Quand une personne vient au monde, elle se voit placer dans la seconde dans une des deux catégories qui régissent ce monde : il y a ceux pour servir et ceux pour gouverner. Moi, quand mes yeux se sont ouverts pour la première fois au sortir du ventre de ma génitrice, j'ai été placé dans celui des gouvernants parce qu'en voyant ma frimousse, mon père clama que je serais la future impératrice des Hommes. C'est à ce moment-là que commença ma vie...

Dès que je fus en âge de résonner, mon éducation commença avec les leçons basiques : apprendre à lire, à écrire et à compter restait quand même quelque chose de primordiale pour mon père parce que je ne serais pas n'importe qui donc je me devais d'être parfaite. Puis le temps passant, je me vis attribuer des exercices et des raisonnements plus compliqués afin d'aiguiser mon esprit, de nouvelles matières telles que l'histoire de notre pays pour parfaire ma culture. Et comme j'atteignis l'âge d'être une femme, j'eus des enseignements qui me formèrent à ma nouvelle charge ; l'art d'être une bonne épouse, la danse, développer mon sens esthétique pour tout ce qui concernait la coiffure, le maquillage, les vêtements, les bijoux, etc. Afin qu'il soit irréprochable. Sans oublier, bien entendu, la couture, la broderie, l'équitation, le chant, la harpe et la flûte traversière, la diction et la prononciation, etc... Mon éducation devait être sans faille.

« Je suis la future impératrice de cet empire » était un leitmotiv qui rythma sans pitié mon existence dès l'instant où je naquis.

Mes fréquentations étaient donc contrôlées et mes actions analysées à la loupe, aucune erreur ou baisse de tension n'était tolérée et je le payais durement dans le cas contraire. Puis, lorsque je fus en âge d'être enfin mariée, ce fut mes prétendants qui passèrent dans le tamis. C'est à ce moment-là, d'ailleurs, que je commençais peu à peu à ne plus comprendre mon père qui avait pourtant été mon référent et mon héros : si j'étais destinée à épouser le futur empereur, pourquoi diable devais-je discuter avec ces autres hommes ? Etrange... Mais je le fis quand même, obéissante, tout en attendant avec impatience les rendez-vous avec Sire Grégorist Kohan, déployant tous mes charmes comme on me l'avait apprit afin de l'enfermer dans les filets de ma beauté.

Cependant, dès l'instant où j'avais cessé de le comprendre, les choses cessèrent d'abonder dans mon sens, de même que les événements et, en l’occurrence ici, le choix de mon futur époux. C'est ainsi que je me retrouvai unie à Sire... Korentin Kohan, cousin de notre tout jeune empereur, Sire Grégorist Kohan... Oh le mariage fut magnifique et il fut très doux durant notre lune de miel, mais cela n'apaisa nullement la sensation de l'amère trahison que je ressentais à l'égard de mon père : depuis que j'étais née, j'ai été formaté à épouser l'empereur et voilà que je me retrouvais pendue au bras de son cousin ! Un Duc ! Tout ça parce que ce qu'il offrait en échange de ma mère l'intéressait davantage ! Mais comment pouvait-on réussir à trouver mieux que le trône impérial ?!

Trahis, humiliée... Et l'épouse d'un simple Duc... Je fulminais comme un dragon en colère et je jurais devant Dracos tout puissant qu'un jour je serais cette impératrice qu'on m'avait prophétisée! Et, à présent, j'avais assez « d'armes » en ma possession pour réussir à les entortiller autour de mon doigt sans l'aide de quiconque et encore moins de celle de mon père. Heureusement que mon époux est influençable...

Les années passent et voilà que quinze ans sont révolus mais, loin de se flétrir avec le temps, ma beauté reste encore plus lumineuse qu'à l'aube de mes quatorze ans quand je lui avais dit « oui » devant le prêtre et ce, grâce au retour des totems sur Armanda. Vingt-neuf ans et mère de deux ans... Et pourtant toujours fraîche et jolie ! Après avoir vaincu le corps et le cœur de mon époux, j'entretenais sans relâche la flamme ardente qui le consumait d'amour pour moi et finit par lui offrir un fils, un héritier qui a donc aujourd'hui sept ans. Bien que je sois sa génitrice, je ne ressens aucun instinct maternelle à son égard et Korentin sait que je ne lui donne pas autant d'amour que je le devrais. Encore que, si Nolan et lui étaient un peu plus proche du trône, peut-être... Mais ce n'est pas le cas. Du moins, pas encore, ne perdons pas espoir.

Mais les choses sont différentes en ce qui concerne notre second enfant qui vient de souffler ses quatre bougies, ma petite Victoria. Dès que sa frimousse vint au monde, je développai un puits d'amour inconditionnel pour elle et ses grands yeux bleus auréolés de boucles aussi blondes que les blés. Qu'elle était belle ma petite colombe... Ce qui horripile d'ailleurs fortement mon mari que je gâte à ce point notre enfant au détriment de Nolan mais ses états d'âme m'importe peu. Peut-être qu'en lui offrant un troisième enfant il se calmera... Tant qu'il reste sous mon influence cela me va. Sans compter qu'il existe bien une raison pour laquelle existe ce favoritisme maternelle : le sang qui coule dans les veines de ma Victoria est bien celui d'un Kohan mais pas de Korentin... Fabius Kohan.

C'est durant l'une de ces visites de courtoisie et protocolaire que je fis la rencontre du cousin borgne de mon époux, et c'est à partir de ce moment-là que mon désir de posséder le trône impérial trouva un écho dans l'être ambitieux qu'il était. Il était un homme et un Kohan, il voulait sa revanche et était aussi manipulateur que moi... Nous étions des aimants qui se sont unis pour donner naissance à une merveilleuse petite fille et une puissance conspiratrice qui nous permettra la réalisation de nos aspirations personnelles.

Peut-être un jour, qui sait, je révolutionnerais le monde et gouvernerais enfin l'empire des Hommes, une place qui me revient de droit ! Peut-être aussi avec Fabius à mes côtés...