______L’endroit où il était à présent ne ressemblait en rien à la vie qu’il venait de quitter. Là où il y avait auparavant une cinquantaine de personnes s’en tenait maintenant des centaines. Mais ce n’était pas au plus mal, car tous étais des soldats, des élus du Néant comme lui, béni et habité de la même mission. Mais tout de même ! Autant de monde réunit en seul endroit ! Toutes ces personnes se tenant sur ces terres fissurées, tant par l’aridité de la région que par les nombreux séismes. Mais un Alayien ne saurait se montrer préoccupé par ce qu’il côtoie depuis son premier jour. La terre tremble et alors ? Un jour un homme a prétendu que c’était là l’œuvre de l’esprit de la Terre. Eddo pensait, et pense toujours, que ces paroles n’étaient qu’idioties et le fit savoir au principal intéressé en lui plongeant sa dague de verre noir dans le corps, la tournant et la retournant en précisant dans un murmure « Il n’y a qu’un seul esprit en ce monde, souviens-t-en la prochaine fois ». Un doux souvenir, comme tous ceux dans lesquels il servait la cause du Maître. « Et le Maître récompense ceux qui lui sont fidèles » entendit-il dans son esprit. Et c’était bien vrai. Il l’avait été lorsqu’il avait tranché la gorge de son père. C’était à ce moment là qu’il avait reçu Sa bénédiction. Baissant son regard vers la dague accrochée à sa ceinture, il y voyait pendre, au bout d’une ficelle enroulée autour du manche, la phalange du petit doigt de cet homme. Cela le fit sourire et il reprit sa marche, plongeant dans l’attroupement de tous ces soldats et cherchant un recruteur. L’armée allait partir en conquête et il en serait.
______Au bout d’une centaine de mètres il aperçu une habitation de pierre assez grande pour accueillir une bonne douzaine de personnes et devant laquelle patientait quelques personnes. A côté de cette baraque devant laquelle il s’arrêta pour se mettre en bout de fille, il y avait un escalier qui semblait descendre sous terre et plus loin, quelques mètres derrière, un autre escalier qui était la sortie si Eddo se fiait aux personnes qui en montaient. Le premier escalier était emprunter par des soldats qui sortait de l’habitation. Il remontait quelques minutes plus tard, les bras chargés d’objets noir et reflétant le soleil de plomb qui tapait depuis le début du jour. Enfin ce fut son tour de passer, l’extérieur était séparé de l’intérieur par un simple linge noir suspendu en lieu et place d’une porte. Le traversant, il se retrouva dans une pièce où la lumière passait au travers de nombreux trous dans la construction en pierre. Mais la chaleur était étouffante même pour un Alayien. Mais Eddo en fit abstraction et s’avança vers un homme assis à une table de pierre et devant une pile de parchemins et encadré par deux soldats.

- Alors tu veux toi aussi rejoindre la grande armée Alayienne, commença-t-il sans laisser le temps au jeune homme de se présenter.
- Oui monsieur, ce serait pour moi un honneur de propager la vérité sur notre Esprit au monde entier ! lança-t-il, fier, comme il se l’était répété tant de fois dans son esprit en prévision d’un moment comme celui-là.
- M’ouais, répondit le recruteur en grimaçant, comme tout le monde. Mais as-tu quelque chose de plus que tous ces trouffions que je vois défiler ?

______Ça aussi il l’avait prévu alors il fit glisser sa lame de son étui et la sortie en la faisant tourner entre ses doigts. Les deux gardes mirent la main à l’épée mais l’instructeur leur fit signe de ne rien faire. Eddo continua de faire tournée sa dague à lame en verre noir en fixant son interlocuteur puis la planta dans la pierre devant lui, exhibant au passage sa main sur laquelle était son tatouage d’un arc de cercle noir.

- Je pense pouvoir faire la différence si j’en ai l’occasion, monsieur !

______Mais l’homme ne répondit pas, il se contenta de prendre un parchemin , sa plume qu’il trempa dans l’encre, puis rédigea un mot avant de le tendre au jeune homme qui rangeait son arme. Un léger sourire sur les lèvres, il lui indiqua de prendre l’escalier au dehors. Saluant l’homme, Eddo sortit et se dirigea vers l’escalier. Arrivé en bas, il comprit qu’il était dans un armurerie. Trois personnes étaient là pour le servir, il tendit son parchemin et rapidement il se retrouva les bras chargés d’une arme en verre noir, à propos de laquelle on lui expliqua qu’elle possédait des capacités spécifiques. On voulu lui donner une arme mais il annonça qu’il possédait déjà une dague de verre noir et qu’il n’avait besoin d’aucune autre arme. Il refusa également une sorte de couverture dans laquelle il était censé s’enrouler pour dormir en annonçant qu’il ne dormait pas. Enfin on lui ajouta sur les bras une gourde, qu’il accepta. C’est ainsi qu’il remonta par l’autre escalier, son équipement de soldat sur les bras. La chaleur de l’extérieur le frappa en plein visage, l’étouffant, alors que quelques secondes plus tôt il était dans une cave, bien fraîche. A présent, il lui faudrait trouver un endroit au calme pour passer son armure et se préparer à la suite.

______Eddo s’était trouvé un endroit assez calme, du moins aussi calme qu’on pouvait faire avec des centaines de soldats à quelques mètres de là. Son armure était posée sur un rocher brûlant. Pour le moment il retirait ses vieux vêtements. Il ne garda qu’une fine chemise brune, ses braies ainsi qu’un eu de tissu dont il se servirait pour envelopper ses pieds une fois qu’ils seront dans les bottes de son armure. Justement son armure il commença à la mettre. Tout d’abord ses bottes, ses jambières ensuite, sa cuirasse pour la protection de son torse et son dos, et enfin sa barbute qui lui protègerait la tête tout en permettant à ses ennemis de bien comprendre qu’ils sont mort pour la cause du Néant, le seul Esprit de ce monde. Le fait que l’ensemble était en verre noir rendait les mouvements très facile à exécuter et le poids n’était pas un problème non plus bien qu’il faille un temps d’adaptation. Pour compléter sa tenue il attacha sa gourde derrière son dos à sa ceinture de cuir et accrocha l’étui de sa dague au niveau de sa hanche droite.
- Je vais pouvoir m’en servir pour une cause bien plus noble que vider de leur sang des pères adorant le Néant dans leur cave…
- Et tu comptes en faire quoi ? lui demanda une voix grave derrière son dos.
______En se retournant il se retrouva à un homme plus petit que lui, plus large que lui et également plus chauve que lui. Il portait son armure de verre noir et son casque à lui était un étrange heaume lui cachant la totalité du visage mais laissait à découvert le haut de son crâne. Dans son dos était accroché un énorme marteau de la même matière que le reste, son manche dépassant d’un bon bras au dessus de sa tête.
- J’espère ne pas te déranger dans tes préparatifs, s’avança-t-il en lui tendant une main. Je suis Konel. Soldat depuis des années.
- Vous êtes mon supérieur, monsieur ?
- Non pas du tout ! Oh là non ! Je ne suis qu’un soldat et…
- Très bien. Fichez moi la paix dans ce cas, lança Eddo sans ménagement.
______Prit au dépourvu, le soldat sembla mal à l’aise et une sorte de colère passa furtivement sur son visage. Mais il se reprit rapidement et se rapprocha du jeune homme. Adoptant une attitude toujours cordiale mais une voix plus dure, essayant probablement de paraître dur et autoritaire.
- Même si je ne suis pas ton supérieur, gamin, il avait craché ce mot là, tu ne devrais pas traiter tes frères d’armes de cette façon. Tu pourrais très bien me devoir la vie sur le champ de bataille.
- Je pense être capable de me débrouiller seul.
- Je n’en serais pas aussi sûr, relança Konel. Ton armure ne te protège pas de toute part.
______Son ton devenait plus menaçant à présent. Il posa également sa main sur l’épaule d’Eddo.
- Ici par exemple. Tu n’as pas de spallières, pas de protection sur tes bras ou tes mains. Mais le plus important c’est ici, il lui donna une petite tape à l’arrière de la nuque. Un espace suffisamment grand pour qu’une lame s’y insère et te transperce. Ton angle mort qui plus est, tout le monde peut s’y faufiler.
______Eddo ne trouvait rien à y redire, c’était bien vrai. Des endroits mal protégés, des angles morts. Alors il se contenta de retire la main du vieux soldat puis son pied vint le frapper au genou, le mettant à terre. A ce moment là son poing le percuta violemment au visage, laissant s’échapper du sang et peut-être un ou deux dents. Le laissant là, ainsi que ses vieux vêtements, le jeune homme partit d’un pas assuré vers le reste de l’armée. Au passage il croisa des regards d’autres soldats qui avaient apparemment vu ce qu’il venait de faire. C’était peut être son esprit qui lui jouait un tour, mais il semblait avoir reconnu de l’approbation et même des félicitations sur certaines lèvres. Malheureusement c’était sans compter sur la ténacité du vieux soldat, il fallait au moins lui reconnaître cette qualité.
- Hérétique ! beugla-t-il dans le dos d’Eddo. J’accuse ce garçon d’hérésie ! Tu ne pourras pas me faire taire ! J’en appel aux lois du Néant et demande un duel pour qu’il soit jugé par l’Esprit. Tu mourras de la main du Maître.
______Le duel qu’il demandait était une vieille tradition du Néant. Quand une personne était accusé d’hérésie de quelques natures que ce soit, il se voyait défié par son accusateur dans un duel à mort. Sa mort prouverait sa culpabilité, tandis que s’il gagne, son accusateur mourrait avec l’étiquette de menteur et ne pourrait plus jamais revenir sur ce monde de quelques façons que ce soit. Mais cette pratique ce faisait rare, surtout par le fait qu’elle était utilisé pour n’importe quelles raisons. Il n’était ceci dit jamais bon de refuser.
- Et tu te prétends la main du Maître ? répondit Eddo en se retournant, bras croisés.
- Prépare toi, l’avertit Konel en avançant lentement tandis qu’autour d’eux se formait un cercle de soldats. Tu seras à jamais un hérétique au yeux du peuple.
- Tue moi d’abord, nous verrons ensuite !
______Mais à peine avait il fini sa phrase que le soldat tira son marteau et décrit un cercle horizontale devant lui. Eddo du se pencher en arrière pour éviter l’arme qui passa très près de son visage. Une roulade arrière, difficile à exécuter avec une armure, lui permit de prendre un peu de distance et de tira sa dague de son fourreau. La lame de verre noir scintilla sous le soleil. Son adversaire était plus coriace qu’il ne le laissait croire, ça n’allait pas être facile de s’en sortir vivant. « On va essayer de s’en sortir sans se faire briser les jambes » ricana sa voix dans son esprit.
______Déjà Konel lançait un nouvel assaut avec une vitesse qu’on ne s’attendait pas à voir sur un tel homme. Le marteau frappa le sol où Eddo se tenait une demie seconde plus tôt mais y resta bloqué. Le jeune homme en profita pour se concentrer ce qui lui permit d’étirer la lame de sa dague, la faisant devenir une épée. Une allonge supplémentaire ne serait pas de trop. Son adversaire tourna son marteau et frappa droit sur Eddo qui parvint de justesse à bloquer mais la force du coup le poussa sur plusieurs mètres. Son épaule avait bien ressentit l’impact mais heureusement c’était la gauche et il tenait son arme de la main droite.
______Prenant un appui assuré sur ses jambes, il s’élança vers Konel et évita un nouveau coup horizontal en glissant par-dessous. L’armure ne permettait pas de faire une aussi longue glissade qu’il l’aurait voulu mais elle lui permit tout de même de porter un coup aux jambes, à l’endroit qu’il avait déjà frappé avant le duel. Le soldat tomba sous la douleur. Eddo se releva rapidement, fit tourner son arme et la planta sur le sommet du crâne là où son heaume ne le protégeait pas. Il tressaillit quelques secondes jusqu’à ce que l’arme ressorte mais il s’écrasa lourdement sur le sol. La lame de l’épée revient à sa taille normale, redevenant une dague. Le sang coulait sur le verre noir, laissant une trainée de goutes tandis que le vainqueur s’éloignait. Le sang coulait sur le verre noir, laissant une trainée de goutes tandis que le vainqueur s’éloignait.

______Les choses avaient été plutôt calme depuis la fin de son duel. Personne n’autre ne l’avaient insulté, menacé ou même attaqué. La journée promettait de bien se finir. La file pour les recrutements n’était plus, la dernière personne venait de récupérer son armure et semblait heureuse d’en débattre avec d’autres soldats, à présent ses frères d’armes. Toujours sans aucune envie de se mêler à eux, Eddo restait assit sur un pierre à regarder sa dague et la phalange qui s’y balançait.
______Une certaine agitation commençait à remuer les nouveaux soldats comme les plus anciens. Eddo rangea sa dague et se leva pour s’approcher et essayer de comprendre. Tous se regroupaient en petits groupes et soudain une voix forte, puissante, retentit au travers de toute la région. La voix leur ordonna de se mettre en rang, une inspection allait commencer. Bien qu’il ne sache comment faire, il n’avait en effet jamais eu de formation militaire étant donné qu’il venait d’arriver, le jeune homme se plaça derrière des soldats déjà mis en place, dans la même position, droit, les pieds joints, les bras le long du corps. Après un coup d’œil sur sa droite et l’analyse d’un de ses frères d’armes, son regard resta pointé droit devant lui, légèrement levé.
______A l’avant de ces rangs de soldats en formation se tenaient trois personnes. Tout d’abord l’homme qu’Eddo avait rencontré et qui l’avait fait entrer dans l’armée. A côté de lui une homme un peu plus grand et qui cachait son visage sous une capuche. Enfin la dernière personne était une femme, d’après ce qu’il pouvait distinguer de sa position éloignée. Elle portait aussi une armure en verre noir et d’un coup Eddo se rendit compte qu’il n’avait pas encore croisé une seule femme soldat. Cette sur qui il avait à présent les yeux fixés s’avança. Lorsque le recruteur avança lui aussi elle lui fit signe de la main de ne pas la suivre. C’est ainsi qu’elle commença à parcourir les rangs, elle passait partout où elle le pouvait et là où elle ne pouvait pas, elle passait tout de même. Bientôt ses pas la rapprochèrent d’Eddo qui étrangement commençait à être nerveux. Comme une claque, l’évidence le frappa. Le nom de cette femme était déjà sur les lèvres de tous les soldats bien avant son passage près d’eux. « Lyra du Néant » chuchota-t-il dans son esprit. Du moins le crut il parce qu’en réalité les mots sortaient de sa bouche, toujours dans un chuchotement fort heureusement. Mais cela du suffire car lentement la personne concernée tourna la tête vers Eddo qui se pressa de remettre sa tête droite, le regard droit. Lyra arriva dans sa rangée. Elle marchait toujours de la même manière. Elle passa devant lui sans pour autant lui parler mais ses yeux croisèrent ceux du jeune homme. Leur intensité et tout ce qu’ils représentaient le firent tressaillir. Cependant elle ne s’attarda pas et continua sa tournée jusqu’au dernier soldat.
______Le reste de la journée, Eddo la passa à rassembler des informations auprès de ses camarades. Des informations concernant le général Lyra, ses faits d’armes, ses prochaines actions, son histoire. Il en fut convaincu c’est avec elle qui voulait se battre. Elle était comme lui mais en plus évoluée. Bien plus. Une fois sur le continent, il ferai tout pour rejoindre ses troupes et lui prouver sa valeur. Jusque là, le jeune soldat devrait faire preuve d’obéissance, de discipline et surtout il lui faudrait gagner en force et surpasser tous les autres. Le route serait longue, mais l’arrivée valait tous les sacrifices.