L’aube commençait à poindre quand le fils du Comte sortit du château avec pour tout bagage un panier repas et un habit de rechange. Lucius allait se rendre au bord de l’océan qui se trouvait à quelques lieux du château. Il avait bien sûr prit un cheval dans l’écure de son père, un cheval de baie réputé pour son endurance. Certes ce n’était pas un des purs sangs de son père, mais là où il allait, il n’avait pas besoin d’attirer l’attention.
Ces derniers temps une atmosphère étrange régnait dans la région de Carlisle, elle n’était pas seulement dût au temps sombres qui commençaient à obscurcir l’avenir. Bien au contraire, c’était un renouveau d’espoir, quelque chose d’ancien qui semblait mort depuis des siècles, semblait peu à peu renaitre de ses cendres. Des histoires depuis longtemps considérés comme des mythes refaisaient surfaces de la même manière.
Deux jours plutôt, il alla voir un des vieux bardes de la Cour de son père qui avait, disait-on, beaucoup voyagé lors de la plus grande partie de sa vie. Lucius, curieux de voir les changements qu’il observait peu à peu en lui, décida d’aller lui poser quelques questions. Bien que d’habitude le jeune homme ne croyait pas aux racontars de bonnes femmes, ni des chants et des ballades aisément modifiable, les livres que la bibliothèque de Carlisle ne parlaient pas du tout de ce sujet.
La rencontre avec le barde, fut intéressante, et bien que la moitié des dires du vieil homme paraissait farfelus, il y avait néanmoins des accents de vérité notoire. Ce fut après une longue période de réflexion que le jeune homme décida enfin de faire ce qu’il devait faire. Un rituel qui consistait à la méditation puis à l’invocation de l’esprit à qui il serait lié pour toute la vie.
Néanmoins, le jeune homme ne voulait pas passer pour un abruti naïf donnant bonne fois à la croyance populaire, c’est pourquoi il avait décidé de n’en parler à personne, par simple mesure de précaution.
Ainsi le jeune homme sortit aux premières lueurs de l’aube avec pour seuls compagnons son cheval et ses réflexions. Il avait prétexté une sortie à cheval, et les avait prévenus qu’il reviendrait en cours de soirées. Il est vrai que la région de Carlisle n’était pas encore touché par la guerre et que la menace animal la plus importante serait de tomber sur une meute de chiens errants, mais on appréciait très peu le fait que l’un des fils du Comte sorte seul en pleine vadrouille dans le pays.
La chevauché dura une heure, achevant de réveiller le jeune homme. Lorsque Lucius arriva enfin face à l’océan immense qui lui faisait face, il ne put retenir son admiration. Cette grande étendue bleue l’avait toujours autant fasciné. Impétueuse souvent, d’un calme plat parfois, elle arborait à sa surface mille et une tons de bleu. Lucius comprenait aisément la raison pour laquelle les pêcheurs du coin honoraient avec une dévotion qui frisait l’obsession l’esprit de l’océan.
Posant pied à terre, il attacha son cheval à un bosquet tout en lui laissant assez de moue pour qu’il puisse brouter sans être entravé. Caressant la croupe de celui-ci, il lui découpa une pomme en quatre quartiers les distribuant petit à petit à son cheval. Il détacha ensuite la selle, et retira les sacoches qui contenaient son repas et un nécessaire pour faire du feu. Les mettant à l’abri sous le bosquet, il alla ensuite chercher du bois mort pour faire du feu. Les déposants en petit tas, il se déshabilla, en ne laissant sur lui que son pantalon, une tunique grise en lin et ses bottes. Descendant enfin vers le bord de l’océan, il marcha avec agilité sur les galets, aussi léger que l’était un jeune homme.
Après s’être complètement déshabilla jusqu’à en être nu, le jeune homme entra dans l’eau froide de l’océan. Comme tout ses frères, il avait apprit à nager ici quand le temps était plus clément, mais aujourd’hui la mer était glacé. Après avoir fait quelques brasses et plonger sa tête sous l’eau plusieurs fois, il ressortit enfin de l’eau. Grelottant et claquant des dents, il chercha un endroit où il pouvait s’assoir plus ou moins confortablement, trouvant un rocher qui dépasser de l’eau d’un mètre environ, Lucius décida que cela serait un bon endroit où il pouvait méditer.
Assis en tailleur, le jeune homme garda les yeux ouverts pendant quelques temps, s’abreuvant du paysage qu’il avait en face de lui. Ses genoux étaient parfois lécher par les vagues, mais ce contact froid n’était pas désagréable. Fermant enfin les yeux, il prit essaya de calquer son rythme respiratoire à celui du sac et ressac de l’océan. Après une vingtaine de seconde, le rythme vint naturellement au jeune homme et il put enfin vider son esprit. Enfin vider son esprit serait une mauvaise formulation de ce qu’il faisait, car pour l’instant son esprit était comme une coupe pleine d’où débordaient des centaines, voire des milliers de pensées. Le jeune homme qui se sentait comme apaisé, commença à mettre de côté les questions et les réflexions qui ne l’intéressaient pas pour ce concentré uniquement sur les esprits.
Les derniers jours de la vie de Lucius passèrent presque en boucle dans l’esprit du jeune homme. Essayant de trier tout ce qu’il savait, ce qu’il avait entendu, ce qu’il pensait savoir et ce qu’il savait intuitivement fut une tache ardue. Il avait bien remarqué quelques changements en lui, cela ne s’était pas fait du jour au lendemain, mais insidieusement. Cela c’était fait lentement, et de manière continu, jusqu’à ce qu’il s’en rende simplement compte.
Quand il s’en était rendu compte, il avait commencé à se poser des questions tout en les posant aux autres. Les réponses qu’on lui apporta furent vagues, mais Lucius n’en démordit pas pour autant. Jusqu’à ce qu’il rencontre le vieux barde et qu’il lui raconte cette histoire sur les Esprits-Totem, en lui donnant des centaines d’exemples.
Bien que cela lui coûtait de dire ça, mais les humains se ressemblaient tous au bout d’un moment, les femmes comme les hommes. Quand il s’en était rendu compte, il fut déçu pour il ne savait quelle raison. Quand il rouvrit enfin les yeux, il fut plus que surpris de voir que le soir commençait déjà à tomber. Pourtant il était sur d’être resté conscient et qu’il ne s’était pas assoupis. Il avait totalement perdu la notion du temps qui passait lors de sa méditation.
Clignant plusieurs fois des yeux pour s’habituer à la lumière crépusculaire qui l’environnée, il resta un instant silencieux puis il poussa un soupir ne sachant que faire pour invoquer son esprit-totem.
_ Esprit-Totem, les hommes ont oubliés les dons que vous avez confiés à cette race il y a longtemps de cela… Ne leurs en voulaient pas la mémoire humaine est si aisément modifiable surtout si le concours du temps les aide à oublier...
Esprit de la Luciole, sera-tu l’Esprit-Totem d’une personne possédant de piètres dons magiques ou même cela ne me sera pas accordé ?
Bien qu’il ne le montrait jamais, Lucius était amer quant au fait qu’il ne possédait presque aucun don en la magie. Mais aujourd’hui il était seul, et il pouvait faire part de son ressentiment, même si celui-ci s'adressait principalement à lui-même…