Il s’agissait d’une insolite fusion entre rage et incompréhension, l’apogée de la colère. Mais cette ire ne semblait non pas dirigée vers le continent d’Armanda en sa globalité, vers les éléments, vers tout esprit susceptible de causer du tort à Verith, mais bel et bien vers sa carcasse endolorie et esquintée, reposant sur la roche froide et dure. Placide, la pierre soutenait son corps écailleux, tandis que le vent s’acharnait sur cette masse immobile et imposante. Le dragon grognait, et ce grondement sourd aurait fait vibrer les montagnes alentours dans une situation moins critique. Cette strate du monde l’accueillait avec toute l’inimitié dont était capable de Dracos Honoris lui-même. Ignorant les débris de roche épars qui recouvraient son corps reptilien, Verith se redressa, et seuls ses yeux témoignèrent de sa colère ardente, ses membres trop faibles et son esprit trop brumeux pour lui permettre le moindre geste rageur. Un pas suffit pour le faire renoncer à progresser davantage, lorsqu’un douloureux élancement l’asservit au niveau de son épaule gauche. Apologie de la souffrance, la puissance avec laquelle Verith avait percuté les pics rocheux se lisait dans quelques os brisés et une profonde entaille. Le long souffle qui quitta ses naseaux semblait plus las que désespéré, mais la véritable déception de la situation n’annonçait rien de chérissable.

L’absence, cette absence profonde et douloureuse qui étend son voile de silence lorsque la situation s’éclaircit, que l’esprit canalise les maux et que la réflexion s’intensifie. Cette même absence s’éprit enfin de son être, le présentant à la fâcheuse réalité, théâtre éphémère dont il était le premier antagoniste : il était seul. Seul sur une terre inconnue et, visiblement, hostile. Perdu quelque part entre terre et ciel, dans un ailleurs à la fois proche et lointain de son quotidien, comme au cœur d’un mauvais contraste. Son orgueil blessé aussi profondément que son épaule, dans un zeugme plus que véridique, Verith tentait tant bien que mal de s’attarder sur le peu de concrétisme du lieu et de cette strate difficile dans l’existence et l’épopée d’un dragon –son égo ne lui permettait pas de parler de « vie » propre, mais plutôt de véritable légende dans le cas échéant des dragons. Son penchant pour la solitude ne pouvait pourtant lui venir en aide ce jour-là, car plus que tout, le sentiment d’être immobilisé dans une douloureuse torpeur, dans une souffrance qui le laissait statufié, s’éprenait de son organisme et de son esprit.

Skade. Qu’était-il advenu de sa mère lors de la tempête ? S’en était-elle seulement sortie indemne ? Et Estelen ? Tant de questions qui ne parvenaient qu’à drainer un peu plus son énergie et attiser sa colère. Et ce paysage impassible autour de lui qui semblait le narguer de son piédestal avantageux. Si Verith en avait été capable, il aurait craché sur toute cette escroquerie de la nature, qui faisait de ce lieu un endroit non plus sage mais insolent. Cette atmosphère hivernale constituait la première bride de voyage du dragon, mais sa condition ne parvenait pas à le laisser se réjouir d’avoir atteint –vivant, du moins- le continent si prisé d’Armanda. Ce monde, du moins le peu que pouvait observer le dragon, ne paraissait que peu différent du nouveau continent, à l’écart du fait qu’ici, son égo ne pouvait encore s’imposer, ce à quoi il comptait remédier de manière relativement véloce. Rien n’était à craindre, ni ce vent violent entre ces pics acérés, ni cette blessure, ni même l’inconnu en lui-même. Seul la survie de Skade et Estelen semblait source de réels maux.

Verith se sentait porteur d’un bien infime savoir, mais ses piètres connaissances lui permettaient tout de même de poser un nom sur ce lieu désert, à la végétation rare au surplus de conifères. Les pics rocheux, crocs dont ne sait quel dragon ou dragonnet, lieu régi par le vent et toujours cette insatiable solitude, sur laquelle comptait bien s’asseoir la colère du dragon. Mais la portée de son savoir n’atteignait pas les désagréments naturels, et surtout élémentaires, sur les côtes Armandienne. Ce genre de tempêtes, aussi destructrices, aussi insaisissables, étaient-elles évènement courant ? Étrangement, Verith doutait de cette trop facile approbation. C’était comme prétendre qu’une pinte était de l’alcool. Non, pas seulement, et de ce détail incohérent naissait le doute. La concordance de leur arrivée avec la tempête, et alors la coïncidence de cette fusion, semblait tout sauf probable, et ce brusque déchaînement d’éléments ne possédait pas une once plausible. Malgré la fautive évidence, Verith n’avait pas l’esprit à tergiverser sur ce genre de questions en cet instant.

Au fur et à mesure que les minutes commencèrent à s’écouler, puis certainement les heures, la colère se tapissait, de plus en plus docile, dans un recoin de l’esprit du dragon, le laissant en paix avec son implicite séquestration dans un corps blessé. Il sentit le sommeil l’étreindre, sans jamais pourtant s’adonner à sa tentation douceâtre. Cet acte semblait l’allégorie même de l’imprudence, non plus de la témérité ; les ennemis se trouvent souvent là où nous les attendons le moins, en l’occurrence, dans des lieux comme celui-ci. À maintes reprises, repoussant sa fatigue grandissante, malgré sa précédente inconscience, Verith tenta les démons alentours dans de vains efforts pour se redresser et réussir quelques pas sur la roche de la montagne. Les échecs qu’il essuya ne parvinrent pas à ranimer sa colère, mais sa profonde lassitude, et peut-être même cet avant-goût de désespoir, vis-à-vis de son arrivée sur Armanda.

°Terres de légendes au titre trop évasif à mon goût…° grommela intérieurement Verith.

Soudainement, une magie lui parvenu comme un bien fondamental, dont la source incertaine et vacillante laissait monter en lui un soudain espoir. La puissance d’un nouveau pouvoir parcourait les ondes alentours, le vent, la roche, les sons promulgués par la montagne, sans jamais cesser son intensification. Un être -ce ne pouvait être que cela- s’approchait peu à peu du lieu où reposait la carcasse blessée de Verith, portant dans ses veines l’essence même de la magie. Il progressait certainement sur on ne sait quel sentier invisible serpentant ces montagnes inhabitables, et sa venue ne pouvait désormais qu’être évidente. Le dragon sentit sa fierté lui remonter étroitement en travers de la gorge, comme si elle tentait de quitter son corps par la force. Après tout, elle n’avait plus lieu de demeurer dans ce corps blessé et fatigué. Pourtant, Verith s’obstinait à la conserver au plus profond de son être, car jamais il ne s’abaisserait, même mal en point, devant un humain ou une autre créature douée d’intelligence peuplant le continent d’Armanda. Un bouleversement qui lui semblait à double tranchant, sans duel manichéen entre deux entités, mais un combat acharné entre raison et dérision. Car effectivement, lorsque le fameux être apparut enfin à Verith, quelque peu en contrebas par rapport à sa position, tout ce que lui évoqua cette petite créature fut un étonnement risible. Ce serait peu dire qu’affirmer qu’il s’attendait à plus impressionnant de la part des peuples implicitement meurtriers des dragons sur Armanda.

Un petit campement de fortune avait été installé par les soins de Klaus et comme à son habitude il était seul, loin de tout et tout le monde afin de s'assurer une tranquillité certaine... Depuis peu, il avait opté pour un peu de solitude sans vraiment de raisons simplement par envie et pour cela quoi de mieux qu'une petite installation autour des montagnes ? Endroit dangereux fréquenté par divers créatures aussi sauvages les unes que les autres. Il y avait parfois du bon à ne pas s'encombrer de la présence d'autrui, comme il y en avait aussi du mauvais, mais il n'aimait pas s'attarder sur de tels détails étant donné que pour lui l'isolation était la meilleure chose qu'il connaisse jusqu'à présent. Comment ne pas aimer la seule chose que l'on a jamais connu. A vrai dire, tout cela était peut-être dû à son petit caractère et pourquoi pas sa façon d'agir, il ne faisait pas grand-chose pour être apprécié d'ailleurs, le mot destruction s'associait souvent à lui, tout cela à cause de quelques accidents dont il se serait bien passé.

Pour en revenir à ce bivouac qu'il avait posé aux pieds des Pics Rocheux, lieu où il se savait introuvable et surtout où la paix serait au rendez-vous, mise à part quelques bêtes sauvages, le peu de végétations présentes et les divers sapins, pins et autres conifères offraient un sentiment de bien être au Chasseur qui bien entendu n'avait pas pris la peine de partir avec ne serait-ce qu'un peu de nourriture, il ne lui resterait donc plus qu'à se mettre au travail afin de se remplir la panse. Toutefois, le nouvel accoutrement dont il disposait n'était pas le plus optimal pour passer inaperçu dans un endroit aussi vaste que celui-ci, l'espace d'un instant il regretta son ancienne tenue qui s'adaptait tout particulièrement à tous types d'environnements. Mais les temps changent et Klaus aussi, voilà pourquoi il n'avait pas d'autre choix que de vivre avec son temps et accepter le changement. Sa tenue sombre à capuche qui recouvrait son visage était désormais surplombée d'un masque qu'il avait retrouvé en fouillant les quelques bricoles de son père, il n'était pas de la plus jolie manufacture, mais faisait amplement l'affaire pour que l'homme se fasse oublier de certains.

« Bien évidemment... Il va falloir chasser. » Laissa-t-il échapper avant de poursuivre sur quelque chose de bien plus intéressant : « Mais avant, une petite sieste. »

** Avant l'effort, le réconfort non ? A moins que cela ne soit après l'effort le réconfort ? Peu importe après tout, personne ne m'en voudra de prendre un peu de temps pour moi, pas même mon estomac. **

Quel joie pour Klaus, un peu de repos. Depuis combien de temps n'avait-il pas prit a peine de se reposer convenablement ? C'était une bonne question, avec tous ces événements, la sieste ne faisait pas vraiment partie de ses prérogatives bien malheureusement pour lui. Mais aujourd'hui tout avait été mis en œuvre pour qu'il puisse dormir sans être dérangé, pas même le déclenchement de ses pièges magiques ne le ferait titiller, tout avait été soigneusement mis en œuvre par ses soins, la stratégie était donc sans faille ! Ou presque. Alors que ses paupières commençaient lentement à se fermer le premier cri d'un animal effrayé par le déclenchement d'un piège de feu vint tout de même le faire tiquer, retirant lentement son masque il jeta un coup d'oeil en direction du cri, à cet instant précis, si ses yeux avaient pu tirer des boules d'énergies la créature se trouvant non loin de là serait déjà carbonisée.

« Hum... » Il soupira avant de fermer de nouveau les yeux en espérant avoir cette fois-ci la paix tant bien méritée.

Miracle, il s'était enfin assoupit. Se laisser aller un moment, que demander de mieux ? Finalement cet endroit n'était pas si mal que ça, il n'avait pas grand-chose à envier au Royaume Elfique, peut-être la beauté des lieux, mais ce n'était là qu'un léger détail. Et tandis que Klaus se laissait porter par le sommeil, le ciel commença à s'assombrir brusquement, les premiers coups de semonces ne vinrent pas tout de suite alerter le Grand Maître et pourtant le flux de magie qui commençait petit à petit à se concentrer aurait dû être un signe plus que visible pour lui, mais la fatigue avait prit le dessus et rien ne semblait à première vue pouvoir le déranger. Néanmoins, lorsque l'air fut fendu dans un grondement plus qu'assourdissant, Klaus n'eut pas d'autre choix que de se lever de surprise scrutant les alentours dans une position défensive plus qu'approximative. Autour de lui rien, les pièges étaient toujours en place, alors il leva la tête pour voir fuser aussi rapide que l'éclair une énorme masse sombre qui alla tout droit percuter l'une des montagnes environnantes.

« Et bien... les oiseaux vols bas à cette époque de l'année. »

Après quoi, cet orage magique se dissipa sous le regard intrigué de Klaus. Qu'est-ce que c'était encore que ça ? Un orage et cette masse volumineuse qui avait traversé le ciel ? A vrai dire, le choc fut assez important pour démontrer qu'il ne s'agissait pas d'un simple oiseau, à moins que ce dernier ait entamé une cure d'hormone de croissance express à la mode Armandéenne. Il grogna de rage, sa curiosité voulait le pousser à réaliser un petit détour par les montagnes, tandis que son corps lui ne désirait qu'une chose... le repos. Il était pourtant facile de savoir qui gagnerait sur la curiosité et la fatigue...
Enfilant lentement son masque, il se redressa en soupirant redressant la tête en direction de la montagne avant de faire un léger pas de côté et éviter une petite roche qui était venue se détacher du Pic.

** Hum, et maintenant la montagne s'en mêle... **

Évidemment qu'il allait grimper, la vraie question était « En combien de temps ? » car il n'avait pas dans l'intention de se presser. Ne sachant pas ce qui l'attendait là-haut, prendre son temps et y aller le plus lentement possible restait la meilleure chose à faire, en prime, il avait pris soin de dissimuler une partie de son potentiel magique pour éviter toutes les mauvaises surprises possibles, question de principe... Ne jamais vraiment dévoiler toutes ses cartes dès le début, sinon l'effet de surprise lui n'aurait plus aucun intérêt.

Il devait y avoir au moins une ou deux heures d'écoulées entre le début de son ascension et l'arrivée à un peu plus de la moitié du Pic rocheux, et bien quoi ? Ce n'était qu'un humain, lui n'avait pas d'elle et encore moins l'intention de voler tel un justicier masqué au secours de l'hypothétique victime se trouvant là-haut. D'autant plus que ce qu'il aperçut à mi-chemin lui fit freiner brusquement sa progression sur le flanc de la montagne. Cette ombre au loin, elle était imposante... beaucoup trop pour qu'il s'agisse d'un être humain, à moins que la vue en contre-bas ne lui fasse défaut ? Non ce n'était pas ça. Afin de profiter pleinement de cette vision, sa main vint décrocher son masque laissant libre cours à l'esprit-totem de l'aigle lui permettant de développer partiellement sa vue, en tout cas suffisamment pour apercevoir ce qui semblait être la carcasse de l'un de ses êtres qu'il évitait par tous les moyens d'approcher, un Dragon. Voilà donc la cause de ce vacarme qui avait perturbé son sommeil, maintenant, il n'y avait plus beaucoup d'options... la première : faire comme-ci de rien était et faire demi-tour ce qui était déjà moins risqué, la seconde : tenter de l'approcher suffisamment pour savoir de quoi il en retourne. Et bien, Klaus opta pour la troisième solution, faire comme s'il n'avait pas été vu et s'approcher le plus près possible de cette chose. Fixant de nouveau son masque, il afficha un sourire amusé sans prendre la peine d'ajouter quoi que ce soit et reprit sa progression.

« Oups... »

Trop tard, après quelques pas il avait déjà été repéré par cette énorme chose qui ne semblait pas dans la meilleure des postures. Aussitôt, l'homme s'arrêta et redressa la tête dans sa direction, maintenant la situation était toute tranchée. Au moindre mouvement un peu trop brusque et mal interprété par le Dragon, Klaus finirait rôti ou dévoré, voir même les deux tant qu'à faire. Sa jambe commençait à le démanger tandis qu'il essayait de cogiter aux possibles chances de fuite si les choses tournaient mal, un appuis un peu trop brusque et la roche céda sous son pied manquant de faire chuter l'homme de plusieurs centaines de mètres, il se rattrapa de justesse en plantant la Rancune du Dragon dans la roche et ainsi se rattraper in-extremis. Il était parfois amusant de voir ce que le stress pouvait engendrer chez l'être humain, mais quoi qu'il en soit, l'heure n'était pas à la remise en question. Voyant que la bête ne bougeait pas des masses face à cette réaction qualifiable de pitoyable, il se redressa pour apercevoir un peu plus haut un bout de corniche à bonne distance et cligna simplement des yeux pour réaliser un bond en une fraction de secondes le faisant disparaître pour se retrouver non loin de cette chose encore plus grosse qu'il ne le pensait.

** Bien... Bien... Et maintenant ? Faut-il que je l'aborde ? Si oui, faut-il que je lève la main et ponctue mes salutations d'un sublime « salut »... **

Ce n'est pas tous les jours que Klaus tombe sur un Dragon lui-même tombé du ciel comme par magie, alors difficile de savoir comment entamer le dialogue. Ses yeux se posèrent alors sur le corps de la bête, celui-ci semblait... Souffrant ? Il n'y avait pas besoin d'être un puissant Guérisseur pour s'en rendre compte. Mais ce n'était pas tout, son corps écailleux était marqué à plusieurs endroits par diverses « cicatrices » plus ou moins impressionnante pour la plupart. Allons bon ! Un Dragon bagarreur ? Bon, les réflexions sont toujours utiles, mais ne feront certainement pas avancer les choses. Et par un moyen détourner, mais bien plus que flagrant l'homme prit la parole en se raclant quelque peu la gorge afin de porter la voix un maximum jusqu'au oreille de cet immense lézard volant.

« Si, si je m'atten-ttendais à ça... Je, je vous savais ca-capable d'influer sur la magie-gie de ce monde, mais au po-point de créer un ora-rage magique... »

A quoi bon se soucier de l'état du Dragon ? Parce qu'ils contribuaient lui et les siens à l'équilibre de la magie sur cette terre ? Et alors ? Cette fierté qui emplissait l'âme toute entière de l'humain, le poussait à ne pas lui prêter main forte de lui-même, si l'échange ne se faisait pas du côté de cette créature il n'aurait aucune assurance de finir en vie une fois ces quelques blessures estompé. Pourtant, il semblerait que le Dracos est volontairement mis Klaus sur la route de cette bête légendaire... Que pouvait-il bien avoir à partager pour que sa route ait croisé la sienne ? Une question à laquelle il s'efforcerait de répondre le moment venu.

« JE M APPELLE ! KLAUS ! MOI ! KLAUS ! » S'écria-t-il en oubliant volontairement ou non que les Dragons pouvaient comprendre le langage humain, mais à quoi bon ne pas faire l'idiot face à cette situation peu probable : « Je ne sais même pas s'il parle celui-là » Ajouta Klaus en oubliant qu'il parlait encore à haute voix .

Pour le principe, il s'inclina, maladroitement, laissant tomber au sol son masque, sa dague ainsi que son bâton qu'il s'empressa de ramasser l'air embarrasser tout en marmonnant dans sa barbe :

« Il a fallu que je tombe sur la seule créature à se planter droit dans une montagne... Tu parles d'une créature légendaire... » Cette fois, il parla d'une voix beaucoup plus basse tout juste perceptible . Maître dans l'art du double jeu, il avait déjà joué ce parfait imbécile lors d'une rencontre avec cette Mélusine, il trouvait ça amusant et si cela lui permettait de tirer son épingle du jeu et ainsi rester en vie face à ce monstre.

« Je... Je... Je ne vais pas vous embêtez plus, plus, plus longtemps. » Dit-il en se redressant avec tout son matériel dans les bras et inclinant la tête pour le saluer.

Verith dévisagea d’un air hautain le nouveau venu, source propre de magie. Cet humain, aux premiers abords, semblait tout sauf à l’aise à la vue du dragon si imposant, seulement quelques mètres au-dessus de lui. L’inconnu, de taille relativement moyenne, au visage dissimulé sous un étrange masque, comme lors d’une comédie –ou pitrerie-, gardait une capuche noire rabattue sur sa tête. Physiquement mystérieux, la carrure de ce personnage paraissait cela dit peu effrayante. Lorsqu’il eut avisé Verith, il sembla se figer, et le dragon eut tout le loisir de voir défiler dans ses yeux maintes interrogations. Le reptile géant prit soin de détailler consciencieusement cet être lui étant insolite. Ses habits, ses gestes imprécis, tout son corps suivait la description que Skade avait pris soin d’établir sur les peuples d’Armanda. Peut-être légèrement plus petit, légèrement plus frêle en comparaison du stéréotype que c’était forgé Verith de ces créatures insignifiantes, ou presque. Le dragon laissait courir ses yeux d’or sur cette espèce inférieure qui l’intriguait et, étrangement, semblait l’attirer sous la pression d’une force innée qu’il ne parvenait à saisir.

Après avoir lamentablement manqué de chuter sur des centaines de mètres, accueillit à l’arrivée par des roches formant une longue sinusoïde, l’inconnu apparut aux côtés du dragon, dans ces élans de témérités qui sont parfois mortels. Ses mots, hésitants, semblaient peiner à quitter le seuil de ses lèvres, et Verith, lassé de cette humaine bêtise, ne prit pas la peine de reprendre l’homme, lorsque ce dernier sembla persuadé que l’orage était né de la magie du dragon. Tout dans ses gestes, ses paroles, respirait le pathétisme. La déception du dragon s’accrut de manière conséquente, et il détourna rapidement le regard, concentré sur sa situation davantage que sur cet être inconscient et maladroit qui tentait on ne sait quelle approche devant lui. Ou plutôt, à ses pieds, car sa carrure, de près, paraissait d’autant plus frêle, et sa taille ne dépassait pas l’épaule de Verith. Ce dernier se demanda intérieurement si la présence d’un dragon incitait les humains à s’abaisser à cette pitrerie, et surtout, si son titre légendaire parviendrait à convaincre cet homme de l’aider, sans même qu’il n’est besoin d’user de quelconque échange ou promesse –pour qui l’aurait-il alors pris ? Klaus, tel était son nom.

S’inclinant avec maladresse, l’inconnu laissa échapper le peu d’objets constituant son équipement, soit son étrange bâton, sa dague et son masque de comédien. Il s’empressa de les ramasser, puis une fois redressé, il fut accueilli par le souffle volontairement puissant du dragon, ôtant ainsi sa sombre capuche. Le véritable visage de ce fameux Klaus apparut enfin en sa globalité au belliqueux reptile. Des cheveux et des yeux bruns furent enfin dévoilés, et Verith sembla légèrement déçu. Une telle capuche ne se devait pas de recouvrir une imposante cicatrice, un œil de verre, ou autres vestiges de combats passés ? Ce visage humain n’abritait rien de tout cela. Alors pourquoi tant de recul vis-à-vis de l’apparence ? D’autant plus que cet homme semblait loin d’être laid au point de se voiler la face. Jusqu’ici, Verith avait gardé le silence, prostré dans un mutisme qui se valait attentif. Lorsqu’enfin la pitoyable prestance de l’humain toucha à sa fin, le dragon lui adressa ses premiers mots télépathiques, d’une voix grave et monocorde.

°Ne bouge pas, petit humain dénommé Klaus.°

Il avait inconsciemment appuyé ce nom –ainsi que « petit »-, lui évoquant vaguement quelque chose. Ne s’attardant pas davantage sur une potentielle nouvelle coïncidence, Verith se redressa quelque peu, certainement dans le but de paraître moins mal en point aux yeux de l’inconnu, ou simplement plus fier. Sa queue vint se glisser derrière ce dernier, pour lui faire prendre conscience qu’à la différence que ce qu’il semblait croire, Verith n’en avait pas encore fini avec lui. Cette mascarade ne prendrait fin que sous ses ordres, et ce trouble-paix, bien que tombé à pic, pourrait certainement se rendre utile sous peu. Si tel était son désir, évidemment, en d’autres cas, le dragon serait plutôt à même à se servir de lui d’une quelconque autre manière, plus radicale, disons. Il planta son regard d’or dans les yeux désormais dévoilés de l’humain et poursuivit d’un ton placide, quelque peu tranchant, comme si aucun autre mot ne pouvait être posé sur sa pensée.

°J’ignore ce que tu fais ici, ni même ce que tu veux, mais un détail m’interpelle : est-ce bien de toi que provient cette essence de magie, et si oui, simplement, qui es-tu ?°

Que ce pouvoir découlait bien de cet être, Verith en était certain. Mais cela, ce Klaus n’était pas sensé le comprendre, et cette première question n’était alors qu’une piètre expérience pour s’assurer de la véracité de ses réponses. Ou simplement une assurance pour la suite du dialogue. Sa seconde interrogation, elle, restait bien moins légère, et le dragon avait abandonné dans ces mots une telle autorité que l’ignorer serait un suicide. En réalité, ce qu’il désirait savoir se résumait à ses aptitudes magiques, peu évidentes avec un simple flux ; en d’autres termes, s’il était capable de l’aider ou non. Finalement, la constatation ne cessant de le tourmenter depuis quelques minutes fusa, et il affirma à ledit Klaus par télépathie :

°En arrivant sur Armanda, je ne m’attendais pas à tomber nez-à-nez avec des créatures au demeurant si frêles. J’avoue être quelque peu déçu.°

Tout juste avait-il eu le temps de ramasser son équipement qu'il avait plus ou moins involontairement laissés tomber que le Dragon semblait montrer quelques signes d'agacement quant au comportement qu'avait adopté Klaus, très certainement un mélange de contrariété et de déception de la part de cet être se considérant sans nulle doute comme un être lui étant bien plus supérieur en tout point. Et pour causer, dans une grande inspiration n'annonçant rien de bon, le souffle puissant de la créature vint frapper de plein fouet l'humain lui faisant face un peu plus bas. Cette fois-ci il n'eut pas d'autre choix que de mettre un terme l'espace d'un instant à toute cette comédie qu'il avait mis en place un peu plus tôt, pour démontrer qu'il était capable de ne pas broncher pour si peu, du moins, presque pas. Son pied d'appuis se fit un peu plus lourd, tandis que l'autre restait souple, la bourrasque issue du souffle fit glisser de quelques centimètres le pied du Magicien qui ne s'attendait pas du tout à une telle réaction. Il y avait tout de même un côté positif dans tout ça, il n'était pas mort, pas encore. Mais rapidement, il se ravisa et lâcha un peu de leste pour que son appuis se face moins important et recula de quelques pas. Sa capuche elle n'eut pas d'autre choix que de se plier à cette déferlante qui venait de dévoiler la totalité de la faciès de Klaus qui esquissa un infime sourire.

Ses yeux se posèrent alors de nouveau sur la gueule du Dragon, celui-ci semblait... Déçu ? Et bien quoi ? S'attendait-il à ce que Klaus ait un quelconque problème physique apparent ? Cette créature était-elle si sûre d'elle au point de ne pas se douter qu'il pouvait y avoir d'autres raisons à vouloir dissimuler ce que tout le monde à pour habitude de voir ? Peut-être, mais alors qu'il aurait aimé envoyé comme à son habitude un petit pique à son interlocuteur qui jusqu'à présent était resté aussi muet qu'une tombe, il n'en fit rien. Se dévoiler tout de suite ne servirait à rien, il en aurait l'occasion le moment venu, c'est-à-dire lorsque le Reptile lui offrirait cette opportunité sans risquer de mettre sa vie en péril. Quand enfin les premiers mots retentir, la voix se fit grave et quelque peu ennuyée, mais elle ne vint pas se perdre dans les murmures du vent qui dans ses montagnes régnait en maître, mais directement dans l'esprit de l'homme qui apparut quelque peu surpris non pas d'avoir affaire à ce qui pourrait être une voix terrifiante et impressionnante, mais de percevoir cet échange télépathique. A sa connaissance, cela ne lui était encore jamais arrivé, voilà pourquoi tout ceci paraissait autant intriguant. Ces premiers mots n'eurent rien d'étonnant et vinrent simplement confirmé ce que pensait le Grand Maître, la prétention de ces êtres légendaires était telle qu'ils se sentaient pour la plupart obligé d'user d'adjectif tous aussi réducteur les uns que les autres. « Ne bouge pas, petit humain dénommé Klaus. » sa réponse ne se fit pas attendre, elle fut simplement précédé par un soupire et un léger haussement d'épaule.

« Ce n'est pas comme-ci j'avais le choix n'est-ce pas. »

Après quoi le Dragon se redressa sûrement pour ne rien laisser paraître, mais de là où était Klaus, il avait une vue plus que conséquente sur les diverses blessures dont était victime cette nouvelle connaissance dont il ne connaissait toujours pas le nom. Puis une étrange sensation se fit ressentir, la queue du Reptile était venu se placer derrière l'homme afin probablement de lui montrer qu'il était en position de force et que ce bref échange n'était qu'un début à ce qui allait suivre. S'il essayait d'impressionner Klaus, c'était un échec total. Avait-il déjà oublié cette fraction de seconde lui ayant suffit à parcourir l'espace le séparant de lui en contre-bas ? Très certainement comme l'animal, il était sûr de lui et ne tremblerait pas une seconde face à une potentielle menace qui serait d'ailleurs très mal venu de la part d'un être souffrant et bien mal en point, pour ne pas dire dans un état pitoyable pour cette légende qu'était les Dragons ayant pour habitude d'afficher généralement une certaine prestance physique, ce qui ici hormis la taille de celui-ci n'était pas vraiment le cas, du moins pour le simple humain qu'il était. Enfin, les yeux sombres du Chasseur vinrent croiser le regard or de ce dernier qui en s'y plongeant d'un peu plus près avait étrangement un petit quelque chose d'envoûtant. Décidé à imposer sa présence, mais aussi sa volonté, le Reptile reprit la conversation qu'il menait seul pour le moment de toute évidence sur une simple interrogation, qui était-il ?

Un nouveau sourire en coin vint tirer les lèvres de l'homme qui ne s'en cacha pas le moins du monde, en devenant un Grand Maître et de part son hérédité magique, il avait acquis un savoir suffisamment important pour être capable de tromper toutes personnes n'ayant pas la capacité ou l'idée d'utiliser un sort afin de dévoiler le véritable potentiel de ce dernier. Il ne répondit pas de suite, préférant laisser s'installer le doute et pourquoi pas le malaise de n'avoir aucune réponse de sa part, quelques secondes voir minutes même s'écoulèrent avant qu'enfin ce nouvel usage de dialogue par télépathie se fasse ressentir extirpant l'homme du silence qu'il décida enfin de briser :

« Qui je suis ? » s'interrogea Klaus en croisant les bras, avant de reprendre sur un ton complètement différent de celui avec lequel il s'était présenté sans pour autant faire preuve d'une quelconque animosité : « Un petit humain, dénommé Klaus. Du moins c'est ce qui a été dit. J'admire d'ailleurs cette façon de dialoguer de la part des Dragons, votre supériorité vous empêche-t-elle d'ouvrir la gueule pour autre chose que réchauffer l'atmosphère ? »

Sarcasme ? Moquerie ? Un peu des deux, ou même aucun des deux. Il venait de lui demander qui était-il alors il lui répondait à sa manière, Klaus est un homme pas tout à fait comme les autres, élevé chez les Elfes certains ont malheureusement dû déteindre sur sa façon d'aborder les gens de manière hautaine. A moins que cela ne fasse partit de la carapace qu'il s'est forgé durant toutes ces années, difficile de déceler la bonne réponse chez une personne aussi énigmatique et imprévisible que lui. Puisqu'il venait aimablement de l'inviter à rester en venant placer sa queue derrière lui, l'homme se mit à son aise en laissant retomber son équipement au sol et venir s'adosser à cette dernière qui était d'ailleurs assez confortable d'après le soupire d'aise se dégageant de ses petites lèvres.

« Cette chute aurait-elle malencontreusement interféré avec votre esprit de déduction ? » Il regarda brièvement autour de lui : « Je ne pense apercevoir personne d'autre pour le moment, si ce n'est que d'ici peu, des gardes ou autres bipèdes comme certains d'entre-vous les appelle ne tarde à venir voir de quoi il en retourne. »

Quoi qu'il en soit le dragon n'en serait certainement pas dérangé, mais le surnombre pourrait vite devenir une contrainte pour cette créature blessée.

« Toutefois, je partage ce sentiment de déception à votre égard. En escaladant ce pic rocheux, je ne m'attendais pas à tomber sur un être normalement si majestueux dans un état aussi lamentable. » Il marqua une courte pause en se redressant pour venir croiser le regard du Reptile : « Néanmoins ! Mes diverses expériences au court de ma misérable existence m'ont permis d'apprendre qu'il ne faut pas se fier aux apparences... » Conclut-il en réalisant un petit mouvement de la main faisant ainsi léviter sa dague et son masque qu'il récupéra en prenant soin de laisser son bâton au sol. Il ne cherchait aucunement à impressionner ce Dragon, mais il ne voulait simplement pas se fatiguer.

Il cligna alors des yeux pour disparaître de nouveau et se retrouver au niveau du ventre de l'animal, suffisamment prêt pour apercevoir quelques blessures et assez loin pour ne pas se faire écraser lamentablement en cas de retournement de situation inattendu.

« Chasseur de vampire et depuis peu Maître des larmes d'Alderick si cela vous intéresse vraiment. Et accessoirement Guérisseur spécialisé en Dragon. Mais, admettons que je sois en mesure de vous aider moi le petit humain à l'apparence si frêle... Mise à part le cliché habituel de me laisser la vie sauve si je te viens en aide, qu'est-ce qu'un être de votre prestance aurait à m'offrir ? »

Klaus ne connaissait que trop bien ce cliché du vilain méchant qui offre la vie sauve à son sauveur, puisqu'il le pratiquait lui aussi de temps en temps à ses heures perdues. Et à quoi bon jouer la comédie plus longtemps, cela ne lui apporterait que des soucis, puis il n'avait pas besoin de ça pour s'attirer des ennuis de toute façon. Désormais face au Dragon se tenait le véritable Klaus, fidèle à lui-même qui avait simplement prit la peine de répondre à ses questions par quelques moyens détourner appréciable ou non.

« Mon Seigneur a t-il un nom ? Si ce n'est pas trop vous demandez. »

Question légitime de sa part, il s'était présenter un minimum pourquoi n'en ferait-il pas autant ? Dans l'attente d'une éventuelle réponse, il usa une dernière fois d'un bond pour refaire face convenablement à son interlocuteur qui avait probablement changé de position à la recherche de cette petite carcasse humaine se baladant à sa guise autour du Dragon.

La véritable face de l’homme se présenta enfin, avec toutes les métamorphoses que cela impliquait. L’être maladroit et pathétique, pitoyable dans ses gestes et ses paroles peu certaines, cédait enfin la place au réel Klaus, sauf si un énième double-jeu était encore dissimulé sous sa peau. Son assurance venait sertir son corps entier, ses yeux les premiers, et ses mots désormais clairs et quelque peu… sarcastiques ? sonnaient tels ceux d’un égal devant le dragon, ce qui, pour ce dernier, était loin d’être le cas. Symboliquement, le masque de comédien venait enfin de prendre un sens nouveau, sous un angle jusqu’ici laissé de côté ; le théâtre. Comment être certain, après cette preuve de double-jeu, que cet inconnu ne serait pas de nouveau amené à mentir au dragon à l’avenir ? Et surtout, quel était son véritable visage, si celui-ci se trouvait encore être un leurre ? La confiance restait une notion bien trop abstraite pour que le dragon s’y aventure un seul instant.

Il laissa échapper un grondement sourd lorsque l’humain s’installa contre sa queue, comme les prémices d’une proche colère. Pourtant, il n’exécuta aucun geste, se contentant de ne pas quitter les yeux cet énergumène hautain, qui malgré tout l’intriguait. Il semblait bien sûr de lui pour un humaine, parfait contraste du précédent personnage qu’il s’était efforcé d’interpréter. Il paraissait à l’aise, presque certaine de ses désirs, malgré les probables conséquences, et cette sureté de soi présageait soit un inconscient bien trop téméraire et insensé, qui terminerait dans quelque temps en un petit tas de cendres éparses. Soit son potentiel était réel, et il avait de quoi se sentir à l’aise. La réaction de Verith ne différerait pourtant pas, cet être indolent courait s’abattre contre le malencontreux destin que le dragon lui réservait par la suite, si seulement il pouvait auparavant prendre la peine de lui venir en aide. Après tout, comme le demandaient souvent les humains, il pouvait toujours promettre de lui laisser ensuite la vie sauve et trahir sa promesse une fois cet homme insolent au creux de son gosier ?

Verith se senti lasse de cette mascarade humaine, et tandis que Klaus soupirait d’aise contre sa queue, continuant par la suite cet échange hautain, le dragon soupira de lassitude. Il n’était pas fou, et encore moins dupe, et sa conscience ancestrale ne lui permettait pas de décider de la mort de cet être par simple ennui. Du moins pas encore. Il resta donc potentiellement tout ouï au discours regorgeant d’artifices et de remarques pointues de Klaus. Ce dernier commença à susciter l’amusement dans son être. L’assurance de cet homme semblait disproportionnée à sa taille. Le seul détail potentiellement respectable de cette situation restait bel et bien son incongruité et son égard face aux dialogues communs entre dragons et humains. Du moins, ce d’après les récits de Skade. Enfin, l’inconnu, d’un léger mouvement de la main connotant d’un sort maîtrisé, laissa léviter sa dague et son masque, sous l’œil impassible du dragon. Ce tour de passe-passe ne suscitait aucun intérêt. Seulement alors, Verith prit la parole de la même voix, légèrement moins grave, car la mascarade des doubles-jeux semblait toucher à sa fin :

°Si les dragons ne prennent pas la peine d’ouvrir la gueule pour communiquer, n’est-ce tout simplement pas par paresse ? Je pense que nous sommes sur la même longueur d’ondes vis-à-vis de cela, petit Klaus.°

Leur orgueil à tout deux ne se mariaient apparemment guère, car qui se ressemble ne s’assemble en réalité pas nécessairement. Verith n’avait pas tiqué à la remarque désobligeante de l’inconnu vis-à-vis de sa propre déception, car lui seul avait conscience de la véritable genèse de cette apparence blessée.

°À en croire tes mots, notre déception est commune. Mais il était imprévisible qu’un continent au demeurant si bienveillant accueille ses mécènes de façon si fâcheuse. Car, pour attiser ta déception, petit homme, cet orage n’était pas mon œuvre.°

L’emploi du « petit homme » restait quelque peu appuyé, pourtant moins que précédemment. En effet, en répliquant ainsi, Verith possédait une infime chance de recevoir de la part de Klaus une réponse, ou du moins un éclaircissement sur la brusque venue de cette tempête. Malgré tout, le dragon ne tentait pas de se convaincre que l’inconnue serait à même de lui apporter les informations nécessaires, et ne s’attarda pas davantage à ce sujet. L’humain cligna des yeux et disparut de manière véloce, réapparaissant quelques mètres plus loin, à une distance raisonnable du corps écailleux du reptile géant, comme s’il détaillait ses nombreuses blessures. Tout en annonçant sa volonté en échange du service qu’il semblait capable de rendre à Verith, ce dernier ne prenait pas la peine de le chercher du regard, abandonnant rapidement en comprenant que ce petit être était doué de téléportation. Voilà bien une unique capacité qui semblait appréciable chez lui, et encore, c’était bien vite parler.

°L’avarice des humains étant réputée, j’aurais en temps normal proposé des biens nobles. Mais ta question ayant anticipé ma demande, je suppose que ton plaisir se trouve autre part. Alors dis-moi un peu, petit Klaus : qu’est-ce qui serait à même de satisfaire tes désirs ? Outre de te laisser la vie sauve, principe vis-à-vis duquel tu sembles bien sûr de toi.°

Le dragon n’attendit pas l’arrivée fusante d’une nouvelle réplique arrogante ou sarcastique, son orgueil le menant à la lassitude la plus profonde qui soit, et enchaîna quelques secondes plus tard, alors que l’humain semblait s’habituer à cette voix nouvelle immiscée dans son esprit.

°Mon nom est Verith, fils de Skade, mère des tempêtes, et du dragon rouge Aithorion. Je pense que tout ceci t’évoque peu, inconscient.°

Il lâcha ensuite d’un ton légèrement moins tranchant, avec une semblance de ricanement dans la voix, les yeux affichant cet amusement sarcastique qui le peuplait depuis que Klaus avait quitté son double-jeu pour enfin s’afficher comme-Verith l’espérait- il se considérait et se devait d’être :

°Je me disais aussi qu’un être si piteux ne pouvait être que l’œuvre d’une intelligence plus... poussée, disons.°

A première vue rien ne semblait pouvoir venir ébranler l'assurance dont faisait preuve le petit humain, pas même le grondement de mécontentement qui découla de cette aisance qu'il affichait ouvertement en prenant soin de s'installer sur sa queue. Si le Dragon laissait paraître une preuve de lassitude de plus en plus flagrante au fur et à mesure que le temps s'écoulait tout autant que les quelques forces qui le maintenant encore fièrement devant ce petit être à doté d'une assurance incommensurable qui tôt ou tard finira par lui porter préjudice, mais tout cela il ne s'en souciait absolument pas et à quoi bon ? Pour ce que cela changerait de toute façon. Donc d'après cette « chose » ils n'ouvraient pas la gueule simplement par paresse ? C'est alors qu'il ne put pas s'empêcher d'émettre un léger rictus en entendant la suite. « Sur la même longueur d'onde avait-il dit ? » Pour le coup, Klaus ne voyait pas vraiment où il voulait en venir. Quant à l'utilisation du terme parasse... Un simple « parle pour toi » fut donné en guise de réponse à voix basse tandis qu'il poursuivait sa route tout autour de lui après avoir usé d'un bond qu'il affectionnait tout particulièrement depuis que sa magie c'était développée. Finalement, leur échange ne serait qu'une succession de provocation et d'arrogance qu'ils maîtrisaient tous les deux parfaitement ou presque.

Bien entendu qu'il n'y était pour rien, cette tempête magique était bien trop puissante pour émaner uniquement d'un seul dragon, ce n'est d'ailleurs pas ce qu'il avait exprimé un peu plus tôt. Klaus ne savait pas que les Dragons pouvaient être égocentrique à ce point et si par cette réponse ainsi que ce petit pic lancé de nouveau sur ce qu'était l'humain avait pour but d'obtenir une réponse de sa part, il ne tarderait pas à lui en fournir une, mais pas tout de suite. Klaus était bien trop intrigué par la quantité de blessures parcourant les écailles du Reptile, certaines étaient récentes, d'autres plus anciennes tout autant que certaines étaient impressionnantes tandis que d'autres ne méritait pas vraiment que quelqu'un s'attarde dessus. Toutefois, les mots à nouveau prononcé par la créature vinrent extirper l'homme de ses pensées. Avarice avait-il dit ? Impressionnant, pourtant ces légendaires créatures devaient posséder un savoir certain non ? Mais celui-ci ne voyait pas plus loin que le bout de son nez visiblement. Comment lui en vouloir ? Klaus n'ayant pas grandit chez les humains ne connaissait que très peu la cupidité des siens qu'il n'apprécie pas du tout. Voici donc un moyen de tisser quelque chose d'intéressant entre les deux protagonistes à condition que toute cette affaire ne vire pas au drame pour l'un ou l'autre. Car le Grand Maître n'était pas un piètre magicien et n'hésiterait pas à user du temps de son adversaire afin que celui laisse ses forces l'abandonner lentement pour n'avoir qu'à donner le coup de grâce, même si cela devait en coûter la perte d'un équilibre incertain sur les Terres d'Armanda.

« Verith, hein... En effet, tout ceci ne m'évoque rien car le partage des Dragons et de leur savoir avec ceux que vous considérez comme de simple sous-fifre est tellement limité que seul un fou perdrait son temps avec un savoir gardé avec tant de convoitise. Nous ne somme peut-être pas si différent que vous semblez le penser. » Dit-il en haussant les épaules avant de faire demi-tour.

Ces dernières paroles avaient un petit quelque chose d'amusant ou peut-être était-ce le fait que ces quelques mots soient accompagnés d'un semblant de ricanement. Se baladant de nouveau autour du Dragon, il fit un nouveau bond pour se retrouver près de Verith.

« Venant de la part d'un Dragon incapable de réaliser le moindre mouvement, je prendrais ceci comme un compliment si cela ne vous dérange pas chère Verith fils de je ne sais quel être légendaire. » A vrai dire, il ne s'en fichait pas, il avait tout simplement oublié le nom des potentiels parents de ce dernier. Il exagérait peut-être sur le fait qu'il ne pouvait pas réaliser le moindre mouvement, après tout ! Il s'était redressé et avait bougé la queue... Cette image était plus risible qu'autre chose, Klaus ressentait en ce moment même ce qu'avait pu ressentir la Créature en voyant le Mage se présenter à lui sous un rôle ne lui correspondant pas vraiment. Alors, l'assurance qu'avait évoqué Verith et dont faisait preuve l'homme fut remise sur le tapis rapidement :

« Je pense... Non, je suis sûr d'être beaucoup plus à même certain de tenter une manœuvre utile en cas de... litige. Et puis quoi qu'il en soit, je n'ai pas vraiment bon goût, je suis assez vieux et sûrement très fade. Je ne pense même pas croquer sous la dent si jamais c'est là, le petit plaisir que tu aimerais t'offrir en ma compagnie. »

Reprenant place sur la queue de ce dernier, il chercha brièvement du regard son bâton qu'il avait précédemment posé au sol. Celui-ci n'avait pas bougé, mais était situé sous la queue du Reptile qui n'avait pas pris soin de regarder où il la déposait. Et sans même demander son reste à Verith, il vint mettre un léger coup dans la queue de cette dernière, il aura eu l'effet d'une piqûre d'insecte sur ses peaux extrêmement résistante dont il dispose et encore cela n'était même pas sûr qu'il l'avait ressentit, le principal résidant dans le fait qu'il puisse le récupérer. Et après quelques secondes laborieuse et sûrement la bonne volonté de ce dernier, il put enfin empoigner son bâton d'une main pour le faire tournoyer lentement en fixant de nouveau les yeux dorés de la créature.

« A vrai dire, je n'attend absolument rien de toi. Cette requête n'avait que pour but de déceler la moindre preuve de bonne foi de ta part. Je ne suis pas connu pour espérer quoi que ce soit du premier venu, je me porte beaucoup mieux sans l'aide de mon prochain et surtout en étant le plus seul possible. »

Il parlait bien évidemment de cette solitude qu'il était venu rechercher en campant aux pieds des Pics rocheux qui fut rapidement troublé par l'arrivée de Verith qui était venu s'écraser sur l'un des flancs de la montagne. Quant à l'aide de son prochain... A ce jour, seul Merithyn avait réussi à lui faire accepter un présent et pas des moindres, cette toute nouvelle apparence qui n'avait au fond rien innovent il s'agit là simplement de la silhouette qu'il affichait un peu plus jeune. Ce cadeau n'avait pas vraiment été demandé, mais il ne l'avait pas non plus refusé, ce petit coup de pouce du destin et du Baptistrel Elfique était finalement la bienvenue et c'était le principal. Repartir sur du « neuf » avait parfois du bon et il comptait bien en profiter un minimum avant que la nouvelle de ce regain de jeunesse n'alerte les potentiels vampires qu'il pourrait traquer dans la plus grande discrétion qui soit.

« Avant de te venir en aide, car oui même si cela t'écorche de le dire ou même le penser c'est belle et bien ce que je compte faire, alors tâche de te tenir à carreaux lorsque je commencerais. Je ne crois pas au destin, mais si le Dracos m'a mis sur ta route c'est que je dois certainement te venir en aide, à moins que ce ne soit l'inverse, mais je doute que tu ais une quelconque utilité en ce qui me concerne. »

Ou alors il n'était pas encore au courant, quoi qu'il en soit... C'était le moment ou jamais de se mettre au boulot, la guérison, Klaus s'y connaissait suffisamment, mais au point de soigner un être ancestral ? Il n'en savait rien, mais son assurance suffisait à elle seule à le pousser à tenter le coup. Approchant lentement de la carcasse blessée du Dragon, il se plaça au niveau de son ventre et vint apposer sa main sur ce dernier doucement, mais a peine eut-il approché la main qu'une boule de feu s'en échappa pour venir frapper les écailles de Verith, simple erreur ou petit test de sa part nulle ne le savait vraiment si ce n'est que le petit sourire en coin qui s'afficha l'instant d'après en disait long.

« Au temps pour moi. »

Ce n'est que lorsqu'il retrouva son sérieux que l'énergie magique autour de lui commença à se concentrer petit à petit, libérant le pouvoir qu'il avait volontairement bridé afin d'exposer au grand jour qui il était vraiment et pour de bon, le double-jeu n'avait plus sa place en cet instant, lorsqu'il utilisait la magie, l'homme véritable se dissimulant derrière sarcasme, ironie, moquerie et autre n'était plus. S'il y avait bien un moment où il ne pouvait pas mentir sur ses intentions et ce qu'il était, c'était celui-ci. En se lançant dans un sort de soin Elfique, il dévoilait aussi sa maîtrise d'un art différent de celui des humains. Bien entendu ce n'était pas un elfe, les sorts de soin qu'il utilisait fonctionnaient tout aussi bien mais demandait beaucoup plus d'énergie que la normal.

« Je pense que ceci devrait » Il vacilla avant de reprendre « faire l'affaire. Je ne suis pas un expert en guérison, mais je suppose que pour ce qui est des éventuels douleurs musculaire que je n'aurais pu attendre avec ma magie, il faudra maintenant espérer que le temps et ta condition soit suffisamment clémente pour que les choses reprennent la normale d'ici quelques jours. »

Aussitôt, il relâcha son bâton qui retomba sur le sol lourdement. Tandis qu'il observait les blessures finir de cicatriser sous l'effet du sort qui agissait encore sur le corps du Dragon, sa vision se troubla l'espace d'un instant. Ce sort de soin qu'il avait mélangé avec d'autres pour tenter une efficacité optimale sur Verith l'avait considérablement épuisé et les deux bonnes heures qu'il avait passé à chantonné de douces mélodies elfiques qui ne semblait pas approprié avec la personnalité de l'homme n'aidaient en rien.

« Finalement, je suis désormais dans un état encore plus piteux que le tien. Mais j'estime m'être plutôt bien débrouillé pour « un petit homme »... Hum... » Finit-il en ne prenant pas même le temps de s'asseoir sur une surface approprié, il se laissa retomber sur le sol tout aussi lourdement que son bâton pour qu'enfin son regard sombre n'aille se perdre dans cette vue sublime que lui offrait les hauteurs du pics rocheux.

Verith s’était résolument tu, saisissant d’une oreille distraite les paroles de Klaus. Non pas que cette arrogance ai fini de l’amuser, mais la fatigue provoqué par sa longue lutte contre la tempête, entité bien supérieure, et la douleur de ses blessures s’immisçaient dans son esprit et l’interpelaient. Ou plus réellement : lui hurlaient de prendre une décision le plus rapidement possible, avant qu’on ne sait quel désagrément ne survienne et le contraigne à s’abaisser davantage dans la prestance d’un blessé. Klaus, fidèle à son insolente assurance, prétendit quelques secondes plus tard être plus à même que lui de prendre le dessus dans cette situation, et étrangement, mis à part un nouveau grondement, l’intéressé s’abstint de répondre, conscient –ou plutôt réaliste- de sa situation critique. Ses yeux d’or fusillèrent sur place l’humain, qui enchaîna sur la fade et relativement infecte saveur de son être. Il se disait vieux, et à cette appellation, Verith prit davantage le temps d’inspecter ses traits, à la recherche de ses signes si caractéristiques, sillons des années. Chez les dragons, ces indices d’ancienneté, qui faisaient alors d’eux des pairs, semblaient bien moins évidents que chez les autres races, tels les elfes, les humains et les vampires. Malgré des écailles certainement moins éblouissantes, à la teneur moins âcre, les yeux plus pâles, plus lasses, leur vieillesse restait lente à s’inviter sur leurs corps.

Tirant Verith de ses pensées éparses, une infime pichenette se fit ressentir au niveau de sa queue, et réapparut devant lui après quelques secondes Klaus, porteur de son fameux bâton, que le dragon sembla redécouvrir. S’agissait-il des alliés les plus confiants de ses hommes appelés « mages » ou « magiciens » ou simplement un accoudoir lors des marches éprouvantes dans de tels lieux ? Pour un « vieil homme » de la sorte, du moins. Verith n’était pas dupe. Il dévisagea davantage Klaus, soucieux mais pas le moins du monde inquiet pour ses prochains gestes. Ses précédentes menaces ne l’atteignaient pas, son orgueil ensevelissant entièrement toute once de peur. Quoi qu’il en soit, le jour n’était pas encore venu où le dragon craindrait un humain, surtout lorsque le fameux reptile géant se nommait Verith et possédait un égo aussi surdimensionné. Les paroles de Klaus l’atteignirent enfin et confirmèrent sa pensée : il semblait potentiellement d’accord pour tenter de lui venir… en aide ? Argh, ces mots lui arrachèrent un grognement. Cette remarque l’écorchait véritablement, comme l’avait si bien prévu l’homme.

°Tu ne crois pas si bien dire, petit homme…° grommela Verith en s’adressant à lui-même.

La solitude qu’exhibait Klaus dans ses précédentes paroles suscita peu l’attention du dragon. Toutefois, le souvenir des longues heures qu’il avait passé dans le ciel après avoir manqué de se noyer lors de sa première tentative de vol lui revint. Il concéda détester, ou du moins repousser le plus souvent possible, l’idée de demeurer seul, livrer non pas à lui-même, cela il ne le craignait pas, mais à l’évidence du Dracos Honoris. Cette partance lui étant attribué et dont il ne savait que faire. La disparition soudaine de Skade et Estelen, à mesure qu’il s’attardait sur l’accident, l’affligeait de plus en plus, même s’il ne parvenait pas à se l’avouer, et les retrouver toutes deux saines et sauves devenait une de ses priorités. Car effectivement, il ne doutait pas qu’elles soient en vie. Il en fallait bien plus pour venir à bout de deux dragonnes comme elles, bien que l’inquiétude ne cessait de le tourmenter. Mais son esprit ne s’aventurait pas dans de tels hésitations pour l’instant, sa douleur cette fois-ci physique le conduisant de nouveau sur le chemin de la réalité. Ainsi qu’une boule de feu frappant tout droit son poitrail reptilien, aux écailles naturellement plus tenaces. Conscient que cette potentielle attaque venait de Klaus, il le fusilla de nouveau du regard, montrant quelque peu les crocs, dans une réaction bien plus instinctive que consciente.

L’humain s’apprêtait apparemment, armé de son bâton, à le guérir. Du moins de tenter, comme le prouvait cette soudaine explosion de pouvoir sous forme de flammèche. Le processus débuta enfin, et pour un dragon aussi vivace et impatient que Verith, il fut long. Ce dernier n’avait pas besoin d’années d’expérience Armandéenne, et les contes de Skade lui suffisait amplement à déchiffrer le dialecte dans lequel Klaus formula ses incantations durant ces deux longues heures. Il s’agissait de l’elfiques, et immédiatement, le dragon ressentit les bienfaits de cette magie pure influencer son organisme et, peu à peu, le départir de sa douleur aigüe. Verith ne pouvait passer outre le fait qu’il fut agréablement surpris, disons, par une telle prestance. Cette démonstration magique répondait aisément à sa première question : Klaus semblait à lui seul cette source candide de magie ressentie tout au long de son arrivée près du dragon. Lorsqu’il eut enfin clos ses sorts, il recula quelque peu, et tout son éclat physique parut dissiper. Après avoir garanti l’efficacité de l’enchantement, il laissa tomber au sol son bâton, s’assit pour finalement s’écrouler lourdement sous les yeux interrogateurs de Verith. Il savait que la magie drainait l’énergie, mais à en juger par l’état désormais flasque de l’homme, la teneur des sorts promulgués se devait être élevée. Le dragon, immensément soulagé de sa douleur, posa les yeux sur ce soigneur expérimenté, et lui affirma d’une voix désormais seulement grave et monocorde :

°Le dessus me revient désormais, tu ne sembles plus à même de le contrer.°

Le mot qu’il prépara ensuite dans son esprit mit longtemps avant de quitter le seuil de ses pensées télépathiques. Il ne pouvait, en temps normal, se résoudre à le prononcer, mais cette situation se devait de le voir paraître.

°Merci, humain.°

Rien de plus, rien de moins. Il ne s’attarda pas davantage sur le service rendu par Klaus, suffisamment blessé dans son orgueil et s’attendant d’un moment à l’autre à entendre fuser quelques remarques sarcastiques sur cette perte de fierté de sa part. À condition seulement que l’état de l’homme le lui permette, mais chez ce genre de personnage, aucune fatigue physique ne semblait assez profonde pour venir à bout de leur arrogance ou de leur indolence. Il tenta ensuite ce dont il avait rêvé depuis son réveil : se redresser sur ses pattes. Comme il s’en doutait, son corps en globalité guérit ne possédait tout de même pas encore la force nécessaire pour le soutenir sur une trop longue durée, mais il parvint à quelques pas sans trop de douleurs en effets secondaires. Puis il observa avec attention la plaie désormais refermée à son épaule, où demeurait encore des débris de sang séché. Le travail était propre, net, comme après une opération de guérisseur réussit. La magie avait agi avec qualité, comme l’avait décidé le Dracos Honoris. Verith posa ensuite les yeux sur Klaus, toujours au sol, fixant l’immensité que suscitaient les Pics rocheux.

°Puisque tu ne désires rien venant de moi, je ne me sentirai plus redevable de ce geste.° La commissure de ses babines s’étira dans une semblance de sourire. °J’avais vu juste vis-à-vis de cette source de magie émanant de ton être. En même temps, elle demeurait comme le nez en travers de la figure.°

Il savait cette affirmation inutile, mais appréciait sa raison lorsque celle-ci voyait juste.

°Je suppose que tu n’auras pas besoin de mon aide pour te relever.° railla Verith sans trop de conviction. Il s’approcha ensuite du bord de la falaise et observa le vide, déployant enfin ses ailes après plusieurs heures restées closes sur son dos, et tenta de savoir, en interrogeant son corps, quand ce dernier serait disposé à l’élever de nouveau dans le ciel pour quitter cet endroit et retrouver Skade.

°Une dernière chose avant que tu ne t’endormes sur la pierre, lors de la tempête, aurais-tu aperçu d’autres dragons, par le plus inconcevable des hasards ?° demanda Verith en abandonnant les railleries pour un sujet bien plus sérieux. Son ton était froid. Il s’approcha de Klaus et l’observa. Le dire « fatigué » serait un euphémisme, mais il se sentait prêt à attendre le temps adéquat pour obtenir sa réponse.

C'était officiel, Klaus n'aimait absolument pas les sorts de soins, à moins qu'il n'aime tout simplement pas le fait de soigner un être aussi imposant qu'un Dragon. Dans ses souvenirs, le mal qu'il avait soigné en grande partie chez les habitants de Gloria n'avait pas été aussi éprouvant, du moins pas avant de s'être occupé d'une bonne cinquantaine de personnes. Il était en partie vidé de ses forces, le mélange subtile qu'il avait dû exercer avec les sorts Sylvestres qu'il ne maîtrisait pas aussi efficacement qu'il le pensait était venu à bout du Grand Maître. Contrairement au Dragon qui avait voulu préserver sa fierté en se redressant lorsque l'homme était venu à sa rencontre, Klaus lui n'en fit absolument rien. S'installer aussi misérablement sur le sol ne le dérangeait absolument pas, il était un peu fatigué rien de plus cela n'irait pas jusqu'à lui enlever son éternelle répartie lorsque les propos de Verith viendrait attiser l'individu sarcastique sommeillant en lui. D'ailleurs, il ne fallut pas bien longtemps pour que ce dernier ne remarque l'état de l'humain non loin de lui sur lequel il posa ses yeux d'or sur le Magicien pour ne pas manquer de lui faire remarquer qu'il n'avait désormais plus le dessus, ne se voyant plus à même de contrer une quelconque tentative de sa part. Ceci étant dit, il n'avait pas tout à fait tord, mais c'était là bien mal connaître l'homme qui de part sa persévérance et peut-être son inconscience n'avait de cesse de repousser ses limites et cela malgré le fait que les circonstances n'étaient pas en sa faveur. Posé sur son postérieur, les genoux légèrement relever pour pouvoir poser les bras dessus, il avait la tête incliné sur le côté pour observer la sublime vue s'offrant à eux quand il rétorqua :

« Ne t'en fait pas, cela ne m'empêchera pas d'essayer de te mettre une bonne raclée si le besoin s'en fait sentir... » Dit-il en souriant doucement.

Bien entendu, tout ceci n'était que pur utopie. Quand bien même Klaus aurait eu ses capacités physiques et magiques a 100% il n'aurait pas eu l'occasion de tenter quoi que ce soit, si ce n'est peut-être tenter de prendre la fuite, mais chez lui l'assurance qui pouvait aux premiers abords lui faire défaut se transformait parfois en une détermination hors norme, loin d'être ceux qui abandonnes à la première occasion il ne manquait pas de le faire savoir au Dragon qui tôt ou tard finirait par se rendre compte que les préjugés dont il regorge à l'égard des êtres peuplant cette terre ne sont peut-être pas d'actualité pour l'ensemble des habitants. Et tandis qu'il observait encore et toujours les environs pour tenter d'oublier cette fatigue un peu trop envahissante, il fut tiré de ses pensées de façon presque surprenante lorsqu'une nouvelle fois la créature prit la peine dans un élan de bonté de prendre à nouveau la parole. Un « merci » fut prononcé ou accordé à voir et en guise de réponse à ce remerciement brève Klaus n'eut qu'un geste de la main, comme pour signifier que cela n'était pas nécessaire. Il était suffisamment bien placé pour savoir que remercier quelqu'un était un acte plus dur qu'il n'y paraît pour un être doté d'une fierté aussi importante que celle dont faisait preuve les deux protagonistes ici présent. A première vue, rien ne semblait pouvoir les rapprocher et pourtant, ils avaient tous deux quelques points communs, seulement entre ses points communs se dressait un ennemi de taille et pas des moindres, la fierté. Ce sentiment avait causé la perte de beaucoup de personnes ayant trop confiance en eux, ne souhaitant pas faire le premier pas, cela était le cas de Klaus qui savait que cela finirait un jour ou l'autre par le perdre, mais contrairement à d'autres il lui arrivait parfois de briser cette barrière pour paraître moins... Agaçant ? Comme lors de sa rencontre envers Merithyn ou le respect était égal des deux côtés et surtout bien plus que mérité, le fait qu'il s'agisse d'un Elfe devait probablement aidé.

Pour en revenir à la situation actuelle, Klaus qui aurait aimé une nouvelle fois faire preuve de sarcasme à l'égard de Verith en n'oubliant pas de lui rappeler qu'il venait plus ou moins de lui sauver la mise préféra se raviser sans vraiment de raison... A moins que justement cela ne soit dû à la raison qui avait brusquement resurgis. Puis le sol vibra légèrement lorsque le dragon qui avait probablement tenter auparavant de se redresser vainement pu enfin accomplir ce simple geste, mais comme lui avait signalé le Chasseur, l'effet des sorts n'étaient pas totalement fini et le temps seul pourrait finir le travail sur cette immense carcasse qu'était la sienne. Klaus leva la main pour s'abriter le visage des quelques débris rocheux s'écroulant de Verith, finir assommer par une pierre après un tel effort serait en effet bien plus pitoyable que n'importe quel autre situation.

« Bien entendu, mais le principal réside dans le fait que l'espace d'un instant tu te sois sentit redevable. » Répliqua l'homme en souriant. Il avait dit « je ne me sentirais plus redevable » cela voulait bien dire qu'il l'avait été au moins l'espace d'un instant non ? Il y avait quelques progrès non-négligeable de sa part, bien qu'infime, Klaus devrait peut-être envisagé à l'occasion d'en faire autant, mais il ne fallait pas précipiter les choses, car il estimait avoir fournis déjà un effort assez conséquent en acceptant de lui prêter main forte.

Évidemment que cela se voyait comme un nez au milieu de la figure ! Mais cela aurait sûrement du lui demander un nouvel effort plus qu’insurmontable que d'avouer qu'il avait tout de même douté de l'homme en le voyant arrivé, comme quoi les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être. Puis en écoutant les quelques mots du Reptile qui s'en suivirent, Klaus ne put s'empêcher de rire doucement, la fatigue l'empêchant d'éclater de rire en envoyant une nouvelle moquerie ou taquinerie à son interlocuteur.

« Parce que tu comptais me filer un coup de pattes peut-être ? Non merci... »

Enfin, l'homme observa le Dragon approcher le bord pour déployer ses ailes. Il n'espérait tout de même pas s'envoler tout de suite ? Il l'avait soigné, mais pas au point de le voir prendre son envol quelques minutes après ça. Quoi qu'il en soit, il n'irait pas bien loin s'il espérait partir précipitamment, cette simple idée laissa échapper à Klaus un léger soupire ne se voyant pas de nouveau devoir jouer au héros en allant s'occuper de Verith après un nouveau crash.

« Hum ? » S'interrogea-t-il lorsqu'il prit une dernière fois la parole.

Bien entendu, cela aurait été trop simple qu'il soit tout seul ici, mais jusqu'à présent, Klaus n'avait pas eu connaissance de la présence d'autres Dragons, il soupira une nouvelle fois en entendant le ton froid de Verith qui abordait indéniablement un sujet bien plus sérieux que les précédents. Et si ces congénères étaient aussi... étaient... Tout simplement comme lui ? Cette génération de Dragons auraient vite fait d'agacer plus d'une personne sur cette terre. Quand il s'approcha de l'homme pour l'observer celui-ci attrapa son bâton d'une main pour tenter de se relever fébrilement, repoussant une nouvelle fois ses limites, il approcha un peu plus près du Reptile pour enfin redresser la tête et croiser son regard.

« Non. » Envoya-t-il sèchement avant de se rappeler qu'il se devait tout de même d'être un peu moins borné, ne connaissant pas toute l'histoire, il se valait d'éviter toutes maladresses pouvant être bien plus que déplacée. « Donc il y en a d'autres... Intéressant... Toutefois, je suppose que s'il y en a d'autres, ils ont été tout comme toi pris dans cette gigantesque tempête magique. Je n'ai pas eu l'occasion de sentir une autre présence que la tienne dans les environs et pourtant le Dracos sait à quel point mon instant et mon flair de chasseur ne me trompe que rarement. »

Puis une lumière importante vint jaillir de la Rancune du Dragon que possédait Klaus qui avait la capacité d'emmagasiner de l'énergie magique dans l’éventualité ou celui-ci en serait vidé après un effort disons trop important. Immédiatement, le Grand Maître eut un regain de force, lui permettant de se redresser comme il faut et paraître moins épuisé qu'il ne l'était. Malheureusement, ce regain n'était pas suffisant pour lui permettre de récupérer toutes ces aptitudes, il lui fallait se reposer, mais ne semblait pas décider à prendre une minute pour lui.

« Armanda est vaste, même pour un Dragon de ton envergure. Je pense que ma présence ne serait pas de trop... Après tout, il va sûrement te falloir une personne connaissant les lieux n'est-ce pas ? » Dit-il en souriant avant de remettre son masque sur son visage ainsi que sa capuche. En d'autres termes il ne laissait pas vraiment le choix à Verith de prendre un passager. « Et qui va-t-il falloir rechercher ? Au risque de paraître un peu trop curieux bien entendu... »

Cette curiosité qui avait animé Klaus en présence de Merithyn semblait s'être ravivé en entendant la possibilité de croiser d'autres créatures, en fait, il voulait simplement s'assurer de ne pas tomber sur encore plus fière que celui-ci et par la même occasion pourquoi ne pas tenter de les avertir du danger qu'ils encours désormais sur ces terres auparavant plus tranquille pour eux. Mais le moment n'était pas venu et puis ce Verith ne semblait pas prêt à tout entendre, alors la patience serait de mise.

« Nous partirons quand tu le désireras... Mais n'espère pas partir sans moi... Après tout, je pense que tu me dois bien ça... »

Klaus possédait le don de cerner toutes éventuelles subtilités dans les paroles de Verith. Deux heures plus tôt, cela aurait paru amusant à ce dernier, mais maintenant qu’il approchait de la guérison, le temps lui semblait oppressant et ne lui laissait pas le loisir de s’attarder davantage sur les remarques du magicien. La fatigue de celui-ci ne l’empêchait tout de même pas de rire doucement à la tentative verbale de supériorité de Verith, lorsque le dragon lui avait fait comprendre qu’il n’était désormais plus de taille à lutter contre lui. Apparemment non, il se sentait toujours d’aplomb pour un duel. Quel inconscient. Klaus se releva tant bien que mal, s’appuyant sur son éternel bâton, avant de venir croiser le regard du reptile géant et de répondre sans plus d’artifice un banal « Non. », qui sonna comme un glas dans l’esprit de Verith. Ses chances de retrouver Skade et Estelen venaient de s’amoindrir de façon relativement brutale, si bien que son espoir ne résidait plus que dans les désirs du Dracos Honoris. Le dragon montra quelque peu les dents, non dans une absurde tentative de provocation, mais dans un signe de pure anxiété. La vie de sa mère et de sa sœur adoptive en jeu, ce n’était pas rien.

L’homme poursuivit et Verith souleva la pointe de surprise dans son ton, lorsqu’il comprit que d’autres dragons venaient d’amerrir sur Armanda avec lui. Peut-être le reptile géant aurait-il dû omettre sa précédente question, pour ne rien révéler sur sa famille, mais l’aide désormais dissipée qu’aurait pu lui apporter Klaus lui savait semblé précieuse. Semblé, seulement. Toutefois, l’heure n’était pas aux regrets. Verith fut une nouvelle fois tiré de ses pensées par une soudaine lumière jaillissant du bâton du magicien. Aussitôt, la vivacité dans les yeux de ce dernier réapparut, et son corps jusque-là affaissé se redressa quelque peu pour paraître moins fatigué. Une technique for intéressante, sur laquelle le dragon ne prit pourtant pas la peine de s’attarder. Lorsqu’enfin Klaus avança être plus à même de conduire Verith sur ces terres parfois hostiles qu’étaient Armanda, le dragon cru tout d’abord à une plaisanterie de sa part, vicieuse et indécelable. Mais la suite de sa proposition le laissa légèrement surpris, et il ne put s’empêcher de jeter un regard interrogateur à son interlocuteur, pour s’assurer de la véracité de ses dires. Alors cet homme comptait vraiment lui « venir en aide » ou tout du moins le suivre ?

°J’ignore ce que me suivre pourra t’apporter.° lâcha Verith, peu convaincu.

Il n’avait pas prononcé « m’aider » mais bien « me suivre » au cas où cette soudaine proposition tourne à la moquerie. Il ne désirait pas tomber une fois de plus dans ce genre de situation futile, son orgueil bien assez blessé pour l’instant pour laisser place à une quelconque susceptibilité. En appuyant sur le fait que Verith lui était implicitement redevable, Klaus clôtura sa proposition, s’attendant certainement à une réponse de la part de l’intéressé. Cette dernière ne vint pas, du moins pas tout de suite. Il avait pris conscience du sérieux de cette avance, mais la raison de celle-ci lui échappait encore. Bien que le magicien ait affirmé ne rien désirer de la part des autres, il semblait improbable qu’il accepte si facilement de guider le dragon sur les terres d’Armanda, à la recherche de ses congénères. Qu’avait-il à gagner ? Avait-il seulement une idée derrière la tête ou n’était-ce que par bonté qu’il était prêt à « l’aider » ? Bonté, lui ? Tout ceci ne coïncidait pas le moins du monde, et Verith en avait parfaitement conscience. Si combine demeurait, il tenterait de ne pas se laisser saisir. Après tout, que savait-il de cet homme, si ne n’est ses aptitudes de magicien et son égo surdimensionné ? Verith se décida enfin à poser la question qui lui brûlait –sans mauvais jeu de mots- les babines.

°Pourquoi serais-tu prêt à faire cela ? Non pas que je doute d’un quelconque élan de bonté de ta part, mais tu peux comprendre que je n’ai aucune confiance en toi, humain. Quitte à chercher des années durant sur ces terres et tomber sur les surprises les plus désagréables qui soient, je préfère cela à me laisser guider par un homme dont je ne sais les motivations.°

Une part de cette affirmation restait fausse, évidemment. Il savait que l’aide de Klaus pourrait lui être précieuse, sans pourtant parvenir à s’y résoudre. Bien entendu, une certaine ironie se dégageait de ses mots. Le magicien avait replacé sur son visage son masque clownesque et rabattu sa capuche sur ses épaules, vraisemblablement certain de sa décision. Verith repensa à Skade, et concéda qu’il était davantage prudent de se fier à un homme connaisseur, même aux intentions troubles, plutôt que de partir seul dans une quête alors insensée et presque perdue d’avance. Et puis un détail restait non-négligeable : Klaus était un magicien, et les dragons étaient eux-mêmes porteurs de magie. Armanda ne survivrait pas longtemps encore sans leur soutien. Peut-être qu’au final, l’homme ne méprisait pas les dragons. Cette déduction paraissait tout de même un peu facile et bien hâtive -et naïve ?-, alors Verith reporta son attention sur Klaus. Il prit la peine de se lancer dans quelques aveux, sans pour autant rentrer dans les détails de son arrivée sur Armanda et du pourquoi du comment de sa venue.

°Skade, ma mère, et une dragonne du nom d’Estelen.°

Il n’avança pas qu’il s’agissait de sa sœur, ou plutôt de sa demi-sœur. Il garderait ce détail pour lui pour l’instant, la curiosité de Klaus capable de l’irriter.

°Quelles que soient tes raisons, je ne quitterai pas cet endroit plus l’instant. Fais comme bon te semble.°

Verith ne précisa pas que son état physique ne lui permettait pas non plus de voler, Klaus en étant évidemment conscient. Ce dernier s’était tu, assit contre la paroi de la montagne, et le dragon n’eut besoin que d’un regard dans sa direction pour comprendre cette évidence : il s’était endormi. Le reptile géant lâcha un léger grognement avant de s’installer au bord de la falaise, contemplant le vide déconcertant en contre-bas. Il laissa reposer sa tête sur ses pattes avant, et ressentit enfin le bien-être d’un silence tant attendu, et le sommeil doucereux qui vint le titiller avant de l’emporter entièrement. Plusieurs heures s’écoulèrent ainsi, dans un calme plat, et les rares fois où Verith se réveilla furent pour aviser Klaus du regard, et toujours le retrouver à la même place, immobile. Sa colère semblait quelque peu dissipée, pour ne laisser désormais seulement place à l’inquiétude vis-à-vis de Skade et Estelen. Une fois de plus, il affirma intérieurement que cette terre les avait accueillis de façon bien critique. Lorsqu’enfin la fatigue l’eut quitté, le soleil commençait déjà à se coucher à l’horizon. Il ne fallait plus tarder, Verith refusant de passer la nuit sur les hauteurs. Le repos n’avait plus lieu d’être. Klaus commença à bouger lui aussi, signe de son proche réveil, et le dragon prit un malin plaisir à lui assener sur le flanc un petit coup de queue, dans le but évident de le tirer de sa torpeur rêveuse.

°Je suppose que tes aptitudes magiques ne te permettent tout de même pas de te téléporter jusqu’en bas de cette falaise.° soupira-t-il, conscient du devoir qui lui collait à la peau. °Deux solutions s’offrent alors à toi : soit tu uses de tes petites pattes pour courir jusqu’en bas. Soit, à mon plus grand désarroi, tu grimpes sur mon dos sans plus d’histoire.° Le sérieux de la situation l’avait départi de toute ironie.

Cette proposition aurait habituellement dû écorcher Verith, mais l’idée de faire ce que bon lui semblait dans les airs avec Klaus sur le dos l’amusait, bien que le temps ne soit pas à la rigolade. En réalité, il ne laissait pas vraiment le choix au magicien.

Bien sûr, Verith ignorait totalement ce qui aurait pu pousser Klaus à le suivre et l'aider dans cette quête soudaine, mais l'homme lui, avait belle et bien une raison plus que valable qu'il était préférable de taire. Il était déjà plus qu'évident que la présence des bipèdes offusquait ce dernier, alors lui dévoiler tout de suite le pourquoi du comment ne ferait qu'attiser cette haine qu'il semble porter dans son cœur envers les divers peuples demeurant sur Armanda. Cette méfiance qu'il tentait de dissimuler à l'égard de l'humain était plus que justifier, bien que les coups en traître n'était pas la spécialité de ce dernier qui lorsqu'il avait une idée en tête ne s'en cachait pas vraiment et n'hésitait pas à la dévoiler au grand jour. A vrai dire, cette proposition lui rappelait étrangement la situation qu'il avait connu il y a de ça plusieurs mois lors de sa première rencontre avec Merithyn, bien que l'échange verbal lui n'avait pas été aussi intense de part le respect dont avait fait preuve face à un être n'étant pas de son espèce. S'il y avait de la bonté dissimulé sous cette carcasse ? Honnêtement, pas vraiment, cela relevait uniquement de l'intérêt personnel. Cette idée de voyager par un moyen qu'il n'avait encore jamais pratiqué, mais aussi étendre ces connaissances sur le monde en constantes évolutions... Sans oublier ce détail qu'il ne voulait pas soulever pour le moment. Évidemment, Verith faisait preuve d'un peu de réticence face à ce soudain élan de générosité chez Klaus et il ne manqua pas de lui faire savoir, il n'avait aucune confiance en l'humain, ce qui était plus que légitime... Mais sans vraiment y prêter attention, la voix grave du Chasseur s'éleva lentement :

« De toute évidence, ce manque de confiance finira tôt ou tard part te perdre. Tu n'es certainement pas sans savoir que quelques uns de tes congénères ont perdu la vie sur ces terres, les danger ici présent ne sont pas à sous-estimer, nous les bipèdes disposons de ressources insoupçonnées de votre part. Et je doute au vue de ta précédente question que tu ais véritablement autant de temps à perdre pour retrouver les tiens. »

Concernant la disparition de Dragons sur Armanda il n'en savait à vrai dire pas grand-chose, mais peu de temps avant sa rencontre avec Merithyn, Klaus avait eu une étrange sensation, la magie ambiante et constante sur les terres avaient régressé et peu de temps après la nouvelle d'un être maudit par le sang de dragon avait parcouru les terres. Puis bien entendu au détour d'une traque ou deux, le Chasseur avait eu quelques informations plus qu'utile concernant le clan vampirique sur lequel il ne tarderait pas tôt ou tard de tomber et cela peu importe le prix à payer.
Cette phrase qu'il venait de finir vint rapidement se perdre lorsqu'il replaça le masque sur son visage, celui-ci soulevait un mystère en plus qu'aimait s'offrir l'homme qui déjà en dissimulant sa tête sous cette immense capuche animait la curiosité de certains, cette petite nouveauté ajoutait une petite touche... tendance dirons-nous.

Skade était donc la mère de Verith, voilà le nom qu'il n'avait pas retenu tout à l'heure. A quoi pouvait bien ressembler la mère d'un Dragon déjà si imposant ? Surtout qu'il ne connaissait déjà pas l'âge du Reptile, sa mère pouvait très bien avoir le double de son âge actuel, si ce n'est pas le triple ou bien au-delà. En fait, il n'en savait rien, la longévité des Dragons était encore un mystère pour lui, cette mission de reconnaissance à la recherche de cette dernière lèverait certainement le voile sur la question. Quant au deuxième nom, il ne lui évoqua rien du tout, un peu plus tôt il avait simplement évoqué le nom de sa mère et certainement de son père, mais celui-ci... Estelen, ne lui disait absolument rien. Deux pour le prix d'un donc, ce qui n'était pas vraiment prévus d'ailleurs, mais à quoi bon rebrousser chemin après avoir émis tant de conviction concernant l'envie de « l'accompagner » dans cette quête. Toutes ces questions qu'il ruminait dans sa petite tête de « petit homme » avait un effet soporifique sur lui qui malgré ce regain d'énergie donnait déjà quelque signe de fatigue et avant même qu'il ne laisse Verith poursuivre, il approcha lentement la paroi qui l'attirait de plus en plus et sans même prendre le temps de prévenir, l'homme se laissa emporter par le sommeil qui l'avait gagné percevant tout juste les quelques sonorités des mots prononcés par la créature.

Voilà quelque chose de peu banal, lui qui aimait tant être seul et ne pouvait pas imaginer s'endormir dans un coin en compagnie de quelqu'un venait de s'écrouler sur le flanc d'une montagne et qui plus est, en compagnie d'un Dragon... Par mesure de sécurité ou simplement par réflexe, Klaus s'était tout de même assoupit avec la main à l'intérieur de sa veste cette dernière déposée sur le manche de sa petite dague dont il ne se servait presque jamais sauf cas d'extrême nécessité. La notion du temps il l'avait perdu lors de son premier réveil, la nuit ne devrait pas tarder à tomber et ses instincts de traqueur prendrait rapidement le dessus s'ils ne quittaient pas tous les deux les lieux, à savoir désormais si l'envie de chasser le vampire serait plus grande que celle d'accompagner le Reptile. Sous son masque et cela malgré les circonstances l'homme semblait pour la première fois plus détendu que jamais, peut-être grâce à la présence de Verith ce qui serait une explication pour lui plus que douteuse ou alors tout simplement parce que ses forces l'avaient lâchement abandonné après les soins prodigués... Ou bien tout simplement un petit mélange des deux.

Quelques heures s'étaient écoulées depuis qu'il s'était assoupis et même avec autant d'heure de sommeil, il ne semblait pas décidé à se réveiller en oubliant presque ce qui l'attendait à son réveil, de son côté la Créature venait de faire surface et ne manqua pas de le faire savoir à l'homme qui dormait paisiblement ou presque puisqu'il commençait à bouger légèrement en réponse à l'agitation de son compagnon de mésaventure qui ne manqua pas de lui donner un petit coup de queue afin de l'extirper au plus vite de son sommeil. Et la réaction de Klaus ne fut certainement pas celle à laquelle il s'attendait, dans un sursaut digne d'un animal monté sur ressort, l'homme fit un bond hors norme sans avoir à utiliser le moindre sort avant d'envoyer une boule de feu en direction de la tête de Verith.

« Bordel ! Qu'est-ce que ?! » S'écria-t-il avant de reprendre ses esprits et secouer la tête : « Ah... Verith. Je t'avais presque oublié... » Souffla l'homme d'un ton un peu plus doux. « C'est officiel, j'ai passé l'âge de ce genre de réveil. » Dit-il en époussetant ses affaires sans vraiment s'excuser pour la boule de feu. « Comme j'ai pu me retrouver aussi loin en si peu de temps ? »

En effet, le bond qu'il avait réalisé lors de ce réveil surprenant l'avait mené tout droit au bord d'une corniche prêt à piquer une petite tête dans le vide. C'est à ce moment précis qu'il se rappela pourquoi il ne prenait plus le temps de dormir, la crainte d'être surpris et prit en traître était constamment présente autour de lui et mourir de la sorte aurait le don de le mettre de très mauvaise humeur et cela mort ou pas. Concernant la boule de feu... Verith était un Dragon après tout cela n'aurait certainement même pas l'effet d'une égratignure, d'autant plus que ce coup était un simple coup de semonce. En gros, s'excuser ne serait pas vraiment utile surtout qu'il avait dû viser bien loin de la créature pourtant suffisamment imposante pour ne pas la manquer, mais le réveil brutal avait légèrement joué sur la vision de l'homme. Quoi qu'il en soit, Verith ne lui laissa pas le temps de réagir sur quoi que ce soit et prit la parole dans un élan tout aussi sérieux que celui qu'il avait arboré en évoquant les siens.

« Tu as encore beaucoup à apprendre de nous... Et encore plus de moi. » lâcha Klaus face à cette remarque réalisée sans fondement, car il aurait aisément pu se rendre en bas de cette montagne en quelques secondes, la distance d'un bond pouvait s'avérer être assez élevée et il n'était bien sûr pas impossible d'accumuler les bonds pour progresser sur une certaine distance sans perdre de temps. « Mais puisque tu le proposes si gentiment, il serait mal vue que je décline cette proposition... » Dit-il en utilisant un bond pour grimper aussitôt sur le Dragon qui ne s'attendait sûrement pas à ce qu'il ne perde pas la moindre seconde.

Toutefois, cette proposition avait été réalisée bien trop simplement. Cela cachait certainement quelque chose, une surprise de la part de Verith peut-être ? Quelle délicate attention de sa part... Une fois sur le dos de ce dernier, Klaus apparut sous son masque quelque peu perplexe. En effet, il n'y avait rien pour s'accrocher, pas de selle, ni même une simple corde à laquelle il aurait pu se tenir. Ses jambes ne faisaient bien évidemment pas le tour du corps de ce dernier, la position était donc bien plus inconfortable qu'il l'imaginait d'autant que les écailles étaient pour certaines tranchantes voir glissante. Pour l'occasion le sort peau de Dragon était le bienvenu, son corps pourrait comme ça sans trop de problème encaisser les éventuels frottement sur cette peau rugueuse et aussi dur que le roc.

« Il va falloir penser à t'équiper mon petit père... D'ailleurs les Dragons ont-ils un peu d'argent sur eux ? Car je pense que ma tenue ne tiendra pas le coup bien longtemps. » Cette question était plus que rhétorique puisqu'il connaissait la réponse. « Voler de nuit, cela ne me gêne pas, mais j'espère tout de même que tu n'es pas un adepte des montagnes et que ta vue est à la hauteur. »

Puis il ajoute sur le ton de l'humour n'en pensant pourtant pas moins :

« Si tu pouvais éviter de me laisser tomber en plein vol, cela comme tu t'en doutes m'arrangerait beaucoup. »

Quoi qu'il en soit tout était prêt dans l'éventualité ou il voudrait lui jouer un tour, si lui n'avait pas confiance en Klaus, le sentiment était partagé de son côté.

« Je suis... prêt. » Il marqua une courte hésitation qui ne manquerait pas de déplaire à Verith.

Verith apprit, bien contre son gré, que les réflexes de Klaus étaient plus aiguisés que la dague qu’il s’efforçait de dissimuler sous son manteau. À peine sa queue eut-elle effleurée le flanc du magicien, jusqu’à finalement le bousculer, que ce dernier bondit sur ses pieds à plus d’un mètre de son lieu de repos et envoya une boule de feu droit sur le museau du dragon. Celui-ci, pris de court, recula son long cou reptilien pour esquiver l’attaque incongrue, avant de fusiller du regard son mécène. Au bord d’une étroite corniche, Klaus reprit ainsi ses esprits, époussetant prestement ses affaires sans un regard vers la victime de sa subite offensive, et sans même une excuse pour ce léger désagrément. Verith souffla bruyamment par les narines, dans l’équivalent d’un soupir agacé chez les humains et autres peuples d’Armanda, avant de reporter son attention sur le ciel. Il se sentait revigoré et apte au vol. Les sorts de guérison de Klaus avaient fait leur effet durant leur repos commun et le dragon ne ressentait seulement de rares douleurs à des points stratégiques de son organisme, rien de plus. Ce genre de plaies intérieures qu’il avait appris avec art et manière à ignorer. Quant au magicien, ce dernier semblait lui aussi avoir recouvré ses forces et sa vivacité passée. Désormais tiré de sa torpeur rêveuse, il affichait son éternelle assurance avec bien plus de conviction que quelques heures plus tôt.

Pour sûr, il affirma implicitement être capable de se débrouiller seul pour se déplacer rapidement, avant de finalement accepter la proposition –à contre cœur- de Verith. Ce dernier n’était pas dupe, et malgré ce que pouvait penser Klaus, il doutait que ce dernier parviendrait en bas de cette montagne, et à ce moment-là, parviendrait à le suivre ou le guider, sans au passage épuiser le peu d’énergie qu’il venait de récupérer. Dans la situation du dragon, voler sur de longues distances et durant une continuité interminable d’heures ne semblait pas lui poser de soucis. Lorsque deux assurances aussi tenaces se rencontraient, la faille de chacun paraissait indécelable. Ne perdant pas de temps, le magicien se téléporta en un battement de cil sur le dos de Verith, prenant ce dernier au dépourvu, s’attendant peut-être à davantage d’hésitation de sa part. Mais bon, plus tous deux cesseraient de tergiverser, plus vite Skade et Estelen seraient retrouvées. Alors que le corps de l’homme entrait en contact avec les écailles du dragon, celui-ci se retint bien difficilement de sursauter. Non pas que cette brusque venue venait de l’effrayer, mais la présence du magicien sur son dos avait quelque chose de relativement étrange. Peut-être était-ce le manque d’habitude, du moins il tenta de s’en convaincre. La timide idée que ce passager n’était pas si désagréable à soutenir l’effleura, mais il la chassa bien vite.

Verith sourit intérieurement face à la soudaine surprise de Klaus, vraisemblablement mal à l’aise sur son dos écailleux. Il tourna légèrement la tête vers lui, l’observant chercher sur son dos une quelconque prise pour s’agripper, en tâtant au passage du tranchant de ses écailles. Le magicien sembla remédier à cela avec l’aide d’un sort de renforcement épidermique, bienvenu dans sa posture. Il fit d’ailleurs remarquer, non sans son incontournable ironie, que Verith devrait, à l’avenir, penser à s’équiper comme il se doit. Insinuait-il une selle et tout le baltringue ? Il en était tout bonnement hors de question, même si l’affirmation du magicien tenait plus de l’humour –ou presque ?- que de l’irréversible. Pour la première fois, la suite de sa réplique arracha un sourire désabusé à Verith. Sur sa terre natale, ce n’était non pas les montagnes, mais les falaises dont il était adepte. Il doutait toutefois que Klaus lui viendrait de nouveau en aide si un rocher poussait malencontreusement au milieu de sa trajectoire, alors il tâcherait de se montrer prudent. Du moins, c’était ce qu’il laissait paraître, alors que le mot « prudence » ne lui avait jamais rien évoqué. Un défaut découlant de sa témérité inconsciente qui était un point commun avec Klaus, ou seulement presque.

°Je suppose que te demander de t’accrocher serait mal vu ?° demanda Verith sur le ton de l’humour avant de s’approcher au maximum du bord de la falaise. Il sentait sous ses pas, sous la mouvance de ses muscles, le corps de Klaus légèrement soulever par ses gestes, suivant la dépendance de ses tendons. Un frisson imperceptible traversa tout son corps, du haut de son crâne à la pointe de sa queue. Cette présence insolite ne cessait de l’intriguer en même temps de le repousser, et ce bien plus par principe qu’autre chose.

Une fois au bord du gouffre, Verith observa quelques secondes le vide qui semblait les appeler tous deux, les inviter au plongeon, et le dragon se retint se filer droit vers le bas, conscient que Klaus ne suivrait pas le rythme, et que sa méconnaissance des dangers de ces terres pourrait lui faire défaut. Il jeta un dernier regard au magicien, s’assurant que ce dernier était prêt, avant de déployer vélocement ses ailes et de s’élancer dans le vide avec une puissance inouïe. Verith sentit ses écailles effleurées de toute part par le froid zéphyr régnant à une telle altitude, et Klaus s’aplatir sur son dos pour ne pas recevoir les fortes bourrasques de plein fouet. Le dragon laissa le flux de vent le plus adéquat le porter, et une fois ce dernier rejoint, la peau de ses ailes se tendit et sa vitesse, déjà avantageuse, sembla doubler, ses battements s’accélérant peu à peu. Verith ressentait le petit poids de Klaus sur son dos, agrippé maladroitement pour ne pas tomber. En-dessous d’eux, le paysage défilait lentement, de par leur importante altitude. Et à l’horizon, le soleil se couchait, et ce tableau étrangement pittoresque n’en restait pas moins dérangeant dans l’esprit de Verith.

°À toi de me guider.° lâcha Verith.

Mais à peine eut-il prononcé ces mots qu’il entama une descente relativement raide vers la terre. Ses ailes avaient cessé de battre, restant tout de même ouvertes pour ralentir la chute, et son corps se laissait attirer irréversiblement par le sol, jouant contre les lois de la pesanteur et de la gravité d’Armanda. Verith sentit Klaus glisser peu à peu et, à une hauteur respectable, ni trop près de la terre pour avoir plus de chances de retrouver Skade mais ni trop haut pour ne pas confondre les éléments terrestres, le dragon repiqua et reprit une trajectoire potentiellement normale et stable. Sous le coup de l’adrénaline et de ce surplus de liberté aérienne, il avait malencontreusement omis –ou plutôt volontairement oublié- la présence du magicien sur son échine. Les deux boules de feux se valaient équivoques, et désormais, elles ne semblaient plus peser sur l’orgueil de Verith, satisfait de l’effet vengeur de cette chute libre, qui pourtant ne paraissait pas avoir déstabilisé Klaus plus qu’il n’en avait l’air. Cet homme était vraiment attaché à sa fierté avec du fil de plomb.

Klaus se disait prêt, était-ce vraiment le cas ? Pas vraiment, mais il n'avait pas le choix que d'assumer ses propos puis rebrousser chemin au dernier moment était absolument hors de question. Pourtant, l’appréhension du premier vol sur le dos d'un créature qu'il n'avait encore jamais eu l'occasion d'approcher d'aussi près était elle, belle et bien présente. Tant pis, après tout il ferait avec un point c'est tout. Pour le moment tout allait bien puisqu'ils n'avaient pas encore décollé, mais cela ne durerait pas et le Magicien le savait mieux que n'importe qui. Néanmoins, les quelques paroles proférées par Verith à l'encontre de Klaus vinrent le soulager l'espace d'un instant ou du moins, lui éviter de penser un peu trop à ce qui allait suivre, car si les hommes avaient été fait pour voler, cela se serait n'est-ce pas ? S'accrocher ? Bien entendu ! Il n'allait tout de même pas se mettre debout en plein air et écarter les bras en criant « je vol ! » et ce que le Dragon prenait comme une petite note d'humour, pour Klaus il n'en fut rien, d'ailleurs il se contenta simplement de grimacer derrière son masque lorsqu'il put enfin se rendre compte qu'il approchait du bord de la falaise pour enfin s'élancer. Sous les mouvements de Verith qui avançait lentement, les vêtements de l'homme eux se déchiraient petit à petit, bientôt il finirait dans la plus simple des tenues puisque le sort agissait uniquement sur sa peau et non pas sur l'ensemble de son corps ainsi que ses habits.

« Hum... Doucement... Hein ? » Pour le coup il n'eut pas d'autre choix qu'exprimer une infime once de crainte quant à ce qu'il pourrait se passer lors de la descente. Finalement peut-être que la première proposition, à savoir descendre du flanc de la montagne par ses propres moyens était peut-être la bonne. Il se pencha lentement en s'agrippant au mieux, le vide se trouvant en dessous était beaucoup plus impressionnant qu'en ayant les pieds sur la terre ferme, il s'agissait ici tout simplement d'un effet psychologique qu'il finirait tôt ou tard par surmonter... Du moins, c'est ce qu'il espérait. Quand le Dragon tourna la tête une dernière fois en direction de Klaus, ce dernier se racla la gorge doucement tout en observant les immenses ailes de la créature se déployer de tout leur long pour enfin le laisser plonger dans le vide. A ce moment précis, il se passait énormément de choses dans la tête de l'humain qui hésitait entre crier comme jamais ou fermer les yeux en espérant que cela passe au plus vite, mais à vrai dire, aussi têtu soit-il, il n'en fit rien et se contenta de s'allonger de tout son long sur le dos de Verith pour éviter de subir le contrecoup du vent qui avait par la même occasion fait voler en éclat la capuche du Grand Maître. Après plusieurs secondes qui semblèrent interminable, le Dragon fut stabilisé, se laissant porter par le vent afin de reprendre une allure un peu plus constante tandis que ses ailes battaient un peu plus vite à chaque impulsion. Klaus lui était agrippé tant bien que mal aux écailles de ce dernier, elles étaient toutes plus coupantes les unes que les autres et même le sort de renforcement ne suffisait pas à le protéger de l'apparition de petites coupures fines, mais qui ne tarderaient pas à être dérangeantes.

Juste en dessous de lui, le paysage défilait à une vitesse fulgurante ce qui de toute façon n'était pas un soucis puisqu'il n'avait pas le temps d'en profiter, sa tête légèrement incliné pour tenter d'apercevoir l'horizon, il put apercevoir les quelques lueurs du soleil disparaître peu à peu. Ce vent important balayait sans cesse son épaisse chevelure ainsi que ses vêtements ou du moins ce qu'il en restait qui venaient fouetter la peau de l'humain de plus en plus vite.

** Plus facile à dire qu'à faire... **

Soudain, le drame... Verith plongea se laissant tomber les ailes toujours déployer dans un quelconque but échappant à un Klaus complètement perdu face à l(aérodynamisme de ces créatures ailés. Il eut un léger haut le cœur, alors que son corps commençait à se soulever lentement... Ses jambes serrant tant bien que mal le corps du reptile lâchaient petit à petit leur étreinte sans parler du sol qui se rapprochait de plus en plus dangereusement. S'il avait cherché à lui faire peur, c'était gagné du moins en quelque sorte, car cette proposition alléchante de voyager sur son dos dissimulait donc bien quelque chose. Certainement un juste retour des quelques réactions que le petit humain avait pu avoir à son égard. Toutefois et comme il savait si bien le faire, il tenta de ne rien laisser transparaître, sa fierté bien trop démesuré pour afficher pleinement son véritable état actuel. Dans un élan quelque peu fougueux, le Dragon repiqua avant de se stabiliser tandis que Klaus lui ne tenait plus que par la force de ses bras, ses jambes ayant quitté le corps du reptile, il se demandait encore comment il avait fait pour tenir autant... Peut-être la peur de se faire écraser comme une crêpe lui avait donné des ailes... En quelque sorte.

« Bien... Alors tout d'abord je tenais à dire que tu n'es qu'un... » Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que l'une de ses mains vint subitement arracher son masque pour le laisser régurgiter le peu de nourriture qu'il avait dans l'estomac. Tant pis, il était en plein air et cette substance giclant abondamment de sa bouche et quelque peu nauséabonde irait se perdre on ne sait trop où sur Armanda...

Lui qui avait tenté de garder toute sa fierté, ne put malheureusement pas luter contre son état de santé et face à ce mal de l'air dont il était vraisemblablement victime. Pour un premier baptême de l'air, c'était plutôt réussit et Verith avait eu ce qu'il voulait, on pouvait donc en déduire qu'ils étaient tous les deux quitte, mais c'était sans compter sur Klaus qui un jour ou l'autre finirait par faire pencher de nouveau la balance en sa faveur.

Il se redressa alors doucement pour ne pas faire de gestes trop brusque et tenter un nouveau renvois, ses jambes se reposèrent sur le dos du Dragon, son pantalon n'en était plus vraiment un et ses mains semblaient laisser échapper quelques filets de sang malgré l'absence de douleur, une fois le sort dissipé il n'aurait pas une seconde à perdre s'il ne voulait pas souffrir inutilement.

« Très amusant... Je ne savais pas que les Dragons avaient le sens de l'humour. » Grogna-t-il en mettant de nouveau la main devant sa bouche en sentant une nouvelle sensation l'envahir, pour au final ne laisser échapper qu'un petit rot. « Je crois que ça va mieux, merci de t'en soucier. »

Klaus marqua alors une courte pause afin de s'assurer qu'effectivement il allait un peu mieux, bien sur son état de santé n'était pas le meilleur qui soit et la pâleur de son visage en disait long sur ce trajet qui allait s'annoncer bien plus long et compliqué qu'il ne le pensait... Mais il ne pouvait pas s'attarder sur ce détail puisqu'il avait dit qu'il donnerait un coup de main à Verith lors de ses recherches... Ne sachant pas trop à quoi s'en tenir il prit la peine de réfléchir encore un moment tout en s'agrippant un peu plus au Dragon ne voulant même pas prendre la peine de regarder dans le vide.

« Je pense qu'il est préférable de commencer par cette Skade. Nous commencerons par survoler le Royaume Elfique, on ne sait jamais. Ils ne devraient pas avoir manqué l'atterrissage d'un Dragon si tel est le cas. J’émets tout de même une certaine réserve à survoler l'empire Humain... Je ne les porte pas particulièrement dans mon cœur. Je ne voudrais pas compromettre nos recherches, il serait donc préférable de prendre un peu plus d'altitude le moment venu... »

Son premier choix se porterait donc sur l'endroit dont il ne craint pas grand-chose, le Royaume Sylvestre. Néanmoins, ils ne pourraient survoler que les alentours ce qui devrait être déjà suffisant, du moins il l'espérait. Replaçant son masque sur son visage, il indiqua la voie à suivre pour approcher le royaume Elfique se trouvant à l'opposé de leur position actuelle. Ne prêtant pas plus que ça attention à la végétation qui défilait à toute vitesse sous ses pieds, il méditait encore à la prochaine destination qu'ils devraient entreprendre, d'autant plus que Verith ne supporterait certainement pas longtemps que celui qui le guide actuellement n'ait de cesse de se tromper dans ces choix. Par la même occasion, il avait tout de même pris la peine d'aborder un sujet sensible le concernant, mais comme il s'en doutait, le Dragon ne s'y intéresserait pas se sentant probablement une nouvelle fois indifférent à ces propos. Alors il préféra passer à autre chose le plus rapidement possible :

« Et à quoi dois-je m'attendre ? Si je pouvais en savoir un peu plus sur Skade et ses habitudes, cela pourrait fortement influencer mon choix et donc faciliter les choses... »

A cette vitesse, les recherches prendraient quelques heures tout au plus, en espérant bien entendu que le Dragon n'en fasse pas nouveau qu'à sa tête en chemin et ne se décide à envoyer valser le Grand Maître encore un peu chamboulé par le décollage...

La trajectoire de Verith se stabilisa enfin, et il se laissa quelque peu planer, usant de quelques battements d’ailes lorsque le vent jouait en sa défaveur. Sur son dos, Klaus se remettait lentement des sensations passées, et de la chute vertigineuse que le dragon avait exécuté une poignée de minutes plus tôt. Alors que le magicien s’apprêtait à lancer une insulte ou autre appellation déplacée à Verith, il arracha subitement son masque, dans un geste plus maladroit que rapide, avant de déglutir le peu qui semblait habiter son estomac. Cette déjection nauséabonde se perdit dans les airs, vélocement emportée par les vents contraires, et le reptile géant ne tenta pas d’imaginer la réaction des habitants demeurant peut-être en contrebas, malheureux de recevoir l’intérieur du ventre d’un des leurs sur la tête. Comme première approche avec les Armandéens, il aurait certainement pu faire mieux, ou du moins plus mélioratif, même si cette situation l’avait amusé un tant soit peu. Le magicien se redressa alors lentement et prudemment sur le dos de Verith, après s’être suffisamment vidé, et tenta de reprendre une position potentiellement confortable sur le dos de ce dernier, reposant ses jambes sur son échine.

L’odorat développé des dragons, tout comme la plupart de leurs autres sens les confondant parfois avec de vulgaires animaux, cerna les légers effluves de sang qui se perdaient dans l’air, et Verith comprit instinctivement d’où elles tiraient leur source : son passager ne semblait pas dans la meilleure des postures. Il ne culpabilisa pas, loin de là, mais savoir la seule personne capable de l’aider à retrouver Skade et Estelen en train de se blesser peu à peu sur ses tranchantes écailles ne l’enchantait pas plus que cela, même s’il restait en parti coupable de cet acte. Il laissa donc supposer, peu friand de se prendre la tête avec ce genre de désagréments, que le magicien, fin guérisseur qu’il était, pourrait tenir le coup jusqu’à ce que Skade et Estelen soient retrouvées. Le dragon n’avança rien durant quelques secondes, laissant planer un silence pesant entre eux d’eux. Son regard parcourait la terre à la recherche de sa mère, bien plus imposante que sa demi-sœur soit bien plus facile à dénicher sur un continent si vaste.

°Je n’émettrai aucun commentaire sur ce soudain vidage d’estomac.° lâcha Verith. °Toutefois, laisse-moi plaindre tes pauvres congénères en contrebas, en espérant que ton adaptation aérienne se fera au plus vite, humain.°

Klaus, tout comme le dragon, semblait préférer partir sur les traces de Skade plutôt que sur celle d’Estelen, ce qui semblait pour le moins logique. Il entama donc quelques instructions, hasardeuses, certes, mais toujours utiles. Lui seul avait conscience des distances et des territoires de ce continent, et à son plus grand désarroi, Verith restait bien obligé de se plier à ses intuitions. Le magicien avoua son inimitié vis-à-vis des humains, et le dragon ne put s’empêcher de retourner quelque peu la tête dans sa direction et de lui jeter un regard interrogateur, sans pourtant formuler la moindre question. Aux dernières nouvelles, Klaus était un humain, ne possédant aucune caractéristique capable de le confondre avec un elfe ou un vampire. Toutefois, Verith respecta le recul que l’homme désirait prendre, se convainquant que survoler déjà tout l’empire elfique ne serait de toute façon pas une mince affaire, alors ce but resterait le premier pour l’instant. Replaçant ensuite son masque sur son visage, Klaus indiqua la direction du royaume des elfes, à l’opposé de leur position actuelle, et Verith s’engagea dans ce nouvel aiguillage.

Suivant les conseils du magicien, le dragon battit quelque peu des ailes pour reprendre une once d’altitude, facilitant ainsi leurs recherches et renforçant peut-être par la même occasion les intuitions de l’homme. Cette fois-ci, le reptile géant s’éleva en plus en douceur que dans sa chute, sa fierté étant en quelque sorte déjà vengée et non désireux de torturer son passager plus qu’il ne l’était déjà avec ces écailles. Ce dernier lui venait en aide en le guidant, Verith divergea donc une fois mais pas deux. Sous eux, le paysage sembla se mouvoir avec lenteur et langueur, et la terre s’irisa bientôt d’arbres, jusqu’à finalement se recouvrir en sa globalité de forêts. S’appuyant sur les légendes contées par Skade, le dragon prit alors conscience du lieu où il se trouvait : le Royaume Silvestre, domaine des elfes et recueil le plus limpide de la nature, sans aucun doute. Ce lieu protégé des dégâts humains étendait ses bois sur des kilomètres à la ronde, si bien qu’après une heure de vol avec une vitesse plus que convenable, Verith n’en apercevait toujours pas l’autre extrémité. Seulement alors, ce dernier répondit à la dernière question de Klaus, à laquelle il n’avait pas daigné faire attention une heure plus tôt, simplement par soucis d’informations à garder ou par son manque d’habitude vis-à-vis de la curiosité du magicien :

°Ma mère reste une dragonne imposante, de par son âge avancé. Si tu désires un ordre de grandeur, humain, elle fait sans peine plus du double de ma corpulence. Ses habitudes me sont ensuite inconnues, ne l’ayant jamais côtoyé dans une tempête magique ou autre danger de ce type pour cerner précisément ses réactions. Toutefois, il ne serait pas étonnant qu’elle tente de se rapprocher des Armandéens, donc de vos cités.°

S’il avait mis tant de temps à répondre, c’était aussi pour la simple et bonne raison que ces détails aideraient peu l’homme. Du moins, c’était ce que le dragon pensait. Il ne s’était jamais vraiment interroger les habitudes de sa mère, comme celles de sa sœur, se contentant de leur présence commune et de leur affection réciproque. À vrai dire, il avait, tout au long de son enfance et de son adolescence, passé plus de temps dans les duels et autres combats parfois périlleux pour ne s’être que peu soucier de sa famille, sans jamais réellement le regretter. Ce jour-là, il comprenait que ces quelques informations auraient peut-être pu tourner les recherches à leurs avantages, mais il était un peu tard. Suite à ses paroles, ils quittèrent tout de même le territoire elfique avant de s’aventurer dans le royaume des humains, sans pour autant l’aborder complètement, faute de la réticence de Klaus vis-à-vis de ses congénères. Ils survolèrent deux cités, non sans plus de nouveautés, et le soleil déjà disparu à l’horizon n’aidait pas leurs recherches.

°Cela fait la seconde ville que nous inspectons, sans moindre succès. En existe-t-il une peut-être plus près de la côte où Skade pourrait se trouver ?°

Alors que le Dragon semblait lui plaindre les potentielles victimes de ses déjections inopinées dû à cette réaction peut-être un peu trop excessive de la part de Verith en plein vol, Klaus lui n'en fit absolument rien ! De plus, il n'en avait rien à faire et n'affichait pas le moindre sentiment de culpabilité à leur égard. A vrai dire, tout ce qui pouvait toucher de près ou de loin les êtres humains et donc la race dont il est issu ne le dérangeait pas le moins du monde, bien qu'il lui arrivait tout de même par la force des choses à leur prêter main forte, comme lors de cette étrange maladie. Mais pour le moment il n'avait qu'une seule et unique chose en tête, se remettre de ses émotions dont il aurait sans problème fait abstraction si la force du corps n'avait pas été plus forte que tout. Après que la créature ailées se soit stabilisée, il put en partie reprendre ses esprits et le dessus sur ses nausées du moins en apparence, car il était toujours aussi dérangé par la sensation de vol et ce n'est qu'après tout ça que les premiers ordres ou plutôt conseils furent donnés à Verith afin d'entamer au plus vite les recherches.

Si le Royaume Sylvestre était son premier choix, il n'en était pour autant pas forcément le plus judicieux et il en avait conscience, mais la végétation et l'atmosphère magique qui y régnait suffiraient à lui redonner un petit coup de fouet, du moins c'est ce qu'il espérait au fond de lui, un petit retour aux sources ne faisait jamais de mal, mais au point de requinquer un simple humain c'était une autre affaire. Klaus savait que cette perte de temps aurait pu agacer le Dragon, mais étant donné que ce dernier ne connaissait absolument pas les lieux, il n'y verrait que du feu et l'homme pourrait gagner un peu de temps pour réfléchir un peu plus longuement. Afin de pouvoir faire fonctionner le peu de cervelle dont il dispose, il se devait de poser quelques questions puisqu'il ne connaissait rien sur ceux qu'ils devaient rechercher mise à part leur nom et cela n'aiderait en rien. Pour Klaus diriger un Dragon était une chose bien plus difficile qu'il ne le pensait, non pas que donner des ordres ou des indications le dérangeait loin de là, mais n'ayant pas pour habitude de voyager dans les airs, il n'avait pas non plus l'habitude de se diriger là-haut et le paysage défilait à une vitesse telle qu'il n'avait pas vraiment l'occasion d'apercevoir quoi que ce soit, d'autant plus que regarder dans le vide était une chose inenvisageable pour lui étant donné les symptômes précédemment cités. Mais avec un peu de chance et réflexion il réussit tout de même à le mettre sur la bonne voie. Bien entendu, il n'y avait aucune trace de Skade, mise à part la végétation et l'agréable sensation de pureté qui flottait ici, il n'y avait rien. Pour l'occasion, Klaus tenta tout de même de se pencher lentement sur le côté afin de regarder un peu en dessous, mais il se reprit rapidement en se redressant brusquement pour ne pas sombrer dans le vide.

« Ca ne sera pas pour tout de suite... » Il lui faudrait un temps d'adaptation c'était certain, mais combien de temps cela prendrait-il ? Il n'en savait rien, mais ne semblait pas prêt à remonter de nouveau sur le dos d'un quelconque Dragon. « Il serait peut-être temps de m'en dire un peu plus non ? »

Et à peine eut-il fini de prononcer ces quelques mots que Verith prit enfin la parole afin de lui faire part d'un peu plus d'information, Skade était donc d'un certain âge, mais qu'est-ce que cela représentait pour un Dragon un âge avancé ? D'autant qu'il ne connaissait même pas celui du Dragon avec lequel il volait. Plus du double de la corpulence de Verith ? Allons bon... Il y avait donc encore plus grand que celui-ci... De toute évidence, s'il avait été au sein du Royaume Elfique sa présence aurait été rapidement remarquée. Enfin, une information importante lui fut apportée, d'après lui, il ne serait pas étonnant qu'elle ait tenté de rejoindre la civilisation humaine. A cette simple idée, Klaus laissa échapper un soupire qu'il ne prit pas la peine de dissimuler avant de prendre la parole :

« Tu n'aurais pas pu me le dire avant... » Envoya-t-il plus pour dire quelque chose pour embêter le Reptile. « Je pense savoir par où commencer, il y a une première ville non loin d'ici, une dont je me passerais volontiers le survol, mais puisque cela est nécessaire nous n'avons pas le choix. »

Il lui indiqua la nouvelle voie à prendre, obligeant par la même occasion Verith à virer de bord pour prendre la direction de Gloria la Magnifique, cette ville ou deux nombreux petits délits on été commis par Klaus lors de sa première visite, petit... le mot était faible, destruction d'une auberge, évasion de prison et cambriolage de la Bibliothèque royale. Un petit palmarès plutôt conséquent pour un homme effectuant sa première visite dans la ville. Quoi qu'il en soit, ils se mirent tous deux en route pour le Royaume humain qu'ils survolèrent comme l'avait conseillé l'homme avec une certaine altitude, traversant tout d'abords plus un hameau qu'une première ville, il n'y avait aucune trace de Skade tout comme à Gloria...

« Cette ville que nous venons de passer, il s'agit de Gloria la Magnifique. Elle abrite le palais de la famille Kohan lieu de résidence de l'empereur et de sa sœur la princesse. Je doute que ces informations t'intéresses, mais tôt ou tard elle pourront peut-être te servir. » Détournant légèrement la tête pour apercevoir le Palais qu'il venait tout juste de passer Klaus esquissa un petit sourire amusé derrière son masque, il savait qu'il reviendrait bientôt et qu'il aurait l'occasion de le faire savoir le moment venu. « Une ville près des côtes dis-tu ? J'en ai bien une en tête, mais elle est exactement à l'opposée de l'endroit où nous nous trouvons actuellement. »

[i]Il parlait d'Elena, mais il n'y avait encore jamais mis les pieds, pourtant le QG des larmes s'y trouvait un bâtiment insalubre et pittoresque qui avait été donné à la guilde pour y établir une petite base de fortune. Digne récompense pour un groupuscule comme celui-ci censé parvenir à intercepter un danger aussi important que cette bague. Mais soit ! Ils auraient le temps de se construire un endroit plus que potable le moment venu, Klaus n'en doutait pas. Toutefois, quelque chose n'allait pas, les nausées revenaient et il n'allait pas pouvoir poursuivre la route sur le dos de Verith à ce rythme.

« Par-là.» Indiqua Klaus en pointant du doigt une petite bâtisse ressemblant à une auberge en contre-bas. Il s'agissait ici en fait du premier lieu que l'homme rejoignait lorsqu'il voulait faire escale et où il avait pour habitude de laisser sa monture pour une durée pouvant varier régulièrement. « Je vais avoir besoin de descen... » Il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'il inclina de nouveau la tête en retirant son masque, mais cette fois pour une fausse alerte qui n'eut pas vraiment l'effet escompté. En effet, épuisé à cause de son état de santé, mais aussi par les blessures qui commençaient à envahir son corps il ne tenait plus vraiment et bascula dans le vide sans avoir la force de réagir entamant une chute libre vertigineuse fermant les yeux espérant éviter l'inévitable de la sorte.

Quand après de très longues minutes, Klaus les rouvrit il était sur la terre ferme, mort ? Vivant ? Un peu des deux ? Non, il était belle et bien en vie puisqu'il apercevait encore Verith non loin de lui. Il avait par miracle évité l'auberge, mais surtout évité de s'écraser comme une crêpe sur le sol. Reprenant ses esprits comme il le pouvait, sa première interrogation se porta tout d'abords sur son masque qu'il ne trouvait plus et n'avait plus sur le visage avant de se tourner vers l'immense Reptile :

« Hum... Comment est-ce que... ? » S'interrogea le Chasseur en évitant d'appuyer sur l'éventuelle possibilité que Verith lui ait sauvé la vie ce qui aurait pour effet de blesser l'homme solitaire qu'il est dans sa fierté. « Quoi qu'il en soit... Je ne compte pas remettre les pieds sur ton dos. » Grogna-t-il avant de poursuivre « Ce n'est pas que le voyage m'a déplut... Mais... » Finit-il en observant l'étendu des dégâts sur sa peau et ses vêtements. « Je poursuivrais la route à Cheval si cela ne te fait rien... Tu n'auras cas me suivre depuis les airs. »

Klaus savait qu'il perdrait du temps sur sa monture, mais il n'était plus envisageable après cette situation de poursuivre sur Verith... Ce premier vol serait probablement le dernier, les choses ne s'étant pas vraiment passées comme il l'aurait souhaité il n'était plus concevable qu'il continu à se mutiler pour un Dragon et ses semblables. Cherchant du coin de l'oeil sa monture qui n'était pas là, il ajouta :

« tu ne souhaites pas m'attendre, tu n'auras cas poursuivre au Nord. A condition de savoir où est-ce qu'il se trouve bien entendu... »

Il n'en dit pas plus, car il ne voulait pas être abandonné par le Dragon, cette curiosité le poussant à rencontrer Skade était bien plus forte que tout le reste. Peut-être aussi la présence de Verith lui apportait un petit quelque chose, encore fallait-il savoir quoi.

« Nous partirons une fois que j'aurais retrouvé ce fichu canasson... » Pesta l'homme en cherchant sa monture tant bien que mal, les vertiges encore bien présents n'aidaient en rien...

Leur destination variait de façon relativement sinusoïdale. En réalité, Verith pressentait bien le doute immiscé dans cette quête, en particulier dans les indications promulguées par Klaus. Les performances de ce dernier en orientation semblaient s’amoindrir au fur et à mesure que la nuit recouvrait les terres d’Armanda et que le ciel se parait d’une myriade d’étoiles éphémères. Après avoir survolé l’imposante cité de Gloria, décrite avec quelques informations qui pourraient se montrer utiles par le magicien, les deux protagonistes modifièrent leur cap pour progresser de nouveau vers les côtes, le lieu où Skade avait le plus de chance de se trouver. Alors que Klaus semblait résolument décidé à ne plus jamais zyeuter le vide en contrebas, sous peine d’être asservit par on ne sait quels vertiges ou, pire, nausées, Verith, lui, laissait son regard suinter sur le paysage, avide de tous détails capables d’indiquer la présence d’un dragon dans les parages. Toutefois, la profonde nuit installée sur Armanda ne lui venait pas en aide, et sa vue bien que développée ne lui permettaient pas d’inspecter les moindres surplombs en contrebas. Il tenta de se rassurer en se convainquant que la corpulence de Skade lui sauterait aux yeux dès qu’ils s’en approcheraient, et qui plus est, sa puissante magie ancestrale les alerterait peut-être.

Tirant Verith de sa contemplation attentive du sol, Klaus indiqua du doigt une petite bâtisse qu’ils s’apprêtaient à survoler, perdue dans la plaine comme une tâche d’encre noire pas encore diluée dans un verre d’eau. N’ayant cessé jusqu’ici de remuer maintes questions et interrogations concernant Skade et Estelen, le dragon en avait presque oublié la présence du magicien sur son dos, ainsi que son malaise grandissant. Pour sûr, Klaus n’eut pas le temps de venir à bout de sa phrase que Verith sentit son corps glisser sur ses écailles et quitter son dos pour embrasser le vide ambiant. Entamant une chute véritablement mortelle et vertigineuse, le magicien semblait au bout de ses forces. Levant les yeux au ciel, sans toutefois tergiverser davantage, Verith s’élança à son tour vers la terre, rabattant cette fois-ci ses ailes contre son dos pour accélérer davantage. Finalement, il parvint au niveau du corps de Klaus, balloté dans sa chute comme un pantin désarticulé, les yeux clos, et l’agrippa fermement entre ses griffes acérées, tentant de ne pas le transpercer avec ses serres au passage. Verith aurait très plausiblement pu laisser mourir ainsi ce magicien arrogant, mais l’idée de laver la dette invisible qu'il lui devait restait trop alléchante, et lui seul paraissait à même de l’aider dans sa quête. Il laissa de côté cette sensation incongrue qui l’avait aussi quelque peu pousser à lui épargner cette mort peu honorable.

Arrivé au sol, Verith déposa avec la délicatesse d’un dragon –c’est-à-dire sans aucune attention vis-à-vis du corps de Klaus- le magicien sur le sol, derrière la dite auberge. Le masque de ce dernier, lui, vint toucher terre avec brusquerie quelques mètres plus loin. Par dédain, le dragon ne prit pas la peine d’aller le récupérer, sans compter le fait que cet objet mystérieux lui déplaisait, lui qui cherchait souvent à observer ses interlocuteurs dans le blanc des yeux, sans aucun encombrement de ce type pour dissimuler leur visage. Klaus le retrouverait bien lorsqu’il reprendrait conscience quoi qu’il en soit. Verith le sondait du regard alors que le magicien restait prostré dans une semi-inconscience. Quelques minutes plus tard, il rouvrit enfin les yeux, quelque peu hébété d’être toujours en vie, et se tourna vers le dragon, lui faisant part de ses interrogations sans pour autant soulever la possibilité que Verith l’ait bel et bien sauvé, comme si ce fait serait un affront à sa fierté. Après quoi, il prit la décision formelle de ne plus remettre un pied sur le dos du reptile géant, détaillant les nombreuses blessures dû aux tranchantes écailles qui striaient son corps.

°Comme tu voudras humain, cela m’évitera de venir te repêcher dans les airs une nouvelle fois, et accessoirement d’éviter de me faire vomir sur les écailles.° grommela télépathiquement Verith, qui n’était pas totalement parvenu à s’habituer à la présence d’un passager sur son dos.

Malgré tout, le dragon, conscient de la rapidité limitée d’un cheval et désireux de ne pas perdre plus de temps, ne put s’empêcher de lâcher un grognement lorsque Klaus ne prit pas la peine de préciser la direction du nord. Bien trop fier pour l’interroger sur ce renseignement, il serait donc contraint de le suivre, tentant tant bien que mal de s’accommoder à une vitesse si réduite. Mais finalement, avec la nuit tombante et la fatigue accumulée tout au long de la journée, ralentir quelque peu la cadence ne lui ferait pas de mal, tant que Skade restait la clé de leur destination. Verith observa d’un œil amusé Klaus rechercher avec frénétisme aux alentours son fameux cheval, et lorsqu’il l’eut enfin retrouvé, les pupilles du dragon s’étrécirent et ses narines se dilatèrent. L’animal, relativement grand, venait de réveiller en lui l’aspect tant apprécié de la nourriture, et celui bien moins plaisant de la faim dévorante –sans mauvais jeu de mots- qui enraillaient l’estomac de Verith. Ce dernier se contint difficilement, conscient que dévorer la monture de Klaus n’était peut-être pas la meilleure option pour progresser plus vite. Soudain, une idée peu fiable le poussa à se diriger vers l’auberge.

°Attends-moi là, humain, juste une minute.° lâcha-t-il sur le ton de l’ordre évasif.

Certainement peu soucieux des faits et gestes de Verith, pour ne pas affirmer qu’il s’en fichait probablement comme de son premier tour de magie, Klaus ne tenta ni de le suivre, ni de le retenir. Le dragon s’approcha donc le plus furtivement possible –ce qui n’était pas une mince affaire avec un corps si imposant- de l’auberge, jusqu’à enfin aviser le lieu qui l’intéressait : les écuries. Il savait le geste qu’il s’apprêtait à accomplir relativement de mauvais augures, mais il prenait alors le parti-pris de sa faim grandissante. Chargeant la porte du bâtiment annexé à l’auberge, Verith la fit voler en éclat, s’emparant de la première bête venue sous ses crocs et prit son envol. Comme en écho au vacarme produit, des lumières apparurent aux fenêtres des chambres, et, après quelques ordres vociférés, quatre humains armés de leur épée s’avancèrent sur le perron de l’auberge. Une fois qu’ils eurent saisis la genèse de ce tohu-bohu, ils s’élancèrent vers les écuries.

°Je te conseille de galoper vite, tes congénères n’ont pas l'air d'avoir le sens du partage.° fit Verith, qui s’était déjà élancé dans les airs, suivant la trajectoire de Klaus, ce dernier galopant au plus vite en contrebas. Le dragon maintenait dans sa gueule l’animal tué d’un coup de dents dans la nuque, relativement lourd mais dont la saveur envahissait déjà le gueule du reptile géant.

Une fois sur la terre ferme et ses esprits totalement retrouvés, Klaus comprit rapidement que l'intervention de Verith lors de sa chute avait joué rôle primordial, lui évitant par la même occasion une mort un peu trop prématurée pour celui qui avait encore beaucoup de projets sur cette terre qu'était Armanda. L'idée d'être redevable de quoi que ce soit à quiconque l’irritait plus qu'autre chose encore plus à l'égard de Verith, à l'inverse, le réconfort qu'il allait éprouver d'ici peu résidait dans le simple fait de savoir qu'il allait pouvoir poursuivre son trajet sur le dos de sa propre monture, à savoir son destrier noir, fière monture de combat qui avait une résistance et une condition physique plus qu'appréciable aux yeux de son propriétaire qui malgré le fait qu'il ne la côtoie que très peu se montrait tout à fait correct avec elle lorsqu'il en avait l'occasion, mais ses aventures ne lui permettaient pas d'être accompagné constamment, sans oublier un détail non-négligeable et plus qu'appréciable, il y avait une selle ! Contrairement au dos du Reptile qui avait tout au long du trajet lacérer les membres de l'humain ainsi que ses habits... Et alors qu'il cherchait brièvement du regard sa monture, il laissa se dessiner un infime sourire sur son visage lorsqu'il distingua les quelques paroles prononcés par Verith avant de rétorquer sans prendre le temps de souffler :

« effet, je vais tacher de t'éviter ce type d'imprévus d'autant que je n'y suis pas accoutumer. Mais à charge de revanche, je te dois cette fois la vie et je ne manquerais pas de te rendre la pareille une seconde fois. Alors, Merci... »

Même s'il faisait preuve d'une arrogance et d'une fierté démesurée, il était inconcevable pour l'homme de ne pas remercier celui qui venait de lui sauver la vie, après tout si ce dernier avait pu ravaler sa fierté et la mettre de côté l'espace d'un simple merci, pourquoi lui n'aurait-il pas put en faire autant ? Quoi qu'il en soit, il ne s'attarda pas sur ce détail fort désagréable et préféra par la même occasion émettre une certaine réserve quant à la destination à entreprendre pour rejoindre Elena et cela peu importe l'agacement qu'aurait pu afficher ouvertement le Reptile.
Bien sûr, il n'était pas dupe et avait toujours un moyen comme un autre de garder un petit avantage sur ses compagnons, il avait besoin de ça pour se sentir bien, certains pourraient trouver sa ridicule, lui n'avait aucune opinion dessus puisqu'il avait toujours vécus de la sorte.

Profitant de ce temps libre pour rechercher sa monture, Klaus observait par la même occasion ses blessures encore légèrement ouverte, mais d'où le sang ne coulait plus pour le moment, il lui restait tout de même suffisamment de force pour user de quelques sorts de soins lui permettant de s'occuper de ses plaies à l’insu de Verith.
A vrai dire, les recherches étaient peu fructueuses pour l'homme qui ne semblait pas trouver son cheval qui n'était pas dans l'étable, peut-être que la présence inhabituelle du Dragon avait apeuré le Destrier. Klaus se voyait déjà obliger de poursuivre sa route sur le dos de Verith, cette simple idée ne le ravissait pas vraiment. Toutefois, après quelques minutes, il eut l'heureuse surprise de sentir une légère poussée dans son dos l'obligeant à se retourner pour enfin apercevoir le cheval en armure affichant un état de nervosité conséquent en présence de l'immense reptile un peu plus loin. Essayant au mieux de le rassurer par ses propres moyens, il ne manqua pas de jeter un regard noir au Dragon en voyant son air changer brusquement en apercevant l'animal, Klaus connaissait cette sensation, l'instinct de chasseur avait reprit le dessus...

« N'y pense même pas... » Pesta l'homme en fouillant la besace accrochée à la monture pour y tirer une nouvelle tenue. « Fait ce que bon te semble. » Ajouta-t-il en réponse à l'ordre reçu de Verith.

Comme il devrait très certainement s'en douter, Klaus n'avait que faire de ses faits et gestes, du moment qu'il pouvait espérer un peu de paix durant quelques minutes, il ne s'en plaindrait pas. Mais il était loin de se douter que ce qu'allait faire le Dragon causerait un départ précipité. Soudain, alors qu'il venait tout juste d'enfiler sa tenue encore plus sombre que la précédente, un fracas terrible se fit entendre extirpant Klaus de ce repos bien mérité qu'il aurait volontiers prolongé après un tel voyage. Il monta à l'aide d'un petit saut sur son Destrier prenant les rênes qu'il tira violemment pour faire pivoter le cheval le Cavalier n'eut pas d'autre choix que de constater l'étendue des dégâts causés par le Reptile qui éprouvait vraisemblablement une petite fringale. Verith venait d'envoyer valser la porte de l'écurie dans laquelle se trouvait quelques chevaux dont le sort était visiblement scellé. Aussitôt la monture de Klaus qui était toujours sous l'effet de la peur fut prit de panique en voyant le prédateur avec l'un des siens dans la gueule, il se cabra brusquement laissant tout juste le temps au Chasseur de s'agripper.

« Oh là... Calme... »

Verith quant à lui était déjà dans les airs avec sa proie dans la gueule tandis que déjà les premières lumières apparurent dans l'auberge, le Grand Maître s'apprêtait déjà à fuir de nouveau avant de s'attirer des ennuis dont il se passerait bien en ce moment. Puis alors quatre hommes firent leur apparition armés de lames prêt à en découdre. Sans perdre ne serait-ce qu'une minute, Klaus envoya une boule d'énergie au sommet de la bâtisse pour faire s'effondrer une partie de cette dernière et envisager une retraite anticipée sans la moindre contrainte, une fois fait, il ne prit pas la peine d'admirer son travail et s'élança à vive allure sur sa monture en direction du nord suivit de près par le Dragon toujours dans les airs qui n'aurait d'ailleurs pas d'autres choix que de s'adapter à la vitesse du Destrier qui poussé par la peur avait adopté une vitesse élevé pour un Cheval, à croire que ce sentiment de peur lui avait fait pousser des ailes. Klaus lui de son coté tenait fermement les rênes son bâton dans le dos il n'avait pas prit la peine de récupérer son masque, après tout il en retrouverait un d'ici peu et ce n'était pas le plus important.

« Je ne sais pas d'ici combien de temps nous atteindrons Elena, une chose est sûre, on risque de mettre beaucoup plus de temps que prévus, si Monsieur Verith éprouve une nouvelle fringale en cours de route. » Souffla Klaus en sachant pertinemment qu'il ne l'entendrait pas de si haut.

Certainement leur faudrait-il toute la nuit voir même un peu plus pour atteindre Elena, mais au moins ils y arriveraient normalement sans trop de problème...

La route s’étendait désormais devant eux, indéfectible, ineffaçable, et leur chemin, aussi bien psychique que physique, semblait déjà tout tracé. Skade, clé de cette quête insolite entre un magicien tel que Klaus et un dragon tel que Verith, paraissait à portée de main, presque au bout des doigts de l’horizon se présentant à eux. Seul le galop saccadé du cheval de l’homme, à la robe d’un noir magnifique et à l’allure robuste, et les battements réguliers des ailes du reptile géant venait troubler le silence de la nuit, comme un concert tamisé de bruissements et de souffles. L’étendue infinie des plaines s’offrant aux deux protagonistes semblait déserte, presque vierge de toute vie. Seuls quelques arbres épars, quelques rochers ou tout au plus bosquets, se dressaient çà et là, dans un indécelable quadrillage, un immense quinconce. Ce cheminement taciturne possédait une once de surréalisme, comme si jamais il ne cesserait, en une sempiternelle répétition de mouvements identiques. Après tout, un tel paysage n’évoquait que cet exil mécanique, et rien d’autre. Rien ne se mouvait, rien n’évoluait, rien n’évoquait une quelconque illusion de métamorphose. Cette image du monde véritablement statufiée possédait quelque chose d’effrayant, ou du moins de repoussant. Pourtant, l’humeur n’était pas à ce genre de constatations.

Une fois s’être assuré que les membres de l’auberge ne s’étaient pas lancés à leur poursuite, et ce grâce à la très bienvenue boule d’énergie envoyée par Klaus sur le toit de la bâtisse, Verith avait quelque peu ralentit l’allure, soutenant celle plus lente du cheval, avant de finalement faire définitivement halte. Informant télépathiquement le magicien de continuer sans lui quelques instants, il se posa au cœur des plaines, mémorisant la direction du nord où disparaissait déjà Klaus, persuadé qu’il le rattraperait vélocement une fois son repas englouti. Lorsque ses pattes rencontrèrent la terre meuble, il déposa son bien, soit le cheval dérobé à l’auberge une petite heure plus tôt, et entama une dégustation rapide mais relativement propre. Contrairement à ce que les Armandéens étaient amenés à croire, eux qui comparaient parfois irrespectueusement les dragons à des animaux, ces reptiles géants n’en étaient pas moins très soigné lorsqu’il était question de leur personne, et manger comme un carnivore affamé avec abondance d’appendices refoulés et de glorieuses giclées de sang, bien que l’envie les ai déjà tenté plus d’une fois, n’étaient pas dans leur habitude. De plus, lustrer ses écailles lorsque celles-ci étaient parsemées de liquide vital séché était des plus désagréables. Une fois son repas terminé et son estomac entièrement rassasié, Verith s’éleva de nouveau dans les airs, si haut qu’il ne lui fallut que peu de temps de vol avant d’apercevoir au loin la silhouette indescriptible de Klaus, presque invisible dans la profondeur de la nuit ambiante.

°Je sens des effluves marines, la mer ne doit plus être loin, et ta cité non plus.° affirma Verith, conscient que l’odorat sous-développé de Klaus et, plus généralement, de la race humaine, ne lui permettrait pas de ressentir de telles odeurs.

En effet, ayant rattrapé le cavalier depuis quelques heures déjà, le dragon n’avait cessé d’aviser les modifications dans le paysage, et tous ces indices susceptibles de laisser apparaître à tout instant l’océan qui l’avait conduit jusqu’à Armanda. Tout d’abord les rares arbres transformés en conifères épineux, puis la chaleur qui s’était lentement élevée, etc. Les deux protagonistes n’avaient alors cessé leur progression cadencée et la fameuse cité d’Elena ne tarderait certainement plus à apparaître à l’horizon. Du moins, Verith caressait cet espoir avec détermination. Rares étaient les paroles que le dragon avait échangé avec Klaus durant ce long périple, et alors que l’horizon s’irisait d’une chaude teinte orangée, il concédait de ne pas avoir eu besoin de ces mots pour afficher son empressement de retrouver Skade et Estelen. Et puis ce mutisme restait quoi qu’il en soit plus appréciable que des remarques cinglantes et autres pics arrogants que les deux protagonistes auraient pu être amenés à se lancer avec vergogne, tout au long de leur trajet. Puis soudainement, comme un trophée à leur effort, une immense silhouette, immobile et sombre, se dessina à l’horizon, une masse gigantesque –ou tout simplement draconienne : Skade.

°Ce ne peut être qu’elle.° lâcha Verith, tentant dans ce ton placide de ne pas faire ressortir la joie démesurée qui l’habitait en secret maintenant que sa mère était retrouvée, ou presque.

Instinctivement et presque inconsciemment, il accéléra, dépassant alors sans peine le cheval de Klaus, et la silhouette de Skade sembla se rapprocher peu à peu, malgré la distance encore élevée. Mais alors que le dragon progressait de plus en plus vite, de plus en plus rassuré vers sa génitrice, une question muette s’immisça timidement dans son esprit : et si sa mère n’avait finalement pas survécu ? Il secoua la tête, comme pour chasser ces mauvaises pensées, avant de reporter son attention sur son vol effréné. Mais toujours les doutes revinrent, tels des boomerangs incessants et inépuisables, et finirent même par se multiplier. Maintenant que Skade était retrouvée, en supposant qu’elle était bel et bien vivante, qu’allait faire Klaus ? Verith tourna légèrement la tête vers le magicien, impassible sur son destrier, et le soupesa d’un œil peu assuré. Quelque chose en lui hurlait que cet homme ne lui était pas venu en aide pour du vent, ou alors n’était-ce que l’écho de doutes fuyards. Il lui était de nouveau redevable pour son aide. Quoiqu’il en soit, en observant davantage Klaus, il sut inconsciemment, comme sous la pulsion d’une idée innée, que cet homme n’avait pas fini de partager son ombre. Cette constatation l’irrita, le laissant planer tout au long de ce sprint final dans un remugle d’incompréhension et d’appréhension, entre reconnaissance et colère.




-Fin.