Une fois sur la terre ferme et ses esprits totalement retrouvés, Klaus comprit rapidement que l'intervention de Verith lors de sa chute avait joué rôle primordial, lui évitant par la même occasion une mort un peu trop prématurée pour celui qui avait encore beaucoup de projets sur cette terre qu'était Armanda. L'idée d'être redevable de quoi que ce soit à quiconque l’irritait plus qu'autre chose encore plus à l'égard de Verith, à l'inverse, le réconfort qu'il allait éprouver d'ici peu résidait dans le simple fait de savoir qu'il allait pouvoir poursuivre son trajet sur le dos de sa propre monture, à savoir son destrier noir, fière monture de combat qui avait une résistance et une condition physique plus qu'appréciable aux yeux de son propriétaire qui malgré le fait qu'il ne la côtoie que très peu se montrait tout à fait correct avec elle lorsqu'il en avait l'occasion, mais ses aventures ne lui permettaient pas d'être accompagné constamment, sans oublier un détail non-négligeable et plus qu'appréciable, il y avait une selle ! Contrairement au dos du Reptile qui avait tout au long du trajet lacérer les membres de l'humain ainsi que ses habits... Et alors qu'il cherchait brièvement du regard sa monture, il laissa se dessiner un infime sourire sur son visage lorsqu'il distingua les quelques paroles prononcés par Verith avant de rétorquer sans prendre le temps de souffler :

« effet, je vais tacher de t'éviter ce type d'imprévus d'autant que je n'y suis pas accoutumer. Mais à charge de revanche, je te dois cette fois la vie et je ne manquerais pas de te rendre la pareille une seconde fois. Alors, Merci... »

Même s'il faisait preuve d'une arrogance et d'une fierté démesurée, il était inconcevable pour l'homme de ne pas remercier celui qui venait de lui sauver la vie, après tout si ce dernier avait pu ravaler sa fierté et la mettre de côté l'espace d'un simple merci, pourquoi lui n'aurait-il pas put en faire autant ? Quoi qu'il en soit, il ne s'attarda pas sur ce détail fort désagréable et préféra par la même occasion émettre une certaine réserve quant à la destination à entreprendre pour rejoindre Elena et cela peu importe l'agacement qu'aurait pu afficher ouvertement le Reptile.
Bien sûr, il n'était pas dupe et avait toujours un moyen comme un autre de garder un petit avantage sur ses compagnons, il avait besoin de ça pour se sentir bien, certains pourraient trouver sa ridicule, lui n'avait aucune opinion dessus puisqu'il avait toujours vécus de la sorte.

Profitant de ce temps libre pour rechercher sa monture, Klaus observait par la même occasion ses blessures encore légèrement ouverte, mais d'où le sang ne coulait plus pour le moment, il lui restait tout de même suffisamment de force pour user de quelques sorts de soins lui permettant de s'occuper de ses plaies à l’insu de Verith.
A vrai dire, les recherches étaient peu fructueuses pour l'homme qui ne semblait pas trouver son cheval qui n'était pas dans l'étable, peut-être que la présence inhabituelle du Dragon avait apeuré le Destrier. Klaus se voyait déjà obliger de poursuivre sa route sur le dos de Verith, cette simple idée ne le ravissait pas vraiment. Toutefois, après quelques minutes, il eut l'heureuse surprise de sentir une légère poussée dans son dos l'obligeant à se retourner pour enfin apercevoir le cheval en armure affichant un état de nervosité conséquent en présence de l'immense reptile un peu plus loin. Essayant au mieux de le rassurer par ses propres moyens, il ne manqua pas de jeter un regard noir au Dragon en voyant son air changer brusquement en apercevant l'animal, Klaus connaissait cette sensation, l'instinct de chasseur avait reprit le dessus...

« N'y pense même pas... » Pesta l'homme en fouillant la besace accrochée à la monture pour y tirer une nouvelle tenue. « Fait ce que bon te semble. » Ajouta-t-il en réponse à l'ordre reçu de Verith.

Comme il devrait très certainement s'en douter, Klaus n'avait que faire de ses faits et gestes, du moment qu'il pouvait espérer un peu de paix durant quelques minutes, il ne s'en plaindrait pas. Mais il était loin de se douter que ce qu'allait faire le Dragon causerait un départ précipité. Soudain, alors qu'il venait tout juste d'enfiler sa tenue encore plus sombre que la précédente, un fracas terrible se fit entendre extirpant Klaus de ce repos bien mérité qu'il aurait volontiers prolongé après un tel voyage. Il monta à l'aide d'un petit saut sur son Destrier prenant les rênes qu'il tira violemment pour faire pivoter le cheval le Cavalier n'eut pas d'autre choix que de constater l'étendue des dégâts causés par le Reptile qui éprouvait vraisemblablement une petite fringale. Verith venait d'envoyer valser la porte de l'écurie dans laquelle se trouvait quelques chevaux dont le sort était visiblement scellé. Aussitôt la monture de Klaus qui était toujours sous l'effet de la peur fut prit de panique en voyant le prédateur avec l'un des siens dans la gueule, il se cabra brusquement laissant tout juste le temps au Chasseur de s'agripper.

« Oh là... Calme... »

Verith quant à lui était déjà dans les airs avec sa proie dans la gueule tandis que déjà les premières lumières apparurent dans l'auberge, le Grand Maître s'apprêtait déjà à fuir de nouveau avant de s'attirer des ennuis dont il se passerait bien en ce moment. Puis alors quatre hommes firent leur apparition armés de lames prêt à en découdre. Sans perdre ne serait-ce qu'une minute, Klaus envoya une boule d'énergie au sommet de la bâtisse pour faire s'effondrer une partie de cette dernière et envisager une retraite anticipée sans la moindre contrainte, une fois fait, il ne prit pas la peine d'admirer son travail et s'élança à vive allure sur sa monture en direction du nord suivit de près par le Dragon toujours dans les airs qui n'aurait d'ailleurs pas d'autres choix que de s'adapter à la vitesse du Destrier qui poussé par la peur avait adopté une vitesse élevé pour un Cheval, à croire que ce sentiment de peur lui avait fait pousser des ailes. Klaus lui de son coté tenait fermement les rênes son bâton dans le dos il n'avait pas prit la peine de récupérer son masque, après tout il en retrouverait un d'ici peu et ce n'était pas le plus important.

« Je ne sais pas d'ici combien de temps nous atteindrons Elena, une chose est sûre, on risque de mettre beaucoup plus de temps que prévus, si Monsieur Verith éprouve une nouvelle fringale en cours de route. » Souffla Klaus en sachant pertinemment qu'il ne l'entendrait pas de si haut.

Certainement leur faudrait-il toute la nuit voir même un peu plus pour atteindre Elena, mais au moins ils y arriveraient normalement sans trop de problème...

La route s’étendait désormais devant eux, indéfectible, ineffaçable, et leur chemin, aussi bien psychique que physique, semblait déjà tout tracé. Skade, clé de cette quête insolite entre un magicien tel que Klaus et un dragon tel que Verith, paraissait à portée de main, presque au bout des doigts de l’horizon se présentant à eux. Seul le galop saccadé du cheval de l’homme, à la robe d’un noir magnifique et à l’allure robuste, et les battements réguliers des ailes du reptile géant venait troubler le silence de la nuit, comme un concert tamisé de bruissements et de souffles. L’étendue infinie des plaines s’offrant aux deux protagonistes semblait déserte, presque vierge de toute vie. Seuls quelques arbres épars, quelques rochers ou tout au plus bosquets, se dressaient çà et là, dans un indécelable quadrillage, un immense quinconce. Ce cheminement taciturne possédait une once de surréalisme, comme si jamais il ne cesserait, en une sempiternelle répétition de mouvements identiques. Après tout, un tel paysage n’évoquait que cet exil mécanique, et rien d’autre. Rien ne se mouvait, rien n’évoluait, rien n’évoquait une quelconque illusion de métamorphose. Cette image du monde véritablement statufiée possédait quelque chose d’effrayant, ou du moins de repoussant. Pourtant, l’humeur n’était pas à ce genre de constatations.

Une fois s’être assuré que les membres de l’auberge ne s’étaient pas lancés à leur poursuite, et ce grâce à la très bienvenue boule d’énergie envoyée par Klaus sur le toit de la bâtisse, Verith avait quelque peu ralentit l’allure, soutenant celle plus lente du cheval, avant de finalement faire définitivement halte. Informant télépathiquement le magicien de continuer sans lui quelques instants, il se posa au cœur des plaines, mémorisant la direction du nord où disparaissait déjà Klaus, persuadé qu’il le rattraperait vélocement une fois son repas englouti. Lorsque ses pattes rencontrèrent la terre meuble, il déposa son bien, soit le cheval dérobé à l’auberge une petite heure plus tôt, et entama une dégustation rapide mais relativement propre. Contrairement à ce que les Armandéens étaient amenés à croire, eux qui comparaient parfois irrespectueusement les dragons à des animaux, ces reptiles géants n’en étaient pas moins très soigné lorsqu’il était question de leur personne, et manger comme un carnivore affamé avec abondance d’appendices refoulés et de glorieuses giclées de sang, bien que l’envie les ai déjà tenté plus d’une fois, n’étaient pas dans leur habitude. De plus, lustrer ses écailles lorsque celles-ci étaient parsemées de liquide vital séché était des plus désagréables. Une fois son repas terminé et son estomac entièrement rassasié, Verith s’éleva de nouveau dans les airs, si haut qu’il ne lui fallut que peu de temps de vol avant d’apercevoir au loin la silhouette indescriptible de Klaus, presque invisible dans la profondeur de la nuit ambiante.

°Je sens des effluves marines, la mer ne doit plus être loin, et ta cité non plus.° affirma Verith, conscient que l’odorat sous-développé de Klaus et, plus généralement, de la race humaine, ne lui permettrait pas de ressentir de telles odeurs.

En effet, ayant rattrapé le cavalier depuis quelques heures déjà, le dragon n’avait cessé d’aviser les modifications dans le paysage, et tous ces indices susceptibles de laisser apparaître à tout instant l’océan qui l’avait conduit jusqu’à Armanda. Tout d’abord les rares arbres transformés en conifères épineux, puis la chaleur qui s’était lentement élevée, etc. Les deux protagonistes n’avaient alors cessé leur progression cadencée et la fameuse cité d’Elena ne tarderait certainement plus à apparaître à l’horizon. Du moins, Verith caressait cet espoir avec détermination. Rares étaient les paroles que le dragon avait échangé avec Klaus durant ce long périple, et alors que l’horizon s’irisait d’une chaude teinte orangée, il concédait de ne pas avoir eu besoin de ces mots pour afficher son empressement de retrouver Skade et Estelen. Et puis ce mutisme restait quoi qu’il en soit plus appréciable que des remarques cinglantes et autres pics arrogants que les deux protagonistes auraient pu être amenés à se lancer avec vergogne, tout au long de leur trajet. Puis soudainement, comme un trophée à leur effort, une immense silhouette, immobile et sombre, se dessina à l’horizon, une masse gigantesque –ou tout simplement draconienne : Skade.

°Ce ne peut être qu’elle.° lâcha Verith, tentant dans ce ton placide de ne pas faire ressortir la joie démesurée qui l’habitait en secret maintenant que sa mère était retrouvée, ou presque.

Instinctivement et presque inconsciemment, il accéléra, dépassant alors sans peine le cheval de Klaus, et la silhouette de Skade sembla se rapprocher peu à peu, malgré la distance encore élevée. Mais alors que le dragon progressait de plus en plus vite, de plus en plus rassuré vers sa génitrice, une question muette s’immisça timidement dans son esprit : et si sa mère n’avait finalement pas survécu ? Il secoua la tête, comme pour chasser ces mauvaises pensées, avant de reporter son attention sur son vol effréné. Mais toujours les doutes revinrent, tels des boomerangs incessants et inépuisables, et finirent même par se multiplier. Maintenant que Skade était retrouvée, en supposant qu’elle était bel et bien vivante, qu’allait faire Klaus ? Verith tourna légèrement la tête vers le magicien, impassible sur son destrier, et le soupesa d’un œil peu assuré. Quelque chose en lui hurlait que cet homme ne lui était pas venu en aide pour du vent, ou alors n’était-ce que l’écho de doutes fuyards. Il lui était de nouveau redevable pour son aide. Quoiqu’il en soit, en observant davantage Klaus, il sut inconsciemment, comme sous la pulsion d’une idée innée, que cet homme n’avait pas fini de partager son ombre. Cette constatation l’irrita, le laissant planer tout au long de ce sprint final dans un remugle d’incompréhension et d’appréhension, entre reconnaissance et colère.




-Fin.