Parfois les ouvrages révélaient des secrets étranges, parfois utiles, parfois non, selon le sujet traité et selon les besoins du moment. Du moins avaient-ils l'avantage de conserver la connaissance sans prendre eux-même partis. Certes, leur auteur avait forcément ses propres points de vue, mais le livre en lui-même n'y était pour rien. Il advenait, parfois, que l'on tombait par hasard sur de petits détails, si l'on ne s'attardait pas dessus, qui pouvait conduire à de biens intéressantes découvertes. Aussi, lorsqu'il avait fait un détour par les galeries vampiriques pour exhumer un ouvrage sur les dragons afin de le faire examiner par Kedrildan, il n'avait pas tout de suite fait attention à cette annotation en bord de page. Le jeune vampire roux poursuivait son éducation auprès de lui avec autant de diligence que le millénaire pouvait en obtenir de lui, dans la mesure du possible. Cet état de fait était aidé par l'ordre de Lorenz de le décharger de ses obligations au profit de l'entraînement de sa dragonne, et du sien propre par extension.

En cela, le jeune enfant était plus avantagé que lui qui devait jongler avec ses obligations au camp en même temps qu'avec l'éducation de Silarae et celle des deux autres liés qu'il avait à présent sur les bras. Pas que cela le dérangea le moins du monde, il était toujours ravis d'enseigner même si son nouvel élève était bien plus remuant que le dernier en date. Mais cela réduisait fortement ses possibilités de manœuvre lorsqu'il devait quitter le camp pour plus de quelques heures. Une ou deux heures étaient déjà de trop, mais il les prenaient tout de même, les comptant comme dû pour son zèle et sa détermination à s'échiner au travail le reste du temps. En revanche, partir pour un long voyage, d'un seul coup, était bien plus compliqué.Mais cela, il en s'en doutait pas encore totalement. Les galeries vampiriques étaient relativement éloignées, mais en chevauchant nuit et jour, il était possible de les atteindre rapidement si on avait la monture appropriée. Il ne doutait pas un seul instant que sur le dos de Silarae la distance lui eut parût encore plus courte, après tout, la dragonne serait une maîtresse de l'air et du vent, aussi rapide que le plus rapide des faucons et peut-être même bien davantage.

Mais en attendant, il devait y aller à cheval. Et une fois sur place, il lui fallait encore trouver et déterrer sans l’abîmer l'ouvrage qu'il recherchait. Cela aurait put être, d'ailleurs, plus simple, si l'archiviste n'avait pas décidé de se faire la malle. Mais il resta aussi concentré qu'à son habitude, et en moins d'une journée, il le découvrait, vieux et usagé, poussiéreux, la reliure de cuir se détachant presque des pages éliminées et jaunies par les ans passés, loin de la lumière du soleil. Qui donc avait écrit cette merveille ancienne ? Il ne s'en souvenait plus. Peut-être l'un d'entre eux. Peut-être un elfe, au vu de l'écriture. Et sur l'une des pages, il y avait cette annotation, qu'il ne vit pas tout de suite. Gribouillée, presque une offense à la valeur infinie du livre, mais néanmoins intéressante lorsqu'on se penchait dessus. Il reconnaissait ne pas être très bon en devinettes, aussi conserva il le livre précieusement jusqu'au moment où il le montra à Kedrildan. Lui lisant, puisqu'il n'était pas encore lettré, il en conclue qu'il s'agissait là des anciennes paroles s'attachant aux ingrédients mystérieux des enchantements d'armes et d'armures.

Et, plus particulièrement, à la pierre d'Asbeth., permettant les enchantements de renfort sur armes et armures, entre autre chose. Il se souvenait d'ailleurs d'un enchantement très pratique, la maîtrise, permettant l’ambidextrie sans entraînement. Et pour lui qui, malgré son expérience, n'était pas assez agile pour manier deux armes, cela représentait un intérêt certain. Il proposa à son élève de tenter de trouver la pierre, en suivant l'indice qu'ils avaient. Il n'y avait que deux lieux possibles, pour trouver la pierre tant rêvée, les montagnes où la forêt elfique. La seconde lui semblait plus probable que le premier, mais il n'était pas certain. Finalement, il arrêta son choix sur les montagnes, et proposa donc à Ked' de venir en sa compagnie chercher la pierre magique. Ce serait une bonne façon d'appliquer les bases qu'il lui enseignait, autant qu'une manière pour le jeune vampire de voir un peu le monde autrement que part les plaines des hommes et les bas-fonds vampiriques qui n'avaient pas grand chose de superbes, quand on ignorait où regarder.

Ce fut un voyage ardus à préparer, pas que leur but soit impossible à atteidre ou particulièrement dissimulé, mais le problème était plutôt de l'atteindre et ce, en bonne forme. Le désert était énorme, et de jour, une plaie sans fin pour un vampire. Lui avait l'habitude de souffrir de la lumière solaire, mais Kedrildan ? Il ne souhaitait pas forcément lui infliger ça. Aussi, il fut décidé de traverser en deux nuits, trois au grand maximum, le plus rapidement possible. Avec les grands destriers vampiriques, cela ne devait pas poser le moindre soucis. Il fallait également trouver à manger pour le rouquin avant de commencer la traversée du désert. Pour cela, un simple prisonnier, mais c'était déjà mieux que le sang de bête. Puis c'était le pays de velours immense, piège mortel le jour, terrain de jeu la nuit, entre le ciel de soie bleu sombre et le tapis interminable de sable couleur de perle sous la lune énorme. Le silence profond du lieu rendait les choses d'autant plus impressionnantes et ravissantes, austère également, sauvage, comme un monstre endormit. Silarae dormait, pendant une partie du voyage. Parfois elle ne dormait pas, et regardait le monde de sable avec intérêt, alors qu'il racontait, dans l'intimité de leur esprit, des histoires au sujet des étendues douce et changeantes. Les deux dragonnes étaient très calmes, en règle générale. Puis les montagnes furent en vue. Hautes, déchiquetées, imposantes.

Des béhémoths de pierres et de neiges, anciens, intemporel, de sublimes antiquités qui avaient vu bien plus de guerres, de héros et de magie qu'aucun d'entre eux, lui y comprit. Elle ne ressemblait en rien aux montagnes du For'serg, loin à l'est. Mais elles possédaient une beauté étrange, austère, qui inspirait, outre le respect, un émoi singulier. Il aurait volontiers traversé le temps pour les voir lorsqu'elles étaient peuplées de dragons. Alors qu'ils avançaient dans les escarpements de roches, en fin de journée, lorsque l'ombre fraîche des montagnes les protégeaient du souffle brûlant de l'étendue désertique, il se mit en quête d'une grotte quelconque, où la pierre aurait put être dissimulée.

En entendant Kedrildan l'appeler, il détacha son regard du relief alentours. Les montagnes étaient très belles, lorsqu'on se trouvait à leur pied comme des servants. Il se serait volontiers établit là, parmi les pics élevés et les crevasses, dans la neige douce d'un printemps précoce, ou le blizzard d'une rude soirée d'hivers. En tout les cas, ça devrait attendre. Grattouillant Silarae dans la capuche de sa lourde cape doublée de fourrure, l'ancêtre se hâta de s'approcher de son élève pour examiner sa découverte. Et en effet, il y avait bel et bien une caverne, sombre mais accueillante, un lieu de repos idéal pour un vampire, si on omettait le cadavre qui s'y trouvait, ou plutôt les ossements d'un ancien cadavre, et ce qui restait de son armure.

« Nombreux sont ceux qui ont tenté de trouver les trésors ancien enfouit en ces lieux, je suppose » Les livres faisaient l'étalage des nombreuses richesses que les dragons avaient abandonnés en ces lieux, et des citées dissimulées regorgeant de joyaux et d'armes magiques. Il n'aimait pas particulièrement ces histoires, car elles attisaient la cupidité des autres. Mais il devait avouer qu'il n'était pas forcément là pour des recherches innocentes non plus, quand il y pensait. Il tint les rennes de sa monture, puis sourit doucement au roux.

« Bien joué. Tu as l'oeil » Il descendit avec précaution de sa monture en évitant de s'empaler lui même sur son équipement. C'était qu'il commençait à en avoir, des objets ! Entre ses deux armes, son armure, ses artefacts, et le reste! Et contrairement à son élève, il ne portait pas la tenue la plus adéquate pour faire du sport en montagne. Ôtant ses gants, il attacha sa monture à l'entrée de la grotte, caressa la bête, et s'assura que sa dragonne dormait toujours tranquillement dans l'étoffe de la capuche. Le petit corps chaud et écailleux était bien là, le poitrail montant et descendant lentement sous la douce respiration de sa liée. Il sourit de nouveau un bref instant, se sentait vraiment très bien. Il appréciait de plus en plus Kedrildan et sa manière d'être, le trouvant à la fois touchant et exaspérant. Sans le savoir, le rouquin lui apprenait autant que l'inverse, d'une autre façon. Il lui apprenait à vivre de nouveau. A se lier. Et il en était infiniment reconnaissant. Au départ, il avait pensé que seul sa dragonne avait se pouvoir, mais il lui semblait qu'il pouvait trouver cela en d'autres individus. Des amis... Ked' le voyait-il ainsi ? Il en doutait un peu, bien que cela n'est rien de méchant. Il ne lui en voulait pas, lui avait rien demandé en proposant de l'éduquer, et ne lui demandait toujours rien. Il n'était pas question d'échange, c'était un don. Revenant cependant au moment présent, il décrocha son gardien de la mer de sang, la faux de bataille qu'il avait hérité d'Adryne, puis entra de nouveau dans la grotte, avançant prudemment en regardant tout autour de lui. Ce n'était pas engageant, mais ils étaient vampires, les galeries souterraines de leur peuple n'étaient pas mieux. Le sang sur les murs datait également.

« Je vais finir par penser que ce bougre là est plus vieux que moi... » Secouant la tête, il fit le tour de la grotte, examina les deux entrées, puis revint au squelette, ou à ce qu'il en restait. Prenant l'épée rouillée, il la leva et en observa le cimier un bref instant. Pensif.

« Je suppose que nous avons à choisir entre ces deux chemins.... aller savoir lequel sera le bon, cependant, voilà qui n'est pas une mince affaire. Si nous nous perdons, il nous faudra sans doute du temps pour retrouver notre route » Il se tourna vers le rouquin

« Qu'en pense-tu ? Je serais d'avis de prendre le chemin barré par des planches, aussi dangereux que cela puisse être, l'autre me paraît trop simple... »

Un choix purement hasardeux, voilà devant quoi ils se trouvaient, tout les deux. Le genre de choix sur lequel il pouvait passer des heures, voir des jours... si ce n'était pas des mois entier. Il n'avait jamais été du genre à prendre des risques inconsidérés, même si cette affirmations ferait certainement s'étrangler d'indignation certaines de ses connaissances d'antan, entre autre, les héros qu'il avait rencontré au delà des terres connues. Il avait vieillit, depuis, il fallait le dire. Et la situation n'était pas propice à la prise de risque. Ils étaient seuls, dans les montagnes, avec des dragonnets en bas âge. Autrement dit, si quelque chose arrivait, ils seraient bien en peine, étant donné le peu de sorts de soin capable d'agir correctement sur un vampire.

Évidement, leur race était plus résistance physiquement et sa capacité de régénération bien supérieur, mais tout de même. Il s'en voudrait si il arrivait quelque chose à Kedrildan et à sa compagne. C'était peut-être également pour cela qu'au final, il s'était rangé à l'avis de son cadet et qu'il avait concentré sa magie pour expédier plusieurs boules d'énergies vers la parois centrale de la grotte afin de creuser une galerie supplémentaire dans la roche. Cela pouvait semblait obtus, comme choix, mais c'était peut-être pour le mieux. Ou pas ? Alors qu'il s'apprêtait à envoyer une seconde salve, la montagne sembla trembler sur ses bases et faillit les ensevelir alors qu'une crevasse s'ouvrait juste devant lui. Reculant légèrement en jetant un coup d'oeil à Kedrildan pour voir ce qu'il faisait et si il était sauf, il assura sa stabilité et serra plus fort son arme.

« Mieux vaux changer de tactique, de toute évidence cette montagne ne veut pas nous voir forer davantage » Voir l'univers naturel réagir était à la fois surprenant et attirant. Ce n'était pas la première manifestation naturelle dont il était témoin, mais cela le laissait toujours pantois, tant c'était impressionnant. Mieux valait ne pas sous estimer les lieux, puisqu'il était évident que la magie les imprégnaient. Il se baissa pour observer le boyaux ouvert devant eux, comme une gueule acérée.

« Descendons... »

Descendre était un choix tout aussi dangereux que de continuer à creuser une galerie avec l'aide de la magie. Il ne savait absolument pas ce qu'ils trouveraient, là, en bas, dans les ténèbres inconnues d'un monde longtemps oublié. Quels esprits les guettaient, juste à la frontière de leur vision pourtant acérée dans le noir. Quel secret gisait là, dormant depuis si longtemps, seulement pour être éveillé par un voyageur mal avisé ? Il se le demandait bien. Mais commencer à se poser des questions là dessus amènerait inévitablement à y joindre l'acte, et mieux valait laisser dormir ce qui se trouvait là. Il avait, plus d'une fois dans le passé, lorsqu'il était plus jeune, déclenché des catastrophes à cause de sa propension à vouloir déterrer des secrets enfouit.

Et il s'en souvenait encore, comme un rêve éveillé, alors qu'il marchait en compagnie de Kedrildan dans le boyaux à l'issue incertaine. Mais moins que des regrets, c'était la mélancolie et le manque de ceux qu'il avait laissé derrière lui qui lui revenait comme une bouffée coupable. Cette descente dans un âge oublié, vivant comme une bulle sous les racines des montagnes, avait des conséquences sur son mental. Autant la rencontre avec Galadrielle avait mit à nu la part sombre de son âme, elle d'ailleurs, plus que la bataille du grimoire, autant cet endroit rappelait à lui, au travers de sa dangerosité, le véritable prix qu'il attachait à ses valeurs, ses souvenirs.

Arrivé dans l'immense caverne souterraine, il s'arrêta, balaya l'espace de ses yeux, crevant le noir sans aucun mal. Les lieux lui inspiraient maintes balades héroïques, mais il n'avait put manquer l'aura meurtrière qui s'en dégageait. Comment l'aurait-il put de toute façon, il fallait être aveugle pour manquer quelque chose d'aussi imposant. Mais ce n'était pas le genre de chose qui le ferait reculer. Sans être prit d'ubris au point de vouloir défier les géants de pierre immémoriaux qui les dominaient, lui et Kedrildan, de toute leur hauteur, il savait qu'il pourrait faire face à maint danger sans sourciller.

/ Je n'ai jamais vu pareilles structures ! On les diraient arrachées à un passé lointain ! Fait donc attention Achroma, avec ta propension à attirer tout ce qui est ancien et dangereux tu vas nous déterrer un dragon ! /

Il se redressa violemment, balaya à nouveau les lieux, posa son regard pair sur son élève... mais ne put découvrir d'où venait la voix tant aimée. Oh non ce n'était pas celle d'Adryne, fricative et profonde, comme la marée sur les roches à flanc de cote escarpée se jetant corps et bien dans l'étendue sous marine exotique et inconnue. Non, ce n'était pas son fils, mais l'inflexion enjouée, fleurit, au mélange de bas langage et de haut parlé n'appartenait qu'à une seule personne de son entourage : Absinthe. Sans nom ni prénom, la fraternité pâle n'avait que des pseudonymes, souvent choisit par le reste de la communauté en référence aux habitudes ou aux manières d'être de ses nouveaux membres.

Un sourire fleurit sur ses lèvres, léger et amusé, au souvenir de son compagnon aux yeux d'un vert interdit. Humain ? Il n'avait jamais vraiment été certain de cela, mais Absinthe s'en réclamait, aussi n'avait-il pas vu l'utilité de le détromper. Du moins lui ressemblait-il, d'un certain point de vue, on aurait put prendre le jeune homme pour son fils biologique, si son passé n'avait été inconnu et sauvage, à la vue des coups d'oeil tourmentés qu'il lançait dès qu'on abordait le sujet.

Pourquoi avait-il eut une telle réminiscence en cet instant ? Et surtout, une si prophétique. Si seulement son ami savait ! Il était effectivement dragonnier désormais. Regardant Kedrildan, il se résolut à l'emmener voir ses compagnons un jour, si ils étaient encore en vie. Il l'espérait, mais redoutait également la réponse, car le temps n'était à ce point rien pour un vampire que le millénaire voyait passer des centaines d'années en un battement de ses longs cils.

Finalement, il valait mieux ne pas y penser tout de suite. C'était... trop douloureux. Mais le message était clair. Cette voix, il voyait très bien pourquoi il l'entendait, sans comprendre comment c'était seulement possible. Mais ça ne lui disait pas comment s'y prendre pour avancer. S'asseyant sur un rocher sortant du sol, comme une bosse saugrenue, il déposa son bâton et observa l'étendue devant lui un long moment sans rien dire, avant de rompre le silence pesant d'une voix douce et posée.

«  Un visage amical peut souvent cacher la pire des traîtrises, il est tellement simple d'avoir l'air avenant. Mais tout de même, sans accorder la moindre confiance on ne peut se lier avec des êtres de valeur. Il en va de même pour tout le reste.Cette lumière, là-bas, vers ce tunnel, elle ne m'inspire rien de bon. En ces lieux de magie ancienne je serais tenter de pas me fier à ce qui prend l'apparence d'une icône supposément réconfortante pour les êtres parcourant la terre. Mais cette barque et ce lac sont tout aussi périlleux. Encore une fois, je serais tenté de choisir sans le faire... Je pourrais user de ma magie pour geler la surface du lac, et nous pourrions la traverser. Qu'en dit-tu ? »

Se fier à son instinct. Voilà ce qu'ils auraient dit, si ils avaient été là. Devant l'incertitude du choix, et de son compagnon, Achroma était forcé de s'en remettre à d'autres choses pour venir à bout des épreuves qui semblaient s'accumuler sur leur route commune, dans cette quête pour la pierre. Se fier à son instinct, car celui-ci ne faisait pas souvent défaut. Et son instinct lui dictait de ne faire confiance qu'à quelque chose dont il connaissait la provenance. La frêle esquif de navire lui était inconnue, comme le tunnel au loin. L'un comme l'autre pouvait renfermer des pièges mortels. Mais il y avait des choses tangibles et maîtrisables, ici. Le lac était stable, autant que la roche, et il avait sa magie. Ainsi naturellement, le pont de glace lui était venu à l'esprit. Une bien barbare manière d'user de ses dons, mais c'était le plus simple pour l'instant. Il n'avait aucun doute quand à sa capacité à gérer l'avancée sur cette bande aussi froide que la mort, malgré le danger relatif de l'exercice, aussi rassura il son compagnon avec détermination, avant de s'engager le premier sur le tapis scintillant au dessus des flots. Si Kedrildan ne savait pas nager, lui en revanche savait, et même très bien. Les souvenirs de plongeons vertigineux depuis les hauteurs de roches dans l'étreinte frigorifique d'eaux à la couleur de ténèbres absolues lui revenaient facilement en mémoire, éternelles Edelweiss qui s'épanouissaient au sein de son cœur comme de son esprit. Humain, il avait aimé la nature et sa sauvagerie autant qu'il avait craint ces mêmes traits chez les hommes de la ville qu'il habitait... Vampire, il savourait la nature autant qu'il abandonnait les hommes à leur étroitesse d'esprit. La nature, elle, ne déviait jamais, dragonne dormant et rêvant d'un rêve sans fin... ou bien était-ce un cauchemar ? Il advint finalement sans soucis de l'autre coté du lac, aida Kedrildan à ne pas glisser en le rejoignant, puis observa la muraille rocheuse face à eux avec attention. L'inscription délicate ne lui échappa pas, et il la lisait autant qu'il l'imaginait en lui-même. Avec cette roche lisse et sans défaut, il pouvait s'agir d'une imitation de la surface du miroir, mais il n'admettait que peu cette hypothèse. La roche bougerait-elle si il posait la main dessus ? Ou bien y avait-il autre chose ? Après tout, n'importe quel miroir était faux, dans la réflexion qu'il faisait du sujet, inversant les éléments de son corps sans contrainte. Les miroirs étaient faux, tous autant qu'ils étaient, car ils ouvraient à l'âme prisonnière de la surface de métal un univers inversé et dément. Les miroirs étaient dangereux, ils flattaient l'orgueil et la vanité afin d'attirer le sujet dans leurs tréfonds, comme des monstres affamés cherchant des proies. Mais que pouvait-bien signifier la présence d'un faux miroir ? Peut-être, au sens simple du terme, cela signifiait-il que ce n'était justement pas un véritable miroir. Cela semblait faire référence à l'eau, puisque l'eau renvoyait également l'image d'un sujet. L'eau serait la solution ? Il n'était pas certain. Mais il fallait bien essayer. Revenant au pont de glace, il releva une de ses manches, et plongea le bras dans l'eau glaciale qui ne le fit pas même frissonner. Faisant fi de son sens de la prudence, il chercha un levier ou un mécanisme quelconque....