La bataille contre les chimères avait eu lieu depuis un bout de temps, mais les blessures du Loup Solitaire étaient encore douloureuses. Les ecchymoses que lui avait infligées Basith avec sa masse, alors qu’Asmo avait pris le contrôle du corps de l’humain, lancinaient faiblement à chaque pas. Erdrak aurait dû s’arrêter un certain temps, sans son armure et se reposer pour accélérer et faciliter la guérison. Mais il se sentait appeler. Sinestra, sa fille ne l’attendait pas, mais il avait besoin de la revoir et surtout de savoir si elle était vraiment le fruit de son amour avec Lorelei. C’était si improbable et pourtant si évident, les sentiments que l’homme avait ressenti pour Lorelei ne pouvait que s’être concrétisés en donnant la vie. Tu me ferais presque verser une larme de pitié devant tant de niaiserie. La gamine, même si elle est ta fille, t’a déjà repoussé une fois, non, deux. Sans ménagement. Et toi tu crois que la troisième sera la bonne ? Asmo avait raison. Le Loups Solitaire se berçait d’illusion mais il avait besoin de savoir et de la revoir. Pourquoi ? Parce que sinon sa vie n’avait aucun but.
Le mercenaire était arrivé à Gloria en fin d’après-midi, accompagné de Vétéran, un mercenaire qu’il avait rencontré après la bataille contre les chimères. Ils s’étaient liés d’une amitié de guerriers, celle qui ne nécessite que le respect, et pas forcément de confiance. On pouvait les considérer maintenant comme amis, bien que ce ne soit pas l’amitié qui lie Erdrak et Alford. Pourtant, la Colère n’arrivait pas à se sentir à l’aise avec Vétéran, comme si elle la connaissait d’avant et avait un grief contre lui. Il est vrai que le Loup Solitaire avait l’impression de le connaitre, mais il était incapable de savoir d’où, ni pourquoi. Sa mémoire n’était pas exceptionnelle, Erdrak considérait que l’homme avait été croisé au cours d’une bataille, rien de plus, mais Asmo pensait à quelque chose de plus grave, de plus profond.
Errant dans Gloria, cette ville qu’il exécrait au plus haut point, il ne cherchait qu’un endroit, où dormir, manger avant de repartir pour le territoire elfique où il espérait rejoindre Sinestra. Pas question de rester plus longtemps que nécessaire. Erdrak avait maintenant suffisamment d’or pour ne pas avoir à prendre une mission d’escorte pour se payer le voyage. Il partirait à l’aube avec Akhela, laisser à une écurie à l’entrée de la ville. Les rues de la ville dépravée était bondée, ce qui énervait le mercenaire, qui se frayait un chemin, la hallebarde rangée dans un tissus, à la main, l’épée au côté. Il devait avoir fier allure dans son armure avec sa cape. Ou alors un aspect miteux à cause de la poussière accumulée par le voyage.
Elle est là, regarde ! Qui ça ? La vampire. Irina Faust. Celle de la grotte glacée. Et alors que veux-tu que j’y fasse. Elle vit à Gloria, C’est normal de la croiser. Va lui parler. Pour quoi faire. Parce qu’elle nous a sauvé la vie avec un enchantement. Tu ne t’en souviens peut-être pas avec ta mémoire de piaf, mais tu étais sous l’emprise de la magie de la sphère et elle t’a ensorcelé, ce qui m’a pleinement libéré et m’a permis de te sauver les miches, encore. Ce n’est pas dans tes habitudes d’être reconnaissant. Mais tu as raison, c’est la moindre des politesses. Le comportement d’Asmo était étrange. La Colère n’avait de gratitude pour personne et un respect que pour le sang versé. Bizarre qu’une vampire qui ait ensorcelé l’homme provoque tant d’émois chez la seconde personnalité du Loup.
Toutefois, force fut de constater la véracité d’Asmo. Erdrak avisa donc Irina assise à la fenêtre ouverte d’une taverne. L’homme entra dans la taverne et se plaça doucement à côté de la vampire, puis toussa doucement. Bonjour dame Faust. Cela fait longtemps depuis la grotte. Le mercenaire sembla hésiter. Erdrak ne savait pas trop quoi dire, mais Asmo prit la parole à la place de son maître. La Colère parla par la bouche de l’humain avec une voix douce et respectueuse, presque admirative. Le rictus sadique qui déformait habituellement les traits d’Erdrak quand Asmo prenait le contrôle, n’apparut pas, remplacé par une grande déférence. Vous rappelez vous de moi, je suis As… Erdrak Geflorth. Nous avons combattu ensemble. Je n’ai pas eu l’occasion de vous remercier pour m’avoir sauvé la vie, dans la grotte. Sans vie, qui sait ce qu’il me serait arrivé. Puis-je me joindre à vous ? J’aimerai savoir ce qu’il vous est arrivé, quand nous nous sommes séparés sans un au revoir.