Chère Cyrène,

Je n'aurai pas pensé qu'une créature aussi belle et dangereuse puisse être autant tourmentée. Je me porte bien, tu peux être tranquille. Une fois de plus, je suis retourné dans ces montagnes où j'ai perdu cette coquille que je désire tant... Oui, cela fait pourtant des années, que dis-je des siècles même, mais l’œuf m'obsède comme au premier jour. C'est l'une des rares choses que je n'ai pas réussi à subtiliser et à garder. Cette obsession aura un jour ma perte, je le sais bien, mais que veux-tu, à mon âge changer est devenu impossible. J'ai réussi à obtenir le moyen de m'éloigner du conseil suite à une fausse mission que j'ai monté de toute pièce avec l'aide d'un de mes alliés. Ma couverture est donc que je suis parti faire de l'espionnage, oui j'aurai pu mettre ce temps à profit pour autre chose que la recherche de cet oeuf, mais imagine ce que nous pourrions faire en sa possession.

J'ai un peu entendu parler de ton fils oui, mon disciple n'est plus comme je l'ai connu et cela me trouble. J'aimerai avoir un discussion avec lui à mon retour, tenter de le comprendre même si je ne pense pas y arriver. Sait-on jamais? Ta nostalgie me touche et me fais sourire: et oui, je me souviens de cette insouciance que nous avions, cette joie de vivre dans laquelle nous baignons sans nous poser la moindre question. Mes rêves de grandeurs sont toujours là, même s'ils ont quelques peu changé depuis mais c'est de là que me viens encore mes motivations. Je me souviens aussi de cette nuit où tu ne m'as pas abandonné, alors que tu aurais pu. Je ne t'en remercierai jamais suffisamment d'avoir fait de moi ce que je suis, de m'avoir pris avec toi. Certes, le gentil petit Erin est mort ce soir là, mais le changement me conviens parfaitement. Ne dis pas que tu es une vieille femme aigrie, je te trouve toujours aussi belle, aussi séduisante, ne laisse pas ces quelques soucis entacher ta beauté. Pour te redonner sourire, je te dirai de te souvenir de nos premières chasses, nos premiers repas ensemble sur des villageois si faibles et stupides. Je crois que je n'ai jamais eu un tel plaisir que cette première nuit: chasser, tuer et se nourrir ensemble... Rien que d'y repenser cela me fais frissonner. A mon retour, j'aimerai qu'on retourne s'amuser ensemble comme au bon vieux temps afin de te faire oublier cette image de vieille femme que tu oses avoir de toi même.

Ma retraite dans les montagnes fait que je n'ai pas tous les détails sur les agissements de mon neveu mais je tenterai d'en savoir plus à mon retour. Ce que tu me dis me trouble énormément... Et imaginer que sans moi tu puisses faire une telle sottise me répugne, je t'interdis de penser à de telles choses. Je trouverai un moyen de te ramener Achroma même si j'ai du mal à concevoir comment il est parvenu à un tel pacte magique. Certes, je lui ai enseigné les bases, mais comment aurais-je pu deviner qu'il deviendrait si puissant? Au point de se lier à un tel être pour sauver quelqu'un d'autre... Il faudra que tu me parle de ce dragonnier, il doit avoir quelque chose de spécial. De très spécial même...

Ton élan de nostalgie me donnes encore le sourire. Cela fait plusieurs jours que j'ai reçu ta lettre et que je la relis pour combattre la solitude dans les crevasses de cet endroit en attendant que le soleil se couche. J'ai eu tout le loisir de repenser à nos jeux d'enfants, les histoires au coin du feu que nous racontaient nos parents. Je me demande ce qu'il est advenu de cette ville... Je me demande si j'aurai mieux fais de faire muter notre père plutôt que le transformer en repas. Pourquoi ai-je fais ça? Je me le demande encore, surement la folie de la jeunesse, la stupidité et le manque d'expérience. Cet élan de confiance, cette force qui coulait en moi m'a surement fait tourner la tête. Je ne regrette pas spécialement mon geste, mais parfois, je me dis que j'aurai du agir autrement. Qu'en penses-tu ma sœur? Tout comme cet œuf, comment puis-je le retrouver, comment savoir quelle galerie il a prit, emporté par le courant? Aussi longue que soit ma vie, je pense qu'il me faudrait d'avantage de temps pour le retrouver... C'est là ma pire erreur et je ne peux l'oublier. Avoir tué cet elfe était une bonne chose, mais sa magie a bien faillit détruire mon âme et mon corps... Obligé de fuir et d'abandonner l'objet de mon désire. J'espère ne plus te décevoir ma chère Cyrène.

Venons en au plus important de cette lettre: tu m'as agréablement surpris en me parlant de politique. Toi, qui me regardais toujours avec le sourire quand je lançais ce sujet, tu veux maintenant t'y mettre? Et bien qu'il en soit ainsi. Je n'ai plus de nouvelle du petit dernier de notre famille, mais je pense qu'il sera de notre coté. Une fois rentré, je me mettrai en quête de le retrouver. Ma place au conseil qui pourrait s'avérer utile: je pourrai surement obtenir des informations voir même des alliés. Pour commencer, je pense qu'il faudra se trouver des alliés proches du tyran, trouver des gens dans son entourage qui ne l'apprécie guère, chose qui doit forcément se trouver. De là, on pourra se renseigner sur ses faits et gestes, connaitre ses habitudes, peut-être même entrer en contact avec mon disciple. Il est pour moi comme un fils et le savoir dans une telle posture me chagrine. Ton idée d'alliance avec les elfes ou les humains ne me plais pas, mais cela pourrait s'avérer bénéfique. Reste à savoir jusqu'à quel point cela nous mettrait en mauvaise posture. Ces êtres ne veulent que notre disparition, nous aider à renverser le tyran pourrait être à leurs yeux le meilleur moyen de nous poignarder ensuite dans le dos. Je n'aime pas l'idée de m'allier avec ma nourriture, mais malheureusement, cela sera peut-être notre seule option. Gardons la comme dernier recours pour le moment, je pense pouvoir trouver d'autres solutions.

Je pense rentrer bientôt. J'ai fouillé toute la partie nord de la grotte, explorer le fond du lac et suivis la galerie jusqu'à sortir dans un marais. C'est trempé et affamé que j'écris ces mots, désolé pour l'état de mon courrier. Sache cependant que ton coursier m'a trouvé sans grand mal et que j'apprécie cet individu que tu as débusqué je ne sais où. Utiliser un humain est une bonne idée, même si je n'ai pas grande confiance en eux, celui-ci semble correct, mais le voir si proche de moi me rappel à quel point j'ai faim. S'il ne devait pas revenir à toi avec ma lettre, je l'aurai probablement dévoré depuis longtemps. Il doit y avoir des lunes que tu as envoyé ta lettre, la traversée du désert n'est pas simple, même à cheval, mais lui n'est pas dérangé par le soleil. Je pense faire comme pour l'aller: voir pour me dissimuler dans la calèche d'un nomade. Enfin, il me faudra probablement du temps pour revenir, comme il m'en a fallu pour venir ici. J'ai également hâte de voir cette pierre, elle irait peut-être à merveille avec mon collier, celui de cet elfe qui m'oblige, des années plus tard à revenir sur l'endroit de sa mort. L'endroit où je l'ai tué mais celui aussi où il est parvenu à me faire échouer dans la mission qui aurait du être la plus grande réussite de toute mon existence... Il m'arrive encore de ressentir le contact chaud et étonnant de l’œuf, de le voir dans ma main, le sentir vibrer dans ma paume. C'est obsession finira par détruire mon esprit si je ne le retrouve pas. Et même si je le retrouvais, aura-t-il éclot? Pas pour moi en tout cas... Pourquoi est-ce que je m'acharne encore? En parlant de bijoux, j'ai arraché une barrette à cheveux sur le corps encore chaud d'une noble, je pense qu'elle t'irait à merveille. J'ai quelques autres trophées, mais rien d'important, cela pourra servir à financer notre projet. Reste que je courrai le plus vite que je le peux pour revenir, cette lettre t'arrivera surement bien avant mon retour. Je profiterai de cette course pour réfléchir sur les conseillers, voir qui pourrait nous être utile, réfléchir aux villes où nous rendre. La chasse commencera bientôt et le sang coulera à flot, je te le promet ma sœur: ton fils sera libéré et le tyran sera quand à lui exécuté. Quitte à ce que ce soit la dernière chose que je doive entreprendre de ma vie.

Je t'embrasse, ta présence me manque.

Ton cher frère Erin

Jetant alors sa plume à coté de lui, le vampire effectua une lecture rapide de sa lettre. Il était assit sur le sol d'une petite clairière, non loin de là serpentait une rivière et le bruit venait bourdonner tendrement aux oreilles. Erin releva les yeux, un homme était appuyé contre un arbre, à coté de lui se trouvait un magnifique cheval noir. Le voleur se releva, roula la lettre. Il ramassa sa bougie et fit couler de la cire sur le papier qu'il scella avec le manche de son poignard. L'heure du départ approchait et une fois de plus, ses recherches étaient infructueuses.... Avoir dormit durant tant d'années ne l'avait pas aider à retrouver cet œuf de dragon, surement perdu à jamais. Il donna le parchemin au coursier, croisa son regard pour lui faire comprendre qu'un acte de traitrise ou même un simple retard pourrait lui être fatal. Mais cet homme savait comment agir avec la famille Veanya, Cyrène avait eut une bonne idée de ne pas le transformer: un humain avait finalement son utilité et celui-ci les vénérait. Il partit enfin au trot, laissant Erin seul dans la clairière. Fixant le ciel étoilé, il réfléchissait à ce qu'il devrait faire. Retrouver Zaphirel, retourner voir ces vieux chiens de politiciens qui lui avaient rit au nez quand il avait dit partir à la recherche de la traitre et de l’œuf. Il ne les aimait pas, mais il pourrait peut-être les utiliser. Ouvrant le manche de son poignard, il approcha l'arme de ses lèvres pour y boire une gorgée de sang: il en aurait besoin, courir d'ici à Ygg-Chall prendrait plusieurs nuits voir même plusieurs semaines.