Ennia naquit durant une nuit d'hiver, sombre et lugubre, le froid mordait la peau et la grêle se fracassait sur les habitations. C'est dans une petite chaumière qu'une femme accoucha d'une petite fille d'apparence normale. Elle apprit à marcher et parler assez tôt, son premier mot fut « Ennia », que ses parents décidèrent de lui donner en tant que nom, vu qu'ils ne s'étaient pas décidés avant. Elle grandit sans altérations, tout semblait aller, elle était souriante, joueuse et riait normalement.
Avec son père, elle apprenait l'univers et l'art du dressage des bêtes. Il ne donnait des leçons qu'à sa fille et un petit garçon qu'elle considérait comme son ami, qui était autant intéressé sur le sujet qu'elle. Gregori leur enseigna à tous les deux, les gestes, les mots et la pratique de son métier, travaillant au moins trois fois avec eux ses leçons sur la semaine.


Un jour, elle découvrit sa magie, quand elle blessa par inadvertance Ekyo. Ils s'étaient disputés sur une broutille et elle lui avait fait une blessure magique sur la joue. Ennia eu d'abord peur de ses pouvoirs, n'osant plus sortir de chez elle, c'est sa mère qui vint la réconforter et l'aider. Elle lui enseigna tout ce qu'elle savait sur cette magie dans laquelle elle avait aussi baignée durant son enfance. Très vite, Amoline remarqua que sa fille était douée, tout comme elle à l'époque, elle mémorisait vite et reproduisait sans grandes erreurs ses leçons.


Lors d'une après-midi d'automne, son père partit en expédition, pour trouver un soi-disant animal mystérieux, avec d'autres pratiquants de son art. Ennia pleura ce jour, elle s'en souviendra toujours comme si c'était hier. Son père lui caressant la joue, essuyant ses larmes en lui disant qu'il reviendrait. Pourtant, il n'est jamais revenu. Une sorte de dépression hanta la petite fille pendant un peu plus d'un mois, elle stoppa tout entraînements que son père lui avait apprit. C'est la bonté de ce petit garçon, Ekyo, qu'elle avait autrefois blessée et celle de sa mère, qui lui redonna le sourire. Avec lui, elle reprit son entraînement sur le dressage des bêtes, tout deux évoluaient en parfaite harmonie, Amoline pensait même à les fiancer malgré leur jeune âge.


Un soir où la lune arpentait sa forme pleine, le sommeil de la petite fille fut interrompu par des bruits venant du salon. Elle descendit les marches de bois qui craquelaient sous ses pieds, son ours serré contre elle pour se rassurer. Ennia s'approcha de la cheminée et découvrit sa mère, derrière le fauteuil, inconsciente et sans vie. Elle ne respirait plus et avait deux marques au niveau du cou, la petite fille était plantée sur ses deux jambes, non pas sans réaction mais, plutôt paniquée et tétanisée par l'ampleur de la situation. Son visage enfantin se décomposa, ses bras frêles lâchèrent sa peluche qui tomba dans un quasi silence sur le sol de chêne. Ennia resta figer un long moment avant de ramasser son ours en peluche à terre, elle ne tremblait pas, sa peur trop grande l'avait anesthésiée. Elle n'arrivait plus à parler seul quelques brefs sons à peine audibles sortaient de sa bouche. À ce même moment, une ombre passa devant elle, furtivement, elle n'eut pas eu le temps de distinguer la forme qu'elle sentit ses pieds décoller du sol comme si on la prenait dans ses bras mais sans être brusque.


- Oh mais qui voilà...! Une petite princesse orpheline, je ne pensais pas en faire ce soir.


L'homme tenait l'enfant à deux mains, il avait le teint pâle, les yeux noirs et deux dents plus longues que les autres. Son sourire mauvais et son air sarcastique reflétait un visage en proie au sadisme et à l'indifférence. Ennia était tétanisée et ne réagissait pas, elle tenta d'ouvrir la bouche pour dire un mot, mais plus rien n'en sortait, sa voix avait été aspirée au même titre que la vie de sa mère.


- Tu ne peux pas parler ? Ce n'est pas grave, tu n'as pas besoin de ta voix pour tuer.


Plus aucun mots ne sortaient de la bouche d'Ennia depuis ce soir-là. Ce traumatisme laissa en elle des plaies que personne ne pouvait guérir. Quant à son ravisseur, il était devenu comme un père de substitution. Il ne semblait pas si vieux, mais il lui offrit une chose qu'elle ne quitte plus aujourd'hui (tout comme sa peluche). Un paquet de cartes, des cartes spéciales avec dessus, représentés par le dessin ou l'écrit, des sentiments, des émotions, des désirs, des besoins... Maintenant elle s'exprimait par ses cartes dont elle ne se séparait plus. Il la choyait comme si c'était sa vrai fille et s'occupa même de son éducation. D'ailleurs, quand Soran l’amena dans son repaire, perdu au fond de la compagne, il y avait quelqu'un déjà. Ennia se souvient des mots du vampire, adressés à l'autre jeune fille.

- Voici une nouvelle petite sœur, occupe toi bien d'elle et surtout ne l'abîme pas.


Cette fille, qui était au passage à peine plus grande qu'elle de deux ans, ne lui avait jamais dit son nom, alors elle l'appelait « Grande Soeur » rien de très anormal. Toutes deux vivaient sous le même toit, cela dura un certain temps, mais sa « soeur » était gentille et prenait soin d'elle. Durant ce laps de temps, Ennia se concentra sur sa magie, cherchant à ne rien oublier de ce qu'elle avait apprit. Elle répétait quand elle était seule et assez souvent à ses moments, elle devenait nostalgique. Pleurant parfois en repensant à sa famille et même à son ami Ekyo. Elle se découvrit également un nouveau don, non pas pour la magie encore, mais pour la furtivité. Elle allait souvent chercher des choses en douce à l'extérieur et revenait toute fière de ne pas s'être fait prendre. Petit à petit, elle gagna agilité et discrétion dans ce domaine.


Un jour d'hiver, Soran et sa grande sœur disparurent tout deux sans laisser de traces. Elle ne la revit plus, sauf lui qui revint à la demeure pour la chercher elle, quelques jours après sa disparition. Il l'emmena dans sa chambre, l'habillant et la préparant comme une princesse. Il l'aida à enfiler sa plus belle robe aux teintes noires et violets, il lui parlait d'une voix douce, cela en était presque inquiétant. Ennia sentait un certain malaise s'installer mais, elle n'en tenu pas compte. Après que la petite fille sois ravissante et à croquer aux yeux de son père, il l'a prit par la main et ils sortirent de l'habitation. Durant cette promenade, ils traversèrent des chemins de campagne pour aller s'enfoncer dans les bois, la petite fille était de plus en plus anxieuse, jamais auparavant il ne l'avait emmené ici. Soudainement Soran s'arrêta et la prit dans ses bras, la contemplant avec un sourire plein de sous-entendus.


- Que tu es mignonne. J'aimerai que tu restes ainsi, aussi belle et jeune. Tu le veux toi aussi ?


Ennia fut de nouveau confuse, elle répondit en penchant la tête sur le côté avec un air interrogatif sur le visage. Que voulait-il dire ?


- N'as-tu jamais rêvée, petite fille, de pouvoir rester éternellement jeune et belle ?


La petite fille en question déglutit sur cette question qu'elle ne s'était jamais posée, elle était trop jeune pour y penser après tout. Elle secoua négativement la tête, son regard innocent fixant celui de Soran qui commençait à se froncer sous cette frustration naissante. Cet homme lunatique affichait désormais un air mauvais sous cette contradiction.


- Tu es encore trop jeune pour comprendre oui, tu as raison. C'est le souhait de tous humains d'accéder à cette jeunesse éternelle.


Ennia serrait la patte de son ours, faisant un signe pour que son « père » la dépose par terre. Étonnamment il obéit à sa requête, il s'assit même pour pouvoir la fixer, l'attirant dans ses bras. Rien d’ambiguë à ce niveau, il lui caressa gentiment les cheveux, se penchant dans le creux de son cou pour lui murmurer ces mots, un sourire carnassier sur les lèvres.


- Que ta mort soit douce et sans douleurs. Que ta renaissance soit belle et dans le sang.


Après avoir prononcé ces deux phrases, une vive douleur envahie le corps de la petite fille, cette douleur étant centrée au niveau de son cou. Deux choses pointues venaient de transpercer sa peau et pénétrer sa chair qui saignait à ce contact. Elle se rendit compte que Soran venait de la mordre, mais cette morsure n'était pas humaine et elle le savait quelque part. Ces deux trous qu'elle pouvait sentir se creuser dans son corps, elle se remémora la nuit de la mort de sa mère, revoyant cette marque à son cou. Ennia serra les poings sous la douleur, fermant les yeux elle ouvrait la bouche pour crier mais seulement des cris étouffés en sortait, ses sanglots étaient eux aussi silencieux. Elle frappa l'épaule de Soran d'un de ses poings, sans grande force, il attrapa sa main dans la sienne et l'enferma de manière à ce qu'elle ne puisse plus recommencer. Il la gardait collée contre lui, de manière à ce qu'elle cesse de gigoter et de se débattre. La petite fille frissonnait sous cette sensation, son sang qu'il pompait et sa vie qui s'évadait, son souffle qui était rapide de part son état de panique s'amoindrit progressivement. Elle ne bougea plus au bout d'un moment, laissant retomber son front sur l'épaule de Soran qui s'arrêta. Ennia venait de perdre connaissance à l'instant, il s'essuya la bouche du revers de la main et la porta comme une princesse dans ses bras.


Soran qui contemplait le corps pâlissant d'Ennia, fut surpris par un jeune homme en train de chasser, un vampire lui aussi à l'apparence d'adolescent. Un loup l'accompagnait, cette bête se lança à sa poursuite sous l'ordre de son maître, mais Soran réussi encore et toujours à s'échapper. En temps normal il les aurait tués, qu'importe le nombre, mais cette fois-ci il avait sa petite princesse dans ses bras et avant de se tacher les mains il devait la déposer ailleurs.


C'est donc sans surprise qu'il la ramena chez lui, dans son lit. Il la couvrit du draps jusqu'au niveau de sous les bras, la positionnant comme une princesse attendant son prince charmant, sauf que là elle était bel et bien sans vie. Après cela, Soran disparut et ne revint jamais, ne prenant aucun soin de laisser un mot à son réveil.


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Un jour plus tard, après cet acte délibéré fait par Soran, Ennia s'éveilla. Revivant comme si elle se réveillait naturellement. Elle ouvrit soudainement les yeux à son réveil, sous la surprise, mais aussi sous la peur. Sa main vint instinctivement toucher son cou, là où elle avait mal, elle sentit une marque à cet endroit. Sa mémoire et ses souvenirs défaillaient. Que faisais t-elle ici ? Depuis quand était-elle là ? Ses questions furent rapidement coupées par une odeur qui lui emplit le nez et une faim qui lui tiraillait les entrailles. Ce n'était pas une faim comme si elle avait manqué un repas, mais plutôt une soif pressante, une envie de sang.


Ses premières années de vie en tant que vampire furent éclairées d'une lumière rouge et baignées dans le sang et cela pendant un bon siècle. Sa soif en tant que nouvelle-née était effrayante, elle n'arrivait pas à se contrôler ni à s'arrêter. Elle commença à avoir peur d'elle-même et personne n'était présent pour l'aider. Ennia dut se débrouiller seule et ce fut les années les plus durent de sa nouvelle vie, tous les jours se ressemblaient.



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Arriva un jour, un jour qualifié de renaissance, il y a de cela 10 ans. On parlait de cela comme un miracle, la découverte de nouveaux dragons. Mais également, elle avait entendu parler du retour d'une race qui en glaçait le sang autant des elfes que des humains, du moins, c'est ainsi que les siens en parlait. Les vampires étaient revenus fouler le sol d'Armanda. Emmitouflée sous la capuche d'une cape sombre, Ennia écoutait, caché derrière des murs ou assise dans un coin. C'était sa principale occupation depuis 200 ans, écouter les nouvelles qui se tramaient aux quatre coins du monde. Sachant qu'elle ne sortait pas des souterrains il fallait bien se documenter à un moment, elle passait aussi le plus clair de son temps à bouquiner sur tous les documents magiques qu'elle pouvait trouver et généralement, c'est chez les nobles qu'elle en chapardait deux ou trois. Cela marchait durant un temps mais très vite elle dut stopper cette activité, du fait qu'elle fut à un moment presque attrapée la main dans le sac. Heureusement pour elle, après leur seconde rencontre, Aphaïa laissait la petite se servir librement dans ses ressources personnelles.



Un jour alors qu'elle vagabondait dans les rues souterraines, elle se mêla à une petite foule qui entourait deux personnes, une jeune fille à la chevelure de feu et un homme plus âge qu'elle. Les deux vampires se défiaient du regards puis ils lancèrent le combat. De part sa petite taille elle réussi à se faufiler pour être au devant de l'action et ainsi voir ce qu'il se passait. On aurait pu croire que c'est l'homme qui allait gagner vu sa poigne tandis que la fille elle était tout en agilité et précision. Contre toute attente c'est cette jeune fille, Aphaïa qui gagna le combat, l'humiliant publiquement d'une morsure et se retirant en embarquant la monture de cet homme.
Ennia était surprise de la tournure de ce combat de rue qui semblait à proprement banal dans un premier temps. Elle ancra dans sa mémoire le visage de la jeune fille, sûrement par admiration envers son acte, mais aussi par curiosité, pourquoi un tel combat ? Dans quel but ? Toutes ces questions resteraient pour le moment sans réponses.



Trois années après, de nouvelles rumeurs circulaient et elles semblaient en agiter bien plus dans le royaume obscur. Un nouveau peuple avec une nouvelle armée aurait débarqués sur le continent dans le but de prêcher et purifier toutes choses qu'ils qualifiaient d'impuretés. Plusieurs fois par jour elle entendait de nouvelles choses au sujet des Alayiens et du Néant. Notamment qu'ils étaient hostiles à toute magie, alors que celle-ci venait de renaître trois années de cela.


Le plus compliqué pour elle fut aussi d'échapper aux serviteurs du Néant. Ils n'épargnaient personnes de ce qu'elle entendait, du moins les personnes qui ne se soumettaient pas à leur politique. Ni elfes ni vampires, les humains quant à eux devaient suivre la voie du Néant ou périr et cette voie ci, était bien plus bénéfique et attractive pour eux que pour les deux autres races vouées à l'extermination. La haine des humains contre les vampires ne faisaient que se mêler plus amplement aux idéaux des alayiens qui semblaient maîtriser bien plus qu'eux ces créatures de l'obscurité. C'est à cette époque précisément qu'elle développa plus en profondeur ses dons pour la furtivité. Pour survivre, elle apprit donc à se spécialiser dans la discrétion, préférant ceci à un combat acharné dans le sang. Et puis grâce à son apparence juvénile et sa taille, elle passait finalement inaperçu dans les bains de foule. Par chance elle arrivait à leur échapper, plusieurs fois grâce à ses habilités, ses compétences étaient grandissantes de jour en jour dans ce domaine.


C'est en exécutant une mission pour un noble qu'elle eu vent d'une nouvelle qui en surprenait plus d'un. L'alliance des trois peuples autrement appelée, l'union des humains, des elfes et des vampires. De par l'avancée fulgurante des alayiens, l’Ordre Baptistral ne vit le salut de cette terre qu'en cet union. C'est grâce à leur message, destiné aux souverains des trois peuples et aux dragonniers, que cette affaire prit place. Leur actuel dirigeant engendra également une démarche de paix provisoire entre ennemis de toujours. Chacun y laissait ses opinions de côté, quant à eux, les vampires y laissaient leur fierté. Cet union rebelle étrangement contre nature suscita de nombreux soupçons, mais il fallait venir à l'évidence qu'un peuple seul était impuissant face aux alayiens. De plus, une partie du peuple humain, charmé par les paroles des envoyés du Néant, se léguèrent également contre cette alliance, préférant encourager l'avancée des alayiens sur le territoire.


Puis rapidement, sa vision du monde changea, notamment grâce au déclin que subissait le monde. Son quotidien d'avant elle le voyait avec de nouveaux yeux, plus perçant qu'avant. Son corps avait également changé elle pouvait le sentir, mais comment elle ne savait pas exactement. Ses sens étaient désormais plus accrus qu'avant.


Puis arriva un jour, un jour inhabituel. En ce jour, la créature qui avait volé le coeur du Néant, celui qui avait détruit les Perles de cette dernière, en ce jour, sa domination commença. Ennia se souvint encore de ce culte, cette théocratie liée à Vraorg le Blanc. A la tête de l'armée vampirique, sa progression sur l'empire humain était grandissante et rien ne semblait l'arrêter dans sa domination. Tous s'enchaînait, sa guerre contre les frères Esprits remuait sans cesse son apogée et tout ce passa vite, comme si l'histoire de ce déclin avait été prédit. Tout comme le sable rouge du désert, elle aussi se souvient de la défaite, la chute de Vraorg qui mit fin à ce culte et cette domination proliférante. Le dragon blanc n'était plus. C'est ainsi que le royaume vampirique changea de nouveau, encore et encore un nouveau dirigeant, il ne fallait plus les compter. L'ancienne théocratie laissa des marques assez virulentes sur le peuple vampirique, on raconte que des sectes complotent dans l'ombre dans l'espoir de faire renaître leur idole.

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Dix ans après l'annonciation du retour des vampires, de la renaissance de la magie et des dragons, Ennia n'avait pas grandement changée, du moins physiquement. Les événements passés comme les guerres et massacres l'avaient endurcis mentalement même si elle n'y avait contribué de manière physique. Au final elle avait réussi à trouver quelque chose qui lui convenait pour gagner un peu d'or, elle récoltait des informations ou allait en voler directement chez les personnes concernés. Son rôle discret et tout en furtivité lui plaisait, elle ne faisait pas spécialement attention aux motifs des contrats qu'elle avait et obéissait, accomplissant agilement sa tâche.