Troisième jour des Négociations - Après-midi


Aucun nuage à l'horizon, du moins dans le ciel sombre azur. Le soleil menaçait de se coucher dans très peu de temps, le crépuscule commençant déjà à zébrer le ciel d'or et de sang au loin. Mais l'astre avait beau décliné, sa soeur la lune s'impatientant de prendre le relais, il laissait ses chaleurs étouffantes envahir l'air environnant. Le vent jouait ses paresseux, n'ayant visiblement aucune envie de souffler sa brise fraiche, même en cette belle soirée. Les herbes calmes qui lui chatouillaient les pieds, qu'il s'amusait alors à porter nus en ce moment même pour mieux sentir les sensations de la vie de la terre, n'étaient agités que par ses propres mouvements. Il aperçut du coin de l'oeil une couleuvre qui s'échappait en vitesse, glissant contre la terre sans demander son reste, visiblement dérangée par sa présence. Nullement mortifié, Eliowir continua sa promenade, profitant de la magnifique plaine qui bordait le château. Enfin bordait...

L'elfe se rendit compte qu'il s'était passablement éloigné de ce dernier, quand il aperçut ce qui semblait être le puits flamboyant au loin. Sa curiosité naturelle lui soufflait l'envie d'aller le contempler de plus près. Mais les habitations, qu'il apercevaient non loin du lieu magique, lui rappelèrent bien vite que l'endroit n'était pas inoccupé. Et pas par n'importe qui... Vampires y séjournaient actuellement. Mieux valait donc ne pas trop s'approcher de l'endroit. Non pas qu'il en ait peur, pas vraiment, pas ici, pas au milieu du domaine des Baptistrels, surtout avec le serment qui les liait tous. Mais... Il préférait ne pas jouer avec le feu, dans tous les sens du terme.

Une petite voix le titillait pourtant depuis le matin-même, lui rappelant que quelque vampire, assez étrange au demeurant, s'était montré fiable et honorable, et l'avait sauvé d'une morsure certaine, d'une transformation ou d'une mort atroce. Lui avait évité, en un mot, l'ignominie. Une étrange envie de revoir ce vampire et d'aller lui présenter ses sincères remerciements le démangeait. Ne serait-ce que pour montrer que les elfes avaient certaines manières et un certain savoir-vivre, eux... Mais il n'en avait pas encore véritablement trouvé la force. car cela signifiait alors franchir la frontière invisible qui isolait les vampires, demander à l'un d'entre eux où se trouvait sa cible, le dénommé Kedrildan, et errer jusqu'à lui au milieu de leur campement... Il n'en avait vraiment aucune envie. Il le ferait, assurément, mais pas aujourd'hui. pas tout de suite. Oui, demain, sans doute. Demain...

Là, tout de suite, en cet instant, il n'avait qu'une envie : se laisser aller à l'un de ses mauvais penchants : la paresse. Paresse qu'il sentait pulser en lui par le biais de son totem et contre laquelle il n'avait aucune envie de lutter. Il avait d'ailleurs vu un magnifique chêne trôner non loin, dont l'ombrage du lourd feuillage promettait une fraicheur bienheureuse. Il s'y rendit donc à grands pas, respirant à plein poumon l'air chargé du parfum des fleurs et chassant sans le vouloir un papillon d'un blanc pur, profitant de cet instant rare. le chêne était à quelques mètres à peine du puits flamboyant et de la forêt qui le jouxtait. Comme un éclaireur s'avançant dans la plaine, fièrement, gardant un oeil du haut de ces centaines d'années. Quand il s'en approcha, Eliowir ne put s'empêcher de poser la main sur le tronc du vieil arbre et d'en envier la force et la sagesse que charriait la sève s'écoulant sous cette sombre écorce. Peut-être avait-il le même âge ? Et pourtant l'arbre paraissait bien plus serein, bien plus fort. Bien plus inébranlable... immortel presque. Oui, qu'il aurait aimé être un arbre alors...

Il s'apprêtait à profiter de cette force et à s'installer sur une vieille racine noueuse qui courrait dans l'herbe aux pieds de l'arbre, quand une silhouette voleta dans son champ de vision à droite. Sortant de la délimitation du puits flamboyant. magnifique papillon qui s'avançait alors vers son chêne...

Le papillon l'aperçut à cet instant également et marqua un temps d'arrêt, avant de finalement reprendre son chemin, en sa direction, comme initialement. Alors que la silhouette s'avançait vers lui, l'elfe reconnut rapidement la jeune humaine qui accompagnait la délégation vampirique. Prisonnière. Apparemment prisonnière du prince de ce qu'il avait vaguement compris. Il ne connaissait pas le nom de la belle jeune femme, mais il en connaissait les traits.

Eliowir s'empressa alors de la saluer d'une révérence bien basse, offrant son plus beau sourire et laissant une fois encore son totem pulser son charisme charmeur, quand elle ne fut plus qu'à quelques enjambées de lui.

- Gente dame, quel plaisir de vous rencontrer en ce lieu serein. Nous nous sommes déjà vaguement rencontrés, je pense, mais permettez-moi de mieux me présenter. Eliowir Serillëiel. Pour vous servir, ajouta-t-il de sa voix suave et profonde.

L'endroit était magnifique, magique même. Après un voyage éprouvant, que demander de plus qu'un endroit calme où il faisait bon de se reposer ?
Ils étaient arrivés trois jours plus tôt, poursuivi par l'armée Alayienne. De toute évidence, la capture de l'un de leurs ennemis valait largement le risque pris en le faisant. Mais Ambre n'avait pas tout suivi ; elle avait beau être une excellente cavalière, n'importe quel être humain aurait été épuisé après une poursuite comme celle dont ils avaient été les proies. Même les vampires, s'en était elle vaguement rendu compte en descendant de sa monture, avaient été éreintés par le trajet. La jeune humaine s'était laissé glisser au sol, se raccrochant à Lorenz, ses jambes ne la portant plus.

Mais en trois jours, elle avait récupéré. Assez, en tout cas, pour se rappeler son demi-poney s'effondrer d'épuisement sous elle et pour se sentir envahie de chagrin en y repensant. La pauvre bête n'avait rien demandé, elle n'avait pas mérité de mourir ainsi. Ambre ferma les yeux pour ne pas sentir les larmes affluer, chassa ces pensées pour le moins sinistres et s'étira. Pourquoi ne pas aller se promener dehors ? La chaleur était accablante ici, la jeune femme avait l'impression de se sentir fondre dans la fournaise ambiante. Les elfes n'avaient donc aucun sens de l'hospitalité, pour laisser ainsi leurs invités cuire à petit feu ? Que c'était décevant...

Se levant du siège où elle était assise, elle se dirigea sans précipitation vers la porte pour sentir l'air un petit peu plus frais de l'extérieur. La nuit n'allait pas tarder à étendre ses longs bras sombres sur le domaine elfique et la jeune femme espérait avoir la chance de voir le soleil céder la place à l'obscurité et jeter ses éclats d'or et de rubis dans le ciel encore pâle. Elle n'avait pas vu de coucher de soleil depuis bien longtemps, un sourire enchanté naquit donc sur ses lèvres à l'idée d'en voir un dans la merveille que constituait le royaume des baptistrels.

Il ne faisait pas tellement plus frais dehors, mais au moins Ambre se sentit-elle libre en posant le pied dans l'herbe tendre. Caressant machinalement du doigt le bracelet noir à son poignet, elle savoura le plaisir de pouvoir rester seule quelques instants à profiter de la Nature. Elle savait qu'elle ne pouvait pas s'éloigner -comment pourrait-elle oublier qu'elle n'était qu'une prisonnière?- mais quand bien même cela lui serait-il accordé qu'elle ne saurait où aller. Alors autant simplement admirer le paysage et profiter du calme ambiant en faisant fi de la chaleur. Peut-être verrait elle des écureuils ? À moins qu'elle ne croise un elfe, ces êtres de légende que sa mère lui décrivait quand elle était plus jeune. Elle avait d'ailleurs été déçue de ses rencontres avec eux ; ils étaient trop froids, trop beaux pour être réels. La rêveuse les avait toujours imaginé souriants, accueillants et chaleureux, mais ce qu'elle avait découvert ne leur correspondait pas. N'étaient ils pas censés servir le bien, aider les peuples en détresse ? Ou n'était-ce que son imagination qui avait, une fois encore, transformé les récits d'Armanda qu'elle écoutait avec fascination autrefois ? Comment aurait-elle put démêler le vrai du faux ? Finalement, mieux valait peut-être ne faire que rêver. Au moins n'était-elle pas déçue par ses songes, au moins savait elle qu'ils n'étaient qu'illusions qui pourraient peut-être, un jour, devenir réalité.

Elle s'approcha du puits, si majestueux mais tellement chaud et dangereux, avant de battre en retraite en sentant l'air brûlant qui l'entourait. Son dos étant trempé de sueur, elle se demanda comment son corps pouvait encore parvenir à fonctionner alors qu'il s'était tellement déshydraté.
Reculant, elle se mit donc à flâner dans le parc, jusqu'à apercevoir au loin la silhouette d'un grand arbre. Un chêne probablement. Peut-être que, sous ses feuilles d'un délicat vert tendre qui semblaient faire ployer les branches, allait-elle trouver un peu de fraîcheur. Dommage qu'elle ne puisse avoir de livres, elle se serait tranquillement assise contre le tronc majestueux pour tourner une à une les pages jaunies d'un vieux ouvrage plein de secrets. Un jour, espérait-elle, pourrait-elle le faire. Ce jour-là, elle pourrait également retourner cueillir ses herbes médicinales, préparer des décoctions connues miraculeuse et savourer en paix une longue chevauchée au grand galop dans les prés. Mais ce jour n'était pas arrivé. Quoi que certaines de ces herbes se trouvaient certainement dans la forêt ; restait à savoir si elle pourrait y avoir accès.

Ses pensées accaparant son esprit, Ambre fut bientôt en vue du grand chêne sans même s'en rendre compte. Ce ne fut qu'à cet instant qu'elle remarqua la silhouette svelte se tenant l'arbre. Elle s'arrêta un instant, se demandant que faire, avant de finalement reprendre sa route. Elle n'avait pas parlé avec qui que ce soit depuis bien longtemps, hormis des vampires, et elle devait bien reconnaître que l'idée d'échanger avec un elfe était assez séduisante. Elle craignit de le déranger avant de changer d'avis ; si cela avait été le cas, il ne se serait pas tourné dans sa direction, semblant l'attendre. En s'approchant, elle remarqua sans mal les balafres traversant le visage de l'elfe aux yeux bleus et à la longue crinière blonde, presque blanche. Il n'était pas inconnu. La jeune humaine l'avait déjà vu parmi les vampires, en tant que prisonnier. Il avait donc été libéré ? Il semblait plutôt bien se porter.

-Gente dame, quel plaisir de vous rencontrer en ce lieu serein. Nous nous sommes déjà vaguement rencontrés, je pense, mais permettez-moi de mieux me présenter. Eliowir Serillëiel. Pour vous servir.

Il avait une voix grave et profonde, suave et qui donnait le frisson. Malgré toutes ses cicatrises, il dégageait un charme indéniable et naturel. À moins qu'il ne s'agisse de magie? Mais non, il y avait peu de chance pour que ce soit le cas, sinon pourquoi n'aurait-il pas simplement modifié ses traits ?
Elle le fixa un instant sans répondre, ne sachant que dire. Lui rappeler les moments passés en compagnie des suceurs de sang ne risquait que de le blesser, et la jeune prisonnière ne désirait blesser personne.

-Je crois en effet que nous nous sommes croisés, répondit-elle en rougissant légèrement, intimidée par la réaction on ne peut plus courtoise d'Eliowir. Je m'appelle Ambre Orétoile.

Elle baissa le regard avant de reprendre, son intonation marquant sa surprise :

-Vous n'avez pas peur ?

Pas besoin de geste pour savoir qu'elle parlait des vampires ; elle ignorait lequel était le plus dangereux mais, pour à la place du jeune guerrier, même avec sa musculature finement dessinée, elle ne s'approcherait de leur résidence provisoire pour rien au monde.

L'elfe sentit le regard de la jeune femme s'apesantir sur lui, dans un silence étrange. Mais pas forcément inconfortable. Il la laissa se familiariser à lui, laissant ce regard errer sur son corps, son visage, un regard qu'il aurait aimé décrire comme contemplatif, mais qui n'était apparemment que vive curiosité. Aucunement désagréable toutefois.

- Ambre. Voilà un bien joli nom que vous portez à merveille, si je puis me permettre. Vous resplendissez autant que l'astre qui vous l'a donné.

Il faisait référence au soleil, qui avait valu à la pierre d'ambre son nom, de par ses éclats mordorés incrustés en elle qui rappelaient tant l'astre brillant.

Pour appuyer ses dires, il lui offrit un large sourire. Ayant parfaitement conscience que malheureusement celui-ci était loin d'être aussi charmeur qu'il l'aurait aimé, déformé qu'il l'était par les deux fines cicatrices coupant quelque peu sa lèvre inférieure.

- Vous n'avez pas peur ?

La question, arrivant à brûle-pourpoint, le décontenança un instant, ce qui la laissa coi, son sourire s'effaçant soudain dans une expression perplexe. Avant qu'enfin son regard errant au loin ne tombe sur le camp vampirique tout proche, et que compréhension ne se fasse dans son esprit.

- Oh, ça, fit-il enfin, tout son corps se crispant légèrement alors que les souvenirs des jours précédents se profilaient à son esprit torturé.

Il reporta son attention sur la jeune femme et lui offrit un regard calme et étrangement serein. Un sourire revint fleurir doucement sur son visage ravagé, un sourire presque plus sincère cette fois-ci, dépourvu de toute volonté de charmer, un sourire doux, se voulant rassurant et compatissant.

- Si. La peur a retenu mes pas jusqu'à ce chêne, m'empêchant de les pousser jusqu'au campement même, pour tout avouer.

Ou était donc passée sa folle arrogance qui, en d'autres temps, se serait récriée de pareil aveu ? Elle semblait en cet instant s'être envolée avec les oiseaux vers d'autres contrées moins hostiles peut-être...

- J'avais pourtant l'intention de présenter mes salutations à quelque vampire s'étant montré plus... civilisé que d'autres. Mais courage semble m'avoir fui cet après midi et paresse m'a rattrapé, expliqua-t-il, un rictus d'ironie et d'auto-dérision venant rejoindre le sourire.

Ses yeux se mirent alors tout d'un coup à pétiller de malice, de cette malice qui avait fait son charme dans sa jeunesse et qui, malgré le fait qu'il ne soit pas le plus beau des elfes, lui avait valu un certain succès quand même parmi certaines elfes.

- Mais la peur ne doit pas guider nos actes. Et encore heureux que je ne l'ai pas totalement écoutée, sinon je n'aurais pas eu l'honneur de vous rencontrer de nouveau, et encore moins de faire enfin plus ample connaissance avec une jeune femme si courageuse justement.

Et se disant, il se permit d'attraper doucement la main pâle, à la peau si douce, de la jeune femme, et de porter celle-ci à ses lèvres pour mieux lui offrir, dans une demie révérence, un baise-main à la mode humaine.

Puis, relâchant la main avec quelque regret, il se redressa lentement, sa haute stature dominant le frêle silhouette d'Ambre.

- Mais venez donc vous protéger des rayons ardents sous le doux ombrage de ce vieux centenaire.

Non, non, il ne parlait pas de lui. Même s'il n'aurait pas dit non...

Joignant le geste à la parole, il se recula doucement, pour venir s'installer sur la vieille racine noueuse qui courait sur le sol, se rehaussant en certains endroits et offrant alors un siège improvisé.

- S'il vous plait de bien vouloir tenir compagnie au vieil elfe que je suis, offrit-il alors qu'il s'asseyait, lui montrant une place à ses côtés et l'invitant ainsi à partager sa paresse.

- Ambre. Voilà un bien joli nom que vous portez à merveille, si je puis me permettre. Vous resplendissez autant que l'astre qui vous l'a donné.

La jeune femme baissa la tête, embarrassée. À toujours n'être considérée que comme une esclave, elle avait oublié ce que c'était que d'avoir une vraie conversation avec quelqu'un, être considérée comme un être vivant et non une propriété. Relevant les yeux, elle répondit par un timide sourire à celui, plus large, de son interlocuteur. Un peu effrayant aussi, elle devait le reconnaître, avec ses cicatrises qui l'enlaidissait. Mais pour ne pas le vexer, et parce que derrière ce sinistre masque semblait se cacher une personnalité douce et sympathique, elle n'en tint aucun compte et son expression ne s'en trouva pas modifiée.
Celle d'Eliowir, en revanche, passa d'un sourire charmeur à une mimique de surprise. La question l'avait décontenancé.
Aurait-elle été de nature moqueuse qu'elle aurai rit de ce changement brusque d’expression ; mais Ambre n'était pas ainsi, et bien que le regard perplexe et perdu de l'elfe fut hautement comique –il aurait été difficile de trouver meilleur exemple pour illustrer l'expression « voir un sourire se figer »– elle s'inquiéta seulement de ne pas avoir été comprise. Peut-être s'était-elle mal exprimée ?
Mais non, les yeux du vieil elfe tombèrent sur le logis où cohabitaient les vampires, et l'humaine vit au fond du bleu de ses iris un bref éclair de douleur. Elle s'en voulut aussitôt pour sa question. Même ainsi, elle l'avait blessé. Et pourtant, lorsqu'il reporta son attention sur elle, Eliowir ne sembla pas lui en vouloir. Le sourire doux qu'il lui adressa, accompagné d'un regard calme, atténua quelque peu sa culpabilité. Pourtant elle restait sûre que sa question l'avait touché, ravivant chez lui de douloureux souvenirs. Était-il donc parvenu à accepter les difficiles moments passés en compagnie du Prince Noir et des siens ?

À propos de Lorenz... Jetant un regard craintif derrière elle, Ambre s'assura que son geôlier n'était pas là. Elle ignorait quelle serait sa réaction, mais elle craignait de nuire à son nouvel ami en parlant ainsi avec. Lui qui venait de recouvrir la liberté devait y tenir, la jeune femme ne se pardonnerait jamais d'être la cause de nouveaux mauvais traitements gracieusement offerts par Lorenz au malheureux rescapé.
Mais les lieux étaient déserts, ils ne craignaient rien, ni l'un ni l'autre. Elle se détendit donc et reporta son regard sur l'elfe en face d'elle.

Celui-ci faisait preuve d'une décontraction et en même temps d'une sagesse surprenante. Et, reconnut-elle, peut-être devrait elle réviser son jugement sur les gracieux êtres sylvains peuplant les lieux. Loin d'être arrogant, le spécimen qu'elle avait devant elle faisait preuve d'une étonnante humilité, qui le rendait encore plus sympathique. Elle lui sourit de nouveau, avant de hocher gracieusement la tête pour le remercier du nouveau compliment qui ne tarda pas à suivre ses réflexions philosophiques. Elle entrouvrit alors les lèvres pour lui poser une autre question mais fut coupée dans son élan par un geste des plus inattendus : un baise-main.
Elle resta sans voix, intimidée, avant de reprendre contenance et de jucher sur l'un des points les plus hauts de la racine, ses petits pieds effleurant à peine l'herbe tendre tapissant le sol.

-Oh, vous ne devez pas être si vieux que cela , objecta-t-elle gentiment en réponse à sa derrière remarque, et je serai honorée de vous tenir compagnie.

Après tout c'était un elfe, leur notion de l'âge ne devait pas vraiment être la même que celle des humains, et la Ambre ne doutait pas, tandis qu'elle portait sur lui de grands yeux lumineux, que chez les siens il n'était point si âgé. Mais elle n'allait certainement pas lui faire l'offense de lui demander combien de printemps exactement il avait vu naître et s'éteindre. Sûrement pas tant que ça, car il avait encore dans les yeux ces étincelles qui disparaissent avec l'âge et les soucis.
Elle avait d'autres questions en tête, comme celle qu'elle comptait lui poser quelques instants plus tôt... et qu'elle avait entre-temps oublié. Comment lui en vouloir ? Elle se contenta donc d'un timide "merci" pour le remercier de sa courtoisie.
Elle tourna la tête en direction de l'astre solaire, qui achevait tranquillement sa course dans le ciel, et remarqua doucement, plus pour elle-même que pour Eliowir d'ailleurs :

-Ce doit être merveilleux de vivre toujours ici. Malgré la chaleur étouffante, c'est tout simplement magnifique.

Elle resta quelques instants ainsi, pensive et le visage tourné vers la lumière, avant de se reprendre avec un petit peu plus d'enthousiasme et d'énergie –encore que faire preuve d’énergie sous une telle fournaise relevait du miracle, heureusement que le grand chêne leur procurait un peu de fraîcheur– et d'ajouter pour l'elfe à ses côtés :

-Avez-vous déjà voyagé ? Qu'avez-vous vu de magique en ce monde ?

Quand elle disait magique, c'était bien entendu merveilleux. Mais emportée par ses penses, elle ne prit pas la peine de se corriger; l'ancien prisonnier devait bien l'avoir comprit.
Elle était avide de savoir quelles merveilles pouvait bien receler Armanda, bien que pour elle, il y en avait tellement, de choses magiques. La Nature même, si bien faite et si belle, avait quelque chose de surnaturel. Ses yeux glissèrent sur un point à peine brillant dans le ciel encore un peu trop pâle ; ah, la lune! Elle aussi était magique.

- Oh, vous ne devez pas être si vieux que cela.

Charmante. Vraiment charmante. Cette simple phrase lui arracha un petit rire, un rire comme il n'en avait plus eu depuis longtemps. Un instant Eliowir hésita à la détromper, mais finalement préféra tout de même que vérité soit faite. Il détestait qu'on le dupe lui-même, il n'allait pas commencer à le faire avec cette bien jeune humaine.

- Vous êtes adorable, gente dame, répondit-il alors quand enfin son rire grave se tarit. Mais je dois presque faire concurrence à ce vieux chêne avec mes sept cent quatre-vingt-deux hivers bien sonnés. Je dois être parmi les plus vieux elfes foulant encore les terres d'Armanda.

Même à lui cette idée lui faisait bizarre pour tout dire. Il se sentait vieux certes, mais n'arrivait pas à se faire à l'idée que peu atteignaient son âge, et que peu étaient plus vieux encore que lui. Heureusement le sujet dévia sur quelque chose de plus gai, avant que les rides de contrariété ne viennent réellement se faner sur son visage.

- Ce doit être merveilleux de vivre toujours ici. Malgré la chaleur étouffante, c'est tout simplement magnifique.

Oui magnifique en effet.

- Je ne pourrais vous dire, découvrant ce lieu en même temps que vous, confessa-t-il alors. Mon propre pays n'est pas celui-ci pour être honnête. Ici, nous sommes au domaine des baptistrels. Certes ce domaine se terre aussi dans la forêt de l'Ouest dite forêt elfique, mais mon pays à moi est en fait le royaume elfique... qui se situe un peu plus loin et un peu plus haut dans la forêt. Il est tout aussi beau, mais différent. Je serais heureux de pouvoir vous le montrer un jour, si l'avenir nous le permet, offrit-il en un doux sourire nostalgique.

Lui aussi son pays lui manquait. Terriblement. Il brûlait de le revoir. Tout comme elle devait brûler de revoir le sien aussi,
réalisa-t-il soudain, consterné lui-même de ce moment d'apitoiement égoïste qu'il avait pu avoir.

Heureusement l'humaine était d'humeur chaleureuse et trouvait maintes sujets de conversation pour lui.

- Avez-vous déjà voyagé ? Qu'avez-vous vu de magique en ce monde ?

S'il avait voyagé ? Si seulement elle savait... Mais non elle ne savait pas. Et ne saurait pas pour tout dire, pas de sa part à lui en tout cas. Il n'avait, pour il ne savait quelle raison, aucune envie de lui révéler sa honte honnie. Non, au lieu de cela, il s'empressa de lui répondre :

- Oui, j'ai voyagé. D'ordinaire les miens ne voyagent que peu, nous préférons notre forêt, et nous y terrer dans sa quiétude et sa sérénité. Il faut des événements particulièrement importants pour forcer mon peuple à errer au dehors. Me concernant, j'ai été effectivement amené à beaucoup voyager, pendant un peu plus d'un siècle. J'ai dû voir à peu près toutes les contrées humaines, si ce n'est peut-être Glacern. J'ai bien entendu savamment évité l'Est et son royaume souterrain...

Et commença un rapide récit des choses les plus belles et les plus magnifiques qu'il avait pu voir. Il lui décrivit les grandes villes humaines qu'il avait pu visiter, dont les trois plus grandes et plus célèbres. Il avait beau ne pas apprécier ces constructions humaines, elles n'en restaient pas moins des défis à la nature, et beaucoup d'Hommes les qualifiaient de magnifiques. Il pensait donc que la jeune femme les aimerait aussi. Il lui raconta aussi sa forêt, son pays, sa magie...

- Mais il y a aussi bien d'autres magies, conclut-il de sa voix devenue mélodieuse par le récit. Il n'y a pas besoin de voyager pour voir de belles et magiques choses.

Se disant, il appuya doucement le plat de sa main sur son propre torse.

- La magie est là.

Pour l'appuyer doucement ensuite sans insistance sur la poitrine de la jeune femme.

- Et là. Elle est en chacun de nous. Même un être dépourvu de magie comme on l'entend, peut en contenir une autre...

Il parlait bien entendu des valeurs qui faisaient l'être qu'on était, de l'affection, de l'honneur, de l'amour enfin...

Mais il craignit de ne dériver par trop sur un sujet sérieux qui menaçait de l'enliser dans une nouvelle nostalgie. Il se leva donc d'un coup, d'un air faussement guilleret, et reprit sans préavis :

- Mais si vous voulez voir de la magie, tenez.

Il s'approcha alors du petit buisson qui errait au pied du chêne et le toucha, se concentrant intensément. Il se sentait encore bien faible, mais il avait senti sa magie de nouveau pulser doucement en lui. Pas aussi intensément qu'elle l'avait été autrefois, mais elle semblait renaître. Petit à petit. Faiblement mais sûrement. Il espérait qu'il la recouvrerait totalement... En tout cas, il estimait être suffisamment fort aujourd'hui pour se permettre ce petit moment d'éclat et d'amusement.

Et en moins de temps qu'il n'en faut pour dire buisson, il devint branchage et feuillage, ressemblant à celui qu'il venait de toucher comme deux feuilles jumelles. Il ne pouvait ni bouger ni parler, mais il jubilait d'avoir réussi ce sort, ma foi si simple pour lui auparavant, mais si éprouvant en ce jour.

Il ne tarda guère d'alleurs à reprendre sa forme, s'asseyant brutalement dès qu'il reprit forme elfique, essoufflé, soudain en suée, mais un sourire ravi aux lèvres.

- Je n'aurais pas dû abuser de mes forces. Je n'ai pas encore totalement recouvré ma magie, s'excusa-t-il, toutefois encore incapable de bouger. Mais c'était tellement tentant, ajouta-t-il un sourire espiègle et cette nouvelle lueur de malice revenant dans ses sombres prunelles.

Et il repartit dans un grand éclat de rire, rire grave et profond, aux accents richement chantants, tant une certaine joie le transportait.

- Mais c'était si bon.

Oui, si bon de retrouver un peu de sa magie. Si bon... Finalement il sentit la force revenir dans ses membres. Assez du moins pour se relever, sans grâce cependant, pour aller se trainer de nouveau sur la racine près de la jeune femme.

- Pardonnez mon allégresse. Je me suis laissé emporter, parvint-il à ajouter, toujours un peu essoufflé. Comme quoi même un âge avancé n'est pas gage de sagesse.

Son regard agrippa soudain une petite fleur non loin d'eux, qu'il s'empressa de rejoindre, tout en murmurant dans sa langue natale, aux accents si mélodieux :

- Gohena im niben elanor *

Et délicatement il la cueillit. Puis retournant s'asseoir, se tourna vers la jeune femme.

- Si vous me permettez...

Mais sans attendre de réponse, il approcha la fleur des cheveux de la belle Ambre et de ses mains expertes alla l'installer savamment dans les mèches douces et lisses.

- Elle vous va à ravir, et je suis sûr que votre éclat l'épanouira autant que celle de votre frère solaire, murmura-t-il suavement, à son oreille, alors que dans un dernier geste délicat il écartait une mèche traitresse tombant sur l'épaule.

Rapidement, il s'écarta doucement, une petite distance plus décente venant les séparer à nouveau, même si le parfum enchanteur de l'humaine continuait d'enivrer les sens fatigués du vieil elfe.


* Pardonne moi petite fleur en langage elfique si j'ai bien traduit

Entendre ce rire cristallin qu'elle laissa soudain vibrer en écho au sien ravit les sens du vieil elfe et fit battre en lui une petite étincelle de victoire. Infime, dérisoire, mais petite étincelle qu'il espérait, fou qu'il était, qu'elle prendrait vraiment feu un jour. Il adorait ce rire, décida-t-il alors qu'il regagnait sa place assise. Oui, il adorait, et il s'évertuerait à le faire résonner encore, et encore, et encore, autant que faire se pourrait, pauvre elfe qu'il était.

- Oh non, ne vous excusez pas, c'était merveilleux ! Croyez-vous que je pourrai le faire un jour ? Ou cette magie n'est pas accessible aux humains ?

- Certains humains peuvent effectivement user de magie elfique. Les grands mages ayant à cœur le bien du monde. Je ne connais pas votre talent en magie... Mais votre cœur en tout cas ne vous l'interdirait pas, je pense, offrit-il avec un sourire bienveillant, après qu'il lui eut offert la fleur et qu'il l'eut installé dans ses cheveux.

Il l'admira quelques instants, contemplant la beauté humaine qu'elle était. Oui, belle. Elle était belle, et plus encore. Belle Ambre brillant dans le crépuscule déclinant, brillant même dans la nuit qui menaçait de les envelopper. Elle allait faire concurrence à la lune, pâle reflet de son frère, et même des étoiles qui tentaient pourtant d'attirer leur attention incessamment sous peu.

- Quant à la langue elfique, ce serait un plaisir, reprit-il d'une voix mélodieuse. Tenez... Cette fleur que vous avez dans les cheveux... Chez nous, cela se dit elanor. Je lui ai demandé de me pardonner tout à l'heure pour l'avoir cueilli, la coupant de la vie qui la nourrissait jusqu'alors, pour pouvoir ensuite vous l'offrir. Je lui ai dit Gohena im niben elanor. Pardonne moi petite fleur.

Quand elle se tourna vers lui, il fit de même, tant et si bien qu'ils se retrouvaient véritablement face à face, lui assis en tailleur, lui offrant toute son attention, toute sa présence.

- Comment devient-on baptistrel ?

Ah, voilà bien question fâcheuse. Fâcheuse qu'elle est révélait là une de ses lacunes. Il en savait quelques petites choses, mais en fait bien peu pour véritablement pouvoir répondre à la question.

- Excellente question, répondit-il alors dans un petit rire.

Non pas moqueur, mais soulignant simplement qu'il ne savait comment répondre, par quel bout répondre tout simplement...

- En fait, si je suis elfe, j'en connais peu sur les baptistrels pour être honnête. Je sais qu'ils offrent les magies et leurs compétences à qui en ont besoin, qu'ils font serment de vérité et que le mensonge leur est honni. Que leur magie est puissante, chantante, on les nomme souvent par chez nous les elfes chanteurs, mais qu'elle fonctionne différemment que la mienne, ou la nôtre. Ils se basent sur les éléments, chaque baptistrel se voyant lié à un élément selon ses affinités. Ils ne peuvent faire de mal pour faire le mal, ce n'est pas dans leur nature. Je sais que peuvent devenir baptistrels elfes ou humains, qu'il n'y a aucune discrimination de race, si ce n'est vampire car la magie des vampires entrent... en contradiction avec celle des baptistrels.

Il se gratta la nuque, soudain hésitant.

- Ou quelque chose comme ça. Disons que les résonnances de la vie ne sied pas aux vampires, compléta-t-il avec un énième petit rire. Voilà tout ce que je sais. Voudriez-vous devenir baptistrel, belle enfant ? S'enquit-il, sa voix gardant une teinte joyeuse au fond de ses chaudes vibrations.

Cela faisait déjà quelques jours que les vampires étaient arrivés sur les lieux des négociations et ils avaient été quelques peu surpris de s'apercevoir qu'ils étaient arrivés avant les humains. Ceux-ci avaient pourtant moins de chemin à parcourir mais en y réfléchissant il était sans doute plus facile de traverser tout le royaume discrètement (même si ils n'avaient pas été particulièrement discrets contrairement à ce qui était prévu, il fallait bien l'avouer) que de le faire après avoir au préalable échappé à un siège en règle. La question était d'ailleurs intéressante, on ignorait encore si l'empereur lui-même participerait à ces négociations, Lorenz n'y croyait pas trop mais que ce soit le cas ou pas il se doutait bien qu'il serait difficile de faire sortir la délégation de Gloria. D'où ce retard sans doute, enfin c'était une bonne chose car cela permettrait aux vampires de prendre leurs marques avant d'entrer véritablement dans le vif du sujet.

Etrangement il n'y avait pas encore eu de gros problème entre les vampires et les elfes déjà présents. L'atmosphère était tendue bien sur mais les protections baptistrale et la promesse de terribles sanctions qui allait avec semblait avoir assez inquiété tous les participants à cette sinistre farce pour qu'ils se tiennent tranquilles. A moins qu'ils ne soient tous tout simplement conscient de l'enjeux énorme de ce qui allait se dérouler ici, ou plus probablement qu'ils soient juste bien tenus en main par leurs seigneurs respectifs. Dans tous les cas, il n'y avait pas eu tellement d'incidents diplomatiques ou du moins rien de bien grave jusqu'ici et c'était tant mieux. Dommage que ce parcours sans faute doive se terminer ici...

Cela faisait déjà un bon moment qu'il les observait. Un malheureux hasard que ceci, il n'avait en réalité pas prévu de sortir du sanctuaire du feu avant la toute fin de journée afin d'échapper pour une fois aux agaçants rayons de ce nom moins agaçant soleil mais on était venu le prévenir que la délégation humaine avait été aperçue non loin et il avait souhaité en savoir plus. Il n'avait pas eu de mal à se renseigner auprès des baptistrels et à apprendre qu'effectivement les humains n'étaient plus très loin et c'est donc en faisant le voyage en sens inverse qu'il avait aperçu le duo tranquillement installé à l'ombre d'un grand chêne. Cette vision paisible avait inexplicablement attisé le feu qui couvait à tout moment au cœur même de son être.

Son pas s'était fait plus silencieux encore qu'à la normale au moment où il s'était avancé afin de mieux entendre ce qu'ils se disaient. Chaque geste accomplit alors transpirait de cette efficacité mortelle et sans fioritures qui était l'apanage de la caste des prédateurs. A aucun moment les deux êtres concernés par sa soudaine et redoutable attention n'avaient tourné la tête vers lui, ils ne pouvaient que rester inconscients de sa présence et le laisser libre d'écouter très tranquillement tout ce qu'ils avaient à se dire. L'impudence de cet elfe qui n'aurait même pas dû avoir la possibilité de se trouver là lui déplaisait au plus haut point et il voulait croire que ce n'était que cette raison qui faisait se serrer ses lèvres fines et qui transformaient encore à l'instant présent ses prunelles en deux fentes minuscules mais il devait bien se rendre à l'évidence, ce n'était pas la seule raison. L'instinct de propriété des vampires était ancré au plus profond de leurs gènes, et Ambre était sa propriété n'est-ce pas ? Voilà qui expliquait tout...

Plus immobile encore que les pierres qui partageaient son observation il assista en silence à la démonstration de magie qui suivit et ne pu réprimer un léger sourire ironique en voyant la faiblesse dans laquelle se trouvait l'elfe. En voilà un qui n'oublierait pas sa rencontre avec lui de sitôt... Quoique si il ne l'avait pas oublié alors il ne devrait pas se trouver ici... Cette pensée était désagréable, se croyait-il protégé à cause de la magie de ce lieu ? Ce n'était pas forcément entièrement faux bien entendu, mais l'idée qu'il puisse trouver le courage de risquer une nouvelle rencontre avec lui même protégé par un si puissant bouclier était plus que désagréable. Vexant même. Et il était toujours très dangereux d'aller vexer Lorenz Wintel. Le moment était sans doute le bon pour aller le lui expliquer...

Pourtant, il demeura immobile. Le rire cristallin de la jeune femme l'avait cloué sur place, mâchoire serrée. Il ne l'avait jamais entendue rire depuis sa capture... Cela pouvait se comprendre bien entendu, mais s'apercevoir maintenant que non contente de beaucoup lui ressembler elle trouvait le moyen d'avoir le même rire qu'Enelya l'emplissait d'une sombre et intense fureur. Faisait-il vraiment bien de la garder près de lui ? Les immunisés étaient rares mais il aurait été tout à fait possible de la garder enchaînée dans un coin plutôt que de l'avoir sous les yeux à tout instant comme c'était le cas actuellement, cette idée lui déplaisait malgré tout. Aussi douloureux que cela puisse être l'amère illusion que la jeune femme entretenait inconsciemment à ses yeux était bien trop précieuse pour qu'il soit capable de s'en débarrasser comme ça. Il avait mal, mais c'était bon de la voir chaque nuit et de savoir qu'elle était à lui et que nul n'y pouvait rien. Pas même cet Eliowir qui poussait l'audace jusqu'à apprendre sa langue à la petite Ambre... Comme si elle avait besoin de cela ! Et voilà qu'ils parlaient des baptistrels à présent... L'idée même qu'elle puisse être dénaturée à ce point par le serment des elfes chanteurs lui fit courir un frisson le long de l'échine, et puis quoi encore ?

" Son destin est tout autre, d'ailleurs celui des Baptistrels s'arrêtera bientôt tout comme celui de ton peuple, Elfe. Les humains serviront le peuple vampirique, et Ambre aura et a déjà le privilège de me servir moi. "

Sa voix d'outre-tombe avait résonné soudainement à l'instant même où il sortait de l'ombre qui l'avait jusque là dissimulé. Sans doute allait-il les faire mourir de peur avec sa petite apparition, mais il n'en avait cure. Nul ne pourrait lui reprocher quoi que ce soit si cet elfe faisait un arrêt cardiaque et la petite humaine avait sans doute dû commencer à s'habituer à ce genre de choses depuis qu'elle vivait parmi son peuple.

Insondable, son regard quitta un instant l'objet de son agacement pour aller se poser sur Ambre. Il s'approcha de la racine sur laquelle elle était assise et tendit le bras afin de la relever sans brusquerie inutile mais sans véritable douceur et murmura de sorte d'être parfaitement entendu même par l'autre :

" Pron geliaor mir edhelharn glam eldar nuithra gos maweor. "
je t'apprendrai la langue du peuple elfique moi-même si cela peut t'éviter la souillure de leur présence...

Elle allait sans doute en avoir pour très longtemps avant de percer enfin la signification de ce qu'il venait de lui dire. Il la laissa se débattre avec et reporta son attention sur l'elfe qui lui, ne pouvait qu'avoir parfaitement compris l'insulte. Parviendrait-il à le mettre suffisamment en colère pour que la scène devienne amusante ? Peut-être... Pourquoi pas après tout ? Le souvenir cuisant de ce qu'il lui avait fait subir devait brûler encore farouchement dans l'esprit de son ex prisonnier et peut-être aurait-il du mal à se contenir... Tout ceci pourrait s'avérer intéressant... Sa voix se fit plus onctueuse lorsqu'il reprit :

" Je ne croyais pas te revoir de si tôt... Ta place d'esclave te manquait donc pour que tu ailles échanger ainsi avec la mienne ? Tu peux la reprendre sais-tu ? Toi et moi n'avions pas terminé notre petite conversation après tout... Peut-être même est-ce ma présence qui te manque ? "

Son regard était assez brûlant pour le clouer sur place sans la moindre clémence mais il s'adoucit presque imperceptiblement au moment où il le reporta sur l'humaine

" Il n'y a rien à obtenir de cet être, Ellisseï (douce étoile). Il n'est rien qu'une poussière sous ma semelle. Vois son insignifiance, son peuple se meure déjà et bientôt il ne sera plus rien. "

Oui, décidément l'elfique était une belle langue. Rajoutez à cela que les elfes étaient des créatures délicates qui prenaient soin de la Nature et tout de suite, cela leur donnait un charme supplémentaire. Elanor. Ambre fit mentalement rouler le mot dans sa bouche, le savourant, le croquant délicatement. Il était fin et beau, semblant parfaitement correspondre à ce qu'il désignait. Gohena im niben elanor. Elle se répéta ensuite la phrase plusieurs fois, décortiquant chaque mois, l'ingérant, le disséquant pour mieux s'en rappeler. Bon, d'accord, ce ne serait probablement pas facile à intégrer dans une conversation de tous jours mais il n'y avait de toute façon que peu de chance pour que la jeune humaine ai un jour une discussion en elfique avec qui que ce soit. Et même si elle parvenait un jour, cela signifierait qu'elle connaitrait cette langue assez bien pour la parler couramment. Donc en bref, ce qu'Eliowir venait de lui apprendre et qu'elle tentait de graver dans sa memoire était tout à fait inutile. Mais les petites chose font les petits bonheurs, et Ambre savourait celui-ci. Apres tout, elle ne pouvait pas se permettre de cracher dessus. Encore qu'elle n'avait jamais craché de sa vie.
Elle lui demanderait de lui apprendre d'autres mots. Oui, cela semblait être une bonne idée. Après tout les journées risquaient fort d'être longues et identiques, et les vampires ne sortant pas en journée, les deux êtres diurnes auraient donc tout le loisir d'enseigner mutuellement leurs connaissances. Enfin, si l'elfe était d'accord et que cela ne le contraignait pas, songea soudain Ambre. Elle ne voulait pas être un fardeau pour qui que ce soit. Après tout, grâce au bracelet, elle était libre d'aller et venir dans un espace plutôt large, elle avait de quoi se promener et découvrir, de quoi faire le plein d'histoires merveilleuses qu'elle pourrait se raconter à elle même. Mais quoi qu'il en soit, la leçon du jour était finie, venait le temps des questions.
Et, oh! il était amusant de voir qu'Eliowir ne semblait pas avoir de réponse à sa question. Et encore n'était-ce que la première. N'était-il pas un elfe? Comment la formation des baptistrels se faisait-elle, si même les principaux intéressés ne savaient pas comment le devenir? Sans doute fallait-il aller voir les initiés ou des sages du village (ou de la ville? Tiens, d'ailleurs comment s'organisait la vie en société elfique?) pour leur demander. Quoi qu'il en soit, Ambre allait visiblement devoir attendre avant de pouvoir satisfaire sa curiosité. Voilà qui était quelque peu décevant, mais la jeune humaine n'en perdit pas pour autant ni son sourire ni sa bonne humeur. Elle ne voulait que profiter que de la lumière dorée dans laquelle se cachait, peut-être, des fées, du grand arbre vert qui les couvrait de ses larges bras feuillus et de l'agréable liberté qui lui était offerte de bavarder quelques instant avec un elfe. Elfe qui, d'ailleurs, semblait chercher à sauver la mise en jouant sur l'humour et en lui parlant des quelques éléments en sa connaissance. Et qui eut la bonne idée d'insulter à demi les vampires alors qu'il se trouvait à proximité de leur campement. Son interlocutrice lui fit les gros yeux sans parvenir à retenir un sourire amusé. Ce qu'il disait était vrai, et la fausse prudence qu'il affectait en le disant d'une manière polie ne parvenait pas à effacer ce que dissimulait son sourire. Oh, il ne les aimait pas visiblement. Mais après tout il avait été leur captif, peut être même avait-il été torturé alors qui aurait put lui en vouloir?

-Voudriez-vous devenir baptistrel, belle enfant ?

Bien sûr que non elle ne voulait pas devenir baptistrelle. bien sûr, vraiment? Non. L'idée était plaisante. Et puis faire le bien ainsi, en n'utilisant que sa voix, voilà qui lui plairait. Peut-être pourrait concilier cela avec son actuel métier de guérisseuse? Et ses parents seraient ô combien heureux d'avoir une fille avec une si digne fonction. Oui, c'était un joli rêve qui peut-être un jour deviendrai plus qu'une simple fiction.
Elle sourit donc au vieil elfe qui lui faisait face, prête à lui répondre, et manqua dégringoler de la racine sur laquelle elle était assise en entendant la voix grave qui répondit à sa place.

-Son destin est tout autre, d'ailleurs celui des Baptistrels s'arrêtera bientôt tout comme celui de ton peuple, Elfe. Les humains serviront le peuple vampirique, et Ambre aura et a déjà le privilège de me servir moi.

Son coeur eut un sursaut, mais quand à savoir si c'était suite à la surprise cause ou au fait que ce soit le Prince Noir qui les interrompe ainsi... peut-être un peu des deux. Elle se rattrapa in extremis et se tourna vers le grand vampire. "Comment supporte-t-il le soleil?" se demanda-t-elle avec un pincement d'inquiètude. Elle ne prêta pas vraiment au contenu de sa phrase, elle savait déjà qu'il était narcissique et mégalomane, pourquoi cela aurait-il dû changer soudainement? Ce qui la préoccupait vraiement, en revanche, était le sort qui attendait sûrement Eliowir.
Le regard que Lorenz portait sur lui était tout simplement effrayant. Cruel comme il l'était, il serait ravi d'avoir à faire souffrir le pauvre elfe sous pretexte qu'il lui avait parlé, à elle. ne sachant que faire, Ambre jeta un éperdu à son nouvel ami, reflechissant à une solution. Elle connaissait suffisemment Lorenz pour savoir qu'il ne lacherait pas sa proie facilement. Il prit toutefois le temps le temps de lui adresser quelques mots d'elfique incomprehensible. Que croyait-il? Qu'elle allait se laisser distraire aussi facilement? Et bien il avait raison. Laissant quelques instants les deux hommes à leur querelle, elle chercha la signification de cette phrase mystérieuse. Mais bien évidemment, elle n'y comprennait pas un traître mot, et la voix de son geôlier la tira de ses pensées. C'était un son un peu trop onctueux pour qu'il n'arrive pas quelque chose de violent, dangereux et meurtrier dans les quelques minutes qui allaient suivre.
La jeune esclave n'eut pas le temps de s'interposer d'une manière ou d'une autre que son maitre se tournait de nouveau vers elle. Elle préferait prendre sur elle la colère du vampire plutôt que de laisser celui-ci torturer l'ancien esclave; elle s'estimait responsable de la situation et les longs mois passés en captivité l'avait endurcie. L'être sylvain, lui, en souffrirait grandement.
Peut-être le vampire serait-il surpris de sa question, mais cela importait peu. Elle le fixa donc de son regard azuré avant de baisser les yeux, indiquant ainsi sa soumission. Mieux valait ne pas jouer avec les vampires, et peut-être calmerait-il son ire ainsi.

-Je lui avait demandé de m'en parler, mon Prince, aini que de l'elfique. M'apprendrez-vous, un jour, cette langue?

La voix d'ombre qui surgit soudain à leur côté le fit vivement sursauter. Tant et si bien qu'il manqua de tomber de sa racine, par terre, ce qui aurait mis à bien rude épreuve sa dignité déjà bien malmenée par le vampire ces derniers temps. Il parvint toutefois à rapidement rétablir son équilibre précaire et à se lever d'un bond. Ses muscles criant toutefois misère à ce traitement abrupt, ce qui dut se lire à la grimace crispée qu'il ne put retenir. Ou peut-être l'inopportun la mettrait-elle sur le compte de son agacement à avoir été ainsi dérangé en si agréable moment et si agréable compagnie ?

Ainsi donc il s'agissait bel et bien de l'esclave attitrée du prince vampire. Pauvre Ambre. Un profond élan de compassion envahit le vieil elfe, qui ne manqua pas une miette de l'étrange échange entre le vampire et son esclave. Ledit vampire semblait... soudain si différent. Non pas tendre, pas vraiment. Mais... possessif. Jaloux même. Pas de cette jalousie qui vous étreignait envers un objet qu'on vous aurait dérobé, pas réellement, pas tout à fait. C'était autre chose... plus profond. Plus insidieux. Qu'Eliowir peinait toutefois à définir... surtout quand on songeait quels mots lui venaient pour décrire ce qui flottait entre les deux êtres devant lui et à qui ces mots voulaient se destiner ! Non, du prince des vampires, ce n'était pas possible. Impensable. Ce ne devait être qu'une autre facette de la fourberie vampirique pour mieux attirer la jeune humaine dans ses griffes. Sans doute ce Lorenz aimait-il que ses victimes soient consentantes et préférait-il les séduire ? Oui, fort possible. Venant d'un tel personnage, certainement aimait-il asseoir sa supériorité et sa puissance sur les autres autant par sa force physique que par sa force mentale et son charisme ravageur.

Oui, Lorenz Wintel avait un charisme ravageur. Oui, il était puissant, indéniablement puissant. Tant d'atouts qui attirait forcément, quoiqu'on puisse en dire. En tout cas, qui lui l'attirait, l'intriguait, même s'il ne l'avouerait pour rien au monde, et même si la façon dont tout cela avait été acquis lui inspirait un profond dégoût. Mais il ne pouvait s'empêcher de détailler tous les gestes du prince des vampires. Si le titre était usurpé, quoique au vu des coutumes vampiriques ce n'était pas totalement garanti, en tout cas il était porté avec un certain panache. Abject panache, mais panache quand même...

En tout cas le message avait été limpide. Chasse gardée, pas touche, ou gare aux âpres représailles. Oui, parfaitement compris. Pas dit toutefois qu'il respecterait vraiment la mise en garde. Il avait toujours cette fâcheuse tendance à n'en faire qu'à sa tête et à passer outre toutes les mises en garde qu'on pouvait les faire. On n'imposait pas de règle à un Serillëiel après tout, c'était lui qui se les lui choisissait. Il en avait toujours été ainsi, et prince des vampires ou pas, Eliowir n'avait aucune envie de changer la donne. Quelqu'en soit le prix.

" Je ne croyais pas te revoir de si tôt... Ta place d'esclave te manquait donc pour que tu ailles échanger ainsi avec la mienne ? Tu peux la reprendre sais-tu ? Toi et moi n'avions pas terminé notre petite conversation après tout... Peut-être même est-ce ma présence qui te manque ? "

Les mots touchèrent leur cible avec une précision redoutable. Ils firent tellement effet qu'un instant Eliowir crut devenir sourd et aveugle tant la colère envahit ses sens. Esclave ?! Quand donc avait-il été esclave ? Que sa présence lui manquât ? Mais pour qui se prenait ce mécréant ? Prince des vampires ou non, puissance redoutable et dévastatrice ou pas, il allait lui faire voir sa façon de penser !

Et c'est poings serrés, muscles bandés, prêt à en découdre, voire même à s'élancer violemment contre son adversaire qu'Eliowir fit un pas en avant. Avant que sa vision ne revienne, qu'une Ambre apparaisse dans son champs de vision, lui faisant reprendre pied dans ce monde abrupte. Et qu'un mot ne le frappe vivement de plein fouet.

Négociations... Négociations. Il avait prêté serment. Et le vampire aussi.

Non, il ne frapperait pas, se ravisa-t-il brutalement, prenant de fortes inspirations pour tenter de reprendre contenance et de répondre calmement. C'est ainsi que peu à peu sa raison prit le dessus. Il se redressa alors de toute sa stature, de son port altier et fier, son visage balafré se figeant dans un masque d'arrogance, de celui qu'il aimait tant arborer quand il était un noble conseiller et il offrit son regard le plus méprisant au vampire. Le plus dédaigneux.

- Et quand donc ai-je eu l'insigne honneur, fit-il tout en crachant ce dernier mot, d'être votre esclave ? Votre prisonnier certes, mais votre esclave... Vous pourrez me donner cette abjecte appellation le jour où vous aurez réussi à me briser et de corps et d'esprit, d'âme même, et que vous m'aurez enchainé, un collier au cou en signe de soumission absolue envers le tout aussi abject maitre que vous ne manquerez pas d'être... Là, oui, peut-être nous pourrons reparler d'esclave. Mais avant cela...

Un rictus arrogant souleva le coin de ses lèvres, en un sourire ironique, voulant montrer toute l'assurance qu'il n'était pourtant pas bien sûr de posséder en cet instant.

- Avant cela, je continuerai à vous cracher mes détestables pensées au visage. Mes mots, mes pensées, que même d'un simple regard je ne manquerais pas de vous transmettre à la moindre occasion, quand bien même je serais rendu muet, sont encore ma seule puissance contre vous. Il vous en faudra beaucoup pour parvenir à m'en priver, cher Prince.

Et il marqua ce dernier mot par une parodie de révérence. Il se relevait tout juste quand la voix claire et pure de la jeune humaine tinta entre eux, comme une demande de courte trêve dans cet échange tendu.

- M'apprendrez-vous, un jour, cette langue ?

- C'est effectivement ce que votre... prince...

Son regard courra rapidement de la jeune femme au vampire, avant de se fixer de nouveau sur la belle Ambre, une étincelle d'affectueuse compassion brillant dans ses yeux sombres.

- Se proposait de faire. Il vous l'a dit, dans son incommensurable impolitesse, en elfique, mais oui, il vous l'a dit.

Touché... Effarant comme ces elfes pouvaient se révéler prévisibles... Un masque doucereux sur le visage, l'ancestral observa d'un air poliment intéressé la vague de colère qui explosait soudainement sur celui de son interlocuteur. Attaquera, attaquera pas ? Tout ceci était follement intéressant et malgré la légère déception qu'il ressentit en voyant l'elfe reprendre tout à coup le contrôle de ses émotions il ne pouvait en aucun cas cracher sur les milliers d'informations que celui-ci venait bien involontairement de lui fournir sur lui-même. La colère s'était brutalement muée en une attitude méprisante parfaitement ridicule après le mouvement d'humeur qu'il n'avait pu réprimer et les prunelles d'acier ne dédaignèrent pas de prendre une teinte condescendante lorsqu'elles s'accrochèrent au regard fier qui les fixaient désormais sans détours. Parfaitement impassible, il laissa le venin de l'elfe s'échapper maladroitement de sa bouche et ouvrit un instant la sienne avant de la refermer sur une moue amusée lorsque celui-ci enchaîna sans lui laisser le temps de prendre la parole. Lorsque enfin il sembla en avoir terminé le vampire mit quelques secondes à prendre la parole comme pour mieux savourer le plaisir qu'il prenait à se payer silencieusement la tête de son adversaire du moment mais il fallait bien lui rabattre le caquet à un moment ou à un autre. C'est donc d'un ton badin et parfaitement maîtrisé qu'il lui répondit :

" Amusant... Un autre que toi s'est fait la même réflexion. Persuadé que la liberté de ses pensées lui suffirait il s'est condamné à la plus totale soumission. Je ne suis pas certain qu'il n'ai changé d'avis depuis... Mais c'est trop tard désormais. "

Au fin fond de lui-même il ressentit la présence de l'ombre qui se tordait face à ses souffrances, seule dans la petite chambre qui lui avait été désignée. Les Baptistrels mourraient sans doute de curiosité à son encontre, et nul doute que Shadowsong chercherait à se mêler de tout cela dès qu'il sentirait la moindre ouverture mais en attendant le prince savourait toujours la victoire immense et parfaitement inattendue qui lui avait offert sur un plateau un formidable moyen de contourner en partie la malédiction et de s'assurer en passant de la loyauté d'un dragonnier.

Pas décidé à se perdre dans ses pensées même si celles-ci était tout à fait réjouissantes il reporta son attention sur l'elfe et reprit :

" Quand à l'esclavage tu en as une conception bien surfaite. J'aurai pu faire tout cela bien sur, et si j'avais su que cela revêtait une telle importance pour toi je m'y serai appliqué. Disons que ce n'est que partie remise ? Ainsi tu aura le plaisir de penser tout ton saoul, quand au problème de tes yeux ma foi si cela m'agace nous pourrons le régler assez facilement.. "

La moue amusée s'était subtilement effacée de son visage à mesure qu'il terminait sa phrase en la laissant habilement en suspens pour lui donner finalement un caractère aussi lugubre que terrifiant. De pierre froide, son visage n'exprimait absolument rien de même que le ton polaire qui appuyait sa menace de telle façon qu'elle prenait tout à coup un caractère particulièrement dérangeant. Volontairement il laissa l'acier de ses prunelles se planter dans le regard qui lui faisait face à présent que l'autre se relevait de sa courbette et il le laissa traîner là, presque innocemment. Conscient que le message était parfaitement passé il pencha la tête doucement en laissant un nouveau sourire onctueux étirer ses lèvres, une fugitive lueur gourmande était passée dans son regard, trop fugitive sans doute pour être remarquée, ou pas ?

Il avait parfaitement ignoré la question de la jeune humaine dans tout cela, raison pour laquelle sans doute l'elfe décida de répondre à sa place. Qu'on s'adresse à son esclave lui déplaisait déjà en général mais il aurait sans doute pu réprimer l'étincelle d'agacement qui s'alluma soudainement dans ses yeux si l'autre n'avait pas fait en sorte de le mettre dans l'embarras en traduisant sa phrase. Enfin... Il ne pouvait bien sur pas être dans l'embarras, d'ailleurs rien ne l'obligeait à tenir cette promesse après tout, ce ne serait ni la première ni la dernière fois qu'il ferait ce genre de chose sans compter qu'il n'avait pas vraiment promis... Non. Pas tout à fait... Voilà, il n'était donc pas obligé de le faire. Il ne revenait à sa langue maternelle que par une habitude trop profondément ancrée pour qu'il s'y débarrasse malgré tout la haine qu'il avait de son ancien peuple alors il ne se voyait pas vraiment enseignant ce complexe langage à qui que ce soit et certainement pas à une servante. Hors de question donc. Voilà tout. Le problème était réglé.

" Je parle à mes serviteurs dans la langue que je désire, et n'était-ce pas celle qu'elle voulait entendre par ailleurs ? A l'instant vous sembliez enchantés de discourir dans ce langage... "

Le ton était calme et assuré mais un léger accent de danger semblait en imprégner les paroles. Il n'avait pas aimé la lueur de défi qu'il avait lue tout à l'heure dans le regard de cet Eliowir et en bon vampire qui se respecte il tenait à lui faire comprendre une bonne fois pour toute que sa santé ne survivrait sans doute pas à une nouvelle entrevue avec la jeune humaine. Sans doute serait-il trop obtus pour comprendre tout cela bien sur, mais il lui donnait au moins cette chance... Il était de bonne humeur après tout. Avant que l'elfe n'ai pu lui répondre il tourna le regard vers Ambre et la détailla de son regard brûlant. Erreur que ceci sans doute... N'avait-il pas dit hors de question l'instant d'avant ? Et bien voilà, il avait changé d'avis, c'était le privilège des princes après tout. Il interrogea :

" Ce langage t'intéresses à ce point ? Pourquoi ? "

Oui tiens pourquoi ? Pourquoi s'intéressait-il tout à coup à la raison qui pouvait bien pousser une humaine à apprendre le langage elfique ? Cette simple question l'agaça tout à coup, et la teinte de son regard changea. Et bien voilà, il était encore de mauvaise humeur...

Lui crever les yeux ? Voilà qui était pour le moins horrible. Le regard constituait une fenêtre sur l'âme et une porte sur le monde, une attache à la réalité et une voie d'accès aux rêves. En priver Eliowir revenait le condamner à une existence on ne peut plus misérable. Ambre considérait les aveugles comme les créatures les plus malchanceuses et sentait son cœur se serrer à une telle pensée. Le visage balafré de l'elfe avait assez souffert, semblait-il, il ne méritait pas d'autres tourments.
Captant le regard mortellement sérieux du chef des vampires, la jeune humaine réprima un frisson et pinça les lèvres. C'était bête, mais depuis qu'elle était captive, elle apprit à ne plus se les mordre ; c'aurait été prendre le risque de saigner, même très légèrement, ce qui aurait été stupide. Or la jeune femme était tout sauf bête.
Quoi qu'il en soit, elle pria très fort tous les esprits, supérieurs ou inférieurs, pour que son nouvel ami ne se retrouve plus jamais dans les cruels filets du non moins Seigneur Wintel. Peut-être ne l'entendrait-ils pas, mais cela ne pouvait que faire du bien de se raccrocher à ces vieilles croyances. Aurait-elle put user de télépathie qu'elle aurait envoyé une unique pensée à l'être des bois. Une seule : « fuyez ». Pour sa vie, pour sa liberté, pour tout ce à quoi il tenait. Euh non, dit comme cela, c'était un peu trop mélodramatique. Enfin bref, elle avait d'autres choses à penser que la façon dont ses pensées s’agençaient.

Observant passivement la dispute entre les deux, elle se fit en soupirant mentalement la réflexion que sa question semblait destinée à ne pas avoir de réponse. Lorenz l'évitait soigneusement, mais elle ignorait si c'était pour ne pas se laisser distraire ou pour montrer à son adversaire comment ses esclaves étaient traités. Une mise en garde ? Non, il n'était pas vraiment du genre à prévenir avant de frapper. Dracos soit loué pour avoir inspiré les baptistrels à demander, non à exiger, une trêve entre les peuples. Il était presque sûr que tous la respecterait. Presque, parce qu'il y aurait toujours des brutes sans cervelles pour avoir envie de la défier, et le faire.
Horrifiée, c'est alors qu'Ambre se rendue qu'elle observer son maître tout en songeant à cela. Non non non, elle ne le classait pas dans cette catégorie ! Elle baissa aussitôt les yeux vers le sol. Personne ne pouvait lui reprocher de penser du mal de son geôlier, mais il fallait dire aussi que personne n'en avait besoin, elle le faisait elle-même. Étrange petite humaine noyée dans le tourbillon de ses sentiments.

« Ah, la gente masculine est décidément bien complexe ». Ce fut la première chose qui lui vint lorsque Eliowir répondit finalement à la place de son opposant.

-C'est effectivement ce que votre... prince... Se proposait de faire. Il vous l'a dit, dans son incommensurable impolitesse, en elfique, mais oui, il vous l'a dit.

Il n'avait décidément pas peur, cet elfe. Elle l'avait vu retenir sa colère et la remplacer par une prétention sans nom, mais cela n'avait pas suffit à dissimuler la souffrance qui avait transpiré sur ses traits en réponse aux paroles auxquelles il avait dû faire face.
Mais s'il croyait qu'Ambre n'avait pas remarqué l'hésitation qu'il avait marqué, il se trompait. Elle leur servait de prétexte à leur joute –pour l'instant– verbale. Elle en fut attristés pour eux.
Qu'ils soient humains, vampires ou elfes, les hommes étaient toujours aussi compliqués. Toujours des tentatives de domination idiotes. Elle qui avait voulu apaiser les tensions entre son prince et l'ancien prisonnier n'avait fait qu'aggraver les choses. En son for intérieur, Ambre grimaça. Elle sentait peser sur elle le regard dur du vampire, aussi brûlant que celui de l'elfe était apaisant.
Malgré elle, les paroles l'avaient blessé. Oh, elle était habituée à présent, mais malgré tout elle aurait aimé... plus de douceur de la part de Lorenz. Quoi que... non, elle retira immédiatement cette pensée de son esprit. Le Prince Noir, une douce et tendre créature ? Voilà une idée pour le moins comique. Déjà, quand il était à peu près aimable, il faisait peur alors mieux valait ne pas laisser son imagination s'emballer. Un Lorenz tout doux, euh... quelle idée sordide. C'était la dernière fois qu'elle sortait à cette heure ci, le coucher du soleil n'était pas bon pour son esprit.

Pourquoi elle voulait apprendre l'elfique ? Oui décidément elle aurait mieux fait de rester dans son fauteuil. Levant un regard clair et innocent sur lui, elle tenta de définir s'il s'agissait d'un piège ou s'il était vraiment curieux. Que cachait cette question ? Qu'était-elle censée répondre ?

-Et bien, c'est une très belle langue, répondit-elle naïvement. J'ai toujours rêvé de l'apprendre, tous les enfants veulent un jour parler l'elfique...

Sa voix mourut lentement sur ses lèvres. Comment expliquer la notion de rêve à Lorenz ? De plus, elle n'était plus une enfant, donc sa dernière phrase n'était pas vraiment une explication.
Elle lança un bref regard à Eliowir avant de tenter de reprendre :

-C'est une si jolie langue pleine de poésie...

Avait-elle dit une bêtise ? Elle savait parfaitement que le vampire était un ancien elfe. Mais détestait-il sa langue originelle autant qu'il haïssait ses anciens compatriotes ? De nouveau, elle sentit une sourde inquiétude poindre en elle : et s'il accusait le balafré de l'avoir corrompu ?

La liberté de pensées amener à la plus totale soumission ? Eliowir ne pouvait s'empêcher de douter de ces paroles fielleuses. Elles ne pouvaient venir, selon lui, que d'un être pour qui le mot liberté était justement incompréhensible et inconcevable. Un être qui adorait brider celle des autres pour mieux cacher très certainement son propre manque de liberté. Oh, certes, Lorenz Wintel était prince des vampires, mais était-il finalement plus libre que ses esclaves ? N'était-il pas lui-même esclave d'autre chose, de plus puissant, de plus dévastateur même... Sa soif d'ambition, sa soif de pouvoir... Sa malédiction draconique aussi peut-être. Oui, au final le vampire ne pouvait aucunement comprendre la notion de quelque liberté que ce soit, encore moins celle des pensées.

Et l'elfe qu'il était, peut-être encore fort naïf devant tant de malveillance, ne voulait pas perdre cette conviction profonde : celle que même dans les pires tourments, mêmes dans les pires souffrances, même quand il serait brisé jusqu'au fond de son être, tant qu'il garderait sa liberté de penser, il garderait son essence. Et qu'alors il parviendrait à vaincre toutes les adversités. Quand bien même on l'empêcherait de s'exprimer, quand bien même on arracherait de lui son être, sa dignité, ses souvenirs, sa mémoire, son esprit peut-être... tant que resterait cette liberté de penser, alors oui, il vaincrait, d'une manière ou d'une autre. Cette conviction-là, il ne voulait en aucun cas la perdre. Il préféra donc se faire sourd aux fourbes propos du vampire.

Propos toutefois qui titillèrent sa curiosité. Ainsi un autre que lui avait déjà tenu de telles convictions, brandi de tels étendards, face à cet ersazt de prince... Qui donc était cet autre ? Qu'il le salue de son courage et de sa volonté. Était-ce donc un vampire ? Un vampire aurait-il eu le courage de tenir tête à ce vil serpent ? Oui, c'était fort possible. Après tout, il avait entendu parler d'un vampire rebelle, et de quelques autres l'ayant suivi. Certes, ils semblaient avoir fui et non s'être soumis ou s'être laissé emprisonner... mais visiblement, oui, d'autres vampires pensaient comme lui, pourtant elfe... Voilà en tout cas qui était des plus intéressants.

Malheureusement il ne put s'éterniser sur ces pensées, que l'autre continuait à cracher son venin des plus acides. Et acide, il l'était. Était-ce là une promesse ? Wintel pensait-il donc qu'ils auraient l'occasion de se revoir pour pouvoir mettre ainsi ses menaces à exécution ? Eliowir ne put empêcher une moue dégoûtée de déformer ses lèvres, tandis qu'il priait intérieurement le Dracos de ne pas lui offrir une telle occasion. Il n'osait imaginer avec quel vil plaisir le vampire réaliserait ses sombres desseins le concernant. Non, vraiment, il préférait éviter autant que faire se pouvait ce genre de réjouissances. Il en avait eu un rapide aperçu, parfaitement conscient d'ailleurs que ce qu'il avait subi n'était rien par rapport à ce qui aurait dû réellement l'attendre si le temps ne leur avait pas été compté, et merci Dracos il préférait ne jamais connaître la suite.

Il brûlait alors d'envie de répondre de nouveau, de ne pas laisser ces menaces flotter telles de réelles promesses... mais il savait que si réponse il donnait, elle serait des plus virulentes. Oralement et physiquement d'ailleurs. Il ne devait pas céder. Non, il ne devait pas... "Négociations, Négociations", fut le lent leitmotiv qui revint insidieusement en son esprit, lui faisant miraculeusement garder silence. Laissant ses yeux clairement parler pour lui toutefois, tandis qu'il fusillait son vis-à-vis.

Et heureusement Wintel tourna son attention vers la jeune humaine, ce qui permit au vieil elfe de dominer la colère rampante qui grimpait plus efficacement que du lierre dans son cœur et son esprit, menaçant de faire chavirer toute raison. Entendre la voix claire, cristalline, emplie d'une innocence pure, de la jeune femme, acheva d'ailleurs de lui faire retrouver son calme. Du moins un certain self-contrôle.

-C'est une si jolie langue pleine de poésie...

Oui, elle avait bien raison. Mais il doutait que poésie soit de ces mots compréhensibles au vampire. Peut-être pouvait-il essayer de lui expliquer ? Ou pas... songea-t-il en sondant du regard ledit vampire. Enfin qui ne tente rien, n'a rien, n'est-il pas ? Et à cette pensée, il ne put s'empêcher de venir titiller le serpent de nouveau. C'était soudain bien trop tentant. Enfantin, puéril, certes, mais tellement tentant...

- Oui, pleine de poésie, vous avez raison rayonnante Ambre, répondit-il, en accordant son attention à la jeune femme, avant de se tourner à nouveau vers le vampire. Vous savez, Prince, la poésie... De ces mots chantants, qui touchent au cœur, vous parlent sentiments, cherchant à atteindre l'âme même des êtres pour les élever vers des contrées inexplorées. Ah... Mais j'oubliais... Vous êtes dépourvu de cœur, de sentiments, et pire même d'âme très certainement. C'est une langue qui ne doit plus guère vous parler, si ce n'est le sens premier et primaire des mots.

Il esquissa un sourire des plus cyniques, toisant l'autre de ces orbes nuit d'un air des plus méprisants et arrogants. Il hésita un instant à aller plus loin encore, à toucher ce qu'il pensait avoir deviné être une corde sensible du vampire... Mais face à l'attitude outrancière de l'autre, l'hésitation ne dura guère.

- Il est étrange pourtant que vous ne sembliez guère apprécier cette langue, si ce n'est pour sa poésie, du moins pour sa puissance et sa beauté simple. Vous qui avez été un elfe... Jadis... Vous qui avez été bercé par cette langue... N'aimez-vous donc pas les elfes, parce qu'ils sont simplement vos ennemis de toujours, à vous vampire ? Ou ne les aimez-vous pas, parce que vous n'aimez pas ce que vous avez été ? Qu'y a-t-il donc eu dans votre vie d'elfe pour que cette haine viscérale vous atteigne au point de rejeter cette si belle langue ? Qu'y a-t-il donc eu dans votre vie d'elfe, Lorenz ? A moins que vous n'ayez pas encore recouvré vos souvenirs... Mais... Votre haine est si profonde...

Si farouche. Si enflammée...

Il se détourna rapidement de sa cible, redoutant quelque peu les foudres qui risquaient de tomber. Et préféra accorder une dernière attention à Ambre. Attention osée, qui assurément allait attiser encore la noire colère du prince. Mais fou qu'il était, autant accomplir sa folie jusqu'au bout...

- Je crains que la promesse de votre prince ne soit jamais tenue, si mes doutes sont fondés quant à la haine qu'il voue à cette langue, et à tout ce qui touche aux elfes, de près ou de loin. Sachez toutefois que, si jamais l'occasion se présente, et je l'espère sincèrement, je me ferais une joie de tenir cette promesse à sa place.

Et se disant, il attrapa délicatement la main de la belle jeune femme, lui offrant un doux baise-main, à la mode humaine, tout en lui accordant une légère révérence.

Trop concentré sur la jeune humaine le vampire n'aperçut que du coin de l'oeil la moue dégoûtée qui déforma un instant le visage de l'elfe. En réalité il ne s'en préoccupait pas, il observait le regard candide que l'esclave lui renvoyait en s'interrogeant étrangement sur ce qui pouvait bien se passer derrière. Dans les méandres de son cerveau et de son âme, que ressentait-elle en réalité ? Et quelle image avait-elle de lui ? Une image terrible certainement, effrayante à coup sur. Rien que de très normal en vérité et pourtant il ne pouvait empêcher le furtif regret qui s'allumait en lui à cette pensée. Pourquoi s'y intéressait-il ? Par un soudain caprice princier sans doute, cela ne pouvait qu'être cela. C'était son droit après tout non ? C'était son immunité qui la rendait précieuse aux yeux des vampires et en particulier à ses yeux à lui, c'était pour cela surtout qu'il l'avait épargnée mais malgré tout il ne pouvait nier que la présence de sa nouvelle esclave à tout instant à ses côtés lui plaisait. Sa ressemblance avec Enelya ne pouvait être la seule explication, elle possédait un caractère bien différent de ce qu'avait été celui de la vampiresse et elle l'amusait bien souvent. L'étonnant parfois par ses façons d'êtres ou de réagir. Un caprice oui, voilà ce qu'elle était. Il aimait la savoir non loin, et il aimait plus encore la savoir à sa merci. Peut-être s'en lasserait-il comme il se lassait toujours de ses amusements mais en attendant elle lui appartenait et le mystère que recelait son esprit le frustrait quelque peu. Il la voulait, corps, âme et esprit.

Il haussa un sourcil en entendant la réponse mais en y réfléchissant il ne pouvait pas se prétendre si surprit que cela. Les quelques mois de captivité de l'humaine avait suffit à lui permettre de cerner son caractère au moins en partie et il était vrai que par certains abords elle avait plus de l'enfant que de l'adulte. Cette dualité entre l'émerveillement permanent qu'elle semblait ressentir et le sérieux plein de maturité qu'elle révélait quelquefois n'avait de cesse de le désarçonner et il n'était pas rare qu'il porte un long regard appuyé et pensif sur sa personne alors que son attention était attiré par autre chose. Il l'observait là justement, avec cette lourde et dangereuse attention qui en avait inquiété plus d'un et elle sembla elle aussi en perdre ses moyens puisque ses mots moururent sur ses lèvres. Diantre... Que se passait-il encore dans son esprit ? Se demandait-elle si il pouvait comprendre ce qu'était que de poursuivre un rêve ? Et pourquoi pas ? Son rêve à lui était sanglant, revanchard, parfaitement injuste aux yeux de tous mais n'en était-il pas un pour autant ? Ne revoyait-il pas à chaque instant l'heure tragique où il avait prononcé son serment de vengeance ? N'imaginait-il pas à chaque seconde la sensation d'intense soulagement qu'il ressentirait lorsqu'il en verrait enfin le bout ? Et surtout, pouvait-il prétendre ne pas avoir caressé une fois ou deux l'espoir de retrouver celle qui lui manquait si cruellement à la fin de tout ? Néanmoins il n'était pas de ces êtres qui affichent leurs sensations et sentiments aux yeux de tous, son visage resta donc parfaitement lisse à peine trahit par la fugitive lueur qui s'était allumée dans son œil. L'humaine se décida alors à continuer brièvement et il se prépara à lui répondre mais l'elfe fut plus rapide.

Oui, pleine de poésie, vous avez raison rayonnante Ambre

A la façon dont il avait laissé ses paroles en suspend le vampire comprit que l'autre allait continuer et comment ne pas deviner que la suite serait forcément aussi agressive que puérile ? Gagné...
Complètement immobile il laissa le cynisme de son interlocuteur se heurter fort piteusement à sa plus profonde indifférence. En tant que politicien de talent il était bien évidemment sensible à la puissance que recelaient les mots et il savait s'en servir aussi bien pour attaquer que pour se défendre ou encore pour entortiller tant et si bien un adversaire qu'il ne lui restait plus ensuite qu'à se faire oublier. L'orateur qu'il était savait reconnaître et apprécier toute la beauté et surtout la force d'un discours, il savait aussi en distinguer les faiblesses afin de mieux le retourner contre son créateur, il savait l'appuyer savamment pour mieux ensuite retourner la foule à son avantage. Non il ne s'intéressait pas vraiment à l'harmonie des poésies elfiques ou humaines mais rien ne l'amusait autant que de s'apercevoir que sur ce point là encore, on le sous-estimait. Il aimait ces situations où ses adversaires se mettaient eux-même en défaut de par la méconnaissance qu'ils avaient de ce qu'il était. La force de sa magie et de ce qu'il avait pu accomplir jusqu'à là en aveuglaient plus d'un qui en oubliaient alors de se souvenir de ce qu'il était avant tout, avant le sang et la force les mots avaient étaient les premières armes qui l'avaient mené au sommet.

Calmement donc, et superbe dans l'assurance intime de sa propre supériorité il asséna :

" Je n'ignore pas ce que sont les mots... Tu balbutiais encore que j'aiguisais déjà ceux qui me permettraient de retourner les foules. Je n'ai aucun goût pour les poèmes, mais ne commet pas l'erreur de croire que j'ignore comment retourner le cœur d'un homme. "

Quitte à le lui percer l'instant suivant d'ailleurs, mais ceci n'était pas important. L'elfe était complètement absorbé par ses propres paroles et à chaque intonation il se rapprochait lentement du gouffre que chacun se devait de fuir. Concentrée jusqu'à l'extrême, la silhouette prédatrice semblait prête à tout instant à mettre un terme à la vie de l'insolent. Une lente pulsation au cœur de la carotide, une légère accélération d'un rythme cardiaque parfaitement audible, une soudaine fragrance plus acide, tant de signaux plus que clairs pour les sens d'un vampire. Ses narines se dilatèrent très nettement alors qu'il analysait lentement les odeurs qui lui étaient accessibles. Ses lèvres s'étirèrent légèrement et si discrètement que c'est à peine si on pu avoir un aperçu fugitif des canines effilées suintantes de ce venin aussi inoffensif pour l'une des personnes présentes que dangereux pour le deuxième. En réalité presque rien n'avait changé dans son maintien et sur les muscles inertes de son visage et pourtant la sensation de danger était là, cruelle, glaciale, presque douloureuse. Aucun instinct au monde si atténué soit-il ne pouvait manquer de percevoir la halo épouvantable et terrifiant qui entourait les créatures de la nuit dès lors qu'elles décidaient que le masque de la civilité ne les amusaient plus. Volontairement, il laissa un silence passer entre eux et appesantir encore cette atmosphère avant de se décider à répondre d'une voix plus onctueuse encore qu'à l'accoutumée, trop onctueuse pour ne pas se révéler horrifiante :

" Tu parles beaucoup sans t'appuyer sur grand chose. Elfique ou commun, un langage reste un langage et je n'ai rien contre celui de ton peuple. Sans doute continuerai-je encore à le parler lorsque le peuple elfique se sera éteint. Je suis vampire, je mène un peuple qui a été chassé voilà bien longtemps par la traître alliance des elfes et de nos proies naturelles. Aujourd'hui les miens réclament vengeance, et pourquoi donc ne devrais-je la leur accorder ? Les elfes ont échoué à exterminer les vampires alors même qu'ils y ont mis leur énergie entière, voyons si ma propre énergie suffira à faire mieux... "

Une lueur infernale brillait dans l'acier de ses prunelles alors même qu'il transperçait celle de son interlocuteur de tout le terrible amusement qu'il ressentait à prévoir la fin d'un peuple entier :

" Il y a bien longtemps que je ne suis plus elfe, à supposer même que je ne l'ai été une seule seconde... Un peuple en déclin n'aurait su me satisfaire, la médiocrité me répugne aussi dois-je sans doute considérer ma transformation comme un virage heureux dans mon existence. Tu parles de haine elfe, je te répond simplement que je fais fort adroitement ce pour quoi j'existe. Quoi de mieux qu'un peuple prédateur pour éliminer la faiblesse de ce monde ?  Si j'aime les elfes ? Je les adore... Ils sont tout ce qui excite mon instinct, tout ce qui fait bouillir mon sang et ce qui fait monter le venin à ma bouche. Je suis vampire, les elfes sont mes proies, c'est ainsi."

Un demi sourire fort inquiétant vint étirer ses lèvres et faire briller à nouveau ses crocs, ainsi expliqué calmement le fondement même de ce qu'était un vampire n'en était que plus déstabilisant pour tout représentant d'un autre peuple. Bien sur il noyait adroitement le poisson par ses paroles doucereuses mais il n'avait ni raison ni intérêt à annoncer tout de go à ce garçon là qu'il haïssait effectivement son peuple et qu'il avait tapé juste en venant titiller ses possibles souvenirs. Aussi impassible que si l'autre n'avait pas réussi à s'approcher de son secret le mieux gardé il observa la façon dont il s'était rapidement détourné comme craignant sa colère et fronça quelque peu la sourcil en entendant la promesse suivante. Etait-il donc bouché ou suicidaire ? Conscient toutefois qu'on cherchait peut-être tout simplement à le mettre en fureur il préféra ironiser :

" Cruel dilemme que celui-ci, si je m'en voudrais de ne pas tenir ma parole je serais tout aussi désolé de faire manquer une occasion qui nous permettrais de nous rencontrer à nouveau... Ce serait fort dommage n'est-ce pas ? "

Lui en tout cas en serait bien déçu, ce n'était pas difficile de le lire dans l'assombrissement de son regard à l'instant où il observait le geste délicat de l'elfe. Amusant comme tout à coup l'être en face avait pu passer de simple interlocuteur irritant à ennemi quasi mortel. Question de principe bien sur, l'humaine lui appartenait et c'était là la seule et unique raison qui amenait cette soudaine morsure brûlante au niveau de sa poitrine et de son cœur mort. L'instinct de propriété des vampires pouvaient facilement être confondue avec la simple jalousie des autres peuples, la différence était pourtant fort importante à ses yeux. Elle était à lui, c'était ainsi et il n'avait nul besoin de sentiments pour avoir soudainement envie de déchirer à belles dents la gorge fragile de l'elfe. Conscient pourtant de l'endroit où il se trouvait il maîtrisa tout ceci et se contenta une fois encore de moquerie cruelle :

" La parole d'un elfe... Rien que cela. Ma pauvre petite esclave a décidément fait bien du chemin pour se retrouver dans une telle situation aujourd'hui. Qu'en penses-tu Ambre ? Chassée par les vampires, puis chassée par les elfes... Voici un destin bien singulier pour une jeune humaine. Je t'ai pris pour ton sang, et tu l'as su dès les premières secondes. Et lui ? Que cherche-t-il puisqu'il ne le boira pas ? Ton esprit vif et avisé qu'il n'a pas pu effleurer en si peu de temps ? Ou espère-t-il boire une autre coupe ? "

Comme à regret, il s'approcha encore de la jeune femme jusqu'à pouvoir effleurer sa joue de sa main chaude et ce faisant il l'incita à tourner la tête jusqu'à regarder l'elfe droit dans les yeux comme pour mieux le percer à jour :

" Regardes le Ellisseï, sans complaisance, vois le tel qu'il est sans te laisser berner par le pouvoir de son totem. Vois son maintien, son arrogance, la paresse assumée qui transparaît dans son port d'épaule. Oublie le pouvoir qu'il fait peser sur toi à l'instant même et sur toute femme qui aurait le malheur de poser les yeux sur lui. C'est un lion, enfant. Il t'abuse à tout instant. Tu n'as pas confiance en moi ? Tu fais bien... Mais donner ta confiance à un être qui se complaît dans la paresse et les harems serait une erreur déplaisante. "

Enfin et pour conclure sur ce sujet il se pencha vers elle, murmurant à son oreille afin qu'elle soit la seule à l'entendre :

"  Je prend ton sang, mais ce que lui veut te prendre risque de te sembler bien plus précieux... "

Habile remarque qui ne pouvait appartenir qu'à eux et à la subtile et étrange relation qu'ils avaient tissé dans l'intimité de sa tente. Un contrat informulé, sous entendu, qu'aucun d'entre eux n'avait signé mais que l'ancestral respectait pourtant bizarrement nuit après nuit, jour après jour sans jamais sembler s'offusquer de ne pas avoir obtenu son dû...

Ce fut parce qu'elle avait les yeux rivés sur lui que la guérisseuse aperçu la moue qui tordit les lèvres de l'elfe un bref instant, et elle se demanda à quelles pensées cette grimace pouvait-elle bien être assimilée. A en croire l'ombre qui passa dans ses yeux, ce devait être des souvenirs douloureux. Peut-être de sa capture par Lorenz, peut-être quelques mémoires de ses longues années de vie, peut-être, peut-être... Il y avait milles et unes possibilités, qu'Ambre se décida à tenter de deviner pour oublier le regard pensif qu'elle sentait peser sur elle. Son maître avait parfois cette habitude de l'observer fixement, avec cette immobilité étrange qui donnait envie à sa cible de lui tourner autour pour voir s'il allait bouger ou s'il s’était vraiment transformé en statue de marbre blanc aux traits fins. Dans ces instants, la jeune captive rêvassait, tachant de ne pas prêter attention aux yeux pâles enfouis en elle, semblant vouloir exposer son esprit au grand jour.

Si Lorenz ne parut pas blessé par les dures paroles d'Eliowir, Ambre le fut pour lui. Horrifiée devant la sournoiserie de l'elfe, elle sentit la pitié étreindre son cœur en songeant à ce qu'avait put faire subir le peuple sylvain au chef des vampires. Son passé avait dû être douloureux pour qu'il haïsse ainsi et son ancien peuple et sa langue d'origine. Il pouvait bien tenter de conserver une apparente dureté, il était impossible qu'il n'est pas été blessé par cela. Et l'humaine s'en voulut. C'était elle qui avait demandé au balafré de lui enseigner son langage, elle était donc tout aussi responsable de la peine que pouvait éprouver le vampire, qu'il la cache ou non. Bon, il ne se lança toutefois pas démonter et répondit posément, le ton calme contrastant nettement avec le poison de ses paroles. Ce qui amena la jeune humaine à se poser deux questions : avait-il était seulement ébranlé par le discourd, aiguisé comme une lame de poignard, auquel il répondrai présentement ? Et comment faisait-il pour paraître si démoniaque, si effrayant ? Si certains se demandaient si les vampires étaient mauvais, mieux valaient pour eux qu'ils ne croisent jamais la route de Lorenz Wintel, Prince du peuple vampirique. Il suffisait de se trouver sous le feu de son regard, apercevoir la blancheur froide de ses canines dans la moue cruelle de ses lèvres pour regretter d'avoir quitté son lit. L'air se remplissait de sa noirceur et devenait lourd et brûlant, comme s'il avait réunit en son sein toutes les flammes destructrices des démons.

Le regard oscillant, incertain, entre les deux protagonistes, Ambre choisit finalement de le fixer de nouveau sur l'elfe blond. Moins intimidant que le vampire, il était toutefois, semblait-il, une délicate combinaison entre douceur et violence. En un sens, cela faisait des deux ennemis des êtres étrangement semblables, bien que la prétendue douceur de Lorenz ne soit toujours utilisée qu'en annonce d'un ouragan, d'une tornade annonçant dans un proche avenir de longues journées en perspective pour sa victime ; de douloureuses journées.
Mais ils n'avaient pas que cela en commun. Eliowir avait, et elle en fut profondément attristée, cette envie, ce besoin de blesser le Prince qui le toisait. Ne valait-il pas mieux que celui qui faisait naître en lui tant de peur qu'Ambre, dont la sensibilité aiguë lui permettait de deviner sans mal les émotions les plus fortes, la sentait imprégner l'air ?

Non, elle ne voulait pas penser cela, car ce serait admettre qu'elle n'avait été qu'un jouet, un amusement et une source de provocation. Sa promesse, son baise-main étaient-ils vraiment les preuves qu'il tenterait de lui apprendre sa langue si l'autre ne le faisait pas ? Etait-il donc fou à ce point ? Charmante attention si tel était le cas, certes, mais ô combien dangereuse. Le début de leur rencontre s'était faite avant l'arrivée de Prince Noir, et son comportement avait été des plus adorables. Mais parfois, la peur, la haine, la colère, tant de sentiments si sombres et obscurs qui affaiblissent la capacité de jugement, parfois faisaient-ils avoir des comportements inhabituels. Ce devait être cela. Le vieux elfe n'était pas méchant, mais il s'égarait vers des contrées sombres, empruntant un chemin qui le mènerai à sa perte s'il continuait à provoquer ainsi le suzerain vampirique. Car celui-ci n'aurait aucune pitié à éliminer définitivement son adversaire. Voilà pourquoi le jeune femme ôta sa main rapidement, sans précipitation pour ne pas blesser son vis-à-vis, mais de façon à ne plus se trouver en contact avec lui, ni avec aucun des deux. Mieux valait ne pas envenimait les choses plus qu'elle ne l'étaient déjà. Elle eut un sourire incertain à l'adresse d'Eliowir, sentant les paroles blessantes de Lorenz pénétrer son âme et son cœur. Du chemin, oui, elle en avait fait. Mais elle avait dû le prendre à reculons, pour ne pas voir les ténèbres qui le recouvrait. Et à présent, il était trop tard pour avancer. Elle avait pourtant bien tenté de faire demi-tour, mais c'était désormais trop tard. « La voie est close. Elle fut faite par ceux qui sont morts, et les morts la gardent. La voie est close. » songea distraitement la jeune femme. Les morts étant bien entendu les vampires.

Elle qui avait toujours voulu voyager, se libérer de ce carcan dans lequel elle avait été emprisonnée étant enfant et jusqu'à très récemment encore, qui n'avait put s'échapper que par l'imagination fertile de son esprit, était servie. Elle n'avait en effet jamais imaginé pouvoir réellement rendre visites aux elfes et les rencontrer, ces idées étaient restées au stade de rêve. Et aurait probablement dû se tenir à cela.
A présent, que n'aurait-elle pas donné pour faire ne serait-ce qu'un petit pas vers la lumière, revoir quelques instants le tendre visage de ses parents, celui, doux, de sa tante et ceux, plein de détermination et emplis de force et d'affection de ses frères... Que n'aurait-elle pas fait pour chasser de son esprit lumineux ce petit coin d'ombre dissimulant le souvenir de la mort de son oncle, que grandissait et emplissait son âme, lui faisant revivre encore et encore cette macabre scène. Elle n'avait jamais demandé à Lorenz ce qu'il était advenu de Bae. Elle n'avait jamais osé. Non par peur des représailles, car toutes les blessures qu'il aurait put lui infliger n'était rien face à la vie de son cousin, mais dans l'espoir absurde qu'en se taisant, en n'entendant pas de vive voix les mots qui la renseignerait sur son sort, il serai toujours bien vivant, attendant peut être son retour et priant le Dracos pour elle. Rêve naïf s'il en était, mais que nul n'aurait put lui reprocher. Qu'il soit soldat au sein de l'armée ou que ses restes pourrissent quelque part, cela revenait au même ; il était mort, son essence même était partie, que son corps tienne encore debout ne changerai rien. Non, ce serait même encore pire que de croiser le regard vide dans le visage blafard de celui qu'elle avait, considéré, et considérait encore, comme un frère.

Ce ne fut que lorsque la main du Prince vint lui tourner la tête vers Eliowir qu'elle s’aperçut que jusqu'alors, c'était Lorenz qu'elle observait. Et bien, dans quoi donc ses pensées l'avaient-elle encore embarqué, si elle en oubliait ce qu'elle faisait ? Quelques instants plus tôt, c'était l'elfe qui se trouvait être la cible de son innocent, et voilà qu'elle s'apercevait qu'à présent elle fixait son geôlier. Elle cilla en de nouveau le surnom qui lui avait été attribué mais ne releva pas. Elle verrait par la suite sa signification, s'il l'utilisait de nouveau.
Avant qu'elle n'ai le temps de répondre, il s'approcha et lui murmura quelque à l'oreille. La guérisseuse pâlit, rougit et tourna la tête vers lui, affrontant le regard lourd de sens qui lui faisait face. Ils étaient si proches qu'elle pouvait clairement voir le lisse de sa peau. Étonnant, cette particularité qu'avait la peau des vampires d'être si... parfaite. Allons bon, elle tout de même pas commencer à trouver des qualités Si proche du visage de son interlocuteur, elle sentit son cœur faire un bond et recula d'un pas, de manière à pouvoir voir les deux hommes à la fois.
Incertaine, elle détourna hâtivement ses yeux bleus innocents de ceux de Lorenz. Elle n'avait s’empêcher de sentir une étrange chaleur au creux de son ventre en se trouvant si proche de lui. Pourtant elle n'avait plus vraiment peur de lui, depuis le temps qu'elle était sa captive, elle avait apprit à s'habituer à son caractère vipérin. Elle préféra nettement reporté son attention l'elfe plutôt que d'étudier cette étrange sensation et sa source.

-J'apprécie votre proposition et votre gentillesse, Sire. Mais je ne voudrais en aucun cas vous déranger ou vous imposer quoi que ce soit.

Elle le regard, déterminée à finalement savoir ce qu'il voulait :

-Pourquoi prendriez vous le temps de m'enseigner votre langue sans me connaître vraiment ?

Elle ne se méfiait pas de lui ; elle ne se méfiait pas de grand-monde en vérité. Mais le vampire avait soulevé un point embarrassant et elle voulait en avoir le cœur net. Si Ambre avait jusqu'alors réussit à obtenir de celui qui se prétendait être son maître qu'il ne goûte qu'au précieux liquide qui coulait dans ses veines, ce n'était certainement pas pour qu'un autre comble cette inoccupation.
Elle tenta de percer, comme il lui avait été demandé de le faire, l'aura charismatique qui enveloppait Eliowir. Peut-être perdit-il quelque peu de sa superbe à l'instant où elle apprit que ce n'était qu'un effet de son totem. Mais il restait bien assez attirant.
Coincée entre le lion et le loup... Lequel était donc le moins dangereux ?

-Je n'ai rien à vous offrir en retour. Je ne voudrai pas vous déranger, et apprendre votre langue prendra sûrement bien plus de temps que je ne resterai ici.

Et puis, une simple question lui vint alors à l'esprit. Deux, à vrai dire. A présent qu'elle n'avait plus aucun contact physique avec eux, elle se sentait plus sereine pour demander à Lorenz, avec dans les yeux une profonde incompréhension et beaucoup d'appréhension :

-Me l'apprendrez-vous vraiment ? Pourquoi ne lui faites vous pas confiance ?

Oui, Lorenz était puissant. Redoutablement puissant. Une puissance sombre, magnifique, toute de ténèbres enveloppée, et en cet instant Eliowir en sentait toute la vigueur crépiter autour d'eux trois. Si une part de lui avait peur de cette puissance, si une part de lui hurlait de terreur savamment étouffée, une autre part, sa part de folle inconscience, sa part d'arrogance enfiévrée qui courrait tant après le pouvoir justement, admirait cette effrayante puissance. Oui, admiration. Il ne pouvait s'en empêcher, quand bien même le dégoût et l'abomination n'étaient pas loin. Et cette admiration, étroitement mêlée à la peur et à l'abjection, devait aisément se lire dans le pétillement de ses iris.

Ainsi, si son instinct lui criait de fuir, d'arrêter de titiller le serpent, et de mettre un terme à cette étrange conversation, sa folie, elle, lui ordonnait de rester, de continuer ce jeu dangereux, et de persévérer dans son funambulisme improvisé. Il resta donc, offrant un visage aussi stoïque que possible, même si ses yeux parlaient bien trop encore pour lui, écoutant avidement le vampire. Ecoutant, ne cherchant pas même à le contredire quand il parla de l'histoire, si vieille, si séculaire, qui liait alors leurs deux peuples. D'un certain point de vue, Lorenz n'avait pas tord : les elfes cherchaient à éliminer les vampires, cette abomination qui venait, à l'origine, de leur peuple pourtant si digne. Pouvait-on en vouloir aux vampires de se battre alors pour survivre, en quelque sorte ? Si lui-même avait été vampire, ne se battrait-il pas pour avoir le droit d'exister ? Si, assurément. Cela n'enlevait rien au fait qu'à l'heure actuelle, Eliowir ne prêtait aucun droit à ce prince-là et à sa politique extrémiste. Peut-être que cette politique était en droite lignée de toutes ces années de guerre et de conflit entre leurs peuples. Assurément même. Mais...

Mais depuis quelques jours, depuis sa discussion avec un certain vampire... Eliowir entrevoyait d'autres voies, d'autres possibilités. Aux mains d'un autre prince, les vampires ne pourraient-ils pas gagner en toute honnêteté le droit d'exister librement et sans craindre d'être exterminés ? Un accord, une trêve du moins, ne serait-elle pas effectivement possible ? Cela voudrait dire éteindre le feu de la haine, de part et d'autre... mais si lui-même, qui avait été il fut un temps un ardent défenseur de l'extermination des vampires, avait su raviser en partie son jugement, pourquoi d'autres ne le pourraient-ils pas ? Mais...

Mais pas avec ce Lorenz Wintel. Non, avec lui, ce genre d'avenir était impossible, inconcevable. La haine avait bien trop rongé son âme. Une haine qui, contrairement à ce que cherchait à lui faire croire le vampire, prenait racine bien plus loin encore que cette simple haine ancestrale entre deux peuples. C'était une haine... bien plus personnelle. Une haine qui avivait alors la curiosité légendaire de l'elfe. S'il était fou, assez fou pour titiller la puissance ténébreuse qui palpitait près de lui, il n'était toutefois pas totalement suicidaire. Pas encore. Il préféra donc garder, pour le moment, les questions qui se frayaient un chemin dans son esprit au sujet du passé elfique de ce sombre personnage. Oui, il irait fouiner. Oui, il irait chercher quelle avait pu être la vie d'elfe de ce vampire haineux. Oui, il voulait comprendre et savoir... mais il ne lui poserait assurément pas la question ouvertement. Pas là, pas maintenant. Il sentait, malgré la fausse impassibilité que lui offrait l'autre, que ce serait là la frontière de trop... Une frontière qu'il franchirait plus tard mais pas là. Pas avec Ambre auprès d'eux en tout cas.

Eliowir se tut donc et écouta. Attentif. Et soudain étonné, touché en plein vif quand l'autre parla de son totem. Ainsi donc il avait deviné. Le prince des vampires n'était donc pas qu'une brute épaisse avide de torture en tout genre, visiblement. Il était également doté d'un pouvoir de parole et d'une certaine intelligence. Rien de fort étonnant, mais en tout cas voilà qui était intéressant à savoir. Un vampire intelligent était un vampire redoutable. Et voilà en tout cas un ennemi qui était fort délicat à évincer, à éliminer... Il préféra toutefois ne pas répondre de suite, préférant se concentrer pour garder son calme, tel qu'il l'avait appris, il y a fort longtemps, quand on l'avait formé à devenir conseiller. Garder son calme, rester d'une impassibilité de marbre, avait toujours été une certaine gageure pour lui. Et il avait souvent éclaté sa colère d'un coup, quand la gageure était devenue insurmontable. Il en surprenait souvent plus d'un d'ailleurs, quand, d'impassible, il se mettait soudain à s'écrier.

Lors de ses années d'errance, il avait toutefois laissé plus de latitude à son tempérament explosif, ne prenant plus forcément la peine de conserver ce faux calme olympien typique du fier politicien qu'il avait été. Et tenter soudain de reprendre ces convenances qui avaient été siennes il y a plus d'un siècle lui demandait un effort considérable.

Négociations, négociations, revint en leitmotiv dans son esprit, l'aidant à conserver un air calme. Non ne pas se mettre en colère, ne pas exploser. Outre le fait que cela serait lui donner une certaine victoire, cela serait aussi mettre à mal la jeune humaine qui était entre eux. Qu'il garde donc sa colère pour... une autre fois... si jamais une autre fois se présentait.

Heureusement la jeune femme intervint avant qu'il ne puisse prendre lui-même la parole, lui permettant de gagner de précieuses minutes pour parfaire son apparence sereine.

-Pourquoi prendriez vous le temps de m'enseigner votre langue sans me connaître vraiment ?

Voilà un sujet qui lui permettrait facilement de garder pied déjà.

- Parce que j'aime apprendre mon savoir aux autres. Je suis particulièrement touché de voir que des humains peuvent apprécier notre langue et pouvoir alors la leur apprendre est un honneur pour moi. Quant à...

Son regard se porta sur le vampire à leurs côtés, son menton se relevant comme en défi, avant qu'il ne reporte son attention sur la jeune femme, son regard et son maintien hautain s'adoucissant un peu :

- Quant à ce que votre Prince vous a dit... Je ne puis nier être lion de totem. Un totem tout d'arrogance pétris... un totem qui m'a effectivement choisi parce que je devais lui ressembler. Dans mon jeune âge, on m'a souvent reproché cette forte arrogance, et je n'ai jamais su m'en défaire. D'autant moins depuis que mon totem ne cesse de la renforcer. Et oui, il a également tendance à m'insuffler une vile paresse, moi qui pourtant est capable d'être travailleur en d'autres circonstances. Et oui j'aime les femmes, et j'aime... boire à leur coupe... cela a également toujours été, et mon totem n'a fait que me donner... un charme qui me manquait jusque-là. Avouons-le... je ne suis pas le plus beau des elfes, loin de là, et mon totem m'a juste donné un petit atout bienvenu de ce côté-là. Quoiqu'il en soit...

Un reniflement agacé fut offert au prince, avant qu'il ne reprenne, d'un ton totalement sincère :

- Quoiqu'en puisse dire votre prince, et aussi étonnant que cela puisse paraître, je n'ai jamais songé à quoique ce soit qui aurait pu vous paraitre indécent en votre présence. Vous êtes... bien trop pure, bien trop innocente, Ambre, et pour rien au monde je n'aurais voulu pervertir cela. Si par mes paroles, ou par mes gestes, je vous ai blessée d'une quelconque façon, j'en suis profondément désolé et vous en demande humblement pardon.

Se disant, il s'inclina presque solennellement devant elle. Plus aucune trace d'arrogance dans son ton. Juste de la sincérité. Juste la plus stricte vérité. Pour une fois qu'effectivement il n'avait pas eu de telles pensées en présence d'une femme...

- J'espère que les paroles perfides et cyniques de votre prince, de ce... serpent... si mes sens sont bons je gagerais que son propre totem est ce beau reptile pourtant si traitre... ne gâcheront pas le souvenir de l'instant magique que nous avons vécu ensembles. J'espère que vous serez assuré que mes intentions n'étaient nullement inconvenantes, d'aucune façon.

Il se redressa, et, gardant la main sur le cœur, tel un serment qu'il prêtait :

- Et oui, si l'occasion se présentait, si votre prince avait la bonté de nous accorder ces occasions, en tout bien tout honneur, sans l'ombre d'une contrainte, alors oui, je vous apprendrai cette langue et en serai plus qu'honoré.

La question d'Ambre résonna alors en réponse. Et il ne put s'empêcher d'ajouter :

- Il ne me fait pas confiance, car je suis un elfe, je suis un ennemi, parmi tant d'autres. Il ne me fait pas confiance parce que j'ai eu l'audace de lui tenir tête voire de le provoquer. Et je pense aussi parce qu'il a peur que le lion rugisse plus fort que ne siffle le serpent. Il a peur de vous perdre. N'est-il pas vrai prince ? Possessif que vous êtes... N'est-il pas vrai ? Et n'y-a-t-il vraiment qu'un sentiment de possession ? N'y-a-t-il pas autre chose encore ? Plus fort... Plus palpitant.. Que vous inspire donc Ambre pour que vous réagissiez si vivement ? Seriez-vous capable, vous aussi, de quelconques sentiments, malgré ce que vous voulez nous faire croire ?

Un fin sourire mi ironique, mi amusé, s'esquissa sur ses lèvres pâles, tandis que ses azurs revenaient se planter dans l'acier du prince. Un acier, qu'il commençait à peiner à voir, la nuit commençant à étendre son lourd manteau sombre sur eux...

Rougeur, puis pâleur... Son insinuation avait touché au but. Qu'elle le croit ou non à l'instant présent et même plus tard le message était passé et le doute viendrait assombrir à tout instant leur relation. Oh il serait peut-être faible, infime, mis de côté par une humaine que le vampire savait de nature confiante mais malgré tout il ne pourrait jamais être effacé entièrement. De tous les poisons existants celui-ci était sans doute l'un des plus puissants et l'ancestral l'instillait sans remord à chaque fois que c'était nécessaire. Cette fois ne faisait pas exception et malgré l'apparence de calme contrôle que lui opposait l'elfe il se doutait bien qu'il avait dû être touché par l'attaque qu'il n'avait sans doute pas prévue ou pas sous cet angle.

Malgré cela l'elfe faisait montre d'une maîtrise plus efficace que le prince aurait pu le croire. A ce stade l'idée de le mettre suffisamment en colère pour le pousser à lancer une folle attaque qui aurait signifié sa perte s'effaçait quelque peu. Il avait sans doute deviné ce qu'on cherchait à lui faire faire et l'éviterait donc de toutes ses forces. Bien dommage... Il n'était peut-être pas aussi colérique que le vampire avait pu le croire au premier abord mais il serait bien temps de lui faire payer son insolence à un moment ou à un autre puisqu'il était assez malin pour s'éviter le retour de bâton de la magie baptistrelle.

Les hésitations de l'humaine faisaient plaisir à voir, elle ne savait visiblement plus que penser. Cela se lisait dans les regards qu'elle alternait sur l'elfe puis sur le vampire. Jamais longtemps sur le vampire d'ailleurs, sauf quand elle s'oubliait comme l'instant d'avant et dans ce cas ses pommettes se colorait à coup sur d'une appétissantes couleur rouge du plus bel effet sur l'égo du concerné. Plus que la crainte en elle, il sentait qu'il la troublait et cette nouvelle preuve de l'empire qu'il prenait peu à peu sur elle amena un demi sourire sombre sur ses lèvres à l'instant où elle détournait la tête. Shadowsong avait tort de croire qu'elle pouvait avoir un rôle différent dans l'esprit de l'ancestral, elle n'était qu'un jouet exactement comme toutes celles qui l'avaient précédées et sans doute s'en débarrasserait-il lorsqu'elle ne l'amuserait plus. Le fait qu'il en ai absolument aucune envie à l'heure actuelle ne prouvait absolument rien. Idiot de chanteur.

Silencieux, il observa l'échange entre l'humaine et l'elfe. La méfiance qu'il avait réussi à éveiller dans le coeur de celle-ci n'allait sans doute pas durer sachant à quel point elle avait tendance à faire confiance facilement. D'autant plus que le lion plaidait bien sa cause, autant appuyé par le velours maîtrisé de ses mots que par le pouvoir de son totem. Cela suffirait-il à effacer l'inquiétude qui s'était allumé dans le coeur de la petite humaine ? Et si cela risquait d'être le cas ne valait-il mieux pas le couper dès maintenant dans son discours ? Reprendre la main avant qu'il ne retourne la situation et quitter les lieux en préservant la flamme du doute qu'il avait lui même allumée dans les yeux d'Ambre. C'était une stratégie qui aurait pu s'avérer intéressante et même payante sans doute. Mais son goût pour le duel ne se satisfaisait pas d'une telle fin

Serpent... Le mot résonna entre eux mais ne heurta point le visage lisse du prince. Ambre n'ignorait pas son totem et jusqu'à preuve du contraire il n'avait pas utilisé ce pouvoir contre elle ni pour la blesser ni pour modifier ses souvenirs. Quand au fait que l'elfe ai pu lui rendre la pareille et deviner quel esprit s'était lié à lui cela ne l'étonnait pas vraiment dans la mesure où il se tenait assez près d'eux pour les englober volontairement ou non dans le cocon de chaleur plus ou moins supportable qui l'entourait à tout instant.

Et oui, si l'occasion se présentait, si votre prince avait la bonté de nous accorder ces occasions, en tout bien tout honneur, sans l'ombre d'une contrainte, alors oui, je vous apprendrai cette langue et en serai plus qu'honoré.

Et bien voyons... Et il ne voulait pas qu'il la libère aussi ? Et qu'il officie à leur mariage par dessus le marché ? A moins qu'il ne soit tout simplement appelé à tenir la chandelle ? Il n'y avait pas trace d'ironie dans la promesse de l'elfe mais il oscillait entre impudence et bêtise la plus totale. Il était sans doute temps de lui répondre mais Ambre le devança et alla même jusqu'à se tourner vers lui pour le questionner à son tour. Désarçonné il ne répondit pas tout de suite et l'elfe en profita pour attaquer à son tour, allumant une lueur de parfaite incompréhension dans les prunelles vampirique. Encore un qui s'y mettait ? Cela devenait vraiment ridicule... Intolérablement ridicule et c'est avec le mépris le plus profond qu'il toisa son interlocuteur avant d'articuler durement :

"Aussi longtemps que les elfes feront preuve de ce genre de clairvoyance mon peuple n'aura pas à s'inquiéter de l'issue de la guerre..."

Brève réponse, il ne daignait même pas argumenter sur ce qui n'était à ses yeux que stupidité la plus notoire. Où pouvaient-ils bien pêcher l'idée qu'il puisse nourrir des sentiments pour Ambre alors qu'il passait sa non vie à répéter sur tous les tons que les humains étaient des créatures inférieures uniquement vouée à nourrir les vampires ? Il était même de notoriété publique qu'il capturait régulièrement de jeunes humaines pour s'amuser avec quelque temps avant de s'en régaler, ou de plus rarement les transformer. Forts de ces informations comment les elfes pouvaient-ils seulement songer à une telle possibilité ? Et cet Eliowir passait encore, mais Merithyn qui connaissait son histoire et avait pu mesurer l'ampleur de sa haine pendant des années ? Cela dépassait son entendement. Calmement, il reprit :

"Tout ce que je crains à l'heure actuelle est de ne pouvoir reprendre cette conversation en d'autres lieux et dans d'autres circonstances. Néanmoins au vu de la façon dont tu évites tes frères de race j'ai du mal à croire que tu rejoindra le royaume elfique à la fin des négociations. Je ne te vois pas non plus t'éternisant ici et même si c'était le cas je reviendrai bien assez tôt pour brûler cette forêt. Rugis autant que tu le peux petit lionceau, le serpent est une créature patiente."

Il dévoila ses crocs sur ces mots en un sourire plein d'une noire promesse. Un ennemi parmi d'autres avait-il dit... Sauf qu'il ignorait tout de l'immense et terrible privilège que cela pouvait être de se révéler l'ennemi de Lorenz Wintel. Il n'était pas homme à minimiser l'importance que revêtait chaque adversaire à ses yeux, aussi nombreux soient-ils, chacun était traité avec le soin le plus extrême.

"Quand à toi..."

Il s'était tourné vers Ambre sans plus accorder la moindre importance à l'elfe dûment catalogué dans son esprit comme les êtres déjà morts. Impénétrable, ses prunelles s'attachèrent à celles de l'humaine tandis qu'il continuait :

"Je ne fais confiance qu'à moi même et tu ferais bien d'apprendre à en faire autant. Je ne veux plus te voir auprès de cet elfe, nous parlerons elfique si cela t'amuse mais n'espère pas me désobéir. Je le saurai."

Solide, sa poigne s''était emparée du frêle poignet et il caressa le bracelet d'un doigt léger, réveillant toute la puissance du lien magique qui rattachait l'esclave à lui. Le regard planté dans le sien il insista et libéra un soupçon infime du pouvoir du bracelet, provoquant une décharge douloureuse mais très brève dans le corps de la jeune femme. Pas assez longue pour lui faire bien mal, mais suffisamment pour constituer un solide avertissement de ce qui arriverait si elle passait outre son commandement. Etait-ce bien utile ? Elle n'était pas du genre à véritablement se rebeller contre lui ou quiconque mais le message n'était en réalité pas destiné qu'à elle seule. Calculateur, le regard du vampire s'était déjà reporté sur l'elfe et sur la réaction qu'il n'allait manquer d'avoir en la voyant vaciller. Impérieux, le vampire leva une main pour l'arrêter avant qu'il ne cherche à la soutenir :

"Tu as entendu ce que j'ai dis elfe. Elle n'est pas autorisée à t'approcher, il serait dommage que ton comportement ne la fasse prendre en défaut. Non ?"

Il pencha la tête d'un air poliment intéressé par le comportement de l'elfe puis laissa un sourire satisfait s'afficher sur son visage en le voyant faire un pas en arrière.

"Là... Voilà un comportement plus.. Raisonnable."

Ils restèrent ainsi un moment, le vampire défiant l'elfe du regard et affichant un masque satisfait. N'avait-il pas toutes les raisons de l'être après tout ? Il avait trouvé le moyen de tenir à distance d'Ambre cet individu horripilant et il lui avait prouvé au passage qu'il ne ressentait absolument rien pour elle. C'était ce second point le plus important, il ne supportait plus ces affirmations idiotes sur ses possibles sentiments, il était grand temps de leur prouver le contraire et si il devait sacrifier la petite humaine au beau milieu de la tableau des négociations lorsque celle-ci commenceraient il n'hésiterai pas une seule seconde quitte à provoquer l'apocalypse et à éveiller toutes les fureurs baptistrales du monde.

"Allons-y, tout ceci a éveillé mon appétit..."

Dernière cruauté à l'adresse et de l'elfe qui n'allait pas manquer de grincer des dents et de l'humaine qui en tremblerait sans doute pendant tout le chemin mais cette insinuation encore une fois soulevée l'avait en réalité mis plus en colère qu'il ne voulait bien l'admettre. Rien ne transparaissait sur ses traits immobiles, pas même une lueur n'assombrissait son regard et pourtant elle bouillait en lui. Pourquoi donc accordait-il une telle importance à une attaque si à côté de la plaque ? C'était difficile à dire mais cela l'agaçait. Cela et aussi le pincement soudain de regret qui l'avait surprit au moment de lâcher l'énergie du bracelet. Il l'avait fait parce que c'était indispensable pour faire taire enfin son detracteur mais au contraire de son indifférence habituelle il avait ressenti une véritable répugnance à accomplir son office. Sa mauvaise humeur monta encore d'un cran lorsqu'il réalisa que loin d'avoir prit plaisir à voir le soudain affaissement de sa victime il n'avait pu que serrer les dents en maudissant tous les esprits et surtout cet Eliowir trop bien protégé par la magie baptistrale. Assassin, le regard qu'il lui décocha en passant devant lui pour retourner au sanctuaire du feu n'était qu'acier en fusion. Tout ceci n'était pas terminé...