Cela un moment qu'il n'avait pas eu un contrat aussi alléchant que celui-ci: il devait capturer l'un des membres de la Hordes, célèbre guilde de voleurs professionnels. Enfin il allait pouvoir s'amuser un peu.

Souriant d'un air guilleret, il s'en alla du village d'un pas vif et joyeux, ne se faisant pas voir quand même. Il se remémora le visage de sa cible et ne put retenir une moue satisfaite: c'était un beau spéciment, dommage qu'il devait l'attraper et le remettre aux autorités, ça aurait été amusant.

Assez jeune mais fin et plus petit que lui, les yeux d'un bleu-gris agréable, il semblait plus souple et espiègle, un enfant humain en plus. Si jeune et pourtant déjà promis aux sombres cachots de l'empereur... Gabriel se demandait bien comment il avait pu intégrer la Horde et devenir aussi recherché alors qu'il n'avait que peu d'été.

Intrigué mais aimant respecter ses contrats, il haussant des épaules et entreprit de chasser sa proie. Il sillonna les routes et les petits villages à la recherche d'une piste, guettant les indices possibles avant de le trouver de justesse dans un petit coin paumé.

Souriant, il se déplaça en silence derrière lui avant de l'attraper par le collet et le soulever pour que leurs visages soient à la même hauteur.

- Bouh, fit-il avec un sourire espiègle et un peu carnassier.

L'avis de recherche ne rendait pas grâce à sa beauté. Il était beaucoup mieux en vrai que sur un vulgaire morceau de papier noirci de description. Gabriel trouvait cela vraiment dommage qu'un humain sortant de l'ordinaire soit obligé d'être capturé, il aurait bien aimé profité un peu de cet énergumène.

La prise qu'il éxécuta sur son poignet le surprit et lui fit lâcher prise, décidément cet enfant avait de la ressource par l'if, et ça lui plaisait énormément. Lui souriant, encore plus joueur que jamais, il se mit à fixer ce garçon plein d'arrogance et de vanité, une moue malicieuse au visage.

Délicatement, il empoigna le menton du jeune homme et se mit à le détailler, imprimant le visage de l'enfant dans sa tête avant de le lâcher et de lui tapoter la joue, comme les grand-mères humaines face aux rejetons de la famille.

- Je ne comptais pas te faire peur mais te signaler par une onomatopéé que je t'ai eu, là est toute la nuance, dit-il avec légèreté, un sourire amusé aux lèvres quand il comprit le ton moqueur du gamin.

- Tes parents ne t'ont-ils donc pas appris à être polis avec le gens? Tu manques sérieusement d'éducation, mais bon: ce n'est pas grave, tu es encore un enfant après tout, rajouta-t-il badin et malicieux, à la limite de la moquerie.

- Je recommencerai si je veux, jeune homme, et je suis là pour te capturer et empocher la prime, ce qui est un peu dommage au regard du spécimen fascinant que tu es, termina-t-il avec une plissure amère et un peu résignée aux lèvres.

L'Elfe ne semblait pas très hostile en soi mais Gabriel pouvait ressentir que cette personne n'était pas comme les autres. Il devait être méfiant sinon il risquerait d'avoir de graves problèmes. Etant membre de la Horde, il savait se défendre et n'avait pas peur du nouveau venu. Mais un inconnu ne s'en serait jamais pris à lui de la sorte, en tout cas, ce n'était pas de cette manière qu'on saluait quelqu'un. Soit, l'homme l'avait confondu avec quelque d'autre, soit il voulait le capturer pour empocher la prime qui devait se trouver sur sa tête. Gabriel Belvedel, le plus jeune Loup de la Horde mais l'un des plus redoutables. Sa capture permettrait de vivre pendant 2 mois sans se soucier de rien. Pas étonnant que cela attisait les convoitises.
Mais Gabriel n'était pas du genre à se laisser faire et il releva le défi qui lui était lancé par l'homme. Il planta son regard dans le sien avec une telle force qu'on pouvait croire qu'il avait des poignards à la place des deux yeux marrons qui se trouvaient dans leurs orbites.
L'Elfe semblait se jouer de lui en lui soulevant le menton mais lorsqu'il tenta de lui tapoter la joue, il leva la main pour bloquer celle de son interlocuteur qui n'eut d'autre choix que de la baisser. Il n'était pas un minable garçon des rues de 19 ans. Il avait la fierté et le courage d'un loup avec la vivacité et la ruse d'un renard. Il ne fallait pas le sous-estimer.

Je ne comptais pas te faire peur mais te signaler par une onomatopéé que je t'ai eu, là est toute la nuance.

Plus aucun doute possible... Cet homme était là pour le capturer... Lentement, il baissa la main vers sa ceinture d'une manière un peu maladroite. Il s'en mordit les lèvres... Son geste n'allait pas échapper à son agresseur mais il fit comme si de rien n'était. Tout en essayant d'attraper son arme, il se mit à sourire à son tour, mais plus d'un sourire moqueur mais avec une expression presque de défi.

Tes parents ne t'ont-ils donc pas appris à être polis avec les gens? Tu manques sérieusement d'éducation, mais bon: ce n'est pas grave, tu es encore un enfant après tout.

Je pense pouvoir dire avec certitude qu'empoigner les gens ne fait pas partie de la politesse, Elfe ! Niveau éducation, tu es au même niveau que moi ! répondit le Loup avec le même ton de moquerie, un nouveau sourire se dessinant sur ses lèvres.

Il venait de trouver une petite bourse accrochée à la ceinture de son interlocuteur. Tant pis pour lui, ça lui apprendra à vouloir défier un membre de la Horde. Il allait subir la morsure d'un Loup qui était non plus à la recherche d'une proie mais là pour accomplir son devoir. Voler pour vivre... Voler pour être libre... Sa main était sur sa lance, tout était au point...

Je recommencerai si je veux, jeune homme, et je suis là pour te capturer et empocher la prime, ce qui est un peu dommage au regard du spécimen fascinant que tu es !

C'était le moment d'agir mais sa lance lui glissa des doigts et tomba au sol. Soudain, avec l'agilité d'un loup, il empoigna une poignée de terre au sol pour la lancer au visage de son adversaire. La lance n'avait été qu'une diversion pour détourner son attention. Il rangea cette dernière à sa ceinture et s'empara de la bourse de l'Elfe. Puis il effectua le geste clé qu'il avait besoin: la paume vers le haut en refermant à moitié les doigts. Sa magie était devenue plus puissante et ainsi il immobilisa son adversaire au sol. Maintenant, il allait pouvoir tirer quelques informations du chasseur de primes sans craindre une contre attaque. Par précaution, il sortit sa deuxième lance, la pointe à quelques centimètres du cou de son adversaire.

Je t'avais bien dit que tu aurais dû éviter de me chercher ! C'est dommage de devoir en arriver là, je suis sûr qu'on aurait pu être amis... Maintenant, dis-moi, qui t'a demandé de me capturer ?

Le regard dur, les mains serrées sur sa lance, il dominait la situation pour le moment... Mais pour combien de temps encore ? Un sourire vainqueur se dessina sur ses lèvres mais ce dernier ne reflétait pas ses pensées. C'était une ruse pour mettre à mal son adversaire...

Gabriel se mit à sourire en le voyant repousser sa main, cet enfant avait bien du caractère: jouer avec lui promettait bien du plaisir. Gardant un sourire joueur aux lèvres, il baissa sa main et continua de le regarder: ses yeux bleus d'une pureté glaciale plongés dans les orbes chaudes et tueuses de l'humain. Il se mit à rire doucement en le voyant faire: sa proie le défiait, purement et simplement; il se lécha les lèvres avec une moue gourmande, cette chasse lui plaisait beaucoup, peut-être qu'il ne le capturera pas au final... A méditer.

- Il est vrai que ce n'est pas vraiment poli de ma part, je te présente mes excuses. Néanmoins, tu n'es pas n'importe qui à mes yeux, c'est donc pour cela que je me permet d'être aussi "familier" avec toi, dit-il goguenard, un sourire amusé sculptant ses lèvres.

Tiens. Mais que nous préparait-il celui-là? L'observant avec curiosité, il constata qu'il se préparait à l'attaquer. Supris mais bon joueur, il leva rapidement l'index et le majeur en gardant les autres doigts repliés, sans se faire remarquer, avant de se faire aveugler puis immobiliser par sa proie. Oui décidément, ce serait du gâchis d'emprisonner un tel potentiel, d'autant plus qu'il est vraiment amusant.

Quand il analysa la situation, il retint difficilement un grognement irrité mais n'empêcha pas sa bouche d'arborrer une grimace agacée: cet humain avait sa bourse et ça, il n'était pas d'accord. Souriant d'un air carnassier, le regard encore plus glaciale que jamais et ignorant la menace de la lance, il garda le silence et se mit à compter patiemment en attendant que le sort agisse.

Une fois le compte à rebours terminé, il constata qu'il pouvait bouger un de ses bras, il tendit sa paume vers le voleur, les doigts à moitié repliés et l'enferma dans une prison végétale. Le sort qu'il avait jeté auparavant permettait la naissance d'une petite fleur violette avec un coeur violet/doré qui, une fois éclos, répendait un parfum rendant les personnes somnolantes, pouvant les endormir s'ils la respiraient trop longtemps. La concentration de sa proie ayant donc volé en éclat à cause de l'état de somnolence, Gabriel put se relever, s'époussetant négligemment, avant de s'avancer vers l'ensorcelé et le désarmé totalement, récupérant avec un léger soulagement sa bourse.

- Tu es décidément en enfant épatant. Ami? Mais qu'est-ce que c'est? Je ne pense pas que ça serve à grand chose de toute façon, fit-il négligemment avant de lui caresser la joue, ne cachant pas son rictus vainqueur.

- Que vais-je faire de toi, à présent que tu m'es complètement soumis, hein? Souriait-il malicieusement, lui pinçant le ventre gentiment. Je suis chasseur de primes, donc je travaille uniquement pour moi: tu était juste ma proie du jour. Mais je suis étonné qu'on me connaisse pas depuis le temps, peut-être devrais-je faire tomber plus de tête pour qu'on se souvienne de moi.

Il le regarda un instant, ce regard de pur défi qu'il lui plaisait tant: un être sauvage, un être de liberté. Il réfléchit un instant avant d'annuler son sort et de lui rendre ses affaires, prenant une pose nonchalante mais restant extrêmement prudent: on parlait quand même d'une super prime donc ce n'était pas un enfant de choeur.

Gabriel savait que son plan était imparfait mais au moins, il avait prouvé à son assaillant qu'il savait se défendre en cas de problème. Il l'avait paralysé sans trop de difficulté et c'était de son propre chef qu'il se décida à désactiver son sort de manière relative pour ne pas éveiller les soupçons de son ennemi. Il détestait ce genre de méthodes, il fallait être un lâche pour se vanter d'avoir vaincu un adversaire sans lui laisser le temps de se défendre. Il fallait être comme Remkort Alastar ! Le renard avait suivi son évolution et ce mage mercenaire s'était fait un nom dans le domaine du mercenariat. Il s'amusait à faire sauter la bourse bien remplie dans ses mains avant de remarquer que l'un des bras de son adversaire venait de bouger.
Bon, le moment était venu de se faire passer pour l'otage et de lui faire croire qu'il pourrait prendre l'avantage. Il ressentit soudainement une mystérieuse force qui s'exerçait sur lui, le plongeant doucement mais surement dans un état de torpeur. Il s'était fait avoir comme un idiot comme avec Anynduil, il y a deux ans mais cette fois, il savait quoi faire. Il attrapa sa lance et s'entailla le doigt mais le mal était déjà fait. Sa concentration avait vacillé, ce qui libéra encore un peu plus son assallant qui en profita pour l'attaquer.
L'Elfe profita de l'occasion et se releva d'un bond en enfermant le pauvre Loup dans une prison végétale qui désactiva son sort d'emprisonnement sous la surprise. Gabriel serrait les dents de s'être ainsi fait avoir à son propre piège mais il fallait dire que cela allait plutôt dans son sens à lui. En tout cas, il devait se méfier de l'Elfe.
Son ennemi s'avança doucement vers lui, savourant sa prétendue victoire, lui enlevant ses deux lances et récupérant sa bourse. On pouvait dire que la situation n'était pas à son avantage mais il ne faut jamais présumer de rien. Il lança un rictus vengeur à son assaillant qui se délectait de la récupération de son pouvoir d'achat.

Tu es décidément en enfant épatant. Ami? Mais qu'est-ce que c'est? Je ne pense pas que ça serve à grand chose de toute façon.

Gabriel lui tira la langue d'un façon si enfantine que l'on pouvait sentir tout le sentiment sarcastique qui se cachait derrière ce geste. Mais le petit Belvedel était comme ça, toujours prêt à se faire remarquer et à jamais ne se laisser marcher sur les pieds.
Il se retint de lui cracher au visage car fallait pas trop en rajouter quand même. Il fallait faire croire à l'Elfe qu'il était en position de faiblesse et qu'il s'était résigné à son sort.

Que vais-je faire de toi, à présent que tu m'es complètement soumis, hein?

Je sais pas... Disons que tu pourrais me relâcher et après on va dans une taverne et on boit un verre comme deux amis ? répondit du tac au tac le jeune voleur.

Pour seule réponse, il eut droit à un pincement en ventre qui le contraignit à se taire. D'un regard, il lui fit comprendre sa colère et son envie de lui dire qu'il fallait apprendre à rire au lieu d'en venir aux représailles physiques.

Je suis chasseur de primes, donc je travaille uniquement pour moi: tu était juste ma proie du jour. Mais je suis étonné qu'on me connaisse pas depuis le temps, peut-être devrais-je faire tomber plus de tête pour qu'on se souvienne de moi.

Crois-moi que si on placardait des affiches avec ta tête, personne ne t'oublierait ! ne put réprimer le renard.

Puis il fut libéré de sa prison de lierre et put récupérer ses affaires. Quel étrange chasseur de primes... Devant un tel spectacle, le jeune Gabriel ne put s'empêcher de sourire face à cette personne aussi imprévisible. Pourtant, il ne put s'empêcher de se reconnaître lui-même dans le caractère du chasseur de primes. Toujours là pour s'affirmer mais jamais à se surestimer. Ils n'étaient pas si différents en fin de compte et c'était surtout cela qui le faisait sourire. Le Loup rangea alors soigneusement ses affaires et se mit à observer son ancien agresseur.

Si je comprends bien, tu renonces à me capturer... C'est vrai qu'il aurait été stupide de devoir se battre et que l'on te retrouve à moitié mort... Mais je pense qu'il est temps de faire les présentations... Un voleur se doit de respecter les usages ! Je suis Gabriel Belveldel, Loup de la Horde... Et toi, quel est ton nom, chasseur de primes ?

Dissimuler son nom ne servait à rien puisque s'il était traqué, son agresseur devait connaître sa véritable identité mais quant à l'identité de l'Elfe, il n'en aucune idée. Mais s'il était tant fier de son nom, il n'hésiterait pas à se dévoiler à cause des usages...
Gabriel s'appuya sur un arbre qui était à côté du chemin où il s'était trouvé avant de se faire attraper. Tout ses sens étaient en éveil, prêt à se défendre en cas de problème.

Gabriel se contentait de sourire en le voyant aussi provocant et impétieux, montrant les crocs et tirant la langue, même en position de faiblesse intense. Ce gamin n'avait pas peur de la tournure de la situation, au contraire: l'elfe avait même l'impression qu'il s'en amusait et qu'il était bien plus intelligent qu'il ne paraissait.

- Je t'ai déjà dit que je ne connaissais pas vraiment ce mot "amitié" ou "ami" que tu répètes, mais... boire un verre en ta compagnie ne peut être qu'amusant, au vu de ce que tu me fais subir depuis le début de cette "rencontre", dit-il avec une moue amusée au visage, une pose toujours nonchalante contre le mur.

Gabriel était un peu étonné que personne ne soit venu aux nouvelles: étant un modeste village, tout se savait assez rapidement. Fronçant les sourcils, il fit attention à l'endroit où ils se trouvaient et comprit pourquoi personne ne s'était plus inquiété que cela: ils se trouvaient dans une petite cour déserte, à l'écart de du village et des oreilles indiscrètes s'il écoutait avec attention. En un mot, ils étaient seuls.

- Je marquerais les gens rien qu'avec une affiche, serais-je si beau que cela au point de faire flancher le coeur des gens? Suis-je en train d'accélérer ton rythme cardiaque petit être? Demanda-t-il d'une voix légèrement mielleuse et joueuse, une moue malicieuse aux lèvres, le regard perçant posé sur sa proie du jour.

- Je suis beaucoup plus résistant qu'un être humain, petit d'homme, donc je pense que tu serais déjà à moitié mort avant qu'on me retrouve moi-même à moitié mort. Tu as une grande bouche malgré une langue acérée, petite proie, ricana-t-il, fortement amusé.

- Gabriel Belvedel, Loup de la Horde... En voilà une drôle de coïncidence... Je me nomme Gabriel Eledhwen, chasseur de primes comme tu le sais déjà, fit-il amusé mais curieux, un soupçon de chaleur à l'entente de ce prénom jumeau au sien.

Un prénom identique au sien, une ruse et intelligence fascinante, et cette habitude de faire genre qu'il ne guette rien alors que c'est tout le contraire. Décidément ce gamin était vraiment un être spécial, à part: il était hors de question de l'envoyer en prison, il peut être amusant de continuer à le fréquenter encore un peu, tout cela promettait d'être plus qu'intéressant.

Gabriel ne quittait pas son ancien contrat des yeux, suivant chacun de ses mouvements et chacune de ses paroles avec beaucoup d’attention : le fait de savoir que le garçon avait le même prénom que lui le perturbait un peu tout en lui faisant plaisir, comme si un lien était en train de se forger entre eux, de quoi déstabiliser un elfe devenu chasseur et légèrement asocial sur les bords.

Quand il le vit en train de s’étirer, il se mit à imaginer une liane ou un roseau, ployant et dansant avec le vent sans aucune difficulté. Ce petit le faisait bien rire, oui il ne regrettait absolument pas d’avoir décidé de ne pas le chasser en ce jour : Gabriel savait que ce serait une bonne journée, mais il n’avait pas imaginé à quel point en fait.

Le petit sourire qu’il arbora accentua le propre sourire de Gabriel. Ce petit étirement des lèvres vers le haut accentuait l’aspect enfantin de l’adolescent et le pétillement joyeux de ses yeux, un beau jeune homme bien fier et à la langue bien pendue que notre elfe se mit à apprécier de plus en plus.

- J’avoue que je n’aurais aucun mal non plus, Gabriel, lui sourit-il en réponse. C’est d’ailleurs la première fois que je rencontre un être vivant, humain, portant le même prénom que moi, après tout j’ai pas mal d’années d’existence à mon actif et pourtant c’est la première fois… Je suis bien content de faire votre rencontre, rajouta-t-il sur un ton amusé, lui caressant le visage et le cou pour imprimer les traits de son « ami ? » dans sa tête avant de le suivre pour approfondir leur rencontre.

Il semblait un peu plus détendu en sa compagnie, à présent que les armes étaient rangées et que les identités furent déclinées, même si un peu méfiant, mais cela Gabriel le comprit sans soucis, lui-même restant prudent parce qu’on ne savait jamais ce qu’il se cachait dans la tête de l’autre : la beauté de la rose faisait oublier facilement les épines acérées qu’elle faisait naître le long de sa tige.

Il était aussi très bavard et curieux, avide de savoir et de connaître l’elfe, ce qui faisait doucement rire ce dernier en écoutant le flot incessant de question sur son passé.

- Tiens, je crois que ça t’appartiens, pour commencer, fit-il dans un sourire en lui rendant son pendentif coquillage, une moue d’excuse et d’amusement sur les lèvres. Sinon, je suis devenu chasseur pour tuer des vampires et d’autres hors-la-loi, j’ai quitté mon peuple parce que je le trouvais faible et stupide, et parce qu’un évènement est arrivé dans ma vie pour faire que la conclusion soit ma situation actuelle, rajouta-t-il d’une voix sombre. Et toi, mini-moi ? Qu’est-ce qui a fait que tu sois aussi recherché par les soldats humains alors que tu es si jeune ? Demanda-t-il, tout aussi curieux.

La situation était assez déroutante pour le jeune voleur... En effet, après avoir vu la mort l'effleurer de près une fois de plus, voilà qu'il parlait avec son agresseur comme une nouvelle connaissance avec laquelle il deviendrait le meilleur ami. Pourtant, au fond de lui, il se dit que cela pourrait être possible, pas parce qu'ils avaient le même nom mais plutôt comme si un lien étrange et puissant était en train de se créer entre eux. Etrange situation pour le voleur qui depuis quelques temps se faisaient plus d'amis que d'ennemis ce qui l'étonnait.
Un Loup avait pour habitude de se faire traquer et détester des autres mais voilà qu'il avait fait connaissance avec un Elfe musicien, un vampire pacifiste et une jeune femme plutôt étrange et maintenant un Elfe tueur à gages qui portait le même nom que lui.
Armanda était-elle en train de changer ? Le monde tel qu'il le connaissait allait-il finir aspirer par un trou béant pour le laisser dans un monde parallèle ?
Non, bien sûr, il exagérait mais cela décrivait bien cette sensation qu'il avait au fond du ventre.

J’avoue que je n’aurais aucun mal non plus, Gabriel. C’est d’ailleurs la première fois que je rencontre un être vivant, humain, portant le même prénom que moi, après tout j’ai pas mal d’années d’existence à mon actif et pourtant c’est la première fois… Je suis bien content de faire votre rencontre.

Bien content de faire ma connaissance, après avoir tenté de me tuer ! Le regard quelque peu étonné du jeune garçon reprit une expression plus neutre, comme quoi les quelques enseignements de Kylian lui avaient été profitables. La situation était au beau fixe pourquoi y introduire l'orage ? Mais le ton sur lequel avait été lancé la petite pique n'était pas agressif et c'était surtout cela qui avait joué sur le jeune adulte. Il avait d'ailleurs eu des frissons lorsqu'il avait senti les doigts de l'Elfe parcourir son visage.
D'ailleurs, il s'était tenu sur ses gardes à ce moment-là, ne sachant pas comment réagir.
Sur le chemin vers la taverne la plus proche, il lui posa la question qui lui brûlait les lèvres et n'eut pas à attendre longtemps avant d'obtenir une réponse.

Tiens, je crois que ça t’appartiens, pour commencer.

D'un geste vif, il reprit le pendentif et le rattacha autour de son cou avec rapidité. Ce bijou n'était pas très important en soi mais le fait que l'Elfe lui ait pris tout à l'heure le mettait un peu dans l'embarras et le rendait un peu en colère. Le voleur volé... Un chasseur de primes assez spécial... La Horde qui se faisait presque inexistante... Il eut soudain l'idée la plus étrange de toute sa vie et c'est alors qu'il se rendit compte qu'il avait oublié totalement les paroles de Gabriel Eledhwen.

...chasseur pour tuer des vampires et d’autres hors-la-loi, j’ai quitté mon peuple parce que je le trouvais faible et stupide, et parce qu’un évènement est arrivé dans ma vie pour faire que la conclusion soit ma situation actuelle. Et toi, mini-moi ? Qu’est-ce qui a fait que tu sois aussi recherché par les soldats humains alors que tu es si jeune ?

Belvedel ne put alors s'empêcher de rire devant la question stupide de la part de son nouveau compagnon. Pourquoi était-il recherché ? Mais la réponse était évidente !

Je te l'ai déjà dit ! Je suis un Loup... Un voleur qui ne s'est jamais fait prendre... Ma guilde et donc ses membres, on est pas très apprécié par les autres mais c'est ça qui rend notre vie si palpitante. Au moins, nous, nous sommes libres !

La taverne était enfin en vue après cinq bonnes minutes de marche. Elle était assez petite, construite en bois mais de la lumière et un bruit pas possible en sortait. Ils savaient faire la fête là-dedans !
Poussant doucement la porte, Gabriel rentra en compagnie de l'Elfe et s'installa devant le comptoir avant de commander un jus de fruits plein de vitamines.

Et toi, que veux-tu ? demanda-t-il sur un ton amical.

Son mini-moi lui arracha vivement le coquillage et le remit autour du cou : soit ce collier avait une valeur sentimentale inestimable, soit il avait été blessé dans son orgueil parce qu’il avait réussis à lui voler quelque chose sans qu’il ne le remarque. En tout cas, sa réaction l’avait fortement amusé et un léger sourire avait même éclot, adoucissant son visage, chose qu’on pouvait dire d’un peu exceptionnel.

Quand le voleur se mit à rire, son sourire s’accentua un peu plus en l’entendant, le regardant avec un regard un peu plus intense parce qu’il laissait transparaître sa bonne humeur.

- Je connais la Horde et je ne suis pas étonné si les autres guildes ne vous apprécient pas tant que ça : vous volez après tout, c’est contraire à leurs mœurs, vous représentez une menace pour l’empire, dit-il amusé.

- Cependant moi je n’ai rien contre vous, par moment je vous admire presque en entendant vos exploits, m’amusant de la frustration toujours plus intense de l’autorité humaine. Je ne vous considère pas comme mauvais, vous avez autant de valeur que les autres, peut-être même encore plus quand on voit l’hypocrisie et la violence de tes frères de race, rajouta-t-il après un instant réflexif.

Oui, ça devait être une vie palpitante que de courir partout, de se sentir si libre et si puissant. Une meute de loup chassant mais se protégeant les uns et les autres, solidarité, famille, des notions qu’il avait oublié avec un certain plaisir quand il repensait à son passé.

Ils finirent par entrer dans une auberge très pittoresque, presque misérable, minuscule et aussi crasseuse que pouvait l’être un établissement dans un coin perdu de campagne. Pourtant il ne dit mot et s’assied au comptoir aux côtés de son mini-lui, commandant un jus de fruit aussi et s’étrangla d’un léger rire dans une gorgée quand il entendit la question de l’humain.

- Ce que je veux ? Je ne veux rien, je n’ai besoin de rien, finit-il par dire au bout d’un moment, de nouveau calme.

La taverne était normale, une petite ambiance, un peu de musique, un brouhaha permanent et une bonne humeur qui faisait plaisir à savourer. Par contre, niveau odeur et hygiène, on avait connu que les boissons qui ruisselaient sur les tables, les rots retentissants des clients réguliers mais surtout, l'odeur de tabac froid et d'alcool vieilli se collait aux narines du Gabriel Belveldel comme une mouche qui assiège son nid. Ils avaient trouvé de la place devant le bar, assis sur deux banquettes aux coussins durs et presque piquants. Mais la rudesse ne faisait pas peur au jeune voleur et puis l'Elfe en sa compagnie en avait connu des vertes et des pas mûres alors il avait compris qu'il n'avait pas à s'inquiéter pour lui.
Ses petites manies reprirent le pas sur lui, il examina attentivement toutes les issues possibles : 2 fenêtres extérieures, la porte d'entrée et l'arrière-salle derrière le comptoir qui menait surement vers l'extérieur vue la construction de la batisse.
Tour en commandant son jus de fruits et en demandant à son nouveau compagnon ce qu'il désirait boire, il repensa à leur curieuse rencontre et à leur dialogue.

L'Elfe semblait fort mais aussi assez intelligent presque autant que lui avec la même ruse brillant dans le regard. Il était chasseur de primes, il savait donc se débrouiller, il avait pu tester ses talents et il ne semblait pas rechigner à parler avec un membre de la Horde même en connaissant son identité. L'Elfe avait même avoué qu'il appréciait sa guilde pour ce qu'elle faisait et par son aspect de liberté. Malgré le fait qu'ils soit de l'autre côté de la loi, les Loups n'étaient pas de grands criminels juste des hommes avides de liberté qui avaient un honneur, des principes et pour but de survivre en montrant qu'ils sont là, redoutables et par conséquent, redoutés.

Ce que je veux ? Je ne veux rien, je n’ai besoin de rien.

Tant pis, c'était ma tournée ! dit-il de façon amicale.

Il reçut enfin son verre qu'il but presque en une traite, ne laissant qu'une mince phase orangée dans le fond de son verre en bois. Un sorte de chope miniature... Puis il inspira un grand coup et ferma les yeux pendant un si bref instant qu'on aurait pu croire qu'il avait seulement cligné des yeux comme n'importe qui. Ce petit sentiment d'obscurité et de solitude dans son petit monde à lui... Mais maintenant, il y voyait quelqu'un d'autre. Un ami et aussi un frère de meute... Un compagnon de voyage qui serait prêt à apprendre et à découvrir son monde... Cette image était sous la forme d'un Elfe qui n'était autre que Gabriel... Le jeune Loup avait la sensation qu'ils allaient effectuer de grandes choses ensemble.
Il finit de boire le fond de son verre et se passa la main sur son front pour essuyer les quelques gouttes de sueur qui perlait son front luisant sous l'éclairage blafard des lieux.

J'ai une proposition à te faire, libre à toi d'accepter ou non... D'après ce que j'ai vu, tu sembles plus être chasseur de primes par nécessité que par envie... Je me trompe ?

Il fit une courte pause en plantant son regard dans celui de son compagnon avant de prendre son verre et de se retourner vers l'assemblée d'un air joyeux sans vraiment attendre de réponse.

Par conséquent, je te lance un petit défi ! Tu vois l'homme qui boit sa chope d'un air ennuyé près de la fenêtre. Sa bourse peut lui permettre de vivre tranquilement sa vie pendant une bonne semaine. Cet homme n'est pas le plus pauvre des clients de ses lieux, la perte malencontreuse de cet argent ne lui causera que peu de torts.
Acceptes-tu ou pas ? Ce n'est qu'un petit défi après tout... dit-il en appuyant sa dernière phrase de manière à faire comprendre que c'était plus que cela.

Il se retourna à nouveau vers le barman et lui demanda un second verre qui lui fut servi presque immédiatement. Il porta son verre à ses lèvres en attendant une réponse. Se trompait-il ou pas ? Il y avait peu de chances mais on ne peut jamais vraiment savoir. Et puis, tout ceci risquait de devenir très intéressant pour lui... Il n'avait rien à prendre, déjà qu'il comptait partir sans payer...

Décidément son compagnon de table était quelqu’un d’étrange. Là où lui avait cru qu’il lui avait demandé s’il désirait or ou autres biens de quelque nature que ce soit, l’humain n’avait vu qu’un simple refus de prendre une autre boisson. Haussant son sourcil de surprise, Gabriel leva son verre de jus de fruit vers le jeune homme comme pour porter un toast avant de se remettre à le siroter paisiblement.

Pourtant, en l’espace d’une seconde son mini-lui changea de tête, de façon de penser, comme s’il avait découvert quelque chose d’énorme, ou plutôt : comme s’il avait découvert un plan qui allait révolutionner son existence. Le regardant avec curiosité mais toujours impassibilité, l’elfe se mit à esquisser un léger sourire quand il commença à dévoiler sa pensée, une pensée qu’il jugeait amusante et sans danger.

- Il est vrai que je ne suis chasseur de prime que par nécessité, comment as-tu deviné ? Je ne pensais qu’on lirait aussi vite en moi, surtout un être humain aussi jeune que toi, dit-il en réfléchissant à haute voix, le regardant attentivement.

Serait-il possible que la magie des noms soient aussi puissante et lie les même porteurs ? C’est totalement ridicule puisque plus d’un âne s’appelait Martin. A moins que, du fait qu’il fasse partit de la Horde changeait les choses et qu’un autre porteur soit un elfe… Gabriel ne savait pas mais ça méritait bien une enquête et il avait hâte d’aller dans un bibliothèque ou de voir un Ancien pour lui poser la question.

- Un défi… Murmura-t-il en regardant la proie désignée.

Il devait avouer que l’homme survivrait facilement à l’absence de cette bourse vu la bonne facture de ses vêtements et la bonne chaire sur la table, la seule blessure que cet humain récolterait serait celle de son orgueil de mâle surdimensionné. Regardant une dernière fois son mini-lui, il se leva et alla vers l’espèce de marchant bedonnant pour s’installer à sa table et engager la conversation, conversation qui devint très vite passionné pour ce gros bipède qui, avec de grand geste et des éclats de rires tonitruants.

Gabriel finit par se relever et saluer une dernière fois l’homme, indiquant qu’il retournait auprès de son adorable tout petit frère, avant de revenir auprès du jeune loup, déposant nonchalamment une bourse sur les genoux de l’enfant, à l’abri des regards luisants de curiosité.

- Ce fut une conversation des plus amusantes… Petit frère… Souligna-t-il en levant son verre avec un grand sourire fortement amusant.

- Pourquoi désirais-tu me mettre au défi Gabriel Belvedel ? Demanda l’elfe après un léger silence plaisant.