maitrise... Voilà un maître mot qu'il oubliait de plus en plus ces temps-ci.

Détourner. Oui, il devait détourner la conversation vers autre chose, vers... Il ramassa subitement les aiguilles à terre, et les posa délicatement sur une racine non loin de celles où ils étaient assis, souriant doucement, en caressant le fin ouvrage. Puis il avisa les pommes à terre, et toujours sans un mot, alla les ramasser. Doucement, à gestes lents, calculés, qui lui permirent de reprendre un peu contenance, il les ramassa une à une. Son attitude devait paraitre soudain étrange et incompréhensible aux yeux de sa petite Gala. Elle devait le prendre pour un fou. Et si cette simple idée lui chavirait le cœur... Il devait avouer que de toute façon, elle n'aurait pas totalement tord.

Il sentait, au fond de lui, qu'il était instable, chavirant souvent vers des rivages avoisinant la folie. Oh non il n'était pas fou, pas totalement encore, pas vraiment. Mais folie le guettait quand même, elle rôdait non loin de son âme, le poussant vers ses précipices abyssaux. Et chaque crise, chaque moment de chavirement, chaque instant où il oscillait ainsi sur ces hautes falaises, chaque fois il la sentait plus proche encore, semblant la toucher du bout des doigts parfois. Il n'en faudrait pas beaucoup plus pour qu'un jour, il bascule complètement par dessus bord, il le sentait. Le pressentait. Il s'en était fallu de peu déjà, lors de son entrevue avec Lorenz. Il lui faudrait bien peu, maintenant. Et revenir au pays...

Après tant d'années d'errance, de solitude, de discours avec lui-même... Après tant d'années de remords, de deuil qu'il n'avait pourtant pas pu réellement porter, de pleurs qu'il n'avait pourtant pas réellement pu verser... Après tant d'années de guerre, de violence, une violence qui vibrait maintenant en lui à chaque instant, qui s'insinuait jusque dans sa magie la plus profonde... Après tant d'années de regrets amers, de haine envers lui-même... envers les autres ? Oui sa folie n'était pas loin, elle l'appelait, lui susurrait souvent à l'oreille, dans son esprit embrumé de colère et de peine...

Était-il dangereux alors ? Peut-être... oui, sans doute... Pouvait-il alors rester auprès de ceux qu'il avait considérés comme siens ? Comme sa petite Gala ? Peut-être n'était-ce pas raisonnable ? Peut-être ne devrait-il pas... Pourtant il avait promis. Prêté serment. Et il ne voulait plus les quitter... Il ne voulait pas. Le devait ? Mais ne le ferait pas. Il n'en était pas capable, ne s'en sentait pas capable... Et de toute façon, il avait toujours tenu ses promesses. Non, il ne repartirait pas, pas s'il pouvait faire autrement.

Il combattrait sa folie donc. Il la combattrait. Et demanderait de l'aide s'il se fallait. Oui, de l'aide... Shadowsong devrait pouvoir l'y aider, assurément ? Oui, assurément. Il irait le lui demander... Il chasserait alors cette vile compagne qui l'avait si bien suivi jusqu'ici. Il la chasserait, à jamais il espérait.

- On leur trouvera un prénom, j'en suis sûr, reprit-il alors, se retournant vivement dans son élan de soudaine détermination. Et ils seront fiers du nom que leur digne mère leur aura donné. Ils seront fiers, et les porteront tel un étendard. Celui des Evanealle. On leur apprendra tout ce que l'on sait. Notre magie, notre savoir, notre mémoire... Si tu veux je leur inculquerai aussi tout le savoir des Serillëiel. La mémoire que notre famille était.

La mémoire des elfes...

- Je leur apprendrai tout ce que je sais, si tu le souhaites, assura-t-il, sa voix ferme chassant définitivement tout sanglot menaçant. Je leur apprendrai aussi ce que j'ai appris chez les humains. Même les choses les plus inutiles, ajouta-t-il, tout en commençant à jongler, un air espiègle venant agiter ses traits fatigués.

Un air espiègle qui irradiait soudain du lion, une lueur de pure malice vrillant les sombres ténèbres de ses iris nuit, tandis qu'un sourire de pure taquinerie s'esquissa sur ses lèvres pâles et tailladées. Il jongla, des plus habilement, tout en tournoyant autour de Gala, alternant une roue entre deux jongleries, puis sautillant de racines en racines, cueillant une fleur avant de ramasser la pomme en l'air, tout en jetant une autre vers les cieux... et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il soit essoufflé et qu'il se laisse de nouveau choir aux côtés de sa petite Gala, dans un léger rire grave.

Un rire qui n'était toutefois que l'ombre de l'écho de son rire d'antan, si vif et si puissant auparavant. C'est qu'il avait vieilli, muri... vécu aussi. Il avait péri surtout. Il avait péri avec son fils et sa femme. Son âme était sans doute avec eux, songea-t-il. Et si pendant près de cent trente années, il avait réussi à enfouir cette pensée avec sa folie tout au fond de lui, il sentait que son retour au pays allait raviver tout cela. Dès lors, il n'était plus que l'ombre de lui-même, l'ombre de ce qu'il avait été. Il était certes toujours Eliowir, Eliowir Serillëiel, mais il était autre. Autre en étant le même... Que cela était étrange...

- Je me fatigue vite, désolé, fit-il entre deux souffles, tout en lui offrant un pâle sourire.

Puis, il lui prit doucement la main de Galadrielle, délicatement, comme s'il avait peur de sa réaction, peur que soudain elle ne revienne sur ce qu'elle avait dit et ne le chasse, chasse ce fou qui avait l'apparence de son vieil ami mais qui au final était si différent... et si dangereux assurément.

- Si tu le veux, si tu le souhaites, je ferai pour eux tout ce que tu voudras. Voilà tout mon savoir, toute ma puissance, toute ma magie, il sont à toi, à eux. Fais en ce que tu souhaites. Qu'il serve au moins à quelque chose, à quelqu'un, ajouta-t-il dans un murmure, baissant la tête.

Honteux. Apeuré en quelque sorte. Agité d'une sourde appréhension en tout cas. Faites, Dracos, qu'elle ne le chasse pas, ne le repousse pas...

Il semblait tellement heureux en sentant ses petits s'agiter sous sa main, Galadrielle était profondément heureuse de le voir ainsi euphorique et elle se disait qu'elle avait bien fait de lui offrir ce cadeau, partager cette naissance à venir et la vie déjà vigoureuse qui battait en son sein. Posant sa tête contre son torse, elle soupira de bonheur et de reconnaissance alors qu'il la serra contre lui pour la rassurer, l'assurant sur le fait que ses enfants ne seraient jamais en colère et qu'elle trouvera les noms idéals pour eux au bon moment. Mais cela ne les empêchait pas de continuer les recherches, énumérant les noms les uns après les autres alors qu'elle imaginait son fils ou sa fille avec telle ou telle identité, souriant en voyant l'ardeur et la volonté d'Eliowir dans ses suggestions.

- Ilyana et Alysta me plaisent beaucoup pour la petite, lui sourit-elle en restant dans le creux de ses bras avant de froncer le nez devant le choix pour le garçon. Par contre... Je les trouve un peu féminin non ? En « aën » peut-être ? Réfléchit-elle à haute voix avant de pouffer de rire, baissant son regard vers son ventre. Dites vous pourriez nous aider quand même tous les deux non ?

Sa propre bêtise la faisait doucement sourire mais les choses n'allaient pas aussi bien pour son meilleur ami qu'elle sentit se crisper autour d'elle. Que se passait-il... Interloquée, elle releva les yeux et fut encore plus stupéfaite quand elle vit les larmes remplir son doux regard déjà tellement meurtrit par les épreuves sans pour autant couler d'un air libérateur sur ses joues. Pourquoi... Pourquoi se sentait-il aussi mal ? Avait-elle fait une bêtise ? Frissonnant en sentant ses mains encadrer son visage, elle plongea son regard incertain dans les siens, essayant de lire dedans pour comprendre le fonctionnement avant de le fixer avec une douce tristesse : elle, sa femme, avait choisit le nom de leur fils, celui qu'il avait tué par erreur... En parler alors qu'elle-même attendait un petit garçon avait ravivé ses blessures, le meurtrissant plus qu'il n'aurait voulu le reconnaître apparemment... Alors qu'elle allait ouvrir la bouche pour le couvrir de tendres paroles pour le rassurer, voilà qu'il bondit comme un lion hors de sa cage loin d'elle pour ramasser les aiguilles puis les pommes avant de jouer avec, faisant comme si de rien n'était et faisant le mariole avec une fougue animal, presque folle et effrayante. Oh Eli', mon Eli'... Elle était peinée et ne pouvait que sourire doucement de tristesse en caressant son ventre, attendant qu'il se calme et l'écoutant sans un mot, affectueusement amusée de voir tant de passion et de ferveur dans l'éducation des jumeaux.

- Tu t'es calmé... Dit-elle doucement en serrant ses doigts autour des siens avant d'enrouler ses bras autour de lui, le pressant contre sa poitrine en caressant ses cheveux et sa nuque, une mère cajolant son enfant pour le rassurer et l'apaiser. Tout va bien mon Eli', tout va bien et tout ira bien, je te le promets... Je suis là à présent et je ne te quitterais plus... Murmura-t-elle avec tendresse en baisant sa tête tout en continuant de le couvrir d'attentions pour le consoler, espérant éteindre la flamme de la peur et la folie qui brûlait tel un feufolet en lui.

Il semblait tellement tourmenté malgré la joie de la revoir et de savoir qu'elle portait la vie dans son ventre...

- Quand ils viendront au monde, ils seront les bébés les plus aimés du monde, rit-elle sans le lâcher avant de relever son visage pour le regarder droit dans les yeux, caressant sa joue en lui souriant d'un air serein et rassurant. Mais tu n'es pas un objet qu'on utilise et on jette une fois usagé... Tu es quelqu'un qui a beaucoup souffert et souffre toujours, qui n'a plus confiance en lui, qui a peur de lui, mais ne sous-estime pas les trésors que tu peux encore offrir grand-frère, lui murmura-t-elle avec toute la tendresse et la chaleur qu'elle ressentait pour lui avant d'embrasser son front, maternelle.

Pauvre Eliowir... Il méritait bien la tranquillité de l'esprit alors qu'il avait amplement subit sa peine...

- Et si on faisait quelque chose pour nous divertir l'esprit et nous détendre, qu'en dis-tu ? Une promenade ? Un pique-nique quelque part dans le domaine ? Un jeu de plateau ou verbal ? Une baignade peut-être ? Enuméra-t-elle sans cesser de le serrer contre elle, glissant ses fins doigts dans les cheveux si fin d'un blond presque blanc, un sourire tendre et tranquille aux lèvres. Dis-moi ce qui te ferais plaisir Eli' et je le ferais avec toi, comme avant.

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{hrp: pardon pour la petite taille, je ferais mieux la prochaine fois Eli :/}

Une fois rassis, il se laissa faire, même si en lui vibrait l'idée de s'éloigner vivement. Danger. Il était un danger pour elle, il ne voulait pas la blesser. Oui, il était un danger, susurrait une voix en lui. La voix de la raison cette fois-ci. Et au fond de lui, il n'était pas bien sûr de pouvoir totalement mettre cette folie sur le compte de ces cent trente dernières années, années d'errance, de solitude et de guerre. N'était-ce pas une folie qu'il avait toujours couvée en lui dès son plus jeune âge ? Une folie lancinante, insidieuse, qui aurait grandi en son sein sans qu'il ne s'en rende compte ou sans qu'il ne le veuille... Une folie qui s'était sombrement réveillée lors du drame... du meurtre... Une folie qui n'aurait que profité de son effroyable solitude, de son bannissement honni, de son remords sans fin, de sa haine viscérale pour lui-même, de la guerre enfin, pour pleinement prendre possession de lui en des instants étranges. Fatidiques parfois.

S'il s'était calmé ? Extérieurement oui. Ne serait-ce que parce qu'il était littéralement essoufflé. Il n'avait plus vraiment l'âge de ces imbécilités, il devait bien l'avouer. Mais... mais intérieurement... Si, il était également calmé. Suffisamment du moins pour revenir à une certaine raison, et réfléchir de façon plus cohérente. Quant à ses pensées chaotiques, ses soubresauts de sombres sentiments, qui émettaient quelques derniers spasmes convulsifs... Il les étouffait. Méthodiquement, laborieusement mais férocement, les muselant au fond de lui. Pour cet instant du moins... Jusqu'à ce qu'à nouveau ils explosent. Peut-être en une crise plus virulente encore. Mais en cet instant précis, oui il était calmé, ou se calmait du moins. Assez pour reprendre un masque de cohérence et effacer toute folie de ses traits abruptes.

Il la laissa faire, la main de Gala sur sa joue froide lui procurant une chaleur bienvenue alors. Grand-frère... Il ne s'était guère comporté comme un grand-frère, réalisa-t-il à sa grande honte. Rien d'un grand-frère, avec ses cabrioles... Mais il allait se reprendre. Oui, il devait se reprendre. Et fort de cette nouvelle détermination, il lui offrit enfin un sourire en retour. Le Eliowir qu'elle avait pu connaitre revenait. Lentement mais sûrement.

- Et si on faisait quelque chose pour nous divertir l'esprit et nous détendre, qu'en dis-tu ? Une promenade ? Un pique-nique quelque part dans le domaine ? Un jeu de plateau ou verbal ? Une baignade peut-être ?

A cette énumération sans fin, il se surprit même à rire quelque peu. Pas de cette joie grandiloquente, mais plus d'une joie teintée de soulagement. Comme avant... Oui comme avant. Comme il le désirait si ardemment. Si seulement... Mais le "si seulement" ne pouvait plus être. Le "si seulement" n'était que douce utopie. Lui, au fond de lui, savait que le "comme avant" n'était plus possible. Révolu. Dépassé. Effacé par les affres du temps et surtout les coups durs de la vie que tous deux avaient dû essuyer. Et longue vie qu'avait été la leur... Non, le "comme avant" ne serait plus, plus possible. Mais ils pourraient essayer du moins d'en retrouver quelque saveur... Juste quelque. Juste un peu. Juste un instant.

- Oui, détendons-nous. Une petite promenade et un pique-nique, cela te convient ? Offrit-il d'une voix douce.

Pour tout avouer, lui-même avait faim. D'ailleurs son estomac gronda pour lui pour toute réponse, rien qu'à l'évocation de nourriture pour le sustenter. Oui, certes, il avait toujours faim. Mais était-ce sa faute à lui ? Il avait toujours eu cette petite tendance... et son totem n'arrangeait en rien les choses.

- Attends-moi là, je reviens, ajouta-t-il rapidement.

Et dans une envolée, il était parti, direction "cuisines". Il ne savait pas trop comment il allait être reçu, et se montra particulièrement tout sourire, tout penaud, quand il expliqua à deux petits baptistrels chargés apparemment du repas du soir les envies saugrenues d'une impératrice elfique. Il tut savamment que l'envie saugrenue était aussi de lui... et étonnamment, les deux baptistrels se montrèrent avenants, et plus que serviables, se pliant en quatre à une vitesse exemplaire, pour lui fournir de quoi réaliser un petit pique-nique des plus prometteurs. C'est ainsi, qu'il revint auprès de Galadrielle, un petit baluchon rempli de vivres de toute sorte.

- Et voilà de quoi satisfaire nos appétits féroces, ma reine, fit-il alors qu'il arrivait à sa hauteur. A toi l'honneur, je te suis.

Et se disant, il tendit une main forte pour aider Galdrielle à se relever.

[HJ : un peu petit aussi. Si quoique ce soit n'allait pas, n'hésite pas, comme d'habitude, je peux éditer ]

Il semblait être en proie à une lutte sans merci, elle continuait de le sentir crispé contre elle malgré la fatigue se reflétant sur son corps. Il paraissait combattre ses démons avec hargne, le regard défait par l'impuissance et la rage, et elle ne pouvait rien faire... Elle pouvait lui parler tendrement et le serrer contre elle, passer affectueusement ses doigts dans ses cheveux, embrasser sa peau douce et fraîche, mais c'était tout ce qu'elle avait à portée de main : à part le soutenir et le consoler, elle ne pouvait rien faire d'autre pour lui apporter la paix et le repos, et l'impuissance qu'elle ressentait alors que sa magie était pourtant si grande l'attristait profondément. Pauvre Eli... Si seulement elle pouvait le soulager mais elle ne savait pas comment ! Et cela la rendait folle intérieurement : ne pas avoir les moyens de réussir à aider les personnes qu'on aime était tellement éprouvant... Enfin il lui sourit et elle lui en rendit un quelque peu tremblant mais doux : il faisait son fort mais semblait être au bout du rouleau et cela la peina même si le voir se dépasser et être déterminé était tout à son honneur. Tranquillement en embrassant son front, elle lui proposa quelques activités pour les distraire de leur peine et épuisement afin de leur faire, ne serait-ce qu'un peu !, goûter au bonheur de l'insouciance de la vie.

- Ça me convient parfaitement même, Merithyn n'en sera que très heureux que je continue de marcher, rit-elle doucement en le couvant du regard. Ne t'en fais pas, je ne bouge pas, je serais sage, rajouta-t-elle en lui faisant un clin d’œil avant de le filer en coup de vent, semblant davantage énergique que tout à l'heure.

S'il n'y avait que ça pour lui remonter le moral, Galadrielle était prête à recommencer autant de fois qu'il le voudrait bien. Mais en attendant, elle avait quelques affaires à ranger... Péniblement, elle réussit à se mettre debout et récupéra patiemment et une par une ses aiguilles et les petits vêtements de bébé pour les glisser dans sa petite bourse sans fond le temps de son absence avant de rassembler les pommes qu'elle garda sur ses genoux lorsqu'elle se rassit pour attendre son retour. Et il semblait encore plus enthousiaste lorsqu'il revint dans le petit jardinet avec le baluchon du pique-nique entre les doigts et rien que cette vision lui donnait du baume au cœur à l'impératrice.

- J'ai eu le temps de visiter le domaine et ma foi, il y a quelques lieux époustouflants, lui sourit-elle en glissant les pommes dans le baluchon avant de prendre appui sur son bras pour se relever. J'espère que tu n'as aucune obligation mon ami parce que j'ai l'intention de te kidnapper pour le reste de la journée, rit-elle malicieusement en s'accrochant à lui, glissant son bras autour du sien pour conserver son équilibre et le guider.

Une légère brise, un ciel bleu, un grand soleil, l'herbe verte et la nature chantant son bonheur et les bonnes choses, c'était un bon moment qui s'annonçait, elle en était convaincue. Bien que lentement mais surtout tranquille, la vieille elfe les conduisirent au début sans réel but au bout du chemin parce qu'elle réfléchissait à l'endroit qui lui plairait le mieux mais, n'ayant pas fait d'excursion de ce genre depuis bien longtemps, elle ne savait au fond que choisir pour faire son bonheur. Le nez plissé sous la réflexion tout en mâchouillant ses lèvres, elle finit par le faire bifurquer vers une petite clairière discrète où quelques cerisiers et pêchers ainsi que fraisiers et framboisiers croulant sous les fruits embaumaient l'endroit d'un parfum sucré et rafraîchissant, l'herbe était moelleuse et il y avait même un petit lac desservit par une petite cascade pour faire pétiller l'endroit. Ils ne devraient pas avoir de visite et c'était tant mieux, Galadrielle souhaitant rester tranquille avec Eliowir pour savourer pleinement et comme il se devait leurs retrouvailles.

- Qu'est-ce que tu en penses ? Tu pourras même te baigner si le cœur t'en dis, lui sourit-elle en le rapprochant des berges du lac bien qu'elle se doutait que c'était surtout les fruitiers qui attireraient davantage son attention : il avait toujours été un être très gourmand, elle s'en souvenait parfaitement.

Elle se détacha de son bras et, avec moult précaution, elle prit place dans l'herbe avant de lisser les pans de sa robe dans un geste machinale, savourant la beauté et la tranquillité de l'endroit alors que non loin d'eux, des hirondelles chantaient dans leur nid construit dans un pêcher. Un lieu parfait pour pique-niquer ! Enfin, c'était son avis en tout cas. Redressant le visage, Galadrielle se mit à regarder Eliowir avec douceur et curiosité alors qu'il explorait les lieux, essayant de déchiffrer son ressentit, un sourire serein sur le visage.

- Eliowir ? Dit-elle doucement pour attirer son attention, son regard pétillant de joie alors qu'elle l'attendait.

- J'espère que tu n'as aucune obligation mon ami parce que j'ai l'intention de te kidnapper pour le reste de la journée

Quelles obligations pourrait-il donc avoir ? Lui qui n'était pas censé être revenu, lui qui n'était pas censé être en ce lieu interdit pour lui ? Lui qui enfin était censé n'être plus rien ni personne pour les elfes ? Non, aucune réelle obligation. Et même s'il était déterminé à payer sa dette d'une quelconque manière envers les baptistrels et leur aide providentielle, rien n'avait encore été décidé, lui laissant encore du temps libre devant lui. Un peu trop de temps libre à son goût, s'il devait tout avouer. Bon, cela lui permettait de manger à foison, de satisfaire sa gourmandise sans fin, de se prélasser au soleil, de paresser enfin.. mais tout de même. Il aurait aimé pouvoir se montrer utile.

Utile... Voilà bien le leitmotiv qui le rongeait depuis son arrivée en ces lieux...

- Alors kidnappe-moi donc. Cela me fera plus que plaisir d'être ton prisonnier, répondit-il de sa voix suave et taquine, ses mots faisant toutefois sombrement écho à ses moments d'emprisonnement sous le joug de Lorenz Wintel.

Oui, il préférait mille fois être le prisonnier de son Impératrice que celui du Prince des vampires. Nulle comparaison n'était possible...

Il se laissa donc guider, aussi docilement que le lion en lui le permettait, savourant simplement la douce présence à ses côtés, la douce chaleur qui s'appuyait, en toute confiance, à son bras. Que cet instant soit béni du Dracos, pensa-t-il, tandis qu'ils arrivaient dans une petite clairière dont les milles merveilles se révélèrent à leurs yeux : arbres et buissons fruitiers dont les saveurs faisaient déjà palpiter ses papilles de plaisir, herbe tendre qui étendait son doux tapis sous leurs pieds, eaux calmes et limpides qui, en une cascade mélodieuse, s'ébattaient en un petit lac des plus prometteurs... Oui, merveilleux. Bénédiction de la nature.

- Qu'est-ce que tu en penses ? Tu pourras même te baigner si le cœur t'en dis

- Magnifique, ne put-il d'abord que souffler comme toute réponse.

Que dire d'autres de toute façon ? Cet endroit était tout simplement indescriptible et les mots lui paraissaient bien trop maladroits pour lui rendre pleinement hommage.

Tout à sa contemplation, il remarqua à peine Galadrielle s'installer au bord du petit lac, tandis qu'il entreprit de faire rapidement le tour des lieux, caressant d'une main rêveuse les promesses délicieuses que lui offraient les arbres et buissons alentours. Il s'y serait aisément perdu, pour tout avouer, si une voix bien aimée ne l'avait tiré de sa torpeur exaltée.

Il tourna un visage un peu contrit vers la reine des elfes qui trônait, splendeur au milieu de splendeurs, dans ce lieu magique. Oui, elle était belle son Impératrice. Elle avait certes vécu, tout comme lui, les siècles passant à si vive allure, et elle était peut-être déchue de son titre royal... mais elle restait belle et magnifique, son Impératrice. Et, il le sentait, elle resterait à jamais l'Impératrice des elfes dans le cœur du beau peuple. Car elle était une Evanealle, elle était puissante, elle était belle, elle était magique, elle était insoumise. Elle était splendide enfin, toute de majesté habitée. Elle était Galadrielle. Déchue par le conseil, peut-être, mais elle ne pouvait être déchue du cœur des elfes. Cela ne pouvait...

- Magnifique, répéta-t-il, cette fois avec plus de force que précédemment.

Et il ne parlait pas seulement du lieu. Non, pas seulement. Ses yeux devaient aisément parler pour lui, tant ils pétillaient soudain d'une admiration sans faille.

Les mots lui manquèrent brusquement et il ne put alors que lui sourire, tout en prenant place à ses côtés, défaisant le petit baluchon, qui servit de nappe improvisée, sur laquelle il installa toutes les trouvailles des baptistrels pour leur petit pique-nique. Alors qu'il lui servait quelques mets, le souvenir de délicieuses promesses fruitières alentour lui revint en mémoire, et d'un bond, il se redressa. Il voulait lui offrir le meilleur, et le meilleur était juste à portée de mains. Bon, d'accord, sa gourmandise parlait aussi pour lui et son totem n'arrangeait en rien les choses en encourageant ce petit travers, mais qu'importe. Voilà un petit cadeau qu'il pouvait aisément lui faire.

- Attends, il manque quelque chose à ce délicieux festin. Je vais de ce pas te le chercher.

Et se disant, il retira sa tunique noir et argent, soyeuse tunique qui était l'un de ces rares biens les plus précieux, offerte récemment par ce mystérieux Achroma, et la plia soigneusement à la place où il s'était assis. Il était hors de question qu'il prenne le risque d'abimer ces beaux atours. De même il retira les bottes qui avaient été offertes avec. Il aurait été seul, sans doute aurait-il été jusqu'à retirer ses braies, qui faisaient partie du même ensemble, du même cadeau, mais cela l'aurait mis complètement à nu... Certes, Galadrielle l'avait sans doute déjà vu dans son accoutrement naturel, mais tout de même... Le jour de leurs retrouvailles ? Il attendrait un peu... peut-être... et devrait en tout cas faire attention à ses braies en grimpant dans les arbres. C'est ainsi qu'il se retrouva pieds nus et torse nu, à partir à la cueillette de fruits, tout en chantonnant une vieille chanson d'enfance, tout en offrant sourire et petites acrobaties à Galadrielle.

Il ne mit que quelques minutes à peine, montrant par là même une certaine expérience dans cet exercice, ce qui en disait long sur la façon dont il s'était nourri ces dernières années, avant de revenir aux côtés de la belle elfe, les bras chargés de mets savoureux.

- Voilà un festin digne d'une Reine, fit-il, content de lui, tout en offrant à sa petite Gala les fruits les plus prometteurs, les plus beaux, et sans doute les plus savoureux.

Alors qu'il en savourait un, qui goutta sur son menton, tant il l'avait croqué avec voracité sous sa gourmandise exacerbée, il se mit à rire aux éclats, tout en tendant un autre fruit à Galadrielle. Il avait vaguement conscience du spectacle qu'il pouvait offrir aux autres : torse et pieds nus, cheveux au vent, ses balafres le défigurant quelque peu, le menton gouttant encore du jus de fruit qu'il essuya rapidement d'un revers de main, main qu'il s'efforça d'ailleurs de ne pas sucer ensuite comme il l'aurait fait en d'autres circonstances... quand il avait été si affamé que même quelques gouttes de jus lui paraissaient trop précieuses pour être perdues... Oui piteux spectacle sans doute, que celui-là, celui d'un presque sauvageon, d'un vieil elfe solitaire, celui enfin d'un si noble conseiller antan soudain déchu et redevenu à un état presque sauvage... Bestial ? Bestial oui, peut-être, en quelque sorte... lui qui écoutait si souvent, un peu trop sans doute, les murmures de son lion...

Mais qu'importe, il était devenu ainsi. Même s'il savait l'ancien conseiller encore au fond de lui, même s'il sentait sa vieille éducation souvent refaire surface, même s'il sentait le noble elfe pulser toujours en lui, il avait changé aussi, tout comme le mage politicien était devenu mage guerrier. Le tout se composant alors étrangement pour former un autre moi, un autre être, un autre elfe. Il avait vécu bien des choses, des choses qui l'avaient remodelé... libéré peut-être ? Peut-être était-ce en partie son ancien moi qui enfin faisait surface ? Ou peut-être pas... Il avait été dans son enfance, si savamment muselé, modelé, par l'éducation étriquée et rigoureuse de sa famille, puis modelé ensuite en partie par la politique au sein du Conseil qui l'avait obligé à se contraindre au silence, à la diplomatie, autant que faire se pouvait du moins pour un caractère aussi emporté et aussi passionné que lui... aussi arrogant également... Oui, peut-être était-ce aussi une sorte de libération. En bien ou en mal, qu'importe, il était ainsi. Il espérait simplement que ce ainsi ne serait pas rejeté par sa presque sœur, et que ce ainsi ne la rebuterait pas... pas complètement du moins.

Il tenta donc de se contraindre au calme, de contenir sa gloutonnerie et de gommer sa sauvageonnerie, pour reprendre, d'une voix plus posée empreinte d'un certain respect :

- Cet endroit est... sublime. Magique. Digne de toi. Tu as bien choisi, ma petite Gala, souffla-t-il, un doux sourire, un brin nostalgique, ornant ses traits balafrés. Mais dis-moi tout. Parle-moi de toi, ma petite Gala. Outre élever tes enfants, que souhaiterais-tu faire ? Qu'aimerais-tu devenir maintenant que tu seras bientôt libre de tes fers ? Quel avenir aimerais-tu construire ?

[HJ : désolée du retard^^ Comme d'ordinaire, si quoique ce soit n'allait pas, n'hésite pas. Si tu veux plus d'ouverture, n'hésite pas aussi, j'avais pas mal d'idées, mais j'avais peur de faire trop long^^]

Les âges et les tourments n'avaient pas été d'une tendresse avec son vieil ami mais Galadrielle était tellement heureuse de le revoir à ses côtés. La grande Impératrice emplit de sagesse et d'impartialité avait bien changé, il fallait remercier les hormones en grande partie mais aussi cet étrange sentiment si nouveau et vivifiant qui l'enivrait quand son regard ou ses oreilles recevaient la moindre information au sujet d'Eliwyr Meraenonn. Bien évident, cela n'empêchait en rien l'atroce culpabilité et honte qu'elle ressentait à l'égard de son mari qui lui était toujours fidèle et aimant, même lorsque la mort s'approchait inexorablement de lui... Non elle ne voulait pas y penser et elle désirait encore moins qu'Eliowir ne ressente ne serait-ce qu'une phalange de la douleur aiguë qui vivait en son sein en compagnie de son bonheur. Personne ne devait savoir ou compatir à sa faute : elle était en tord sur toute la ligne et vivrait avec sa trahison jusqu'à la fin de sa vie... Brièvement, son regard se baissa et s'assombrit tristement, sa gorge se serrant alors que son esprit se faisait assaillir par la culpabilité, la faisant se crisper. Elle n'était pas digne du symbole qu'elle avait incarné depuis tellement de siècle... Aussi fort pouvait être l'amour qu'elle avait développé pour ces êtres qui grandissaient chaque jour un peu plus en elle, cela n'effacerait en rien le poids de cette erreur qui jetait l’opprobre sur toute sa lignée et ceux qui la côtoyaient ou se liaient à elle.

Mais l'heure n'était pas à se lamenter sur elle-même, elle devait se centrer sur Eliowir et lui insuffler un peu de lumière dans les ténèbres de sa folie et de sa peine. Il souffrait encore de son passé alors il méritait un brin de repos... Et cela lui permettrait de ne pas se centrer sur ses propres ténèbres qui la rongeait lentement mais sûrement. Elle prit une profonde inspiration et se redressa en affichant un sourire lumineux pour lui malgré un regard légèrement trouble

- Viens mon ami, allons nous promener et explorer les lieux, dit-elle doucement en glissant son bras autour du sien. Tu n'es pas mon prisonnier, disons plutôt mon otage : les baptistrels ne te récupéreront pas tant que je n'aurais pas accouché, d'accord ? Le taquina-t-elle gentiment avant de marcher lentement, le guidant jusqu'à l'endroit qu'elle avait repéré au hasard d'une de ses éternelles nuits blanches.

Un endroit parfait pour pique-niquer et ne pas se faire déranger : les baptistrels étaient occupés, les vampires dormaient ou étaient à l'abri, et les autres... Ce n'était pas important, seuls comptaient eux quatre et l'amusant moment qui s'annonçait. Un peu d'insouciance et de plaisir des sens n'ont jamais fait de mal non ?! En tout cas, l'endroit qu'elle avait finit par choisir semblait lui convenir à ravir si elle se fiait à son ébahissement contemplatif et le regard gourmand qu'il eut brièvement en remarquant les buissons et arbres fruitiers. Elle s'en doutait un peu dans le fond : depuis qu'elle le connaissait, elle l'avait toujours vu avec une quelconque nourriture entre les doigts et/ou dans les poches. Galadrielle le laissa faire avec attendrissement, heureuse de constater que cela avait chassé les ténèbres de son être, aussi brièvement cela pouvait être, et installa le pique-nique et son séant impérial sur l'herbe. Hmmm ça faisait toujours du bien de s'asseoir... Tranquillement, elle savoura les rayons du soleil en caressant sereinement avant de se tourner vers lui, riant tout bas : il semblait être greffé à la végétation savoureuse. Elle lui offrit ses instants qui semblaient lui être chers avant de l'appeler pour retrouver son attention et qu'il vienne à ses côtés, amusée de voir son regard si pétillant avant de rosir quand il la regarda avec ce même regard.

Revenant à la réalité, il revint à ses côtés et étala les victuailles avant de bondir de nouveau vers les arbres, enlevant ses habits avant de crapahuter parmi les branches pour récupérer quelques fruits bien mûr et juteux, sucré, pour les accompagner dans leurs repas. Si tout à l'heure il semblait pétiller de satisfaction, là il irradiait littéralement de bonheur alors qu'il croqua dans l'un d'entre eux en revenant s'asseoir avec elle, dégoulinant de jus à cause de l'enthousiasme de sa gourmandise. Elle était heureuse de le voir si bien dans sa peau en cet instant...

- Merci ! Ils ont l'air délicieux effectivement, rit-elle doucement en le regardant, attrapant habilement le fruit qu'il lui tendit avant de croquer dedans de bon cœur. Hmmmmm 'crô bonn... Soupira-t-elle la bouche pleine et en rattrapant les goûts de jus qui roulèrent sur son menton, se léchant les lèvres et les doigts avant de le finir avec appétit : elle n'avait même pas remarqué qu'elle avait faim.

Une fois le fruit finit, elle piocha dans les victuailles pour les grignoter avec appétit avant de se figer quand il lui posa la question : que ferait-elle après la naissance de ses petits, outre s'occuper d'eux ? Euh... Au fond, on l'avait éduqué pour être impératrice jusqu'à sa mort et elle avait incarné ce rôle depuis tellement de temps... Il lui reste à peine deux malheureux siècles et demi à vivre alors à part protéger et aimer ses enfants, que pourrait-elle bien faire ? Elle serait en exil et Eliwir au royaume, elle ne savait même pas s'ils gagneraient la guerre, elle ne savait même pas si elle pouvait rester chez les baptistrels pour vivre avec ses petits ! Qu'aimerait-elle faire après...

- Je... Je ne sais pas... Bredouilla-t-elle en le fixant, surprise et perdu, un brin paniqué. M'occuper des jumeaux, ça oui évidemment !, mais après... Je... Je n'en ai aucune idée Eli... Qu'est-ce que je peux faire ? Qu'y-a-t-il à faire dans le monde ? Je ne connais rien d'autre que chevaucher, coudre, jardiner, chanter... Être impératrice... Je...

Elle n'avait jamais réfléchit à tout ça, à tout ce que cela impliquait désormais... Elle était complètement paumée en cet instant...

- Hmmmmm 'crô bonn...

Eliowir ne put que sourire à ces mots-là. Des mots qui faisaient écho aux sens qui soudain l'enivraient. Oui, enivré, il l'était. Il aimait se laisser aller ainsi à l'empire des sens, un empire qui lui permettait alors de se sentir vivant, de ne plus penser à l'elfe honni qu'il était, mais de penser à la vie, merveilleuse vie, qui l'habitait encore, même si parfois elle le hantait plus qu'autre chose. Oui, digne empire des sens alors que celui qui vous emportait dans un autre temps et un autre espace, où vous n'étiez plus que sensations miroitantes et endiablées, où vous n'étiez plus que sens en tout sens, où sombres pensées sombraient soudain dans des ténèbres éthérées, dans ces vapeurs inexistantes et impalpables du plaisir à l'état pur. Des plaisirs parfois simples, et des plaisirs parfois bien plus enfiévrés.

Oui, Eliowir aimait se perdre dans ses sens, ne devenir que fièvre pour mieux s'oublier. Peut-être était-ce pour cela qu'il laissait parfois, souvent, si souvent même, son lion le dominer...

Il ne put alors que sourire de voir son impératrice partager ce petit plaisir bien simple avec lui. Un plaisir si simple, si naturel, et pourtant si vital.

Mais ce petit plaisir sembla prendre abruptement fin quand il posa sa question. Il se serait giflé alors. Quelle idée de poser une telle question, en un moment où enfin paix semblait les avoir étreints. Pourquoi avait-il fallu qu'il brise ce sceau sacré pour venir étendre le manteau sombre de l'avenir sur eux de nouveau ? Non, vraiment, quel idiot il faisait ! Mais le mal était fait.

- Eli... Qu'est-ce que je peux faire ? Qu'y-a-t-il à faire dans le monde ? Je ne connais rien d'autre que chevaucher, coudre, jardiner, chanter... Être impératrice... Je...

Quel bougre d'idiot oui ! se fustigea-t-il mentalement, tout en attirant doucement Galadrielle contre son épaule, en la cajolant doucement.

- N'aie pas peur de l'avenir. Pour toi, l'avenir est vie avec tes deux enfants. Il ne peut être que beau, tant que cette vie sera là, vibrante et trépidante. N'aie pas peur alors, et vis toi aussi. Vis simplement. Tu aviseras alors, un avenir se présentera à toi aussi, j'en suis sûr. Un avenir que peut-être tu n'aurais pas même imaginé.

Il la repoussa alors légèrement, tout en la maintenant par les épaules, pour mieux l'observer, la contempler. Elle était belle oui, sa reine. Elle était belle mais elle avait peur, réalisa-t-il. Et qui ne l'aurait pas ? Lui aussi avait peur, s'il devait être honnête. Mais non, il ne devait pas. Peur n'avait aucun droit sur eux, aucun droit en ce lieu, décida-t-il. Souriant, il se tourna alors vers le soleil, qui pourtant commençait à décliner, et le montra du doigt à la belle elfe.

- Tant que ce bel astre brillera, se lèvera chaque jour, quand bien même il se couchera le soir, tant que cet astre-là nous éclairera, alors la vie sera. Et la vie est l'avenir, ma petite Gala.

Se disant, un fin sourire, un de ces rares sourires réellement apaisés, se dessina, toujours regardant l'astre lumineux, menaçant de s'aveugler à force de le regarder ainsi. Doucement, il se laissa tomber sur le dos, le visage tourné vers le ciel, et de sa main, tenta d'en attraper les nuages. Geste désespéré et inutile, vil mirage que celui-là.

- Ce que je voulais demander en fait, était, maintenant que tu as le choix, maintenant que tu n'es plus ce que les autres ont voulu que tu sois, qu'aurais-tu aimé être ? Abandonnons donc les chemins du possible, qu'importe les obstacles, les illusions, les rêves désespérés... Qu'aurais-tu aimé faire, être, si tu avais eu le choix, la possibilité...

Il se tut un instant, avant de compléter sa pensée, pour essayer de mieux lui faire comprendre ce qu'il voulait dire.

- Moi je n'ai jamais voulu être conseiller en fait, mais ça tu le sais. Moi, si j'avais eu le choix... J'aurais aimé être dans l'armée, le bel uniforme, l'action, même si notre armée était plutôt d'apparat qu'autre chose... J'aimais la bagarre, l'action, et j'étais puissant mage...

Oui, bon d'accord, il se montrait encore arrogant à étaler ses compétences. Mais qu'importe, Gala le connaissait assez pour ne pas s'offusquer de son trait de caractère si caractéristique non ?

- Ou alors j'aurais aimé être baptistrel. Un elfe chanteur... J'ai toujours aimé la musique... le savoir aussi. J'en ai beaucoup, mais les elfes chanteurs en cachent beaucoup d'autres encore. Quel élément j'aurais pu être, penses-tu ? L'eau ? Hum... Non, je ne pense pas. Ni l'air. La terre peut-être ? Je n'ai en tout cas pas la pureté des étoiles... le feu peut-être ?

Il se releva alors sur un coude, et offrit un sourire à la belle elfe à ses côtés.

- Voilà ce que j'aurais aimé faire si on m'en avait laissé le choix. Je ne serais jamais devenu conseiller, je n'ai rien d'un diplomate, je suis trop franc, ma pensée n'arrive pas à se taire et je déteste en fait la politique même si j'ai appris à la manier, et à bien la manier. Je ne me serais jamais marié non plus avec mon épouse, pour qui j'ai pourtant ressenti beaucoup d'affection sincère.

Mais pas d'amour véritable, songea-t-il, un peu amer et nostalgique. La peine vrillant sa voix profonde et rauque. Savait-il seulement aimer vraiment ? Saurait-il aimer un jour ? Et saurait-il être aimé en retour ?

- Non si j'avais eu le choix... Et toi Gala, ma petite Gala, qu'aurais-tu aimé faire ? Qu'aurais-tu aimé être ? Oublie les possibles et laisse rêve et mirage prendre, un instant, réalité. Qu'aurais-tu aimé être ?

C'était si tranquille et paisible comme endroit... Le vent légèrement doux et chaud, le bruissement des feuilles dans la brise, la caresse des rayons du soleil sur leur corps, le parfum sucré des fruits rouges qui fondaient sur la langue... C'était un plaisir simple mais un plaisir merveilleux et l'impératrice en aurait pour peu ronronner de bonheur en se laissant aller, son regard vide des tourments de la réalité pour simplement pétiller, étinceler de ravissement enfantin en la compagnie de son meilleur ami qui semblait aller lui aussi beaucoup mieux. Mais, alors qu'Eliowir ouvrit la bouche pour semble-t-il faire la conversation en toute innocence, la plénitude de l'instant fut rompit quand la teneur de la question atteignit pleinement son esprit : qu'allait-elle faire après la naissance de ses petits ?... Blanchissant sous la peur, Galadrielle fronça les sourcils sous l'angoisse et la préoccupation alors que l'impact des mots l'atteignirent complètement : à présent qu'elle n'était plus impératrice, enfin officieusement, et qu'elle allait accoucher de ses jumeaux, que ferait-elle pour s'occuper ? Pour rythmer les années qu'ils lui restaient à vivre ? Au bord des larmes et de la panique, la blonde le fixait avec un air perdu en se tordant les mains, sa poitrine se soulevant sous la pression de son cœur qui battait comme un oiseau affolé dans sa cage d'os. Elle n'en avait aucune idée et, malgré l'éducation qu'elle avait reçu comme toutes femmes de sang bleu, elle n'avait jamais apprit rien d'autre que ce qu'on lui avait apprit.

Fort heureusement, Eliowir reprit vite contenance devant l'air perdu de la mère des elfes et l'attira dans une étreinte réconfortante dans le creux réconfortant et fort de ses bras, sa voix rassurante résonnant dans le creux de son oreille pour la soulager du poids de ses tourments revenus. Son avenir était beau et avec les jumeaux qui s'annonçaient, ce ne serait qu'encore plus merveilleux, elle n'avait qu'à se laisser aller... Mais elle n'en était pas convaincue au fond d'elle : elle avait toujours perdu pied et s'accrochait à lui et à ses paroles, comme si la solution à toute cette histoire se trouvait avec lui. En tout cas il semblait vraiment très confiant et elle le regarda prendre ses aises sur le gazon, le regard s'élevant vers le ciel bleu alors qu'il croisait les bras sous sa tête.

Il aurait voulu être militaire ou baptistrel ? S'allongeant à ses côtés, Galadrielle aussi se mit à fixer le ciel en souriant doucement, l'imaginant avec l'uniforme des deux voies avant de rire doucement en tournant son regard vers lui.

- Les baptistrels sont si solennels et calmes, tu me parais bien trop fougueux et aventureux pour être l'un d'entre eux Eli ! Mais militaire t'irait bien je pense : tu porterais merveilleusement leur uniforme et tu seras comme dans les légendes héroïques qu'on nous contait lorsque nous étions enfants, dit-elle d'une voix remplie de malice et de douce taquinerie. Mais bon, imaginons que tu es un baptistrel... Quel élément aurais-tu été... Je t'aurais bien vu en air tu sais : libre, rêveur, voyageur, aventurier... Oui cela aurait été très toi je trouve ! Pouffa-t-elle de rire, amusée et détendue, le regard pétillant de joie et de reconnaissance.

Et elle... Qu'est-ce qu'elle ferait... Peut-être...

- Jardinière... Cultiver les produits de la nature, avoir la satisfaction de les voir naître, grandir, pousser en bonne santé grâce à vos bons soins et votre amour... Juste de la tranquillité et de la patience, la satisfaction du jour accomplit et la satiété d'une vie simple... Ou peut-être préceptrice ? Moi aussi j'aime savoir et transmettre mon savoir après tout ! Mais je ne me vois pas du tout être baptistrel malgré que la contemplation et la méditation en accord avec les Esprits, cette harmonie si pure et profonde est assez attrayante... Quoique j'ai toujours rêvé, jeune pousse, de partir à l'aventure, passant l'entièreté de mes siècles sur la selle de mon cheval avec un léger bagage, guidé par le vent insouciant et sans but précis. Voir la mer et les montagnes... Je ne sais même plus quand je suis allée dans ces lieux la dernière fois... Y suis-je déjà allée de toute manière ? Je ne sais plus, les rêves et la réalité se brouillent pour n'être qu'un quand on finit par être aussi âgé que moi ou pus... Dit-elle doucement alors que ses yeux fixaient les nuages paresseux qu'elle essayait vainement de les attraper avec une main.

Oui... Si elle avait eu le choix, nul doute qu'elle aurait choisit l'une de ses voies-là ou les trois à la fois : vivre l'insouciance et la sérénité, vivant chaque jour comme si c'était le dernier et sans jamais se prendre la tête. Paisible et tranquille... Et ses petits auraient eu une place dans sa vie et ils auraient été tout aussi libre et léger comme le vent eux aussi...

- Mais... Même si cette guerre se termine, si les Alayens s'en vont de cette terre qu'on nous a offert... Après que tous on ait pansé nos plaies... Les vampires referont cette guerre, j'en suis sûr et de nouveau nous ne serons plus vraiment en paix, encore... Et cette idylle de liberté et de légèreté, mes enfants ne pourront pas la connaître avant sûrement beaucoup de dizaines d'années... Soupira-t-elle en reposant sa main sur le sol, l'autre caressant son ventre distendue pour se rassurer et rassurer sa progéniture même s'ils étaient encore bien loin de savoir ce qu'il se passait dans la réalité et c'était tant mieux : le poids de la vie et de l'héritage qu'il recevait ne viendrait peser sur leurs épaules que bien assez tôt à son goût de toute manière.

Elément de l'air ? Lui ? Libre soit, quoique... Il avait toujours été attaché à ses convictions, son devoir, son rôle, ses obligations, son éducation, ses conceptions des choses... Conceptions des choses étriquées d'ailleurs, il s'en rendait compte depuis peu, construites par une éducation dépassée, éducation faite d'œillères, pétrie de vieilles convictions d'antan, de convictions racistes, outrageusement aveugles... Tout ce qu'il avait cru construire, quand il ne l'avait pas détruit lui-même, semblait maintenant s'effondrer quand il tentait d'enlever ses anciennes œillères. En même temps que s'effondraient anciennes convictions, et racisme d'un autre temps...

Donc non pas si libre que cela, même s'il aimait s'en targuer. Rêveur... Il ne se sentait pas si rêveur que cela non plus. Bien que son rêve le plus cher soit aussi un rêve des plus fous. Paix se nommait-il. Utopie était son surnom. Oui doux rêve impossible que celui-là. Admettons donc qu'il soit rêveur.... Voyageur et aventurier oui assurément. Il avait toujours aimé voyager et l'aventure ne lui déplaisait pas, même si ses aventures à lui avaient été labourées de guerres et de conflits et mépris en tout genre. Non ses aventures à lui étaient bien loin des aventures qu'on lui avait contées étant petit et qui l'avaient tant fait rêver. Ses aventures à lui n'avaient rien de joli. Et pourtant, il appréciait toujours l'idée d'aventures dans des pays encore inexplorés. Cela suffisait-il pour faire de lui un être d'air ? Il aurait pensé au feu, exalté et passionné qu'il était... ou à la terre, lui qui aurait rêvé posséder sa sagesse et son calme... Ce côté rassurant que la terre mère pouvait avoir... Il n'osa toutefois pas contredire Galadrielle et la laissa continuer, elle qui enfin se laissait emporter aux confidences. Se laisser aller... Voilà bien un mot que l'Impératrice n'avait jamais dû connaitre. Peut-être était-il temps alors de le lui apprendre ? Du peu qu'il en avait appris lui-même du moins.

- Oublions la guerre un instant, murmura-t-il quand elle eut fini. Elle se rappellera à nous bien assez tôt. L'heure n'est pas à la guerre en cet instant, mais aux rêves. Oui, aux rêves. Et si les rêves et la réalité se brouillent pour n'être qu'un, comme tu dis, alors faisons en sorte que, pour cet instant, juste cet instant, les rêves l'emportent sur la réalité, que les rêves la teintent de leurs belles couleurs si chatoyantes.

Se disant, il se redressa en position assise et se remit à grignoter quelques fruits tout en souriant à la belle elfe à ses côtés.

- Je t'aurais bien vu préceptrice en effet, ajouta-t-il enfin avec un sourire espiègle. J'aurais adoré que tu sois la mienne en tout cas. Mais tu en aurais vu de toutes les couleurs avec moi.

Il se mit alors à rire, aux souvenirs de ses précepteurs s'écriant après lui quand il fuyait les leçons ennuyeuses pour aller lire son précieux livre, bien plus intéressant selon lui, au fin fond de la forêt.

- Oui, préceptrice, tu aurais peut-être réussi à faire de moi un élève un peu plus assidu, un peu plus respectueux, fit-il, un semblant de sérieux refaisant surface, même si son sourire malicieux ne s'était pas encore envolé. Préceptrice voyageant à travers tout le royaume pour étendre son enseignement à qui le voudrait, à travers nos forêts, mais aussi par delà, dans les plaines humaines ou leurs froides montagnes... et pourquoi pas, oui pourquoi pas, rêvons un peu folie, pourquoi pas jusque dans les déserts de l'est... Je te verrais bien capable d'enseigner ton savoir même aux vampires..

Une ombre voleta dans son regard, mais son sourire, s'il flancha un peu, ne s'éteignit toujours pas. Ce n'était pas le moment, se morigéna-t-il.

- Certains vampires aimeraient savoir, je pense. Certains sont capables d'écouter, de savoir... certains seraient capables de paix et de partage je pense.

Oui, folie encore. Fou il était visiblement.

- Peut-être est-ce encore temps, après tout ? Et peut-être serait-ce là une voie, une des solutions, pour établir cette paix tant espérée, tant rêvée ? Pour que tes enfants, les enfants de notre peuple, la connaissent un jour ? Oui, peut-être...

Il pencha un instant la tête de côté, avant de reporter son regard sur les nuages, son esprit voguant un instant avec eux, avant que le vent ne tente de faire revenir ses folles et désespérantes pensées au temps présent.

- Oui, va savoir. Tu en serais bien capable après tout...

Sa voix était songeuse alors, rêveuse... Une voix qui semblait partie dans un autre monde, chevauchant aux côtés d'une belle reine, d'une belle Galadrielle, elle même partie dans une étrange quête, dispensant son savoir et sa sagesse à travers toute Armanda, même au peuple anciennement ennemi, prônant paix et prospérité, et peu à peu la créant par ce partage et ses paroles apaisées, par des alliances alors nouées, par des serments assurés... Oui, il chevauchait avec elle, fier chevalier... et enfin la paix naissait. Grandissait. En même temps que grandissait ses enfants à elle... des enfants qui alors nourrissaient cette paix. Des enfants débarrassés de leurs anciennes haines... Oui, que c'était loin alors... si loin... mais si beau. si utopique... Il était fou. Oui, vraiment fou. Quant cesserait-il de rêver cette douce folie ?

Oui. L'espace d'un instant, cela ne lui ferait pas de mal à notre impératrice tourmentée de ne plus penser aux affres de la guerre ou à son peuple qui ne devait pas vraiment comprendre ce qu'il se passait, le pourquoi d'un changement d'empereur aussi rapide même si l'explication de la mort prochaine de son époux en était une bonne. Non, pour le temps d'une respiration, d'un instant, Galadrielle se devait de rêver et d'imaginer, d'apaiser les tourments de son âme pour que ses petits ne sentent pas le stress de ce qui lui arrive. Ils devaient vivre et grandir en toute quiétude dans la sécurité de son ventre...Eliowyr avait mille fois raison : la guerre se rappellerait à eux bien assez tôt.

- Oui tu as raison, pardonne-moi mon ami... Lui sourit-elle piteusement, une larme de soulagement roulant sur sa joues avant de se perdre dans l'herbe. Les rêves, rêver nous fera le plus grand bien...

Elle le regarda s'installer pour manger un peu, mais elle, ne pouvant faire comme lui sans un coup de main à cause de ses petits passagers un peu encombrants, se contenta de s'installer un peu plus confortablement sur l'herbe pour le regarder sans peine pendant qu'une petite main bien leste chipait quelques fruits à son ami pour le taquiner : la nourriture et Eliowir étant une sacré histoire d'amour, Galadrielle avait souvent prit dans le passé la manie de lui en prendre quelques uns pour le provoquer et le taquiner. Quand il se mettait à fulminer et protester à cause de cette manie, la blonde ne pouvait s'empêcher que de rire et de continuer de plus belle, une vraie chipie au plus grand désespoir de son meilleur ami qui n'était jamais vraiment fâché quand elle faisait ça.

- J'ai grandit avec toi mon ami, j'aurais été ta préceptrice dans le passé, nul doute que je t'aurais dressé comme nous dressions les lémures, le titilla-t-elle. Ou je t'aurais persuadé avec de la nourriture ? Je sais que manger est ton petit point faible et tu me connais, je l'aurais exploité sans souci pour te motiver, rit-elle de bon cœur, apparaissant comme la chipie d'autrefois, rajeunissant à vue d’œil en se remémorant les bêtises du passé.

C'était le bon temps et son père ne rouspétait pas trop avec elle quand on les prenait tous deux à faire des bêtises... Oui, préceptrice n'aurait pas été de tout repos si elle avait eu Eli comme élève ou des vampires comme il en soulevait le détail. Un détail curieux : certes elle se voyait bien voyager dans tout Armanda pour déverser son savoir et accumuler celui des autres, celui qu'elle ne connaissait pas, mais aller jusqu'à la peuplade vampirique ? Oui, pourquoi pas après tout, le seigneur Achroma ne lui avait-il pas dit qu'il souhaitait la paix entre leurs races ? Et ce bébé, Zaphirel, en rien il n'avait l'air de souhaiter la guerre lui non plus...

- Oui, tu as raison Eliowyr : certains vampires souhaitent cette paix... Lui dit-elle doucement, son regard le fixant avec attention tandis qu'un sourire maternel et serein ourla ses lèvres. Tu as rencontré le seigneur vampire Achroma Seithvelj n'est-ce pas ? Un être tout à fait fascinant... Dont la sagesse et le grand âge force à l'interrogation puis au respect... Souffla-t-elle distraitement en se souvenant de la fois où il était venu la trouver à la lisière de son pays avant de la kidnapper parce qu'on l'avait surprit.

Une époque bien moins troublé que celle qui était la leur aujourd'hui... En tout cas, cette idée semblait avoir emporté son meilleur ami partir loin dans ses rêveries : de toute évidence, la perspective de la voir devenir enseignante auprès des vampires le troublait et l'attirait grandement.

- Eli ? Eli ? Dit-elle en effleurant son genoux pour le sortir de son nuage. Eli... Aide-moi à me redresser s'il te plaît, demanda-t-elle en rougissant légèrement sous la gêne et la honte de lui soumettre une faiblesse pareille, son image d'impératrice gracieuse et souple en prenant un sacré coup dans l'aile. Et si tu me disais ce que tu vois dans tes rêveries mon ami ? J'ai l'impression que ce qu'il s'est passé entre toi et le seigneur Achroma t'a touché énormément, reprit-elle une fois correctement assise, son regard le fixant avec attention.

Manger son petit point faible ? Juste petit ? Déjà antan il avait effectivement tendance à être très porté sur le manger. Au grand étonnement de tous, lui qui gardait une allure svelte et élancée, malgré tout ce qu'il pouvait ingurgiter. On le traitait parfois de glouton... Non pas qu'il mangeât de manière goinfre, il avait su faire montre de bonnes manières même dans ces moments-là... mais disons qu'il ne pouvait résister à un bon met, même le plus simple, et qu'il avait tendance à manger autant que ce qui pouvait se présenter à lui. Et que dire depuis que son totem s'était révélé à lui.... Oui manger était son "petit" point faible. Mais loin d'en rougir, il se mit à rire de sa voix grave et profonde aux taquineries de Galadrielle. Et à la main chapardeuse qui tentait de lui voler ses mets convoités...

S'il grommela pour la forme, le sourire qui lui déformait les traits démentait sa pseudo mauvaise humeur. Les souvenirs, bons et chaleureux souvenirs, affluaient alors, se profilant les uns sur les autres, se mêlant dans une élégante danse au rythme endiablé, qu'il peinait à suivre, mais qu'il n'avait aucune envie d'arrêter. Les images édulcorées de leurs versions plus jeunes s'amusant ainsi et les échos de leur rires d'antan se jouèrent un instant dans son esprit, menaçant de supplanter la réalité à ses sens chavirés, mais il n'eut pas le coeur de les chasser. Au lieu de cela, il laissa son rire se perdre dans les échos lointains, et laissa les souvenirs s'éteindre d'eux-mêmes, les images du passé s'estompant sur celles présentes.

Une Galadrielle plus jeune et plus svelte fit place alors à une Galadrielle au visage quelque peu assombri par les soucis présents et au ventre rebondi d'une grossesse avancée. Mais quelque soit la Galadrielle qui lui souriait, le sourire était toujours le même, constata-t-il, ses yeux sombres nuits pétillant alors soudain d'une tendresse toute fraternelle, tandis que son coeur battait chamade. Oui, toujours le même. Toujours aussi chaleureux, aussi accueillant, toujours aussi encourageant... Toujours le même. Galadrielle n'avait, au final, pas si changée que cela. Contrairement à lui...

- Tu as rencontré le seigneur vampire Achroma Seithvelj n'est-ce pas ? Un être tout à fait fascinant... Dont la sagesse et le grand âge force à l'interrogation puis au respect...

- Oui, fascinant, répondit-il évasivement, d'un ton rêveur, inconscient en fait des mots qu'il laissait échapper.

Ce n'est que lorsque Galadrielle reprit, qu'il comprit ce qu'il venait de trahir. Inconsciemment. Sans même réaliser lui-même jusque-là qu'il y avait réellement quoique ce soit à trahir... mais quand la question de Galadrielle fusa, et que son regard le darda de façon si intense, il sentit que quelque chose avat été révélé. A qui ? quoi au juste ? Il n'aurait su le dire lui-même, pour être honnête. Tout ce qu'il savait... C'est que soudain il se trouvait pris au dépourvu, et par la question, et par ce regard, et qu'il sentait qu'on mettait le doigt sur quelque chose, mais que ce quelque chose le... gênait. Qu'il n'arrivait pas à donner de nom à ce quelque chose et encore moins à l'expliquer... Pourtant...

Pourtant Galadrielle attendait une réponse. Une réponse qu'il ne savait donner...

Pour se donner du temps et une certaine contenance, il s'empressa donc de l'aider à se redresser, rougissant quelque peu en fuyant son regard, et se morfondant dans un silence un peu trop prononcé pour être honnête. Ce ne fut que lorsque le faible clapotis de l'eau calme non loin d'eux se fit un peu trop imposant qu'il sentit qu'il devait rompre le silence... Le rompre, d'une manière ou d'une autre.

- Oui j'ai rencontré ce digne mlillénaire. Nous avons beaucoup... échangé, se résigna-t-il, une certaine réticence toutefois dans sa voix.

"Echangé"... Cela était peu dire en fait...

- Notamment sur le passé. Savais-tu qu'il aurait tué un de mes aïeuls ? La faim sans fin... quelle fin funeste. Etrangement, de savoir cela m'a apporté des réponses... et un certain apaisement. Loin de lui en vouloir, je lui en suis même reconnaissant de m'avoir révélé cela. Nous avons ensuite beaucoup parlé, de nos peuples, du temps présent, des âpres événements qui ont déchiré les nôtres...

Il marqua ses paroles d'un geste évasif de la main. Il ne disait que la moitié de cette rencontre. Il ne mentait pas... Oh non il ne mentait pas. Mais ne disait que des demies vérités, tronquait ce qui s'était réellement passé. Il savait qu'il aurait pu tout dire à Galadrielle, tout lui raconté. Elle, elle ne le jugerait pas. Elle, elle comprendrait. Peut-être... ou pas. Comment pourrait-elle comprendre ce que lui-même ne comprenait pas réellement en fait ? Mais elle, en tout cas, elle ne le rejeterait pas et ne se moquerait pas. Elle écouterait... Oui, il aurait pu lui raconter. Mais...

Mais quelque chose le retenait. Peut-être était-ce ce même quelque chose qu'il n'arrivait pas à saisir, à comprendre, à nommer... Peut-être n'arrivait-il pas à se raconter à lui-même ce qui s'était passé et n'arrivait donc pas à le conter à d'autres ? Peut-être n'arrivait-il pas à mettre des mots sur ce qui s'était passé, sur ce qu'il avait ressenti et vécu alors... Oui, sans doute. Ou peut-être ne savait-il plus se confier sur des choses si... personnelles ? Allez savoir. Lui-même ne savait plus.... Alors il se tut. Garda le reste pour lui. Fuya du regard, les joues palissant quelque peu de honte, de cette honte de cacher des choses...

- Cela te dirait-il une baignade ? Demanda-t-il alors à brule-pourpoing, en se levant d'un bond.

Tel le lion repris de folie qu'il avait été quelques instants plus tôt. Il parvint à contenir sa nouvelle frénésie, son nouveau besoin de bouger et de s'activer pour fuir ou chasser sa folie naissante, et parvint à ne pas courir vers l'eau tout seul. Il lui fallut pour cela un grand effort... Un effort dont il ne se serait pas cru capable en cet instant. Non, à son propre étonnement, il parvint à ne pas laisser prise à sa nouvelle folie, et resta debout, devant elle. Il parvint même à lui tendre une main tremblante, dans une invitation presque timide, attendant son verdict. Son rejet, sa peine peut-être, sa vexation que son vieil ami ne se soit pas confié, pas totalement... Pour rien au monde il ne voulait la peiner. Mais il sentait qu'il l'avait peut-être fait, et s'en voulait déjà. Mais... Mais il était incapable d'agir autrement en cet instant. Incapable... Honteux, coupable, mais incapable d'autre chose.

Si seulement il connaissait cette autre chose d'ailleurs...

(HJ : vraiment désolée de ce retard... j'espère que ca ne t'a pas bloqué. J'espère que cela te conviendra sinon n'hésite pas )

{hrp: pas de souci va ^^ J'espère que ma réponse te plaira ^^}

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L'un et l'autre avait toujours eu la main bien leste quand il s'agissait de nourriture, Galadrielle plus pour embêter Eliowir bien évidemment : elle avait toujours trouvé cela très amusant de voir ce bon vieux lion glouton grommeler pour la forme alors qu'elle lui chipait sa pitance dans un éclat de rire aussi pétillant et rafraîchissant qu'une nuit d'été. C'était le bon temps... Mais l'idée d'être sa préceptrice était vraiment amusante, la blonde s'y voyait bien dans ce rôle et avec ce genre d'élève. Mais de là à dire qu'elle serait même capable de réussir à apprendre aux vampires... C'est vrai qu'avec l'aide du Seigneur Achroma tout serait possible mais tout de même, cela ne frôle-t-il pas l'utopie ? Pourquoi pas au fond et puis, il était plus que permit de rêver après tout. En tout cas, le vieux blond était un vampire tout à fait fascinant et s'il avait impressionné la mère des elfes, il fit une impression encore plus immense à son meilleur ami au vu de son état de rêverie intense. Cela aussi était tout simplement fascinant...

Elle lui demanda un peu d'aide en rougissant, espérant ainsi pouvoir se relever et le sortir de ses rêveries pour avoir quelques réponses, la curiosité la titillant de plus belle alors qu'elle ne le quitta pas un seul instant du regard. Liant leurs doigts, c'était avec soulagement qu'elle put se redresser et elle essaya de reprendre constance en l'écoutant lui raconter un peu ce qu'il s'était passé entre eux en défroissant ses vêtements en lui souriant tendrement. Il ne disait pas tout et restait évasif mais elle comprenait qu'il avait besoin de diriger vraiment ce qu'il s'était produit entre eux deux... Il semblait tellement perdu en cet instant... Mais elle respecterait son silence et attendrait qu'il vienne à elle pour l'aider à démêler cet écheveau si emmêlé qui se trouvait en lui ; elle avait même parfois l'impression que son âme s'était retrouvé brisé en milles éclats et que quelques uns s'étaient perdus quelque part dans le monde...

Alors, lui souriant tendrement, elle posa avec assurance sa main dans la sienne, serrant ses doigts tremblants dans une étreinte douce avant de les attirer à elle pour les poser sur sa joue, frottant doucement sa peau chaude contre sa main rêche en lui offrant un regard empli de chaleur et de douceur, pétillant de joie mais l'enveloppant surtout d'amour. Elle resta ainsi quelques instants avant de se rapprocher et d'entourer ses épaules de ses bras pour le presser contre elle, caressant sa nuque et ses beaux cheveux dans une étreinte tout ce qu'il y avait de plus maternelle.

- Je suis là Eliowir... Je suis là... Et tout ira bien d'accord ? Tout ira bien, tu es de retour et tout ira bien... Je te le promets... Murmura-t-elle doucement en continuant de le cajoler de cette manière pendant encore quelques instants, lui envoyant des ondes d'amour et de douceur.

Il semblait tellement fragile... Comme du cristal sur le point de se briser... Et elle aurait tellement aimé avoir le pouvoir de faire plus, beaucoup plus, pour lui venir en aide. Avait-elle trouvé les mots qu'il fallait pour le rassurer ? Agissait-elle comme il fallait pour lui assurer de sa présence et de son soutien ? Elle n'en savait rien... Mais du fond de son cœur elle l'espérait parce qu'elle souhaitait ardemment qu'il cesse d'être tellement tourmenté, qu'il cesse de souffrir à ce point...

- Avoue que tu veux te baigner pour m'embêter et me mettre des poissons ou des grenouilles dans mes cheveux, sale gosse... Murmura-t-elle d'un ton amusée en se détachant de lui, lui faisant un clin d’œil joueur avant de caresser sa joue puis de replacer une mèche rebelle derrière son oreille.

Tranquillement, elle fit deux pas en arrière et délaça sa robe kimono pour ensuite la retirer et la plier correctement avant de la mettre à côté du panier de victuailles. Elle se chargea ensuite de défaire sa lourde coiffure pour ne faire ensuite qu'un simple tresse battant son dos, abandonnant sans sourciller les piques et peignes de sa coiffe sur sa robe pliée. Hop elle était prête, simplement parée dans une robe sous-vêtement en laine blanche et bleue, brodée de motifs vert. Ce fut donc ensuite avec amusement qu'elle lui tira la langue avant de se dandiner jusqu'à l'eau, se fondant lentement avec l'onde fraîche du petit lac et retrouvant avec plaisir la grâce qui la caractérisait tant auparavant.

- Viens Eli ! On fait la course ? Celui qui arrive le dernier au petit ilôt au centre doit un massage au vainqueur ! Le nargua-t-elle malicieusement avant de se mettre à nager comme un poisson, riant et souriant de plaisir.

Que ça faisait du bien de se sentir si légère ! Et heureuse en compagnie de son meilleur ami ! A bas les soucis ! Vive les bonheurs simples de la vie !

Il fut plus que reconnaissant à Galadrielle de ne pas insister, de ne pas le tanner de questions en tout genre concernant sa rencontre avec le millénaire. Une rencontre qui le laissait songeur, rêveur diraient certains médisants, et qui en tout cas lui avait fait forte impression. Une si forte impression qu'il peinait encore à en démêler tous les fils, tous les tenants et aboutissants. Pas bien sûr d'ailleurs de vouloir véritablement les démêler d'ailleurs.... Mais Galadrielle savait être discrète et respectait son silence, ses réticences, sans montrer signe de lui en vouloir par ailleurs. Ah Galadrielle... Qu'il l'aimait sa petite Gala, sa petite soeur, sa petite reine !

Il se laissa alors aller dans l'étreinte chaleureuse, si fraternelle, presque maternelle, qu'elle lui offrit si naturellement. Sans un mot, sans rompre ce silence qu'il avait comme imposé sans le vouloir vraiment, sans vraiment en avoir conscience. Ils semblaient ne pas avoir besoin de mots en cet instant. Les gestes se suffisaient à eux-mêmes. Mais le silence ne pouvait s'éterniser, et comme elle avait su le respecter elle sut quand et comment le rompre. De sa voix douce et apaisante, murmurante, rassurante.

Il se sentit toutefois obligé de trouver de quoi détourner l'embarras qui menaçait de le tétaniser. Et le lac le lui offrit, ses eaux calmes chatoyant non loin d'eux semblant les appeler à partager sa fraicheur et ses douces caresses.

- Avoue que tu veux te baigner pour m'embêter et me mettre des poissons ou des grenouilles dans mes cheveux, sale gosse...

Il ne put que sourire pour toute réponse. Elle venait par ses simples mots de lui offrir la trêve qu'il avait si vivement quémandé. Sans question toujours et encore. Simplement acceptant sa nouvelle folie et y participant même. Il resta un instant à la contempler, tandis qu'elle se dévêtait pour faire trempette. Mais ce n'était pas les formes féminines ni les formes de mère enceinte qu'il contemplait, non, loin de là. Ce qu'il contemplait c'était la beauté d'âme qu'il voyait en cette magnifique elfe. Une bonté et une beauté d'âme qui le vrillait au plus profond de son coeur soudain, le paralysant presque dans ses derniers battements, sans même qu'il ne cherche à se débattre. Oui, elle était belle, sa Galadrielle. Mais sa beauté n'était pas physique, pas seulement. Non, elle était bien au delà, elle était autre, moins éphémère, de cette beauté qu'on disait éternelle et universelle. De cette beauté qui étincelait dans vos yeux et aveuglait soudain ceux qui osait vous contempler. Il était à deux doigts de laisser de nouveau son esprit dériver dans des contrées étranges quand...

Quand elle lui tira la langue, mutine, et le défia dans une course à la nage. Rha, la bougresse, elle trichait en plus ! Elle venait de prendre une sacrée avance, lui qui n'était pas même encore entrer dans l'eau... Il réagit alors au quart de tour, se dévêtant rapidement, ne gardant que ses chausses, tout en accourant dans l'eau dans un grand éclat de rire.

- Tu triches, gala, tu triches, ne put-il que s'exclamer tandis qu'il plongeait dans le lac, de grandes éclaboussures d'eau noyant quasiment ses mots.

Et s'empressant alors de tenter de la rattraper. Tenter seulement, car malgré son état, Galadrielle restait une bonne nageuse, excellente même, et était à deux doigts de gagner son propre défi....

[HJ : encore une fois j'ai mis trois ans à répondre Le cloture-t-on ainsi ? Ou souhaites-tu que je le rallonge en relançant ?^^]

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