¤ L’hiver ¤

L'hiver, même s'il ne le montrait pas, Elrond adorait cette saison. Le froid qui englobait la forêt, le vent geler qui soufflait entre les arbres, figeant sur ceux-ci quelques petites stalactites de glace. Les arbres centenaires, millénaires du royaume elfique se nappaient de flocon de neige, se recouvrant d'un manteau blanc. La neige, forme de pureté sans pareille. Cette saison des plus rudes, l'Amarië l'adorait, car elle était une accalmie imposée par les esprits mêmes sur le monde, un cessez-le-feu obligatoire que même la nature devait suivre. Chacun restait chez lui le temps que passe l'hiver, que la nature plongée en sommeil pour plusieurs mois ne se réveille au premier jour du printemps, s'épanouissant au rythme de la fonte des glaces. Oui le temps que les jours redeviennent plus longs, le temps que le voile des nuits hivernales ne s'éclaircisse, le temps que la chaleur soit à nouveau insufflée dans la terre, dans les arbres, dans le vent. Que la chaleur éclose à même la vie, à même le coeur des êtres. Non cet instant n'était que douce accalmie, bercée par le chant de la neige, les flocons, petites gouttelettes gelées, depuis leurs sauts des hauts nuages, dansaient une lente valse tout le long de leur chute libre. Venant alors fouler le sol s'y entassant petit à petit pour former la neige, formant un manteau des plus froids sur le sol, faisant crisper les chausses lorsque l'on marchait dessus, laissant dès lors une belle empreinte de son passage, mais rapidement de nouveaux valseurs tomber du ciel venaient s'ajouter au manteau masquant la trace. Que le soleil les éclaire ou que la nuit ne les couvre, ils ne cessaient de tomber. Sautant un à un de leurs hauts nuages pour espérer rejoindre le sol. Dans une maison forestière, isolée, dont le toit était recouvert de neige, dont le ruisseau passant non loin était gelé, et sous le regard d'un dragon tout aussi froid, percher plus haut dans l'arbre sans âge, où était appuyé l'elfique maisonnette, une de ses créatures à la beauté irréelle et aux oreilles pointues dormait. Il dormait d'un sommeil agité, agité par quelques mauvais rêves, des cauchemars dont l'intensité, le réalisme et la violence ne cessaient d'augmenter chaque nuit. Victime de l'odieuse malédiction du huitième esprit, l'homme du beau peuple semblait lutter contre ceux-ci, bougeant, remuant dans ses draps dans l'attente de la salvation de son réveil. Le dixième cycle venait de commencer voilà quatre jours, les cauchemars bien que mouvementé restaient encore supportable, de même pour la douleur qui envahissait son crâne à chaque réveil. Quand celle-ci cesserait-elle ? Nulle ne peut le dire. Peut-être lorsqu'Océan aura décidé, de sa main charitable, de venir en aide à celui qui pourrait être l'un de ses futurs Baptistrels. Ou qui sait, peut-être serait-ce le Dracos qui viendrait en aide à l'un de ses élus ? Voilà cinq mois qu'il n'en était rien, peut-être devait-il s'en délivrer par leurs propres moyens, mais comment ?

Torturer par de sombres pensées, l'elfe finit par ouvrir les yeux, ses yeux azurés se dévoilant au monde alors que déjà, l'aguilles de Väsà venait lui percer le crâne y ravivant la terrible douleur avant de perdre en intensité. Haletant, la créature de magie regarda par delà la fenêtre de sa chambre le voile d'obscurité de la nuit recouvrait encore le ciel, il était très tôt, mais le sommeil avait quitté l'elfe, ou plutôt le désir de dormir ne lui venait point. Elrond n'avait aucune envie de replonger dans ses cauchemars. Se levant lentement, se toilettant, il s'habilla chaudement avant de sortir de chez lui avec l'intention de se rendre au domaine de la Rhapsodie. Non il n'irait pas cette fois pour prier Océan, il l'avait déjà fait les journées précédentes. Cette fois-ci, il s'y rendait pour étudier. Au vu de l'état de son maître, l'Amarië s'en était allé prendre conseil auprès d'autres Baptistrels pour qu'on lui remette la liste des livres qu'il devrait impérativement lire pour comprendre leurs principes et vocabulaires avant de tenter d'apprendre. Sortant de chez lui, jetant un regard sur son lié qu'il avait finalement réussi à convaincre de rester près de leur chez eux la nuit, l'elfe blond abandonna la place pour se mettre en marche dans cette nuit d'hivers en direction du territoire des chanteurs.

Après quelques heures, au loin apparaissaient les lueurs du Tomingorlo. Pressant le pas pour rejoindre le château avant de souffrir de quelques engelures, le sylvain entra dans celui-ci, se dirigeant vers les bibliothèques qui ressemblaient plus à des labyrinthes.

Les bibliothèques, sanctuaires du savoir... maintenant plus âgé Elrond les appréciait davantage qu'étant enfant, même plus, il pensait presque pouvoir les apprécier à leur juste valeur. Même il faudrait encore quelques années pour cela soit totales. Luttant parmi les étalages pour trouver livres et parchemins dont on lui avait remis le nom. Après deux bonnes heures, il en trouva quelques-uns. Il avait certes déjà tâté le terrain, mais il se repérait bien plus facilement dans la forêt que dans cette bibliothèque. S'installant à une table, s'étalant, prenant ses aises, il débuta, ouvrant manuscrit et parchemin pour s'imbiber de la connaissance Baptistral. Comme il s'y attendait, certains des sujets ne furent pas de plus passionnants, ennuyant seraient les termes approprier, d'autres passaient, quelques-uns néanmoins éveillaient sa curiosité, mais rien encore ne trouvait grâce et passion à ses yeux. Cela ne serait tarder, il n'avait pas tous les ouvrages en sa possession, une fois cela terminé, il irait à la quête d'autres. Durant de longues heures, le dragonnier elfique devenu rat de bibliothèque absorba comme une éponge le savoir suintant de ses recueilles.

Quand finalement un timide « excusez-moi de vous déranger ? » sorti l'Amarië de sa lecture, le faisant légère sursauté, ainsi brusquement sortie de sa concentration. Tournant la tête, ses yeux rencontrèrent la silhouette gracieuse d'un jeune elfe, lui souriant légèrement, Elrond lui rendit son salut. Elle se présentait comme étant Lisaë Terendul. Terendul, ce nom lui disait quelque chose. En effet il s'agissait du nom du général de l'armée elfique. Cette jeune elfette était son épouse.

« Puis-je me permettre ? »

« Bien sûr je vous en prie. Vous désirez peut être un de ses livres, excusez-moi je les ai monopolisés un bon moment, mais certains ne cesses de renvoyer à d'autre. Les notions des Baptistrels ne sont pas des plus aisées, surtout quand on est autant compatible avec les livres que la peau avec une épine. »

L'Amarië sourit légèrement. Ses traits étaient fatigués, par la courte et agitée nuitée, mais aussi la malédiction qui le torturait depuis ces derniers mois.

¤ La demande d’une mère ¤

Plonger dans les livres au beau milieu d'un labyrinthe d'étagères remplies à craquer d’écrits, de parchemins et autres manuscrits en tout genre, Elrond Amarië était en train d'apprendre les bases du vocabulaire Baptistrel, tous ses ouvrages pourtant épais semblaient rester étonnamment vague pour le dragonnier, mais réalité, ils ne faisaient que gratter la surface, car les termes étaient infiniment complexes et il ne fallait pas prendre le risque d'aller trop en avant, sinon l'apprenti se perdrait bien rapidement. L'elfe blond comprenait toutefois, lentement, la complexité de la voie dans laquelle il avait décidé de s'engager. Cependant, cela ne le décourageait pas, conscient de la chance qu'il avait. Le manuscrit qu'il avait dans la main traitait des chants, ou plutôt des notes majeures qui les composaient, expliquant, définissant ce qu'elles étaient, ce qu'elles signifiaient et pourquoi elles étaient utilisées. Rien de tel pour bourrer le crâne et amplifier la migraine qu'il traînait déjà, mais peut-être valait-il mieux qu'Elrond prenne de l'avance ici. Plutôt qu'il ne prenne le risque de faire perdre patience à Merithyn à force de perdre le dragonnier qui décrocherait au bout de quelques instants. Au moins, le livre-lui, ne risquait pas de voir ses nerfs mis à l'épreuve, et puis lui pouvait revenir en arrière autant de fois qu'on le souhaitait.

Mais alors qu'il était plongé dans cet ouvrage, l'ayant recommencé pour au moins la troisième fois, débutant seulement à en saisir le sens cacher, une jeune elfe vint l'interpeller timidement. Provoquant directement une réaction de l'Amarië, qui prit le devant sur ce qui pouvait être sa supposée demande. Ce ne fut cependant pas le cas, puisque jeune Terendul l'en détrompa, signifiant qu'elle était venue pour lui. Pour lui ? Pardon ? Ah non, pour ce qu'il était, c'est-à-dire un dragonnier. Le rouge réfléchit un instant avant d'acquiescer, posant son bouquin. Au moins cela lui permettra de faire une pause, de souffler un instant, reposer ses yeux et son esprit. Avant d'indiquer qu'elle pouvait formuler sa demande, sa curiosité le poussant à se demander ce que la jeune femme pouvait bien voulant d'un dragonnier.

« Je n'aime pas oser ce genre de chose, mais je viens en tant que mère afin de vous donner un immense honneur pour mon jeune fils. C'est un génie hors pair, un inventeur à l'imagination débordante. Il souhaiterait rencontrer un dragon afin de pouvoir mieux comprendre le mécanisme de leur mouvement, en particulier ceux de leurs ailes. Mon cher trésor souhaiterait créer des objets volants. Douce imagination que celle de la jeunesse. Mais si quelqu'un peut réussir, c'est bien lui. »

Doucement un sourire amusé se dessina sur les lèvres de l'Amarië avant qu'un léger rire ne s'en échappe. Un elfe voulant admirer un dragon pour sa beauté, il aurait pu aisément comprendre, mais un elfe voulant observer un dragon pour comprendre comment ceux-là fonctionnaient voila bien une idée amusante, mais néanmoins étonnante.

« Votre enfant voudrait créer des objets volants, à terme j'en déduis qu'il voudrait lui-même voler. Voilà un rêve peu banal et bien amusant, mais qui n'en est pas moins admirable, même si je dois avouer qu'il m'a l'air bien courageux. Pour mettre moi-même retrouver au-dessus du sol, suffisamment proche des nuages pour pouvoir les toucher, je peux vous dire qu'il ne faut pas avoir peur aux yeux et avoir le coeur solidement accrocher. »

Elrond se rappela de son premier vol avec Möebius, cela l’avait tétanisé, au point qu’il en était incapable de bouger. Mais cette peur n’avait toutefois pas été assez suffisante pour enchainer sa curiosité et son petit brin de folie. En effet il s’était laissé tomber dans le vide pour ressentir ce que cela faisait. Möebius n’avait pas particulièrement apprécié l’expérience, mais l’Amarië lui avait totalement débarrassé son corps de sa terreur. Il volait à présent dans le ciel avec son lié, aussi aisément que s’ils n’avaient été poissons dans l’eau.

« Je ne peux malheureusement pas me permettre d’accéder votre demande, du moins pour le moment. Möebius est assez…. Indisposer depuis notre retour de notre combat contre le Néant. Toutefois, lorsqu’il ira mieux, votre fils pourra l’approcher, je demanderais à mon lié. Mais je pense que cela ne devrait pas poser de problème. »

Baissant les yeux un petit instant, l'elfe regarda les ouvrages étaler sur la table ainsi que sa liste non loin. Il la saisit avant de la présenter à Lisaë Terendul, indiquant de son doigt un ouvrage.

« Est-ce que vous pourriez m'aider à trouver cet ouvrage ? Il traite sur les chants nom. Je n'ai pas réussi à poser la main dessus, je n'ai pas l'habitude des bibliothèques, je me repère bien mieux dans les bois qu'ici. C'est un livre qui attrait à l'une des bases les plus importantes de mon apprentissage, il serait dommage que je ne puisse profiter de celui-ci. Si vous m'aidez à le trouver, cela pourrait vous permettre d'apporter à votre fils quelques informations en plus, je me débrouille assez bien pour ce qu'il est de dessiner, qui sait, je pourrais faire quelques croquis pour votre fils. »

¤ Futur Baptistrel ¤

Voilà un bien drôle d'enfant que cette jeune elfe mariée au général de l'armée elfique avait. Elle le décrivait comme un génie, les mères ont tendance à exagérer lorsqu'elles parlaient de leur enfant, mais si celui-ci cherchait à inventer une machine lui permettant de voler, peut être était-ce le cas ? Quoi qu'il en soit, l'Amarië aimerait bien voir cela, voir comment il s'y prendrait, si celui-ci cherchait simplement à copier la manière de voler des dragons. L'elfe blond avait tout de même peu d'espoir, il avait vu son dragon s'envoler des centaines de fois, il déployait à chaque fois une puissance incroyable pour décoller, et c'était le double lorsqu'il était sur son dos. La force de cent chevaux aux moins, une force que seul un dragon pouvait déployer. Et la demande de celle-ci serait grandissante à mesure que Möebius grandirait. Alors comment le jeune Terendul s'y prendrait ? Oui l'elfe avait hâte de savoir comment, curieux.

« En effet, je pense qu'à long terme, ses machines seront plus grandes pour permettre nous même de voler. Je dois cependant ajouter à l'amusement et à l'émerveillement, une certaine inquiétude vis-à-vis de l'inventeur. C'est pour cela que je veux pour lui les meilleurs supports et appuis possible. Que les marges d'erreur soient diminuées au possible. »

Oh oui, la jeune mère pouvait être inquiète, car le ciel est comme la mer, il ne pardonne pas la moindre erreur. Si jamais celui-ci arrivait un jour à voler, la moindre erreur, la moindre chute trop haute dans le ciel lui serait fatale. Mais peut-être aussi devrait-il l'avertir d'un autre danger ? Était-ce sage ? Mh, non il valait mieux ne pas donner d'autre inquiétude à la mère de l'inventeur, il se contenterait de lui dire en personne le jour où il le verrait. En mer, nous ne sommes pas seuls, celle-ci grouille de vie et de créature plus dangereuses les unes que les autres. Mais dans les cieux, il n'y a qu'une seule créature et cette créature est plus dangereuse qu'un million d'hommes, celle-ci est maitresse des cieux et il serait fort à parier que la créature en question ne tolèrerait point de voir des êtres condamnés à rester au sol voler ainsi dans leur domaine. Elrond pensait bien sûr aux dragons. Les inventions n'auraient sans doute jamais la solidité de ceux-ci, ni la résistance à leurs flammes. Il suffisait qu'il en tombe sur un ne partageant pas le point vu un peu fou de l'inventeur, et celui-ci n'aurait pas le temps d'atteindre le sol.

« Cela fait partie du rôle de mère de s'inquiéter pour ses enfants, autant que de les soutenir. 'Si les esprits avaient voulu qu'on vole nous aurions eu des ailes, ou bien tout à chacun serait dragonnier. ' C'est un point de vue qui se défend, mais nous ne sommes nées ni avec des crocs ni avec des griffes pour nous entre-tuer avec les autres races et pourtant nous le faisons ... À l'aide des armes que nous fabriquons. Qui sait ce que veulent réellement les esprits ? »

Elrond sourit légèrement en la regardant. Oui que voulaient les esprits ? Voilà bien une question dont la découverte de la réponse ne serait pas de plus aisée. Peut-être devrait-il s'employer à la découvrir, lorsqu'il serait Baptistrel. Son savoir serait alors plus grand, tout comme sa sagesse et sa patience. Lentement la jeune Lisaë reprit la parole, d'une voix douce, remerciant le dragonnier pour avoir accédé à sa requête et celle de son fils, comprenant également qu'il lui faudrait attendre que son lié se remette de ses blessures. Cela serait long, il avait été le plus touché lors du combat, se débarrasser de la malédiction qui l'accablait ne serait pas des plus aisé. Finalement elle accepta le marcher du dragonnier elfique, allant bien vite s'enquérir du livre en question, ou du moins, un ouvrage tout aussi relatif.

« Tenez. Il y a autour beaucoup de notions bien plus complexes pour des novices, mais le chapitre traitant des chants noms est assez bien décrit. L'auteur se base sur de nombreuses expériences de jeunes Baptistrels découvrant cette autre façon d'aborder l'être. »

Voilà bien ce que l'on pouvait attendre de l'archiviste du royaume, de la gardienne du savoir. Et cependant, quelque chose disait à Elrond que la connaissance de cet écrit ne se bornait pas à un simple professionnalisme. Saisissant lentement l'oeuvre, l'Amarië la remercia, avant de se saisir d'une feuille de papier et d'un crayon, commençant comme promis son schéma. Cela prendrait un petit moment le temps qu'il dessine correctement les parties d'un dragon qui lui permettaient de voler.

« Je serais plus qu'honorée que vous puissiez apporter cette aide à mon petit génie. Merci, merci encore. Vous aspirez à devenir un des leurs ? Je trouve cela en adéquation avec ce qu'un dragonnier peut être. »

« Ne me remerciez pas autant, je vais finir par rougir. Je souhaite en effet devenir Baptistrel, j'ai fait ma demande auprès de maître Merithyn Shadowsong qui a accepté de me prendre sous son aile. J'espère me montrer digne de son enseignement et de son temps. Je ne suis pas sûr que dragon et Baptistrel soient vraiment en adéquation, leurs magies sont profondément différentes, je prends un très risque pour mon lié et moi-même en suivant cette voie, car nul ne sait ce qu'il y a au bout, ce qui pourrait se produire ou ne pas se produire. Même Merithyn qui est pourtant lié à un dragon ne le sait, avant de se lier à Shaynar, son serment était déjà prononcé et leur lien n'est en rien comparable avec celui qui m'unit à Möebius. S'ils ont un presque-lien, celui de Möebius et moi est complet. Je ne cesse de m'interroger si ce que je fais est le bon choix. Mais je pense qu'au final, si personne n'ose le faire, jamais on ne sera ce qui pourra en découler. Si je choisis de reculer maintenant et que plus tard un dragonnier prend la même voie que moi, va jusqu'au bout ... Et qu'un drame en survienne, je pense que je m'en voudrais bien plus que si ce drame m'était arrivé à moi et Möebius. »

L'elfe souffla légèrement relevant le regard vers la jeune Terendul, souriant quelque peu après ses paroles peu rassurantes, avant de reprendre son croquis.

« Mais dites-moi, me trompé-je en pensant que votre intérêt pour le contenu du livre que vous m'avez conseillé va au-delà d'une simple distraction ou de votre devoir de gardienne du savoir ? »

¤ Sous l’aile d’un esprit ¤

Lentement et avec attention, le jeune Amarië s'employait à dessiner Möebius, ou du moins ses ailes, sa queue, ses pattes, ses écailles, la forme que celles-ci avaient, avec d'autres indications, l'envergure des ailes et de ses autres parties, ainsi que de son poids. Oui Elrond s'évertuait à noter, à griffonner sur des feuilles de papier tout ce qui pouvait lui paraitre important, tout ce qui selon-lui permettait à son lié bleu de voler dans le ciel avec une telle aisance. Depuis la naissance du son lié, l'elfe s’était intéressé à lui, avait fait des recherches afin que tout chez lui se déroule bien, sa croissance et toute autre chose. Il n'avait pas trouvé grand-chose certes et y était allé pour la majorité à l'aveuglette, mais suivait avec attention la transformation graduelle et continuelle de son lié. Le dragonnier elfique devait toutefois avouer qu'il ne s'était jamais réellement intéressé à la question « comment fait-il pour voler ». Il avait des ailes certes, mais ce n'était pas tout, il en allait de même avec les oiseaux, certains pouvaient voler, d'autre non. Cela devait être pareil chez les dragons, ils peuvent voler, car ils ont le petit truc en plus qui le leur permet. Écoutant attentivement la jeune elfette en même temps qu'il dessinait, la bouche d'Elrond ne put s'empêcher d'exprimer un petit rictus face à la prise d'opinion de la Terendul. Celle-ci n'était toutefois guère étonnante, elle était mariée à un militaire, il aurait été étrange qu'elle pense autrement. L'Amarië n'y fit toutefois aucune remarque, il ne la releva pas, se contentant de l'écouter et de continuer son croquis avec intérêt.

« Les Esprits cherchent à trouver et à prouver le meilleur de nous même en nous donnant de nouveaux défis à relever. À nous mener de plus en plus vers la voie de la sagesse absolue et vers la perfection de notre race. Nous avons le temps, les capacités et les moyens d'y parvenir. »

Dans ce cas ne pouvait-il pas s'agir d'un défi vers la sagesse absolue et la perfection de la race des elfes que de faire avec d'autre race ? Humain comme Vampire ? Voilà une question que le blond aurait pu poser à la jeune elfe, si celle-ci n'avait pas déjà repris la parole. Ainsi Merithyn était parrain ? Il en apprenait un peu plus sur maître, c'était plaisant. Il est vrai qu'il avait eu de la chance d'avoir Merithyn, le chef l'ordre Baptistral comme maître. Mais pouvait-il en dire autant le sens inverse ? Il en vrai qu'Elrond était dragonnier, mais ce n'était pas pour autant que Merithyn pourrait se trouver chanceux de l'avoir lui comme élève. Sans doute allait-il lui faire perdre patience plus d'une fois.

« Vous avez une vision intéressante des choses, moins défaitiste que la mienne, c'est agréable à attendre, j'espère que vous avez raison. J'ai depuis longtemps parlé de ce sujet avec Möebius, il ne s'y est pas opposé, il m'a même soutenu. C'est un dragon curieux, surtout en ce qui concerne la magie, alors avoir l'occasion d'en apprendre sur une autre qui n'émane pas de lui. Si cette expérience finie mal en effet je le regretterais, mais moins que si celle-ci était arrivée à un autre, et dont j'aurais eu la possibilité d'empêcher. »

Lentement, l’Amarië arrivait sur la fin de son croquis, alors que Lisaë Terendul répondait à la dernière interrogation du jeune dragonnier. En effet l’inspiration de cette dernière pour la connaissance Baptistral n’était pas du seul ordre de la pure curiosité, ou même du devoir. Non il y avait bien là une envie, un désir, qui fit sourire le blond qui finit d’apporter les derniers détails à ses schémas avant de les classer puis tendre les feuilles à cette dernière.

« Lorsqu’un esprit a posé un regard sur nous dame Terendul, il nous est impossible de lui échapper. Tôt ou tard, nous allons vers eux d’un moyen ou un autre, une force inconnue nous y amène. Je l’appellerais le destin pour ma part, mais peut-être que je me trompe. C’est également le travail d’une mère que d’aider à réaliser les intérêts de ses enfants et du père de ses enfants. Mais tôt ou tard les vôtres rentreront en adéquation avec les leurs et alors vous vous devrez de réaliser ceux-ci pour continuer à les aider. J’espère un jour vous voir rentrer dans l’ordre. Qui sait, peut être serait-je déjà Baptistrel à cet instant-là, je vous prendrais volontiers comme élève. »

Le dragonnier ria un petit instant à la fin de sa phrase.

¤ Sous l’aile d’un esprit II ¤

Les dragons étaient des armes. C'est ainsi qu'ils avaient été considérés pendant longtemps, c'est ainsi que les dragonniers les avaient utilisés jusqu'ici, gaspillant leur lien, gaspillant la chance qu'ils avaient d'être lié à de telles créatures. Et c'est sans doute ainsi qu'Elrond aurait utilisé sa moitié d'âme. Oui faillit, s'il n'avait pas vu celui-ci souffrir lors de la bataille de feu sacré. Et s'il n'avait pas vu de ses yeux vus Atalos, le dragon d'or, gésir au sol, le flanc trancher, et son sang coulant à flot. Cette image lui était de plus désagréable, et ravivait la douleur provoquée par le sang du dragon sur ses mains. Serrant les dents, l'Amarië sentit ses mains s'enflammer. Qui l'aurait cru, le sang d'un dragon est semblable à de la lave. Chassant bien rapidement cette image de son esprit, l'elfe reporta son attention sur la jeune Lisaë. La magie, c'est vrai qu'il en avait parlé avec le dragonnier d'Atalos, Amyelenor. Il avait parlé avec une sagesse assez rare venant de sa part. Sans doute était-ce pour ces mêmes raisons que le blond s'employait à éloigner Möebius des champs de bataille. Car il était source de magie, car il était source de vie pour le peuple sylvain.

Les mots de la gardienne du savoir réconfortaient un peu l'homme du beau peuple. Il allait en apprendre plus sur le fondement de la magie, jamais l'elfe n'aurait cru s'y intéresser un jour. Mais en effet, Elrond aller se retrouver immerger dans ce domaine-là. C'était assez excitant dans un sens. « Vous allez là où jamais aucun autre Baptistrel ne sera allé. » L'Amarië serait une sorte d'éclaireur, voilà bien une place qu'il n'enviait pas particulièrement, trop en avant, trop incertaine. Cependant le sort semblait en avoir décidé ainsi. Il ne pouvait donc que s'y conformer.

« -Et ce serait avec un grand plaisir que je serai votre élève assidue et en quête de découvrir les merveilles de ce monde. Mais oui, pour le moment, mon rôle n'est pas d'aider la magie, notre peuple, la connaissance. Je dois avant veiller sur le nouvel avenir des elfes en la présence de mes trois enfants. Et il y a du travail, car ce sont trois joyaux aussi curieux que désireux de faire leur preuve au sein de notre peuple. »

Pour toute réponse, le jeune blond se contenta de sourire. Elle avait bien du travail qui l’attendait, mais il ne doutait pas que tôt ou tard, elle irait vers la voie des chanteurs de la Rhapsodie. Elrond semblait l’avoir fui inconsciemment pendant deux cents ans, avant d’être violemment rappelé par Océan. Il en serait de même pour cette jeune elfe, le dragonnier n’en doutait pas. Une fois le moment venu, l’esprit qui nous prend sous son aile nous rappelle toujours notre devoir. L’être aux oreilles pointues, lui souhaitait bien du courage, élever des enfants pouvait-il être comparable à élever un bébé dragon jusqu’à ce qu’il soit assez mûr pour voler de ses propres ailes ? Non, bien sûr que non. C’était semblable, mais si éloigner à la fois. Toutefois, le rouge ne saurait dire lequel des deux est le plus difficile.

« - Votre dessin est d'une beauté réaliste. Vous avez un don pour ce genre de chose. Je vous remercie au nom de mon fils. C'est là un bel honneur et une grande chance de vous avoir rencontré. Et si je puis me permettre, votre maître à de la chance d'avoir là un élève consciencieux qui cherche à faire de son mieux. »

Riant légèrement l’Amarië répondit.

« J’ai beaucoup de défauts, mais je ne peux pas être fait que de cela, les esprits m’ont quand même doté de quelques talents. Tout l’honneur est pour moi, rencontrer une mère si avenante pour le bien de ses enfants est toujours agréable. Je ne doute pas que Merithyn, malgré mon mieux, s’arrachera quelques cheveux. »

Le dragonnier sourit avant de venir reprendre le livre qu’il avait délaissé lors de l’arrivée de la Terendul.

Je serai ravi de vous voir m’aider une fois de plus comme vous l’avez fait aujourd’hui. »