Le Palais d’Aldaria n’avait plus de secret désormais. Orfraie – dont les journées étaient « sans fin » - avait eut amplement le temps de le visiter, le découvrir et y prendre ses marques. Elle avait même mis à jour quelques passages secrets, pour son plus grand plaisir. Pour exercer son devoir, il n’y avait rien de plus pratique qu’une porte dérobée dont personne ne connaissait l’existence….

C’est à la sortie de l’une de ces portes dérobées que la vampiresse s’élança dans un couloir. Laurelin à la taille et vêtue d’une tunique elfique, elle marchait d’un bon pas lorsque le lièvre capta des bruits de pas. Curieuse, la Lame Ecarlate bifurqua et prit un autre chemin, se rapprochant ainsi de ces pas… Jusqu’à arriver à une intersection et reconnaître, de dos, sa propre cousine. Avec sa mémoire revenue, la savoir ici était particulièrement étrange mais également très plaisant… Astrea, par sa simplicité, était une compagnie qu’Orfraie trouvait agréable. Pouvoir se tenir face à un membre de son peuple – et de sa famille – sans subir un flot d’insultes étant particulièrement bien.

Toutefois, sa cousine avait également la fâcheuse manie de ne pas faire attention où elle m’était les pieds, ce qui pouvait paraitre très étonnant pour une elfe. Alors, lorsque la vampiresse vit la marche, elle s’élança dans le couloir et rattrapa à temps la blonde, l’attirant fermement contre elle. Grande par rapport à elle, Orfraie la libéra rapidement de ses bras avant que cette étreinte devienne étrange. Toutefois, c’était sans compter sur Astrea, qui prit fermement l’ancienne princesse dans ses bras. Levant les yeux au ciel, amusé, la Lame referma finalement ses bras autour des fines épaules de sa cousine.

- Im gelir ceni ad lîn, Astrea. (Je suis heureuse de te revoir à nouveau, Astrea). Et avec toute ma mémoire. Es tu bien certaine que ce vil adversaire n’était pas déjà là la semaine passée ? Questionna Orfraie en haussant un sourcil, un fin sourire aux lèvres.

Quoi ? N’avait-elle pas droit de taquiner sa cousine préférée ?

Cette belle journée se voyait désormais égaillée par cette rencontre fortuite avec sa chère cousine. Pareil à elle-même, Astrea répliqua rapidement, sûre d’elle, que cette fameuse marche n’était pas là la semaine dernière et donc qu’elle avait été déplacée dans l’unique but de la faire tomber en ce jour. Orfraie ne pu retenir un sourire, bien qu’elle tenta de le minimiser au maximum afin de ne pas froisser sa cousine.

- Presque sûre, n’est-ce pas ?

Le sourcil droit de la vampiresse se haussa tandis qu’un sourire en quoi naquit sur ses lèvres charnues. Ce qui était amusant, avec Astrea, était sa maladresse légendaire alors qu’elle était une femme très intelligente et une excellente stratège. Il était particulièrement difficile à croire cela lorsqu’on la croisait ainsi dans un couloir et qu’elle tenait ce genre de discours…

Les questions s’enchainèrent pour tenter de changer de sujet, ce qui amusa encore davantage la vampire. Sans jamais se départir de son sourire, elle observa sa chère cousine dire tout ce qui lui passait par la tête sans s’arrêter.

- Je me rendais au Siège des Lames. Disons que je n’ai pas de nuit et que mes jours me laisse le temps de faire énormément de chose…

Les sourcils se froncèrent tandis que Astrea portait son attention sur la tunique de la guerrière, commençant à jouer avec en plein milieu du couloir, si bien qu’Orfraie fit un pas en arrière afin de se soustraire aux doigts de sa cousine.

- Mais que fais tu donc ? N’importe qui pourraient nous voir.

Le ton était volontairement un peu dur, comme si la vampire prenait la place d’une grande sœur grondant sa cadette. Sans la quitter des yeux, Orfraie remit sa tenue en place, s’assurant que Astrea ne reviendrait pas à l’assaut pour tenter de la déshabiller pour de bon en plein milieu du Palais, à la vue de n’importe qui passant par là.

Ce très léger sourire en coin que l’aînée Ataliel avait sur les lèvres prouvait, effectivement, qu’elle prenait sa cousine à moitié au sérieux seulement. Sa maladresse n’était plus un secret, ni sa mauvaise fois lorsqu’elle se prenait – malencontreusement – une marche d’escalier. Astrea était tête en l’air et cela depuis toujours, alors il y avait peu de chance que cela change un jour, pas après tant de siècles passés. De toute façon, temps qu’elle parvenait à remplir son rôle, Orfraie n’avait rien à y redire et se contentait de sourire et de la taquiner comme elle savait si bien le faire. Ce que certain pouvaient prendre pour de l’orgueil fit seulement un peu plus sourire l’ancienne princesse. Venant d’Astrea, elle le prenait de façon légère, exactement comme elle l’avait dit.

Soudainement réprimandé par son aînée, Astrea s’arrêta nette et releva son regard, emplit d’incompréhension, vers celui d’Orfraie. La vampiresse s’était écartée et l’observait avec une certaine sévérité, bien que celle-ci disparue rapidement au profit d’une douceur plus commune. Face à la moue de l’Elfette, la Lame soupira. Astrea pouvait si facilement passer pour une jeune Elfe avec un tel comportement… Passer pour une adolescente alors qu’elle avait plusieurs siècles d’existence !

Portant sa main droite à son front, Orfraie sembla soudainement très amusée, ses lèvres s’étirant un peu plus encore – sans jamais dévoiler ses crocs – puis elle releva ses glaciers vers Astrea. Avait-elle fait quelque chose de mal ? Mise à part presque la déshabiller au milieu du couloir, non, elle n’avait rien fait de mal songea la vampiresse avec ironie… Mais cela ne semblait pas effleurer son esprit tête en l’air.

- Disons que déshabiller sa cousine au milieu d’un couloir est une mauvaise idée. Répondit-elle d’un ton léger tout en passant son bras par-dessus le sien afin de marcher à ses côtés, entraînant vers une destination inconnue. As-tu envie de faire quelque chose en particulier, chère Astrea ? Mis à part m’ôter mes vêtements… ou quoi que ce soit qui concerne des vêtements. Ajouta la guerrière après un regard vers la blonde.

C’est qu’elle connaissait les gouts de la Conseillère…

Bras dessus, bras dessous, les deux cousines paraissaient très proches, très complices. Où Orfraie emmenait-elle Astrea ? Elle-même ne le savait pas réellement, marchant selon son envie. Peut être que la jeune blonde avait une idée et pourrait en faire part à la plus âgée.

Le sous entendu dans sa réponse n’échappa pas à la vampiresse, qui laissa un sourire flotter sur ses lèvres quelques secondes, certaine que sa cousine ne s’était pas rendu compte de ce qu’elle venait de dire. Fort heureusement, même si cela était courant chez les Elfes, Orfraie n’était pas du genre à faire quoi que ce soit avec les membres de sa propre famille et surtout pas maintenant qu’elle avait Luna.

- Très bien. Voyons où nos pas nous mènent.

Contrairement à Astrea, Orfraie gardait une allure noble en se déplaçant, très loin des enfantillages de la blonde. Les mains jointes dans le dos, elle suivait toutefois sa cousine du regard, franchement amusée par celle-ci. Cependant, la vampiresse marqua un temps d’arrêt lorsque l’Elfe s’exprima de nouveau. Son regard devint soudainement plus dur tandis qu’elle s’était arrêtée au milieu du couloir. Pendant quelques instants qui parurent interminables, Orfraie fixa sa cousine sans rien dire, avant de soupirer en baissant la tête. Elle se remit ensuite à marcher.

- La Régente m’a donné la permission d’attaquer les bandits présents dans la région et dont la tête est mis à prix. A condition de ne pas créer de nouveaux Vampires. Répondit-elle sans détour, sa voix paraissant soudainement plus grave. Mais j’ai effectivement une source fixe : le sang gracieusement donnés par les Aldariens et qui sert au Commerce Écarlate.

La guerrière jeta un regard en biais à sa cousine, l’air de dire « je sais ce que tu es en train d’imaginer et non je ne te ferais pas le plaisir de répondre en ce sens. ». Astrea n’était pourtant pas si loin de la vérité, car Luna avait déjà offert son sang à la dragonnière de Jade, qui l’avait dégusté à sa juste valeur. La suite fit doucement rire Orfraie, qui dévoila ses crocs sans la moindre gêne, offrant un sourire à sa cousine.

- Ma vie depuis le Protectorat n’a pas était très trépidante, mis à part les derniers mois. J’ai aidé à reconstruire Estëllin après la mort de Vraorg, j’ai continué à guider les Rôdeurs et j’ai réintégré le Conseil… Ce fut assez ordinaire jusqu’à ce que… J’embrasse la nuit. Et toi, qu’à tu donc fais ? Te connaissant, je suis certaine que tu as plus de chose à raconter que moi.

Orfraie était un peu gênée. Elle tentait de dissimuler cela derrière un sourire parfaitement étudié – résultat de plusieurs siècles de politique – mais parler de sa façon de se nourrir était toujours une source de gêne, d’autant plus avec des personnes qui l’avaient connue mortelle. Même l’air candide et naïf de sa cousine ne suffisait pas à chasser ce sentiment qui étreignait quelque peu la poitrine de l’Ancienne Princesse…

Puis, aussi soudainement que brièvement, Astrea sembla s’attrister sous les yeux d’Orfraie.. Son regard devint plus sombre tandis que ses traits perdirent – pendant une fraction de seconde – toutes traces de joie. Un tel changement serait passé inaperçu pour un néophyte, mais Orfraie était un Lièvre, observatrice, et elle avait l’expérience de la politique – encore une fois – pour déceler les masques. Et celui que Astrea venait de plaquer sur son visage était parfait.

La surprise vint se peindre sur les traits délicats de la Lame lorsque la petite blonde évoqua Christan Weren. Orfraie s’attendait à beaucoup de choses mais pas à ce que l’Alayien ait aidé Astrea. Ses relations avec ce dernier étaient… Compliquées. Cordiales, puis compliquées à cause de sa perte de mémoire… Orfraie avait vaincu et humilié le combattant avant de finalement faire table rase – plus ou moins – en s’entraidant. Un léger sourire vint ensuite éclairer ses lèvres. Si Astrea était Conseillère, cela devait être du fait de Luna. Son Soleil aidait bien des gens et le fait qu’elle ait nommé sa cousine au Conseil avait un goût spécial.

Acceptant le bras d’Astrea, Orfraie lui sourit tendrement.

- Christan Weren, voilà un homme à la sombre réputation. Mais toi, tu sembles avoir percé son mystère ! Fit-elle avec entrain. Parle-moi de lui ! Comment est-il ? On dit que c’est un excellent guerrier, mais pas qu’il est sympathique…. Surtout avec les non-humains.

Christan Weren, voilà un sujet de conversation intéressant. Beaucoup, même, car Orfraie ne comprenait pas réellement comme cet homme avait pu prendre Astrea, une Elfe – Ataliel de surcroît – sous sa protection. Ainsi, la description que la blonde donna du guerrier fit grandement sourire la guerrière – dévoilant même ses crocs – tant elle était absurde à ses oreilles. « Effectivement, c’est étrange. Je connais Christan et, sincèrement, nous ne serons jamais amis. Il a essayé de me tuer. » Dévoila t-elle simplement. « J’avais fait une promesse dont je ne me souvenais plus du fait de ma transformation. Il n’a pas apprécié et m’a attaqué. » Mais elle l’avait aisément vaincu, le ridiculisant, même. « Nous avons fait la paix depuis, mais je ne l’apprécie pas vraiment. »

Orfraie ne pouvait qu’être sincère avec Astrea, ayant trop peur que cette dernière la pousse à aller voir le guerrier. La Vampiresse préférait rester loin de lui, cela valait mieux pour eux deux.

La question de sa cousine ne surprit guère l’ancienne princesse, qui posa ses glaciers sur elle. Astrea tentait de prendre des gants avec elle, sans pour autant refréner sa curiosité, et cela amusait Orfraie. « Le regard des autres. » Répondit t-elle en premier lieu, évoquant un fait guère surprenant. « J’étais une personnalité relativement connue du fait de mon ancien rang, les gens ont donc eut du mal à comprendre pourquoi j’étais ici. Mon statut de Vampire ne passe donc pas inaperçue, mais les Humains se montrent étonnamment compréhensifs, surtout ceux avec qui je travaille. Je pense que le fait que Luna ait fait de moi sa garde personnelle aide en ce sens. Le fait que je sois Dragonnière également. » Expliqua posément Orfraie, qui nota la présence des chaînes dans les mains de sa cousine sans pour autant baisser les yeux. « Les Elfes sont les pires. Pour eux, j’aurais dû choisir une mort honorable : mourir en tant qu’Elfe. La plus part me rejette, bien que j’en aie peu croisé ici, à Aldaria. » Le ton était plus froid, vibrant d’une colère contenue, mais aussi d’une douleur certaine. « Ce n’est pas facile, mais on s’habitue. » Rajouta la guerrière, fatalement. « Temps qu’il y a des personnes comme toi ou comme Luna, qui acceptent ce que je suis devenue… Ca ira. » Conclut t-elle en offrant un tendre sourire à la blonde.