Dis moi qui tu es, et je te dirai qui je suis [PV Achroma]TERMINE

Le 01 juillet au matin

Un nouveau jour se levait sur les plaines, un jour bien triste et face. Brumeux, de quoi presque se croire en septembre alors que l'on était qu'en juillet. Sans doute le monde prenait-il la mesure du drame qui venait de se jouer ici, le soleil en tout cas n'osait pas trop se montrer et préférait détourner le regard de l'horrible charnier qui s'était formé en ce lieu. Un charnier dans lequel quelques soldats fouillaient encore, cherchant un frère, un ami, un cousin... D'autres unités mieux organisés commençaient à ressembler les cadavres en de gigantesques piles qui seraient brûlées rapidement. Les rebelles ne pouvaient se permettre de faire dans le détail au vu des circonstances. Il fallait nettoyer rapidement le site, ou bien les maladies s'abattraient sans tarder sur toute la région.

Edwyn soupira à cette pensée, analysant distraitement l'hypothèse de ce proche futur. Il s'éloignait et devenait peu probable. Les hommes étaient apparemment des maîtres dans l'art de nettoyer efficacement le résultat de leurs crises de folies. Il ne savait trop si il devait s'en réjouir ou en être encore plus irrité. Sottise que ceci. Sottise et temps perdu.

Et il n'en avait que trop peu du temps, chaque seconde qui passait rapprochait dangereusement le continent de l'avenir atroce qu'il avait vu. La bataille avait accéléré le processus, les perles étaient en place et Néant avait abandonné les Alayiens. Il ne lui restait plus qu'à patienter tranquillement et si rien n'était fait la trame entière aurait disparu d'ici quelques mois. Les chimères s'abattraient sur ce monde, puis il disparaîtrait au même titre que les forêts des elfes. Néant aurait ce qu'elle avait voulu dans sa folie, le disparition totale de toute l'oeuvre de ses frères et le retour à ses sources. Il n'y aurait alors plus rien... Rien que le vide. Il ne pouvait laisser une telle chose advenir. Mais il ne pourrait rien faire seul, la tâche était trop immense même pour ses pouvoirs. Il allait devoir demander de l'aide. Et pas à n'importe qui...

Etait-ils prêts ? Non... Bien sur que non. Les dragonniers de ce monde étaient dispersés, perdus dans un Lien qu'ils ne maîtrisaient pas, opposés les uns aux autres parfois. Et jeunes... Si jeunes... Même la sagesse antique de leurs dragons ne pouvait contrebalancer cela, ils n'étaient tous que des enfants à qui on avait donné un cadeau précieux et terriblement dangereux sans leur en expliquer le fonctionnement. La responsabilité qui pesait sur leurs épaules était écrasante, démesurée par rapport à leurs forces. Oh ils étaient dignes bien sur, il n'irait pas dire le contraire puisqu'ils avaient été choisis... Mais ils auraient eu besoin de quelques siècles, non, de quelques millénaires d'apprentissage. Et de bons maîtres sages et sévères. C'était de lui qu'ils auraient eu besoin, de lui et des siens si il n'avait pas échoué aussi lamentablement une éternité plus tôt. Il était responsable d'eux, et pourtant le temps lui manquait pour faire son devoir. Ils allaient devoir se contenter de ce qu'il pourrait leur donner, il ferait de son mieux mais les éduquer ne serait de toutes façons pas utile si le monde sombrait. Parfois, certaines priorités devaient passer avant les autres même si elles constituaient l'engagement de toute une vie.

Son regard se détacha lentement de l'horizon à mesure que son esprit abandonnait l'avenir pour revenir au présent. Son temps était restreint mais il avait tout de même une fenêtre de quelques heures devant lui pour faire une chose qu'il désirait plus que tout au monde. Rencontrer l'un des héritiers de sa caste. L'un de ceux qui avaient été choisi directement par un dragon et qui possédaient donc le Lien le plus pur qui puisse exister. Il ne serait pas le premier, Edwyn ayant déjà eu le plaisir de rencontrer Korentin et de sonder son Lien. Mais ce serait tout de même une rencontre très importante, il ne l'avait croisé que trop rapidement la veille mais il avait prit le soin de jeter un coup d'oeil à son avenir et de sentir son coeur se serrer à la fois de joie et d'inquiétude. Un rassembleur... Certainement l'élément le plus nécessaire à la renaissance d'un ordre de dragonniers. Il poursuivait même déjà ce but... Il avançait lentement et parfois dans l'erreur mais avec une obstination des plus intéressantes. Il pouvait... Oui... Il existait quelques avenirs dans lesquelles il réussissait. Parfois pour le meilleur, parfois pour le pire mais dans tous les cas c'était une vision plutôt émouvante pour Edwyn. Ah, voir le Lien se reconstruire enfin entièrement et retrouver sa place naturelle dans le monde... C'était l'un de ses rêves. Non... C'était peut-être même SON rêve.

Ce n'était plus à lui de le bâtir, mais il pouvait s'assurer de la solidité de ses fondations. Oh oui, il allait s'en assurer. C'était son devoir, son serment. Si il ne pouvait guider les dragonniers autant qu'il l'aurait voulu, il pouvait au moins les mettre sur de bons rails et cela commençait par l'obligation de rencontrer ce rassembleur et de juger de ses capacités. Il l'avait donc fait appeler quelques heures auparavant, il n'avait pas mis de caractère urgent à son appel, sachant très bien où il se trouvait. Aux côtés du roi rebelle, de l'autre dragonnier et de la dragonne verte qui avait été blessée. Edwyn n'avait pu la soigner que très sommairement, ses forces magiques avaient besoin de se refaire même si ainsi diminué il demeurait sans nul doute la créature la plus puissante à des lieux et des lieux à la ronde. Dommage seulement que ça ne puisse lui suffire à renverser le cours du destin...

Le temps de l'attente était passé néanmoins. L'ancien venait vers lui, il serait là dans quelques minutes. Juste le temps pour Edwyn de réfléchir au choix qu'il avait fait un peu plus tôt et qui le tracassait encore quelque peu. Avait-il bien fait de couper son lien avec le Baptistrel ? Tout dragonnier qu'il était, Edwyn ne pouvait désormais plus veiller sur lui. Il n'avait pas eu vraiment le choix toutefois... Le renvoyer vers son "frère" comme il disait en lui laissant ce lien aurait été une erreur. Il ne doutait pas qu'il y serait allé quand même sans s'inquiéter une seule seconde, mais ça aurait causé de graves complications à sa réintégration parmi les vampires. Et Edwyn avait besoin qu'il retourne parmi les sangs-froids. C'était un peuple qu'il ne pouvait aider lui-même, il avait sentit toute la méfiance instinctive de leur prince au moment où il s'était dirigé vers lui, en voilà un qui ne le tolérerait jamais dans son entourage... Mieux valait donc s'en abstenir, surtout qu'il pouvait s'en passer facilement. Merithyn se chargerait de veiller à ce que les vampires ne causent pas trop de catastrophes, du moins fallait-il l'espérer..

Edwyn ne pu s'empêcher de secouer la tête, légèrement amusé par tout ceci malgré la gravité de la situation. Ils étaient tout de même extraordinaires ces Armandéens quand il y pensait... A la fois irritants et rafraichissants, si jeunes et pourtant si difficiles à manier lorsqu'ils avaient une idée en tête. En fait il pouvait se plaindre d'eux mais le fait était qu'il était tout de même plus proche de leur façon d'être que de celle de son propre peuple... Mieux valait ne pas y penser tant c'était inquiétant. Et de toutes façons, le vampire était là...

"Messire Seithvelj... Achroma c'est bien cela ? Merci d'être venu."

Il lui décerna un doux sourire, les bras croisés sur la poitrines et les mains rangées dans ses larges manches. Le tableau ainsi renvoyé était des plus perturbant, renvoyant une impression de fausse simplicité et de sobriété apparente qui s'accommodait très mal de l'aura de tranquille et très particulière puissance qui l'entourait. La lueur argentée qui dansait dans ses prunelles semblait prendre une teinte tour à tour pleine de sympathie et de froide étude de la créature qui lui faisait face. Le vampire avait à la fois face à lui le Voyageur plein de bonté qui était venu en aide à tant de gens depuis son arrivée sur le continent et l'Etranger si perturbant que ses différences notables avec les Armandéens rendait parfois terrifiant. Même en gardant son apparence banale, Edwyn sentant que son interlocuteur actuel était suffisamment observateur pour voir plus loin que l'image qu'il avait renvoyé jusque ici. Cette certitude le fit sourire plus encore, et il reprit la parole doucement :

"Tu es en train de te demander qui je suis vraiment, n'est-ce pas ?"

Le tutoiement était instinctif, il parvenait difficilement à vouvoyer des êtres aussi jeunes et celui-ci n'était après tout pas beaucoup plus agé que les autres. Il savait pourtant que cela pouvait le desservir. Que l'ancien ferait peut-être un parallèle avec un autre personnage tout aussi prompt au tutoiement. Mais ce n'était pas important, ce n'était pas lui qui comptait à cet instant. C'était le vampire... Ce rassembleur... Un être qui, peut-être, portait en lui la force d'exhumer des parts précieuses d'un passé oublié. Il s'obligea à chasser ces pensées, préférant s'ancrer dans le présent et interroger :

"Comment vont les dragons et leurs liés ?"

Une interrogation futile, il savait parfaitement bien comment ils allaient tous puisqu'il les ressentaient en lui de part le lien qu'ils partageaient tous avec le Fondateur sans s'en apercevoir... A moins bien sur que... Un léger doute passa soudain sur son visage, et l'argent de ses prunelles prit une lueur des plus amusées tandis qu'il les reposait sur le visage du vampire. Il l'observa quelques secondes, penchant la tête comme pour mieux réfléchir et un rire parfait s'échappa soudain de ses lèvres tandis qu'il reconnaissait :

"Tu es un être perspicace."

Aucun dragonnier jusque ici n'avait jamais ressentit de lui-même le lien qu'il partageait et que chaque lié partageait avec Edwyn. La preuve peut-être que celui-là était particulier. Sans doute n'était-il donc pas utile de jouer les faux semblants ou de cacher certaines vérités à celui-là, il s'en apercevrait et pourrait en devenir méfiant, ce qui n'était pas le but de la manoeuvre. Le Tarenth se décida donc à émettre calmement :

"Tu dois avoir des questions..."

C'était une autorisation en bon et due forme, il pouvait les poser. Rien ne disait bien sur que le Tarenth y répondrait de façon claire, mais il était prêt à les entendre. Ce qui n'était déjà pas rien pour un représentant de ce peuple où le mystère était un art plus qu'une véritable nécessité...

Ashy allait mieux, Roëric était hors de danger, et Silarae était veillée par les siens, qui ne laisseraient personne approcher d'elle tant qu'elle n'aurait pas récupéré après les émotions et les blessures, aussi refermées soient-elles. Cela le rassurait un peu, il fallait bien le dire. Et pourtant, il était encore terriblement préoccupé… Il avait tout juste eu le temps de prendre des nouvelles du reste des dragonniers avant de quitter le théâtre pressant des opérations qui présidaient au nettoyage d'un champ de bataille. Aucun n'était en grand danger… des blessures, de la fatigue et certainement un certain traumatisme, naturel après un événement de ce genre. Rien qui ne pourrait se régler avec du temps et les soins adéquats. Il retournerait aider les rebelles lorsqu'il le pourrait mais… pas tout de suite. Il y avait quelqu'un qu'il devait voir. Quelqu'un qui avait occupé une part somme toute importante de son esprit lors des dernières heures. Il n'avait pas eu besoin de plus que ce que cette créature lui avait donné pour saisir les choses, mais il avait mit un moment à décortiquer tout cela avec objectivité, à en déduire ce qu'il fallait, à simplement tenter de replacer cet élément soudain venant s'ajouter à ce qui était déjà un calcule difficile pour lui. Était-ce fortuit, qu'il rencontre maintenant cet individu, alors même que naissait la caste qu'il avait mit plusieurs années à imaginer pleinement et à laquelle il donnait à présent lentement corps ? Ce serait tout de même étrange et il n'y croyait qu'à moitié. Les coïncidences n'avaient jamais vraiment été son fort, il fallait bien l'avouer. Mais d'être ainsi à portée de lui…

Il ne savait pas comment réagir. Il ne lui avait pas fallu plus d'un instant pour comprendre qu'il avait affaire à une créature beaucoup plus vieille que lui. Hors il n'y avait pas tant de créatures plus vieilles que lui, en Armanda. Une dragonne, des vampires momifiés sans intelligence, et… lui désormais. Il n'avait pas besoin qu'on lui explique la différence d'âge entre eux, et se sentir redevenu un enfant lui était particulièrement étrange. C'était… déstabilisant. Il ne savait pas vraiment si cela lui faisait plaisir ou non. Sans doute un peu des deux. Mais au final, ce n'était pas cela qui jouait le plus, dans son état d'esprit actuel. C'était bien autre chose. Une chose plus importante, oui beaucoup plus, qu'une simple question d'âge… Alors oui, dès qu'il l'avait pu, il avait décidé de répondre à son appel. C'était donc un ancien fourbu, épuisé, frôlant lentement les limites d'une patience et d'un contrôle pourtant énorme, qui se dirigeait à pas aussi calmes que possibles vers le lieu où il savait le trouver. Il avait faim, une chose à laquelle il n'était pas toujours habitué, même après l'épisode fin du monde durant lequel leur appétit à tous s'était vu largement augmenté. Hors il n'avait aucun moyen de manger sur le moment, ne pouvant pas décemment croquer dans celui qui désirait le voir. Il était bien trop poli, et bine trop prudent aussi, pour faire une bêtise aussi énorme. Il faudrait qu'il se contienne encore un peu. Sans doute pourrait-il trouver le moyen de prendre un peu de sang à un prisonnier alayien ou à un rebelle volontaire s'il existait une âme assez charitable pour accepter après la trahison de son peuple….

Enfin, il l'eu devant les yeux et s'arrêta à une distance de courtoisie, l'observant attentivement, sans mot dire. Il était encore en plein raisonnement interne. En plein tumulte interne, serait peut-être une meilleure formulation, et ce malgré sa fatigue. A la salutation, il répondit d'un simple mouvement de tête. Merci d'être venu ? Même lui avait du mal à concevoir que l'autre le remercie alors qu'il serait le principale bénéficiaire. Pouvait-on remercier quelqu'un de contribuer activement à la résolution de ses propres problèmes ? C'en était presque un comportement de baptistrel. Il n'avait nullement peur de cette créature, quand bien même elle était infiniement plus forte que lui. Et à raison sans le moindre doute. Parce que des doutes, il n'en avait pas, les tous derniers venaient d'être balayés devant l'assise de certitudes solides. Il avait effectivement bien compris. Et cela lui faisait se poser encore plus de questions, tellement de questions, qu'il aurait sans aucun doute fallut plusieurs vies de mortels, et même d'elfes, pour satisfaire sa curiosité. Mais ce temps-là, ils ne l'avaient pas. Lui-même ne l'avait pas, alors que dire de cet individu-là… Cillant aux paroles qu'on lui adressait, il resta néanmoins encore silencieux. S'il se demandait qui il était ? Oui, sans aucun doute, même s'il touchait déjà du doigt une partie, sans doute infime, de la réponse… 'qui' pouvait englober tellement de choses. Pourtant, il parvint tout de même à émettre une lueur sensiblement amusée, malgré l'épuisement, à la question.

Oh allons, il n'allait tout de même pas le croire aussi naïf… non de toute évidence. Il avait comprit. Il ne releva pas plus que cela le tutoiement. Si l'autre pouvait avoir des choses en commun avec Lorenz Wintel, il était parfaitement évident que certaines choses les séparaient aussi. Et les ressemblances entre deux êtres n'avaient jamais constitué la base d'un quelconque jugement de sa part. Chacun avait son histoire et ses choix. Et ce de son vis à vis avaient un impact, avaient eut un impact, sur lui et sur d'autres. En bien comme en mal. Il avait ressentit le lien qu'ils partageaient oui… et il avait même déjà commencé à remonter tout du long pour l'expérimenter, avec prudence, certes, mais activement. Pourtant, lorsqu'on lui offrit l'opportunité de satisfaire sa curiosité, il se trouva étrangement incapable de savoir par où commencer. Son regard se détourna un instant, tandis qu'il observait le ciel, puis, après un moment de silence pondéré, il énonça enfin. « De nombreuses. Et pourtant, que pourrais-je véritablement demander à l'instigateur d'un lien qui a changé mon existence et celle de mes pairs… » Devait-il demander pourquoi ? Oh certes,connaître le pourquoi de la création du lien lui aurait plu. Mais ce n'était pas, à son sens, la bonne question. La première vraie question. Il aurait voulu savoir pourquoi on l'avait choisit lui comme dragonnier, mais il doutait en vérité, que même le Fondateur puisse le lui dire… Et même s'il le pouvait, ce n'était pas ce qui comptait vraiment.

A nouveau, son regard trouva le sien. Il savait quand on le jaugeait, mais il ne faisait aucun effort pour paraître plus ou moins que ce qu'il était. Ça aurait été une attitude parfaitement futile à son sens. Finalement, il reprit la parole. « Je souhaite être utile aux miens » et par là, il n'entendait pas les vampires… ou pas seulement. Il entendait les dragonniers. Mais ça, il avait l'intuition que son interlocuteur n'aurait aucun mal à le comprendre. Et cette simple affirmation, cette simple énonciation de la vérité, recelait en elle l'intégralité des questionnements qu'il pouvait émettre. Pouvait-il réellement les réunir ? Qu'était le lien ? Étaient-ils reliés par plus qu'une simple appartenance, le simple fait d'avoir été choisit ? Jusqu'où plongeait leur union avec les dragons, où s'arrêtait le lien et où commençait la symbiose ? Pourquoi ? Oui, au final, mais pas simplement pourquoi le lien… comment, qui, où, quand ? Que pouvaient-ils, que devaient-ils faire ? Comment pouvait-il, lui, protéger les autres, si frêles, plus frêles encore que lui ne l'était sans doute aux yeux de cet aîné venu du fond des âges… tant et tant de questions, contenue dans une seule affirmation claire. Et tellement de doutes aussi. Tellement d'interrogations et d'hypothèses ressassée depuis des années…

Les sens physiques et magiques d'Edwyn sondaient doucement le vampire, sans vraiment se cacher et sans chercher à aller plus loin que ce que ce dernier voulait bien dévoiler. Il le découvrait avec curiosité mais non sans une certaine retenue polie, à la manière Tarenth en vérité mais l'autre ne pouvait évidemment pas le savoir. Quand à la magie qu'il utilisait pour apprendre à le connaître plus profondément encore, elle avait été oubliée depuis longtemps avec la chute de son ordre. Elle n'existait plus qu'en lui, et en eux aussi... Les nouveaux dragonniers... Il la voyait en ce vampire, petite pousse fragile et encore bien perturbée par sa renaissance. Elle était si minuscule qu'il n'aurait su dire si elle avait la moindre chance d'éclore tout à fait un jour, mais il se devait de lui donner sa chance.

Quelque chose pourtant, le perturba. Une sensation que le Lien lui permettait de ressentir chez l'autre dragonnier et qu'il ne connaissait pas du tout. Il s'attarda dessus un instant, tournant autour à distance respectueuse et s'alarmant quelque peu d'un tel potentiel de sauvagerie chez un être vivant. Ou pas d'ailleurs... La réalité le rattrapa bien vite et il l'assimila doucement. Ainsi c'était cela un vampire... La soif.. Pas uniquement cela bien sur, mais en partie. Il absorba cette nouvelle connaissance sans mal telle une éponge qui au fil des millénaires n'a jamais renoncé à sa fonction et reconnu doucement :

"Je connais peu de choses des humains et des elfes. Et moins encore des vampires. Mais ce n'est pas bien grave."

Il sourit doucement à nouveau, tout à fait conscient des milliers de questions qui résonnaient discrètement dans les quelques mots de son interlocuteur. Et sa voix assurée reprit avec lenteur :

"Tu as déjà compris beaucoup. Plus que les autres semble-t-il... Peut-être parce que tu es plus âgé. Au vu des mots que tu choisis, je ne t'apprend rien à te dire que toi, moi, et les liés sommes une seule partie d'un grand tout. Le Lien est une magie très pure, vous l'avez déjà compris mais là où réside votre erreur c'est que vous avez cru qu'elle ne reliait que le dragonnier et son dragon. C'est une toile Achroma. Une magie taboue parce qu'elle touche à l'âme des êtres vivants. Ce que j'ai fait, je l'ai fait pour de mauvaises raisons et ça a rendu les Esprits furieux. Mais au delà de ces raisons que je regrette à présent, je n'ai jamais regretté d'avoir créé le Lien. C'est la seule fierté de ma vie, la chose que chérie le plus au monde. C'est toujours au coeur de la noirceur que naissent les plus belles étincelles..."

Il laissa passer un silence, conscient d'avoir beaucoup parlé et de ne pourtant en avoir dit que très peu... C'était le pêché mignon des Tarenths que de ne pas savoir s'exprimer clairement, mais il espérait que son interlocuteur trouverait au moins quelques réponses à ses interrogations là dedans. Il soupira légèrement, combattant sans nature et cherchant quelque peu ses mots pour essayer de relater les événéments de façon aussi claire et succinte que possible :

"Si j'ai créé le Lien à l'époque, c'est pour deux raisons. L'une étant bien plus indigne que l'autre... La première était que j'entretenais depuis bien longtemps une relation d'amitié sincère avec un dragon qui était très important pour moi. Je voulais creuser plus encore cette amitié, et y mêler la magie m'a semblé des plus naturels... Je suis un Tarenth. Je respire la magie depuis toujours.
La seconde... Tu l'as peut-être compris. Je cherchais un moyen de contrebalancer le pouvoir des Esprits. En ce temps ils respectaient moins la notion de libre arbitre qui semble leur être à présent si chère... J'étais en colère, frustré par leur supériorité écrasante. Je voulais jouer au même niveau... Je m'en croyais capable..."

Une lueur pensive passa dans ses prunelles tandis qu'il se revoyait, jeune, plein de fougue et d'arrogance. Il avait payé tout cela au prix fort, mais regrettait-il tout à fait sa tentative ? Ou même les raisons de sa tentative ? Il n'en était pas si certain... Il regrettait les conséquences, ça c'était indéniable, et il ne s'essayerait certainement pas à recommencer. Mais c'était lui... Tout ceci faisait partie de son passé et il n'en avait plus autant honte qu'avant son arrivée sur Armanda. Il acceptait... Renier ce qu'il était ne l'avait pas aidé pendant tout ces siècles de souffrance. Sans doute était-il temps d'assumer quitte à faire tout de même l'effort de réparer ce qu'il avait brisé. Chassant cette pensée parasite, il reprit :

"Ce ne fut pas une franche réussite, comme tu t'en doute. Mais le Lien, lui, a dépassé de très loin mes espérances. D'une telle pureté malgré la noirceur de mes desseins... Non, vraiment, je ne peux regretter une telle chose. Mais j'ai assez parlé du passé, vous êtes l'avenir. Mais vous n'êtes encore qu'ignorance et hésitation... Vous ne connaissez ni vos pouvoirs, ni vos devoirs. Et le temps manque..."

Un franc regret brilla dans son regard à ces mots, une pure frustration qui ne trouverait jamais son exutoire. Le Lien était le centre de sa vie, il en avait fait le but de son existence et pourtant à présent qu'il avait de nouveaux dragonniers à former il ne le pouvait pas. Entre leur formation et la survie de leur monde, le choix n'existait en réalité pas du tout. Bien sur il avait encore le temps de parler au vampire, quelques heures sacrifiées à cette discussion ne serait pas un luxe trop onéreux. Néanmoins d'années qu'il aurait eu besoin, de décennies, voir de siècles pour commencer ne serait-ce qu'à entrevoir les possibilités gigantesques que lui offraient le Lien. Ne pouvant s'offrir tout cela, le Tarenth se contenta de questionner :

"Qu'est-ce qui selon toi serait utile aux dragonniers ? Que recherches-tu, en les réunissant ? Quels sont vos droits et vos devoirs vis à vis de ce monde et de votre propre caste ?"

Caste... Le mot était dit, car c'était ce qu'ils étaient même si ils n'en étaient peut-être pas encore tout à fait conscient. Patiemment, le Tarenth attendit que les réponses viennent aux lèvres de l'ancien...

Il savait que l'autre le sondait, et ne se cachait pas, sans pour autant se dévoiler complètement. Même face à une créature bien plus âgée et puissante que lui, il restait vampire, et ancien, et à ce titre, il conservait certains automatismes. En revanche, lorsqu'il le sentit approcher dangereusement de la facette de son être qu'il jugulait avec sévérité, il ne cacha rien. Il se refusait à dissimuler cette partie de lui qui, pourtant, restait incompréhensible aux vivants. Aucun d'entre eux ne pouvait réellement s'imaginer ce que c'était que cette terrible faim et ce qu'elle pouvait pousser à accomplir… Le pouvait-il, lui qui partageait le Lien de tous les dragonniers ? S'il le pouvait, ce serait alors une première qu'un vivant comprenne. Mais peut-être pas une mauvaise chose, dans le fond. Au contraire. L'aveu soufflé le fit soupirer légèrement, de cette mimique étrange qu'il conservait de sa vie précédente. Ce n'était, certes, pas bien grave… mais c'était surtout loin d'être définitif. Il pouvait autant apprendre qu'eux, et parfois un échange profitable à tous était meilleur qu'une simple observation unilatérale. Malgré cela, il fut tout ouïe lorsqu'il décida de répondre à ses questionnements, car comme il l'avait pensé, l'autre n'en avait certainement pas raté une miette. Son regard, malgré le voile de fatigue qui le couvrait, se fit plus alerte. Des réponses, un met bien rare à ses yeux depuis déjà quelques temps.

Vraiment, il avait comprit beaucoup ? Et bien voilà qui détrompait violemment son sentiment très personnel d'être une taupe avançant à l'aveugle… Néanmoins, il n'interrompit nullement son vis à vis pour une remarque aussi dérisoire. Il hocha simplement la tête pour confirmer qu'il avait parfaitement saisit cet aspect du lien… et la suite ne l'étonna qu'à peine. C'était simplement un rideau que l'on ourlait pour lui laisser voir ce qu'il n'avait fait qu'hypothétiser, ce qu'il n'avait fait qu'imaginer vaguement, sans jamais oser donner corps à ce qu'il pouvait tirer de ses songes intérieurs. Une toile reliant les âmes… et ils étaient reliés à lui, mais ils devaient également l'être entre eux, en ce cas. A quel point ? Il aurait aimé le savoir. Jusqu'où était-il lié aux autres ? Pouvait-il, lui aussi, savoir comment ils se portaient, sans avoir besoin de les voir ? Comment pouvait-on bien moduler pareille chose, la nourrir et la cultiver… ou le contraire d'ailleurs. Jusqu'où étaient-ils un ? Y avait-il également des capacités qui n'appartenaient qu'à eux, en temps qu'union, comme lui et Silarae étaient plus fort ensembles ? Si c'était le cas, alors les perspectives étaient innombrables… et aussi effrayantes que magnifiques. L'esprit soudain bouillant une fois de plus, il dû se faire violence pour ne pas courir après les conjectures et écouter ce que l'on continuait à lui transmettre. Et au final, il avait bien fait puisqu'il venait de se voir confirmer les théories à peine écloses en lui.

Contrebalancer le pouvoir des esprits… ainsi il avait vu juste, il était bien question d'un pouvoir plus grand qu'un simple couple de liés. Jusqu'à quel point ? Jusqu'à pouvoir rivaliser avec les esprits ? Si ceux-ci s'étaient froissés de la création du Lien, c'était sans doute pour une bonne raison. Il ne savait pas très bien quoi faire de ce qu'on lui contait soudain. L'attitude qu'avait pu avoir ce… Tarenth, face aux esprits, était sans doute compréhensible, en un sens. Mais en même temps et bien…. Pas tout à fait. Mais sans doute avait-il encore une fois un avis bien trop complexe sur la question, quoique le principal concerné aurait sans doute un autre avis là-dessus, il n'en savait rien. Cependant, quelque chose lui disait qu'il avait effectivement quelques petites choses à apprendre des peuples d'Armanda, des choses qui pourraient sans doute le soulager d'une part de ce qui l'assombrissait. Il n'en dit rien, et ne fit pas étalage de cette pensée. Pourtant il le regardait avec une autre lueur dans le regard et pondéra les questions qu'on lui posait soudainement. Pourtant, une réponse s'imposa. « L'unité » et cela revenait à ses préoccupations. S’assombrissant, il s'offrit le luxe de développer un peu sa pensée, sans crainte de ce que l'on pourrait en penser. « Je ne suis pas aussi âgé que vous, et loin de là mais j'ai vu les nôtres » C'était une formulation tellement étrange pourtant…

« J'ai vu les nôtres se déchirer, se tuer les uns les autres dans les guerres de seigneurs qu'ils servaient… L'unité oui, c'est ce dont nous aurions besoin à mon sens, et une plus grande indépendance » Pour ne pas dire une indépendance tout court mais ça, encore une fois… il le devinerait aisément. « En les réunissant, je ne cherche ni plus ni moins qu'à les préserver. Leur permettre d'évoluer non plus comme des elfes, des humains ou des vampires mais comme des dragonniers, des individus… et bien, pairs, capables de se compléter et d'apporter davantage à Armanda. Je nous rêves ambassadeurs auprès de nos peuples, parlant d'une même voix… et je rêve de ne plus jamais être contraint de lever mon arme contre l'un d'eux » Le souvenir, vif, de la bataille de Feusacré lui revint en mémoire. Il aurait pu broyer l'elfe et son dragon sans même suer un instant… et à présent, cela lui faisait peur, très peur. S'être détaché de Lorenz était un véritable soulagement, à ce titre comme à d'autres. « Je pense que nous devons protéger nos liés, leur permettre de prospérer à nouveau sur le continent… est-ce un devoir ? Sans doute. Je pense que nous devons œuvrer pour contribuer au rétablissement d'un certain équilibre… » Il avait beau être une créature de devoir, même lui restait terriblement novice lorsqu'il s'agissait de son rôle de dragonnier à part entière.

« Servir notre monde. De notre mieux. Et je suis bien incapable de me découvrir le moindre droit face à Armanda, tant j'ai déjà oeuvré… contre elle... » Lui aussi, avait d'amers souvenirs qu'il regrettait… ce n'était pas rare, en ce bas monde. C'était l'inverse, que l'on ne voyait pas souvent…

Le mot résonna entre eux, merveilleux de naturel et d'harmonie. Unité... Cela semblait si simple dit comme ça, si logique quelque part quand on connaissait le fonctionnement de la magie des dragonniers... Et pourtant ça ne l'était pas, pas du tout. Il suffisait d'écouter la suite pour s'en convaincre. Il l'écouta d'ailleurs avec attention, les sourcils froncés de désapprobation. Si il était resté sur Armanda, jamais il n'aurait permis ce genre de choses. Mais il n'était pas resté... Il n'avait pas pu. Pouvait-il alors vraiment s'en prendre à ces jeunes liés de ne pas avoir su respecter des préceptes que nul n'avait prit la peine de leur inculquer ? Sans doute pas... Même si à ces yeux les mésententes qui existaient au sein d'un ordre qui n'existait même pas étaient difficilement pardonnables. Un autre mot résonna, lui tirant un sourire :

"Ah l'indépendance... C'était déjà un but difficile à atteindre de mon temps, mais j'ai bien l'impression qu'elle sera encore plus difficile à atteindre pour votre génération..."

Et ce n'était pas qu'une impression. Pendant leur âge d'or les Tarenths avaient eu la chance d'évoluer dans un monde où ils étaient la seule race véritablement évoluée si on exceptait le cas particulier des dragons et des Esprits incarnés. En plus d'être guidés par ces derniers ils n'avaient pas développé un caractère suffisamment belliqueux pour voir jaillir des tensions internes à leur peuple. Ils n'avaient connu ni affrontements externes, ni guerres civiles et aurait sans doute continué indéfiniment à ignorer le sens des mots "armes" et "combats" si Edwyn n'était pas venu semer quelques graines de discorde en leur sein. Et encore ces graines n'avaient elles germées qu'avec lenteur et réticence, incapable de s'épanouir vraiment au coeur d'un peuple si profondément pacifique.

Les Armandéens quand à eux étaient bien différents. La diversité qui les caractérisait était leur force autant que leur faiblesse, et ils n'avaient pas été guidés. Là aussi peut-être que cela finirait par devenir une force... Pour le moment ça leur causait surtout pas mal d'ennuis, mais après tout il était là pour tenter de les en sortir, et il n'était apparemment pas le seul à s'y essayer. C'était encourageant quelque part... Ce vampire lui plaisait. Il y avait en lui une force de conviction qu'Edwyn n'avait pas vue chez beaucoup d'autres personnes. Il hocha la tête gravement :

"Ce sont de beaux rêves..."

La fin le fit soupirer, trouvant un triste écho en lui qu'il ne chercha pas à refrener. Mais au moins était-il sur de lui à présent, il avait en face de lui un être qui désirait véritablement bien faire et qui serait prêt à sacrifier beaucoup pour le bien des dragonniers. C'était tout ce qu'il demandait, bien sur il ne savait pas exactement si ce serait suffisant, d'autant plus que ses visions futures étaient encore très floues, mais au moins ce dragonnier là marchait-il dans la bonne direction. C'était déjà un bon début... Un début indispensable. Tout ceci acheva de le décider et c'est avec assurance qu'il reprit :

"Je peux t'aider à les réaliser. Prends, et apprends..."

L'antique formule Tarenth avait roulé naturellement entre ses lèvres, et c'est à la mode de son peuple donc sans véritable retenue qu'il déversa soudainement son savoir dans l'esprit ouvert. Non pas qu'il veuille le blesser ou même le noyer mentalement, d'ailleurs il fit en sorte de contrôler tout de même le flux pour ne pas le rendre dangereux. Mais il ne se limita pas. Quand un Tarenth offrait quelque chose d'aussi précieux que le savoir alors il le faisait entièrement, offrant jusqu'à la plus petite parcelle de connaissance sur le sujet choisit. S'offrant même en partie lui-même dans un partage qui n'admettait ni dérobade, ni hésitation. C'est qu'il avait beaucoup de choses à lui apprendre après tout...

Il commença par lui présenter les douzes, ces Tarenths qui avaient été ses amis les plus proches, ses frères et ses soeurs dont la perte lui restait si douloureuse. Ceux qui l'avaient suivi jusqu'au bout et qui en étaient morts dans des souffrances atroces. Il l'oublia pas leurs douzes dragons, de leur nom à leur caractère en passant par leur apparence physique, il n'oublia rien. Achroma devait tout savoir de qui avait été les ancêtres de l'ordre qu'il entendait faire renaître. Edwyn ne lui cacha ni les qualités, ni les défauts de chacun. Il ne fut pas tendre non plus envers lui-même, meneur incontesté et autoritaire de cet ordre. Il montra ses mauvais côtés aussi bien que ses bons et lui fit sentir avec force du lien qui avait existé entre eux tous. L'adoration que les onze compagnons avaient eux pour leur chef et ami, l'amour quasi paternel qu'il avait eu pour chacun d'entre eux. Sans compter les dragons qui avaient fait entièrement partie de cette gigantesque toile qu'ils avaient tissés tous ensembles. Il s'attarda ensuite très longuement sur les pouvoirs particuliers des dragonniers et ce que permettait la magie du Lien. Il lui montra tout ce dont il avait été pour le moment inconscient et tout ce qu'il lui restait encore à apprendre pour être un dragonnier à part entière. Puis quand il eut enfin terminé, il sembla hésiter une seconde mais se décida brutalement :

"Ne me juge pas trop durement. Il était mon ami et je l'aimais assez pour fermer les yeux sur ses pires travers. Je l'aime encore aujourd'hui, on peut aimer sans cautionner..."

Et il lui présenta son dragon, l'être qui avait été le plus important pour lui et dont il avait été délié par la force. Là, il le fit avec pudeur et même certaines réticences. Soulevant légèrement le voile de ses secrets pour laisser l'autre dragonnier entrevoir ce qui avait été les pires moments de son passé et le côté le plus noir de son âme. Il referma cette fenêtre aussi vite qu'il l'avait ouverte, se permettant même de demander :

"Laisse moi ce secret là encore un moment. J'ai besoin qu'ils me fassent confiance et ils ne le pourront pas avec ce savoir."

ça c'était une chose dont il était absolument certain, et pour cause ! Il ne ressentait pourtant aucune honte, cela faisait partie de son passé et c'était tout. Satisfait d'avoir pu transmettre tout ceci, il observa le vampire en attendant ses réactions. Pour lui laisser le temps de se reprendre, il reprit la parole lui-même :

"Tout les pouvoirs que je t'ai révélé sont en toi, en vous tous. Mais même en en étant conscients vous mettrez sans doute beaucoup de temps à parvenir à les utiliser efficacement. Saches encore une chose c'est que de la même façon que ta propre magie est plus puissante soutenue par celle de ta dragonne, tes pouvoirs de dragonniers le sont plus soutenus par les autres. Plus vous serez unis et nombreux et plus vous vous sentirez forts. Même si je sais bien que ce ne sera pas facile... Te sens-tu capable de les guider sur cette voie ?"

Il le faudrait bien... Il avait une mission à leur confier après tout...

Allait-il le penser fou, que de parler ainsi ? Esquisser un tel rêve pour eux ? Pour ces jeunes dragonniers, plus jeunes encore qu'il ne l'était lui-même qui peinait déjà ? Allait-il lui rire au nez devant la vision qu'il présentait, devant ce qui n'était rien moins que des bons sentiments qu'il n'était pas forcément habitué à avoir ? Ce n'était pas du tout, selon lui, une peur irrationnelle. Non seulement on pouvait, soudainement, lui montrer qu'il avait jusqu'ici mal guidé les autres, mais en plus, présenter les choses à un aîné n'était pas du tout la même chose… C'était un peu comme attendre l’assentiment d'un père, bien qu'il n'ait jamais ressentit cela avec les siens et qu'une part de lui, purement vampirique, ne désirait pas du tout s'abaisser à le considérer comme tel. Néanmoins, il était clair qu'il faisait office d'autorité, et qu'il pouvait aussi bien enterrer ses idéaux tout de suite. Pourtant, il ne semblait pas dit qu'il se verrait détrompé… Le soulagement qu'il ressentit fut profond et intense et il se détendit sensiblement, sans avoir eu conscience de se tendre auparavant. Il n'était pas dans le faux. Oh il avait pu l'être auparavant, parfois, très certainement même mais pas cette fois. Pas cette fois. Quel bonheur cela pouvait être, soudainement, comme si un poids lui était retiré. Tous ces questionnements, ses doutes et ses remises en question étaient balayées. Il n'était pas dans le faux cette fois. C'était quelque chose de terrible, que de se retourner sur sa vie, en constatant qu'on avait toujours été dans l'erreur… Pas que l'erreur soit réellement à éviter, croître et évoluer nécessitait des erreurs, mûrir également. Mais vivre sans qu'une seule fois, même minuscule, on ne puisse se dire réellement : j'ai fais ce qu'il fallait. Ça, c'était, à ses yeux vraiment terrible. En particulier cette fois. Il ne voulait pas méconduire les siens.

« Sans doute » souffla-t-il doucement. Il n'avait jamais prétendu que ce serait simple, rien ne l'était jamais. Même ce qui paraissait simple ne l'était pas, en réalité. Et d'ailleurs, quelle saveur aurait l'accomplissement s'il n'y avait aucune lutte ? Mais ils finiraient par y arriver, il avait la foi. Il fallait qu'il l'ait. Si lui ne l'avait pas, comment pouvait il espérer la voir naître chez les autres ? Il lui fallait l'insuffler, croire à ce qu'il disait avant tout. Pourtant malgré les doutes, les interrogations, il avait toujours parlé avec son âme et son coeur, avec sincérité et franchise, au sujet de ce rêve. Il était convaincu, et terrifié de l'être et d'être dans le faux. Mais pas une seule fois il n'avait vacillé, même dans le doute. Peut-être simplement parce qu'il avait l’appui de sa liée et voyait les autres répondre à ses paroles… peut-être parce qu'il était ainsi fait, tout simplement. Il ne pouvait réellement savoir. Une nouvelle fois, il lui confirma son appréciation, renforçant davantage encore la certitude qu'il nourrissait désormais. Il pouvait l'aider à les réaliser, ces rêves ? Oui il n'en doutait pas mais… Mais il n'eut pas le temps de penser plus avant en vérité. Sans qu'il n'ait bougé, ou que l'autre ait bougé, il sentit la connexion entre leurs esprits et la mémoire, les connaissances, que l'on déversait en lui. Interloqué les premiers instants, il ne pu qu'accepter et le fit d'ailleurs de bonne grâce. Il y avait tant ! Tellement qu'il cru un moment ne pas réussir à supporter le flux. Mais le Tarenth veillait, empêchant la montagne de l'écraser sous son poids, quand bien même il peinait pour tout absorber. Et malgré ses peines, il se trouva bientôt la proie d'une curiosité dévorante devant ce qu'on lui montrait… Qui ne l'aurait pas été en vérité, quand on vous présentait les premiers des vôtres, l'origine même de ce que vous étiez désormais.

Et il passa par de nombreux sentiments : intérêt, affection, amusement, tristesse, dégoût même parfois. Pourtant, il ne jugeait pas de ce qu'on lui montrait. Ce n'était que des réactions instinctives. Mais ce qu'il voyait, expérimentait, là, était prodigieux à bien des égards. Incapable de décrire pour le moment, mais il accordait d'autant plus qu'on lui détaillait des caractères et des êtres qui étaient loin d'être parfaits, tout en l'étant sans doute plus que les jeunes races. Vinrent les révélations sur leurs pouvoirs, et il tâcha d'y accorder autant d'attention que la fascination qu'exerçaient les personnages sur lui… Prodigieux oui, c'était bien le bon mot. Il n'avait même jamais eu conscience de tout ça. Il lui fallut un très long moment pour venir à bout de tout ceci. Mais plus encore la suite, ce qui concernait directement Edwyn Ruddy et qui le fit ciller, puis écarquiller grand des yeux. S'il retrouva ensuite son air plus impassible, il resta quand même qu'il était surpris… et muet, il le fut encore un moment, après qu'il eut cesser de lui transmettre son savoir, et s'il l'entendait parler il n'en montra rien. Il baignait de souvenirs millénaires dont il lui fallait parvenir à prendre la pleine mesure. Cela ne se ferait certainement pas immédiatement. Mais tout ceci était à présent gravé en lui, dans son esprit et sa mémoire. Finalement, il inspira, puis expira profondément, et reporta son regard sur lui, tentant de revenir au présent. Il hocha doucement la tête, intégrant ces derniers conseils également. « Je les guiderais » affirma-t-il enfin, faisant pleinement sienne la charge qu'on lui tendait. Etrangement, il lui semblait qu'il avait là une partie de la question qui l'avait tant travaillé autrefois : pourquoi lui. Il y avait cependant une question à laquelle il n'avait pas répondu… ou plutôt une demande.

« Je ne suis pas apte à vous juger. Je ne m'en sens pas le droit, et certainement pas les capacités. Mais plus que tout…. Je n'en ai pas envie. Et il ne m'appartient pas non plus de révéler votre secret, quand bien même j'aurais eu votre autorisation » Il déposa simplement son regard dans le sien « Cette décision est vôtre et uniquement vôtre. Sachez simplement que je vous soutient, aussi piètre que puisse être le soutient d'une créature comme moi... » Un vague sourire lui vint aux lèvres, alors qu'il ajoutait « Cependant j'ai l'impression que vous avez justement une tâche à me, à nous, confier. N'est-ce pas ? » Il l'avait un peu deviné… sans doute aider en cela parce qu'il venait d'apprendre.

Il avait pressentit ses doutes à travers le lien qu'ils partageaient tout les deux et ils l'amusèrent beaucoup, assez pour qu'il se permette une remarque presque taquine.

"Tu n'es pas plus fou que moi. Mais évidemment je ne saurai prétendre que c'est là quelque chose de rassurant... "

Le presque était de trop en vérité, il taquinait sans vergogne. Tous les Tarenths s'accordaient à dire qu'il n'y avait jamais eu plus folle créature sur aucune terre de ce monde qu'Edwyn le repenti. Et qu'il n'y en aurait sans doute jamais d'autre, puisse les Créateurs y veiller. Ce réputation l'avait poursuivit et blessé longtemps, mais il la prenait à présent avec plus de philosophie. Il était allé plus loin et plus vite qu'aucun d'entre eux ne le ferait jamais, et dans la mauvaise direction en plus. Pas très étonnant qu'ils le voient ainsi... Mieux valait en rire qu'en pleurer.

Il se fit plus sérieux en entendant la résolution du vampire, approbateur. Il y avait de l'espoir pour cette nouvelle génération.. Beaucoup d'espoir même. Si seulement il pouvait y en avoir autant pour le continent... A quoi bon tout ceci si le monde dans lequel ils évoluaient sombrait ? Il sentit sa résolution se raffermir à cette pensée. Il y avait peu de choses au monde qui lui tenaient à coeur mais protéger les siens, ça, il voulait le faire. Bien sur cela ne réparerait pas ses fautes, et ne ressusciterait pas ses frères perdus, mais il se sentait responsable de ces nouveaux dragonniers. Dommage simplement qu'il ai si peu de temps...

Les mots de son interlocuteur lui tirèrent un petit signe de tête mi reconnaissance, mi satisfaction. Non effectivement il ne lui appartenait pas de le faire mais il appréciait le fait que celui-ci en soit conscient de lui-même, après tout ce n'était pas forcément facile à admettre pour tout le monde. Il ne savait pas encore très bien ce qu'il ferait de ce secret, son expérience récente lui prouvait que ce genre de choses avait une fâcheuse tendance à vous exploser en plein visage au pire moment mais d'un autre côté il ne pourrait pas avancer si celui-ci était révélé trop tôt. Alors tant pis, il le garderait et l'assumerait si c'était nécessaire, il ne craignait rien ni personne hormis les Esprits et ceux-ci seraient les seuls à pouvoir le juger, ce qui était déjà fait d'ailleurs.

Il revint à l'instant présent lorsque l'autre l'interrogea. Ce vampire était décidément doué pour deviner les pensées et intentions des gens, ce qui n'était pas un petit exploit lorsqu'on était face à un Tarenth. Edwyn ne pouvait qu'espérer que cette sensibilité particulière aurait un effet des plus positifs sur les projets de celui qui devait dorénavant construire et guider sa caste. Mais en attendant il était vrai qu'il avait une tâche à lui confier même si il aurait aimé l'éviter, il n'avait pas vraiment le choix si il ne voulait pas voir le monde disparaître entièrement, englouti par le Néant, avant l'accomplissement de la prophétie. Il se décida donc à répondre :

"En effet. J'aurai accomplit cette tâche seul si j'avais pu afin de te laisser plus de temps et de liberté pour rassembler les dragonniers mais c'est impossible. Et ce ne serait d'ailleurs pas avisé, les Armandéens ont provoqué cette catastrophe, les Armandéens doivent la juguler autant qu'il est possible de le faire"

Justice ici ? Non pas vraiment, simple logique. Il n'était qu'un Voyageur après tout, venu pour tenter de sauver un monde qui s'effondrait certes en partie par sa faute mais pas uniquement. Bien d'autres chemins auraient été possibles pour les Armandéens, bien d'autres voies. Ils s'étaient hélas dirigés vers la mauvaise, il ne leur en gardait pas rancune mais il voulait s'assurer qu'ils apprendraient de toutes ces erreurs, à quoi bon sauver un monde si il devait se réécrouler le siècle suivant ? Il fallait qu'il voit les choses à long terme, une remarque cynique encore une fois quand il y pensait... Enfin ce n'était pas très important, et l'heure tournait.

"La perle que vous avez réussi à détruire est loin d'être la seule. Il en reste deux dans les forêts Elfique, nous pouvons déjà nous en détourner car elles sont trop puissantes même pour moi. Une seule a pu être détruite, les autres dévoreront ce monde lentement. Trop lentement pour qu'on s'en inquiète déjà, d'ici là d'autres événements auront lieu. Celles qui m'inquiètent ce sont celles qui ont été dissiminées plus à l'ouest, un peu partout sur le continent... Il y en a des dizaines, peut-être même plus... Je ne les localise pas toutes mais Néant a tiré trop d'énergie de cette bataille pour que ce ne soit pas le cas..."

Qu'aurait-elle pu faire d'autre de toute cette énergie ? Oh il avait bien sa petite idée sur la question mais il continuait à penser qu'elle avait dû donner priorité à la création de ces perles, elle voulait voir la trame détruite et le continent engloutit. L'énergie ainsi récupérée lui permettrait de détruire ensuite le reste du monde, à supposer qu'elle n'ai pas aussi déposé des perles sur d'autres terres, ce qui n'était pas certain. Edwyn n'était pas dupe de tout ceci, cette guerre et finalement cette gigantesque bataille avait été orchestrée avant tout par elle, elle l'avait voulue et avait agit dans l'ombre pour la provoquer. Il ne connaissait pas tant de hâte aux Esprits, ce n'était simplement pas leur façon d'être et c'était bien naturel lorsqu'on était éternel et omniscient. Il n'y avait qu'une seule explication possible, elle voulait contrer la prophétie. Et cette résolution qu'elle semblait montrer ne faisait que renforcer l'espoir et la conviction du Tarenth, si elle voulait la contrer alors cela voulait nécessairement dire qu'ils avaient une chose. A moins bien sur qu'il ne s'agisse d'une autre machination complexe dont les rouages les échappaient, mais si il commençait à penser ainsi alors autant abandonner tout de suite...

"Celles-ci sont plus jeunes et moins puissantes, elle a privilégié le nombre plutôt que la qualité. Elles sont donc plus faciles à détruire que les trois premières, dans le cas contraire l'elfe n'aurait pas pu détruire celle qui a faillit vous tuer. Et je n'aurai pas eu la moindre chance d'arriver à temps... Le problème c'est qu'elles vont se renforcer assez rapidement, il faut faire vite. Je ne peux donc agir seul. Je vais m'occuper des plus dangereuses, mais vous allez devoir agir vous-même pour les autres..."

Il n'aurait sans doute pas pu offrir une plus mauvaise nouvelle à celui qui venait d'échapper d'extrême justesse à une de ces choses... D'autant plus qu'il avait bien faillit y perdre sa dragonne, mais il n'y avait pas d'autre choix. Le Tarenth reprit sans chercher à l'épargner :

"Certaines seront peut-être plus puissantes que celle qui a été déposée à Aigue-Royal, d'autres moins. Dans tous les cas tu as vu ce qu'il fallait faire, la magie n'a pas d'impact sur ces choses mais elles ne possèdent pas de bouclier comme les trois autres. On peut les frapper, à condition de les atteindre. C'est une entreprise très difficile, voir suicidaire pour un être normalement constitué. Mais beaucoup moins pour un dragon et son lié. Je ne vous enverrais pas prendre de tels risques si ce n'était absolument nécessaire et si je n'étais certain que vous avez toutes vos chances. Les dragons sont la plus belle création des Esprits, la plus puissante quoi qu'on en pense. Si vous manoeuvrez adroitement alors ils ne feront qu'une bouchée de ces perles."

Il le croyait fermement, confiant en la force de ces créatures qui avait forgé sa vie. Et confiant aussi en ce Lien qu'il voyait renaître, aussi fort que par le passé. Oui il y avait de l'espoir, beaucoup d'espoir. En tout cas c'était ce qu'il voulait croire. Il était temps qu'il se mette en route si il voulait pouvoir garder cette idée :

"Je dois partir à présent. Certaines perles sont déjà à la limite de ma force, et elles ne feront que se renforcer. Je dois vous en débarrasser pour offrir une chance au continent de survivre jusqu'à la croisée des chemins. Ensuite cela ne dépendra plus de moi."

Et ce sera un soulagement, un gros soulagement même. Pendant une seconde, il tourna sa vision intérieur vers l'avenir mais se heurta aux perles qu'il devait éliminer. Il ne saurait pas ce qui allait se passer tant qu'il n'aurait pas effacé cet obstacle de sa route, ce qui serait difficile d'après ce qu'il voyait, il n'avait pas de dragon sous la main lui... A moins que... Un autre chemin se dessinait, encore timide et peu assuré mais ô combien réconfortant. Un peu surprit, le Tarenth le soupesa avec soin et laissa finalement une étincelle de franc plaisir s'allumer dans l'argent de ses prunelles. Ah ça... Voilà bien une rencontre qu'il allait apprécier ! Désireux tout à coup de ne pas manquer ce rendez vous là, il prit tout de même le temps d'en terminer avec le vampire.

"N'oubliez pas vous tous, l'unité est la clé de tout. Ensembles, vous ne craindrez plus rien si ce n'est les Esprits. Veillez simplement à ne jamais les offenser."

Un dernier conseil presque amer, fruit d'un apprentissage qui s'était révélé brutal et terriblement douloureux. Il se détournait déjà mais non sans une dernière offrande :

"Oh.. Et si un jour cela s'avère nécessaire, sachez que mon serment premier est la protection de mes frères. Appelez moi à travers le Lien et vous recevrez une aide, quoi que cela doive coûter. Mais n'oubliez pas que chaque seconde que je gaspille est une tragédie pour Armanda. Passez vous de moi autant qu'il vous sera possible de le faire, appelez moi uniquement en dernier recours. Adaëy Sil Dama Achroma Seithveljl. Que votre destin s'illumine."

L'antique langage résonna entre eux, semblant éveiller de vieux échos d'un autre âge sur Armanda. Les prunelles argenté se firent plus distante tandis que le Tarenth se détournait, son esprit était à nouveau tout entier tourné vers l'avenir...

La réponse ne tarda pas, à la hauteur de ce à quoi il s'était attendu. Cela aurait pu être une ombre de remontrance, qui résonnait dans les propos de cet aîné-là, mais le vampire y voyait surtout de la justesse. Jamais au cours de sa vie, il n'avait laissé le soin à d'autres de réparer ses propres fautes, et il ne l'aurait d'ailleurs pas toléré… c'était ici la même chose, simplement à l'échelle du continent. Et puis, ce n'était pas plus mal. Si futur il devait y avoir et s'il appartenait aux Armandéens, c'était à eux de le construire et de le sauver avant tout. Il hocha simplement la tête, sans ajouter un mot, agréant simplement à cette vision. Il n'accapara pas davantage son temps, préférant qu'il continue sur sa lancée, tant qu'ils avaient encore un peu de temps. Ce qu'il fit. Les perles donc, il s'y était attendu, d'une certaine façon, surtout après l'expérience faite avec celle qui s'était nichée dans la réserve rebelle et pour laquelle Silarae avait reçu un plafond sur la tête. Les nouvelles qu'il offrait n'étaient certes pas les meilleurs. On pouvait même dire sans euphémisme qu'elles étaient alarmantes… mais qu'il parle de les détruire leur laissait un espoir. S'il était possible de faire quoi que ce soit, il ferait et il était certain que les autres se rangeraient à son avis. Ils n'étaient pas en accord sur tout mais là, il y avait peu de doutes quand à leur unité. Aucun d'entre eux n'avait envie de voir ces perles dévorer le monde. Certes, Edwyn parlait bien de deux perles impossibles à détruire mais… il voulait croire que rien n'était vraiment impossible. Il y avait forcément un moyen et si moyen il y avait, ils trouveraient d'une façon ou d'une autre.

Il avait foi. Tout simplement. Et pas qu'en la caste naissante. Non, renaissante. Il avait foi en les peuples d'Armanda, vampires compris. Bref, ce n'était pas le moment pour les élans de ce genre. Une chose à la fois. Les perles se renforceraient rapidement… il fallait donc pallier au plus presser, et trouver celles qui avaient le plus de victime à portée. Celles-là devraient être éliminées avant les autres. Le mieux était qu'il s'en charge, lui ainsi que Wallam et le couple doré. De tous, c'étaient eux qui avaient le moins souffert… ou qui s'étaient le mieux remis dans le cas de sa propre liée, et ce grâce à Edwyn. Ça ne lui plaisait pas du tout, mais on ne lui demandait pas vraiment d'apprécier la mission. Il fallait la remplir, c'était tout, et il le ferait. Mais pas seul… Oui il y avait les dragons, c'était certain et il faudrait compter dessus. Un embryon de plan commençait déjà à se former dans son esprit. Il devait partir… oui, mieux valait, il avait encore bien des labeurs devant lui, lui aussi. Ses dernières paroles se voulaient réconfortante. L'unité était la clef de tout et ils ne craindraient plus rien. Il voulait le croire. Il le croyait. Un étrange sentiment le saisit cependant, et il espéra avec férocité qu'Edwyn serait là pour voir la caste grandir. Une sombre inquiétude l'habitait. Il s'inclina légèrement, une main sur le coeur, au salut qu'on lui offrait et à la promesse qu'il transmettait. Une dernière fois, cette sombre mais fugace inquiétude l'étreignit, puis il se détendit et observa le Tarenth s'éloigner, l'esprit ailleurs.

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