Encore une belle journée ensoleillée, à croire que les après-festivités étaient les moments les meilleurs à savourer. Un long et violine saurien se prélassait paisiblement non loin d'Estëllin ; aux pieds des remparts à quelques dizaines de mètres de là en somme. L'air était frais, le soleil caressait timidement ses écailles malgré la fin de cette matinée radieuse. Dans les hauteurs montagneuses, on ne pouvait espérer avoir de grande chaleur, malgré la présence de l'astre solaire. L'avantage que possédait le dragon était ses ailes, qu'il pouvait ouvrir pour s'en servir comme capteur solaire naturel, pour aider son corps à se réchauffer par le sang qui passait par ses fines membranes alaires.

Cynoë avait étendu ses ailes le temps de se réchauffer un peu et voyant que le temps passait et qu'il avait suffisamment siesté pour son seul et solitaire plaisir, il contempla la beauté simple des cimes qui environnaient Estëllin. Il se demandait si les Elfes verraient la splendeur de ces reines qu'étaient ces montagnes aussi bien qu'ils avaient apprécié leur verdoyante patrie forestière. Peut-être avec du temps. Pour l'heure, ce beau peuple s'adaptait doucement à leur nouvelle vie, dans cette nouvelle patrie de roc et de neige. Une neige si blanche qu'elle étincelait comme des diamants en présence du soleil sur sa cape de ciel bleu. Doucement, il tendit son esprit vers sa liée. Elle paraissait en pleine discussion avec certains elfes de position importante. En sa qualité de princesse humaine, elle ne pouvait guère échapper à certains de ses devoirs, même si elle devait en même temps veiller sur le bien être de son fils. Dès qu'elle aura un instant de libre, il lui proposera de s'évader un peu et de prendre la voie des airs pour l'aider à retrouver un peu de liberté.

Puis tranquillement, dans un désir tout à fait enfantin, digne d'un dragonnet de quelques jours, il se laissa aller sur le dos. La neige craqua sous la masse qu'il lui imposa ; un doux son à ses oreilles. Une fois sur le dos, les ailes repliées contre son corps, il se mit à remonter tout son long corps sinueux comme le ferait un chien appréciant de se gratter ainsi contre le sol rugueux. Là c'était pour juste sentir la fraîcheur de la neige pénétrer doucement son épaisse cuirasse, tout en s'amusant à entendre le bruit de la neige la râclant.

Tout autour d'elle était blanc. Froid. Comme si un nuage avait décidé d'élire domicile sur l'herbe verte, la recouvrant entièrement. Les arbres n'avaient plus de feuilles, les animaux hibernaient. Tout était silencieux, calme. La vie semblait avoir disparut.
Cependant, là où le temps s'était arrêté, il y avait quelqu'un. Debout, les pieds dans la neige, dans une grande robe bleue, il y avait une femme. Plus précisément, une elfe. Blonde aux yeux bleus, la peau pâle, les lèvres rouges. Dans l'immensité blanche, elle ressortait.
Ses longs bras fins tendus devant elle, le regard fixe, elle visait. Son arc dans la main gauche, l'autre main tirant sur la corde. Sa flèche, fine et longue, était posée sur ses deux mains. Son œil gauche se ferma, la corde se tendit un peu plus.
Un bruit de claquement suivi d'un sifflement. L'instant suivant, la flèche était fichée dans une cible posée contre un arbre. En plein centre. Un sourire étira les lèvres de notre elfe, avant qu'elle n'encoche une seconde flèche.
Elle repris la même position, à la différence près qu'elle ferma les deux yeux. Se fiant à tous ses sens, elle tenta de viser le centre. Les oreilles relevées écoutant chaque bruit, les narines captant chaque odeur, la peau frémissant au contact du vent.
Elle tendit la corde, encore une fois. Ses doigts placés comme il le fallait sur l'arc, elle se prépara à tirer. Faisant une dernière tirée sur la corde, elle fut interrompue. Un craquement de la neige. Quelque chose était proche, très proche.
Baissant les bras et rangeant son arme, elle leva la tête afin de sentir ce qui était là. Une effluve quelque peu familière arriva à son nez. Un dragon, mais ce n'était pas le dragon d'ivoire rencontré peu avant.
Elle se décida à s'approcher, lentement. On aurait dit que le dragon se frottait par terre. S'avançant entre les arbres, elle grimpa sur une branche. Elle se déplaça ainsi jusqu'à arriver à l'endroit où l'imposante bête se trouvait.
Le spectacle auquel elle eut droit la fit rire. Un dragon, plutôt énorme, se frottait contre le sol tel un chien. Elle s'assit tranquillement sur une branche, son rire envahissant l'air. Finalement, elle sauta sur le sol, la neige craquant légèrement.
Elle fit un salut, avant de se présenter :

Bonjour, je m'appelle Eledhwen. Je m'excuse d'avoir rit de votre comportement, mais je trouvais la situation amusante. Ne le prenez pas mal.

Elle sourit doucement, laissant au dragon le temps de répondre.

Trop pris dans son jeu, il n'entendit pas une bipède approcher et grimper tel un petit félin sur une branche pour mieux l'observer. Il aurait pu la sentir aussi, mais l'odeur de la neige fraîchement remué par son long corps sinueux lui plaisait tellement qu'il ne se concentrait pas sur les autres effluves qui envahissaient les environs. Sentir la neige se coller dans les interstices de ses écailles dorsales, percevoir la masse neigeuse doucement fondre sur le bout de ses doigts alaires et le cuir fin de ses ailes d'où s'échappaient quelques frissons... Que la vie pouvait être douce quand elle était prise avec simplicité. La simplicité avait vraiment du bon comme du meilleur. Il s'imaginait déjà un bipède protester en tombant dans une congère, grelottant de froid et maudissant la neige. Une chose si belle, si fraîche... Les êtres à deux pattes étaient trop sensibles pour mesurer ce qu'ils rataient réellement. Pourtant, leurs rejetons se plaisaient à s'égayer dedans, et avec joie. A croire qu'en grandissant, les bipèdes perdaient l'âme joyeuse.

Le dragon se frotta encore une bonne fois énergiquement avant d'entendre un rire cristallin non loin de lui. Il se figea, restant dans une posture grotesque et comique à la fois. Clignant plusieurs fois des yeux se demandant s'il ne rêvait pas, il chercha l'origine de la petite hilarité et posa un oeil ambré sur une silhouette fine et gracieuse qui se rapprochait de lui après avoir quitté son perchoir végétal.

Sans attendre, le saurien bascula sur le côté ; celui d'où ne venait pas la jeune Elfe pour ne pas l'écraser. Il se redressa le plus dignement possible et replia ses ailes avec précaution, tout en les secouant pour retirer la neige qui s'y était accrochée. Après une rapide observation, le saurien violine tendit un peu la tête en direction de la jeune bipède et l'abaissa en un hochement de salut.

°Bien le bonjour à toi, Jeune Eledhwen. Je ne prendrai pas mal la joie que j'ai pu t'apporter en m'amusant comme un bébé dragon dans la neige. Après tout, je ne m'attendais pas à croiser quelqu'un et donc n'avait pas assuré d'afficher un minimum de dignité draconique. Après tout, j'ai apporté un peu de gaieté sans le vouloir et cela m'est plaisant. °

Il cherchait à savoir s'il l'avait déjà rencontrée. Peut être au détour d'un couloir où quand il volait dans les cieux avec sa liée peut être....

°Je suis Cynoë, dragon améthyste et lié à la Princesse Esmelda Kohan. J'apprécie toujours de faire de nouvelles rencontres et plus encore quand j'apporte le sourire à de jeunes gens. °

Le dragon se laissa rouler sur le côté opposé à l'elfe afin de se relever. Il replia ses ailes en se débarrassant de la neige. Sa tête s'approcha de l'elfe et s'abaissa en forme de salut :

Bien le bonjour à toi, Jeune Eledhwen. Je ne prendrai pas mal la joie que j'ai pu t'apporter en m'amusant comme un bébé dragon dans la neige. Après tout, je ne m'attendais pas à croiser quelqu'un et donc n'avait pas assuré d'afficher un minimum de dignité draconique. Après tout, j'ai apporté un peu de gaieté sans le vouloir et cela m'est plaisant. Je suis Cynoë, dragon améthyste et lié à la Princesse Esmelda Kohan. J'apprécie toujours de faire de nouvelles rencontres et plus encore quand j'apporte le sourire à de jeunes gens.

Elle avait en effet entendu parler d'une princesse humaine, mais sans plus. Elle salua doucement, un sourire aux lèvres. Ses oreilles s'agitèrent doucement lorsqu'un oiseau s'envola pour se poser sur son épaule.
Des serres crochues serrèrent le perchoir qu'il avait trouvé, tandis que l'elfe lui tendait des petits morceaux de fruits qu'elle avait ramassés quelques minutes auparavant.
L'animal à plumes les mangea et partit. Ce n'était pas rare que l'elfe donne à manger à des animaux qui venaient la trouver, et elle avait toujours un petit quelque chose pour les contenter.
Elle reposa son regard bleuté dans celui du dragon, avant de lui demander :

Puis-je savoir ce qui t'a poussé par ici ? C'est plutôt inhabituel de croiser un dragon dans les bois. Et encore plus inhabituel de croiser un dragon qui se roule dans la neige.

Un sourire réapparut sur ses lèvres et ses yeux brillèrent d'une lueur amusée. Elle trouvait ce dragon marrant. Malgré le fait qu'il soit adulte, il s'était comporté comme un dragonnet juste sorti de son oeuf.
Cela ne faisait qu'en ajouter à la sympathie qui naissait en l'elfe. Elle trouvait ce dragon adorable, même si elle ne l'aurait jamais avoué. Elle se contenta d'attendre sa réponse, sans bruit, profitant du calme forestier.

La bipède elfique paraissait à l'aise en la présence d'un grand dragon et qu'elle ne connaissait pas. Et en plus, sa présence devait rendre à l'aise certains animaux, car le petit oiseau qui était posé sur son épaule n'était pas intimidé par la présence du prédateur écailleux. En même temps, sur Estëllin, les animaux avaient pris le temps de s'habituer aux imposantes créatures qu'étaient les dragons. Mais d'ordinaires, les petits volatiles s'effarouchaient d'un rien. Oui peut-être que cette elfe mettait à l'aise les animaux de son entourage après tout. Puis quand l'oiseau s'envola totalement rassasié, Eledhwen relança la conversation avec le saurien couleur violine.

°Il est vrai que les bois ne sont guère idéaux pour se mouvoir en leur sein. Mes ailes pourraient se prendre dans les branches, je ne pourrai pas prendre mon essor en cas de besoin. Je serai obligé de louvoyer en trottinant ou en marchant pour ne pas me prendre un arbre... Mais j'ai l'avantage par rapport à mes autres frères et soeurs draconiques d'être long et serpentins. Et puis, l'air est embaumé ici des senteurs de l'humus et des senteurs boisés, cela me plait de sentir un peu les odeurs de la terre, même si celles des airs resteront incomparables et largement supérieures à celles terrestres. °

Il voyait mal Moëbius se faufiler comme lui sous les branches basses des arbres ou encore Trissi se promener ici. Elle aimait les grands espaces et rouspéterait de se devoir se salir les griffes dans la terre meuble et le riche humus de la forêt, certes couvert de neige pour l'instant.

°J'aime à retrouver le contact avec la nature et comme ce n'est pas forcément nécessaire que ce soit toujours en vol. Se rouler dans la neieg peut paraître enfantin aux yeux d'un bipède, lui rappelant le comportement des enfants, mais cela a son avantage. A défaut de trouver des serviteurs qui auraient su où me gratter, rien ne vaut le naturel. La neige est pratique car elle permet de frotter tout en douceur et en fondant entre les écailles, nettoie la poussière qui a pu s'y incruster. Un bon nettoyant au naturel en somme. Et il me plait d'entendre le craquement de la neige contre moi tout en appréciant sa fraîcheur. D'ailleurs. Comment font les Elfes quand ils ont des démangeaisons qu'ils ne savent atteindre et qu'ils sont tout seul pour devoir y remédier ? Je n'ai encore jamais vu de bipèdes se frotter par terre pour se gratter le dos°